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16/10/2024 | LUXEMBOURG | N°47478

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 octobre 2024, 47478


Tribunal administratif N° 47478 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47478 5e chambre Inscrit le 27 mai 2022 Audience publique du 16 octobre 2024 Recours formé par la société anonyme (AA) SA, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’amende fiscale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47478 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2022 par la société anonyme ELVINGER HO

SS PRUSSEN SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats à Luxembourg, ayan...

Tribunal administratif N° 47478 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47478 5e chambre Inscrit le 27 mai 2022 Audience publique du 16 octobre 2024 Recours formé par la société anonyme (AA) SA, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’amende fiscale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47478 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats à Luxembourg, ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B209469, représentée par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA) SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation « d’une décision sur réclamation signée par le chef de division Monsieur … pour compte de Madame le directeur de l’Administration des Contributions datée du 28 mars 2022 dans l'affaire numéro du rôle 1 » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA pour le compte de la société anonyme (AA) SA ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yves PRUSSEN et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2024.

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Par décision du 9 septembre 2021, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », prononça une amende administrative à l’encontre de la société anonyme (AA) SA, désignée ci-après par « la société (AA) », en vertu du § 402, alinéa 1 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931, dénommée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

Ladite décision est fondée sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Il ressort de l'analyse du dossier fiscal, en particulier pour les années d'imposition 2016, 2017 et 2018, qu'en tant que représentant de la société (BB) votre négligence a provoqué que des recettes d'impôt ont été indûment diminuées respectivement que des avantages fiscaux ont été maintenus à tort.

En effet, à la suite du contrôle des déclarations fiscales des années 2016, 2017 et 2018, il a été constaté que les participations dans des sociétés résidentes du … (USA) ont été déclarées exonérées par application du §60 BewG, exonération qui s'est avérée non justifiée à défaut d'assujettissement à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer que conformément au paragraphe 402, alinéa 1 AO qui réprime la fraude fiscale involontaire, je me vois dans l'obligation de vous infliger une amende administrative de … EUR (5% de … EUR total de l'impôt éludé pour 2017, 2018 et 2019).

Ce montant est justifié par le fait que vous avez donné des conseils défaillants et correspond au tarif minimum prévu par la loi.

L'amende est à payer endéans 1 mois à partir de la notification de la présente, sur le compte du bureau de recette des contributions directes Luxembourg (…) ».

Par courrier de son litismandataire du 8 octobre 2021, la société (AA) fit introduire une réclamation contre la prédite décision auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par décision du 28 mars 2022, inscrite sous le numéro de rôle C30087, le directeur reçut la réclamation en la forme et par réformation in pejus de la décision contestée du bureau d’imposition augmenta le montant de l’amende à … euros. Ladite décision est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 8 octobre 2021 par Me Yves Prussen, de la société anonyme Elvinger Hoss Prussen, au nom de la société anonyme (AA), L-…, pour réclamer contre l'amende administrative lui infligée par le bureau d'imposition … sur pied du § 402, alinéa 1er de la loi générale des impôts (AO) en date du 9 septembre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de lui avoir infligé, au motif que sa négligence en tant que mandataire de la société anonyme (BB) (n° fiscal …) aurait provoqué que des recettes d'impôt ont été indûment diminuées respectivement que des avantages fiscaux ont été maintenus à tort, une amende administrative de … euros sur base du § 402, alinéa 1er AO ;

2 Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, à titre liminaire et en matière de principe, que le § 402, alinéa 1er AO, ayant trait, ensemble avec les §§ 166, alinéa 3 AO et 396, alinéa 1er AO, aux amendes administratives, se lit comme suit :

« Wer fahrlässig als Steuerpflichtiger oder als Vertreter oder bei Wahrnehmung der Angelegenheiten eines Steuerpflichtigen bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt oder Steuervorteile zu Unrecht gewährt oder belassen werden (§ 396 Absätze 1 und 2), wird wegen Steuergefährdung mit einer Geldstrafe bestraft.

L'amende administrative ne doit pas dépasser le quart du montant des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu et ne peut être inférieure à cinq pour cent des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu. La décision portant fixation du montant de l'amende administrative est prise par le bureau d'imposition et peut être attaquée par voie d'une réclamation au sens du § 228. » ;

Considérant que s'y juxtapose l'alinéa 2 du § 402 AO, donnant de plus amples précisions en ce qui concerne le terme de la « Steuergefährdung » :

« Eine Steuerumgehung ist nur dann als Steuergefährdung zu bestrafen, wenn die Verkürzung der Steuereinnahmen oder die Gewährung der ungerechtfertigten Steuervorteile dadurch bewirkt wird, dass der Täter vorsätzlich oder fahrlässig Pflichten verletzt, die ihm im Interesse der Ermittlung einer Steuerpflicht obliegen. »;

Considérant que plusieurs conditions doivent dès lors être remplies afin que le § 402 AO puisse s'appliquer, notamment :

1) II doit s'agir ou bien du contribuable ou bien, dans un sens large, de son représentant qui, de par son comportement, a provoqué une diminution indue de recettes d'impôts, 2) ledit comportement doit présenter des traits concrets de négligence (« fahrlässig »), 3) ledit comportement négligent doit avoir pour conséquence une diminution des recettes d'impôts proprement dites (« verkürzte Steuereinnahmen »), sinon du moins un avantage fiscal (« Steuervorteil ») pour le contribuable, et 4) la diminution des recettes d'impôts, voire les avantages fiscaux obtenus ont, soit, par le biais du comportement négligent de la part du contribuable ou de son représentant, pu être atteints une première fois (« gewährt »), soit ils ont déjà été accordés, à tort, dans le passé, tandis que ni le contribuable ni son représentant n'ont jugé utile de procéder au redressement de la situation (« belassen »), tout en sachant que 5) le comportement présentant des traits concrets de négligence (« fahrlässig »), voire même d'intentionnalité (« vorsätzlich »), doit en outre s'inscrire de manière 3 directe et inhérente dans le cadre des obligations qui incombent au contribuable ou, dans un sens large, à son représentant lors de la détermination de la charge fiscale ;

Considérant que la réclamante est un professionnel du domaine de la domiciliation, du droit et de la comptabilité ainsi que de la représentation en matière fiscale, comme le fait d'ailleurs savoir son site internet, notamment en ce qu'il rend attentif au fait que la requérante est un professionnel de la conformité fiscale (« tax compliance »), c'est-à-dire de la consultance en matière d'obligations réglementaires et déclaratives fiscales, mission qu'elle décrit comme suit :

• Tax compliance • Corporate tax and VAT registrations • Periodic tax returns • FACTA and CRS compliance Considérant qu'il en résulte que la première condition telle que relevée ci-dessus s'avère remplie en l'espèce, dans le sens que la réclamante est à qualifier de représentant professionnel au vœu de l'alinéa 1er du § 402 AO ;

Considérant qu'il y a dès lors lieu d'analyser, dans une première phase, si le comportement de la réclamante, en tant que représentante de la société (BB), a effectivement mené à une diminution indue de recettes d'impôts, et si cette diminution s'avère en outre originaire d'un comportement qui saura être qualifié de négligent au sens du § 402, alinéa 1er AO, tout comme il y a lieu d'analyser, dans une deuxième phase et pour autant que les deux premières conditions soient remplies, si le bureau d'imposition, au vu des critères impératifs de la raison et de l'équité, a fixé l'amende de telle sorte qu'elle soit adaptée aux circonstances, adéquate et proportionnée aux manquements constatés, et qu'elle prenne par ailleurs en compte la capacité contributive du contribuable ;

Considérant, quant à la chronologie des faits ayant mené le bureau d'imposition à juger opportun de fixer une amende au sens du § 402, alinéa 1er AO à la réclamante, que dans le cadre des déclarations fiscales des années 2016, 2017 et 2018 de la société anonyme (BB) préparées par la réclamante, des participations détenues dans des sociétés résidentes du … (Etats-Unis d'Amérique) ont été systématiquement déclarées comme exonérées d'impôt sur la fortune par application du § 60 de la loi d'évaluation (BewG), ce texte prévoyant, sous certaines conditions notamment de durée et de niveau de détention, une exonération des participations détenues dans le capital social d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités ; qu'à la suite du contrôle ultérieur au sens du § 100a AO effectué par le bureau d'imposition, il s'est avéré que cette exonération était parfaitement injustifiée alors que les filiales en question n'étaient en réalité assujetties à aucun impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités ; que les redressements opérés par le bureau d'imposition s'élèvent à un montant total de … euros ;

Considérant qu'à l'appui de sa requête, la réclamante expose que « contrairement à l'impression donnée par la déclaration, les personnes composant le « tax team » de (AA) n'assistent pas le client comme conseil fiscal, mais ne font que remplir les déclarations d'impôt conformément aux instructions reçues du client et de son conseiller fiscal. (AA) ne rend donc que des services de type purement administratifs et se base sur les informations reçues du client et du conseiller fiscal de celui-ci. En l'espèce, l'analyse fiscale a été faite par … (…) » ;

4 Considérant, quant aux allégations de la réclamante selon lesquelles elle n'apporte aucune assistance en matière fiscale à ses clients, que force est de constater qu'en tant que professionnel de la conformité fiscale, la réclamante détient nécessairement l'expertise et la compétence requises afin d'assurer le respect par ses clients de leurs obligations fiscales ; qu'il n'est pas concevable que la préparation des déclarations de l'espèce n'ait été qu'un simple travail purement administratif n'impliquant aucune responsabilité de sa part ;

Considérant qu'il convient de mettre en exergue que la problématique de l'espèce est relative à deux participations détenues par la société (BB) pour une valeur d'acquisition de 27.560.023 dollars américains, ce qui représente la quasi-totalité des actifs de la société (BB) ;

que ces participations sont des limited liability companies résidentes de l'état américain du …, juridiction notoirement connu pour son régime fiscal privilégié ; que dans ce contexte, la question de l'éligibilité de telles participations à l'exonération prévue par le § 60 BewG s'avère être une question fondamentale entrant nécessairement dans l'expertise d'un professionnel de la conformité fiscale ;

Considérant que la réclamante prétend ensuite s'exonérer de sa responsabilité en avançant que les informations reportées sur les déclarations fiscales ne sont pas de son fait, mais de celui de Deloitte Portugal ; que de prime abord, il échet de constater que la réclamante n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation qui reste donc à l'état de pure allégation ; qu'en outre, il est pour le moins surprenant que la réclamante se repose sur la responsabilité d'un professionnel de la fiscalité d'un autre pays, en l'occurrence le Portugal, pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité en matière de conformité fiscale luxembourgeoise ; qu'un tel comportement de la réclamante, s'il est avéré, ferait au contraire ressortir un manquement aux exigences de diligence pouvant raisonnablement être attendues d'un professionnel, alors qu'elle aurait accepté, sans le moindre questionnement, des conseils d'un tiers clairement incompétent en la matière ;

Considérant que le rôle prétendument purement administratif de la réclamante est de surcroît contredit par les faits de l'espèce ; qu'il ressort ainsi du dossier fiscal que, suite à une première demande adressée par le bureau d'imposition à la société anonyme (BB) dans le but d'obtenir des pièces attestant que les filiales en question sont pleinement imposables à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, ladite équipe fiscale de la réclamante, agissant donc en qualité de représentante de la réclamante, affirma sans réserve que les filiales en question sont soumises à la législation américaine et au régime fiscal respectif (tant au niveau fédéral qu'au niveau national); que ce n'est qu'après une nouvelle demande de la part du bureau d'imposition d'obtenir la preuve de l'imposition des filiales et notamment une copie de leurs déclarations fiscales américaines que la réclamante confessa que les filiales en question ne sont en réalité soumises à aucun impôt sur le revenu aux Etats-Unis de sorte à ne pas être tenues de déclarer leurs revenus ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que la manière d'agir de la réclamante, outre le fait que son comportement saura valablement et pour le moins être qualifié de négligent au sens du § 402, alinéa 1er AO, s'inscrit de manière directe et inhérente dans le cadre des obligations qui lui ont incombé du fait de son rôle de représentant chargé des affaires fiscales de la société, notamment celle de veiller à ce que la fortune imposable soit déclarée correctement, ce qui n'était justement pas le cas et ce qui a mené à une diminution indue des impôts ;

5 Considérant qu'étant donné que les conditions prévues par le § 402, alinéa 1er AO sont réunies dans le chef de la réclamante eu égard à son comportement dans le dossier (BB), il y a lieu d'admettre que c'est, en principe, à bon escient que le bureau d'imposition a procédé à la fixation d'une amende au sens de cette disposition ;

Considérant qu'il reste à analyser, face aux critères de la raison, de l'équité et des limites prévues par la loi, si l'amende infligée est justifiée en ce qui concerne son montant ;

que la loi prévoit un montant minimal pour les amendes au sens du § 402, alinéa 1er AO de 5% de l'impôt éludé ou du remboursement indûment obtenu et un montant maximal de 25% de l'impôt éludé ou du remboursement indûment obtenu ; qu'en ce qui concerne les critères de la raison et de l'équité, l'amende doit être fixée de telle sorte qu'elle soit adaptée aux circonstances, adéquate et proportionnée aux manquements constatés, et qu'elle prenne par ailleurs en compte la capacité contributive du contribuable ;

Considérant qu'en l'espèce, l'impôt éludé se chiffrant en tout à … euros, le bureau d'imposition s'est borné à fixer l'amende en cause au montant minimal prévu par la loi (5% x …) ;

Considérant qu'aucun manquement précédent ne peut être reproché à la réclamante ;

que cependant, force est de constater que les manquements de l'espèce, tels que constatés ci-

dessus, sont à qualifier de graves alors que la réclamante est un professionnel de la conformité fiscale dont le rôle était justement de s'assurer que les déclarations fiscales de la société anonyme (BB) étaient conformes ; que ces manquements sont encore aggravés par le comportement de la réclamante pendant le déroulement de l'enquête menée par le bureau d'imposition ; qu'en ce qui concerne la capacité contributive de la réclamante, il ressort de ses comptes annuels que celle-ci a réalisé un résultat net conséquent de … euros au titre de l'exercice 2020 et de … euros au titre de l'exercice 2021 ;

Considérant que ces circonstances justifient la fixation d'une amende de l'ordre de 10% de l'impôt éludé, soit … euros, correspondant au double de l'amende telle que fixée par le bureau d'imposition ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, réformant in pejus, fixe le montant de l'amende en vertu du § 402, alinéa 1er de la loi générale des impôts (AO) à … euros, renvoie au bureau d'imposition pour exécution. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2022, inscrite sous le numéro 47478, la société (AA) a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation contre « une décision sur réclamation signée par le chef de division Monsieur … pour compte de Madame le directeur de l’Administration des Contributions datée du 28 mars 2022 dans l'affaire numéro du rôle 1 ».

I.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours La partie étatique se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en réformation en la forme. Elle conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours principal en annulation dirigé contre la décision directoriale déférée, au motif qu’une telle voie ne serait ouverte que dans les matières ou la loi n'organise pas d'autre recours.

La société demanderesse n’a pas pris position quant aux moyens d’irrecevabilité ainsi invoqués.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation au sens de l’article 228 AO.

Etant donné qu’aux termes du paragraphe 402, alinéa 1er, dernière phrase AO, « la décision portant fixation du montant de l'amende administrative est prise par le bureau d'imposition et peut être attaquée par voie d'une réclamation au sens du § 228 », et que la décision directoriale du 28 mars 2022 a été prise sur base d’une telle réclamation, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, recours qui est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice concernant la recevabilité du recours en la forme, étant donné que même s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions. La partie étatique étant restée en défaut de de développer son argumentation, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

II.

Quant au fond • Quant au moyen tiré d’un défaut de publication de la délégation de signature accordée par le directeur Moyens des parties La société demanderesse soulève un premier moyen tiré de la légalité externe de la décision déférée en argumentant qu’elle serait signée par Monsieur … par délégation, alors même qu’aucune pareille délégation de signature accordée par le directeur n’aurait été publiée au Journal officiel, ce que le délégué du gouvernement confirmerait même implicitement. Or, pour être opposable aux tiers une délégation de signature devrait être publiée. La décision déférée devrait donc encourir la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen tiré d’une illégalité externe de la décision déférée pour ne pas être fondé, en argumentant que le directeur pourrait valablement déléguer sa compétence à un membre de la direction de l’administration des Contributions directes, ce qu’il aurait fait en l’espèce à travers la délégation de signature accordée au chef de division … en date du 28 octobre 2021.

Appréciation du tribunal De manière générale, il y a lieu de préciser qu’un acte administratif doit être signé par son auteur ou par la personne qui a régulièrement reçu une délégation de signature. Il s’agit là d’une formalité substantielle dont la méconnaissance entraîne l’annulation de l’acte, voire la constatation de son inexistence. Une signature apposée par un organe incompétent ou l’absence de délégation régulière entraîne également l’annulation de l’acte1.

S’agissant de la décision déférée, il convient de prime abord de constater que la signature qu’elle comporte est précédée des indications suivantes : « Le directeur des contributions, p.d. » et qu’elle est suivie des indications suivantes « … Chef de division », de sorte qu’il y a lieu de constater que Monsieur …, chef de la division contentieux auprès de l’administration des Contributions directes, l’a signée par délégation reçue de la part du directeur.

A cet égard, le délégué du gouvernement verse un document en cause intitulé « Délégation de signature » daté du 28 octobre 2021, signé tant par Monsieur … que par le directeur, dont il ressort que ce dernier a attribué une délégation de signature à Monsieur … « en matière de décisions sur réclamation, de décisions sur recours hiérarchique formel, tout comme en matière de mesures d’instruction concernant l’ensemble des requêtes introduites en vertu des paragraphes 228, 235, 237, 303 et 304 de la loi générale des impôts ».

Les contestations de la partie demanderesse ne portent, non pas sur la validité, mais sur l’opposabilité de ladite délégation de signature, la société demanderesse argumentant, en effet, que ledit document n’aurait pas été publié au Journal officiel.

1 Rusen Ergec, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, mis à jour par Francis Delaporte in Pas.

adm. 2023, p.28, n°28.A cet égard, il convient de constater que les dispositions de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des Contributions directes, désignée ci-après par « la loi du 17 avril 1964 », ainsi que du règlement grand-ducal modifié du 6 novembre 2009 fixant l’organisation de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 6 novembre 2009 », auxquelles renvoie le délégué du gouvernement, prévoient expressément la possibilité pour le directeur de déléguer certaines de ces attributions, sans que pour autant lesdites dispositions ni aucune autre disposition légale, n’imposent la publication d’une telle délégation de signature consentie par le directeur. D’ailleurs, la société demanderesse n’a invoqué aucune base légale à l’appui de son argumentation. Il s’ensuit qu’une publication de la délégation de signature consentie n’était pas légalement requise de sorte que l’absence de publication de ladite délégation ne saurait aboutir à une annulation de la décision déférée. Le moyen afférent de la société demanderesse est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

• Quant au moyen tiré d’une violation du principe du contradictoire La société demanderesse soulève un second moyen tiré de la légalité externe de la décision déférée en reprochant au bureau d’imposition et au directeur d’avoir violé le principe du contradictoire ainsi que son droit d’être entendue étant donné qu’afin de déterminer les activités exercées par elle, ils se seraient tout simplement référés aux données disponibles sur le site internet relatif à l'activité du groupe au Royaume-Uni, sans prendre connaissance ou se préoccuper des activités, qui seraient décrites sur le site spécifique de l'entité luxembourgeoise, laquelle serait en cause dans la présente affaire.

Elle reproche plus particulièrement au bureau d’imposition de ne pas l’avoir interrogée sur ses activités. Une telle audition lui aurait permis de renseigner l’administration sur le fait qu’elle-même, en tant qu’entité luxembourgeoise d’un groupe de société ne ferait pas d’études ou d’analyses fiscales mais se limiterait à remplir des déclarations pour le compte de ses clients sur instruction de ceux-ci.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la société demanderesse déclare être sidérée par les affirmations du délégué du gouvernement selon lesquelles il incomberait à celui auquel l’administration envisagerait d’infliger une amende d’expliquer la base légale de son droit d'être entendu préalablement, respectivement de l’obligation de l’administration d’entendre l’intéressé avant de prononcer une sanction. La société demanderesse renvoie aux articles 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, désignée ci-après par « la Charte », ainsi que 6, paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH », lesquels consacreraient le droit d’être entendu en matière de sanctions pénales, sanctions auxquelles s’apparenterait la sanction administrative. De même, la Cour de Justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE », aurait constaté dans plusieurs arrêts que le droit d’être entendu participerait aux droits de la défense.

La société demanderesse explique encore en substance que le principe du droit d’être entendu serait largement admis. Ainsi, en Allemagne, il serait ancré dans la Constitution (« Anspruch auf rechtliches Gehör »). Elle renvoie encore aux paragraphes 162 et 91 de l’AO allemande posant expressément le droit pour le contribuable d’être entendu.

En droit fiscal luxembourgeois, le droit d’être entendu serait surtout connu pour être appliqué en matière de taxation d’office effectuée sur base du paragraphe 217 AO. Le même principe s’appliquerait en matière de sanctions administratives en application du paragraphe 441 AO.

La société demanderesse se réfère encore à la jurisprudence du Conseil constitutionnel français en matière de sanctions administratives et, enfin au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », pour conclure que le droit d’être entendu préalablement au prononcé de la sanction administrative aurait dû être respecté en l’espèce. Concrètement, la société demanderesse estime que l’administration aurait dû « annoncer que la mesure est envisagée et venir instruire le dossier » en engageant un échange avec elle.

Le délégué du gouvernement conteste toute violation du principe du contradictoire. Il reproche en premier lieu à la société demanderesse de ne pas avoir cité la moindre base légale qui consacrerait un principe du contradictoire à respecter en matière d'amende à prononcer sur pied du paragraphe 402 AO. Il s'agirait, d'ailleurs, d'une infraction constat non-intentionnelle par essence, laquelle ne relèverait nullement d'un tel principe.

Le délégué du gouvernement argumente ensuite que la société demanderesse aurait eu pertinemment conscience des reproches qui lui seraient adressés. Ainsi, dans le cadre des déclarations fiscales des années 2016, 2017 et 2018, qu’elle aurait préparées au nom de la société anonyme (BB) SA, elle aurait systématiquement déclaré comme exonérées d’impôts des participations détenues dans des sociétés résidentes du … (Etats-Unis d'Amérique) par application du paragraphe 60 de la loi d'évaluation (BewG).

Les redressements opérés sur pied du paragraphe 100a AO dans le chef de la société anonyme (BB) SA auraient fait l'objet d'un courrier daté du 19 août 2019, invitant ladite société à prendre position. Selon le délégué du gouvernement, il ressortirait du dossier fiscal que, suite à une première demande adressée par le bureau d'imposition à la société anonyme (BB) SA dans le but d'obtenir des pièces attestant que les filiales en question seraient pleinement imposables à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, l'équipe fiscale de la société demanderesse agissant en qualité de représentante de la société anonyme (BB) SA, aurait affirmé sans réserve que les filiales en question seraient soumises à la législation américaine et au régime fiscal respectif. Ce n’aurait été qu'après une nouvelle demande de la part du bureau d'imposition d'obtenir la preuve de l'imposition des filiales et notamment une copie de leurs déclarations fiscales américaines que la société demanderesse aurait admis que les filiales en question ne seraient en réalité soumises à aucun impôt sur le revenu aux Etats-

Unis de sorte à ne pas être tenues de déclarer leurs revenus.

Le délégué du gouvernement conclut qu’il serait de principe que le droit d'information et de prise de position ne devrait pas aboutir à un formalisme excessif et que l'envergure des indications à fournir au contribuable devrait être définie d'après les spécificités de chaque cas d'imposition. De surplus, les données qui seraient déjà connues dans le cadre du cas d'imposition et notamment les informations fournies par le contribuable lui-même ne devraient pas faire l'objet d'une information préalable en vue d'une prise de position. Selon le délégué du gouvernement, le tribunal administratif ne pourrait en l’espèce considérer que les éléments à la base de la sanction proviennent de la propre sphère d'action de la société demanderesse sans comporter des éléments complémentaires dont elle n’aurait pas pu avoir connaissance. Dansun tel cas l'origine des informations et l'implication du contribuable dans le cadre de la procédure d'imposition permettraient d'admettre que le contribuable serait à considérer pour les besoins du prononcé de l'amende comme ayant à ce moment déjà connaissance des éléments.

Appréciation du tribunal Par la décision déférée le directeur a réformé in pejus la décision du bureau d’imposition du 9 septembre 2021, ayant infligé à la société demanderesse une amende administrative d’un montant de … euros sur base du paragraphe 402, alinéa 1 AO du chef d’une fraude fiscale involontaire en augmentant le montant de l’amende à … euros.

Aux termes dudit paragraphe 402, alinéa 1 AO : « Wer fahrlässig als Steuerpflichtiger oder als Vertreter oder bei Wahrnehmung der Angelegenheiten eines Steuerpflichtigen bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt oder Steuervorteile zu Unrecht gewährt oder belassen werden (§396 Absätze 1 und 2), wird wegen Steuergefährdung mit Geldstrafe bis zu 125.000 Euros bestraft. L'amende administrative ne doit pas dépasser le quart du montant des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu et ne peut être inférieure à cinq pour cent des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu. La décision portant fixation du montant de l'amende administrative est prise par le bureau d'imposition et peut être attaquée par voie d'une réclamation au sens du § 228. » Le litige opposant en l’espèce les parties porte sur la question de la légalité de l’amende administrative infligée à la société demanderesse et à cet égard en premier lieu sur la question du respect des droits de la défense de la société demanderesse au motif qu’elle n’aurait pas été entendue préalablement à l’augmentation par le directeur du montant de l’amende lui infligée.

A titre liminaire, le tribunal précise que le paragraphe 442 AO sur lequel la société demanderesse fonde, notamment, l’obligation de l’administration d’entendre l’intéressé avant d’infliger une amende administrative a été abrogé par l’article 7, point n°27 de la loi du 23 décembre 1996 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, de sorte qu’il ne saurait fonder une quelconque obligation à l’égard de l’administration.

En revanche, la société demanderesse affirme à juste titre que le respect des droits de la défense et corollairement l’obligation d’entendre l’intéressé avant de prononcer, voire d’augmenter, une amende à son égard est encore fondée sur d’autres principes et dispositions.

Dans ce contexte, il convient d’abord de préciser que malgré l’absence de véritable définition et malgré les divergences dans la détermination des critères d’identification d’une sanction administrative existant tant dans les droits nationaux qu’au niveau du droit de l’Union européenne2, il échet de constater qu’une amende administrative fiscale, tout comme toute autre amende administrative, s’analyse de manière non contestée en sanction administrative, ne serait-ce qu’en raison de sa nature clairement répressive3. La matière de la sanction administrative constitue donc un droit d’exception en droit administratif et le régime des sanctions administratives s'apparente à celui du droit pénal4. Aussi, le Conseil d’Etat, dans la 2 Hardy, G., « Chapitre 2. - Sanction administrative » in Feilhès, L. (dir.), Un droit "administratif" européen, 1ere édition, Bruxelles, Bruylant, 2022, p. 51-65 3 Trib. adm. 13 août 2015, n°36452 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1533 4 Les sanctions administratives en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, Analyse comparée, Colloque, Réunion des Conseils d’Etat du Benelux et de la Cour administrative du Luxembourg, Bruxelles, 21 octobre 2011,logique de la Cour européenne des droits de l’Homme, reconnaît à la sanction administrative une nature pénale et la soumet à toutes les exigences de forme et de fond prévues en matière pénale5. Ainsi, elle est notamment assujettie au respect des droits de la défense, qui regroupent un ensemble de garanties propres à assurer le respect du principe selon lequel toute personne accusée a le droit de savoir ce qui lui est reproché et de se faire entendre de la manière la plus efficace possible6.

Il s’ensuit que même en l’absence d’un texte explicite, la sanction administrative est soumise en raison de l’assimilation de son régime à celui de la sanction pénale au respect des principes généraux applicables en matière répressive. De même, le principe de bonne administration qui comporte le droit d’être entendu exige que l’intéressé soit informé des motifs de fait et de droit de la sanction administrative envisagée à son égard, respectivement, de l’augmentation envisagée du montant de l’amende, qu’il dispose d’un délai suffisant pour préparer sa défense et qu’il puisse prendre connaissance du dossier complet établi en vue de prendre la décision7. Il s’agit, en effet, d’un droit élémentaire face à l’autorité prononçant la sanction, en l’occurrence l'administration fiscale, destiné à protéger les droits de la défense de l’intéressé, donc d’une formalité substantielle, dont la violation doit entraîner l’annulation de la sanction ainsi prononcée. Ces principes s’imposent logiquement tant à l’administration fiscale qui envisage de prononcer une amende fiscale qu’au directeur qui, saisi d’une réclamation contre une décision ayant prononcé une amende fiscale, envisage d’augmenter le montant de ladite amende et ceci d’autant plus, si le directeur envisage, tel qu’en l’espèce d’augmenter le montant de l’amende de manière substantielle, en l’occurrence du simple au double.

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun élément lui soumis que la société demanderesse ait été avertie par l’administration de son intention de prononcer une amende administrative à son égard ni a fortiori qu’elle ait été informée des motifs à l’appui de la sanction envisagée ni qu’elle ait été entendue préalablement au prononcé de ladite sanction. Il ne ressort pas non plus des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que la société demanderesse ait été avertie par le directeur de son intention de réformer in pejus la décision du bureau d’imposition et d’augmenter le montant de l’amende fiscale, ni d’ailleurs qu’elle ait été informée des motifs à l’appui de l’augmentation envisagée ni qu’elle ait été entendue en ses explications préalablement à ladite augmentation.

Il s’ensuit que les droits de la défense de la société demanderesse ont incontestablement été violés en l’espèce, de sorte qu’une formalité substantielle a été violée et que la décision déférée du directeur doit encourir l’annulation dans le cadre du recours en réformation.

Les sanctions administratives au Luxembourg, Contribution de la Cour administrative du Luxembourg, Georges RAVARANI, .p.35 5 Les sanctions administratives en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, Analyse comparée, Colloque, Réunion des Conseils d’Etat du Benelux et de la Cour administrative du Luxembourg, Bruxelles, 21 octobre 2011, Les sanctions administratives au Luxembourg – Contribution du Conseil d’Etat du Luxembourg, par Monsieur Georges WIVENES, p.31 6 Hardy, G., « Chapitre 2. - Sanction administrative » in Feilhès, L. (dir.), Un droit "administratif" européen, 1ere édition, Bruxelles, Bruylant, 2022, p. 51-65, n°119 7 Les sanctions administratives en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, Analyse comparée, Colloque, Réunion des Conseils d’Etat du Benelux et de la Cour administrative du Luxembourg, Bruxelles, 21 octobre 2011, Les sanctions administratives en Belgique – Contribution du Conseil d’Etat de Belgique, par Madame Elisabeth WILLEMART, p.6La conclusion qui précède n’est pas énervée par l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle la société demanderesse aurait pertinemment su « de quoi il retourne », au motif que la société anonyme (BB) SA aurait été informée par le bureau d’imposition de son intention de diverger de ses déclarations d’impôt et qu’elle aurait été invitée à prendre position par rapport aux redressements envisagés. Cette argumentation est, en effet, à rejeter à un double titre. D’une part, le destinataire des courriers auxquels se réfère le délégué du gouvernement n’était pas la société demanderesse, mais la société anonyme (BB) SA. D’autre part, lesdits courriers ont trait à l’intention du bureau d’imposition de redresser l’imposition de la société anonyme (BB) SA et non point à l’intention de prononcer une sanction administrative à l’égard de la société demanderesse ni à l’intention du directeur de réformer in pejus la décision du bureau d’imposition et d’augmenter le montant de l’amende fiscale. Les courriers auxquels le délégué du gouvernement se réfère ne s’inscrivent donc pas dans le cadre de la procédure relative à la sanction administrative prononcée, voire augmentée, mais dans le cadre de la procédure d’imposition de la société anonyme (BB) SA et ne peuvent donc en aucun cas valoir comme élément pour établir que les droits de la défense de la société demanderesse auraient tout de même été respectées en l’espèce.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision directoriale déférée est entachée d’une violation d’une formalité substantielle destinée à protéger les intérêts des contribuables, de sorte qu’elle doit encourir l’annulation dans le cadre du recours en réformation.

III.

Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure La société demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Au vu de l’issue du litige et compte tenu du fait que la société demanderesse a été privée de la possibilité d’être entendue et de faire valoir ses arguments préalablement au prononcé d’une amende fiscale à son égard ainsi qu’à l’augmentation du montant de ladite amende fiscale, il paraît inéquitable de laisser en l’espèce à sa charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à sa demande et de lui accorder une indemnité de procédure évaluée ex æquo et bono au montant de 1.500 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision du directeur du 28 mars 2022, réformant in pejus la décision du bureau d’imposition du 9 septembre 2021 et prononçant une amende administrative d’un montant de … euros à l’égard de la société demanderesse sur base du paragraphe 402, alinéa 1er AO ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

condamne la partie étatique à payer à la Fondation une indemnité de procédure évaluée ex æquo et bono au montant de 1.500 euros ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 octobre 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47478
Date de la décision : 16/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-16;47478 ?

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