Tribunal administratif Numéro 47148 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47148 1re chambre Inscrit le 8 mars 2022 Audience publique du 23 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47148 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2022 par la société à responsabilité limitée SOREL AVOCAT SARL, établie et ayant son siège social à L-1212 Luxembourg, 14A, rue des Bains, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B250.783, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Karim SOREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 19 octobre 2021 portant refus de sa demande en obtention d’une aide financière de l’Etat pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021/2022 ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 9 décembre 2021 intervenue sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 30 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée SOREL AVOCAT SARL pour le compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 24 avril 2024.
Moyennant un formulaire déposé, de manière non contestée, en date du 15 octobre 2021 auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par le « ministère », Monsieur (A) sollicita une aide financière pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021-2022.
Par un courrier recommandé du 19 octobre 2021, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par le « ministre », refusa de faire droit à cette 1demande dans les termes suivants :
« (…) Je suis au regret de vous annoncer que votre demande d'aide financière de l'Etat pour études supérieures sous rubrique a été refusée pour la raison suivante :
Il ressort des éléments de votre dossier que vous ne remplissez aucune des conditions d'éligibilité énoncées à l'article 3 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures.
En effet, pour être éligible pour une aide financière vous devez remplir une des conditions suivantes :
• Etre ressortissant luxembourgeois ou membre de famille d'un ressortissant luxembourgeois.
• Etre ressortissant de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse et séjourner au Luxembourg en tant que travailleur salarié, travailleur non salarié ou de personne qui garde ce statut.
• Etre membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse qui séjourne au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, travailleur non salarié ou de personne qui garde ce statut.
• Avoir acquis le droit de séjour permanent. (…) ».
Par courrier électronique du 29 octobre 2021, Monsieur (A) introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée, du 19 octobre 2021.
Par décision du 9 décembre 2021, le ministre prit position comme suit :
« (…) Par courriel du 29 octobre 2021 vous avez introduit un recours gracieux contre la décision du 19 octobre 2021 vous refusant l'aide financière pour le semestre d'hiver de l'année académique 2021-2022 sur base du fait que vous ne remplissez aucune des conditions pour les étudiants résidents au Grand-Duché de Luxembourg prévues par l'article 3 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures.
En effet, il ressort des éléments de votre demande d'aide financière ainsi que des éléments versés à l'appui de votre recours gracieux que vous n'êtes pas en possession d'un document récent attestant de votre droit de séjour permanent au Grand-Duché de Luxembourg et n'y avait pas séjourné en qualité de travailleur à la date pertinente du 30 novembre 2021, de sorte que vous ne remplissez pas les conditions de l'article 3 paragraphe (2) et de l'article 7 paragraphe (2) de la loi modifiée du 24 juillet 2014 précitée.
Veuillez noter que suite à une erreur matérielle des aides financières pour études supérieures pour les semestres d'hiver et d'été de l'année académique 2020-2021 de … euros, dont … euros bourse et … euros sous forme de prêt, vous ont été accordées par décisions respectives du 2 décembre 2020, du 28 avril 2021 et du 29 juin 2021.
Dans ce contexte, je tiens à vous informer que le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche renonce au recouvrement de la partie bourse indûment accordée de … euros par décisions du 2 décembre 2020, du 28 avril 2021 et du 29 juin 2021. Malgré cela, je 2voudrais préciser que cela n'emporte en aucun cas un quelconque droit acquis dans votre chef pour d'éventuelles demandes ultérieures.
Au vu de ce qui précède, je ne peux que confirmer la décision susmentionnée du 19 octobre 2021. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2022, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 19 octobre et 9 décembre 2021.
Etant donné que ni la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, ci-après désignée par « la loi du 24 juillet 2014 », ni aucune autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en matière de refus d’aides financières de l’Etat pour études supérieures, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par le demandeur. En revanche le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, qui est encore recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.
Arguments des parties A l’appui de son recours, après avoir rappelé les faits et rétroactes tels que relevés ci-
avant, le demandeur invoque en premier lieu une violation de l’article 9 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en soutenant qu’il se serait vu allouer les aides financières de l'Etat pour études supérieures pour les semestres d'hiver et d'été de l'année académique 2020-2021 d'un montant total de … euros par décisions ministérielles respectives des 2 décembre 2020, 28 avril et 29 juin 2021.
Avant de prendre la décision du 19 octobre 2021 par laquelle le ministre aurait décidé de modifier d'office pour l'avenir les décisions ministérielles respectives des 2 décembre 2020, 28 avril et 29 juin 2021 par lesquelles il aurait été créé ou reconnu les droits de bénéficier des aides financières de l'Etat pour études supérieures, le ministre aurait dû préalablement l’informer de ses intentions de procéder à l'abrogation respectivement la révocation de ses droits au bénéfice de l'aide financière de l'Etat pour études supérieures à compter du semestre d'hiver de l'année académique 2021-2022 en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’auraient conduit à agir.
Le demandeur fait valoir qu’il n’aurait pas reçu une quelconque information préalablement à la « décision de retrait » du 19 octobre 2021 et n’aurait été informé ni de son droit de faire valoir ses éventuelles observations, ni n’aurait-il été entendu en personne.
Le demandeur invoque ensuite une violation de l’article 7, paragraphe (2) du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, ci-après désigné par « le règlement 492/2011 », en soulignant que l’article 3, alinéa 2 de la loi du 24 juillet 2014 reprendrait quasiment à l’identique le libellé de l’article 24, paragraphe (2) de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ci-après désignée par « la directive 2004/38 ».
3En admettant que les champs d'application respectifs de ces dispositions ne correspondraient pas exactement à la situation d’espèce, le demandeur soutient qu’elles poursuivraient néanmoins le but de former un système cohérent, à savoir que « si l'on est travailleur (ou membre de la famille pour un avantage social dérivé), on a le droit à l'égalité au titre de la seconde disposition et l'on ne saurait être privé de rien au titre de la première ».
Le demandeur soutient que la première question à résoudre serait celle de savoir s’il pouvait revendiquer l'égalité de traitement en vertu de l'article 7, paragraphe (2) du règlement 492/2011. Dans ce contexte, il donne à considérer que si certes il n'est pas lui-même un travailleur au Luxembourg ou membre de la famille d'une personne travaillant au Luxembourg, il tomberait cependant dans la catégorie d’enfants d’anciens travailleurs migrants prévue à l’article 10 du règlement 492/2011. Il se réfère à cet égard à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») du 6 octobre 20201, dans lequel il aurait été retenu que les citoyens de l’Union pourraient bénéficier d’un droit de séjour au titre de cet article et que s’ils entraient dans le champ d'application de celui-ci, ils pourraient revendiquer l'application de l'égalité de traitement au titre de l'article 7, paragraphe (2) du règlement 492/2011. Dans une situation pareille, la dérogation prévue à l'article 24, paragraphe (2) de la directive 2004/38 ne s'appliquerait pas.
Le demandeur précise que l’application de l’article 10 du règlement 492/2011 ne serait pas subordonnée au droit de séjour des parents dans l’Etat membre d'accueil, mais seulement au fait que l'enfant concerné aurait vécu avec au moins l'un de ses parents dans cet Etat membre pendant que celui-ci y aurait résidé en qualité de travailleur. En se basant sur un arrêt de la CJUE du 30 juin 20162, Monsieur (A) fait valoir qu’il n’y aurait aucune obligation que le parent en cause résideraient encore dans l'Etat membre d'accueil au moment où l'enfant entamerait sa scolarité ou ses études, ni qu'il y demeurerait par la suite.
Monsieur (A) se réfère encore à un arrêt de la CJUE en soulignant que l’article 10 du règlement 492/2011 serait applicable non seulement à l'enseignement secondaire mais également à la poursuite d'études dans le cadre de l'enseignement supérieur et qu'il s'appliquerait aux enfants majeurs, même s'ils ne sont plus à la charge de leurs parents.
Il donne à considérer qu’il aurait légalement séjourné de façon continue au Luxembourg à partir du 12 avril 2011 en qualité d'enfant de travailleurs migrants et qu’en date du 27 juillet 2016, il se serait vu délivrer une attestation de séjour permanent. Il aurait suivi les cours pour le cycle secondaire à l'Ecole européenne à Luxembourg de mars 2011 jusqu'à obtention de son diplôme de baccalauréat en juillet 2016.
Le 16 novembre 2016, il aurait procédé au changement de résidence de Luxembourg à Mamer où il aurait résidé jusqu'au 15 juin 2017, date à compter de laquelle il aurait quitté le territoire luxembourgeois pour des raisons familiales.
A partir du 16 septembre 2020, il aurait à nouveau séjourné au Luxembourg à la suite de son admission à l'Université du Luxembourg en tant qu'étudiant à temps plein.
Le demandeur conclut que, compte tenu du fait qu’il aurait résidé au Luxembourg dans le passé en qualité d'enfant de travailleurs migrants, l’article 10 du règlement 492/2011 lui 1 CJUE, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C-181/19, EU :C :2020 :794.
2 CJUE, arrêt du 30 juin 2016, NA, C-115/15, EU :C :2016/487.
4serait applicable, de sorte qu’en vertu de l’article 7 du même règlement, il aurait droit à l’égalité de traitement. Il soutient, par ailleurs, que l’article 24, paragraphe (2) de la directive 2004/38 serait « dépourvu de pertinence » et que le ministre pratiquerait une discrimination directe à l’encontre de personnes placées dans la même situation.
Monsieur (A) invoque finalement une violation du principe général de sécurité juridique en précisant qu’il bénéficierait depuis le 27 juillet 2016 d'un droit de séjour en qualité de résident permanent n’ayant pas fait l’objet d’un retrait de la part du ministre compétent, de sorte qu’il aurait été en droit de s’en prévaloir.
Il donne à considérer que les principes de sécurité juridique et de proportionnalité seraient à rattacher au principe fondamental de l’Etat de droit. Cela impliquerait que l’administré devrait pouvoir connaître avec certitude les droits inhérents au droit de séjour dont il disposait, sans que ces droits ne puissent être remis en cause par une administration qui ne serait pas compétente pour statuer sur ce droit de séjour.
Il expose que si l’administration compétente avait eu l’intention de lui retirer son droit de séjour, pour autant que les conditions de validité d’un tel droit de séjour ne seraient plus remplies, il lui aurait appartenu de prendre une décision explicite relative au séjour.
A défaut de décision remettant en cause son autorisation de séjour permanent par l’administration compétente, il aurait été en droit de s’en prévaloir.
Le ministre n’aurait donc pas pu ignorer les effets de « la décision » du 27 juillet 2016 lui accordant un droit de séjour permanent et lui dénier les droits découlant de son statut de résident permanent.
Dans la mesure où l'article 3, paragraphe (2) de la loi du 24 juillet 2014 prévoirait que le droit de bénéficier de l'aide financière serait octroyé aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union qui auraient « acquis le droit de séjour permanent », il aurait appartenu au ministre de faire droit à la demande du demandeur.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il donne plus particulièrement à considérer que lors du contrôle de la demande d'aide financière pour le semestre d'hiver de l'année académique 2021-2022, il aurait été constaté que le demandeur ne remplirait aucune des conditions de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014, en raison de la perte de validité du droit de séjour permanent, tel que prévu par l'article 9, paragraphe (3) de la loi du modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».
La partie gouvernementale précise encore que le demandeur admettrait lui-même qu’il se serait absenté du territoire du Grand-Duché du Luxembourg au-delà d'une période de deux ans, à savoir plus de trois ans.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement précise que le demandeur resterait en défaut de présenter un document actuel et valable prouvant son droit de séjour permanent après son absence de plus de deux ans du territoire du Luxembourg.
5Analyse du tribunal Il échet de préciser de prime abord que saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.
S’agissant tout d’abord du moyen ayant trait à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il échet de rappeler qu’aux termes de ladite disposition « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.
Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.
Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. (…) ».
La finalité essentielle de cette disposition est d’éviter de provoquer la surprise de l’administré en le mettant devant le fait accompli en lui ménageant un délai d’au moins huit jours entre l’annonce d’une décision envisagée et la date de prise de celle-ci dans le but de lui permettre de présenter ses arguments et d’éviter, le cas échéant, que la décision pressentie soit prise.
Force est toutefois de constater que cette disposition ne trouve application que dans l’hypothèse d’une décision révoquant ou modifiant d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits, respectivement d’une décision prise en dehors de l’initiative de la partie concernée.
Or, en l’espèce, les décisions déférées constituent respectivement une décision de refus d’octroi d’aides financières pour études supérieures introduite par le demandeur et une décision confirmative sur recours gracieux de ladite décision de refus. Les décisions litigieuses ne rentrent dès lors pas dans l’une des catégories de décisions prévues par l’article 9, précité, en ce qu’elles n’ont pas été prises en dehors de l’initiative de l’intéressé, et, par ailleurs, ne révoquent ou ne modifient pas une décision ayant reconnu ou créé des droits à la partie demanderesse, étant précisé à cet égard que les décisions des 2 décembre 2020 et 28 avril et 29 juin 2021 accordant à Monsieur (A) les aides financières pour l’année académique 2020/2021 , et non pas pour les années ultérieures, reposent elles-mêmes sur des demandes de l’intéressé concernant ladite année académique.
Il s’ensuit qu’à défaut d’autres précisions fournies par le demandeur de nature à étayer ce moyen, le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.
Quant au fond et s’agissant de la légalité de l’unique motif de refus invoqué, à savoir la considération que le demandeur ne remplirait aucune des conditions de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014, intitulé « Bénéficiaires », il échet de relever qu’aux termes de ladite disposition légale, « Peuvent bénéficier de l'aide financière de l'Etat pour études supérieures, les étudiants 6et élèves définis à l'article 2, désignés ci-après par le terme « l'étudiant », et qui remplissent une des conditions suivantes :
(1) être ressortissant luxembourgeois ou membre de famille d'un ressortissant luxembourgeois et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou (2) être ressortissant d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse et séjourner, conformément au chapitre 2 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, de travailleur non salarié, de personne qui garde ce statut ou de membre de famille de l'une des catégories de personnes qui précèdent, ou avoir acquis le droit de séjour permanent, ou (3) jouir du statut du réfugié politique au sens de l'article 23 de la convention relative au statut de réfugié politique faite à Genève le 28 juillet 1951 et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou (4) être ressortissant d'un Etat tiers ou être apatride au sens de l'article 23 de la Convention relative au statut des apatrides faite à New York le 28 septembre 1954, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et y avoir résidé effectivement pendant 5 ans au moins ou avoir obtenu le statut de résident de longue durée avant la présentation de la première demande et être soit détenteur d'un diplôme ou d'un certificat de fin d'études secondaires luxembourgeois ou reconnu équivalent par le ministre ayant dans ses attributions l'éducation nationale, soit éligible au titre de l'article 2, paragraphe 4 de la présente loi (…) ».
Ainsi, en vertu du paragraphe (2) de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014, l’étudiant citoyen européen disposant d’un droit de séjour permanent peut bénéficier de l’aide financière pour études supérieures.
Il est constant en cause pour ressortir d’une attestation de séjour permanent, que Monsieur (A) disposait au plus tard à partir du 27 juillet 2016 d’un droit de séjour permanent.
Or, la partie gouvernementale se base sur l’article 9 de la loi du 29 août 2008 pour affirmer que le demandeur aurait perdu ce droit de séjour permanent en raison d’absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire luxembourgeois.
En effet, aux termes de ladite disposition « (1) Le citoyen de l’Union qui rapporte la preuve d’un séjour légal ininterrompu de cinq ans au pays acquiert le droit de séjour permanent. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues à l’article 6, paragraphe (1).
(2) La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absneces plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires, ni par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre Etat membre ou un pays tiers.
(3) Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une 7durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire.
(4) La contitnuité du séjour peut être attestée par tout moyen de preuve. Elle est interrompue par l’exécution d’une décision d’éloignement du territoire. ».
Il s’ensuit qu’une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que si le citoyen européen en bénéficiant s’absente du territoire du Grand-Duché de Luxembourg pendant une durée supérieure à deux ans consécutifs.
Il échet ensuite de constater que suivant l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 portant constitution des Ministères, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 », tel qu’il était en vigueur au jour de la prise des décisions déférées, l’attribution relative à la « Libre circulation des personnes immigration : Entrée et séjour des étrangers » relèverait des compétences du ministre de l’Immigration et de l’Asile.
Dans la mesure où le ministre de l’Immigration et de l’Asile était, à l’époque de la prise des décisions déférées, seul compétent pour délibrer une attestation de séjour permanent, c’est également le seul ministre de l’Immigration et de l’Asile qui était compétent, en application du principe du parallélisme des formes, pour constater la perte du droit de séjour permanent en raison d’absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire luxembourgeois.
Il s’ensuit que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’est pas compétent en matière d’entrée et de séjour des étrangers, de sorte qu’il ne lui appartient pas, même s’il agit dans le cadre des attributions relevant de sa compétence, d’apprécier si un administré a perdu son droit de séjour permanent en raison d’absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire luxembourgeois.
A défaut de décision de constatation de la perte du droit de séjour permanent du demandeur par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, seul compétent en la matière, le ministre, sans pouvoir examiner lui-même la durée des absences du territoire de Monsieur (A) et, le cas échéant, constater la perte de son droit de séjour permanent, était, dès lors, dans le cadre de l’application au cas d’espèce des conditions de l’article 3 de la loi du 29 août 2008, tenu de s’appuyer sur les documents soumis à son appréciation et plus particulièrement sur l’attestation de séjour permanent de ce dernier délivrée en date du 27 juillet 2016.
En retenant que le demandeur ne remplirait pas les conditions de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014, alors qu’il était en possession de l’attestation de séjour permanent depuis le 27 juillet 2016, soit depuis une date antérieure à celle de la prise de la décision confirmative sur recours gracieux du 9 décembre 2021, le ministre a commis une erreur d’appréciation des faits et les décisions déférées encourent l’annulation.
Le demandeur n’ayant pas établi en quelle mesure il serait inéquitable qu'il supporte seul les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, il est à débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros, basée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, 8le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, parant annule les décisions du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche des 19 octobre et 9 décembre 2021 et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant l’autorité compétente ;
rejette la demande du demandeur tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros ;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 octobre 2024 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 9