Tribunal administratif N° 49950 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49950 2e chambre Inscrit le 19 janvier 2024 Audience publique du 25 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49950 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), et de son épouse, Madame (B), née le … à … (Algérie), agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs communs, (C), née le … à … (Algérie), (D), née le … à …, (E), né le … à …, et (F), née le … à …, tous de nationalité algérienne et demeurant ensemble à L-…, tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 20 décembre 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mars 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Michel KARP et Madame le délégué du gouvernement Danitza GREFFRATH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 novembre 2024.
Le 11 août 2022, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leurs enfants mineurs communs (C), (D), (E) et (F), ci-après désignés ensemble par « les consorts (AF) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, entretemps devenu le ministère des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et celle de sa famille, ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
1Il se dégage d’une recherche effectuée à la même date dans la base de données du système d’information sur les visas (VIS) que le 29 mai 2022, l’Espagne avait délivré aux les consorts (AF) des visas court séjour, valables du 2 juin au 1er septembre 2022.
Le 16 août 2022, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».
Le 26 août 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues espagnols une demande de prise en charge des consorts (AF) sur base de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par les autorités espagnoles le 6 septembre 2022.
Par décision du 22 septembre 2022, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (AF) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner leurs demandes de protection internationale et de les transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne sur base de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III.
Par courrier de leur litismandataire du 2 novembre 2022, les consorts (AF) introduisirent auprès du ministère une demande de sursis à l’éloignement au sens des articles 130 à 132 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Cette demande fut refusée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 novembre 2022.
Par décision du 28 décembre 2022, le même ministre refusa encore de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, respectivement pour des raisons médicales au sens de l’article 131, paragraphe (2) de la même loi, introduites par les consorts (AF) auprès de la direction de l’Immigration par courrier de leur litismandataire du 16 décembre 2022.
Par courrier du 10 mars 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (AF) que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leurs demandes de protection internationale introduites le 11 août 2022, en vertu des dispositions de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.
En date des 4 et 11 avril 2023, respectivement 21 avril 2023, Monsieur (A) et Madame (B) passèrent chacun un entretien auprès du ministère sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.
Par décision du 20 décembre 2023, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », rejeta les demandes de protection internationale des consorts (AF), tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :
2 « […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 11 août 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre propre compte ainsi que pour le compte de vos enfants (C), née le … à …/Algérie, (D), née le … à …/Algérie, (E), né le … à …/Algérie et (F), née le … à …/Algérie, tous de nationalité algérienne.
Avant tout autre développement en cause, il s’agit de noter qu’il ressort de vos rapports d’entretien Dublin III qu’en janvier 2020, vous auriez voyagé à Metz, puis vers le Luxembourg pour vous enregistrer à la commune et que vous auriez laissé vos enfants en Algérie. Vous seriez par la suite retournés en Algérie. Deux semaines plus tard, vous seriez repartis en famille pour gagner Metz, puis le Luxembourg, où vous seriez restés pendant une vingtaine de jours avant de retourner en Algérie. Après une vingtaine de jours passés en Algérie, vous seriez reparti seul du pays et vous seriez revenu au Luxembourg en mars 2021, où vous seriez alors resté pendant deux jours, avant de supposément rentrer en Algérie.
Il y a ensuite lieu de rappeler qu’en date du 22 septembre 2022, vous avez été informés que le Luxembourg ne procédera pas à l’examen de vos demandes de protection internationale et que vous serez transférés en Espagne, pays responsable de l’examen de celles-ci sur base du règlement « Dublin III ». Le 2 novembre 2022, vous avez introduit une demande d’un sursis à l’éloignement, qui a été refusée par décision du 18 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, une première tentative de vous transférer en Espagne a échoué alors que, lorsque la police est venue vous récupérer dans votre foyer, vous avez refusé de préparer vos valises tout en faisant part de votre désaccord avec la décision ministérielle ordonnant votre transfert en Espagne.
Par ailleurs, vous, Madame, avez en plus apparemment simulé une crise tout en vous époumonant contre les policiers. En l’absence de médecins, les policiers présents n’étaient pas en mesure d’évaluer si vous, Madame, tenteriez en plus d’abuser de médicaments dans le cadre de votre crise. En outre, personne n’a voulu révéler à la police quelle école vos enfants fréquenteraient, lesquels avaient déjà quitté le foyer, de sorte que votre transfert en Espagne a dû être annulé.
Le 16 décembre 2022, votre mandataire avait introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires sinon pour raisons médicales, demande ayant été refusée par décision du 28 décembre 2022. Le 5 janvier 2023, vous avez été informés que vous seriez transférés en Espagne le 12 janvier 2023. Ce transfert a encore dû être annulé alors que vous, Madame, étiez hospitalisée depuis début novembre 2022. Le 31 janvier 2023, vous avez été informés de la nouvelle date de votre transfert vers l’Espagne prévu pour le 8 février 2023. Ce transfert a encore une fois été annulé alors que vous, Madame, étiez toujours hospitalisée. Le 10 mars 2023, vous avez été informés que le Luxembourg est devenu responsable de l’examen de vos demandes de protection internationale alors que le délai prévu par la loi pour votre transfert vers l’Espagne avait expiré.
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations 3En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 août 2022, vos rapports d’entretien « Dublin III » du 16 août 2022, votre rapport d’entretien, Monsieur, des 4 et 11 avril 2023, et le vôtre, Madame, du 21 avril 2023, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes.
Monsieur, vous déclarez être de nationalité algérienne, d’ethnie kabyle, être marié et être originaire de …/Algérie. Entre 1992 et 2018 vous auriez été militaire et vous auriez dernièrement occupé le grade de … et travaillé comme « … » (p. 2 de votre rapport d’entretien).
Depuis août 2018, vous seriez retraité avec le statut d’officier supérieur retraité en réserve.
Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu’un dénommé (G), qui serait général de l’armée, aurait proféré des menaces contre vous. En cas d’un retour en Algérie, vous craindriez qu’il ne vous tue, qu’il ne vous emprisonne ou encore des représailles contre votre famille.
Vous expliquez vous trouver en situation de conflit avec cette personne alors qu’en 2016, vous auriez acheté un appartement grâce à un quota auquel aurait droit les membres du ministère de la défense dans le cadre de l’…. En 2021, vous auriez déposé une plainte contre cette entreprise afin qu’elle ne vous donne les clés de l’appartement. Le 27 décembre 2021, un tribunal aurait retenu que l’entreprise aurait fait son travail correctement et que la remise des clés reviendrait au ministère de la défense. Le 16 mars 2022, le juge aurait finalement rejeté votre plainte. Vous parlez dans ce contexte de trafic d’influence et de corruption en accusant ledit général (G) d’être intervenu auprès du juge. Le 4 avril 2022, vous auriez toutefois reçu par le président du tribunal une ordonnance pour ouvrir cet appartement en compagnie d’un huissier.
Vous expliquez dans ce contexte que les clés de l’appartement auraient été en possession du général alors qu’il aurait falsifié des documents avec la complicité d’une dénommée (H) qui serait … au sein de ladite entreprise. Vous auriez du coup fait ouvrir l’appartement en compagnie d’un huissier de justice et vous vous y seriez installé avec votre famille le 20 avril 2022. Depuis, vous auriez été « harcelé par les hommes du Général » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Le 21 avril 2022, (G), accompagné de deux gendarmes, aurait frappé à votre porte. Vous lui auriez demandé les papiers de la maison et auriez appelé la police. Ils seraient repartis avant l’arrivée des policiers qui vous auraient conseillé de déposer plainte, mais auraient abandonné l’idée en apprenant que la personne visée serait le général.
Le 25 avril 2022, un huissier de justice serait passé chez vous pour vous transmettre une convocation pour vous présenter à son bureau où il vous aurait demandé les papiers de la maison en vous expliquant que les documents du général informant que l’appartement serait à lui, seraient plus anciens. Il vous aurait par conséquent conseillé de quitter les lieux pour éviter un procès. Ledit huissier de justice aurait en outre dressé des procès-verbaux « en complicité avec le Général » (p. 5 du rapport d’entretien) dans lesquels il vous aurait accusé d’occupation illégale de l’appartement et d’atteinte au « caractère sacré d’autrui » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Le 8 mai 2022, le général aurait déposé plainte contre vous moyennant lesdits procès-verbaux. Le 11 mai 2022, vous auriez été convoqué chez l’huissier de justice et une audience aurait été fixée au 30 mai 2022. Le 17 mai 2022, vous auriez reçu une convocation pour vous présenter à la police, où on vous aurait expliqué qu’une plainte aurait été déposée contre vous et qu’une enquête serait ouverte. Le 19 mai 2022, vous auriez été convoqué chez un autre huissier de justice qui vous aurait à nouveau demandé les documents de l’appartement et qui aurait dressé un nouveau procès-verbal. Le 30 mai 2022, dans le cadre d’une audience, le juge vous aurait transmis les documents remis par le (G) ensemble avec sa plainte. Vous auriez soigneusement analysé ces documents et découvert qu’il les aurait falsifiés. Vous auriez 4découvert cela en introduisant les codes de ces documents dans la « plateforme de l’entreprise » (p. 5 de votre rapport d’entretien) qui vous aurait alors donné le mot de passe et d’utilisateur du général et accès à son profil. Pendant tout ce temps, vous auriez continué à séjourner dans l’appartement en précisant que les harcèlements auraient continué. Après avoir donné vos preuves de falsification à votre avocat, ce dernier aurait déposé plainte le 26 juin 2022 et le 20 juillet 2022, vous auriez été entendu par un juge d’instruction.
Le 29 juillet 2022, à cause de votre plainte, le général vous aurait appelé en menaçant votre famille de représailles, de vous tuer ou de vous emprisonner si vous ne quittiez pas l’appartement. Le lendemain, vous auriez découvert que vos compteurs de gaz et d’électricité auraient été enlevés par la « bande du Général » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous auriez en outre voulu déposer plainte « verbalement » (p. 6 de votre rapport d’entretien) contre le général mais les policiers n’auraient pas voulu l’enregistrer en vous répondant que l’affaire serait pendante devant la justice. Craignant pour votre sécurité, vous auriez alors immédiatement quitté l’appartement avec votre famille et vous vous seriez installés chez votre beau-frère jusqu’au 9 août 2022. La plainte déposée par le général aurait été classée alors que vous auriez pu prouver que ses documents seraient des faux et que vous seriez en possession des documents originaux. Vous ne risqueriez du coup plus de peine d’emprisonnement. En octobre 2022, votre avocat aurait expliqué à votre beau-frère que le juge d’instruction aurait classé l’affaire liée à votre plainte alors qu’il n’y aurait pas eu falsification de documents selon lui. Vous dites toutefois aussi qu’il n’y aurait pas encore eu de jugement parce que votre avocat reporterait l’audience dans le but de récolter des preuves de falsification de documents.
Le 9 août 2022, vous et votre famille avez quitté l’Algérie en voyageant vers l’Espagne munis de visas émis par les autorités espagnoles le 29 mai 2022, valables du 2 juin 2022 au 1er septembre 2022. Vous auriez ensuite pris un bus pour gagner Nancy, puis Metz, où vous auriez pris un train pour venir au Luxembourg. Il ressort dans ce contexte du rapport d’entretien Dublin III que vous n’auriez pas voulu introduire une demande de protection internationale en Espagne parce que la langue et la culture seraient très différentes. En plus, vous n’auriez pas réussi à communiquer avec l’hôpital dans le cadre d’une hospitalisation de votre fille. Vous n’auriez en outre pas voulu rechercher une protection en France parce que les autorités françaises vous auraient refusé une demande de visa en 2022. Vous ajoutez, dans le cadre de votre entretien visant vos motifs de fuite, que l’Espagne ne serait pas un pays sûr dans votre chef puisque les autorités espagnoles auraient déjà renvoyé des militaires en Algérie. Dans ce contexte, vous affirmez également avoir introduit une demande de protection internationale parce que vous seriez désormais considéré comme déserteur alors qu’en tant que réserviste, vous auriez l’obligation pendant cinq ans de notifier tout changement d’adresse ou déplacement à l’étranger. Vous ne sauriez pas quelles sanctions vous risqueriez « mais c’est automatiquement la prison » (p. 4 de votre rapport d’entretien).
Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous craindriez pour votre sécurité parce qu’en date du 29 juillet 2022, (G) aurait appelé votre époux pour proférer des menaces contre votre famille. Vous précisez notamment que votre fille aurait remarqué que des personnes l’auraient filmée sur le balcon et, lorsque vous seriez sortie, vous auriez remarqué des personnes en train de vous prendre en photo. Vous auriez en outre aperçu deux personnes filmer votre porte d’entrée. Vous n’auriez pas voulu rechercher de protection en Espagne alors que les gens y seraient « différents » (p. 4 de votre rapport d’entretien Dublin III) et à cause des problèmes de langue. En plus, l’Espagne aurait déjà renvoyé des militaires en Algérie et ne serait du coup pas un pays sûr pour vous.
5 A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
- vos passeports algériens et ceux de vos enfants, ainsi qu’une copie de votre acte de mariage ;
- des copies de documents de votre déclaration d’arrivée à Luxembourg-Ville le 2 décembre 2019 et de votre changement de résidence ;
- des documents de votre hospitalisation au Luxembourg, Madame ;
- votre plainte contre « (G) » du 26 juin 2022 et un « procès-verbal d’audition » du 20 juillet 2022, Monsieur, concernant cette plainte déposée contre « (G) » ;
- un « extrait d’avis de fin de service » du Ministère de la Défense informant de votre mise en retraite sur demande à partir d’août 2018, Monsieur, ainsi qu’un « état descriptif et services » de votre parcours militaire ;
- la copie non datée d’une « attestation d’affectation » de la part de l’… (…) devant permettre l’octroi d’un prêt bancaire ;
- la copie d’une « demande d’établissement d’acte d’hypothèque » datée au 2 février 2021, la copie d’une notification de remboursement d’un prêt, ainsi que la copie d’une attestation que vous êtes bénéficiaire d’un crédit hypothécaire, Monsieur ;
- le jugement du 16 mars 2022, ayant notamment retenu que votre demande de vous voir remettre les clés par ladite entreprise aurait été précoce « puisqu’il n’a présenté aucune constatation d’achèvement des procédures de vente et l’élaboration de l’acte de vente entre lui et la demanderesse » ;
- une « requête introductive d’instance » introduite par « (G) » dans le cadre de l’audience du tribunal de … du 30 mai 2022, informant notamment que l’… aurait constaté une erreur dans le cadre de la distribution des appartements et que « lorsqu’elle s’en est rendue compte, elle a annulé la décision d’attribution temporaire pour le défendeur et l’a remplacé par une autre décision liée au logement qui devait être accordé au défendeur depuis le début, qui est situé (…), cependant le défendeur est toujours insiste et s’accroche à la première décision de pré-affectation, et ce malgré le fait que la dernière décision annule toutes les décisions précédentes, comme il est prévu par la loi » ;
2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette 6crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Il échet de constater que vos demandes de protection internationale reposent essentiellement sur le fait, que vous, Monsieur, vous estimeriez lésé dans le cadre d’un achat d’appartement, en reprochant à la partie adverse d’avoir falsifié des documents pour s’approprier la propriété de cet immeuble. Vous supposez avoir été victime de cette prétendue injustice alors que la corruption règnerait en Algérie, respectivement entre des employés de l’… et ledit général et que ce dernier aurait ainsi voulu s’enrichir sur votre dos. Or, votre supposé conflit vous opposant à (G) ou (G), pour autant qu’il soit avéré, ne repose ainsi nullement sur votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social, mais il s’agit clairement d’un conflit concernant la propriété d’un immeuble relevant du droit privé algérien. Il s’ensuit que le motif principal à la base de vos demandes de protection internationale ne rentre donc clairement pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 et ne saurait par conséquent pas non plus justifier dans vos chefs l’octroi du statut de réfugié.
A cela s’ajoute qu’il ne saurait pas non plus être retenu que les faits mentionnés revêtiraient un degré de gravité suffisant au point de pouvoir être définis comme étant des actes de persécutions au sens des textes précités. En effet, il ressort uniquement de vos dires que vous vous trouveriez en désaccord avec (G) ou (G) depuis l’emménagement dans ledit appartement en avril 2022, suite auquel il serait une fois venu frapper à votre porte et vous aurait une fois appelé pour proférer des menaces envers vous et votre famille. A cela s’ajoute que des inconnus auraient démonté vos compteurs de gaz et d’électricité. Le reste de votre récit se résume à des déclarations en lien avec les plaintes et les procédures légales qui auraient été lancées de part et d’autre afin que les tribunaux algériens se prononcent sur la question de la propriété dudit appartement. De tels faits ne sauraient néanmoins pas être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève.
Ce constat vaut encore davantage qu’il ne saurait pas non plus être retenu que vous n’ayez pas pu compter sur la protection des autorités algériennes, voire, que celles-ci aient été dans l’incapacité de vous aider et de vous permettre de faire valoir vos droits en Algérie. Vous avez en effet eu accès à la police et à la justice, vous avez pu déposer plainte contre (G) ou (G) et vous avez pu être défendu par votre avocat dans le cadre de vos procès. Si vous estimez certes que vous n’auriez pas eu gain de cause à cause d’une prétendue corruption au sein de différentes institutions algériennes, cette seule allégation nullement prouvée ou ne serait-ce qu’appuyée par des quelconques pièces, ne saurait suffire pour contrebalancer ce constat, ce d’autant plus que vous confirmez par ailleurs qu’en date du 4 avril 2022, le président d’un tribunal vous aurait donné gain de cause grâce à cette ordonnance qui vous aurait permis d’ouvrir la porte dudit appartement en présence d’un huissier de justice. De même, vous prétendez qu’un huissier de justice vous aurait initialement informé que les documents du général concernant la possession dudit appartement seraient plus anciens que les vôtres et que 7vous devriez par conséquent quitter les lieux, mais que vous auriez par la suite porté plainte et eu gain de cause alors que vous auriez pu prouver que les documents en question seraient des faux. Vous affirmez dans ce même contexte que la plainte du général déposée contre vous, aurait été classée et que vous ne risqueriez par conséquent plus de peine de prison.
On peut encore ajouter, Monsieur, que vous êtes, tel que déjà relevé par le jugement susmentionné du 16 mars 2022, resté en défaut de corroborer vos dires par des pièces concrètes. Si vous versez certes des documents qui prouvent que vous auriez pu bénéficier d’un prêt immobilier et que vous vous êtes trouvé en procès avec (G) ou (G), vous ne versez pas de preuve certifiant que vous auriez bien été le propriétaire de l’appartement en question, tel un acte de vente ou de propriété ou de possession. Le constat qu’un juge aurait notamment retenu que votre demande de vous voir remettre les clés par ladite entreprise aurait été précoce « puisqu’il n’a présenté aucune constatation d’achèvement des procédures de vente et l’élaboration de l’acte de vente entre lui et la demanderesse » ne suffit en tout cas manifestement pas pour conclure à un jugement arbitraire dont vous auriez été victime à cause d’un prétendu acte de corruption.
Force est en effet de constater que vous confirmez ne pas posséder d’acte notarié attestant que vous seriez à percevoir comme propriétaire de l’appartement alors qu’« il n’y a pas encore d’acte notarié car le dossier administratif n’est pas encore terminé » (p. 12 de votre rapport d’entretien). A cela s’ajoute que vous confirmez en plus que vous ne sauriez en fait pas qui serait désormais perçu comme propriétaire de l’appartement par les autorités algériennes, « je ne sais pas. Je l’ai fermé et je suis parti parce que c’était impossible d’y vivre à cause des menaces de la part du Général » (p. 8 de votre rapport d’entretien).
Il ressort en outre de la « requête introductive d’instance » susmentionnée que l’… vous aurait en fait informé à une date inconnue et par une nouvelle décision qu’une erreur se serait produite de leur côté dans le cadre de l’« attribution temporaire » et que vous seriez en fait propriétaire d’un autre appartement que celui en question et « qui devait être accordé au défendeur depuis le début ». A part le fait que vous ne perdez mot sur cet élément dans le cadre de votre récit, il y a encore lieu de soulever qu’au vu de cette requête, vous ne voudriez toutefois pas accepter cette nouvelle décision de l’… en vous accrochant « à la première décision de pré-affectation, et ce malgré le fait que la dernière décision annule toutes les décisions précédentes, comme il est prévu par la loi ».
Au vu de tout ce qui précède, il ne saurait en tout cas manifestement pas être retenu que vous ayez été traité de façon injuste par les autorités algériennes, ni qu’il ne vous serait pas possible de faire valoir vos droits chez vous, le fait que vous n’approuveriez pas les décisions juridictionnelles des autorités algériennes n’étant manifestement pas concluant dans ce contexte. Ce constat vaut d’autant plus qu’il ne ressort pas de vos explications où s’en trouverait l’affaire actuellement alors que vous prétendez d’un côté que vous ne le sauriez pas, que vous auriez tout simplement fermé votre appartement avant de partir vivre chez votre frère puis de partir pour l’Europe, mais de l’autre côté, qu’en octobre 2022, votre avocat aurait expliqué à votre beau-frère que le juge d’instruction aurait « fermé » (p. 9 de votre rapport d’entretien) le dossier lié à votre plainte alors qu’il n’y aurait pas eu falsification de documents selon lui. Vous prétendez toutefois aussi qu’il n’y aurait pas encore eu de jugement concernant la question de de la propriété dudit appartement parce que votre avocat reporterait l’audience dans le but de récolter des preuves de falsification de documents, de sorte à manifestement mettre les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité de voir plus clair dans cette affaire.
8Sur base de tous ces constats, il faut en tout cas conclure que vos prétendues craintes de vous faire tuer par ledit général en cas d’un retour en Algérie, de vous faire emprisonner ou de voir votre famille subir des représailles, doivent être définies comme étant totalement hypothétiques et infondées. D’autant plus que ce général se donnerait donc apparemment la peine de recourir à des démarches officielles et légales pour faire valoir ses propres droits.
Enfin, que votre situation en Algérie n’est nullement si grave au point de pouvoir être définie comme une persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 se trouve davantage confirmé par votre comportement adopté en Algérie, de même que depuis votre départ pour l’Europe. Ainsi, vous prétendez craindre pour votre vie depuis que (G) ou (G) vous aurait menacés en date du 29 juillet 2022. Or, force est de constater que vous bénéficiez de visas émis par l’Espagne, valable dès le 2 juin 2022, mais que vous n’avez finalement quitté votre pays qu’en date du 9 août 2022, en préférant inexplicablement et incompréhensiblement de continuer à vivre pendant des mois chez votre (beau-)frère plutôt que de tout simplement quitter le pays. En plus, pendant tout ce temps d’attente inutile, vous ne faites pas état d’une quelconque menace proférée contre vous, d’une agression ou ne serait-
ce que d’un incident concret dans lequel vous auriez été impliqué.
A cela s’ajoute que votre comportement adopté en Europe ne correspond pas non plus à celui de personnes réellement persécutées ou à risque d’être persécutées alors qu’on doit pouvoir attendre de telles personnes qu’elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Il ressort toutefois de vos dires qu’après votre départ officiel à destination de l’Espagne, vous n’y auriez recherché aucune forme de protection, avant de vous décider de gagner la France, où à nouveau, le réflexe de rechercher une protection ne vous est pas venu.
Pour être complet on peut encore ajouter que vos tentatives de justification de votre choix de ne pas introduire une demande de protection internationale, notamment en Espagne, ne tiennent pas non plus la route. En effet, à part les arguments plus que superficiels concernant une prétendue « différence » des Espagnols et des problèmes de langue, vous tentez de justifier cette absence de recherche d’une protection par le fait que des militaires algériens auraient déjà été renvoyés en Algérie par les autorités espagnoles. Or, hormis le constat que vous n’êtes, depuis 2018, plus à considérer comme un militaire mais bien un réserviste, il échet surtout de relever que dans le cas d’une réponse négative à une demande de protection internationale, le ressortissant de pays tiers est toujours sous l’obligation de quitter le territoire de l’Union européenne et de retourner dans son pays d’origine et ceci indépendamment du fait que le demandeur débouté ait la qualité de militaire ou non et peu importe l’Etat européen qui aurait analysé sa demande de protection internationale.
Enfin, Madame, Monsieur, pour être complet concernant votre comportement en Europe, on peut encore noter qu’il est totalement incompréhensible pourquoi vous avez déjà entrepris en 2019 des démarches pour vous inscrire dans une commune au Luxembourg alors que vos prétendus problèmes en Algérie n’auraient donc commencé que vers 2021, suivis de la prétendue menace de juillet 2022, qui vous aurait alors fait prendre le choix de quitter l’Algérie pour venir vous installer au Luxembourg.
Quant à votre allégation, Monsieur, selon laquelle vous seriez désormais à considérer comme étant un déserteur alors que vous n’auriez pas informé les autorités algériennes de votre départ du pays et que vous risqueriez par conséquent une peine d’emprisonnement en Algérie, il y a en premier lieu de soulever que vous ne semblez même pas vous être informé quant aux peines que vous risqueriez encourir. En effet, invité à expliquer ce que vous 9risqueriez en tant que militaire retraité en cas d’un retour en Algérie, vous dites « des sanctions. (Quelles sanctions ?) Je ne sais pas exactement mais c’est automatiquement la prison » (p. 4 de votre rapport d’entretien), de sorte que la gravité de votre prétendue situation et de vos prétendues craintes ne saurait nullement être retenue dans ce contexte.
A cela s’ajoute qu’un Etat a évidemment le droit de se constituer une armée et de recruter des citoyens, respectivement de se constituer une réserve militaire, tout comme il a le droit d’imposer des sanctions à ses citoyens qui refuseraient de suivre les règles liées à leur engagement au sein de l’armée. Dans ce contexte, il s’agirait donc en premier lieu de noter que vous auriez été parfaitement au courant des règles applicables alors que vous précisez qu’en tant que réserviste, vous auriez l’obligation pendant cinq ans de notifier tout changement d’adresse ou déplacement à l’étranger, ce que vous auriez donc volontairement - à supposer vos dires avérés - omis de faire. En ayant pris votre retraite le 1er août 2018, vous auriez donc été considéré comme faisant partie de la réserve militaire jusqu’en juillet 2023. Pour des raisons qui vous sont propres, vous n’auriez toutefois prétendument pas informé les autorités algériennes de votre départ officiel du pays, muni d’un visa pour l’Espagne, en août 2022.
Quoi qu’il en soit et hormis le fait que vous auriez donc officiellement quitté le pays de sorte que les autorités algériennes sont de toute façon au courant de votre départ, respectivement, qu’il n’est nullement établi que vous n’ayez informé personne de votre départ, le fait de risquer une sanction dans son pays pour ne pas respecter la loi concernant la réserve militaire ne constitue nullement une persécution mais bien une démarche légale de la part des autorités de votre pays d’origine. Il ressort dans ce contexte des informations en mains que « la durée de la réserve pour les militaires issus du service national est fixée à vingt-cinq années, à compter de la date de cessation définitive d’activité. (…) Art. 8. La réserve est étalée sur trois périodes : - la réserve disponible ; - la première réserve ; - la deuxième réserve. Art.
9. - La réserve disponible est fixée à cinq ans. Elle est consécutive à la cessation définitive d’activité pour les militaires de carrière et les militaires contractuels et les militaires du service national, versés dans la réserve.
Art. 10. - La première réserve est fixée à dix ans. Elle est consécutive à la réserve disponible à laquelle sont soumis les militaires de la réserve ayant accompli leur temps dans la réserve disponible. Art. 11. - La deuxième réserve est fixée à dix ans. Elle est consécutive à la première réserve à laquelle sont soumis les militaires de la réserve ayant accompli leur temps dans la première réserve. Art. 12 Les limites d’âge pour la cessation définitive de servir dans la réserve, applicables aux militaires de carrière et aux militaires contractuels versés dans la réserve, sont arrêtées comme suit : - officiers généraux : 70 ans ; - officiers supérieurs : 65 ans; (…) », de sorte qu’en tant que … en retraite vous feriez officiellement partie de la réserve jusqu’à vos 65 ans et que vous avez par ailleurs l’obligation de signaler tout changement de résidence sur base de l’article 50 de la même loi relative à la réserve militaire.
Il y a en outre lieu de noter que dans le cas où vous auriez vraiment omis d’informer les autorités algériennes de votre départ à l’étranger, vous ne seriez pas perçu comme un déserteur en cas de retour au pays, mais un tel acte serait tout au plus défini comme un acte d’insoumission et non pas de désertion. En effet, « est considéré insoumis et poursuivi devant le tribunal militaire territorialement compétent, le militaire de la réserve qui : - n’a pas rejoint son lieu d’affectation, dans le cadre de la formation et de l’entretien de la réserve, après avoir été rappelé et avoir reçu l’ordre de rappel à deux reprises, sauf en cas de force majeure dûment justifié; - n’a pas rejoint son lieu d’affectation, dans le cadre de la mobilisation, après avoir été rappelé et avoir reçu l’ordre de rappel, sauf en cas de force majeure dûment justifié ; - a 10refusé la réception de l’ordre de rappel qui lui est remis par la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de son lieu de résidence ou par la représentation diplomatique ou consulaire algérienne pour le résident à l’étranger; - a fait l’objet d’une recherche infructueuse à cause du défaut de déclaration de changement de son lieu de résidence. Art. 28.
- L’Etat d’insoumission du militaire de la réserve cesse, notamment dans les cas suivants :
- présentation volontaire ; - déclaration d’insoumission par erreur ; - arrestation; - décès.
(…) ».
Ainsi, vous risqueriez tout au plus d’être accusé d’une telle insoumission et uniquement dans le cas hypothétique que, pendant votre séjour en Europe, les autorités algériennes vous aient infructueusement recherché pour ne pas avoir répondu à un hypothétique rappel au service. De plus, il s’agit de soulever que cet état d’insoumission prendrait fin dès votre présentation volontaire aux autorités algériennes, de sorte qu’absolument rien ne permet de retenir que vous risqueriez effectivement des sanctions en Algérie liées à une prétendue insoumission.
Quoi qu’il en soit, même à supposer que vous soyez effectivement accusé d’un tel acte d’insoumission, une telle accusation ne saurait pas être perçue comme un acte de persécution mais bien comme une démarche légale de la part des autorités de votre pays d’origine. Il ressort dans ce contexte des informations en mains que selon l’article 254 du code de justice militaire algérien « Tout individu coupable d’insoumission aux termes des lois sur le recrutement dans l’armée, est puni, en temps de paix, d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans ».
Or, hormis le constat que des peines qu’un soldat ou un réserviste risque de subir pour une infraction commise ne tombent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève, on peut encore ajouter que sur base des seules informations qui précèdent, il ne saurait pas non plus être retenu qu’en cas d’un retour en Algérie et dans le cas d’une hypothétique accusation pour insoumission, vous seriez condamné à une peine disproportionnée. Vous ne faites d’ailleurs pas non plus part d’une telle crainte dans le cadre de votre demande de protection internationale qui repose dans ce contexte sur votre seul motif que vous risqueriez une sanction pour ne pas avoir informé les autorités algériennes de votre départ du pays.
Il suit des conclusions ci-dessus que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans 11son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas d’un retour en Algérie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Algérie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2024, les consorts (AF) ont fait introduire un recours tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision, précitée, du ministre du 20 décembre 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation contre la décision du ministre du 20 décembre 2023, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs expliquent qu’ils auraient fui leur pays d’origine, l’Algérie, en date du 9 août 2022 par avion en direction de Barcelone et qu’ils se seraient rendus ensuite en bus à Nancy puis à Metz pour finalement arriver en train au Luxembourg, pays que Monsieur (A) aurait déjà visité à deux reprises en tant que touriste, une fois avec son épouse et une fois tout seul. Ils mettent en avant que Monsieur (A) aurait été … dans l’armée algérienne et …. Ils rappellent ensuite les raisons les ayant poussés à quitter leur pays d’origine telles qu’exposées dans le cadre de leurs entretiens respectifs auprès de la direction de l’Immigration et reprises par le ministre dans la décision litigieuse.
12En droit, les demandeurs reprochent tout d’abord au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale conformément à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 et estiment que leur crédibilité aurait été mise en doute à tort alors que la décision ministérielle ne reflèterait pas correctement leurs déclarations, mais serait entachée d’inexactitudes.
A cet égard, les demandeurs insistent d’abord sur le fait que contrairement à ce qui est relaté dans la décision déférée, Monsieur (A) ne serait pas revenu au Luxembourg en mars 2021, mais le 24 février 2020, tel que cela ressortirait également de son passeport.
Ensuite, concernant l’échec de la première tentative de les transférer vers l’Espagne sur base du règlement Dublin III, ils donnent à considérer, pièces à l’appui, que Monsieur (A) aurait informé la police que sa femme devrait se rendre au service … de l’hôpital du Kirchberg pour continuer son hospitalisation en raison d’un congé temporaire que le médecin lui aurait accordé. Ils insistent, à cet égard, sur le fait que Monsieur (A) aurait remis le rapport médical et le certificat médical en question au chef d’équipe de sécurité du foyer et, qu’après vérification, celui-ci aurait téléphoné à la personne responsable de la direction de l’Immigration qui, après quelques minutes, aurait répondu qu’une erreur se serait produite chez eux et qu’elle n’aurait pas été en possession du dernier rapport médical, de sorte que le transfert aurait été annulé.
Après avoir repris des extraits des déclarations de Monsieur (A) faites lors de son entretien auprès du ministère par rapport (i) à sa convocation à la gendarmerie nationale de … du 18 mai 2022 et (ii) aux documents que le général (G) aurait remis au tribunal dans le cadre du litige relatif à la propriété de l’appartement que Monsieur (A) aurait acheté, les demandeurs mettent en avant que le dossier lié à la plainte du 26 juin 2022 contre ledit général pour falsification de documents aurait été classé sans suites par le juge d’instruction, ce qui leur aurait encore été confirmé par l’avocat de Monsieur (A) en octobre 2022. Ils précisent, à cet égard, que ladite plainte serait une plainte avec constitution de partie civile conformément aux dispositions de l’article 72 du code de procédure pénale pour falsification, usage ou tentative d’usage d’une pièce falsifiée, trafic d’influence et abus de fonctions.
En ce qui concerne le constat du ministre selon lequel le conflit les opposant au général (G) ne reposerait nullement sur un des critères relevant du champ d’application de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-après par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015, mais qu’il s’agirait, au contraire, d’un conflit concernant la propriété d’un immeuble relevant du droit privé algérien, de sorte à ne pas justifier l’octroi du statut de réfugié dans leur chef, ils font valoir que Monsieur de Monsieur (A) aurait déclaré à l’agent ministériel qu’il ne s’estimerait pas seulement lésé dans le cadre d’un achat d’appartement, mais que sa famille et lui auraient également subi des menaces et des persécutions proférées par un haut représentant militaire de l’armée algérienne et qu’ils auraient vécu une fatigue psychologique et physique ainsi qu’un préjudice moral et financier à cause des agissements des responsables de l’…, ci-après désignée par « l’… », et de ceux du service social de l’armée géré par le général major (I), et cela même avant d’occuper l’appartement en question. Ils précisent, dans ce contexte, que leurs souffrances se seraient intensifiées lorsqu’ils auraient pu occuper l’appartement au vu des harcèlements directs et des menaces graves de la part du général (G).
Les demandeurs contestent ensuite l’affirmation du ministre selon laquelle Monsieur (A) ne risquerait plus de peine d’emprisonnement à son retour dans son pays au motif que la 13plainte du général (G) déposée le 26 juin 2022 contre lui serait classée sans suites, en faisant valoir qu’au vu de la gravité des accusations contre ledit général dans cette plainte, « il[s] pense[raient] que celui-ci va introduire une nouvelle accusation pénale à son encontre pour le faire emprisonner grâce à son influence dans tous les rouages des autorités au pouvoir en Algérie », tout en rappelant, à cet égard, que le 16 mars 2022, le juge aurait rejeté leur requête sous l’influence du général (G).
En ce qui concerne le reproche du ministre suivant lequel ils ne verseraient pas de preuve certifiant qu’ils seraient bien les propriétaires de l’appartement en question, les demandeurs font valoir qu’ils auraient effectué toutes les procédures d’achat, mais que les responsables de l’… n’auraient pas terminé les procédures de vente, en complicité avec les responsables du service social du ministère de la Défense nationale, de sorte que le jugement rendu le 16 mars 2022 n’aurait pas protégé leur droit, lequel aurait « été saisi[…] par le trafic d’influence et l’abus de fonctions ». Ils mettent en avant que Monsieur (A) aurait transmis les preuves durant son entretien ministériel du 4 avril 2023, de même que lors de son second entretien du 11 avril 2023, tout en précisant que l’agent ministériel en charge des entretiens lui aurait rendu plusieurs documents faisant état des falsifications qu’il avait transmis lors du premier entretien en lui confirmant que ceux-ci seraient pris en compte dans la décision ministérielle.
Les demandeurs contestent ensuite l’affirmation du ministre suivant laquelle il ne serait pas démontré qu’ils n’auraient pas pu faire valoir leurs droits en Algérie, tout en soulignant que les autorités algériennes ne les auraient pas protégés des harcèlements et des menaces graves de la part du général (G).
En ce qui concerne l’affirmation du ministre suivant laquelle il « […] ressort en outre de la « requête introductive d’instance » susmentionnée que l’… vous aurait en fait informé à une date inconnue et par une nouvelle décision qu’une erreur se serait produite de leur côté dans le cadre de l’« attribution temporaire » et que vous seriez en fait propriétaire d’un autre appartement que celui en question et « qui devait être accordé au défendeur depuis le début » », les demandeurs font valoir qu’ils auraient expliqué dans le cadre de leurs entretiens ministériels que le général n’aurait droit qu’à un seul appartement de l’Etat et que celui-ci aurait falsifié des documents afin d’acquérir un autre bien étatique. Ils estiment, en effet, que l’… vendrait des appartements et accepterait l’argent du crédit bancaire, mais ne transmettrait pas les appartements en question, mais des appartements se trouvant ailleurs, le tout avec la complicité des hauts gradés militaires.
S’agissant du reproche du ministre selon lequel les consorts (AF) n’auraient quitté leur pays d’origine qu’en date du 9 août 2022 bien qu’ils craindraient pour leur vie depuis que le général (G) les aurait menacés en date du 29 juillet 2022, ils donnent à considérer qu’ils n’auraient quitté l’Algérie que lorsqu’ils auraient été victimes de graves menaces et après qu’ils n’aient pas pu obtenir gain de cause devant la justice algérienne ni de protection de la part des autorités algériennes.
En ce qui concerne la crainte de Monsieur (A) d’être désormais considéré comme un déserteur par les autorités algériennes pour ne pas les avoir informé de son départ du pays et le reproche du ministre qu’il ne se serait pas informé quant aux peines qu’il risquerait de ce fait en cas de retour en Algérie, les demandeurs font valoir que suite à l’accélération des événements vécus et du degré croissant de danger pour leur vie, ils auraient été immédiatement obligés de tout abandonner de force afin de sauver leurs vies, et ce malgré le fait que Monsieur 14(A) serait dans la réserve militaire pendant 5 ans, de sorte que tout changement de résidence devrait être communiqué à la gendarmerie la plus proche de leur lieu de résidence, tout en insistant sur le fait que les sanctions y relatives dépendraient de la durée de la fuite « calculée après les 3 premiers de la disparition ». S’agissant, à cet égard, de l’affirmation du ministre selon laquelle la réserve militaire ne constituerait nullement une persécution mais bien une démarche légale de la part des autorités de leur pays d’origine, ils expliquent que les articles 8, 9, 10 et 11 cités dans ce contexte par le ministre concerneraient la réserve des catégories (soldats et sous-officiers) en service national ou contractuel, et que l’article 12 fixerait les limites maximales d’âge en service dans les rangs de l’armée (officiers actifs), tout en insistant sur le fait que pour le cas de Monsieur (A), à savoir un retraité en réserve militaire après 26 ans de service et donc en réserve obligatoire pendant 5 ans en tant qu’officier supérieur, tout changement de domicile devrait être signalé à la gendarmerie nationale la plus proche.
Les consorts (AF) avancent enfin qu’au vu de la gravité des harcèlements et des menaces du général (G) envers eux, ils auraient quitté leur pays pour sauver leurs vies dès le premier vol disponible, alors qu’ils seraient restés cachés, enfermés et isolés du monde extérieur dans une chambre chez le beau-frère de Monsieur (A) du 30 juillet 2022 au 9 août 2022, tel que cela se dégagerait des photos versées en cause.
Au vu de ce qui précède, il y aurait dès lors lieu de conclure que le ministre aurait pris une décision contraire à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 dans la mesure où leurs déclarations seraient cohérentes, plausibles et confortées par des éléments de preuves écrites transmis au ministère.
Les demandeurs invoquent ensuite une violation par le ministre de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 en ce que celui-ci n’aurait pas procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale en ne tenant pas compte de tous les faits pertinents concernant leur pays d’origine au moment de statuer sur leurs demandes dans la mesure où une guerre civile régnerait en Algérie, de sorte à ne pas pouvoir être considéré comme un pays sûr.
Ils renvoient, à cet égard, au site internet du département fédéral des affaires étrangères de la Confédération suisse lequel ferait état de tensions considérables en Algérie, de sorte que le ministre aurait pris une décision sur base d’une situation qui ne correspondrait en rien au contexte sécuritaire, politique et institutionnel réels dans ce pays.
Quant au volet de la décision portant refus d’un statut de réfugié dans leur chef, les demandeurs, après avoir plus particulièrement cité les termes de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, avancent qu’il ne pourrait être contesté qu’ils seraient harcelés et menacés par un membre important de la classe dirigeante algérienne et avec la connivence des autorités judiciaires et administratives.
Ils invoquent ensuite une violation de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 en ce que le ministre n’aurait pas procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale, tout en rappelant dans ce contexte qu’ils auraient déclaré lors de leurs entretiens respectifs auprès du ministère qu’ils auraient subi des menaces et des harcèlements d’une autorité représentative de l’Etat et qu’il ne leur serait pas possible de se réclamer de la protection des autorités de leur pays, alors qu’ils auraient prouvé que les instances judiciaires seraient sous l’influence des autorités militaires. Selon eux, il ne saurait, par ailleurs, être contesté qu’il existerait de bonnes raisons de penser que les persécutions et les atteintes graves dont ils feraient état pourraient se reproduire en cas de retour dans leur pays 15d’origine compte tenu du fait que ces autorités militaires n’auraient pas disparu et que, de surcroît, elles feraient partie intégrante du gouvernement algérien.
Tout en se référant encore à l’article 37, paragraphe (5), point c) de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs réitèrent que le ministre n’aurait pas procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale et concluent que toutes les conditions pour l’octroi du statut de réfugié seraient remplies dans leur chef.
Quant au volet de la décision portant refus du statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs, en se prévalant des articles 48 et 39 de la loi du 18 décembre 2015 et après avoir souligné que les faits invoqués à la base de leurs demandes de protection internationale seraient graves, concluent qu’ils rempliraient toutes les conditions légales pour l’octroi de la protection subsidiaire, de sorte que la décision déférée devrait être réformée en ce sens.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
A titre liminaire, le tribunal constate que l’invocation des paragraphes (3) et (5) de l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels visent, de manière générale, l’instruction ministérielle d’une demande de protection internationale, concerne tant le statut de réfugié que le statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte qu’il y a lieu de les analyser ensemble, avant l’examen concret des différents statuts de protection internationale demandés par les consorts (AF).
A cet égard, en ce qui concerne tout d’abord le moyen basé sur une violation alléguée de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 en vertu duquel « Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants : a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués. […] », ledit moyen est à rejeter étant donné que tant le ministre que le délégué du gouvernement, dans le cadre de son mémoire en réponse, ont pris en compte l’intégralité des déclarations des demandeurs, ensemble avec la situation générale en Algérie, avant de conclure au rejet de leurs demandes de protection internationale, sans que les demandeurs n’aient relevé des faits qui auraient pu être pertinents, dans le cadre de leurs demandes de protection internationale, et que le ministre aurait omis de considérer.
En ce qui concerne ensuite les développements des demandeurs relatifs à une prétendue violation de l’article 37, paragraphe (5), point c) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel : « (5) Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies : […] c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ; », le tribunal constate qu’alors même que le ministre leur a reproché de ne pas avoir apporté des éléments de preuve à l’appui de leurs récits, il n’a pas autrement remis en cause la crédibilité générale desdits récits, de sorte que les développements y afférents sont également à rejeter pour manquer de fondement.
Si les demandeurs font encore valoir dans ce contexte que la décision du ministre ne reflèterait pas concrètement leurs déclarations en ce qu’elle serait entachée d’inexactitudes, 16force est néanmoins de constater que mise à part la première remarque selon laquelle Monsieur (A) ne serait pas revenu au Luxembourg en mars 2021, mais le 24 février 2020, les demandeurs se limitent dans leur requête introductive d’instance à reproduire des extraits de la décision ministérielle et de leurs déclarations faites lors de leurs entretiens auprès de la direction de l’Immigration sans toutefois expliquer en quoi consisteraient exactement ces inexactitudes dont ils font état, de sorte que les allégations, à cet égard, sont également rejetées.
Il y a lieu ensuite de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
Force est encore de constater que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :
« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi: « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou 17b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que les demandeurs aient été persécutés avant leur départ de leur pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque d’être persécutés qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à la base de leurs demandes de protection internationale introduites auprès du ministère, les consorts (AF) invoquent principalement un conflit avec un dénommé (G), qui serait un général de l’armée algérienne, en relation avec l’achat d’un appartement que Monsieur (A) aurait acquis grâce à un quota auquel auraient droit les membres du ministère de la Défense dans le cadre de l’… et auquel ils reprochent plus particulièrement d’avoir falsifié des documents pour s’approprier la propriété de cet immeuble. Ils font, à cet 18égard, valoir qu’ils auraient été victimes d’une injustice, notamment de la part des employés de l’… et au niveau judiciaire, à cause de l’intervention dudit général, tout en insistant sur la corruption qui règnerait en Algérie. Les demandeurs font, dans ce contexte, encore état de menaces proférées à leur égard de la part du général (G) ainsi que de leur crainte que ledit général ne tue Monsieur (A), ne le fasse emprisonner ou que l’ensemble de la famille subisse des représailles. Monsieur (A) invoque, par ailleurs, le fait qu’il serait considéré par les autorités algériennes comme un déserteur et qu’il risquerait d’être emprisonné à son retour alors qu’en tant que réserviste militaire, il aurait l’obligation, pendant cinq ans, de notifier à la gendarmerie tout changement d’adresse ou déplacement à l’étranger, ce qu’il aurait toutefois omis de faire.
En ce qui concerne tout d’abord le conflit qui oppose les consorts (AF) au général (G), force est de constater que celui-ci ne repose nullement sur la race des demandeurs, leur nationalité, leur religion, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un certain groupe social, mais concerne un litige relatif à la propriété d’un immeuble relevant du droit privé algérien.
C’est partant à bon droit que le ministre a conclu que le motif principal à la base des demandes de protection internationale des demandeurs ne rentre pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre de 2015, de sorte à ne pas justifier l’octroi dans leurs chefs du statut de réfugié, et ce indépendamment du fait, tel que mis plus particulièrement en avant par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, que la personne à la base des menaces dont ils font état serait, selon leurs dires, un haut représentant militaire de l’armée algérienne.
En ce qui concerne ensuite la crainte de Monsieur (A) d’être considéré par les autorités algériennes comme un déserteur, voire comme un réserviste militaire et de risquer une peine d’emprisonnement en raison du fait qu’il n’aurait pas déclaré à la gendarmerie son départ de son pays d’origine, il échet de rappeler qu’il est de jurisprudence constante des juridictions administratives que la désertion ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié1 et qu’une personne ne saurait être considérée comme réfugié si la seule raison pour laquelle elle a déserté ou n’a pas rejoint son corps, comme elle en avait reçu l’ordre, est son aversion du service militaire ou sa peur du combat, sa crainte n’étant pas motivée par un des critères de fond définis par la Convention de Genève2.
Il convient encore de rappeler, dans ce contexte, que la crainte de poursuites et d’un châtiment pour désertion ou insoumission ne peut servir de base à l’octroi du statut de réfugié que s’il est démontré que le demandeur se verrait infliger, pour l’infraction militaire commise, une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques3. En outre, pour justifier leur opposition au service militaire, des personnes peuvent invoquer des raisons de conscience d’une force telle que la peine prévue pour l’insoumission ou la désertion puisse être assimilée à une persécution du fait de ces raisons de conscience4, étant toutefois relevé que, pour pouvoir fonder l’octroi du statut de réfugié, ces raisons de conscience doivent au sens de l’article 2, 1 Trib. adm., 8 février 2021, n° 44546 du rôle, confirmé par Cour adm. 11 mai 2021, n° 45758C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Etrangers, n° 175 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 13 juin 2018, n° 39843 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 novembre 2018, n° 41368C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Etrangers, n° 176 et les autres références y citées.
3 Ibid..
4 Voir p. ex. : Cour adm., 11 mai 2021, n° 45758C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
19point f) de la loi du 18 décembre 2015, à leur tour, relever de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un groupe social ou des opinions politiques de la personne ainsi persécutée.
Or, indépendamment du bien-fondé de la crainte du demandeur de risquer un emprisonnement en cas de retour en Algérie pour infraction à la loi relative à la réserve militaire, force est de constater qu’en l’espèce cette crainte n’est pas motivée par un des critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015, ce à quoi il s’ajoute qu’il n’est, par ailleurs, pas établi que le demandeur se verrait infliger, pour l’infraction militaire commise, une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, de sorte que la crainte ainsi invoquée ne constitue pas un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
Il s’ensuit que les craintes de Monsieur (A) liées à son omission d’avoir déclaré son départ de son pays d’origine ne sauraient pas non plus être assimilées à des craintes fondées de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est également à bon droit que le ministre lui a refusé l’octroi du statut de réfugié dans ce contexte.
Eu égard à tout ce qui précède, c’est dès lors à juste titre que le ministre a conclu que les faits invoqués en l’espèce par les demandeurs ne remplissent pas les conditions d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire 20que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de leurs demandes en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs invoquent les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.
Il échet tout d’abord de constater que les demandeurs n’allèguent pas risquer de subir la peine de mort ou l’exécution au sens du point a) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
En ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de constater que mis à part le fait que les demandeurs n’ont fait qu’invoquer, de manière générale, la situation sécuritaire en Algérie, sans faire le lien avec leur situation personnelle, ils sont, par ailleurs, restés en défaut de verser le moindre élément probant sous-tendant les affirmations contenues dans leur recours quant à une prétendue guerre civile en Algérie, respectivement quant à une situation sécuritaire préoccupante dans ce pays, de sorte que cette allégation est à rejeter, le simple renvoi, à cet égard, au site internet du département fédéral des affaires étrangères de la Confédération suisse pour les conseils aux voyageurs en Algérie, étant, en effet, largement insuffisant. Le tribunal rappelle dans ce contexte qu’un moyen simplement suggéré, encourt le rejet, alors qu’il n’appartient pas à celui-ci de suppléer à la carence des demandeurs en recherchant lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
S’agissant ensuite du risque des demandeurs de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) de la même loi, force est de constater que les faits invoqués à la base de leurs demandes de protection internationale ne permettent de retenir ni que les demandeurs risqueraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, de subir de la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ni qu’ils ne pourraient pas se prévaloir de la protection de leur pays.
En effet, en ce qui concerne tout d’abord les faits invoqués par les consorts (AF) en relation avec le conflit qui les opposerait au général (G), force est de constater qu’il ressort des dires de Monsieur (A) qu’il se trouverait en désaccord avec ledit général depuis l’emménagement en avril 2022 dans l’appartement qu’il aurait acheté grâce à un quota auquel il aurait eu droit en raison de son statut d’officier supérieur auprès de l’armée algérienne, suite auquel ce dernier serait une fois venu frapper à sa porte et l’aurait une fois appelé pour proférer des menaces envers lui et sa famille5. Il relate encore que des inconnus qui seraient des « connaissances » dudit général, auraient démonté les compteurs de gaz et d’électricité à leur 5 Pages 5 et 6/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
21domicile6. Par ailleurs, des « gens » auraient filmé leur fille sur le balcon et l’auraient prise en photo7. Le reste du récit de Monsieur (A) se résume à des déclarations en lien avec les plaintes et les procédures légales qui auraient été lancées de part et d’autre afin que les tribunaux algériens se prononcent sur la question de la propriété dudit appartement. Or, force est de constater que les faits ainsi relatés par les consorts (AF) n’atteignent manifestement pas un niveau de gravité tel qu’ils pourraient être considérés comme de la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, ni les actes du général (G), ni le démontage des compteurs de gaz et d’électricité ou encore la prise en photo de la fille de Monsieur (A) et de Madame (B) par des inconnus ne permettent de retenir que les consorts (AF) auraient effectivement été victimes d’atteintes graves en Algérie, étant, à cet égard, relevé que les menaces de la part du général (G) se limitent à des simples menaces verbales non suivies d’actes concrets, le demandeur ayant d’ailleurs confirmé sur question afférente de l’agent ministériel que rien ne s’est passé entre le moment où ils ont quitté leur appartement pour aller vivre temporairement chez le beau-frère de Monsieur (A) et le départ de leur pays. De même, dans leur recours, les demandeurs se bornent à répéter les faits exposés lors de leurs entretiens respectifs avec l’agent ministériel sans pour autant faire état d’un autre incident grave qu’ils auraient subi dans leur pays et qui pourrait être qualifié d’atteinte grave au sens l’article 48, point b), précité.
En ce qui concerne, dans ce contexte, la crainte de Monsieur (A) qu’au vu de la gravité des accusations dans la plainte déposée par lui le 26 juin 2022 contre le général (G), « celui-ci va introduire une nouvelle accusation pénale à son encontre pour le faire emprisonner grâce à son influence dans tous les rouages », respectivement la crainte de celui-ci de se faire tuer par ledit général en cas d’un retour en Algérie ou de voir sa famille subir des représailles, celle-
ci sont à rejeter pour se résumer à des craintes purement hypothétiques, à défaut d’être sous-
tendues par un quelconque élément probant concret.
Le constat que la situation des demandeurs en Algérie n’est pas si grave au point de pouvoir être définie comme une atteinte grave au sens de la loi du 18 décembre 2015 se trouve davantage confirmé par le comportement adopté par les consorts (AF) en Algérie, de même que depuis leur départ pour l’Europe. En effet, si les demandeurs invoquent craindre pour leurs vies depuis que le général (G) les aurait menacés en date du 29 juillet 2022, force est cependant de constater que ces derniers ont bénéficié de visas émis par l’Espagne, valables dès le 2 juin 2022, mais qu’ils n’ont quitté leur pays qu’en date du 9 août 2022, soit plus de deux mois plus tard. Par ailleurs, force est de constater qu’ils n’ont pas immédiatement recherché une protection ni auprès des autorités espagnoles ni auprès des autorités françaises lorsqu’ils sont arrivés dans ces pays, ce qui ne correspond toutefois pas au comportement de personnes réellement victimes d’atteintes graves ou à risque de subir des atteintes graves alors qu’il est légitime d’attendre de telles personnes qu’elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et ce dans les plus brefs délais, étant relevé que la seule explication avancée, à cet égard, quant à une prétendue « différence » de culture des Espagnols et des problèmes de langue8, de même que l’affirmation non autrement développée que des militaires algériens auraient déjà été renvoyés en Algérie par les autorités espagnoles est insuffisante pour retenir le contraire.
Par ailleurs, il ne saurait pas être retenu que les consorts (AF) n’auraient pas pu compter sur la protection des autorités algériennes ou que celles-ci auraient été dans l’incapacité de les aider et de leur permettre de faire valoir leurs droits en Algérie.
6 Page 6/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
7 Page 5/10 du rapport d’entretien de Madame (B).
8 Page 4/8 du rapport d’entretien Dublin III de Monsieur (A).
22 Force est, en effet, de constater que Monsieur (A) a eu accès à la police et à la justice et qu’il a pu déposer une plainte contre le dénommé (G), tout en se faisant représenter par un avocat dans le cadre de différentes procédures.
Il ressort, en effet, des dires de Monsieur (A) (i) qu’il a pu déposer une plainte contre l’… en 2021 afin qu’elle lui remette les clés de l’appartement, (ii) que par ordonnance du président du tribunal du 4 avril 2022, il a pu ouvrir l’appartement en cause en présence d’un huissier de justice lui permettant de s’y installer avec sa famille le 20 avril 2022, (iii) qu’il a pu s’exprimer devant la police et devant un juge dans le cadre de la plainte qui a été déposée contre lui de la part du général (G) le 8 mai 2022 pour « occupation illégale de l’appartement et d’atteinte au « caractère sacré d’autrui » », et (iv) qu’il a pu déposer plainte contre ledit général le 26 juin 2022, plainte dans le cadre de laquelle il a été entendu par le juge d’instruction le 20 juillet 2022.
Si le demandeur fait certes valoir que sa plainte contre l’… aurait été rejetée le 16 mars 2022 parce que le général (G) serait intervenu auprès du juge, respectivement que, de manière générale, il existerait du trafic d’influence et de la corruption au sein de différentes institutions algériennes, ces seules allégations, non autrement étayées par un quelconque élément tangible, ne sauraient suffire pour retenir que les consorts (AF) ne pourraient pas se prévaloir de la protection de leur pays ou que les autorités dudit pays ne seraient pas disposées à leur assurer une protection. Le demandeur a, au contraire, confirmé lors de son entretien ministériel que la plainte portée à son encontre de la part du général (G) pour violation de la vie privée et occupation des lieux aurait été archivée parce qu’il aurait pu prouver que les documents versés par ledit général seraient des faux, de sorte qu’il ne risquerait plus l’emprisonnement de ce chef9.
En ce qui concerne, dans ce contexte, encore le reproche des demandeurs qu’ils auraient été traités de façon injuste par les autorités algériennes dans le cadre du litige relatif à la propriété de l’appartement que Monsieur (A) aurait acheté grâce à son inscription à l’…, le tribunal rejoint les conclusions de la partie étatique notamment en ce que celle-ci a relevé qu’il n’est pas établi que Monsieur (A) est bien le propriétaire dudit appartement, les pièces versées à ce sujet prouvant, entre autre, qu’il aurait bénéficié d’un prêt immobilier ou qu’il aurait été en procès avec le général (G) à cause de cet appartement n’étant pas suffisantes à cet égard.
Par ailleurs, c’est encore à juste titre que le ministre a retenu que le seul constat qu’un juge algérien a notamment retenu que la demande de Monsieur (A) de se voir remettre les clés par l’… aurait été précoce « puisqu’il n’a présenté aucune constatation d’achèvement des procédures de vente et l’élaboration de l’acte de vente entre lui et la demanderesse » ne suffit en tout cas pas pour conclure à un jugement arbitraire dont le demandeur aurait été victime à cause d’un prétendu acte de corruption.
Il échet, de surcroît, encore de relever que les explications de Monsieur (A) par rapport au litige concernant l’appartement ne permettent pas de savoir à quel stade se situe actuellement cette affaire alors qu’il prétend, d’un côté, qu’il ne sait pas à qui en reviendrait la propriété, alors qu’il aurait tout simplement fermé l’appartement10 avant de partir vivre chez son beau-
frère et puis quitter son pays pour l’Europe, mais, de l’autre côté, il déclare qu’en octobre 2022, son avocat aurait expliqué à son beau-frère que le juge d’instruction aurait « fermé » le dossier lié à sa plainte alors qu’il n’y aurait pas eu falsification de documents selon lui11. Le demandeur 9 Page 8/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
10 Page 8/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
11 Page 9/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
23soutient toutefois aussi qu’il n’y aurait pas encore eu de jugement concernant la question de la propriété dudit appartement au motif que son avocat reporterait l’audience dans le but de récolter des preuves de falsification de documents12, de sorte à manifestement mettre les autorités ministérielles luxembourgeoises de même que le tribunal dans l’impossibilité de voir plus clair dans cette affaire, à défaut d’éclaircissements concrets à cet égard dans leur requête introductive d’instance.
Ainsi, et à défaut d’autres éléments probants et concluants, il ne saurait être retenu que les consorts (AF) auraient été traités de façon injuste par les autorités algériennes, ni qu’il ne leur serait pas possible de faire valoir leurs droits dans leur pays d’origine.
Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le ministre a conclu que les faits invoqués en l’espèce par les demandeurs en relation avec le conflit les opposant au général (G) ne remplissent pas les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
En ce qui concerne ensuite l’allégation du demandeur selon laquelle il serait désormais à considérer comme un déserteur et qu’il risquerait par conséquent une peine d’emprisonnement en Algérie au motif qu’il n’aurait pas informé les autorités algériennes de son départ du pays, il y a tout d’abord lieu de relever que le demandeur ne semble pas s’être informé quant aux peines qu’il risque d’encourir dans ce contexte alors qu’à la question de l’agent ministériel de savoir ce qui se passerait en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur a déclaré qu’il risquerait « des sanctions. Quelles sanctions ? Je ne sais pas exactement mais faudra aller au tribunal militaire. Mais c’est automatiquement la prison. »13, de sorte que la gravité de sa situation en cas de retour en Algérie à cause de cette omission laisse d’être établie.
Il échet ensuite de rappeler que les procédures visant à obtenir une protection internationale n’ont pas pour finalité de permettre aux demandeurs de se soustraire à la justice de leur pays d’origine, étant, à cet égard, relevé qu’il n’est pas contesté que suivant les articles 8 à 12 de la loi n° 22-30 du 1er août 2022 relative à la réserve militaire cités par le ministre dans sa décision, Monsieur (A) fait officiellement partie de la réserve militaire jusqu’à ses 65 ans et qu’il a, par conséquent, l’obligation de signaler tout changement de résidence sur base de l’article 50 de la même loi, ce qu’il aurait, selon lui, omis de faire.
En ce qui concerne ensuite concrètement le risque du demandeur de se faire emprisonner pour infraction à la loi relative à la réserve militaire, le délégué du gouvernement a, à juste titre, relevé que Monsieur (A) ne sera pas perçu comme un déserteur en cas de retour en Algérie, alors que le fait de ne pas informer les autorités compétentes algériennes de son départ de son pays pourra tout au plus être défini comme un acte d’insoumission et non pas de désertion conformément à l’article 28 de la loi n° 22-30, prémentionnée, du 1er août 2022, cité dans la décision ministérielle. En effet, suivant les explications non contestées de la partie étatique, le demandeur risquerait tout au plus d’être accusé d’insoumission et uniquement dans le cas où, pendant son séjour en Europe, les autorités algériennes l’auraient infructueusement recherché pour ne pas avoir répondu à un rappel au service, ce que le demandeur omet toutefois de soutenir en l’espèce, de sorte que sa crainte invoquée à ce sujet est purement hypothétique.
Ce constat s’impose également compte tenu du fait que, suivant les explications de la partie étatique, cet état d’insoumission prend de toute façon fin dès la présentation volontaire du 12 Page 12/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
13 Page 4/14 du rapport d’entretien de Monsieur (A).
24demandeur aux autorités algériennes, de sorte que rien ne permet de retenir que ce dernier risquerait effectivement des sanctions en Algérie liées à une prétendue insoumission. A cela s’ajoute également, tel que cela a été retenu ci-avant dans le cadre de l’analyse du volet du recours visant le statut de réfugié, qu’il n’est pas établi que le demandeur se verrait infliger, pour l’infraction militaire commise, une peine d’une sévérité disproportionnée, de sorte qu’il n’existe, en l’espèce, pas non plus de risque de traitement ou de sanction inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine.
Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a conclu que les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire conformément à la loi du 18 décembre 2015 ne sont pas remplies en l’espèce.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en ce qu’il vise le refus ministériel de faire droit aux demandes de protection internationale des consorts (AF) est à rejeter dans ses deux volets.
2) Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours principal en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sut le recours subsidiaire en annulation.
Les demandeurs estiment que comme conséquence de la reconnaissance dans leur chef du statut de réfugié, sinon du statut de la protection subsidiaire, il y aurait lieu de réformer la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire à leur encontre.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir les refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens invoqués, il s’ensuit que le recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.
25 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 décembre 2023 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié, et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 décembre 2023 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié, et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 25 novembre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 26