Tribunal administratif N° 51432 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51432 5e chambre Inscrit le 3 octobre 2024 Audience publique du 9 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 22, L. 18.12.2015)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51432 du rôle et déposée le 3 octobre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, actuellement placé au Centre de rétention de Luxembourg, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 18 septembre 2024, ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à compter de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 octobre 2024, Maître Marcel MARIGO s’étant excusé.
Le 6 août 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de la police judicaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée à cette occasion dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne en date du 12 septembre 2023 et qu’il avait introduit une demande de protection internationale en Allemagne le 19 septembre 2023.
En date du 12 août 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le même jour, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes en vue de la reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités en date du 14 août 2024 sur base du même article.
Par décision du 19 août 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du 21 août 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.
Par un arrêté du 21 août 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna l’assignation à résidence de Monsieur (A) à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question.
Le recours contentieux introduit le 6 septembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Monsieur (A) contre la décision précitée du ministre du 19 août 2024 fut déclaré irrecevable ratione temporis par un jugement du tribunal administratif du 24 septembre 2024, inscrit sous le numéro 51134 du rôle.
Il ressort ensuite des éléments du dossier administratif que Monsieur (A) fut transféré en Allemagne en date du 13 septembre 2024.
Le 18 septembre 2024, Monsieur (A) introduisit une deuxième demande de protection internationale sur base de la loi du 18 décembre 2015 auprès du ministère.
Encore le même jour, les autorités luxembourgeoises contactèrent à nouveau les autorités allemandes en vue de la reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités en date du 20 septembre 2024 sur base du même article.
Par arrêté du 18 septembre 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de sa notification sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :
« […] Vu l’article 22 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de transfert du 19 août 2024 ;
Considérant que l’intéressé a déjà été transféré en date du 13 septembre 2024 vers l’Allemagne en vertu de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
2 Considérant que l’intéressé est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ;
Vu que l’intéressé a introduit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg en date du 18 septembre 2024 ;
Considérant que l’intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Allemagne et une demande au Luxembourg ;
Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités allemandes dans les meilleurs délais ;
Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité ou de voyage permettant d’établir son identité ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l’intéressé comme défini à l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 précitée ;
Considérant qu’afin de garantir l’exécution de la mesure de transfert de l’intéressé, il y a lieu d’ordonner le placement en rétention ; […] ».
Par décision du 23 septembre 2024, le ministre informa Monsieur (A) qu’il avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif, en date du 3 octobre 2024, inscrite sous le numéro 51432 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, contre la décision ministérielle précitée du 18 septembre 2024 ayant pour objet son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question.
Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur, qui s’appuie exclusivement sur l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », fait tout d’abord valoir que ce serait à tort que le ministre aurait retenu un risque de fuite dans son chef, alors qu’il coopérerait avec les autorités luxembourgeoises. Il conclut que son placement au Centre de rétention serait à réformer pour violation de la loi, sinon en raison d’une application disproportionnée de la loi.
En se prévalant des dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 et rappelant l’absence d’un risque de fuite dans son chef au motif que son premier transfert vers l’Allemagne aurait été effectué sans aucune difficulté, Monsieur (A) affirme que les mesures moins coercitives devraient bénéficier d’une priorité par rapport au placement en rétention. Il insiste, à cet égard, sur le fait qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable d’exécuter la mesure d’éloignement à destination de son pays d’origine, en mettant plus particulièrement en avant que le dossier administratif ne contiendrait pas le moindre écrit adressé aux autorités « maliennes » dans le cadre de l’organisation de son retour vers son pays d’origine, et ce, alorsmême qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes. Il en déduit que sa rétention serait à qualifier de disproportionnée, voire d’arbitraire.
Il fait préciser qu’il n’entendrait pas se soustraire aux effets de la mesure d’éloignement prise à son encontre et demande dès lors à se voir assigner à résidence, respectivement auprès de sa compagne, tout en soulignant qu’il serait prêt à se soumettre à toute mesure restrictive, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.
Dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, l’intéressé demande encore l’assignation à résidence à la SHUK.
Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal relève de prime abord que l’argumentation du demandeur telle que développée dans sa requête introductive d’instance est fondée sur une base légale erronée. En effet, la référence faite par lui aux dispositions de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 est non pertinente dans la mesure où la décision litigieuse a été prise non pas sur le fondement de l’article 120 précité, mais sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015. Les moyens du demandeur basés sur ledit article 120 sont donc à rejeter pour ne pas être fondés.
A titre superfétatoire et pour être complet, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, telle que modifiée par la loi du 20 juillet 2023, envisageant les conditions dans lesquelles un demandeur de protection internationale peut être placé au Centre de rétention :
« […] (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que : […] d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (refonte) et lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants :
[…] iv. si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ou s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure de transfert ; […] ».
Le paragraphe (3) de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que :
« (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.
On entend par mesures moins coercitives:
4 a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite;
l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire.
Les mesures moins coercitives sont ordonnées par écrit et peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. » Le paragraphe (4) de l’article 22 de la même loi ajoute que :
« (4) La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.
Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. ».
A titre liminaire, il y a lieu de relever qu’en l’espèce, la décision déférée est basée sur l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, précité, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, et qui permet de placer un demandeur de protectioninternationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement, sous condition (i) qu’il existe un risque de fuite « non négligeable » dans le chef de l’intéressé basé sur un faisceau de circonstances établissant qu’il a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement, (ii) que le placement en rétention soit proportionnel et, (iii) que d’autres mesures moins coercitives ne puissent être effectivement appliquées. Il ressort encore de l’article 22, paragraphe (2), point d), numéro iv. de la loi du 18 décembre 2015 que le risque non négligeable de fuite est présumé si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert.
L’article 22, paragraphe (3) de la même loi ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée.
L’article 22, paragraphe (4) de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.
Le tribunal relève ensuite que la décision de placement litigieuse a été adoptée en vue d’organiser le transfert du demandeur, l’Allemagne ayant accepté sa reprise en charge le 20 septembre 2024 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.
Le tribunal rejoint la partie étatique dans son constat de l’existence d’un risque de fuite non négligeable dans le chef du demandeur.
En effet, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif qu’après avoir été transféré le 13 septembre 2024 du Luxembourg vers l’Allemagne sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, Monsieur (A) a déposé une seconde demande de protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg en date du 18 septembre 2024.
Il s’ensuit qu’un risque de fuite non négligeable est présumé dans le chef du demandeur, sans que ne se dégagent du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, de sorte que c’est a priori à juste titre que le ministre a pris une décision de placement en rétention à son encontre sur base de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et 28 du règlement Dublin III, étant précisé que le demandeur ne dispose d’aucun document d’identité ou de voyage valable et qu’il ne dispose pas d’adresse légale au Luxembourg.
En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, le tribunal rappelle que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues aux points a), b) et c) de l’article 22, paragraphe (3), précités, de la loi du 18 décembre 2015 ne peut être efficacement appliquée.
A cet égard, et en ce qui concerne plus précisément la mesure moins coercitive prévue au point a) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement devant les services ministériels, force est de constater que celle-ci n’est pas concevable en l’espèce dans la mesure où le demandeur ne dispose pas de l’original de son passeport, ni d’aucun autre document d’identité, étant encore rappelé à cet égard que la remise aux services ministériels de l’original du passeport, accompagné, le cas échéant, d’un autre document justificatif de son identité, est, au vu du libellé du point a) de l’article 22, paragraphe (3) une condition sine qua non à l’application éventuelle de cette même mesure coercitive.
Quant à l’assignation à résidence telle que prévue par l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler que celle-ci n’est envisageable que si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite. Or, en l’espèce, le demandeur n’a pas fourni le moindre élément au tribunal qui serait de nature à renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur, dont il est constant en cause qu’il ne dispose d’aucun domicile déclaré au Luxembourg, reste en défaut de fournir des éléments concluants quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, respectivement quant à des attaches particulières au Luxembourg, de sorte à ne présenter aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par la volonté affichée du demandeur à se voir assigner à résidence chez sa prétendue compagne, alors qu’il reste non seulement en défaut d’identifier celle-ci et de prouver la réalité des liens existant prétendument entre lui-même et cette personne, mais également et a fortiori de rapporter la preuve d’un quelconque accord de cette même personne pour l’héberger.
Ce même constat vaut, par ailleurs, en ce qui concerne la demande de l’intéressé d’être assigné à résidence à la SHUK qui n’est, à défaut de toute autre garantie de représentation, pas suffisante pour établir dans son chef l’existence de garanties de représentation effective propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 22, paragraphe (3), point b), lequel est, tel que relevé cavant, présumé dans son chef.
S’agissant ensuite de la mesure moins coercitive prévue par le point c) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, force est au tribunal de constater que le demandeur n’a fourni aucune proposition d’une telle garantie financière.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a écarté l’application de mesures moins coercitives à Monsieur (A).
Pour autant que le demandeur, en reprochant au ministre de ne pas avoir contacté les autorités « maliennes » en vue de son éloignement, ait entendu critiquer les diligences entreprises par le ministre pour écourter au maximum sa privation de liberté, sinon les perspectives raisonnables de son éloignement, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 22,paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, précité, la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises afin que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises.
Il convient ensuite de rappeler qu’en l’espèce, la décision de placement litigieuse a été adoptée en vue d’organiser le transfert du demandeur vers l’Allemagne dans le cadre du règlement Dublin III, suite à l’acceptation expresse de sa reprise en charge par les autorités allemandes, de sorte que les reproches du demandeur tenant à une absence d’un échange de communication entre les autorités luxembourgeoise et les autorités « maliennes » dans le cadre de l’organisation de son retour vers « son pays d’origine » sont à rejeter.
En ce qui concerne les démarches entreprises par les autorités ministérielles depuis la prise de la mesure sous examen, en date du 18 septembre 2024, il ressort du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises ont sollicité, le même jour, la reprise en charge du demandeur auprès des autorités allemandes sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III. Cette demande a été acceptée par les autorités allemandes par courriel du 20 septembre 2024.
Il échet par ailleurs de constater qu’une décision de transfert a été prise à l’encontre de Monsieur (A) en date du 23 septembre 2024, le ministre y ayant désigné l’Allemagne comme l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est au tribunal de constater que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises en vue d’organiser le transfert du demandeur ont été exécutées avec toute la diligence voulue, conformément à l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’il existe au stade actuel de la procédure une perspective raisonnable de transfert de Monsieur (A), de sorte que les contestations y afférentes de celui-ci encourent le rejet.
Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, même à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond le dit non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique 9 octobre 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 9