Tribunal administratif N° 47490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47490 4e chambre Inscrit le 31 mai 2022 Audience publique du 25 octobre 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et un arrêté du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de discipline
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 47490 du rôle et déposée le 31 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Antoine STOLTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 9 mars 2022 ayant prononcé, à son égard, la sanction de la mise à la retraite d’office, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté d’exécution du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 22 mars 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2022 par Maître Antoine STOLTZ, préqualifié, pour compte de sa mandante ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2022 ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée le 16 septembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Fatiha RAZZAK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclarant avoir repris le mandat pour la défense des intérêts de Madame …, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 17 septembre 2024, les parties s’étant excusées.
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Il ressort des explications non contestées en cause que Madame … est entrée en service en qualité d’employé de l’Etat en date du 15 septembre 2009 en tant que chargée de cours à l’école fondamentale « … » à ….
Par un courrier du 23 juillet 2021, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, dénommé ci-après « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement »,afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame …, conformément à l’article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».
Par un courrier adressé au ministre en date du 4 août 2021, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 23 juillet 2021.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame … qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 17 août 2021 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.
Suite à un courrier électronique lui adressé en date du 6 août 2021 par lequel Madame … l’a informé de son indisponibilité de se présenter devant lui jusqu’au 14 septembre 2022, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception de cette information en date du 9 août 2021, tout en informant Madame … que la procédure disciplinaire suivrait néanmoins son cours, mais qu’il lui serait loisible de verser une prise de position écrite.
Après avoir dressé un procès-verbal en date du 17 août 2021 constatant que Madame … ne s’était pas présentée à l’entrevue fixée le même jour, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission, en date du 27 décembre 2021, d’un rapport d’instruction. Par un courrier du même jour, il informa Madame … qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.
Par courrier du 17 janvier 2022, le dossier disciplinaire de Madame … fut transmis au Conseil de discipline.
En date du 9 mars 2022, le Conseil de discipline prit la décision qui suit :
« (…) Vu l'instruction disciplinaire diligentée à l'encontre de … par le commissaire du Gouvernement adjoint, régulièrement saisi en application de l'article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut, par un courrier du Ministre de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse du 23 juillet 2021 et transmise pour attribution au Conseil de discipline par courrier du 17 janvier 2022.
Vu le rapport d'instruction du 27 décembre 2021.
A l'audience publique du Conseil du mercredi, 23 février 2022, …, bien que dûment avisée par lettre recommandée du 21 janvier 2022, ne s'est pas présentée à l'audience, de sorte qu'il y a lieu de statuer contradictoirement à son encontre conformément à l'article 68 du statut.
…, dans la lettre de saisine du 23 juillet 2021, se voit reprocher les faits suivants :
1. « […] d'avoir, tout au long de la crise sanitaire liée au COVID-19, et sans préjudice quant à des dates plus exactes, refusé de se conformer aux règles sanitaires en vigueur, en 2 refusant de porter son masque et en refusant de respecter les règles de distanciation sociale, et ce, notamment lors des cours qu'elle dispense ».
2. « […] d'avoir, au cours du week-end du 20 juin 2021, sans préjudice quant à la date exacte, fait parvenir un courrier électronique à l'ensemble du personnel de l'école fondamentale « … », par lequel elle remettait en cause, respectivement critiquait, les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19 ».
Après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut, la déléguée du Gouvernement fut entendue en ses conclusions.
Elle a relevé que les reproches formulés dans la lettre de saisine se trouvent dûment documentés au dossier. Au cours de l'année scolaire 2020/2021, et plus particulièrement après les vacances scolaires de carnaval 2021, … aurait régulièrement contrevenu aux instructions et aux ordres de service reçus de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi qu'aux lois sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 votées par la Chambre des Députés. Nonobstant plusieurs rappels de ses collègues de travail, … aurait adopté une démarche systématique dans l'enceinte scolaire consistant à ne pas porter le masque et à vouloir imposer ses convictions strictement personnelles, déjouant ainsi tous les efforts adoptés par les autorités dans une situation de crise sanitaire mondiale. En tant que chargée de cours en contact quotidien avec des enfants lui confiés elle aurait dû servir d'exemple, au lieu d'adopter une attitude particulièrement irresponsable et contraire à la loi, acceptant aussi implicitement mais nécessairement une mise en danger de la vie d'autrui. Elle se serait ainsi disqualifiée humainement et professionnellement. Le fait d'utiliser sa messagerie professionnelle pour partager ses opinions personnelles et faire véhiculer parmi la communauté enseignante des théories conspirationnistes en serait une illustration supplémentaire, tout comme le fait de dénigrer publiquement la collègue de travail ayant informé la hiérarchie du non port systématique du masque par ….
En conséquence, la déléguée du Gouvernement demande du chef des manquements constatés constitutifs d'une violation des articles 9, paragraphe 1, alinéas 1 et 2, et 10 paragraphe 1, alinéas 1 et 2, la mise à la retraite d'office de ….
A l'instar de l'appréciation effectuée par le commissaire et les conclusions tirées par la déléguée du Gouvernement, il ressort à suffisance du dossier disciplinaire que …, bien avant la convocation par le directeur régional pour le 14 juin 2021, a régulièrement fait l'objet de remontrances et de rappels de la part des autres acteurs de la communauté enseignante de son école pour lui faire respecter scrupuleusement les mesures adoptées dans une situation de crise sanitaire mondiale déclarée par l'organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020 et pour lui faire porter son masque à l'intérieur du bâtiment scolaire.
Ni l'intervention de la présidente d'école, ni celle du directeur régional du 14 juin 2021, ni celle de la directrice adjointe de l'enseignement fondamental de la région d'… du 29 juin 2021, persuadés de pouvoir faire appel au sens des responsabilités de … en lui rappelant les ordres renfermant les consignes sanitaires à respecter, dont le port obligatoire du masque, n'ont été couronnées de succès.
Au contraire, il se dégage notamment des prises de position de …, de …, d' …, de … et de … que … a persévéré dans son attitude consistant à refuser systématiquement de porter son masque et elle ne s'est pas non plus laissée freiner dans son élan à faire véhiculer parmi la 3 communauté enseignante de son école sa conception personnelle de la gestion de cette crise tout en insinuant que personne ne se conformerait à 100% aux lois en vigueur et en dénigrant la personne qui l'aurait dénoncée.
Or, porter le masque n'est pas tant une mesure sanitaire personnelle, c'est-à-dire pour se protéger soi-même, qu'un acte civique destiné à protéger autrui contre le risque de contamination afin d'endiguer l'épidémie et d'éviter toute contagion en empêchant la propagation des postillons porteurs du coronavirus. Le Conseil rejoint la déléguée qu'il importe en l'espèce de condamner un comportement purement égoïste, contraire à la loi, risquant de favoriser la contamination et affiché ouvertement devant les enfants lui confiés.
Pareille attitude traduit une indifférence volontaire à la valeur sociale majeure que constitue le respect de la vie et de l'intégrité physique d'autrui.
Si tout citoyen bénéficie de la liberté de s'exprimer et même de manifester son opposition à la politique du Gouvernement, cette liberté s'exerce cependant pour le fonctionnaire dans le cadre de ses devoirs statutaires de réserve, de dignité et d'exemplarité et ne doit pas affecter sa capacité d'exercer ses fonctions ou ternir l'image du service public qu'il représente.
Dans son arrêt du 2 septembre 1998 la Cour européenne des droits de l'homme (Ahmed et autres c. Royaume-Uni) a souligné « la mission des fonctionnaires dans une société démocratique étant d'aider le gouvernement à s'acquitter de ses fonctions et le public étant en droit d'attendre que les fonctionnaires apportent cette aide et n'opposent pas d'obstacles au gouvernement démocratiquement élu, l'obligation de loyauté et de réserve revêt une importance particulière les concernant ».
Les faits retenus à charge de …, amplement caractérisés ci-dessus, constituent partant un manquement aux obligations statuaires suivantes :
- à l'article 9 paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2 du statut pour avoir omis de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose, dont les instructions du Gouvernement qui ont pour objet l'accomplissement régulier de ses devoirs et les ordres de service reçus en ce que … ne s'est pas conformée à l'obligation de port du masque pour les activités scolaires résultant de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, obligation qui était générale, en vertu de l'article 4, paragraphe 8, alinéa 2, pendant la période du 15 mars au 12 juin 2021 et qui était limitée aux activités se déroulant à l'intérieur, en vertu de l'article 4, paragraphe 7, alinéa 2, pendant la période du 13 juin au 8 juillet 2021, date à laquelle … a été dispensée de service et qu'elle ne s'est pas conformée aux communications de la Direction de l'enseignement fondamental de la région … concernant les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 ;
- à l'article 9 paragraphe 2 du statut en vertu duquel le fonctionnaire est responsable des tâches qui lui sont confiées pour ne pas avoir respecté les obligations découlant notamment des articles 1 et 2 du règlement grand-ducal du 7 mai 2009 concernant les règles de conduite et l'ordre intérieur communs à toutes les écoles ;
- à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2, du statut qui dispose « Le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, 4 donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination », en ce que le refus de porter le masque était susceptible de donner lieu à scandale, de nuire à la renommée de l'enseignement public, de mettre sciemment en danger la santé tant de ses collègues que de ses élèves et que l'utilisation de la messagerie électronique de l'Etat pour informer ses collègues de travail de ses convictions personnelles en ce qui concerne la prétendue nocivité du masque, voire pour inciter ses collègues de travail à ne pas respecter l'obligation de port du masque, a porté atteinte à la dignité de ses fonctions et a compromis les intérêts du service public.
Finalement en dénigrant une collègue de travail qui n'avait fait que son devoir en informant son supérieur hiérarchique du refus obstiné de … de porter le masque, cette dernière a encore contrevenu à l'alinéa 2 du paragraphe 1 de l'article 10 du statut.
Aux termes de l'article 53 du Statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
Il est indéniable que … a, depuis la rentrée de l'année scolaire 2020-2021 jusqu'au 8 juillet 2021, par le refus systématique de respecter les mesures sanitaires en vigueur dont le port obligatoire du masque à l'intérieur du bâtiment scolaire et l'amalgame fait entre sa fonction et ses opinions personnelles, contrevenu à ses obligations consacrées aux articles 9 et 10 du statut de sorte que l'absence d'antécédent disciplinaire à sa charge s'estompe face à la gravité indubitable des manquements répétitifs retenus, caractérisant une disqualification professionnelle et humaine de nature à entacher irrémédiablement et définitivement la relation de confiance et de respect mutuel nécessaire à son maintien en service.
Par ces motifs :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, conformément à l'article 68 du statut général, sur le rapport oral de son président le délégué du Gouvernement entendu en ses conclusions, prononce à l'égard de … du chef des manquements retenus ci-dessus, constitutifs d'une violation des articles 9 et 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, la sanction disciplinaire prévue à l'article 47.9 de la prédite loi, à savoir la mise à la retraite d'office de … ;
condamne … aux frais de la procédure, ces frais liquidés à 48,30 euros. (…) ».
Par un arrêté du ministre du 22 mars 2022, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office fut prononcée à l’encontre de Madame …, décision libellée comme suit :
« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État et notamment ses articles 51, 52, 54, 58 et 70 ;
Considérant que Madame … (num. id. nat….), employée de l'État, chargée de cours à l'école fondamentale …, a fait l'objet d'une instruction disciplinaire conformément à l'article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État ;
5 Vu le dossier relatif à l'instruction disciplinaire établi en date du 27 décembre 2021 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire ;
Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l'État du 9 mars 2022 ;
Arrête:
Art. 1er.- La sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office est prononcée à l'encontre de Madame … (num. id. nat. …), employée de l'État. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mai 2022, inscrite sous le numéro 47490 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du Conseil de discipline du 9 mars 2022, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 22 mars 2022.
Dans son mémoire en réplique, Madame …, soulève l’irrecevabilité ratione temporis du mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement en date du 5 octobre 2022 sur base de l’article 5 de la « loi modifiée du 26.07.1999 concernant la procédure devant les juridictions administratives ».
Or, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé dans son mémoire en duplique que le mémoire en réponse a été déposé dans les délais au vu de la suspension des délais entre le 16 juillet et le 15 septembre 2022.
En effet, l'article 5 de la loi modifiée loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit que « (1) Sans préjudice de la faculté, pour l'Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive.
(2) La constitution d'avocat se fait soit par acte séparé, soit dans les mémoires en demande ou en défense.
(3) La signature de l'avocat inscrit à la liste des tableaux des avocats au bas de la requête ou des mémoires vaut constitution et élection de domicile chez lui.
(4) Dès le dépôt au greffe de la constitution d'avocat ou du mémoire en réponse, le greffier transmet sans délai à l'avocat constitué un exemplaire des pièces déposées par le demandeur.
(5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.
(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d'augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. (…) ».
Il s’ensuit que du fait que la requête introductive d’instance a été déposée le 31 mai 2022, le délai de trois mois pour déposer le mémoire en réponse a été automatiquement, en raison de la suspension des délais entre le 16 juillet et le 15 septembre 2022, figurant à l’article 5, paragraphe (6) précité, prorogé au 31 octobre 2022, de sorte que le mémoire, déposé le 5 octobre 2022, est bien recevable pour avoir été déposé dans les délais prescrits par la loi.
Le moyen d’irrecevabilité afférent est partant à rejeter.
1) Quant au recours dirigé contre la décision du Conseil de discipline Aux termes de l’article 54, paragraphe 2 du statut général, applicable à la partie demanderesse au vœu de l’article 1, paragraphe (5) dudit texte, prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Madame … contre la décision précitée du Conseil de discipline du 9 mars 2022, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le délégué du gouvernement se rapporte à la prudence de justice, en ce qui concerne la recevabilité de « l’acte introductif d’instance (compétence « rationae materiae », compétence « rationae temporis » et intérêt à agir) », sans développer d’argumentation afférente, alors qu’une contestation non autrement développée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la présentation de leurs moyens, étant encore relevé que le tribunal n’entrevoit pas de moyen d’irrecevabilité qui serait à soulever d’office.
A l’appui de son recours et en fait, tout en reprenant certains rétroactes passés en revue ci-avant, la partie demanderesse explique qu’étant entrée en service en tant qu'employée de l'Etat en date du 15 septembre 2009, elle aurait été chargée de cours à l'école fondamentale « … » à …, où elle aurait exclusivement dispensé des cours d'éducation physique et des cours d'appui.
Si elle concède avoir bien été invitée, par courrier recommandé du 21 janvier 2022, à se présenter à l'audience du Conseil de discipline du 23 février 2022, la partie demanderesse donne à considérer qu’elle aurait fait défaut alors qu'elle ne se serait pas sentie psychiquement en mesure d'y aller et qu'elle aurait séjourné à l'étranger au moment de l'audience.
En droit, la partie demanderesse, tout en faisant souligner qu’elle ne contesterait pas, comme retenu par le Conseil de discipline, avoir enfreint les articles 9 et 10 du statut général, fait plaider que la sanction prononcée contre elle serait néanmoins disproportionnée et trop sévère par rapport aux faits de l’espèce.
Ainsi, concernant le premier reproche selon lequel elle ne se serait pas toujours conformée aux règles sanitaires en vigueur concernant le port du masque à l'école, la partie demanderesse donne à considérer que ce serait surtout à la fin de l'année scolaire 2020/2021, soit à partir du mois de juin 2021, qu’elle serait d'avantage apparue sans masque, soulignant que seuls deux cas concrets de violation des règles sanitaires avec indication de dates seraient documentés. Elle renvoie à toute une série d'attestations testimoniales établies par ses collègues de travail de l'école fondamentale « … » confirmant tous l’avoir vue régulièrement porter un masque (respectivement un « buff ») à l'intérieur de l'école et en classe.
Reconnaissant qu'elle ne se serait pas toujours conformée aux règles sanitaires en vigueur concernant le port du masque à l'école, son refus de porter le masque n'aurait cependant jamais été absolu en ce sens que même à partir de juin 2021, elle aurait porté le masque à l'école une grande partie du temps. Si elle ne l’aurait parfois pas porté, cela aurait surtout été le cas dans la cour de l'école ou à l'intérieur de l'école quand elle n’aurait pas donné classe.
Elle explique qu’elle n’aurait jamais remis en question l'existence du coronavirus, mais qu’elle aurait été convaincue que le port du masque serait plus maléfique que bénéfique, surtout pour les enfants, ce qui, tel qu’elle le concèderait aujourd’hui, n’aurait cependant pas pu la dispenser de respecter les dispositions obligatoires en vigueur.
Elle se serait également trouvée, au moment des faits, dans une situation de détresse et de faiblesse, de sorte que son comportement aurait été altéré par ses troubles psychiques, tel que cela ressortirait du rapport de prise en charge, dressé par son médecin traitant en date du 6 mai 2022, qui attesterait qu’elle aurait repris un suivi psychologique en décembre 2020 jusqu'en juin 2021, après avoir bénéficié déjà d'un premier suivi en 2016 en raison de différents antécédents extrêmement traumatiques de son passé, ayant pour conséquence une grande difficulté à supporter un masque chirurgical sur la bouche durant toute la journée.
A la fin de l'année scolaire, envahie d'idées suicidaires, elle aurait décidé de prendre un congé sans solde afin de pouvoir prendre de la distance et de se reconstruire, congé qui lui aurait été accordé à partir du 15 septembre 2021 au 14 septembre 2022.
La partie demanderesse fait finalement noter qu’elle aurait aussi parfois tout simplement oublié de porter le masque. Elle rappelle, dans ce contexte, qu’elle aurait dispensé des cours d'éducation physique lors desquels le port du masque n'aurait pas été obligatoire, respectivement lors desquels la réglementation aurait été moins stricte.
En ce qui concerne ensuite le reproche d’avoir adressé un courrier électronique au cours du week-end du 20 juin 2021 à l'ensemble du personnel de l'école fondamentale « … », remettant en cause, respectivement critiquant les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19, la partie demanderesse fait souligner qu’elle concède avoir eu tort d'écrire ce mail et exprime ses regrets à cet égard.
Elle est cependant d'avis qu'elle n'y aurait pas dénigré une collègue de travail, n’ayant cité aucun nom. Elle aurait surtout voulu expliquer à ses collègues de travail les raisons pour lesquelles il lui serait arrivé de ne pas porter le masque, alors qu’elle aurait considéré que le port du masque ne serait ni efficace, ni bénéfique.
Or, elle aurait néanmoins actuellement conscience que son droit d'avoir son opinion sur les conséquences du port du masque ne lui aurait cependant pas permis de remettre en cause la réglementation sanitaire en vigueur.
Elle rappelle encore qu’au moment de la rédaction de ce courrier, elle se serait trouvée dans un état psychique affaibli.
Au vu de ces précisions et eu égard à sa situation personnelle au moment des faits lui reprochés, ainsi qu’à l'absence d'antécédents disciplinaires, la partie demanderesse conclut que la sanction de la mise à la retraite d'office paraîtrait trop sévère et disproportionnée.
Contrairement à ce qu’aurait estimé le Conseil de discipline, elle n’aurait pas agi dans un but égoïste, de même qu’elle conteste que ses agissements emporteraient dans son chef une disqualification professionnelle et humaine de nature à entacher irrémédiablement et définitivement la relation de confiance et de respect mutuel nécessaire à son maintien en service, la partie demanderesse relevant, dans ce contexte, qu’aucun parent d'élève, ni aucunélève lui-même ne se serait jamais plaint auprès d’elle, ni, à sa connaissance, auprès de quelqu'un d'autre de l'école.
Elle donne finalement à considérer que son médecin traitant attesterait, dans son rapport précité du 6 mai 2022, que son état de santé psychique se serait entretemps amélioré et qu’elle ne présenterait plus de symptomatologie anxieuse et d'idéation suicidaire.
La partie demanderesse demande dès lors que la sanction de la mise à la retraite d'office soit remplacée, par ordre de subsidiarité passant de la plus légère à la plus lourde, par l'une des sanctions prévues aux points 1 à 8 de l'article 47 du statut général.
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse insiste sur le fait que son absence devant le commissaire du gouvernement s’expliquerait, non pas par un refus de collaborer, comme l'allèguerait la partie étatique, mais par la circonstance qu’elle ne se serait pas sentie en mesure d'y aller sur un plan psychique, craignant qu’elle aurait alors été amenée à faire état de ses graves vécus traumatisants.
La partie demanderesse estime que si le Conseil de discipline avait été en possession des informations et documents qu’elle aurait actuellement fournis à l’appui de son recours, et notamment le rapport psychiatrique de son médecin traitant, il n'aurait pas décidé comme il l'aurait fait, d’autant plus qu’elle n'aurait eu aucun antécédent disciplinaire.
Le délégué du gouvernement, conclut au rejet du recours de la partie demanderesse en soulignant que cette dernière ne contesterait pas avoir enfreint les articles 9 et 10 du statut général, mais se limiterait à invoquer le caractère disproportionné de la sanction prononcée.
Il reproche d’abord à la partie demanderesse d’avoir changé de tactique de défense, alors que si elle aurait, dans une première phase refusé tout collaboration dans le cadre de l'instruction de son dossier dans le sens où elle ne se serait présentée ni devant le commissaire du gouvernement, ni devant le Conseil de discipline, du fait qu’elle aurait été totalement convaincue d’avoir eu raison de refuser de porter un masque, tel que relevé dans l’attestation testimoniale de Madame D. relatant que la partie demanderesse lui aurait répondu qu'elle serait bien consciente de ne pas respecter ladite réglementation et qu'elle assumerait les conséquences de ce non-respect, il faudrait actuellement constater que cette dernière reconnaîtrait soudainement avoir eu tort de ne pas avoir porté le masque et regretter d’avoir ignoré les dispositions obligatoires en vigueur. Il s’ensuivrait qu’il serait actuellement difficile de croire à la sincérité des remords de la partie demanderesse.
En ce qui concerne la remarque de la partie demanderesse selon laquelle seuls deux cas concrets de violation des règles sanitaires avec indication de dates seraient documentés, le délégué du gouvernement fait souligner qu’il serait univoque et non contesté qu'il y aurait eu de nombreux incidents de la sorte, lesquels se seraient produits pendant un laps de temps déterminé de manière précise.
Si la partie demanderesse verserait actuellement un certain nombre d'attestations testimoniales établies par ses collègues de travail confirmant tous l’avoir vue régulièrement porter un masque, respectivement un « buff », à l'intérieur de l'école et en classe, le délégué du gouvernement fait souligner que ces témoignages seraient à rejeter pour défaut de précision et de pertinence, alors qu’il y aurait à l’époque eu une obligation générale de porter un masque pendant la période en question.
La partie gouvernementale estime qu’il serait clair que le refus de la partie demanderesse se baserait essentiellement sur la conviction de cette dernière selon laquelle le port du masque serait plus maléfique que bénéfique et non pas sur son état de santé, dont elle n’aurait jamais fait état, mis à part la remarque tout à fait vague, dans le cadre de son entrevue avec le directeur de l'enseignement fondamental de la région …, selon laquelle elle ne se sentirait pas bien psychiquement.
En tout état de cause, il n’aurait jamais été précisé qu’elle ne pourrait pas porter de masque à cause de son état de santé, alors qu’elle aurait pu faire attester une telle impossibilité à l’époque des faits, ce qu’elle aurait cependant omis de faire, d’autant plus qu’il serait un fait que la partie demanderesse aurait quand-même porté, pendant une certaine période, un masque et occasionnellement aussi un « Buff ». S’il ressortirait des attestations testimoniales versées en cause, que l’école aurait certes toléré, occasionnellement, que la partie demanderesse porte un « Buff » à la place du masque, il en ressortirait également que cette dernière aurait finalement décidé de ne plus porter de protection du tout à partir d'un certain moment, alors même qu’elle aurait été parfaitement consciente de son obligation y relative.
En tout état de cause, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le manquement commis par la partie demanderesse serait tellement grave que des problèmes de santé, s'ils étaient avérés, ne pourraient pas conduire à une diminution de la sanction prononcée par le Conseil de discipline, tout en soulignant, par rapport aux conclusions y relatives de la partie demanderesse, qu’il ne lui serait pas reproché d’avoir seulement parfois oublié de porter un masque, mais d’avoir délibérément refusé d’en porter par conviction.
Si la partie demanderesse affirmerait qu’elle regretterait actuellement avoir écrit le courrier électronique lui reproché, le délégué du gouvernement donne à considérer que le fait de remettre en cause la réglementation sanitaire en vigueur pour tout le pays serait d’autant plus grave pour un agent occupant un poste auprès de l'Etat, qui devrait rester loyal également pendant des périodes un peu plus compliquées.
Ce serait encore à tort que la partie demanderesse affirmerait actuellement ne pas avoir dénigré une collègue de travail dans ledit courrier électronique, alors qu’il serait univoque qu'un des objectifs principaux dudit courrier, envoyé à tout le personnel enseignant, aurait été de dénigrer sa collègue de travail l'ayant dénoncée, laquelle serait accusée d’être à l’origine des éventuelles suites disciplinaires, alors même que cette dernière n'aurait fait que son devoir en informant son supérieur hiérarchique du refus de la partie demanderesse de porter le masque.
La partie gouvernementale estime que la partie demanderesse, en soutenant la nocivité du port de masque, ne serait toujours pas consciente des conséquences de ses agissements, alors que tel que retenu à juste titre par le Conseil de discipline, le port du masque n'aurait pas tant été une mesure sanitaire personnelle, mais un acte civique destiné à protéger autrui contre le risque de contamination afin d'endiguer l'épidémie.
Le délégué du gouvernement souligne que ce serait à juste titre que le Conseil de discipline aurait relevé que rien que le refus de porter le masque aurait été susceptible de donner lieu à scandale, de nuire à la renommée de l'enseignement public, de mettre sciemment en danger la santé tant de ses collègues que de ses élèves, de même que l'utilisation de la messagerie électronique de l'Etat pour informer ses collègues de travail de ses convictions personnelles en ce qui concerne la prétendue nocivité du masque, voire pour inciter sescollègues de travail à ne pas respecter l'obligation de port du masque, aurait porté atteinte à la dignité de ses fonctions et aurait compromis les intérêts du service public, peu importe l’existence de plaintes de la part d’élèves ou de leurs parents.
Force est d’abord au tribunal de relever que la partie demanderesse n’a jamais contesté ni la réalité des reproches, ni ne conteste actuellement le caractère répréhensible des faits de l’espèce sur le plan du droit disciplinaire, sans que ce constat ne soit énervé par ses explications fournies dans la présente instance selon lesquelles elle aurait essayé de porter un masque ou un « buff » la plupart du temps, sauf oubli, alors que c’est bien la régularité de l’omission du port du masque et ce, par conviction, qui lui est reprochée, fait non contesté par la partie demanderesse, tel qu’il ressort non seulement du courrier électronique qu’elle ne conteste pas avoir adressé au personnel de l’école, mais également du rapport de sa réunion avec le directeur régional, versé en cause dans le dossier administratif, dont le contenu n’est pas non plus remis en cause.
Par ailleurs, il échet de noter que la partie demanderesse se contredit en affirmant, d’un côté, avoir été persuadée que le port du masque serait maléfique pour les enfants, tel que cela ressort d’ailleurs de manière non équivoque du courrier électronique lui reproché, pour argumenter, d’un autre côté, ne pas avoir pu porter le masque pour des raisons médicales, motif dont elle n’a pourtant jamais fait état ni devant le directeur régional avec lequel elle avait pourtant eu une entrevue en date du 14 juin 2021, ni devant les instances disciplinaires devant lesquelles elles n’a pas voulu se présenter en raison du fait de s’être trouvée en congé de récréation, respectivement en congé sans solde jusqu’en septembre 2022, tel que cela ressort de son courrier électronique du 6 août 2021 adressé au commissaire du gouvernement adjoint, auquel elle n’a par ailleurs pas non plus adressé de prise de position écrite, malgré la proposition afférente de la part de ce dernier.
Ainsi, la partie demanderesse non seulement s’est sciemment abstenue de se conformer aux règles sanitaires en vigueur au moment des faits reprochés, ne respectant dès lors ni la réglementation nationale, ni les instructions de service lui adressées par ses supérieurs hiérarchiques, tout en soulignant, dans son courriel du 22 juin 2021, qu’elle aurait le droit de penser et d’agir différemment et de ne pas tout accepter ce qui lui serait octroyé par la hiérarchie1, en violation de l’article 9 du statut général, mais a également violé l’article 10 de ce même texte, du fait d’avoir, par son comportement et son courrier électronique, porté atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donné lieu à scandale et compromis les intérêts du service public. Si la partie demanderesse n’a certes pas cité le nom de la personne qu’elle juge responsable de l’initiation de la procédure disciplinaire à son encontre, cette personne n’étant a priori pas non plus indentifiable par le texte du courrier électronique du 22 juin 2022, de sorte qu’il n’y a certes pas lieu de parler d’un dénigrement personnel, la partie demanderesse a néanmoins mis au pilori ladite personne en lui reprochant d’avoir dénoncé son non-respect des règles sanitaires, alors même que cela a été non seulement le droit, mais également le devoir de cette dernière.
Force est de rappeler que la résiliation de la partie demanderesse, en tant qu’employée de l’Etat ayant une ancienneté de dix ans ou plus, est soumise aux dispositions de la loi du 25 mars 2015, édictant, dans son article 7 que « (1) Le contrat de travail à durée indéterminée de l’employé ne peut plus être résilié, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans au moins, sauf à titre 1 « (…) dass een d‘Recht huet aneschters ze denken an ze handelen a net alles z’acceptéieren, waat vun uewe rof gesoot gëtt !!! Irgenteen muss de Courage hunn, fir STOP ze soen, an deen hun ECH (…) ».de mesure disciplinaire ainsi que pour l’application de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et de la procédure d’insuffisance professionnelle. (…) (2) Le ministre ou le ministre du ressort prononce la résiliation du contrat, à titre de mesure disciplinaire, après décision conforme du conseil de discipline institué pour les fonctionnaires de l’Etat. Le conseil procède conformément aux dispositions légales qui déterminent son organisation et son fonctionnement. (…) », de sorte que les dispositions pertinentes du statut général sont à appliquer en l’espèce, tel que cela ressort par ailleurs également de l’article 1er, paragraphe (5), alinéa 1er in fine de ce dernier.
En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction par rapport aux circonstances de l’espèce, force est de relever qu’aux termes de l’article 53 du statut général, « L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. (…) », impliquant, d’après la jurisprudence en la matière, que les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction prévus légalement sont énoncés de manière non limitative, de sorte que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.2 Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.3 Quant à la gravité du comportement de la partie demanderesse et à la sanction adéquate à prononcer à son encontre, force est de relever que si le fait pour un agent public de sciemment faire fi non seulement des instructions de service, mais également de la règlementation nationale, tout en clamant haut et fort un prétendu droit à la désobéissance vis-à-vis de sa hiérarchie, peut être considéré comme hautement critiquable, d’autant plus que les règles sanitaires litigieuses avaient été édictés dans le but d’endiguer la pandémie de la COVID-19 et de sauvegarder la santé du personnel éducatif et des élèves que la partie demanderesse, par son comportement contestataire et par son refus de respecter les gestes barrières, avait sciemment mise en danger, force est cependant de relever qu’au vu de l’ancienneté non négligeable de la demanderesse, de l’absence d’antécédents disciplinaires, des regrets exprimés ainsi que du contexte spécifique s’inscrivant dans la crise sanitaire de la pandémie liée au virus du COVID-19, et de son état de santé psychique à l’époque, la sanction de la mise à la retraite d’office est à considérer comme étant disproportionnée par rapport aux faits reprochés.
Au vu des circonstances de l’affaire, ainsi que de considérations qui précèdent, le tribunal estime que la sanction du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction de la moitié d’une mensualité brute du salaire de base, constitue la mesure disciplinaire appropriée à prononcer à son encontre, de sorte que la décision du Conseil de discipline est à réformer en ce sens.
2 Trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 348 et les autres références y citées.
3 Trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 387 et les autres références y citées.2) Quant au recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 22 mars 2022 À défaut d’une disposition légale conférant au juge administratif des pouvoirs de juge de fond à l’égard d’un recours dirigé contre un arrêté ministériel exécutant une décision du Conseil de discipline, seul un recours en annulation y relatif, tel que celui introduit en l’espèce, est admissible, recours qui a, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Conformément à l’article 52 du statut général, « L’autorité de nomination est tenue d’appliquer la sanction disciplinaire conformément à la décision du Conseil de discipline visée à l’article 70 [du statut général] (…). », de même qu’en vertu de l’article 7, paragraphe (2), tel que rappelé ci-avant, « Le ministre ou le ministre du ressort prononce la résiliation du contrat, à titre de mesure disciplinaire, après décision conforme du conseil de discipline institué pour les fonctionnaires de l’Etat. (…) ».
L’arrêté ministériel déféré du 22 mars 2022 s’analyse ainsi en une décision d’application de la sanction disciplinaire prise, dans le cadre d’une compétence liée, conformément à la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022.
Force est cependant de relever que la décision de l’autorité de nomination prise en exécution d’une décision du Conseil de discipline constitue un acte attaquable en justice pour des causes qui lui sont propres, alors même qu’il ne fait qu’appliquer la sanction disciplinaire retenue par le Conseil de discipline.
Au vu de la décision prise ci-avant de réformer la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022, il y a partant lieu d’annuler l’arrêté ministériel du 22 mars 2022 pris en son exécution, alors qu’il doit suivre le même sort que la décision du Conseil de discipline dont il n’est que l’acte d’exécution.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens de l’instance et de les imposer pour moitié à chacune des parties.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022 ;
au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation de la décision déférée du 9 mars 2022, prononce à l’égard de Madame … la sanction du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction de la moitié d’une mensualité brute du salaire de base ;
reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 22 mars 2022 ;
au fond, le déclare justifié, partant annule l’arrêté ministériel du 22 mars 2022 ;
fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié à chaque partie ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 octobre 2024 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 14