Tribunal administratif N° 46955 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46955 3e chambre Inscrit le 28 janvier 2022 Audience publique du 1er octobre 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL et la société anonyme … SA, …, contre une décision du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46955 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom :
1) de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses gérant(s) actuellement en fonctions ; et 2) de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions et/ou son administrateur unique ;
tendant à l’annulation :
1) de la « décision du conseil communal de la ville d’ESCH-SUR-ALZETTE, prise en date du 5 janvier 2021, sinon à toute autre date, portant approbation du projet de refonte du plan d’aménagement général […] » ; et 2) de la « décision de la Ministre de l’Intérieur, prise en date du 29 octobre 2021, portant approbation de la décision du 5 janvier 2021 précitée […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 2 février 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, ayant sa maison communale à L-4138 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2022 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2022 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, au nom de ses mandantes, préqualifiées ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2022 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes attaqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Maître Adrien KARIGER, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, et Maître Georges GRATIA, en remplacement de Maître Nathalie PRUM-CARRE, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2024.
_____________________________________________________________________________
Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, ci-après désigné par le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-
après par « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de refonte complète du plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
La commission d’aménagement émit son avis quant au projet d’aménagement général en date du 7 octobre 2019.
Lors de sa séance publique du 5 février 2021, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 février 2021, la société à responsabilité limitée … SARL et la société anonyme … SA, ci-après désignées par « les sociétés … », déclarant agir en leur qualité de bénéficiaires de deux baux emphytéotiques conclus avec la Ville d’Esch-sur-Alzette, ayant pour objet les parcelles inscrites au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch Nord, sous les numéros … et …, ci-après désignées par « les parcelles … et … », introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 5 février 2021.
Lors de sa séance du 4 août 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre tout en proposant de déclarer la réclamation des sociétés … non fondée.
Par décision du 29 octobre 2021, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 5 février 2021 et rejeta la réclamation des sociétés … comme étant non fondée. Les passages de la décision ministérielle, précitée, se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette, présenté par les autorités communales.
La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 septembre 2021.
Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 11 juin 2021.
Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans modifiés suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature, ainsi que le schéma directeur.
Il est statué sur les réclamations émanant de […] Monsieur … au nom et pour le compte des sociétés … SARL et … SA […] Ad réclamation … SARL et … SA (rec 17) Les réclamantes contestent la densité de logement [DL] fixée à 62 sur les parcelles cadastrales n° … et n° …, sises à Esch-sur-Alzette, et classées en « zone mixte urbaine [MIX-u] » et regrettent une diminution de 40% du taux de densité de logement [DL] envisagé. Cette baisse ne serait ni recevable, ni fondée, La décision des autorités communales ne peut être critiquée pour avoir diminué d’une manière plus réduite que l’avis de la commission d’aménagement la densité de logement [DL] la fixant à 62 en lieu et place de 100. Il est rappelé qu’il ne s’agit que d’observations de la commission d’aménagement qui en tout état de cause visaient une diminution de ce taux, ce qui a été respecté.
Le coefficient relatif à la densité de logement [DL] constitue l’outil principal pour gérer le nombre de logements qui seront créés dans les zones d’habitation et les zones mixtes.
Conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales notamment par : « (a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural, (d) le développement d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités. » Les parcelles se situant en « zone mixte urbaine [MIX-u] », l’objectif est bien de garantir la mixité des fonctions urbaines et non simplement la création de logements. Le taux de densité de logement [DL] à 62 remplit cette finalité. La mixité fonctionnelle est d’autant plus requise au vu de la proximité avec la rue de Luxembourg.
La réclamation est donc non fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2022, les sociétés … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la « décision du conseil communal de la ville d’ESCH-SUR-ALZETTE, prise en date du 5 janvier 2021, sinon à toute autre date, portant approbation du projet de refonte du plan d’aménagement général […] » et de la « décision de la Ministre de l’Intérieur, prise en date du 29 octobre 2021, portant approbation de la décision du 5 janvier 2021 précitée […] ».
A titre liminaire, le tribunal constate que la référence, faite dans la requête introductive d’instance, à une délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 est manifestement constitutive d’une simple erreur matérielle alors que dans sa décision du 29 octobre 2021, le ministre a approuvé la délibération du conseil communal du 5 février 2021 et qu’il ressort sans équivoque des pièces versées à l’appui de la requête et de l’ensemble des circonstances de la cause que la délibération du conseil communal visée est bien celle du 5 février 2021, les parties communale et étatique ne s’étant, d’ailleurs, pas méprises sur l’objet du recours.
I. Quant à la compétence du tribunal Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 29 octobre 2021 ayant statué sur la réclamation introduite par les sociétés demanderesses, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.
II. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption du PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi du 19 juillet 2004, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi du 19 juillet 2004, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur au 1er janvier 2021, par application de l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la décision du conseil communal du 5 février 2021, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
III. Quant à la recevabilité du recours Dans le cadre de son mémoire en réponse, la partie communale conteste tout intérêt à agir dans le chef des sociétés …, et ce, en raison du fait qu’elles ne disposeraient pas d’un droit de propriété sur les parcelles … et …, mais uniquement d’un droit emphytéotique découlant de deux baux emphytéotiques consentis par la Ville d’Esch-sur-Alzette en date du 9 octobre 1989, respectivement du 25 février 2013.
1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
La partie communale explique plus particulièrement que les sociétés … auraient formulé une réclamation relative à la baisse de la densité de logement autorisée au sein du futur plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » (« PAP NQ ») entre la mise sur orbite du PAG et son approbation communale. Ainsi, la densité maximale de logement autorisée sur « le site » aurait été diminuée par la commune pour passer de 100, lors de la mise sur orbite, à 62, au moment de l’approbation du PAG.
Or, selon la partie communale, si un propriétaire dispose certes d’un intérêt à agir à l’encontre d’une telle décision, lui causant nécessairement un grief par la limitation du nombre de logements pouvant être réalisés sur son terrain, il en irait autrement des sociétés … alors qu’elles ne disposeraient que d’un droit emphytéotique. A cet égard, elle donne à considérer que les baux emphytéotiques prévoiraient en ce qui concerne les parcelles litigieuses que « Le terrain présentement loué à l’emphytéote sera utilisé par celui-ci pour l’implantation de son commerce. » et « L’emphytéote s’engage à utiliser le terrain objet du bail pour le développement de son commerce ». Ainsi, l’objet de ces baux emphytéotiques – déterminant la limite des droits des sociétés … – concernerait exclusivement l’utilisation des terrains visés pour l’implantation de leur commerce. Il s’ensuivrait qu’avec la réalisation du PAP NQ couvrant les parcelles litigieuses et entraînant la réalisation de nouveaux logements, les sociétés … perdraient tout droit sur celles-ci alors qu’il leur deviendrait impossible de réaliser l’objectif de leurs baux emphytéotiques. Ainsi, et même si elles étaient encore en mesure d’exécuter ledit objectif sur les parcelles litigieuses, aucune aggravation de leur situation en lien avec la baisse de la densité de logement autorisée ne pourrait être décelée, alors que « contractuellement » elles ne pourraient pas utiliser ces parcelles pour y réaliser des logements. La partie communale en conclut que « la décision prise » n’aggraverait pas la situation des sociétés … de manière directe, certaine, née et actuelle.
Dans le cadre de son mémoire en duplique, la partie communale précise que les droits découlant des baux emphytéotiques seraient toujours circonscrits par la convention ayant accordé ces droits, ce qui aurait comme conséquence que le bénéficiaire d’un tel bail ne pourrait user du terrain à sa guise, l’usage en étant, d’après la partie communale, strictement encadré.
Elle poursuit en faisant valoir qu’en droit administratif, la preuve d’un véritable intérêt à agir des requérants serait requise, et ce de manière circonstanciée et non simplement alléguée au moment du dépôt du recours, et que l’intérêt à agir devrait subsister « jusqu’au jugement ». En l’espèce, il s’avèrerait cependant que l’intérêt à agir des sociétés … ne serait ni réel ni personnel, de même que « la décision entreprise » n’aggraverait pas concrètement leur situation.
La partie communale estime dès lors que l’intérêt à agir invoqué par les sociétés … serait, d’une part, hypothétique et, d’autre part, illégal. Elles essayeraient, en effet, de faire croire à un accord sur une future cession des deux parcelles à leur profit. Or, s’il y avait certes eu des discussions entre parties, lors desquelles les sociétés … auraient fait part de leur intention d’acquérir les parcelles litigieuses, ceci ne signifierait toutefois pas que la commune y consentirait. A ce jour, les sociétés … ne disposeraient que du droit résultant des deux baux emphytéotiques, de sorte à ne pas pouvoir se prévaloir d’un « hypothétique futur » droit de propriété pour justifier d’un intérêt à agir dans leur chef, et ce, d’autant plus que la densité de logement retenue ne les lèserait aucunement puisque, dans ce cas précis, une hypothétique acquisition des deux parcelles se ferait dans des conditions connues et à un prix fixé au moment de la vente.
La partie communale conteste ensuite le reproche formulé par les sociétés … relatif à une violation du principe de l’estoppel. La commune ne se contredirait, en effet, aucunement, alors qu’aucun droit de propriété ne serait créé dans le chef des sociétés … à travers de simples discussions relatives au rachat éventuel de terrains communaux.
La partie communale donne encore à considérer que bien que l’exécution d’un bail emphytéotique serait de l’apanage des juridictions judiciaires, il resterait toutefois un élément de droit qui s’imposerait au tribunal de céans alors que ces contrats de bail encadreraient les droits dont disposeraient les sociétés … sur les terrains en cause.
Les sociétés … concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
La partie étatique se rapporte à prudence de justice quant au respect des formes et délai par les requérantes.
En ce qui concerne l’intérêt à agir des sociétés …, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante des juridictions administratives que le recours introduit devant le juge administratif contre un projet d’aménagement général communal n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation, entraînant qu’en particulier l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au gouvernement à l’encontre de la délibération portant adoption d’un projet entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif. Il ressort de cette même jurisprudence qu’en contrepartie, peu importe que cette réclamation ait été déclarée irrecevable ou non fondée par le ministre, le réclamant en question dispose d’un intérêt à voir vérifier la légalité de la décision ministérielle prise à son encontre et, plus loin, de la délibération communale ainsi approuvée, de sorte que son recours en annulation est recevable sous l’aspect de l’intérêt à agir au-delà de toutes autres considérations fussent-elles du domaine politique. Dès lors, le fait même pour le ministre d’avoir statué sur une réclamation en la déclarant recevable, mais en l’écartant au fond, suffit pour fonder l’intérêt à agir dudit réclamant. Celui-ci doit pouvoir faire contrôler la légalité de la décision ministérielle prise à son égard, à l’aboutissement de la procédure non contentieuse d’adoption sinon de modification du PAG dont s’agit sous peine de ne pas disposer d’un recours effectif en la matière2.
Ainsi, du moment qu’une personne ayant formulé une réclamation, même en n’étant pas propriétaire, ne s’est pas vu opposer une irrecevabilité par le ministre, mais a été déboutée au fond, celle-ci garde un intérêt à agir suffisant pour porter cette réclamation devant les juridictions3.
En l’espèce, les sociétés … ont formulé en date du 24 février 2021 une réclamation auprès du ministre à l’encontre de la délibération du conseil communal du 5 février 2021 par laquelle la densité de logement initiale de 100 a été réduite à 62, réclamation qui a été déclarée recevable, mais non fondée par le ministre dans sa décision du 29 octobre 2021.
Eu égard aux considérations qui précèdent, les sociétés … disposent d’un intérêt suffisant à agir par le seul fait d’avoir introduit une réclamation qui n’a pas été accueillie favorablement par le ministre.
Le moyen tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef des sociétés … encourt, dès lors, le rejet.
2 En ce sens : Cour adm., 19 janvier 2012, n° 28915C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu; voir aussi : trib.
adm., 24 mars 2004, n° 16556 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 413 et les autres références y citées.
3 Cour adm., 15 février 2022, n° 46375C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 400.
En ce qui concerne la recevabilité du recours quant aux formes et délai de la loi, s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation4, force est de constater que la partie étatique n’a formulé aucune explication concrète à l’appui de sa contestation. Or, une contestation non autrement développée est à écarter, dans la mesure où il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-
même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions5.
Il s’ensuit que le recours est à encore déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
IV. Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours et en fait, les sociétés demanderesses expliquent être les bénéficiaires de baux emphytéotiques conclus avec la Ville d’Esch-sur-Alzette portant sur les parcelles … et …, sur lesquelles se trouveraient un bâtiment commercial et un parking à ciel ouvert.
Ces parcelles auraient été classées, lors de la mise sur orbite du projet d’aménagement général, en zone mixte urbaine [MIX-u], ci-après désignée par « zone [MIX-u] », avec notamment une densité de logement cohérente de 100, traduisant d’après les sociétés demanderesses la volonté de la commune de favoriser le développement de logements sur ce site. Au vu du fait qu’elles auraient approuvé ce projet de classement, les sociétés demanderesse n’auraient pas formulé d’objections.
Or, suite à l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019, la commune aurait décidé une diminution substantielle de la densité de logement en la faisant passer à 62, et ce, sans modifier les autres coefficients de densité des parcelles avoisinantes. Cette délibération du conseil communal aurait ensuite été confirmée par la décision ministérielle litigieuse.
En droit, les sociétés demanderesses font valoir que suivant le libellé de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, le conseil communal disposerait d’une certaine flexibilité, en ce sens que les élus communaux se verraient confier la possibilité de modifier un projet de PAG sans devoir, dans certaines nouvelles hypothèses strictes, recommencer la procédure. L’article 14 contiendrait cependant également une limite au pouvoir du conseil communal dans la mesure où il prévoirait clairement que ledit conseil communal devrait recommencer la procédure s’il désirait modifier le projet d’aménagement général autrement que sur base d’une des trois sources suivantes : la proposition de la commission d’aménagement, l’avis du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ou encore les observations des administrés. Il s’agirait d’une appréciation in concreto de la situation.
En l’espèce, il résulterait de l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019 que celle-ci aurait estimé la densité de logement de 100 comme étant « quelque peu élevée », et aurait préconisé de la réduire d’« environ 15% ». Les sociétés demanderesses considèrent, à cet égard, qu’une diminution entre 13% et 17%, voire même une diminution entre 10% et 20% pourrait correspondre à ce que la commission d’aménagement entendrait par « environ 15% ». Le conseil communal aurait toutefois décidé d’abaisser la densité de logement à 62, ce qui correspondrait à une diminution de 38%, c’est-à-dire plus du double de ce qui aurait été préconisé par ladite commission. Il s’ensuivrait qu’en abaissant la densité de logement de 38%, le conseil communal n’aurait pas suivi l’avis de la commission d’aménagement, mais serait « all[é] bien au-
4 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
5 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
delà ».
Les sociétés demanderesses contestent encore la régularité de la décision ministérielle litigieuse en ce qu’elle aurait exposé que « [l]a décision des autorités communales ne peut être critiquée pour avoir diminué d’une manière plus réduite que l’avis de la commission d’aménagement la densité de logement », et ce au vu du fait que le conseil communal n’aurait, en réalité, pas « diminué d’une manière plus réduite » la densité de logement préconisée, mais qu’il l’aurait réduite « d’une manière substantiellement plus forte ». Cette réduction serait telle qu’on ne pourrait plus parler d’une modification qui aurait été « préconisée/envisagée ».
Elles se prévalent ensuite d’une violation des articles 6 et 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Elles estiment, dans ce contexte, que les objectifs visés à l’article 2 de cette loi qui attribueraient aux communes la mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à leur population des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal, n’auraient pas été pris en compte en l’espèce, dans la mesure où les décisions litigieuses, en diminuant la densité de logement, iraient à l’encontre de la volonté politique actuelle au Grand-Duché de Luxembourg d’augmenter la densification des tissus urbains et de favoriser la concentricité.
Les sociétés demanderesses soulèvent encore l’absence de motifs particulièrement forts de la part de l’administration communale qui justifieraient que, pour des raisons d’intérêt général, la densité initiale de 100 logements ne serait « soudainement » plus valable et devrait être diminuée à 62. Cette décision serait d’autant plus incompréhensible que le site directement voisin prévoirait, quant à lui, une densité de logement de 110, soit pratiquement le double du site litigieux.
Elles continuent en faisant valoir que le coefficient retenu s’expliquerait encore moins au vu du fait que « les autres coefficients qui [auraient été] projetés initialement avec [la densité de logement] demeur[eraient] inchangés ». « Les surfaces » seraient ainsi rendues « irréalistes » et il y aurait une perte injustifiable du potentiel constructible. Les sociétés … concluent, à ce sujet, à un défaut de motivation, en rappelant à cet égard que les décisions de l’administration communale devraient reposer sur des motifs de fait et de droit. Cette motivation devrait encore être renforcée lorsqu’il y aurait, tel qu’en l’espèce, un revirement d’attitude ou du moins un réel manque de cohérence dans la politique de l’administration communale.
Selon les sociétés demanderesses, la décision ministérielle litigieuse serait tout aussi critiquable. La décision du conseil communal allant à l’encontre de l’intérêt général, le ministre n’aurait, en effet, pas dû l’approuver.
« [L]es décideurs » devraient en outre être guidés par les « exigences systématiques de logique et de cohérence », de sorte qu’une administration devrait veiller à être cohérente tout au long d’une procédure. Ainsi et au vu de la baisse conséquente de la densité de logement finalement retenue par le conseil communal, ce dernier ne pourrait pas justifier sa décision par le seul fait que la commission d’aménagement aurait préconisé une telle diminution, les sociétés … rappelant à cet égard que la commission d’aménagement n’aurait préconisé qu’une baisse de 15%, et non pas une diminution « de l’ordre de 40% ». La commune resterait ainsi en défaut d’exposer les motifs – qui seraient d’ailleurs inexistants – l’ayant conduite à baisser la densité de logement à un pourcentage si élevé. Or, faute pour la commune de pouvoir justifier le fait d’avoir « changé radicalement son fusil d’épaule concernant l’urbanisation du site », la décision du 5 janvier 2021 encourrait l’annulation, les sociétés demanderesses se prévalent, à cet égard, d’une violation des principes de confiance légitime et de cohérence.
Les sociétés demanderesses font encore remarquer, à titre surabondant, que les motifs à la base de la décision de la commission d’aménagement l’ayant amené à proposer une diminution de la densité de logement d’environ 15% seraient également erronés. En effet, la commission d’aménagement aurait proposé cette diminution afin de « générer un tissu urbain qui s’inscrit dans la continuité du quartier Nonnewiesen ». Or, selon les sociétés demanderesses deux remarques s’imposeraient quant à cette justification, à savoir (i) que le site Nonnewiesen ne se trouverait pas le long de la rue …, de sorte qu’il ne s’agirait pas de la même situation, et (ii) que le quartier Nonnewiesen aurait fait l’objet de vieux plans d’aménagement particuliers (« PAP ») « approuvés il y a près de 12 ans » et que, depuis lors, les conceptions urbanistiques auraient évoluées.
Les sociétés demanderesses ajoutent, dans ce contexte, que le PAP à l’ouest, dénommé « PAP-17 Nonnewiesen 1B », serait maintenu dans le nouveau PAG et prévoirait que des « pâtés de maisons composés de maisons unifamiliales ou jumelées respectivement de maisons d’habitation collective pour étudiants – au rez-de-chaussée le long du boulevard Nonnewiesen, des établissement à caractère économique et soc[i]oculturel, des établissements destinés aux services publics et privés ainsi que des commerces [seraient] également admissibles ».
Il s’avèrerait cependant que le site comprenant les parcelles litigieuses se trouverait dans la continuité du PAP NQ n°43 et devrait dès lors « suivre la logique » de ce dernier, lequel prévoirait une densité de logement de 110. Il aurait, par ailleurs, selon les sociétés demanderesses, été préférable de maintenir la densité de logement de 100 et de prévoir, « si cela était vraiment nécessaire », « sur les intensités « faible, moyenne, forte densité » des affectations de logements et de commerce dans le SD 11 […] au sein de ladite zone soumise à PAP NQ, et ce afin d’intégrer le futur PAP à la fois au PAP sis à l’ouest « PAP-17 Nonnewisen 1B » s’il le fallait et à la fois au PAP voisin au nord « PAP 43 » (aller d’une moyenne densité à l’ouest pour progressivement aller vers de la forte densité vers la Rue …) ».
Dans leur mémoire en réplique, les sociétés demanderesses expliquent qu’elles n’auraient, contrairement à ce que prétendent les parties défenderesses, jamais soutenu que le conseil communal serait tenu « strictement à la lettre » par la proposition de la commission d’aménagement. Elles confirment, dans ce contexte, qu’il serait indéniable qu’en principe l’avis de la commission d’aménagement serait, tel que son nom l’indique, qu’un avis, dépourvu d’une quelconque force obligatoire. Toutefois, la loi et la jurisprudence seraient claires en ce que, même s’il existait un principe d’autonomie locale, l’administration communale ne pourrait pas modifier à sa guise son projet de PAG au moment du second vote. Les sociétés demanderesses se réfèrent, à ce sujet, à un arrêt de la Cour administrative du 6 mai 2021, inscrit sous le numéro 44768C du rôle. Ainsi, le conseil communal pourrait modifier ledit projet lors du second vote uniquement par des modifications proposées par la commission d’aménagement. Le conseil communal disposerait, dès lors, de deux choix, consistant soit à ne pas modifier le projet de PAG, soit à le modifier en se cantonnant à ce qui aurait été proposé par la commission d’aménagement ou pour répondre à l’avis du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions. En l’espèce, si le conseil communal avait voulu modifier le projet de PAG comme proposé par la commission d’aménagement, il n’aurait pu modifier la densité de logement que d’environ 15%. Il s’ensuivrait que la diminution de près de 40%, opérée en l’espèce, ne serait pas acceptable. Les sociétés demanderesses ajoutent que, suivant la jurisprudence, si le conseil communal entend aller plus fondamentalement au-delà des modifications proposées, il ne pourrait s’agir d’éléments nécessairement complémentaires et accessoires par rapport à ce qui était préconisé.
Les sociétés demanderesses estiment ensuite que le raisonnement des parties communale et étatique selon lequel une densité de logement de 100 ne saurait garantir, en l’espèce, un développement harmonieux, serait erroné. Les sociétés … font valoir, à cet égard, qu’il serait indiscutable et avéré que le Luxembourg connaîtrait une crise du logement, laquelle s’enliserait en raison du fait que les communes seraient « véritablement frileuses » à permettre une urbanisation « digne de l’époque actuelle ». Il faudrait désormais « « construire la ville sur la ville », en réhabilitant et/ou en exploitant les surfaces urbanisables disponibles et en favorisant une construction « vers le haut » plutôt que d’étaler une multitude de bâtiment de peu de hauteur telle une tâche d’huile qui s’éparpille ». Elles se réfèrent, dans ce contexte, à différents calculs pour démontrer qu’il serait tout à fait réaliste de créer une densité de logement de 100 sur le site litigieux, tout en garantissant une bonne qualité de vie pour les futurs habitants.
Quant à l’intégration avec le voisinage, il faudrait surtout se référer à celui qui est juxtaposé. Ainsi, à l’est, c’est-à-dire de l’autre côté de la rue « à 4 bandes », se trouveraient des bâtiments à sept étages et au sud se trouveraient des constructions de quatre à cinq étages. La zone mixte sise au nord serait, quant à elle, couverte par un PAP récent et maintenu en vigueur, à savoir le PAP NQ n°43 qui prescrirait une densité de logement de 110. Il s’ensuivrait qu’une densité de logement de 62 ferait peu de sens au vu du fait que les parcelles litigieuses seraient situées entre une parcelle présentant une densité de logement de 110 et une « voie 4 bandes » et des parcelles sur lesquelles se trouveraient des immeubles à quatre, cinq ou sept étages. Une diminution de la densité de logement ne serait, dès lors, pas conforme à l’intérêt général.
Les sociétés demanderesses font encore valoir, à titre surabondant, que si la fixation d’une densité de logement de 100 dans le PAG ne devait effectivement pas permettre la réalisation d’un projet équilibré, cette circonstance aurait pu être réglée au niveau du PAP, lequel aurait pu prévoir moins de logements, ce qui aurait permis, en tout état de cause, une certaine flexibilité.
Elles ajoutent encore, par rapport à l’allégation d’une violation des principes de confiance légitime et de cohérence, que même si, lors de la mise en procédure du projet de PAG, les choix urbanistiques présentés n’étaient pas encore aboutis, ils auraient normalement fait l’objet d’une certaine réflexion. Il s’ensuivrait que si le projet de PAG avait été proposé avec une densité de logement de 100, la commune aurait nécessairement estimé à ce moment-là qu’il s’agissait de la densité de logement la mieux adaptée au site. Une diminution de près de 40% de la densité de logement correspondrait, dès lors, à un revirement fautif d’attitude.
Tant la partie étatique que la partie communale concluent au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Analyse du tribunal Le tribunal rappelle tout d’abord qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, il n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.
A. Quant à la légalité externe des décisions déférées i. Quant au moyen tenant à un défaut de motivation des décisions déférées Les sociétés demanderesses soulèvent un défaut de motivation des décisions déférées, en arguant en substance que la motivation à leur base devrait être d’autant plus renforcée en cas de revirement d’attitude de la part de l’administration communale, tel que ce serait le cas en l’espèce, les sociétés demanderesses insistant à cet égard sur le fait que cette dernière aurait soudainement baissée la densité de logement de 100 à 62.
Le tribunal précise qu’au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi6.
En l’espèce, force est de constater que les décisions sous analyse sont motivées à suffisance de droit.
En effet, il ressort tant des explications des parties défenderesses que du dossier administratif, que l’administration communale a décidé de suivre l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019 et de diminuer la densité de logement de 100 à 62 en justifiant ce choix par le fait que les parcelles litigieuses se situeraient en zone [MIX-u], dont l’objectif serait de garantir non seulement la création de logements, mais également la mixité des fonctions urbaines. La mixité fonctionnelle qui serait garantie par une densité de logement de 62 serait d’autant plus nécessaire au vu de la proximité du site avec la rue de Luxembourg. La densité de logement de 62 s’inscrirait dès lors dans une optique d’intérêt général en assurant une utilisation rationnelle du sol ainsi qu’un développement d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des locaux.
Au vu des considérations qui précèdent, et indépendamment de la question du bien-fondé de la motivation avancée par le conseil communal, respectivement par le ministre, question qui sera analysée ci-après, le tribunal est amené à retenir que les motifs fournis de part et d’autre, complétés par les explications des parties défenderesses dans leurs mémoires en réponse et en duplique respectifs, sont suffisants pour permettre aux sociétés demanderesses de défendre leurs intérêts en toute connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, de sorte que le moyen tiré d’un défaut de motivation des décisions déférées, encourt le rejet.
ii. Quant à la violation alléguée de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, il y a lieu de relever que cet article prévoit que :
« Le projet d’aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 est soumis avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant dans ses attributions l’environnement, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège des bourgmestre et échevins, au conseil communal.
Au plus tard dans les trois mois à compter de l’échéance du délai prévu à l’article 11, alinéa 2, le conseil communal décide de l’approbation ou du rejet du projet d’aménagement général.
6 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 35 et les autres références y citées.
Il peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées.
Si le conseil communal entend apporter des modifications autres que celles visées à l’alinéa qui précède, il renvoie le dossier devant le collège des bourgmestre et échevins qui est tenu de recommencer la procédure prévue aux articles 10 et suivants. ».
Ledit article 14 prévoit ainsi que le projet d’aménagement général est soumis au conseil communal avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège échevinal.
Il y a ensuite lieu de relever qu’il est de jurisprudence constante7 que c’est précisément l’alinéa 3 de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 qui prévoit que si le conseil communal peut adopter le projet d’aménagement général dans sa forme originale de mise sur orbite, il peut également y apporter des modifications. Ces modifications sont en principe issues de propositions pouvant émaner de manière formelle de trois sources, à savoir de la commission d’aménagement, de l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions et finalement des objections présentées par le public intéressé. Pour que la procédure fasse un sens, il doit être possible au conseil communal de relayer, le cas échéant, ces trois sources de modification et d’y ajouter à titre accessoire des éléments nécessairement complémentaires par rapport à ceux proposés par l’un ou l’autre de ces trois initiateurs de modifications.
Dans la mesure où le conseil communal est appelé à relayer les trois sources possibles de modification, il lui est permis de procéder à des modifications par rapport au projet mis sur orbite en vue d’aplanir des différends.
Il y a encore lieu de relever, dans ce contexte, que l’avis de la commission d’aménagement est censé éclairer et guider le conseil communal dans sa décision à prendre, sans toutefois le lier aux propositions de ladite commission. L’essentiel est, en effet, que les conseillers communaux aient statué en connaissance de cause, après s’être fait une opinion et aient pris leur décision de manière éclairée et suffisamment informée.
En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que la commission d’aménagement a émis un avis en date du 7 octobre 2019 qui préconise par rapport au SD-11 – couvrant, de manière non contestée, les parcelles litigieuses – que :
« […] la densité de logements projetée de 100 u./h est quelque peu élevée. La commission préconise de la réduire d’environ 15% aux fins de générer un tissu urbain qui s’inscrit dans la continuité du quartier Nonnewiesen.
Schéma directeur Le concept urbanistique du schéma directeur n’est pas abouti dès lors qu’il ne dispose pas de concept paysager, écologique et d’infrastructures techniques. Le présent SD est à retravailler de manière à concevoir un concept urbanistique détaillé. ».
7 Cour adm., 15 décembre 2016, n° 38174C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
Il ressort en outre des explications, non contestées, de la partie communale que le conseil communal s’est basé, entre autres, sur cet avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019 pour revoir à la baisse la densité de logement du SD-11, et partant du site dont font partie les parcelles litigieuses.
Le tribunal constate que si, certes, la baisse de la densité de logement de 100 à 62 est supérieure à 15% telle que préconisée par la commission d’aménagement, le principe même de la baisse de la densité de logement a toutefois été proposé par ladite commission, de sorte que le conseil communal, en modifiant une telle densité vers le bas, n’a pas statué au-delà de sa saisine.
Le tribunal est, en effet, amené à suivre les développements faits par la partie communale en ce que, suite à l’avis de la commission d’aménagement proposant une baisse de la densité de logement, le conseil communal a réévalué la situation du site pour ensuite arriver à la conclusion que la densité de logement devait être baissée de plus de 15%. En ce qui concerne le coefficient de densité de logement finalement retenu par le conseil communal, le tribunal rappelle que cette appréciation relève du bien-fondé de cette décision et non pas de sa légalité externe.
Au vu des considérations qui précèdent, il doit dès lors être retenu que le conseil communal n’a pas outrepassé sa saisine et a apporté des modifications au projet d’aménagement général en lien avec l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019.
Le moyen relatif à une prétendue violation de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
B. Quant à la légalité interne des décisions déférées Le tribunal relève que les sociétés demanderesses indiquent, dans le cadre de leur mémoire en réplique, toujours contester le schéma directeur « SD 11- rue … », ci-après désigné par « SD-
11 », – tel qu’elles l’auraient fait au sein de leur réclamation –, même s’il n’avait pas été « frontalement » attaqué dans le cadre du présent recours, alors qu’au vu de la jurisprudence récente des juridictions administratives, une contestation dudit schéma directeur devant ces juridictions se révélerait être vaine.
Or, même si les sociétés demanderesses déclarent maintenir leurs contestations relatives à un tel schéma directeur, il y a lieu de constater qu’elles ne précisent pas en quoi il serait critiquable. Les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont cependant pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas à celui-ci de suppléer à la carence des sociétés demanderesses et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions. Les contestations non autrement circonstanciées relatives au schéma directeur sont dès lors à rejeter.
En ce qui concerne ensuite les contestations relatives au classement retenu pour les parcelles litigieuses et à la violation alléguée des principes de confiance légitime et de cohérence, le tribunal relève que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations8.
8 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité9.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés10.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
9 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
10 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 847 et les autres références y citées.
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de modifier un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire11.
Par ailleurs, il échet de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné12. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-après.
Force est ensuite de constater que si, lors de la mise sur orbite du projet d’aménagement général, les parcelles … et … ont certes été classées en zone [MIX-u], superposée d’une zone soumise à un PAP NQ, avec une densité de logement de 100, cette même densité a finalement été abaissée à 62.
La zone [MIX-u] est définie à l’article 5 de la partie écrite du PAG comme suit :
« La zone mixte urbaine couvre les parties de la Ville d’Esch-sur-Alzette à caractère urbain. Elle est destinée à accueillir, dans des proportions qui varient en fonction de la localisation et de sa vocation, des habitations, des activités de commerce et d’artisanat dont la surface de vente est limitée à 4.000 m2 par immeuble bâti, des services administratifs ou professionnels, des hôtels, des restaurants et des débits de boisson, des établissements scolaires ainsi que des activités de récréation.
De manière générale, y sont interdits les constructions et les établissements qui par leur nature, leur aspect, leur volume, leur importance et/ou leurs émissions olfactives et/ou sonores seraient incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité d’un quartier mixte.
Pour tout plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » exécutant une zone mixte urbaine, la part minimale de la surface construite brute à réserver à l’habitation ne pourra être inférieure à 25%. ».
En outre, la partie écrite du PAG prévoit sous son « ANNEXE I : Terminologie du degré d’utilisation sol », sous le point D. intitulé « Densité de logement [DL] » qu’« [o]n entend par densité de logement le rapport entre le nombre d’unités de logement et le terrain à bâtir brut exprimé en hectares. […] ».
Il échet tout d’abord de relever que seul le coefficient relatif à la densité de logement est 11 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.
12 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.
critiqué en l’espèce, de sorte que l’analyse du tribunal se limitera à cet élément.
Force est ensuite de constater que pour justifier le coefficient litigieux, la commune, de même que le ministre, avancent en substance, tel que relevé ci-avant, que pour garantir la mixité fonctionnelle, une densité de logement de 62 serait nécessaire, et ce d’autant plus compte tenu de la proximité du site avec la rue de Luxembourg. La densité de logement de 62 tendrait partant à une finalité d’intérêt général, telle que consacrée aux points a) et d) de l’article 2, précité, de la loi du 19 juillet 2004.
Pour arriver à cette conclusion, la commune a, notamment, pris en compte l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019, cette dernière ayant en effet retenu, tel que relevé ci-avant, que la densité de logement initialement prévue est « quelque peu élevée », tout en ayant proposé de la réduire afin de « générer un tissu urbain qui s’inscrit dans la continuité du quartier Nonnewiesen ».
Il ressort par ailleurs des explications circonstanciées de la commune que le SD-11 prévoit de garantir une mixité sociale et l’intégration des constructions à réaliser dans le bâti existant. Le SD-11 dispose, entre autres, que : « […] ▪ Das Gebiet ist als ergänzender Baustein innerhalb einer bestehenden Siedlungsstruktur zu entwickeln.
▪ Die Fläche fungiert sowohl als Auftaktgebiet des neuen Wohngebietes in dem Nonnewisen, wie auch als Verbindungselement zwischen der bestehenden Siedlungsstruktur und dem neuen nördlich gelegenen Entwicklungsgebiet „Parc Lankelz“.
▪ Schaffung von neuen städtebaulichen Beziehungen.
▪ Die Herstellung eines attraktiven Fuβwegenetzes durch das Gebiet ist als wichtiger „shortcut“ im Wegesystem herauszubilden.
[…] ▪ Wohnschwerpunkt der Blockstruktur orientiert sich entlang der Rue Laura Bassi, in Anschluss an die bereits bestehende Wohnbebauung. Wohnstrukturen für Senioren wie auch Studenten sind hier vorzusehen.
▪ Entlang der Pénétrante de Lankelz, im östlichen Bereich des Gebietes wird die Nutzung stärker auf Büroräume, und Dienstleistungen liegen.
▪ Kleinteilige Freiraumstruktur als Verbindungselemente innerhalb der Blockstruktur, sowie in den umliegenden Straβenräumen.
▪ Zur Sicherstellung einer geeigneten Mischung an Wohnungsgrössen ist die Vorschrift (art.34) aus der partie écrite zum PAP-QE anzuwenden.
[…] ▪ Die urbane Blockstruktur soll Nutzungsmischung als auch eine hohe Mischung an unterschiedlichen Wohntypologien flexibel ermöglichen.
▪ Zur Sicherstellung einer geeigneten Mischung an Wohnungstypen ist die Vorschrift (Art. 34) aus der „partie écrite PAP_QE“ möglichst anzuwenden.
[…] ».
Ledit schéma directeur prévoit en outre la création d’environ 204 logements (« Wohneinheiten »).
Il ressort encore des explications fournies par les parties défenderesses, ainsi que de la partie graphique du PAG, qu’à l’ouest des parcelles litigieuses, se trouve le quartier « op ënnescht Zäpert », constitué de zones d’habitation 2 [HAB-2], de zones [MIX-u] et d’une zone de parc public [PARC]. Au nord des parcelles litigieuses se situent les parcelles soumises au PAP NQ n°43 – situation qui n’est pas comparable à celle de l’espèce, alors qu’il est constant en cause, et d’ailleurs non contredit par les sociétés demanderesses, que le PAP NQ n°43, prévoyant une densité de logement de 110, était approuvé avant la prise des décision litigieuses et faisait déjà partie de l’ordonnancement juridique, de sorte qu’un projet cohérent avait déjà été élaboré pour le site, ce qui n’est pas le cas pour le SD-11 – qui sont également classées en zone [MIX-u]. Au vu de ces explications et des divers classements retenus pour les zones avoisinantes et afin d’assurer une intégration harmonieuse de nouvelles constructions au sein du bâti, tout en veillant à garantir une mixité des fonctions, c’est à bon droit que la commune a décidé de limiter la construction de nouveaux logements à 204, ce qui correspond à une densité de logement de 62% environ et au nombre de logements prévu tant par le SD-11 que par l’extrait de l’étude préparatoire, tel que versé en cause par la partie communale et non contesté par les sociétés demanderesses. La commune et, par la suite, le ministre ont dès lors fixé la densité de logement non pas de façon aléatoire, mais en vue d’atteindre l’objectif communal fixé, à savoir la création de 204 logements en vue de garantir une mixité des fonctions urbaines et un développement harmonieux entre les constructions existantes et les logements à créer.
Quant à l’affirmation des sociétés demanderesses selon laquelle les parcelles litigieuses se trouveraient entourées d’une parcelle présentant une densité de logement de 110 et une « voie 4 bandes » et de parcelles sur lesquelles se trouveraient des immeubles à quatre, cinq ou sept étages, de sorte qu’une densité de logement de 62, contrairement à une densité de logement de 100, n’assurerait pas un développement harmonieux, il y a lieu de rappeler qu’un des objectifs poursuivis est celui d’une mixité des fonctions urbaines et, tel qu’il ressort du SD-11, « Die urbane Blockstruktur soll Nutzungsmischung als auch eine hohe Mischung an unterschiedlichen Wohntypologien flexibel ermöglichen ». Il s’ensuit que l’intérêt général ne peut être remis en cause par cette argumentation, et ce d’autant plus qu’à l’ouest des parcelles litigieuses se trouvent également des zones d’habitation 2 [HAB-2] et une zone de parc public [PARC], de sorte qu’elles ne sont pas uniquement entourées de parcelles accueillant une densité de logement de 110.
Au vu des considérations qui précèdent, le choix communal consistant à fixer à 204 le nombre de logements à construire et, en conséquence, à fixer la densité de logement à 62, se trouve justifié. Il est vérifié quant à sa matérialité et est tiré d’une saine urbanisation. Il s’ensuit que les décisions communale et ministérielle tendent à une finalité d’intérêt général à savoir une utilisation rationnelle du sol, un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, ainsi qu’un développement d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités, tels que prévus par les points a), b) et d) de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
S’agissant ensuite de l’argumentation fondée sur une pénurie de logements, force est de constater que même une situation de pénurie de logements ne saurait justifier de procéder de manière généralisée à une urbanisation, respectivement une augmentation de la densité de logement sur tout le territoire communal. En effet, le développement de l’urbanisation doit se faire dans le respect des objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. A cet égard, toutefois, les sociétés demanderesses se limitent à invoquer dans leur recours une pénurie de logements au Luxembourg, sans toutefois développer, ni dans leur recours, ni dans leur mémoire en réplique, dans quelle mesure la situation générale du logement au Luxembourg serait de nature à énerver les considérations urbanistiques spécifiques et propres à la situation des parcelles litigieuses, telles que relevées ci-avant. En l’espèce, le tribunal vient précisément de retenir que les décisions déférées ayant retenu de fixer la densité de logement à 62 répondent aux exigences de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 en s’inscrivant dans le contexte d’une utilisation rationnelle du sol et d’un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, de même que d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités.
Quant à l’argumentation des sociétés demanderesses selon laquelle la question relative au nombre de logements à construire aurait pu être réglée au niveau du PAP en ce que celui-ci aurait pu prévoir moins de logements, celle-ci est également à rejeter alors qu’un PAG couvre l’ensemble du territoire communal qu’il divise en diverses zones et dont il arrête l’utilisation du sol, tandis que l’objectif d’un PAP consiste à préciser et exécuter les dispositions réglementaires du PAG sans qu’il ne puisse pour autant régler ou revenir sur les questions de principe relatives à l’utilisation du sol13.
En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la loi du 19 juillet 2004, le tribunal retient qu’à défaut d’une quelconque argumentation juridique venant appuyer cette allégation, les reproches afférents encourent le rejet, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des sociétés demanderesses et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée des principes de confiance légitime et de cohérence, il convient de relever que le principe général de la confiance légitime s’apparente au principe de la sécurité juridique et a été consacré tant par la jurisprudence communautaire en tant que principe du droit communautaire14, que par la jurisprudence nationale en tant que principe général du droit.
Ce principe général du droit tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’activité administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne.
En vertu de ce principe, l’administré peut exiger de l’autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé, ce principe garantissant la protection de l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration.
D’une manière générale, un administré ne peut toutefois prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et réellement reconnue ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines15.
En ce qui concerne en l’espèce la question concrète de la possibilité de faire valoir un droit acquis, le tribunal se doit d’abord de rappeler de manière générale qu’il est de jurisprudence 13 Trib. adm., 26 juin 2018, n° 39248 du rôle, confirmé par Cour adm., 7 décembre 2019, n° 41544C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 743.
14 CJCE, 5 juin 1973, aff. 81/72, Commission c/ Conseil.
15 Trib. adm., 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées.
constante que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné16. Compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, due aux changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l’autorité administrative le pouvoir soit de changer soit d’abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’exercice de sa mission17.
Ensuite, il y a lieu de constater qu’il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que l’administration communale se serait, à un moment donné, brusquement départie envers les sociétés demanderesses d’une attitude qu’elle aurait suivie par le passé ou qu’elle aurait opéré un revirement de comportement en revenant sur ses promesses.
En effet, il y a lieu de relever que le conseil communal n’est pas tenu par le classement projeté lors de la mise sur orbite du projet d’aménagement général. Tel que relevé ci-avant, l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que le projet d’aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 de ladite loi est soumis au conseil communal avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège échevinal. Le conseil communal peut ensuite approuver le projet tel que présenté ou y apporter des modifications issues des propositions de la commission d’aménagement, de l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions ou encore des observations et objections présentées. Enfin, le conseil communal peut renvoyer le dossier devant le collège échevinal – qui est tenu de recommencer la procédure prévue aux articles 10 et suivants – lorsqu’il entend apporter d’autres modifications au projet d’aménagement général.
Il s’ensuit que les sociétés demanderesses ne peuvent pas faire valoir un quelconque droit en relation avec le projet de classement des parcelles litigieuses tel qu’issu de la mise sur orbite du projet de PAG.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime est à rejeter pour ne pas être fondé. Il en est de même mutatis mutandis pour ce qui est du principe de cohérence.
Au vu de ce qui précède, le moyen relatif au classement des parcelles litigieuses pris dans ses différentes branches est à rejeter.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours en annulation sous analyse pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
V. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les sociétés demanderesses sollicitent la condamnation de l’Etat, ainsi que de l’administration communale, à leur payer une indemnité de procédure de 5000 euros en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser 16 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 et les autres références y citées.
17 Trib. adm., 9 juin 2004, n° 11415a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 et les autres références y citées.
à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ». Au vu de l’issue du litige, cette demande encourt toutefois le rejet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, telle que formulée par les sociétés demanderesses ;
condamne les sociétés demanderesses aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er octobre 2024 par Thessy Kuborn, premier vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 21