Tribunal administratif N°48215 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48215 5e chambre Inscrit le 28 novembre 2022 Audience publique du 4 octobre 2024 Recours formé par Monsieur A, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48215 du rôle et déposée en date du 28 novembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître François DELVAUX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de A, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 20 septembre 2022 portant retrait de deux points du capital restant de son permis de conduire ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 8 février 2023 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 14 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître François DELVAUX pour le compte de son mandant, préqualifié ;
Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif, président de la cinquième chambre du tribunal administratif, du 31 janvier 2024 autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 28 février 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître François DELVAUX pour le compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 27 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Burak KIRAZ, en remplacement de Maître François DELVAUX, et Madame le délégué du gouvernement Hélène MASSARD en leurs plaidoiries à l’audience publique du 26 juin 2024.
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Par courrier daté du 20 septembre 2022, le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après « le ministre », constata, d’une part, le retrait de deux points du permis de conduire de Monsieur A, ci-après désigné « Monsieur A », et, d’autre part, que le capital de points restant dudit permis de conduire était de quatre.
Cette décision est libellée comme suit : « […] Conformément aux dispositions légales régissant le permis à points, je tiens à vous informer que 2 points ont été retirés du capital dont est doté votre permis de conduire pour les infractions suivantes au Code de la Route :
Libellé de l’infraction :
Défaut pour le conducteur d’un véhicule routier automoteur de porter la ceinture de sécurité de façon réglementaire Nombre de points déduits : 2 Date du fait : 10 septembre 2022 … Lieu du fait: … Date du paiement : 10 septembre 2022 […] Nombre de points restants : 4 […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022, Monsieur A a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 20 septembre 2022.
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ni aucune autre disposition légale ne prévoient de recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 20 septembre 2022.
En revanche, le recours subsidiaire en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision critiquée.
Le tribunal est, partant compétent pour connaître dudit recours subsidiaire en annulation qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
2) Quant au fond Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur conteste « vivement » la commission de l’infraction qui lui serait reprochée et explique qu’il aurait, par ailleurs, déposé plainte devant l’Inspection Générale de la Police, ci-après désignée par « l’IGP », contre l’officier l’ayant verbalisé.
A l’appui de son argumentation, il affirme, tout d’abord, qu’il aurait porté sa ceinture de sécurité lors de son interpellation. Le demandeur donne ensuite à considérer que les circonstances de circulation auraient rendu impossible la constatation de l’infraction qui lui serait reprochée, en substance, au motif qu’il n’aurait pas été possible d’avoir une visibilité del’intérieur de l’habitacle du véhicule depuis l’extérieur. Il fait, enfin, valoir que le déroulement de l’interpellation témoignerait d’une incohérence de la part de l’officier de police qui l’aurait verbalisé, alors que celui-ci aurait pu l’interpeller pour l’infraction reprochée bien plus tôt.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur argue que ces circonstances, de même que la réalisation d’une enquête par l’IGP démontreraient que l’infraction à l’origine de la décision attaquée ne saurait être établie et ne pourrait, par conséquent, pas justifier une sanction administrative à son égard.
Dans ce contexte, le demandeur affirme que le juge administratif serait compétent pour statuer sur le présent recours car « il ne lui [serait] pas demandé de statuer sur la nature de l’infraction, mais simplement de constater que de sérieux doutes existe[raient] quant à l’existence même de cette infraction, [et] que par conséquent, aucune sanction ne peut être prononcée sans que l’infraction ne [soit] établie […] ».
Dans son mémoire supplémentaire, le demandeur cite les conclusions du rapport de l’IGP établies dans son courrier du 12 octobre 2023, selon lesquelles « [l]’enquête de l’IGP s’est donc limitée à examiner le comportement de policier verbalisant qualifié d’inapproprié dans votre réclamation. L’enquête a permis de relever que le comportement du policier n’a pas été satisfaisant et ce à plus d’un égard. » et soutient que ces conclusions corroboraient son exposé factuel, affirmant que les faits à la base de la décision litigieuse ne seraient que « le fruit d’une décision unilatérale et mensongère d’un officier de police défaillant et remis en cause par son propre Ministère », de sorte que l’infraction ne serait pas établie.
La partie étatique conclut au rejet du recours pour être non fondé.
Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève qu’il n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent.
Le tribunal relève ensuite que l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 dispose que :
« […] Paragraphe 2 Les infractions énumérées ci-après donnent lieu aux réductions de points indiquées :
[…] 24) le défaut pour le conducteur d’un véhicule automoteur de porter 2 points la ceinture de sécurité de façon réglementaire […] […] Pour autant qu’une des infractions mentionnées ci-avant ait été commise sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, toute condamnation judiciaire qui est devenue irrévocable, et tout avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté (…), entraîne une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. Cette réduction intervient de plein droit. […] La réduction de points suite à un avertissement taxé a lieu au moment du paiement de la taxe. […] ».
Il résulte de la disposition légale qui précède que la réduction de points intervient de plein droit, à partir du moment où la commission d’une des infractions énumérées à l’article 2bis, paragraphe 2 de la loi du 14 février 1955 a été constatée par un avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté et que le ministre ne fait que procéder à la réduction conséquente du nombre de points dont le permis de conduire de l’auteur de l’infraction se trouve à ce moment doté. En effet, le ministre ne dispose, dans ce contexte, que d’une compétence liée dans la mesure où il doit constater le retrait de points lorsque les conditions sont remplies sans que sa compétence ne puisse consister dans une appréciation du comportement de l’administré ni de l’infraction à la base du retrait de points.
Il y a encore lieu de préciser que si le tribunal administratif, saisi d’un recours en annulation, a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, c’est-à-dire l’existence d’un avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté, et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, il ne relève, en revanche, pas de sa compétence de contrôler des considérations d’opportunité se trouvant à la base de l’acte attaqué, respectivement les faits matériels à la base de l’avertissement taxé, le nombre de points retirés découlant directement de la loi, de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal1.
Force est au tribunal de constater que les moyens avancés par le demandeur à l’appui de son recours ne relèvent pas de la question de la légalité de la décision déférée portant exclusivement sur le retrait de deux points du capital dont est doté son permis de conduire, mais s’attaquent aux éléments constitutifs de l’infraction ayant motivé ce retrait de points, de sorte à encourir le rejet pour ne pas être pertinents en l’espèce.
Au vu des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 4 octobre 2024 par :
1 Trib. adm., 12 février 2007, n° 21859 et 21966 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Transports, n° 81 et les autres références y citées.Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 5