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25/10/2024 | LUXEMBOURG | N°47831

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 2024, 47831


Tribunal administratif N° 47831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47831 5e chambre Inscrit le 18 août 2022 Audience publique du 25 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47831 du rôle et déposée le 18 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Grégory DAMY, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A) demeurant à L-…, t...

Tribunal administratif N° 47831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47831 5e chambre Inscrit le 18 août 2022 Audience publique du 25 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47831 du rôle et déposée le 18 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Grégory DAMY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A) demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation 1) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 1, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 2016, 2017, 2018 et 2019, et 2) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 1, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2016 à 2019 et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 à 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Grégory DAMY et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mai 2024.

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Par courrier du 25 septembre 2019, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à Monsieur (A), sur le fondement du § 205, alinéa (1) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », au sujet de la déclaration pour l’établissement du bénéfice commercial des années 2016 à 2018, pour obtenir la communication de certains renseignements pour le 17 octobre 2021, au plus tard :

1 « […] je vous prie de bien vouloir me fournir les renseignements suivants : (sous forme digitale) • L’export de vos données de votre système de caisse sous format CSV (à effectuer par le fournisseur de votre système de caisse) pour les années 2016-2018 • La comptabilité informatisée au format SAF-T (FAIA) pour les années 2016-

2018 • Un relevé annuel établi manuellement qui reprend votre CHIDA TTC concernant uniquement les ventes pour les années 2016-2018 (le cas échéant, les factures qui n’ont pas été enregistrées dans le système de caisse, notamment les vétérinaires etc., sont à indiquer à part) • Les copies des relevés originaux provenant de la part de la CNS qui reprennent les montants réellement remboursés pour les années 2016-2018 = Un lien OTX sera ouvert à votre fiduciaire pour transmettre les données.

Veuillez nous indiquer l’adresse mail. […] ».

Par courrier du 27 juillet 2020, le bureau d’imposition émit un courrier identique, mais sur le fondement du § 222, alinéas (1) et (2) AO, au sujet de la déclaration pour l’établissement du bénéfice des années 2010 à 2015 à l’attention de Monsieur (A) qui fut invité à présenter ses observations éventuelles pour le 24 août 2020 au plus tard.

Par six courriers séparés datés du 1er septembre 2021, le bureau d’imposition informa Monsieur (A) qu’il envisageait « de procéder à une imposition rectificative » des années d’imposition 2010 à 2015, sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO et d’effectuer les redressements suivants, tout en l’invitant à présenter ses observations éventuelles pour le 17 septembre 2021 au plus tard :

« […] Suivant des faits nouveaux parvenus au bureau d’imposition, je tiens à vous informer que j’envisage de procéder à une imposition rectificative [des années 2010 à 2015] suivant le paragraphe 222(1) no 1 de la loi générale des impôts (AO).

La rectification concerne :

- Augmentation recettes : [respectivement …, …, …, …, …] EUR sur base du contrôle effectué par le Service de Révision et suivant tableau synthétique en annexe [pour l’année 2010 et] envoyé [pour les années 2011 à 2015]. […]. ».

Par trois autres courriers séparés datés du 1er septembre 2021, le bureau d’imposition informa Monsieur (A) qu’il envisageait de s’écarter de ses déclarations fiscales pour les années 2016 à 2018, sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO et d’effectuer les redressements suivants, tout en l’invitant à présenter ses observations éventuelles pour le 17 septembre 2021 au plus tard :

« […] Par la présente je vous informe que de l’instruction de votre dossier il ressort que le bureau d’imposition doit envisager de procéder aux modifications suivantes pour [les années d’imposition 2016 à 2018] :

• Augmentation des recettes : [respectivement …, …, …] EUR (suivant tableau 2synthétique établi par le Service de Révision) • Reprise/frais : […]. ».

Par courrier du 5 juillet 2021, Monsieur (A) fut convoqué par le bureau d’imposition à une entrevue « afin de discuter ensemble le résultat du contrôle de votre pharmacie » pour le 19 juillet 2021 qui eut lieu, en définitive, le 22 juillet 2021, en présence de membres du service de révision de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « service de révision », du bureau d’imposition, ainsi que du litismandataire de Monsieur (A).

En date du 31 août 2021, un compte-rendu du contrôle sur place effectué par le service de révision et le bureau d’imposition … fut dressé comme suit : « Compte-rendu Du Service de Révision et du Bureau d’imposition … concernant le contrôle sur place (A) … Phamacien fait sur demande du préposé du bureau d’imposition … et portant sur des années 2010 – 2018.

Table des matières […] A. Données générales ……………………………………………………………………………………………. 3 1. Motif de la vérification : ……………………………………………………………………………….. 3 2. Date de clôture de l’exercice […] …………………………………………………………………. 3 3. Déclarations et impôts contrôlés : …………………………………………………………………. 3 4. Objet de l’entreprise […] : ……………………………………………………………………………. 3 5. Forme juridique de l’entreprise ……………………………………………………………………. 3 6. Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place : ………………….. 3 7. Agents de l’Administration des Contributions directes ……………………………………… 3 B. Comptabilité …………………………………………………………………………………………………….. 3 8. Quant à la forme …………………………………………………………………………………………… 3 C. Constatations spéciales : Réunion du 22/07/2021 …………………………………………………. 4 9. Système POS ………………………………………………………………………………………………. 4 10. Fournisseurs: ………………………………………………………………………………………………. 4 11. Conclusion ………………………………………………………………………………………………… 5 A. Données générales 1. Motif de la vérification :

a. Avis du service de révision;

b. § 222(1) et (2) AO pour les années 2010-2015 ; faits nouveaux suivant les constatations faites lors du contrôle fiscal de l’année 2016 de M. (A) par le service de révision.

Une différence entre le chiffre d’affaire déclaré et le chiffre d’affaire effectif enregistré dans le système POS ;

c. Constatations faites lors du contrôle fiscal de la société (AA) par le service de 3révision.

2. Date de clôture de l’exercice :

Le 31 décembre 3. Déclarations et impôts contrôlés :

Impôt commercial des exercices fiscaux 2010 —2018 inclus 4. Objet de l’entreprise :

Pharmacie 5. Forme juridique de l’entreprise :

Exploitant individuel 6. Personnes ayant collaborées lors du contrôle sur place :

• Me Damy Grégory représentant de M. (A) 7. Agents de l’administration des contributions directes • Service de révision : …, …, … ;

• Bureau d’imposition : … : … (préposé-adjoint) , … ;

B.

Comptabilité 8.

Quant à la forme :

La loi générale des impôts impose la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§§ 160 et 162 AO) quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise.

A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond (§ 208 (1) AO).

A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le § 160 AO impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.

Le contribuable dispose d’une comptabilité en partie double informatisée.

Pour les années 2010 - 2018 les pièces comptables informatisées suivantes ont été présentées:

• Les fichiers FAIA ;

• Les fichiers du système POS.

L’analyse des fichiers a révélé des différences entre le chiffre d’affaire enregistré dans le système POS et celui de la comptabilité fournie sous format FAIA.

C.

Constatations spéciales : Réunion du 22/07/2021 49.

Système POS :

Les montants enregistrés dans le système POS diffèrent du chiffre d’affaire enregistré dans la comptabilité (fichiers FAIA).

Annulations excessives dans les fichiers PoS.

10.

Fournisseurs:

(AA) ;….

a. Bordereau de livraison i. Ok, avec fournitures gratuites et/ou avec remises b. Factures générales i. Sans indication sur les articles gratuits ii. Elles devraient, selon AED, contenir des informations sur les fournitures gratuites iii. Voir la note de service ACD sur les pharmaciens 11.

Conclusion de la réunion Différents sujets ont été discutés pendant la réunion du 22 juillet 2021 :

- Différences du chiffre d’affaires et du logiciel de ventes et la comptabilité, - Les annulations de ventes excessives qui ne peuvent pas être retracées, - Les ventes en négatives avec la désignation « divers ». Apparemment M. (A) n’a pas donné une explication à Me Damy, - Me Damy est d’avis que notre taxation serait trop exagérée car il a fait une comparaison avec autres clients. Après d’un filtrage des annulations avec une participation CNS = 0, les réviseurs ont constaté quand même encore une somme de … à … € TAC qui représente 5,9% à 10.02 % du chiffre d’affaire, ce qui est encor exagéré pour les annulations. Me Damy a été demandé de fournir des explications valables.

D.

Conclusions :

12.

Résultat après réception des fichiers et pièces à l’appui supplémentaires Recettes 5 Annulations Luxembourg le 31/08/2021 […] Inspecteur. ».

En date du 22 septembre 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur (A), - les bulletins rectificatifs d’établissement séparé des bénéfices des années d’imposition 2010 à 2015 sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, - les bulletins d’établissement séparé des bénéfices des années d’imposition 2016 à 2019, - les bulletins rectificatifs de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015 sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, avec la mention « Rectification suivant notre courrier du 01.09.2021 » et « Rectification sur base de la loi du 27 novembre 1933, art.10 […] », 6- les bulletins de l’impôt commercial communal de l’année 2016 et 2017, 2018 avec la mention que « L’imposition tient compte des redressements qui vous ont été commun. le 02.09.2021 en vertu du paragraphe 205(3) de la loi générale des impôts », et - le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2019.

Le 29 septembre 2021, le bureau d’imposition Luxembourg 2 émit à l’égard de Monsieur (A) - les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, ainsi que du calcul de la contribution dépendance de l’année d’imposition 2016, et - le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016.

En date du 6 octobre 2021, ledit bureau d’imposition en fit de même pour les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, ainsi que du calcul de la contribution dépendance des années d’imposition 2017, 2018 et 2019.

Par courrier du 15 décembre 2021, réceptionné le 21 décembre 2021, Monsieur (A) fit introduire une réclamation contre, d’une part, les bulletins rectificatifs précités d’établissement séparé du bénéfice commercial, et ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, et, d’autre part, les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial, ainsi que ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 à 2019, précités, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par le « directeur ».

Par courrier du 16 décembre 2021, réceptionné le 21 décembre 2021, Monsieur (A) fit introduire une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 2016, 2017, 2018 et 2019, ainsi que du calcul de la contribution dépendance des mêmes années, et contre le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016, auprès du directeur.

Par décision du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 1, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation dirigée contre, d’une part, les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial, et ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, et, d’autre part, les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial, ainsi que ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 à 2019. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 21 décembre 2021 par Me Grégory Damy, au nom du sieur (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2016 à 2019 et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 à 2019, tous émis en date du 22 septembre 2021;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des 7contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les dates d’émission des bulletins originaires qui ont subi une rectification sont reprises dans le tableau qui suit :

Année 2010 16 juin 2011 2011 3 octobre 2012 2012 21 août 2013 2013 1er octobre 2014 2014 3 août 2016 2015 23 novembre 2016 Considérant que ces bulletins ont été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO par des bulletins rectificatifs du 22 septembre 2021; qu’au moment de l’émission des bulletins rectificatifs, les bulletins d’origine avaient acquis force de la chose décidée ; que les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs ont empêché ces derniers d’acquérir autorité de chose décidée alors que les bulletins originaires étaient à qualifier de définitifs jusqu’au moment où ils ont été rectifiés ; qu’il s’ensuit que les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs litigieux, émis en date du 22 septembre 2021, sont attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition d’avoir majoré les bénéfices déclarés au titre des années 2010 à 2019 au moyen d’une taxation non justifiée de recettes supplémentaires et de ne pas avoir tenu compte de la prescription quinquennale ;

Des bulletins litigieux relatifs aux années 2010 à 2018 Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

Considérant que dans le cadre de sa requête, le réclamant fait valoir que l’émission des bulletins rectificatifs des années 2010 à 2015 ainsi que des bulletins de l’année 2016 étant intervenue plus de cinq ans après la naissance de la dette d’impôt, l’impôt fixé à travers lesdits bulletins serait atteint par la prescription alors qu’aucune dissimulation, de nature à justifier un délai de prescription de dix ans, ne pourrait lui être reprochée ;

Considérant que la prescription est d’ordre public en matière d’impôts directs ; qu’il y a dès lors lieu de vérifier d’office si les conditions d’application de celles-ci sont données ;

Considérant, de manière générale, qu’en matière d’impôts directs, la prescription est régie par la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, 8des droits d’accise sur l’eau-de-vie et des cotisations d’assurance sociale ; que l’article 10, alinéa 1er de la loi précitée énonce : « La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans. » ;

Considérant qu’il découle de cette disposition que si le délai de prescription de cinq ans est le délai de droit commun, le délai de dix ans est un délai spécial qui sanctionne des insuffisances imputables au contribuable soumis à l’obligation déclarative ;

Considérant que l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933 est le corollaire du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO ayant trait aux faits nouveaux ;

Considérant, en ce qui concerne justement les faits nouveaux, que « la notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d’imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition. » (Tribunal administratif du 17 février 2005, numéros 18011, 18012, 18013, 18014, 18015, 18016, 18017 et 18018 du rôle) ;

Considérant qu’en l’espèce, le bureau d’imposition disposait de renseignements constituant des indices concrets qui l’amenèrent, conformément à ses obligations découlant du § 204 AO, à enquêter sur l’existence de faits dont la qualité de « faits nouveaux » ne pouvait être reconnue qu’à l’issue de la procédure d’instruction ; que les « faits » en cause n’ayant pas été portés à la connaissance du bureau par le contribuable lui-même, le bureau ne pouvait en établir la réalité sans instruction ni consultation du requérant sous peine de contrevenir aux dispositions régissant les procédures d’instruction et d’imposition ; qu’une fois établis seulement, ces faits purent être qualifiés de « faits nouveaux » et faire l’objet d’impositions rectificatives qui, contrairement aux affirmations du requérant d’ailleurs, n’encourent pas la prescription pour les années les plus anciennes, l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes prévoyant que la créance du Trésor se prescrit par cinq ans, sauf en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, où la prescription est de dix ans ; que le requérant se trouvait incontestablement dans ce cas puisque, contrairement à ses explications, le caractère incomplet ou inexact de la déclaration ne doit pas nécessairement résulter d’une omission intentionnelle ;

Considérant qu’il est encore précisé que suivant les développements qui précèdent, le délai de prescription de l’impôt commercial communal de l’année 2010 a débuté le 1er janvier 2011 et la prescription aurait été accomplie au 1er janvier 2016 si la rectification du bulletin d’origine n’aurait pas été établie sur base d’un bulletin rectificatif émis en vertu des dispositions du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO; que le délai de prescription, ainsi porté à dix ans en principe, a néanmoins pris fin le 1er janvier 2021; que cependant, en vertu de l’article 4, alinéa 1er de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, le délai de prescription des créances du Trésor ainsi que toutes les créances dont le recouvrement est confié au receveur de l’Administration des contributions directes qui expire jusqu’au 31 décembre 2020 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021; que l’impôt commercial communal de l’année 2010, dont le délai de prescription aurait en principe pris fin le 1er janvier 2021, n’était donc pas atteint par la 9prescription au moment de l’émission des bulletins litigieux, le délai ayant été prorogé jusqu’au 31 décembre 2021;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les impositions litigieuses n’étaient pas frappées de prescription au moment de l’émission des bulletins litigieux ; qu’en l’espèce, la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’à la suite d’un contrôle approfondi de la comptabilité de la pharmacie exploitée par le requérant, effectué par le bureau d’imposition assisté dans sa tâche par le Service de révision de l’Administration des contributions directes, les enregistrements et pièces comptables furent qualifiés de non probants, car présentant certaines irrégularités qui se manifestèrent par l’existence d’une disparité importante entre les recettes d’exploitation comptabilisées et les recettes enregistrées par le logiciel de traitement des ventes, en raison notamment d’une multitude d’annulations inexpliquées de ventes au cours des exercices litigieux (… annulations en 2010, … en 2011, … en 2012, … en 2013, … en 2014, … en 2015, … en 2016, … en 2017 et … en 2018) pouvant représenter jusqu’à 10% du chiffre d’affaires, TVA comprise ;

Considérant que suite à une entrevue tenue le 22 juillet 2021 entre le représentant du requérant, Me Gregory Damy et les contrôleurs des contributions, le bureau d’imposition adressa au réclamant, en date du 1er septembre 2021, et ce pour chaque année litigieuse, un courrier répondant aux exigences du § 205, alinéa 3 AO, l’avisant qu’il entendait procéder à des majorations des bénéfices déclarés par voie d’une taxation de recettes d’exploitation supplémentaires telles que dégagées du contrôle effectué, et l’invitant à prendre position par rapport à ces redressements ;

Considérant que le bureau d’imposition émit les impositions (rectificatives) en date du 22 septembre 2021 conformément à ses annonces, ajoutant respectivement aux recettes déclarées (à l’origine) des montants de … euros pour l’année 2010, … euros pour l’année 2011, … euros pour l’année 2012, … euros pour l’année 2013, … euros pour l’année 2014, … euros pour l’année 2015, … euros pour l’année 2016, … euros pour l’année 2017 et … euros pour l’année 2018 ;

Considérant que dans le cadre de sa requête, le requérant conteste les redressements effectués au motif qu’il « n’est pas exposé en quoi ces annulations sont constitutives d’irrégularités. » ; que « Monsieur (A) fait état d’une comptabilité régulière tenue grâce au logiciel largement rependu (sic) LOGIPHARM » de sorte que le bureau d’imposition n’aurait pas été fondé à procéder par voie de taxation ;

Considérant que le réclamant avance encore que « c’est en méconnaissance parfaite du monde de la pharmacie que l’administration évalue l’anormalité.

Ainsi, dans ce milieu, les retours sont légion et les substitutions de produits sont nombreuses au moment du passage en caisse (remplacement d’un article déjà scanné pour un même d’un autre volume ou d’une autre posologie, comptabilisé comme annulation par le logiciel de comptabilité).

Des annulations peuvent également procéder de simples erreurs matérielles ou humaines. » ;

10Considérant qu’afin d’appuyer ses affirmations, le réclamant verse une « communication », ne comportant ni nom ni signature de son auteur, par laquelle « l’éditeur du logiciel de gestion s’exprime par ailleurs au sujet des « annulations » » ; qu’il ressort de ce document que l’origine des annulations litigieuses proviendrait d’un problème « lors de la conception de la base de données » alors que notamment lorsqu’une vente est rappelée, « la version originale de cette vente n’est pas effacée de la base de données. Elle est seulement marquée « inactive » (…), puis une note de crédit interne (également inactive) est créée pour compenser la vente originale et enfin la nouvelle version de la vente est enregistrée » ;

Considérant que le réclamant est soumis aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter afin que la comptabilité soit tenue de manière régulière ; qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit prendre en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;

Considérant encore et à titre de précision que ledit système d’enregistrement de ventes n’est pas présumé faire partie intégrante de la comptabilité du réclamant ; que le réclamant se basa toutefois, du moins en partie, sur ce système afin de déterminer les bénéfices imposables alors que les dispositions combinées du § 160, alinéa 1er AO et de l’article 40 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) lui imposent d’une part la tenue d’une comptabilité régulière et d’autre part la détermination des bénéfices imposables en se basant sur une comptabilité régulière et non sur un système d’enregistrement de ventes qui n’est pas réputé faire partie intégrante de la comptabilité, ce qu’un gestionnaire même moyennement consciencieux et diligent n’est certainement pas sans savoir ;

Considérant que de l’aveu même du requérant, les opérations d’annulations litigieuses pourraient être constitutives de retours de produits, de substitutions de produits voire de « simples erreurs matérielles ou humaines » ; que dans ce contexte, même si des irrégularités constatées pourraient être originaires de problèmes de conception du logiciel de traitement, il appartient au requérant seul d’apporter les éléments permettant justement de « faire une distinction entre ce qui constitue prétendument une irrégularité et ce qui pourrait être une vraie opération » ; qu’il n’est pas litigieux en l’espèce que les annulations excessives ne peuvent pas être retracées ; que le réclamant n’apporte aucun élément de nature à expliquer les différences importantes constatées entre le montant du chiffre d’affaires déclaré et celui enregistré dans le système de gestion du réclamant ni à démontrer que ces irrégularités auraient été dûment corrigées comptablement ; que la communication de l’éditeur du logiciel, de nature purement indicative, n’apporte aucun éclairage dans ce sens ;

Considérant que les défauts et manquements de la comptabilité présentée sont propres à invalider toute présomption de véracité dans son chef, les faits constatés ne se limitant pas, comme allégué, à de simples erreurs laissant douter de la tenue en tous points correcte de la comptabilité, mais constituant autant d’indices permettant d’établir l’irrégularité manifeste des comptes de l’entreprise ; que le fait d’avoir eu recours à un programme informatique pour enregistrer les flux comptables, et aux services d’un comptable pour en assurer une gestion appropriée ne dégage pas le contribuable de l’obligation de s’assurer personnellement de la bonne tenue des livres comptables, de la conservation adéquate des pièces comptables et de 11l’exactitude des bénéfices déclarés ; qu’il ne saurait à plus forte raison justifier les défauts et lacunes de la comptabilité par les insuffisances du système de gestion qu’il utilise pour déterminer les bénéfices imposables de plein gré et sous sa propre responsabilité ; qu’aussi, la présomption de régularité de la comptabilité de la pharmacie n’ayant pu être admise, le bureau d’imposition n’eut d’autre recours que de procéder à l’établissement des recettes par la voie d’une taxation ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales n°5 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle);

Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique.

Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle);

Considérant que l’instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation du revenu imposable par le bureau d’imposition ne donne pas lieu à critique ;

Considérant que, tout comme le bureau d’imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c’est par la consécration du principe du réexamen intégral et d’office des impositions litigieuses dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu’aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s’oppose donc à ce que le réclamant présente, dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d’abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d’impôt ;

Considérant que le réclamant ne put cependant présenter des explications circonstanciées et concordantes au sujet des manquements constatés dans le cadre de sa requête ; que faute de données fiables, il n’est possible ni à l’administration ni au requérant d’établir tant les actifs nets en début et en fin d’exercice des années concernées, que les prélèvements ou suppléments d’apport opérés en cours d’exercice et, en conséquence, le bénéfice commercial correspondant aux dispositions de l’article 18, alinéa 1er L.I.R. ; qu’il en résulte que la façon de procéder du bureau d’imposition est à confirmer tout autant en ce qui concerne le principe qu’en ce qui concerne la mise en œuvre, le réclamant n’ayant su justifier les bénéfices et chiffres d’affaires déclarés ni au moyen des enregistrements comptables ni au moyen d’autres justificatifs probants ;

12 Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les taxations telles qu’établies sont à confirmer ;

Des bulletins relatifs à l’année 2019 Considérant que le réexamen intégral de l’imposition litigieuse a fait ressortir que l’imposition est conforme à la loi et ne prête pas à critique ; que plus généralement, il convient d’ailleurs de constater que le réclamant ne formule aucun grief à l’encontre de cette imposition qui n’a, contrairement à ses allégations, pas fait l’objet d’un quelconque redressement ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes aux lois et aux faits de la cause et n’ont d’ailleurs pas autrement été contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par décision séparée du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 2, le directeur rejeta la réclamation dirigée contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 2016, 2017, 2018 et 2019 comme non fondée, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 21 décembre 2021 par Me Grégory Damy, au nom du sieur (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016, émis en date du 29 septembre 2021 ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2017, 2018 et 2019, tous émis en date du 6 octobre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition d’avoir « sensiblement majoré l’imposition sur le revenu de Monsieur (A) selon de prétendues irrégularités comptables » et de ne pas avoir tenu compte de la prescription quinquennale ;

13Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

Quant aux mécanismes régissant la mise en compte d’un revenu déterminé séparément Considérant qu’il ressort de la requête que le litige porte sur le bénéfice commercial réalisé par le réclamant grâce à l’exploitation de sa pharmacie durant les années 2016 à 2019 ; qu’un tel bénéfice a été établi séparément, conformément au § 214, n° 1 AO par le bureau d’imposition … ; que les bulletins de l’établissement séparé de ce bénéfice ont été émis en date du 22 septembre 2021 et notifiés à l’adresse du réclamant ;

Considérant qu’au vœu du § 218, alinéa 2 AO, les bases d’imposition fixées par un bulletin d’établissement séparé sont reprises dans le bulletin d’impôt du contribuable concerné, en vue de la fixation de la cote d’impôt sur le revenu lui applicable ;

Considérant que le bureau d’imposition est lié par le § 218, alinéa 2 AO lorsqu’un revenu net mis en compte résulte d’un bulletin d’établissement séparé ; que cette sujétion s’étend à la catégorie du revenu fixée à travers ce bulletin ;

Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ;

Considérant qu’une telle réclamation peut être formée, en vertu du § 232, alinéa 2 AO, contre les bulletins portant établissement séparé seulement, en l’espèce notamment contre les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2016 à 2019, tous émis le 22 septembre 2021 ;

Considérant d’ailleurs que les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial ont fait, eux aussi, l’objet de réclamations, enregistrées au répertoire sous le n° …, et qu’une réformation de ces bulletins entraînera d’office, le cas échéant, un redressement des bulletins de l’impôt sur le revenu litigieux, conformément au § 218, alinéa 4 AO ;

Quant à la prescription Considérant qu’en vertu de l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans, délai qui est porté à dix ans en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte ; que, comme décrit ci-dessus, la réformation d’un bulletin portant établissement séparé de revenus entraîne d’office un redressement du bulletin de l’impôt personnel, visé par lesdits revenus établis séparément ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

14 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 août 2022, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux décisions directoriales précitées du 18 mai 2022.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi1.

Dès lors, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit par Monsieur (A) contre les deux décisions directoriales susmentionnées du 18 mai 2022, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation dirigée contre ces deux décisions directoriales.

II) Quant au fond A) Quant au volet du recours dirigé contre la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 1 Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur soulève le moyen tiré de la prescription de la créance fiscale gisant à la base des bulletins rectificatifs des années 2010 à 2015 en argumentant qu’aucune dissimulation de nature à justifier l’application d’un délai de prescription de 10 ans ne pourrait lui être reprochée et que seul le délai de 5 ans visé à l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes des droits d’accise sur l’eau-de-vie et des cotisations d’assurance sociale, ci-après désignée par la « loi du 27 novembre 1933 », serait applicable.

Il conteste également l’existence de faits nouveaux pouvant justifier le recours audit délai de 10 ans et reproche à l’administration de ne pas avoir fourni de motivation quant aux informations qu’il aurait cachées.

Le demandeur ajoute qu’en tout état de cause, le délai de prescription relatif à l’année d’imposition 2010 aurait expiré même en appliquant le délai de 10 ans au motif que la prescription aurait été acquise au 1er janvier 2021. Il conteste que le délai de prescription aurait été prorogé en application de la loi modifiée du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, ci-après 1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation n° 4 et les autres références y citées.

15désignée par la « loi du 12 mai 2020 », en argumentant qu’au 31 décembre 2020, la créance fiscale n’aurait pas encore été confiée au receveur de l’administration et que le délai de prescription aurait expiré le 1er janvier 2021, et non pas le 31 décembre 2020. Il ajoute que l’administration aurait elle-même admis la prescription de l’année d’imposition 2010 en voulant lui faire renoncer à la prescription pour cette année et l’année 2016, le demandeur se référant aux demandes de renonciation à la prescription lui adressées par l’administration.

Ensuite, le demandeur se réfère aux causes d’illégalité externe, à savoir la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés et l’incompétence, en indiquant s’en remettre à prudence de justice quant auxdites causes pouvant affecter la décision directoriale déférée, tout en se réservant le droit de pouvoir se prévaloir d’un tel chef d’annulation en cours d’instance, si à cette occasion, il s’avérait que l’administration aurait agi sur base d’un vice de forme, ou d’incompétence.

En ce qui concerne les causes d’illégalité interne, le demandeur affirme que l’administration aurait fait une erreur manifeste d’appréciation de sa situation au motif qu’elle aurait majoré significativement ses bénéfices déclarés au titre des années 2010 à 2019 au moyen d’une taxation de recettes supplémentaires qu’il affirme être non justifiée. Tout en soutenant que l’administration se serait basée sur des lignes comptables intitulées « annulation » extraites de son « logiciel métier », le demandeur fait valoir qu’il ne s’agirait pas d’annulations et que les lignes comptables en question ne correspondraient qu’à des « écritures inactives ». Il se prévaut, dans ce contexte, d’explications qui auraient été fournies par le développeur du « logiciel Logipharm », suivant lesquelles ces lignes pourraient correspondre à divers scénarios et que l’administration en aurait fait une appréciation péjorative et erronée.

Le demandeur reproche encore à l’administration d’avoir retenu une marge de sécurité et d’avoir minoré son devoir d’investigation malgré les explications qu’il aurait fournies. Il estime que le § 217 AO aurait exigé du bureau d’imposition, avant d’avoir recours à une telle marge de sécurité, qu’il épuise toutes les possibilités d’investigation et qu’il ne lui soit pas possible d’élucider convenablement tous les éléments matériels de son cas d’imposition, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, le demandeur faisant valoir que l’administration n’aurait procédé à « aucun rapprochement de comptabilité (sur les inventaires et volumes, les sommes effectivement encaissées etc.). ».

Il conteste, par ailleurs, que le recours à cette marge de sécurité aurait été fait avec mesure et modération, tel que les juridictions administratives l’exigeraient, au motif que l’administration aurait considéré que l’intégralité des « lignes annulées » correspondrait à des revenus dissimulés. Le demandeur estime que cette marge de sécurité aurait été établie en « méconnaissance parfaite du monde de la pharmacie », milieu dans lequel les « retours » seraient légion et les substitutions de produits seraient nombreuses « au moment du passage en caisse (remplacement d’un article déjà scanné pour un même d’un autre volume ou d’une autre posologie, comptabilisé comme annulation par le logiciel de comptabilité). ». Les annulations pourraient également procéder de « simples erreurs de manipulation matérielles ou humaines. » Le demandeur ajoute qu’en considérant que 100% des « lignes inactives » correspondraient à des revenus dissimulés, l’administration lui aurait infligé une sanction.

16En dernier lieu, le demandeur indique que la décision comporterait « des erreurs manifestes tant de la règle de droit que d’appréciation des faits » qui devraient entraîner sa réformation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant2, les moyens tenant à la légalité externe étant à analyser avant ceux tenant à la légalité interne.

1) Quant à la légalité externe Force est de constater que si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond dans le cadre du recours sous examen, il n’en demeure pas moins saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé. Ainsi, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le contribuable pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro … –, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de sa situation fiscale. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer sa propre décision à une décision administrative jugée illégale, de sorte qu’il incombe au contribuable de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation3.

Conformément à l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », la requête du contribuable doit, à cet effet, comporter un « exposé sommaire faits et des moyens invoqués ». Il se dégage de cette disposition que l’exposé d’un moyen de droit requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué et il n’appartient pas au tribunal, en l’absence de moyens concrètement soumis, d’instruire de sa propre initiative une demande qui lui est adressée4. Il s’en dégage encore qu’un moyen utilement produit comporte qu’il soit de nature à remettre en cause concrètement et précisément, en tout ou partie, la décision administrative déférée5.

Dès lors, bien que le seul fait de se rapporter à prudence de justice équivaut en principe à une contestation6, il ne suffit pas pour le demandeur de se rapporter à prudence de justice, 2 Trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (1er volet) et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 503 (1er volet) et les autres références y citées.

5 Cour adm., 12 décembre 2007, n° 22717C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 24 et les autres références y citées.

6 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 (1er volet) et les autres références y citées.

17notamment quant à l’existence d’« éventuelles causes d’illégalité externe » pouvant affecter la décision directoriale sous analyse, pour que le tribunal se trouve saisi d’un quelconque moyen afférent.

Les contestations afférentes sont partant à rejeter.

2) Quant au moyen tiré de la prescription En application des principes retenus ci-avant et compte tenu de l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999, le tribunal retient que le fait pour le demandeur de contester l’existence de faits nouveaux qui justifierait l’application du délai de prescription de 10 ans ne remplit pas la condition d’un « exposé sommaire faits et des moyens invoqués », étant donné que la simple contestation du demandeur dans ce contexte est dépourvue d’une quelconque argumentation et a fortiori d’une argumentation circonstanciée afférente. La même conclusion s’impose au sujet de sa contestation tendant à exclure l’application dudit délai de prescription de 10 ans en rejetant l’existence de toute dissimulation. Le tribunal ne se trouve, dès lors, pas saisi à suffisance de cette question, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Dès lors, l’analyse du tribunal sera limitée au moyen tiré de la prescription par rapport à la seule année d’imposition 2010 à laquelle le demandeur a lui-même limité le moyen sous examen.

L’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, telle que remise en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, pris en vertu de la loi du 27 février 1946, applicable à la matière de la prescription des créances du Trésor, à l’exclusion du § 144 AO, dispose que « La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas d’absence de déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans. Ces prescriptions s’appliquent à tous impôts […] dont est chargée l’administration des contributions directes […]. ».

Il s’ensuit que la prescription de la créance du Trésor est en principe de cinq ans, tandis que la prescription est décennale en cas d’imposition supplémentaire pour absence de déclaration ou déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse7. Dans ce contexte, le tribunal relève que ladite créance du Trésor comprend l’impôt sur le revenu, ainsi que l’impôt commercial communal étant donné que l’administration des Contributions directes est chargée de l’exécution de la législation en matière des divers impôts directs8.

En ce qui concerne le point de départ du délai de prescription de la créance du Trésor, le tribunal relève que l’alinéa 3 de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 précise que « La prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née. […] ».

La créance fiscale naît, aux termes du § 3 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », désignée ci-après par « StAnpG», qui dispose que « (1) die Steuerschuld entsteht, sobald der Tatbestand verwirklicht ist, an den das Gesetz die Steuer knüpft.

7 Trib. adm., 27 mai 1998, n° 10208, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 818 et les autres références y citées.

8 Article 1er de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l'administration des contributions directes.

18(2) Auf die Entstehung der Steuerschuld ist es ohne Einflu, ob und wann die Steuer festgesetzt wird und wann die Steuer zu entrichten (wann sie fällig) ist », dès que le fait générateur auquel la loi rattache l’impôt est réalisé, étant précisé que ni la déclaration de l’impôt, ni les bulletins d’imposition ne donnent naissance par eux-mêmes à la dette d’impôt9.

Le § 3 StAnpG précise ensuite en son alinéa (5) que « die Steuerschuld entsteht: 1. bei der Einkommensteuer und bei der Körperschaftsteuer: […] c) für die veranlagte Steuer: mit Ablauf des Kalenderjahres, für das die Veranlagung vorgenommen wird, soweit nicht die Steuerschuld nach Buchstabe a) oder b) schon früher entstanden ist » […], que pour l’impôt sur le revenu en particulier, la dette fiscale naît à la fin de l’année civile pour laquelle l’imposition est effectuée, à savoir au 31 décembre de l’année d’imposition concernée.

Il s’ensuit que pour l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal, le délai de prescription court à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance fiscale est née10.

Il résulte d’une lecture combinée de l’article 10, alinéa (3) de la loi du 27 novembre 1933 et du §3, alinéas (1), (2), et (5) StAnpG, précités, qu’en l’espèce, la dette fiscale du demandeur en lien avec l’année d’imposition 2010 est née le …, de sorte que le délai de prescription pour l’établissement du bénéfice, ainsi que l’impôt commercial communal dus par lui a débuté à partir du 1er janvier 2011.

Dès lors, les bulletins rectificatifs d’établissement séparé des bénéfices et de l’impôt commercial communal de l’année d’imposition 2010, émis tous les deux le 22 septembre 2021, ont a priori été émis après l’expiration du délai de prescription de 10 ans.

Or, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement se prévaut des dispositions de la loi du 12 mai 2020, entrée en vigueur le même jour, qui dispose en son article 4, paragraphe (1) que « Le délai de prescription des créances du Trésor ainsi que de toutes les créances dont le recouvrement est confié au receveur de l’Administration des contributions directes qui expire jusqu’au 31 décembre 2020 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021. ».

En l’occurrence, la dette fiscale du demandeur relative à l’année d’imposition 2010 n’a, dès lors, pas expiré au 31 décembre 2020, mais au 31 décembre 2021, de sorte que la prescription n’était pas acquise au 1er janvier 2021, mais au 1er janvier 2022. La notification des bulletins d’impôt sous analyse datée du 22 septembre 2021 est ainsi intervenue endéans le délai de prescription de 10 ans.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation du demandeur suivant laquelle le recouvrement de la créance en question n’aurait, au 31 décembre 2020, pas encore été confiée au receveur de l’administration, alors qu’à travers la terminologie employée à l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 12 mai 2020, précité, le législateur a manifestement entendu viser les créances dont le recouvrement est attribuée à l’administration des Contributions directes, et non pas celles nécessitant un acte positif visant à permettre au receveur de procéder à leur recouvrement. Cette conclusion s’impose d’ailleurs à la lecture des travaux parlementaires afférents dont il ressort expressément que « Le délai de prescription des créances du Trésor ainsi que de toutes les créances dont le recouvrement est confié à 9 En ce sens: Trib. adm., 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1025 et les autres références y citées.

10 Trib. adm., 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 823 et les autres références y citées.

19l’Administration des contributions directes qui viendrait à expiration jusqu’au 31 décembre 2020 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021. »11. Elle s’impose également à la lecture de l’article 1er de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des contributions directes qui dispose que c’est bien l’administration des Contributions directes qui est compétente en matière d’impôts directs, en ce compris l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal, tel que retenu ci-avant.

En conséquence, et dans la mesure où le demandeur n’a d’ailleurs pas pris position par rapport à l’argumentation du délégué du gouvernement relative à la loi du 12 mai 2020 dans le cadre d’un mémoire en réplique, sinon oralement par l’intermédiaire de son litismandataire à l’audience des plaidoiries, le moyen afférent encourt le rejet.

3) Quant à la légalité et au bien-fondé de la taxation d’office Le tribunal relève, de prime abord, que le demandeur ne remet en cause ni le bien-fondé et la légalité du recours à la taxation d’office justifié par l’administration par l’existence d’une comptabilité irrégulière en application du § 217, alinéa (2) AO, ni le caractère irrégulier de sa comptabilité au sens des §§ 160 à 162 AO en tant que tel. Il y a, dès lors, lieu d’admettre que ces points ne sont pas litigieux en l’espèce et que le tribunal ne se trouve pas saisi de ces questions.

Le demandeur se limite, en effet, à contester la légalité et le bien-fondé des cotes d’impôts fixés dans le cadre de la taxation d’office, et plus particulièrement le caractère excessif des montants retenus par le bureau d’imposition, tels que confirmés par le directeur, par rapport, d’une part, aux lignes comptables qui auraient fait l’objet d’« annulations », et, d’autre part, à la marge de sécurité fixée par le bureau d’imposition.

En revanche, le demandeur ne conteste pas les redressements dont il a fait l’objet en raison de l’existence de différences qui auraient été constatées entre le montant du chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du « système POS », respectivement du « logiciel Logipharm » utilisé par le demandeur et celui enregistré dans sa comptabilité sous la forme de « fichiers FAIA », tels qu’elles ressortent du rapport de révision, de sorte que le tribunal ne se trouve pas saisi du bien-fondé des cotes d’impôts fixés dans le chef du demandeur à cet égard.

Sur cette toile de fond, le tribunal relève, ensuite, qu’aux termes du § 217, alinéa (1) AO, « Soweit die Steuerkontrollstelle die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat sie sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. ».

Il résulte de cette disposition que la taxation (« Schätzung ») constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire12.

11 Doc. parl. 7555, Commentaire des articles, Ad article 4, page 6.

12 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 978 (1er volet) et les autres références y citées.

20La taxation d’office consiste ainsi en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration. Le but de la taxation d’office est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, le contribuable devant s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office. La prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération13.

Force est, ensuite, de constater qu’il est désormais de jurisprudence constante que s’il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité, un contribuable qui s’est soustrait à son obligation de collaboration, d’abord, en omettant de remettre une déclaration d’impôt ou de fournir des renseignements et documents suffisants, et, ensuite, en s’abstenant de soumettre au directeur des preuves documentaires cohérentes et complètes, est censé se contenter de l’approximation inhérente à une imposition fondée entièrement ou partiellement sur une taxation de revenus, qu’elle opère en sa faveur ou en sa défaveur.

En effet, en ayant mis tant le bureau d’imposition que le directeur dans l’impossibilité d’exercer leur pouvoir d’imposition, avec les prérogatives y attachées, et ainsi empêché le déroulement normal des procédures d’imposition, le contribuable défaillant doit être considéré comme ayant définitivement renoncé à une détermination exacte des bases d’imposition et des cotes d’impôt en découlant.

Le contribuable ne saurait partant utilement recourir devant le juge administratif contre une imposition établie entièrement ou partiellement par la voie de la taxation d’office en raison de son comportement défaillant en critiquant que la cote d’impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Le juge administratif ne dispose en effet pas des pouvoirs nécessaires pour une instruction d’office du cas d’imposition dans sa globalité, les §§ 243 et 244 AO n’étant pas applicables aux juridictions administratives.

Au vu de l’acceptation implicite mais nécessaire du caractère approximatif de son imposition, le contribuable ne saurait, dans une telle hypothèse, prospérer dans son recours contentieux que s’il rapporte la preuve que ses revenus réels s’écartent de manière significative des bases d’imposition retenues dans le bulletin d’impôt ou dans la décision directoriale. Le juge administratif est alors appelé à examiner les arguments et les éléments de preuve lui soumis par le contribuable afin de vérifier si, globalement considérés, ils sont de nature à devoir entraîner une réduction approximative des bases d’imposition retenues dans l’imposition déférée afin de rapprocher davantage les bases d’imposition taxées de la situation de revenus telle que découlant des arguments et éléments de preuve mis en avant par le contribuable14.

En l’espèce, étant donné qu’il est, tel que relevé ci-avant, constant en cause que le demandeur ne dispose pas d’une comptabilité régulière au sens des §§ 160 à 162 AO, de sorte à avoir mis le bureau d’imposition et le directeur dans l’impossibilité d’établir avec exactitude son imposition, le demandeur n’est (i) admis, dans le cadre du présent recours contentieux, qu’à rapporter la preuve que les cotes d’impôts fixés dans son chef par voie de taxation s’écartent de manière significative de ses revenus réels, et (ii) n’est pas admis à reprocher au 13 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 979 (2e volet) et les autres références y citées.

14 Cour adm., 27 juin 2019, n° 41512C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 988 et les autres références y citées.

21directeur de ne pas avoir procédé à un « rapprochement de comptabilité » en vue d’effectuer l’estimation de son chiffre d’affaires dans le cadre de la taxation litigieuse.

Par rapport à la question des « lignes annulées », le tribunal estime que les explications du demandeur corroborées par le document, intitulé « Communication », qui semble avoir été établi par l’exploitant du « logiciel Logipharm », sont de nature à rendre plausible l’existence de défaillances dans sa conception, tenant en particulier à l’emploi d’un vocabulaire inadapté ne reflétant pas nécessairement la nature réelle des opérations effectuées. Il en ressort, en effet, que l’annulation d’une opération de vente était affichée comme telle pour de multiples motifs ne pouvant pas être précisés par son auteur et sans qu’il ne s’agisse nécessairement d’une opération d’« annulation » à proprement parler et in fine d’une tentative de dissimulation d’opérations de vente par le demandeur ou ses employés. Il ressort plus particulièrement de la description du fonctionnement interne de ce logiciel que suite à l’inscription d’une opération de vente d’un médicament, cette inscription faisait l’objet d’une « annulation » du médicament en question, en cas d’achat d’un médicament supplémentaire muni de la même ordonnance médicale par la suite. Ces deux opérations étaient alors indiquées comme étant « annulées » et remplacées par l’encodage d’une nouvelle et troisième inscription d’opération de vente du premier médicament, suivie d’une quatrième inscription relative à l’achat du second médicament, aboutissant au final à l’inscription de quatre inscriptions successives dont deux étaient affichées comme étant « annulées ». Il ressort encore de ces explications que des améliorations auraient été entretemps introduites dans la présentation de ces informations au sein du logiciel, notamment en remplaçant l’intitulé « annulé » par « inactif ».

Le document « Communication » indique encore que les opérations d’« annulation » pouvaient avoir pour origine « le fait de scanner un produit pour vérifier son prix » sans qu’une vente ne s’en suive, ou encore lorsqu’un produit était rapporté par un client, ce qui donnait lieu à un remboursement et in fine à une réelle annulation de vente.

Le tribunal peut ainsi suivre les explications du demandeur quant à l’origine de certaines de ces opérations d’« annulations », encore qu’elles reposent exclusivement sur le document prémentionné qui est dépourvu d’une quelconque signature émanant de son auteur, tel que relevé pertinemment par le directeur. Ces opérations ne sauraient être ipso facto considérées comme matérialisant une tentative de dissimulation d’opérations de ventes par le demandeur qu’il y aurait, en conséquence, lieu de soumettre à imposition.

Il y a encore lieu de relever dans ce contexte que le directeur a lui-même relevé dans sa décision que de telles irrégularités « constatées pourraient être originaires de problèmes de conception du logiciel de traitement », et que le délégué du gouvernement ne conteste d’ailleurs pas que les explications susvisées du demandeur ont également été fournies à l’administration en cours de phase précontentieuse, tel que l’affirme le demandeur.

Cela étant, le tribunal ne saurait pour autant en conclure, eu égard aux éléments lui soumis par le demandeur, qu’aucune des « lignes annulées » ne serait à soumettre à imposition.

Premièrement, le demandeur invoque une dernière justification pour expliquer l’origine des opérations d’« annulation », réitérées dans le cadre de son recours contentieux, à savoir l’existence de « simples erreurs de manipulation matérielles ou humaines ». Toutefois, le document intitulé « Communication », prémentionné, ne mentionne pas une telle hypothèse d’« annulation » et aucun autre document soumis à l’appréciation du tribunal ne vient corroborer les explications du demandeur à cet égard. Il ne saurait, dès lors, être exclu que de 22telles opérations d’« annulation » soient, en réalité, de réelles opérations de ventes que le demandeur, respectivement son personnel, aurait tenté de dissimuler, respectivement qui auraient été annulées par inadvertance. L’affirmation suivant laquelle les « lignes annulées » seraient constitutives d’ « erreur de manipulation matérielle ou humaines » est à tout le moins de nature à rendre plausible que de réelles opérations de vente aient, par « erreur », fait l’objet d’« annulations ».

En l’état actuel du dossier, le tribunal constate pourtant qu’aucun élément tangible ne permet de distinguer concrètement (i) les opérations d’« annulations » qui relèveraient du défaut de conception du « logiciel Logipharm », de consultations de prix du médicament ou des retours ou échanges de marchandises, et qui ne devraient pas être considérées comme des tentatives de dissimulations ou des annulations involontaires d’opérations de vente réelles, et (i) celles qui relèveraient de « simples erreurs de manipulation » du demandeur ou de son personnel, opérations dont il ne saurait être exclu qu’il s’agisse, au moins en partie, de véritables opérations de vente devant être soumises à imposition, tel que relevé en substance par le directeur.

C’est pourtant au demandeur qu’il revient de rapporter cette preuve conformément aux principes dégagés ci-avant sur le fondement du § 217 AO afin de démontrer l’écart significatif allégué entre les montants retenus par le directeur les revenus réellement perçus par lui, cette charge de la preuve se dégageant également de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », qui dispose que « […] la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. […] ».

A défaut d’un quelconque élément tangible et objectivement vérifiable permettant de délimiter exactement l’origine de toutes les opérations d’« annulation », le tribunal n’entrevoit, dès lors, pas dans quelle mesure le directeur aurait pu et dû adopter une solution autre que celle tendant à la confirmation de l’imposition, dans son principe, d’une partie de ces opérations d’« annulation », ni dans quelle mesure le tribunal pourrait, dans ces conditions, être amené à devoir réformer la décision directoriale dans le sens voulu par le demandeur.

En effet, contrairement à ce que le demandeur affirme, le bureau d’imposition n’a pas procédé à la taxation de l’intégralité des opérations d’« annulation » au motif qu’elles auraient toutes été constitutives d’opérations de ventes dissimulées ou annulées par erreur. Il ressort des tableaux synthétiques inclus dans le compte-rendu du service de révision, que ce dernier a, non pas procédé à la taxation de ces opérations d’« annulation » à hauteur du pourcentage – à savoir entre 5,9% et 10,02% –, auquel ces opérations correspondaient par rapport au chiffre d’affaires annuel de la pharmacie. Le service de révision a, au contraire, systématiquement retenu pour chacune de années d’imposition 2010 à 2018, litigieuses, un pourcentage inférieur variant entre 5% et 7,5%, à l’exception de l’année d’imposition 2015 pour laquelle un pourcentage de 10% a été retenu compte tenu du pourcentage d’« annulations » correspondant à 10,02% de son chiffre d’affaires pour cette année.

Le tribunal estime, dès lors, que la différence entre le pourcentage d’opérations d’« annulation » et le pourcentage de ces opérations effectivement soumis à imposition par le bureau d’imposition en définitive, tient compte, à suffisance, des défauts de conceptions du « logiciel Logipharm », des consultations de prix et des retours ou échanges de marchandises.

Une telle façon de faire s’analyse, en réalité, comme une mesure de faveur pour le demandeur, compte tenu de sa défaillance dans l’administration d’éléments de preuves tangibles permettant 23de distinguer entre les opérations d’« annulation » tirant leur origine des défauts de conceptions et les opérations relevant de « simples erreur de manipulation » dont il n’est justement pas possible d’exclure que certaines d’entre elles soient de véritables opérations de vente devant être soumises à imposition.

Deuxièmement, compte tenu du nombre substantiel de « lignes annulées » du demandeur, soit entre … et près de … mille par an, représentant un chiffre d’affaires annuel variant entre un peu plus de … euros à … euros, soit entre 5,9% et 10,02% du chiffres d’affaires total de la pharmacie exploitée par le demandeur – nombres, montants et pourcentages que le demandeur ne conteste d’ailleurs pas – ce dernier ne peut pas raisonnablement soutenir que l’intégralité des « lignes annulées » serait due aux défauts de conception du « logiciel Logipharm », à des consultations de prix par les employés de la pharmacie, voire à de « simples erreurs de manipulations », et qu’en conséquence, aucune des opérations d’« annulation » ne devrait faire l’objet d’une taxation.

Sur base des considérations qui précèdent, le tribunal retient que les montants retenus par le bureau d’imposition doivent, dans ces conditions, être considérés comme reflétant une juste estimation – par nature approximative – de réelles opérations de ventes non comptabilisées comme telles par le demandeur.

Pour le surplus, le tribunal constate que si le directeur et le délégué du gouvernement se sont référés à une marge de sécurité par rapport à laquelle le demandeur a d’ailleurs pris position, force est de constater qu’il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, en ce compris le compte-rendu du service de révision, qu’une telle marge de sécurité aurait été appliquée par le bureau d’imposition, respectivement le service de révision, de sorte que les contestations afférentes sont à rejeter.

En dernier lieu, le tribunal est encore amené à préciser que l’affirmation du demandeur suivant laquelle la décision directoriale sous analyse comporterait « des erreurs manifestes tant de la règle de droit que d’appréciation des faits », dépourvue de la moindre explication afférente, est à rejeter pour être simplement suggérée et ne pas satisfaire aux exigences de l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999.

A défaut d’autres moyens, le tribunal est amené à rejeter le recours dirigé contre la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro …, pour être non fondé.

B) Quant au volet du recours dirigé contre la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 2 Force est au tribunal de constater que le demandeur n’a formulé aucune contestation visant à remettre en cause le bien-fondé et la légalité de la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 2, portant rejet de sa réclamation introduite le 21 décembre 2021, en substance, au motif que les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 2016, 2017, 2018 et 2019 seraient rectifiés d’office en cas de modification des bulletins d’établissement séparé gisant à leur base – et contestés par le demandeur dans l’instance de réclamation référencée sous le numéro … –.

24 Or, tel que retenu ci-avant, le tribunal ne statue que dans la limite des moyens utilement produits devant lui, moyens devant être de nature à remettre en cause concrètement et précisément, en tout ou partie, la décision administrative déférée15.

A défaut d’un quelconque moyen, a fortiori circonstancié, soulevé par le demandeur pour remettre en cause le bien-fondé et la légalité de la décision directoriale du 18 mai 2022, référencée sous le numéro 2, le tribunal est amené à rejeter le recours sous examen pour autant qu’il est dirigé à son encontre.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre les deux décisions directoriales du 18 mai 2022, référencées sous les numéros 2 et … du rôle, est à déclarer non fondé et qu’il encourt, dès lors, le rejet.

III) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, encourt le rejet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation dirigée contre les deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 mai 2022 (2 et …) en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation dirigée contre lesdites décisions ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 octobre 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, 15 Cour adm., 12 décembre 2007, n° 22717C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 24 et les autres références y citées.

25en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47831
Date de la décision : 25/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-25;47831 ?

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