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25/11/2024 | LUXEMBOURG | N°51831

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 novembre 2024, 51831


Tribunal administratif N° 51831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51831 2e chambre Inscrit le 15 novembre 2024 Audience publique du 25 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des

avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 51831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51831 2e chambre Inscrit le 15 novembre 2024 Audience publique du 25 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (République centrafricaine), de nationalité centrafricaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 7 novembre 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 novembre 2024 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Parina MASKEEN, en remplacement de Maître Frank WIES, et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 novembre 2024.

Il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement d’un « BRM » établi par le service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers en date du 20 janvier 2020, que Monsieur (A) fut transféré au Luxembourg le même jour par les autorités françaises dans le cadre de l’exécution d’une « Reprise Dublin ».

Le 21 janvier 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 29 mars 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 31 mars 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) que sa demande 1de protection internationale avait été rejetée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la République centrafricaine ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Par jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2024, inscrit sous le numéro 47383 du rôle, confirmé en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 7 mai 2024, inscrit sous le numéro 50094C du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de la décision ministérielle, prémentionnée, du 29 mars 2022.

Le 28 août 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, dénommé ci-après « le ministre », pria la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur (A) en vue de lui notifier une mesure de rétention, respectivement une interdiction d’entrée sur le territoire et afin de procéder au retrait du passeport de l’intéressé, signalement qui fut supprimé le 9 septembre 2024.

Par arrêté du 9 septembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres en date du même jour, le ministre prononça, à l’encontre de Monsieur (A), une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à partir de sa sortie de l’espace Schengen.

Par un arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification du prédit arrêté, sur base des motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 29 mars 2022, lui notifiée par courrier recommandé le 1ier avril 2022 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de 3 ans du 9 septembre 2024 ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Considérant que l’intéressé s’est présenté au Ministère des Affaires intérieures en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine en date du 20 juin 2024 ;

Considérant que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Considérant que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par un arrêté du 9 octobre 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre décida de proroger le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.

Par un arrêté du 7 novembre 2024, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre 2prorogea une nouvelle fois le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 9 novembre 2024. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 9 septembre 2024 et 4 octobre 2024, notifiés en dates des 9 septembre 2024 et 9 octobre 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 septembre 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 7 novembre 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus, en précisant qu’il aurait quitté son pays d’origine avec sa femme et ses enfants avec lesquels il aurait ensuite traversé le Cameroun, le Niger, le Nigéria, le Burkina Faso, le Sénégal et le Mali avant d’arriver en Mauritanie puis au Qatar. Il aurait, par ailleurs, obtenu un visa pour le Luxembourg.

En droit, le demandeur, en citant l’article 120, paragraphe 3 de la loi du 29 août 2008, critique les démarches entreprises en vue de préparer son éloignement, tout en donnant à considérer qu’il se trouverait au Centre de rétention depuis le 9 septembre 2024.

Il se réfère à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2010, inscrit sous le numéro 27478 du rôle, qui aurait retenu qu’il incomberait à la partie étatique de faire état et de documenter les démarches qu’elle est en train d’effectuer afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation et si les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises sont suffisantes en vue d’un éloignement ou d’un transfert rapide du demandeur, de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.

Il s’appuie ensuite sur deux jugements du tribunal administratif rendus les 12 juin 2003 et 8 septembre 2004 et inscrits sous les numéro 16497, respectivement 18627 du rôle, ayant retenu que les autorités devraient être diligentes et que la « prorogation d’une mesure de 3placement d[evrait] rester exceptionnelle et ne p[ourrait] être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rend[rai]ent nécessaire », avant de faire valoir que selon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », du 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-

Herzégovine (n°10112/16), l’éloignement d’une personne retenue devrait être une perspective réaliste.

En se prévalant d’un jugement rendu par le tribunal administratif le 5 octobre 2022 et inscrit sous le numéro 47991 du rôle, le demandeur soutient qu’une mesure de placement ne saurait avoir pour but de « pallier l’inertie des autorités administratives » auxquelles il incomberait de mettre en œuvre tous les moyens afin de réduire autant que possible la privation de liberté inhérente à toute mesure de placement, en faisant, plus particulièrement, valoir qu’en l’espèce son dossier administratif, tel qu’il aurait été communiqué à son litismandataire, resterait muet quant aux démarches réelles entreprises depuis la mesure de prorogation de son placement en rétention du 7 novembre 2024.

Il y aurait, dès lors, lieu de constater qu’aucune mesure « à caractère pro-actif » n’aurait été diligentée, alors qu’il serait retenu au Centre de rétention depuis plus de deux mois. Dans la mesure où il appartiendrait toutefois au ministre d’entreprendre toutes les démarches requises pour procéder à un éloignement rapide dans son chef, le demandeur conclut qu’il y aurait lieu de réformer la décision déférée et d’ordonner sa mise en liberté immédiate.

En se référant à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, qui serait la transposition en droit luxembourgeois de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables par les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », le demandeur fait valoir qu’il aurait appartenu aux autorités luxembourgeoises de rechercher d’abord « d’autres moyens moins coercitifs » permettant de garantir son éloignement avant de prendre une mesure de placement en rétention à son encontre.

Il s’ensuivrait que le ministre aurait violé le « principe de la subsidiarité du placement en rétention », alors qu’il n’aurait pas vérifié la possibilité d’un recours à des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence, l’obligation de se présenter régulièrement auprès « d’un service donné » ou encore le dépôt d’une garantie financière.

Le demandeur avance ensuite avoir adressé, par l’intermédiaire de son litismandataire, une demande de report à l’éloignement au ministre en date du 6 septembre 2024, demande qui aurait été réceptionnée par le ministère le 11 septembre 2024 et qui serait restée sans réponse.

Il fait, finalement, valoir que sa mise en liberté lui permettrait de soigner son état de santé afin d’éviter d’être à nouveau sujet à des crises d’épilepsie sinon d’angoisse, tel que cela aurait été le cas par le passé, tout en soulignant qu’il ne pourrait pas bénéficier au Centre de rétention des soins adéquats et qu’une aggravation de ses troubles serait à craindre « s’il restait enfermé de la sorte ».

Sur base de ces éléments, le demandeur conclut que la décision déférée serait à réformer et que sa remise en liberté immédiate devrait être ordonnée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

4 A titre liminaire, il convient de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En vertu de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont 5réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il convient de constater, qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 29 mars 2022, se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé que le recours introduit par l’intéressé contre la décision du ministre du 29 mars 2022 portant refus de lui accorder un statut de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte a été définitivement rejeté par la Cour administrative dans son arrêt du 7 mai 2024, inscrit sous le numéro 50094C du rôle, prémentionné.

Etant donné que l’intéressé a encore, par la décision, prémentionnée, du 9 septembre 2024, fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste toutefois en défaut de faire. Au contraire, le fait que Monsieur (A) ait introduit une demande en obtention d’un sursis à l’éloignement est manifestement de nature à conforter le constat d’un risque de fuite dans son chef, alors que cette demande traduit son intention de vouloir rester au Luxembourg.

Le ministre pouvait dès lors a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention et maintenir son placement afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

6 a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur dont il est constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’attaches stables dans le pays, n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

7suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes y visées s’impose, de sorte que l’application de mesures moins coercitives prévues par ledit article 125 de la loi du 29 août 2008 n’est pas envisageable en l’espèce, de sorte que l’argumentation afférente du demandeur encourt le rejet.

Si, de l’entendement du tribunal, le demandeur semble encore affirmer que son état de santé serait incompatible avec un placement en rétention, force est de constater qu’il ressort d’un certificat médical du 31 mai 2024, respectivement de la « lettre de sortie » du 23 janvier 2021 et du compte-rendu de sa prise en charge aux urgences du 31 janvier 2024 versés en cause, qu’il a fait trois crises d’épilepsie depuis 2021 et qu’il suit un traitement contre l’hypertension artérielle et antiépileptique, sans qu’aucune conclusion médicale en relation avec son maintien en rétention, respectivement une contre-indication avec son maintien en rétention, ne puisse en être tirée.

Par ailleurs, comme le demandeur a droit, en application de l’article 9 de la loi modifiée du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention, aux soins médicaux requis au cours de son séjour au Centre de rétention, la seule affirmation non autrement sous-

tendue selon laquelle « [sa] remise en liberté permettrait […] de soigner sa santé afin d’éviter d’être à nouveau sujet à des crises d’épilepsie sinon d’angoisse » est insuffisante pour remettre en cause le caractère approprié d’un maintien en rétention par rapport à sa situation personnelle.

En l’état actuel du dossier et à défaut d’autres pièces ou d’éléments qui corroboreraient que le demandeur nécessiterait une prise en charge, respectivement un suivi en milieu hospitalier, le tribunal est amené retenir que le moyen fondé sur une prétendue incompatibilité entre l’état de santé du demandeur et son placement en rétention doit être rejeté pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne enfin les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il convient de prime abord de préciser qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que de la décision du ministre ayant prorogé pour la deuxième fois la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur (A), de sorte qu’il ne lui appartient que d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Etant donné que les démarches effectuées depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré du 7 novembre 2024 s’inscrivent toutefois dans la suite de celles réalisées préalablement, il convient de préciser à cet égard qu’il ressort du dossier administratif que suite au placement du demandeur au Centre de rétention en date du 9 septembre 2024, le ministre a contacté, par courrier du 11 septembre 2024, l’Ambassade de la République centrafricaine à Bruxelles en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef du demandeur, tout en lui communiquant une photo de l’intéressé, une copie de son passeport centrafricain périmé en date du 7 novembre 2023, une copie de son acte de naissance, ainsi qu’une copie de sa carte d’identité centrafricaine et en précisant qu’il pourrait être procédé à l’audition de celui-ci afin d’obtenir de plus amples renseignements quant à son identité. Par courrier électronique du 13 septembre 2024, le premier conseiller de l’Ambassade de la République centrafricaine à Bruxelles a répondu aux autorités ministérielles vouloir procéder à l’audition de Monsieur (A), tout en proposant différentes dates à cette fin. Il ressort ensuite d’une note au dossier du 19 septembre 2024 qu’une entrevue par vidéoconférence en vue de l’identification du demandeur a eu lieu en date du 18 septembre 2024, durant laquelle celui-ci a été auditionné par le premier conseiller de l’Ambassade de la 8République centrafricaine à Bruxelles et qu’à l’issue de cette entrevue, ce dernier a informé les autorités luxembourgeoises devoir se concerter avec l’Ambassadeur de la République centrafricaine à Bruxelles afin de clarifier si le demandeur possède la nationalité centrafricaine, tout en précisant qu’il serait éventuellement nécessaire de procéder à une deuxième entrevue avec l’intéressé en vue de son identification. Il se dégage encore du dossier administratif que par courriers électroniques des 10 octobre et 4 novembre 2024, les services ministériels se sont enquis de l’état d’avancement du dossier au sujet de la délivrance d’un document de voyage, respectivement d’un laissez-passer dans le chef du demandeur.

En ce qui concerne les démarches entreprises par les autorités ministérielles depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré du 7 novembre 2024, portant une deuxième fois prorogation de la mesure de placement au Centre de rétention, il convient de constater que les autorités ministérielles ont réitéré, par courrier du 18 novembre 2024, leur demande de délivrance d’un laissez-passer dans le chef du demandeur.

Au vu des diligences ainsi déployées par les autorités ministérielles luxembourgeoises, actuellement tributaires de la collaboration des autorités centrafricaines, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier, les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 et que les contestations du demandeur y relatives sont à rejeter.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 25 novembre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 51831
Date de la décision : 25/11/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-11-25;51831 ?

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