Tribunal administratif N° 51431 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51431 1re chambre Inscrit le 3 octobre 2024 Audience publique du 9 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51431 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2024 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 25 septembre 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 octobre 2024, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.
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Le 5 janvier 2018, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes une première demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 24 janvier 2018, suite à l’accord de reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18 (1) d) du règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », par les autorités allemandes le 18 janvier 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile décida de transférer l’intéressé vers l’Allemagne, transfert qui ne put pas avoir lieu en raison de la disparition de Monsieur (A).
Par décision du 10 août 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile décida de clôturer provisoirement la demande de protection internationale de Monsieur (A) du 5 janvier 2018, avant de la clôturer définitivement par décision du 12 juin 2023 et de lui ordonner de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours, au regard de la circonstance que Monsieur (A) n’avait pas sollicité la réouverture de sa demande de protection internationale dans un délai de neuf mois à partir de la clôture provisoire de son dossier.
En date du 24 août 2023, Monsieur (A) fut transféré au Luxembourg par les autorités suisses, suite à une demande afférente desdites autorités du 15 août 2023.
Il ressort des recherches effectuées dans la base de données EURODAC par les autorités luxembourgeoises le 24 août 2023 que Monsieur (A) avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne le 13 octobre 2014, en Suisse le 10 novembre 2014, en Autriche le 17 mars 2017, aux Pays-Bas le 9 juin 2017 et au Luxembourg le 5 janvier 2018.
Toujours en date du 24 août 2023, Monsieur (A) introduisit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Il ressort du rapport de police n° SPJ/CO-CO/2023/65381-4/DOSA daté du 24 août 2023 que Monsieur (A) fait l’objet de plusieurs signalements dans la base de données SIS par la Belgique, la Suisse et le Luxembourg sous divers alias pour non-exécution d’une mesure d’éloignement.
Monsieur (A) fut entendu le 31 août 2023 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs à la base de sa deuxième demande de protection internationale, demande qui fut rejetée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 septembre 2023, lequel prononça également, dans le même acte, à l’encontre de l’intéressé un ordre de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours.
Selon le rapport de police n°2024/3145/146/RS du 19 janvier 2024, Monsieur (A) fut appréhendé par la police grand-ducale, alors qu’il fouillait dans un sac à dos volé. Lors du contrôle d’identité, il n’était pas en possession d’une pièce d’identité valable.
Par deux décisions du 19 janvier 2024, notifiées à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », d’une part, assortit la décision de retour du 4 septembre 2023 d’une interdiction de territoire de cinq ans à l’encontre de Monsieur (A) et, d’autre part, prit la décision de placer ce dernier au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2024, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 19 janvier 2024 décidant son placement au Centre de rétention dont il fut débouté par jugement du tribunal administratif du 7 février 2024, inscrit sous le numéro 50011 du rôle.
Il se dégage ensuite d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») que Monsieur (A) y fut placé en date du 5 février 2024 pour y purger une peine d’emprisonnement de six mois pour des faits de vol qualifié pour lesquels il avait été condamné par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 6 mai 2022.
Il ressort du dossier administratif qu’en date du 16 mars 2024, les autorités consulaires algériennes confirmèrent que Monsieur (A) était un ressortissant algérien.
Suivant un acte d’écrou du 26 juillet 2024, l’intéressé fut libéré du CPL en date du même jour.
A la suite de sa libération du CPL, le ministre ordonna par arrêté du 24 juillet 2024, notifié à l’intéressé le 26 juillet 2024, le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu la décision de retour du 4 septembre 2023, lui notifiée le 15 septembre 2024 ;
Vu l’interdiction de territoire de 5 ans du 19 janvier 2023, lui notifiée le même jour ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par jugement du 4 septembre 2024, inscrit sous le numéro 50982 du rôle, le tribunal constata, sur base d’une demande afférente du litismandataire de Monsieur (A) du 26 août 2024, la déchéance du recours déposé au greffe du tribunal administratif le même jour contre l’arrêté ministériel précité de placement en rétention du 24 juillet 2024 et ce au sens de l’article 25 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par arrêté du 23 août 2024, notifié à l’intéressé le 26 août 2024, le ministre prorogea la mesure de placement initiale au Centre de rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question.
Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 28 août 2024 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 23 août 2024.
Par arrêté du 25 septembre 2024, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 24 juillet et 23 août 2024, notifiés le 26 juillet respectivement le 26 août 2024, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 24 juillet 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que l'éloignement de l'intéressé sera exécuté dans les plus brefs délais ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité du 25 septembre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.
Il indique également qu’en vertu de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, alors qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine ou bien vers le pays où il a toutes ses attaches familiales, de sorte que se poserait la question de l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et avant l’expiration de la durée maximale de la mesure de rétention.
Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
En tout état de cause, il estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné « au regard des prédits circonstances et comportements » et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère ou de toute autre autorité désignée, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.
Il en conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 25 septembre 2024 serait à réformer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
Force est, ainsi, de constater que l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être mené à bien.
En l’espèce, force est d’abord de relever qu’il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour le 4 septembre 2023, ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans prise à son encontre le 19 janvier 2024, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c) point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation […].
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) qui peuvent être prononcées de manière cumulative, sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal est amené à retenir que le demandeur, qui ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache, ne lui a pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
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1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, telle que plus particulièrement préconisée par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées et l’arrêté déféré de prorogation du placement en rétention initial ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.
Les contestations afférentes du demandeur encourent, dès lors, le rejet.
En ce qui concerne ensuite les diligences entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal a constaté dans son jugement, précité, du 4 septembre 2024 (i) que dans la mesure où, suite à une demande de laissez-passer leur adressée le 22 janvier 2024 par les autorités luxembourgeoises, les autorités consulaires algériennes avaient déjà confirmé par courrier du 16 mars 2024 que le demandeur était un ressortissant algérien, les services du ministre avaient demandé le 26 juillet 2024, soit le jour même du placement du demandeur au Centre de rétention, à l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel de la police grand-ducale (UGAO) d’organiser l’éloignement de l’intéressé vers l’Algérie et (ii) qu’il ressortait d’un plan de vol émis par l’UGAO le 26 août 2024 que l’éloignement du demandeur vers l’Algérie était prévu pour le 1er octobre 2024. Dans le même jugement, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise devraient être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.
Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate que le 17 septembre 2024, l’UGAO a fait parvenir au ministre un nouveau plan de vol, aux termes duquel le rapatriement du demandeur était prévu pour le 2 octobre 2024. Cependant, l’exécution de l’éloignement s’est heurtée à l’exigence de la part des autorités consulaires algériennes, communiquée par courriel du 26 septembre 2024, d’un plan de vol « depuis un aéroport belge ». Par courriel du 1er octobre 2024, l’agent ministériel en charge du dossier du demandeur a informé les autorités consulaires algériennes que l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine avait été annulé et que les autorités luxembourgeoises resteraient dans l’attente des suites réservées à leur demande de « régime dérogatoire depuis l’aéroport de Metz », telle que formulée dans un courriel du 27 septembre 2024.
Force est ainsi de constater, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes - que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de préparer son éloignement rapide du territoire luxembourgeois. Les démarches concrètement entreprises en l’espèce par l’autorité ministérielle doivent, au contraire, être considérées comme étant à ce stade suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il en est de même de l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective de l’éloigner vers son pays d’origine, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant d’aboutir à une telle conclusion.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation du placement en rétention initial n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, et lu à l’audience publique du 9 octobre 2024 par le vice-président Daniel WEBER en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 9