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18/11/2024 | LUXEMBOURG | N°47936

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 novembre 2024, 47936


Tribunal administratif N° 47936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47936 2e chambre Inscrit le 15 septembre 2022 Audience publique du 18 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre des décisions du conseil communal de la Ville de Differdange et une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général et en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47936 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022 par la sociÃ

©té anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 47936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47936 2e chambre Inscrit le 15 septembre 2022 Audience publique du 18 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre des décisions du conseil communal de la Ville de Differdange et une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général et en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47936 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur (A), demeurant à L-…, 2) Madame (B), demeurant à L-…, 3) Madame (C), demeurant à L-… et 4) la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, au lieu-dit « … », inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation :

- de la « décision du conseil communal de la Ville de Differdange du 29 juin 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (PAG) de la commune » ;

- de la « décision du conseil communal de la Ville de Differdange du 29 juin 2021 portant adoption des projets de PAP « quartier existant » ; et - de la « décision de la ministre de l’Intérieur du 9 juin 2022, transmise aux requérants par courrier daté du 15 juin 2022, portant approbation partielle de la délibération précitée du conseil communal et rejetant la réclamation des requérants » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 20 septembre 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Differdange, ayant sa maison communale à L-4530 Differdange, 40, avenue Charlotte, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2022 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 5octobre 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, Place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B209469, représentée aux fins des présentes par Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2022 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, au nom des parties requérantes sub 1) à 4), préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2023 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2023 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes attaqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Maître Steve HELMINGER et Maître Inès GOEMINNE, en remplacement de Maître Nathalie PRÜM-CARRÉ, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2024.

___________________________________________________________________________

A la suite de l’annulation de sa saisine initiale du 19 juin 2019, conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », le conseil communal de la Ville de Differdange, ci-après désigné par le « conseil communal », émit, en vertu du même article, lors de sa séance publique du 20 novembre 2019, un vote favorable sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par le « collège échevinal », de procéder aux consultations et publications prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Parallèlement, le collège échevinal décida de soumettre le projet d’aménagement particulier « quartier existant » à la procédure d’adoption prévue aux articles 30 et suivants de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 décembre 2019, adressé au collège échevinal, Monsieur (A), Madame (B) et Madame (C), ci-après désignés par les «consorts (ABC) », firent valoir leurs objections à l’encontre du projet d’aménagement général de la Ville de Differdange, tel que mis en procédure le 20 novembre 2019, en sollicitant plus particulièrement l’intégration de la maison d’habitation leur appartenant, située sur la parcelle inscrite au cadastre de la Ville de Differdange, section … de Differdange, sous le numéro (P1), au lieu-dit « … », ci-après désignée par « la parcelle (P1) », dont il était prévu de la maintenir intégralement en zone non constructible, en zone d’habitation 1 [HAB-1], ci-après désignée par la « zone [HAB-1] », ainsi que le classement du site de l’exploitation artisanale situé sur cette même parcelle, en zone d’activités économiques communales type 1 [ECO-c1], ci-après désignée par la « zone [ECO-c1] ».

En date du 9 avril 2020, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par le « ministre de l’Environnement », émit son avis sur le projet d’aménagement général en application de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par la « loi du 18 juillet 2018 », ainsi que son avis sur le rapport sur les incidences environnementales et sur le projet d’aménagement général en application des dispositions de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

Par courrier du 29 mars 2021, erronément daté au 29 mars 2020, la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur communiqua son avis sur le projet d’aménagement général, tel qu’émis lors de sa séance du 20 mai 2020.

Lors de sa séance publique du 29 juin 2021, le conseil communal décida d’adopter le projet d’aménagement général en y apportant des modifications tenant compte des avis ministériels, ainsi que notamment des objections des consorts (ABC) auxquelles il fit partiellement droit en classant la parcelle (P1) en zone de sports et loisirs 6 : « … » - [REC-6], ci-après désignée par la « zone [REC-6] ».

Le même jour, le conseil communal procéda à l’adoption du projet d’aménagement particulier « quartier existant ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2021, les consorts (ABC) introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général en exprimant leur souhait (i) de voir classer la partie de la parcelle (P1) accueillant la maison d’habitation en zone [HAB-1] et de lui « attribuer par conséquent le quartier existant (HAB-1 QE_U_II) », tout en « maintenant le caractère de la zone verte pour les bâtiments agricoles » et (ii) que la « partie du site de la parcelle cadastrale (P1) » accueillant les « bâtiments fonctionnels ainsi que [le] chantier de la (AA) s.àr.l » soit considérée indépendamment de la maison d’habitation. A cette même occasion, ils relevèrent que les modifications ainsi sollicitées permettraient de garantir une cohérence intrinsèque du plan d’aménagement général (« PAG ») en veillant « aux mêmes droits de tous les citoyens devant la loi » et ce, plus particulièrement sur la toile de fond que « 3 maisons d’habitation actuellement localisés en zone verte et prévues pour être intégrées en tant que zones HAB 1 QE_U_II dans le nouveau PAG [seraient] localisées sur les parcelles cadastrales […] • (P2), section … d’Oberkorn, • (P3), section … d’Oberkorn • (P4), section … de Niederkorn ».

Par décision du 9 juin 2022, le ministre de l’Intérieur approuva partiellement la délibération, précitée, du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général, en refusant plus particulièrement un certain nombre d’extensions de la zone destinée à être urbanisée, dont la modification de la zone verte telle que décidée par l’autorité communale à l’endroit de la parcelle (P1) sise au lieu-dit « … », les passages afférents de la décision ministérielle étant rédigés comme suit :

« […] Les sites concernés, qui constituent des extensions de la zone destinée à être urbanisée, qui ne sauraient dès lors rencontrer mon approbation sont illustrés sur les plans qui suivent et leurs délimitations exactes sont indiquées en rouge. A titre indicatif y sont repris les zones du plan d’aménagement général initial, transposées conformément à la législation actuellement en vigueur. […] • … et … (Differdange) […] En ce qui concerne les fonds susmentionnés, le refus d’approbation est motivé par le fait qu’il s’agit d’îlots déconnectés qui doivent demeurer en zone verte. Par conséquent je renvoie vers la jurisprudence émanant de la Cour administrative statuant « […] il se dégage que la mise en place d’ensembles territoriaux non directement reliés au périmètre d’agglomération de la localité à laquelle ils se rapportent, ou alors non connectés du tout à une localité sans qu’en eux-mêmes ils ne possèdent consistance suffisante pour valoir en tant que localité, ne devraient en principe pas exister sous l’empire des dispositions de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004. […] ».

A travers cette même décision, le ministre statua encore sur les réclamations lui soumises, dont notamment la réclamation introduite par les consorts (ABC), qu’il déclara irrecevable en ce qu’elle viserait le projet d’aménagement particulier « quartier existant » et partiellement fondée pour le surplus. Les passages de la décision ministérielle, précitée, se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« […] Ad réclamation … (rec 8 à 11) Les réclamants s’opposent premièrement au classement des parcelles cadastrales n°(P5), (P6), (P7) et (P8) sises à Differdange, en « zone de sport et de loisirs 6 [REC-6] ». Ils sollicitent à ce que lesdites parcelles cadastrales intègrent la zone d’habitation. Les réclamations sont non fondées à cet égard alors que les terrains sont isolés et constituent un îlot déconnecté du reste du tissu urbain existant. Le classement en zone d’habitation permettrait d’ériger de nouvelles constructions, renforçant encore d’avantage cette situation.

Il est d’ailleurs légitime pour les autorités communales de donner la priorité à des terrains faisant partie du tissu urbain existant, plutôt qu’aux parcelles situées en dehors de celui-ci […].

En ce qui concerne les maisons sises sur les parcelles cadastrales n°(P2), (P3) et (P4) auxquelles font référence les réclamants, il convient de noter que ceux-ci ont été classées en tant qu’îlot isolé en zones d’habitation. C’est à raison que les réclamants constatent une telle incohérence dans le plan. Partant, il y a lieu de modifier le plan de sorte à classer les parcelles n°(P3) et (P4), d’ores et déjà sises en zone dite « Kleingarten und Gärtnereigebiet » selon le PAG en vigueur, en « zone de jardins familiaux », ceci en vue de garantir la cohérence avec le 4 classement des terrains adjacents. En ce qui concerne la parcelle cadastrale n°(P2), sise en zone verte selon le PAG en vigueur, elle est maintenir en zone verte et, par analogie, aux fonds adjacents, en « zone agricole ».

La réclamation est partiellement fondée sur ce point et la partie graphique est à modifier comme suit et les délimitations des PAP « quartiers existants » sont à adaptées en conséquence : […] Les réclamations portent encore sur les dispositions de l’article 23.2.3. de la partie écrite du plan d’aménagement particulier. Cette réclamation est irrecevable alors qu’aucune réclamation devant le ministre n’est prévue par la loi contre les dispositions du plan d’aménagement particulier « quartier existant ». […] ».

Par décision du 6 juillet 2022, le ministre de l’Environnement approuva les modifications de la délimitation de la zone verte telles que découlant du projet d’aménagement général adopté par le conseil communal lors de sa séance du 29 juin 2021, à l’exception notamment de la « zone de sports et de loisirs 6 (REC-6) aux lieux-dits « … » et « … » ».

Par décision du même jour, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet de d’aménagement particulier « quartier existant ».

Par décision du 28 juillet 2022, le ministre de l’Intérieur compléta sa décision initiale du 8 juin 2022 en revenant sur sa décision au sujet de deux des réclamations lui soumises.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022, les consorts (ABC) ainsi que la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée par « la société (AA) », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation 1) de la « décision du conseil communal de la Ville de Differdange du 29 juin 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (PAG) de la commune », 2) de la « décision du conseil communal de la Ville de Differdange du 29 juin 2021 portant adoption des projets de PAP « quartier existant » et 3) de la « décision de la ministre de l’Intérieur du 9 juin 2022, transmise aux requérants par courrier daté du 15 juin 2022 portant approbation partielle de la délibération précitée du conseil communal et rejetant la réclamation des requérants ».

I. Quant à la compétence du tribunal Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 9 juin 2022, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.

II. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un PAG et d’un plan d’aménagement particulier (« PAP ») est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, en application de son article 16 et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement aux décisions du conseil communal du 29 juin 2021 ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.

III. Quant à l’admissibilité du mémoire en réplique Arguments des parties La partie étatique soulève la tardiveté du mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2023, au motif que la partie communale aurait déposé son mémoire en réponse au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2022 et l’aurait notifié aux parties à l’instance le même jour.

2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire des parties requérantes s’est rapporté à prudence de justice quant à l’admissibilité du mémoire en question.

Analyse du tribunal L’article 5 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », prévoit que « Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ;

la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois. », étant relevé que le point de départ du délai d’un mois pour fournir le mémoire en réplique est le jour de la réception du dernier mémoire en réponse si, comme en l’espèce, il y a plusieurs parties admises à fournir un tel mémoire3.

Au vœu de l’article 5, précité, de la loi du 21 juin 1999, la fourniture du mémoire en réplique dans le délai d’un mois de la communication du mémoire en réponse inclut -

implicitement, mais nécessairement - l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer aux autres parties en cause dans ledit délai d’un mois4.

Il est constant en cause que le dernier mémoire en réponse, à savoir celui de l’administration communale de la Ville de Differdange, ci-après désignée par « l’administration communale », a été déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2022, tandis qu’il se dégage du transmis portant notification dudit mémoire au litismandataire des parties requérantes qu’il a été notifié à ce dernier le même jour.

Or, selon l’article 3 (1) de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, ci-après désignée par « la Convention de Bâle », les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit, les termes dies a quo désignant le jour à partir duquel le délai commence à courir et les termes dies ad quem désignant le jour où le délai expire.

L’article 4 (2) de la Convention de Bâle prévoit encore que « Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, le dies ad quem est le jour du dernier mois ou de la dernière année dont la date correspond à celle du dies a quo ou, faute d’une date correspondante, le dernier jour du dernier mois. ».

Ainsi, le délai pour répliquer a commencé à courir à compter du 19 décembre 2022 à minuit pour expirer le 19 janvier 2023 à minuit.

Comme le mémoire en réplique a dès lors été déposé après l’expiration du délai légal prévu par l’article 5 (5) de la loi du 21 juin 1999, il doit être écarté des débats pour cause de tardiveté.

Dans la mesure où une duplique ne constitue qu’une réponse à la réplique, le mémoire en duplique est à écarter des débats dans l’hypothèse d’un mémoire en réplique ayant lui-même 3 Trib. adm. 12 juin 2002, n° 13063 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 955 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 4 mars 2001, n° 11960 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 956 (1er volet) et les autres références y citées.été écarté des débats5.

Le mémoire en réplique des parties requérantes ayant été écarté des débats pour être tardif, les mémoires en duplique respectifs de l’administration communale et de l’Etat sont, à leur tour, à écarter des débats.

IV. Quant à la recevabilité du recours Les parties communale et étatique invoquent plusieurs moyens d’irrecevabilité en relation avec le volet du recours dirigé contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général et contre la décision du ministre de l’Intérieur approuvant partiellement ladite délibération, ainsi qu’en relation avec le volet du recours dirigé contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet de plan d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après désigné par le « PAP QE ».

1. Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il vise la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général et la décision du ministre de l’Intérieur approuvant partiellement ladite délibération 1.1. Quant à la recevabilité du recours dans le chef de la société (AA) Arguments des parties Les parties communale et étatique concluent toutes deux à l’irrecevabilité du recours sous analyse en ce qu’il a été introduit par la société (AA) contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAG et contre la décision ministérielle approuvant partiellement cette délibération, au motif, d’une part, que l’intéressée n’aurait pas soumis ses objections et observations auprès du collège échevinal, ni introduit de réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, conformément aux articles 13 et 16 de la loi du 19 juillet 2004 et, d’autre part, que dans la mesure où elle ne serait pas propriétaire de la parcelle en cause, elle n’aurait pas non plus de qualité à agir en relation avec le classement opéré à travers le PAG refondu.

Analyse du tribunal Il y a lieu de relever que la procédure d’élaboration d’un PAG est régie par les articles 10 à 18 de la loi du 19 juillet 2004 figurant au chapitre 3 de ladite loi qui est intitulé :

« Procédure d’adoption du plan d’aménagement général ». Quant à la question plus précise de la participation du public à l’élaboration d’un PAG et des réclamations susceptibles d’être introduites au cours de la phase de l’élaboration d’un PAG, les articles 13 et 16 de ladite loi prévoient respectivement que :

« Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens imprimés et publiés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins sous peine de forclusion.

Au cas où une ou plusieurs observations écrites ont été présentées dans le délai, le 5 Trib. adm., 12 juin 2002, n° 13063 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 964 et les autres références y citées.collège des bourgmestre et échevins convoque les réclamants qui peuvent, en vue de l’aplanissement des différends, présenter leurs observations. » et que :

« Les réclamations contre le vote du conseil communal introduites par les personnes ayant réclamé contre le projet d’aménagement général conformément à l’article 13 doivent être adressées au ministre dans les quinze jours suivant la notification prévue à l’article qui précède, sous peine de forclusion.

Les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal doivent être adressées au ministre dans les quinze jours de l’affichage prévu à l’article qui précède, sous peine de forclusion.

Sont recevables les réclamations des personnes ayant introduit leurs observations et objections conformément à l’article 13 et les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal lors du vote. ».

Ainsi, les articles 13 et 16 précités prévoient à deux stades différents de l’élaboration d’un PAG la possibilité d’introduire une réclamation, à savoir, premièrement, dans les trente jours qui suivent le vote du conseil communal mettant sur orbite le projet d’aménagement général, étant relevé que dans cette hypothèse, les observations et objections contre le projet doivent être présentées par écrit au collège échevinal sous peine de forclusion, et, deuxièmement, dans les quinze jours suivant la notification du vote portant adoption du projet aux intéressés par lettre recommandée avec avis de réception. Dans cette deuxième hypothèse, les réclamations contre le vote du conseil communal doivent être adressées au ministre de l’Intérieur sous peine de forclusion. La notion de forclusion est à comprendre dans le sens que passés les délais prescrits tant à l’article 13 qu’à l’article 16, plus aucune réclamation n’est recevable6.

La raison de la forclusion de toute réclamation postérieure aux délais prescrits aux articles 13 et 16 précités ressort de l’économie même de la procédure d’adoption d’un PAG, tel que souligné par l’exposé des motifs du projet de loi du 19 juillet 2004 dans les termes suivants : « La procédure d’adoption des projets d’aménagement, tant général que particulier, de même que les procédures de remembrement urbain et de rectification de limites de terrains ont été révisées dans le triple but :

• de les simplifier dans la mesure du possible ;

• de les harmoniser en ce qui concerne les étapes à suivre et les délais ;

• de les préciser afin d’effacer les incertitudes existantes.

[…] Cette démarche s’inscrit parfaitement dans le cadre de la réforme administrative et a pour objectif de garantir un déroulement plus efficient et plus transparent de procédures en faveur des administrés.

6 V. en ce sens, p.ex. : trib. adm. 30 janvier 2018, n° 38822 du rôle et trib. adm., 1er juillet 2021, n° 43870 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu ; voir aussi les travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 19 juillet 2004 :

Doc. parl. N° 44863, Chambre des Députés, Session ordinaire 2002-2003 et Doc. parl. N° 4486, Chambre des Députés, Session ordinaire 1998-1999, p. 28 et 29.

[…] Plusieurs délais ont été introduits dans la procédure d’adoption des projets d’aménagement afin de garantir le traitement des dossiers dans des délais raisonnables. Il a dans ce contexte été veillé à introduire à tous les stades de la procédure des délais réalistes permettant aux administrations qui interviennent dans la procédure d’instruire sérieusement les dossiers. »7.

En d’autres termes, la procédure d’adoption d’un PAG a été mise en place en vue d’aplanir les différends au fur et à mesure des différentes étapes de la phase non contentieuse, cette procédure permettant, en effet, aux personnes intéressées de faire valoir leurs points de vue, leurs argumentaires et ce, en dehors de tout procès. S’agissant d’une phase précontentieuse, les différents acteurs s’efforcent de trouver une solution aux réclamations introduites en ayant pour objectif d’éviter un allongement des procédures, allongement qui serait inévitable si chaque réclamation devait faire l’objet d’une procédure contentieuse. La Cour administrative a d’ailleurs insisté sur le fait que « la procédure d’adoption et d’approbation d’un PAG, également et surtout dans le contexte de la refonte des PAG, telle que voulue par la loi du 19 juillet 2004, s’effectue en quelque sorte de manière pyramidale en ce sens qu’un aplanissement des difficultés est à rechercher d’après le vœu de la loi, notamment en application des articles 10 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, de sorte à ce que tour à tour les difficultés restantes soient éliminées, d’abord au niveau précontentieux, puis au niveau contentieux.

Cet objectif de la loi reste d’autant plus vrai chaque fois qu’en raison d’un premier tour effectué au niveau contentieux et en raison d’une annulation, totale ou partielle, des délibérations communales portant adoption du PAG ou, voire aussi de la décision ministérielle d’approbation subséquente, le dossier revient devant le conseil communal en prosécution de cause. »8. Eu égard à la procédure non contentieuse d’adoption et d’approbation des plans d’aménagement, instaurée par la loi, tendant à voir disparaître, au fur et à mesure de la procédure d’aplanissement des différends, les objections et réclamations solutionnées, le recours introduit devant le juge administratif contre un projet d’aménagement général communal n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de ladite procédure non contentieuse de réclamation9.

En l’espèce, le tribunal constate qu’un seul courrier contenant des observations et objections soumises au collège échevinal dans le cadre de la procédure précontentieuse a été versé en cause par les parties requérantes, à savoir celui daté au 20 décembre 2019 et émanant des seuls consorts (ABC).

Au vu du libellé de ce courrier, qui ne mentionne ni la société (AA) ni, le cas échéant, le mandat social exercé au sein de cette dernière par l’une des autres parties au présent litige, il ne saurait être retenu qu’à travers le courrier en question, l’une des autres parties requérantes a fait part de ses objections et observations non seulement en son nom personnel, mais aussi en sa qualité de représentant légal de ladite société.

7 Ibid., p. 7.

8 Cour adm. 8 mars 2018, n° 40408C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 429 et les autres références y citées.

9 V. en ce sens : Cour adm. 12 décembre 1998, n° 10510C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 396 et les autres références y citées.

Ainsi, la société (AA) ne peut pas être considérée comme ayant formulé des observations ou objections à l’encontre du projet de PAG auprès du collège échevinal.

Or, en l’absence d’objections portées antérieurement devant le collège échevinal par un demandeur, toute l’économie du système de l’aplanissement des différends au stade précontentieux prévue dans le cadre de l’élaboration d’un PAG tombe à faux. L’intervention du ministre de l’Intérieur correspondant au dernier échelon précontentieux d’un recours administratif prévu par la loi ne se produirait, par impossible, que de manière tronquée voire biaisée, étant donné que tous les stades de réclamation précédents et nécessaires en vue de la résolution des difficultés soulevées par les réclamants ont manifestement été omis10.

Il s’ensuit que sous peine de voir vider de sens les articles susvisés, ayant pour objet, tel que le tribunal vient de le retenir ci-avant, de conférer aux personnes intéressées un droit à réclamation selon des délais prescrits à peine de forclusion afin d’éviter un allongement des procédures qui viendrait inévitablement à se produire si chaque réclamation devait faire l’objet d’une procédure contentieuse, l’intéressé ayant omis d’adresser ses objections au collège échevinal contre le vote du conseil communal dans le délai lui imparti est en principe forclos à faire valoir ses objections devant le ministre de l’Intérieur et il est en même temps déchu de son droit à exercer un recours devant le tribunal administratif. En effet, faute de réclamation auprès du collège échevinal, le recours contentieux introduit par l’administré est irrecevable omisso medio11.

Le volet du recours sous examen visant les décisions du conseil communal et du ministre de l’Intérieur des 29 juin 2021 et 9 juin 2022 est partant irrecevable omisso medio pour autant qu’il a été introduit par la société (AA).

Au vu de cette conclusion, il devient surabondant d’analyser le moyen d’irrecevabilité tenant à l’absence de qualité à agir dans le chef de la société (AA).

1.2. Quant à la recevabilité du recours visant la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général Arguments des parties La partie étatique soulève l’irrecevabilité du volet du recours dirigé contre la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général au motif que, par le biais de sa décision du 9 juin 2022, le ministre de l’Intérieur avait refusé partiellement d’approuver ladite délibération ce qui, de l’entendement du tribunal, aurait eu pour conséquence que la délibération du conseil communal aurait disparu de l’ordonnancement juridique. Elle s’appuie, dans ce contexte, sur un jugement du tribunal administratif du 25 juin 2002 inscrit sous le numéro 14171 du rôle.

Analyse du tribunal Le tribunal est amené à relever que, suivant la jurisprudence invoquée par la partie étatique elle-même, ce n’est qu’au cas où l’autorité de tutelle refuse purement et simplement 10 Voir, p. ex. : trib. adm. 19 avril 2018, n° 39031 du rôle, trib. adm., 1er juillet 2021, n° 43870 du rôle et trib.

adm., 8 février 2022, n° 42502 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

11 Ibid..l’approbation d’une délibération communale ayant adopté définitivement un projet d’aménagement que l’acte à approuver doit être considéré comme non avenu. Or, en l’espèce, le ministre de l’Intérieur n’a pas opposé un refus complet à la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général, mais il a uniquement refusé d’approuver ponctuellement certaines extensions projetées de la zone destinée à être urbanisée, tout en ayant, pour le surplus, d’une part, statué sur les réclamations dirigées contre la délibération du conseil communal du 29 juin 2021, dont certaines ont été accueillies favorablement et d’autres non, et, d’autre part, partiellement approuvé la délibération en cause.

C’est dès lors à tort que la partie étatique soutient, en se basant sur le jugement, précité, du tribunal administratif du 25 juin 2002, que la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 aurait « disparu » de l’ordonnancement juridique à la suite de la décision du ministre de l’Intérieur du 9 juin 2022 n’ayant approuvé celle-ci que partiellement et que, de ce fait, le volet du recours dirigé contre celle-ci serait à déclarer irrecevable.

Le moyen d’irrecevabilité est dès lors à rejeter pour manquer de fondement.

1.3. Quant à la recevabilité du recours dirigé contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAG et contre la décision du ministre de l’Intérieur approuvant partiellement cette délibération pour le surplus A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation visant la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général et la décision ministérielle portant approbation partielle de ladite délibération est à déclarer recevable pour autant qu’il a été introduit par les consorts (ABC), ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

2. Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il vise la décision du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du PAP QE Arguments des parties La partie étatique conclut à l’irrecevabilité de ce volet du recours au motif que les parties requérantes ne demanderaient pas l’annulation de la décision ministérielle d’approbation du PAP QE « mais uniquement celle en lien avec le PAG ». Elle se réfère, à cet égard, à une jurisprudence des juridictions administratives ayant retenu que si le recours contre la seule décision d’approbation d’un acte soumis à tutelle était en principe valable, tel ne serait pas le cas d’un recours « contre la seule décision de l’autorité soumise à tutelle qui, à défaut et avant l’approbation, n’est pas susceptible de faire grief ».

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a encore soulevé la question de l’irrecevabilité omisso medio de ce volet du recours en ce qu’il ne se dégagerait pas des pièces lui soumises que des objections contre le projet de PAP QE avaient été préalablement adressées au collège échevinal par les parties requérantes.

Le litismandataire des parties requérantes a confirmé qu’elles n’avaient dirigé aucune objection à l’encontre du projet de PAP QE.

Analyse du tribunal Le tribunal se doit à cet égard de relever qu’il est de jurisprudence constante qu’un acte soumis à tutelle d’approbation est juridiquement valable, mais son exécution est soumise à la condition suspensive de l’approbation, étant encore précisé qu’en matière de tutelle administrative, la décision d’approbation de l’autorité tutélaire et l’acte approuvé constituent à la base deux actes juridiques distincts. Il s’ensuit qu’avant l’approbation, l’acte soumis à tutelle n’est pas susceptible de recours, en ce qu’il ne fait pas encore grief, tandis que l’acte approuvé constitue une décision administrative susceptible de recours12.

Un administré peut dès lors valablement introduire son recours à l’encontre de la seule délibération du conseil communal portant adoption d’un projet de PAP QE sous réserve qu’au moment de l’introduction du recours contentieux, celle-ci ait été approuvée par l’autorité de tutelle, à défaut de quoi ladite délibération n’est, en effet, pas susceptible de faire grief. Dans la mesure où il se dégage des développements de la partie étatique elle-même que l’acte d’approbation tutélaire de la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAP QE est intervenu le 9 juin 2022, donc antérieurement au dépôt du recours sous analyse, le moyen d’irrecevabilité invoqué par la partie étatique est à rejeter pour manquer de fondement.

Pour ce qui est de la question d’une éventuelle irrecevabilité omisso medio de ce volet du recours, le tribunal relève qu’à travers l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a organisé une procédure précontentieuse de réclamation comprenant, à la différence de celle applicable en matière de PAG, une seule étape. Ainsi, l’article 30, alinéas 5 et 6 de ladite loi du 19 juillet 2004 prévoit que le projet d’aménagement particulier fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’alinéa 8 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que « Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins par les personnes intéressées. », tandis que l’alinéa suivant de la même disposition légale précise que le projet est ensuite soumis par le collège échevinal, avec, notamment, les observations et les objections, au vote du conseil communal, régi par les alinéas 10 et 11 dudit article 3013. La décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement particulier est, par la suite, soumise au ministre pour approbation, en vertu de l’alinéa 12 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004.

Aux termes d’une jurisprudence des juridictions administratives devenue constante, le recours introduit devant le juge administratif contre un PAP n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation ainsi mise en place par l’article 30 de cette même loi, impliquant en particulier que l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au collège échevinal à l’encontre du projet d’aménagement particulier 12 Trib. adm., 27 mars 2017, nos 37536 et 37538 du rôle, c. par Cour adm., 24 octobre 2017, nos 39457C, 39518C, 39474C et 39517C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 29 et les autres références y citées.

13 Art. 30, al. 10 et 11 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le conseil communal décide de la recevabilité en la forme et quant au fond des observations et objections présentées au collège des bourgmestre et échevins et peut, soit adopter le projet d’aménagement particulier dans sa présentation originale, soit y apporter des modifications répondant à l’avis de la cellule d’évaluation et aux observations et objections, soit rejeter le projet. Dans ce dernier cas, le dossier est clôturé. Si le conseil communal souhaite apporter au projet des modifications nouvelles autres que celles visées à l’alinéa précédent, il doit recommencer la procédure prévue aux alinéas 1 et suivants. ».entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif14.

En l’espèce, le tribunal relève qu’aucun courrier contenant des observations ou objections soumises au collège échevinal dans le cadre de la procédure précontentieuse, autre que celui, prémentionné, des consorts (ABC) daté du 20 décembre 2019, n’a été versé en cause.

Or, ce dernier courrier, outre d’émaner exclusivement de Madame (C), de Madame (B) et de Monsieur (A), et non pas de la société (AA), tel que retenu ci-avant, vise par ailleurs uniquement, tant suivant l’objet y indiqué que suivant son contenu, à soumettre des objections et observations en relation avec « le projet de refonte du plan d’aménagement général », sans contenir la moindre objection ou observation en relation avec le projet de PAP QE. Il s’ensuit que le volet du recours visant la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAP QE est à déclarer irrecevable omisso medio.

V. Quant au fond Le tribunal est tout d’abord amené à relever qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les demandeurs, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Dans la mesure où le ministre de l’Intérieur a partiellement approuvé la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général, en refusant plus particulièrement d’approuver un certain nombre d’extensions de la zone destinée à être urbanisée, dont la modification de la zone verte telle que décidée par l’autorité communale à l’endroit de la parcelle des consorts (ABC), il y a lieu de se prononcer tout d’abord sur la légalité de la décision ministérielle du 9 juin 2022 portant approbation partielle de la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 et dont découle le classement de la parcelle des intéressés, tel que figurant dans le PAG actuellement en vigueur.

1. Quant au volet du recours dirigé contre la décision ministérielle portant approbation partielle de la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général A l’appui de ce volet du recours, les consorts (ABC) invoquent, d’une part, la violation du principe de l’autonomie communale et, d’autre part, la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de cohérence.

1.1. Quant au moyen tenant à la violation par la décision ministérielle du principe de l’autonomie communale Arguments des parties Pour sous-tendre ce moyen, les consorts (ABC), après avoir cité les dispositions de l’article 107 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, ainsi qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle du 8 décembre 2017, inscrit sous le numéro 131/17, font valoir que comme le principe de l’autonomie communale s’imposerait en matière d’aménagement communal et de développement urbain, l’autonomie d’une commune serait la règle, tandis que 14 P. ex. : trib. adm. 10 juillet 2014, n° 32627 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 juin 2015, n° 35035C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 838 et les autres références y citées.la soumission au contrôle de l’autorité supérieure serait l’exception.

Or, en l’espèce, il devrait être admis qu’en décidant de reclasser leur parcelle en zone [REC-6] et « donc de la sortir de la zone verte », l’administration communale aurait indéniablement marqué sa volonté de classer celle-ci en zone constructible puisque la zone [REC-6] serait, suivant le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 », une zone urbanisée ou destinée à être urbanisée. Le reclassement ainsi décidé s’inscrirait, par ailleurs, dans une logique de régularisation de la situation existante en ce qu’il aurait visé à pérenniser une situation factuelle acquise depuis près de deux cents ans.

La décision de l’administration communale viserait dès lors à garantir la durabilité des constructions d’ores et déjà érigées sur leur parcelle. Or, l’importance de garantir une telle durabilité aurait d’ailleurs été récemment reconnue par la Cour administrative comme étant essentielle « s’agissant même d’une application de l’article 11bis de la Constitution ».

Les consorts (ABC) ajoutent qu’en application du principe de l’autonomie communale, une telle décision de politique urbanistique relèverait de la marge d’appréciation de l’autorité communale, tandis que, parallèlement, les pouvoirs de l’autorité de tutelle seraient plus restreints pour se limiter à un contrôle de conformité à la loi et à l’intérêt général, ce qui impliquerait que seules les délibérations du conseil communal qui seraient contraires à la loi et à l’intérêt général seraient susceptibles d’être rejetées par le ministre de l’Intérieur. Or, si en l’espèce, la décision ministérielle de reclasser leur parcelle en zone verte serait motivée par le fait (i) que la parcelle en question, « respectivement les autres parcelles du même hameau », constitueraient un îlot déconnecté du reste du tissu urbain existant, ce qui impliquerait que son classement en zone d’habitation permettrait d’ériger de nouvelles constructions, situation qui renforcerait encore davantage « cette situation » et (ii) qu’il serait légitime pour les autorités communales de donner la priorité à des terrains faisant partie du tissu urbain existant, plutôt qu’aux parcelles situées en dehors de celui-ci, les consorts (ABC) sont d’avis que cette argumentation tomberait à faux.

En effet, ils contestent que les terrains classés en zone [REC-6] par la commune constitueraient un îlot déconnecté du reste du tissu urbain existant puisqu’ils constitueraient d’ores et déjà un tissu urbain existant, lequel serait d’ailleurs historiquement acquis. Il serait également juridiquement faux de prétendre que le classement en zone d’habitation permettrait d’ériger de nouvelles constructions dès lors que le classement en zone constructible se bornerait à englober des constructions déjà existantes, sans augmenter le potentiel constructible sur les terrains en cause. Enfin, il ne faudrait pas perdre de vue que la volonté de l’autorité communale aurait justement été celle de ne pas exclure la maison des consorts (ABC) de la zone constructible « pour prioriser par rapport à d’autres terrains ». A cela s’ajouterait que le maintien de la parcelle en cause en zone verte n’aurait aucune incidence en termes de création de logements.

Au vu de toutes ces considérations, il ne serait pas établi que la décision du conseil communal de classer la parcelle des consorts (ABC) en zone constructible, en ce qu’elle serait le résultat d’une volonté politique librement exprimée au niveau communal, serait contraire à l’intérêt général. Il s’ensuivrait qu’en décidant de reclasser la parcelle en question en zone verte, le ministre de l’Intérieur aurait outrepassé son pouvoir de tutelle en la matière et la décision litigieuse serait à annuler de ce fait.

La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé, tandis que la partie communale s’en rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la légalité de la décision ministérielle du 9 juin 2022 en soulignant qu’il n’appartiendrait pas à l’administration communale de défendre la décision ministérielle litigieuse, ce d’autant plus qu’elle n’aurait pas approuvé le choix politique communal.

Analyse du tribunal Il y a, tout d’abord, lieu de relever que les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations. Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient une refonte de leur PAG, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel :

« Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-

dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit quant à lui que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Au vu du principe de l’autonomie communale, tel qu’inscrit notamment à l’article 107 de la Constitution, tel qu’applicable au présent litige, et à la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg, le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987, les communes sont non seulement compétentes, mais également responsables de l’aménagement et du développement de leurs territoires respectifs et bénéficient d’un droit d’appréciation trèsétendu en la matière15. Tel n’est pas le cas du ministre de l’Intérieur sous l’approbation duquel l’autorité communale exerce ses compétences. En effet, en matière de PAG, ledit ministre doit se limiter, en tant qu’autorité de tutelle, à veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général16, son droit d’approuver la décision du conseil communal ayant comme corollaire celui de ne pas l’approuver17.

Le tribunal se doit ensuite de constater que si par le biais de sa délibération du 29 juin 2021, le conseil communal a certes adopté le projet d’aménagement général sur base de l’article 14, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, il n’en reste pas moins que ce vote constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire ayant nécessité, conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, l’approbation définitive de l’autorité de tutelle pour prendre la désignation de PAG.

Or, en vertu dudit article 18, « [a]vant de statuer [à lire : sur l’approbation définitive du projet d’aménagement général], le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment avec les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans rendus obligatoires en vertu de la loi précitée du 17 avril 2018 et avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la prédite loi ».

Conformément à l’article 18, précité, de la loi du 19 juillet 2004, avant d’approuver ou non la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général, il appartient dès lors au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de vérifier la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 et notamment avec les objectifs énoncés à l’article 2 de celle-ci, énumérés ci-avant.

Il est certes vrai que la tutelle n’autorise pas, en principe, l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service, ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de se maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général18.

Il est également vrai que le rôle de l’autorité de tutelle consiste dès lors à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général19.

En l’espèce, il se dégage de la décision ministérielle du 9 juin 2022 que le ministre de l’Intérieur n’a approuvé que partiellement la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général, et a fortiori également déclaré non fondée la réclamation des consorts (ABC) visant à voir intégrer leur parcelle en zone d’habitation, en 15 Trib. adm., 28 octobre 2020, n° 42189 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 37, c. par Cour adm., 1er avril 2021, n° 45328C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

16 Trib. adm., 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 69 et les autres références y citées.

17 En ce sens : Cour adm., 31 janvier 2008, n° 23478C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 68 et les autres références y citées.

18 Idem.

19 Ibidem.estimant que l’extension de la zone destinée à être urbanisée sur certains sites, dont la parcelle des intéressés, était contraire à la législation applicable, tout en justifiant sa position, pour ce qui est plus particulièrement de la parcelle en question, sur base de la considération qu’elle constituerait, tout comme les parcelles environnantes sises aux lieux-dits « … » et « … » accueillant elles-aussi des constructions, un îlot déconnecté du reste du tissu urbain existant et dont le classement en zone constructible permettrait d’y ériger de nouvelles constructions, ce qui renforcerait encore davantage cette situation d’îlot déconnecté.

Le tribunal se doit de constater que la décision ministérielle querellée est fondée, tel que cela se dégage de son libellé, ensemble les compléments de motivation apportés par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, sur des considérations d’ordre urbanistique et plus particulièrement sur le souci d’éviter un développement désordonné du tissu urbain existant de la Ville de Differdange qui serait contraire aux objectifs d’intérêt général énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.

En l’espèce, il est constant en cause que sous l’ancien PAG, la parcelle litigieuse, qui se compose, suivant les explications des consorts (ABC), d’une maison d’habitation et d’un site de marbrerie artisanal fondé en 1875, était classée en zone verte. Il se dégage ensuite de la partie graphique du PAG fournie par la partie étatique que la maison d’habitation située sur la parcelle des consorts (ABC) constitue, ensemble avec la maison d’habitation sise au sud-est de celle-ci, sur la parcelle cadastrale no (P9), et la maison d’habitation sise plus à l’est, sur la parcelle cadastrale n°(P5), un petit groupe de maisons, communément appelé hameau, situé à l’écart du périmètre d’agglomération de la Ville de Differdange aux lieux-dits « … » et « … ».

Or, à l’évidence, la parcelle accueillant la maison d’habitation litigieuse des consorts (ABC) constitue, tout comme les parcelles accueillant les autres maisons d’habitation sises aux lieux-

dits « … » et « … », un îlot largement déconnecté par rapport au restant de la Ville de Differdange et cette situation particulière, bien qu’il ne soit pas contesté qu’elle existe de longue date ni que ledit hameau est raccordé à des infrastructures publiques, n’est a priori pas de nature à justifier son intégration dans le tissu urbanisé via son classement dans une zone de sports et de loisirs, tel que préconisé par l’autorité communale, et encore moins via son classement en zone d’habitation, tel que sollicité par les consorts (ABC). En effet, si l’intérêt de ces derniers de voir plus particulièrement intégrer la partie de la parcelle accueillant la maison d’habitation en zone constructible est manifeste en ce que la maison échapperait aux dispositions restrictives de la loi du 18 juillet 2018 visant les constructions existantes en zone verte notamment pour effectuer sur celles-ci des travaux de rénovation, de transformation ou d’adaptation et si l’autorité communale visait à travers le classement de la parcelle en cause en zone destinée à être urbanisée à régulariser une situation existante problématique en zone verte, il n’en reste pas moins qu’au vu de sa localisation déconnectée par rapport au restant du périmètre d’agglomération de la Ville de Differdange, l’inclusion de la parcelle litigieuse en zone destinée à être urbanisée, que ce soit par son classement dans une zone de sports et de loisirs ou en zone d’habitation serait contraire notamment aux objectifs d’intérêt général d’une utilisation rationnelle du sol et d’un développement harmonieux des structures urbaines, tels que prévus à l’article 2, points a) et b) de la loi du 19 juillet 2004, l’intégration de la parcelle litigieuse en zone constructible et son éventuelle urbanisation future risquant, en effet, de conduire à un développement désordonné de la Ville de Differdange.

Au vu de ces considérations et dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, en matière de PAG, le rôle de l’autorité de tutelle consiste à veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général, il n’apparaît pas dans quelle mesure, le ministre de l’Intérieur aurait, en l’espèce, outrepassé son pouvoir detutelle en décidant de n’approuver que partiellement la délibération du conseil communal du 29 juin 2021, en refusant notamment l’inclusion de la parcelle en cause dans la zone destinée à être urbanisée, tout en rejetant a fortiori également la réclamation des consorts (ABC), au motif qu’une telle inclusion serait contraire aux objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.

Le moyen tenant à une violation du principe de l’autonomie communale, respectivement à un outrepassement par le ministre de l’Intérieur de son pouvoir de tutelle est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

1.2. Quant au moyen tenant à la violation par la décision ministérielle du principe d’égalité de traitement et du principe de cohérence Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les consorts (ABC) font, en substance, valoir qu’alors même que leur parcelle se trouverait dans une situation comparable à celle du site « … », situé sur le territoire de la Ville de Differdange, en ce que « [l]es deux [auraient été] en zone verte sous l’ancien PAG, les deux [auraient été] reclassés par le conseil communal en zone constructible (zone de sports et loisirs), les deux [seraient] bâties et les deux accueille[raie]nt actuellement des activités », le ministre de l’Intérieur aurait décidé de reclasser ce site en zone spéciale, tandis qu’il se serait borné à reclasser leur parcelle en zone verte. Ce faisant, le ministre de l’Intérieur aurait traité différemment deux situations comparables et ce, sans aucune justification.

La partie étatique conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal S’agissant du moyen afférent au principe d’égalité de traitement, ensemble le principe de cohérence, il y a d’abord lieu de rappeler que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable au présent litige, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but20. Pour que le principe d’égalité devant la loi puisse être valablement mis en œuvre, il convient partant de pouvoir dégager deux situations comparables par rapport auxquelles une inégalité de traitement puisse être utilement invoquée.

20 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.Le tribunal se doit de relever que les consorts (ABC) restent en défaut de soumettre le moindre élément de nature à faire admettre que leur parcelle se trouverait dans une situation comparable à celle du site « … ».

En effet, le seul fait que les deux sites aient été classés sous l’ancien PAG en zone verte et que le site « … » ait, à un premier stade, également été reclassé par l’autorité communale en zone de récréation et de sports avant que le ministre de l’Intérieur ne décide de reclasser ledit site en zone spéciale 6 [SPEC-6], et non pas de le maintenir en zone verte, à l’instar de la parcelle des consorts (ABC), n’est, en tout état de cause, pas suffisant pour conclure à un traitement inégalitaire prohibé par l’article 10bis de la Constitution, ce d’autant plus qu’il se dégage de la partie graphique du PAG que le site « … » est, contrairement à la parcelle en cause, directement rattaché au tissu urbain existant.

Au vu de ce qui précède, le moyen tenant à une violation du principe d’égalité de traitement, respectivement du principe de cohérence est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

2. Quant au volet du recours dirigé contre la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général Arguments des parties A l’appui de ce volet du recours, les consorts (ABC) concluent à l’illégalité de la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 pour violation de l’article 21 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, en reprochant à l’administration communale d’avoir agi de manière irrégulière, sinon incohérente en créant une zone [REC-6] « pour des affectations telles que : la restauration, l’activité artisanale, les exploitation agricoles, une aire de parcage, les constructions destinées à l’habitation des propriétaires », tandis que suivant l’article 21 du règlement grand-ducal précité, la zone [REC] serait « normalement […] (et uniquement destinée) « […] aux bâtiments, infrastructures et installation de sports, de loisirs et touristiques. Y sont admis des logements de service directement liés aux activités y autorisées ». Ils sont d’avis que la zone [REC-6] ne serait rien d’autre qu’un « trompe-l’œil » puisque les affectations y admises ne feraient « nullement échos » à la définition de la zone de sports et de loisirs telle que prévue par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017. Or, comme la zone en question s’apparenterait en réalité à une zone spéciale, leur demande de voir classer la maison d’habitation en zone [HAB-1] serait, quant à elle, bien plus cohérente, les consorts (ABC) estimant avoir « perdu une chance de voir […] approuver le reclassement de leur parcelle en zone constructible » si le ministre de l’Intérieur « avait été appelé à toiser, non pas une zone REC-6, mais une zone HAB-1, limitée au niveau de la maison existante ».

Les parties communale et étatique concluent chacune au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Dans la mesure où le tribunal vient de conclure ci-avant qu’aucun dépassement ni de son pouvoir de tutelle ni de sa marge d’appréciation ne saurait être retenu dans le chef du ministre de l’Intérieur pour avoir décidé de n’approuver que partiellement la délibération du conseil communal du 29 juin 2021, en refusant notamment l’inclusion de la parcelle en cause dans la zone destinée à être urbanisée, que ce soit par son classement en zone [REC-6], tel que décidé par le conseil communal lors de ladite délibération, ou en zone d’habitation, tel quesollicité par les consorts (ABC), les moyens de ces derniers visant à critiquer la légalité de la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 à travers laquelle il avait été décidé de classer leur parcelle en zone [REC-6] sont à rejeter in globo pour manquer de pertinence.

3. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les parties demanderesses sollicitent la condamnation de l’Etat à leur payer une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ». Au vu de l’issue du litige, cette demande encourt toutefois le rejet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

écarte le mémoire en réplique déposé au nom et pour le compte des parties demanderesses, ainsi que les mémoires en duplique déposés au nom et pour le compte respectivement de l’administration communale de la Ville de Differdange et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

déclare le recours en annulation irrecevable omisso medio en ce qu’il a été introduit par la société à responsabilité limitée (AA) SARL à l’encontre de la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement général de la Ville de Differdange et à l’encontre de la décision du ministre de l’Intérieur du 9 juin 2022 approuvant partiellement ladite délibération ;

déclare le recours en annulation irrecevable omisso medio en ce qu’il vise la délibération du conseil communal du 29 juin 2021 portant adoption du projet de PAP QE ;

reçoit, pour le surplus, le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les parties demanderesses ;

condamne les parties demanderesses aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 18 novembre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 21


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47936
Date de la décision : 18/11/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-11-18;47936 ?

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