Tribunal administratif N° 49683 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49683 2e chambre Inscrit le 10 novembre 2023 Audience publique extraordinaire du 29 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49683 du rôle et déposée le 10 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Franck Greff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 octobre 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Franck Greff et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juin 2024.
Le 10 janvier 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015, en se présentant comme étant mineur.
Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. L’agent constata, après une fouille de ses effets personnels et de son téléphone, que des indices indiquaient qu’il serait majeur.
Une recherche menée par les policiers dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur … y était enregistré comme ayant irrégulièrement franchi la frontière italienne en date du 24 décembre 2021.
Le 10 janvier 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertudu règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
Le 11 janvier 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent une demande de reprise en charge à leurs homologues italiens, qui refusèrent d’y faire droit en date du 9 mars 2022 au motif que l’intéressé serait mineur.
Par arrêté du 12 janvier 2022, notifié à l’intéressé le 13 janvier 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question.
Par arrêté du 4 mars 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre rapporta le prédit arrêté d’assignation à résidence.
En date du 18 juillet 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 10 octobre 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 12 octobre 2023, le ministre informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 10 janvier 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 janvier 2022, ainsi que le rapport d’entretien « Dublin III » du 10 janvier 2022 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 18 juillet 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Monsieur, vous déclarez être né le … à … en Afghanistan, être de nationalité afghane, d’ethnie Hazara et de confession musulmane chiite. Vous indiquez avoir vécu dans le village …, district de …, province …, avec vos parents, grands-parents paternels et votre fratrie.
Concernant vos craintes en cas de retour dans votre pays d’origine, vous évoquez le racisme qui règne en Afghanistan envers votre ethnie et religion. Vous ajoutez que vous craignez des représailles de la part des Taliban compte tenu du fait que vous auriez participé de manière indirecte à des affrontements entre les habitants de votre quartier et les Taliban avant leur prise de pouvoir.
2 En ce qui concerne les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous expliquez qu’en 2018, des affrontements auraient éclatés à … entre les habitants de votre quartier et les Taliban lors desquels les Taliban auraient été battus à plusieurs reprises. Sur demande du responsable de votre quartier, vous auriez indirectement participé à ces affrontements en apportant à manger aux combattants et en vous occupant du chargement de leurs fusils. Vous ajoutez que de manière générale les Hazara seraient constamment confrontés à des actes de harcèlement et que l’Etat afghan essayait par tous les moyens de les protéger mais que les habitants en seraient arrivés à prendre en charge eux-mêmes leur propre défense.
Après le prise de pouvoir par les Taliban en août 2021, vous n’auriez plus été capable de rester vivre dans votre quartier et auriez décidé de quitter l’Afghanistan ensemble avec votre famille sachant que des habitants de votre quartier auraient commencé à dénoncer aux Taliban ceux qui avaient directement ou indirectement participé aux affrontements contre eux. D’après vous, beaucoup de personnes de votre entourage auraient été au courant que vous seriez contre les Taliban et vous supposez que tôt ou tard vous vous seriez retrouvé dans leur ligne de mire en restant en Afghanistan.
Vous racontez que lors d’un déplacement à bord d’un pick-up avec un groupe d’autres personnes sur le territoire pakistanais, vous auriez été arrêté par des hommes dont vous supposez avoir appartenu aux Taliban ou à Daesh. Ayant été, ensemble avec l’un de vos amis, les seuls Hazara à bord de ce véhicule, vous auriez été interrogés et enfermés pendant une nuit dans une chambre au milieu du désert. Le lendemain, vous auriez été relâchés sans qu’il ne vous soit arrivé quelque-chose à part de vous avoir fait dépouillé et sans obtenir aucune explication de la part de vos ravisseurs.
Vous ne remettez aucune pièce à l’appui de votre demande de protection internationale.
1. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
3 L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Avant tout autre développement, il y a lieu de constater que vous n’avez pas été en mesure de prouver votre identité et que vous ne semblez pas vouloir jouer franc jeu concernant votre âge réel. En effet, vous vous êtes présenté aux autorités luxembourgeoise en prétendant être mineur alors qu’il s’est révélé lors de votre entretien avec le Service de Police judiciaire que vous aviez atteint l’âge de la majorité à votre arrivée au Luxembourg. Vous expliquez en outre ne jamais avoir été en possession d’un passeport et que vous auriez laissé votre carte d’identité auprès de votre famille au Pakistan. Il convient également de noter que vous n’avez pas donné suite à la demande de l’agent ministériel en charge de votre entretien de lui procurer votre carte d’identité pour compléter votre dossier relatif à votre demande de protection internationale.
Quant à votre parcours depuis votre arrivée en Europe, il y a lieu de souligner qu’après être entré illégalement en Italie en décembre 2021, vous auriez décidé de continuer votre voyage en passant par la France sans cependant éprouver le besoin de solliciter d’introduire une demande de protection internationale dans l’un de ces deux pays.
Or, il convient de souligner que tel n’est pas le comportement d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée ou de devenir victime d’atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale. En effet, alors qu’on peut attendre d’une telle personne qu’elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez décidé de quitter l’Italie et de traverser ensuite la France sans y avoir recherché une forme quelconque de protection. Vous expliquez que vous auriez choisi le Luxembourg car « Le Luxembourg est meilleur pour continuer les études. » (p.4/14 de votre rapport d’entretien).
Concernant les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous évoquez le fait que les Hazara seraient détestés par les Taliban et se trouveraient de ce fait toujours en danger en Afghanistan. Vous racontez que vous seriez personnellement à risque de vous retrouver dans le viseur des Taliban compte tenu du fait que vous auriez été impliqué de manière indirecte dans les combats opposant les Hazara aux Taliban dans votre région.
Monsieur, considérant que ces confrontations aient vraiment eu lieu, ce qui reste à prouver, vos propos restent à l’état pur de simples suppositions alors qu’il ressort clairement de vos dires que rien ne vous est jamais arrivé jusqu’au jour de votre départ : « Non. J’ai toujours habité dans le quartier des Hazâras. C’était la première fois que j’ai quitté le quartier. » (p.9/14 de votre rapport d’entretien). Vous ajoutez que vous auriez décidé de quitter votre pays « Pour éviter de se faire dénoncer au talibans. Je me suis dit qu’il y avait des fortes chances que les talibans allaient prendre le pouvoir. Je pensais à l’avenir. » (p.11/14 de votre rapport d’entretien). Force est donc de constater que vous ne faites pas été du moindre acte de persécution dont vous auriez été victime dans votre pays d’origine, et n’établissez pas non plus pour quelles raisons vous risqueriez d’être dans le collimateur des Taliban en cas de retour dans votre pays d’origine.
4 Il n’est en effet pas probable que les Taliban aient connaissance de votre prétendue participation passive dans des combats ayant eu lieu il y a quelques années. Par ailleurs, vous faites encore état d’un incident qui se serait produit au Pakistan et que vous tentez de lier à votre situation en Afghanistan. Vous racontez en effet que lors d’un déplacement à bord d’un pick-up vous auriez été arrêté et enfermé dans une chambre pendant une nuit par des personnes dont vous ne pouvez jusqu’à ce jour pas déterminer l’appartenance « Je vous dis que je n’ai pas la certitude que c’étaient des talibans ou des daesch. » (p.8/14 de votre rapport d’entretien). Dans la mesure où ledit incident se serait produit en dehors de votre pays d’origine, que vous restez en défaut d’établir l’identité et la motivation des prétendus malfaiteurs et que vous auriez été libéré après une journée sans que rien de grave ne vous soit arrivé, ne saurait permettre d’établir que vous seriez dans le collimateur des Taliban en Afghanistan.
Finalement, vous évoquez lors de votre entretien personnel avec l’agent ministériel, de manière générale, les tensions existantes entre les Taliban et les Hazara « Vous savez bien qu’en Afghanistan, il y a toujours eu du racisme ethnique et religieux contre les Hazâras. » (p.5/14 de votre rapport d’entretien) ou encore « Les talibans n’aiment pas les Hazâras. Les talibans n’aiment pas notre religion ou notre éducation. » (p.8/14 de votre rapport d’entretien). » (p.8/14 de votre rapport d’entretien).
Or, il ne ressort pas des informations à ma disposition que toutes les personnes d’ethnie Hazara seraient toutes à risque de devenir victimes de persécution en Afghanistan de par leur seule appartenance ethnique.
Il convient dès lors de faire une analyse des motifs individuels et personnels présentés par chaque demandeur de protection internationale.
Il échet de constater que vous n’établissez aucunement être personnellement à risque alors que vous ne faites état que des considérations générales qui sont dépourvues de lien directe avec votre personne et que vos craintes personnelles restent dans l’état de simples suppositions spéculatives.
Il convient dès lors de constater que votre crainte est à qualifier de purement hypothétique. Or, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine.
On ne saurait dès lors retenir dans votre chef une quelconque crainte fondée de persécution.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire 5 Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.
Tout en renvoyant aux développements contenus dans la partie « Quant au refus de statut de réfugié », il échet de constater que les craintes que vous avancez sont à considérer comme étant purement hypothétiques de sorte que vous restez en défaut d’établir que vous seriez à risque de subir une atteinte grave en cas de retour dans votre pays d’origine.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 octobre 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 10 octobre 2023, prise dans son double volet, telle que déférée, ledit recours, étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
1) Quant au recours visant la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours, le demandeur indique être de religion musulmane chiite, d’ethnie hazara et originaire de la province de …. Il explique qu’en 2018, il se serait trouvé intiment lié aux combats contre les talibans, pendant lesquels il aurait ravitaillé les combattants, en leur transportant des chargeurs, et aurait effectué des missions de surveillance. A cet effet, il fournit une carte sur laquelle seraient représentées les maisons appartenant à sa famille, la mosquée qui aurait servi de base aux combattants et les zones dans lesquelles il serait intervenu pour les aider. Il aurait, en outre, critiqué les talibans et lorsque ces derniers seraient arrivés au pouvoir, il n’aurait pas eu d’autre choix que de quitter son pays d’origine.
En droit, avant tout autre développement, le demandeur conteste les propos du ministre selon lesquels il n’aurait pas été en mesure de prouver son identité et qu’il n’aurait pas fourni son âge réel. Il fait valoir, à cet égard, qu’il aurait remis sa tazkira au ministre, dont l’original aurait été remis à son litismandataire. Ce document indiquerait comme date de naissance le « 19/04/1385 », ce qui correspondrait à juillet 2006, et qu’il aurait pu, sur base de sa tazkira, croire à sa minorité. Par ailleurs, il n’aurait jamais affirmé aux policiers luxembourgeois être majeur et sa majorité aurait été déduite par ces derniers. Il indique encore que ces éclaircissements démontreraient sa bonne foi et ajoute qu’il ne formule aucune demande de ce chef. Monsieur … précise, ensuite, que le ministre n’aurait remis en cause ni sa nationalité afghane ni son appartenance à l’ethnie hazara, de sorte que ces faits seraient acquis. Il reproche, dans ce contexte, au ministre de ne pas avoir examiné la situation des Hazaras et la situation sécuritaire générale actuelle en Afghanistan.
Concernant le statut de réfugié, après avoir cité les conditions pour l’obtention dudit statut, ainsi que l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, Monsieur … estime que son récit permettrait de retenir qu’il serait victime, en cas de retour en Afghanistan, de persécutions. En effet, il aurait participé aux combats contre les talibans et risquerait de ce fait d’être la cible de ces derniers, d’autant plus que les habitants pourraient le dénoncer aux talibans. Par ailleurs, en tant qu’Hazara, il présenterait des traits physiques très prononcés, ce qui ferait de lui une cible pour les talibans qui nourriraient une haine viscérale à l’égard des membres de son ethnie.
Il cite, dans ce cadre, plusieurs documents qui démontreraient qu’après leur prise de pouvoir, les talibans auraient procédé à l’exécution de Hazaras, à la destruction de symboles hazaras, que le risque pour ces derniers d’être persécutés en Afghanistan aurait augmenté depuis lors et qu’ils encourraient un risque sérieux de subir un génocide. Les Hazaras seraient également plus sujets à des violations de leurs droits sous forme d’extorsion, de recrutements forcés, de travail forcé, d’abus physiques et de détentions illégales, ainsi que d’expropriations. Par ailleurs, du fait de leur seule apparence physique, les Hazaras formeraient un groupe aisément reconnaissable. En outre, tant le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) que l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) auraient retenu que chaque ressortissant afghan hazara pourrait avoir une crainte fondée d’être actuellement persécuté en cas de retour en Afghanistan. Enfin, la résurgence de l’Etat islamique en Afghanistan depuis la prise de pouvoir des talibans, qui commettrait des attentats ciblant spécifiquement la communauté hazara, constituerait une autre forme de crainte d’être persécutée pour elle. Il en conclut que sa crainte d’être persécuté par les talibans en raison de son appartenance ethnique et religieuse serait fondée.
En s’emparant de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur donne à considérer, en renvoyant à divers rapports et articles, qu’en ayant combattu contre les talibans et en étant d’ethnie hazara, il risquerait d’être exécuté ou torturé par les talibans. En versant divers articles de presse relatant d’attentats perpétrés par l’Etat islamique, dans la majorité des cas à l’encontre de la communauté chiite de Kaboul, il ajoute que les talibans ne lesprotègeraient pas contre les attaques ciblées commises par ladite organisation, ce qui serait évident au vu de l’hostilité des talibans envers les Hazaras. Cette absence manifeste de mesures de protection s’expliquerait par un objectif de détruire définitivement les Hazaras, ce qui serait confirmé par l’attaque d’un quartier hazara de Kaboul le 30 septembre 2022 ciblant des enfants et adolescents. Ces attentats viseraient la société civile dans son ensemble, et non pas seulement les lieux de culte hazaras ou les Hazaras ayant un profil spécifique. Il estime que ces actes de persécution commis par les talibans et l’Etat islamique contre la communauté ethnique minoritaire des Hazaras seraient tellement graves par leur nature, leur ampleur et leur caractère répété, qu’ils seraient contraires aux articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », ainsi qu’aux articles 2 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte ».
Ensuite, après avoir cité l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, Monsieur … estime qu’aucune protection ne serait disponible pour les Hazaras en Afghanistan, et ce d’autant plus que les talibans les excluraient des aides humanitaires et du soutien international, et qu’ils refuseraient que certains postes importants ou stratégiques leur soient attribués, les tenant ainsi à l’écart de la société afghane. Par ailleurs, il rappelle que l’Etat islamique viserait délibérément les Hazaras, en commettant des attaques ciblées, et conclut que tant les talibans que ladite organisation seraient à qualifier d’auteurs de persécutions au sens du prédit article 39 de la loi du 18 décembre 2015.
Après avoir reproché au ministre de ne pas avoir analysé la possibilité d’une fuite interne en Afghanistan, le demandeur souligne qu’une telle fuite ne serait de toute façon pas réalisable dans son chef, alors qu’il serait actuellement impossible de déterminer une zone sûre où il pourrait vivre en tant qu’Hazara dans son pays d’origine.
Finalement, le demandeur fait valoir que la Cour nationale d’asile français aurait, dans un arrêt du 5 novembre 2021, inscrit sous le numéro 20025121 du rôle, accordé le statut de réfugié à un demandeur de protection internationale afghan en raison de son appartenance à l’ethnie minoritaire des Hazaras. Le Conseil du contentieux des étrangers belge (CCE) aurait également rendu un arrêt le 13 octobre 2022, inscrit sous le numéro 278 800 du rôle, dans le même sens. Il en conclut qu’il devrait se voir octroyer le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision lui refusant le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, après avoir cité les articles 2 g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur estime que le ministre n’aurait pas examiné la situation régnant dans son pays d’origine. Il relève qu’en tant que jeune Hazara, il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants, en renvoyant à cet égard aux divers documents cités dans la partie concernant le refus de l’octroi du statut de réfugié. Il ajoute que l’Etat islamique aurait continué de commettre en 2023 de nouvelles attaques meurtrières et ne ciblerait plus exclusivement la population civile afghane, mais également les autorités étatiques, des journalistes et des délégations diplomatiques étrangères, à tel point que différents Etats européens craindraient que l’Etat islamique dépasse les frontières de l’Afghanistan pour commettre également des attentats en Europe. En outre, le demandeur fait valoir que les talibans auraient commencé à recourir à partir de novembre 2022 à des coups de fouets et en décembre 2022 à des exécutions publiques, ce qui démontrerait de manière non équivoque que le régime des talibans ne respecterait pas la dignité humaine de ses ressortissants et qu’il pratiquerait des traitements inhumains à l’égard des minorités telles que les Hazaras.
Enfin, le demandeur fait valoir qu’il serait occidentalisé. Il serait très jeune et serait arrivé au Luxembourg, où il aurait eu la chance de suivre une scolarisation luxembourgeoise basée sur des principes démocratiques, qui se distinguerait fortement du système politique des talibans basé sur une application stricte de la Charia. Par ailleurs, depuis son arrivée au Grand-
Duché de Luxembourg, sa vision du monde aurait fortement changé, ce qui aurait nécessairement influé sur ses habitudes, sa manière de se comporter, de se vêtir et sur ses rapports avec les autres personnes. La possibilité d’être éduqué et l’absence de préjugé à l’encontre des Hazaras au Luxembourg l’aurait véritablement marqué. En outre, sa vie quotidienne aurait également radicalement changé dans la mesure où il n’irait plus à la mosquée, il ne jeûnerait plus durant le ramadan et il aurait même parfois bu de l’alcool. Il aurait ainsi publiquement renoncé à sa religion et pourrait ainsi être persécuté pour apostasie par les talibans en cas de retour dans son pays d’origine. De même, son rapport à l’autre serait différent : il pourrait librement parler à une fille sans craindre le courroux paternel de celle-ci, il pourrait s’adresser à des personnes plus âgées en toute liberté et spontanéité et il serait libre de choisir la manière de se vêtir. Ainsi, il ne pourrait plus changer la vision du monde qu’il aurait apprise en Occident, basée sur des principes respectant les droits humains, et plus précisément sur l’importance de l’opinion personnelle et le respect de chacun, sans distinction, notamment, quant au genre. Il donne à considérer que lorsqu’un individu, notamment jeune, aurait vécu dans un Etat démocratique, il lui serait quasi impossible de survivre dans un Etat théocratique, étant donné qu’il se sentirait désormais respecté en tant qu’être humain libre de penser par lui-même. S’agissant du « phénomène de l’occidentalisation des jeunes ressortissants afghans », il souligne qu’en février 2022, l’Home Office britannique aurait publié un rapport mis à jour en avril 2022, intitulé « Country police and information note : fear of the Taliban, Afghanistan », dans lequel seraient exposées de manière détaillée les catégories de personnes qui risqueraient d’être persécutées par les talibans pour être vues comme des menaces ou comme ne se conformant pas à l’interprétation stricte de la Charia, dont notamment les personnes occidentalisées. Par conséquent, son occidentalisation devrait être qualifiée de circonstance particulière et devrait être prise en compte dans le cadre de l’examen relatif à l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. Il ajoute qu’en outre, il soutiendrait « la cause Hazara », notamment à travers la musique, en relayant l’actualité d’un chanteur hazara en exil qui lutterait contre les talibans. Il en conclut que l’adoption visible d’un mode de vie occidental dans son chef impliquerait un risque personnel de persécution en cas de retour en Afghanistan, étant donné que son mode de vie actuel serait aux antipodes de la Charia et de la politique afghane actuelle.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement réitère en substance les développements contenus dans la décision ministérielle entreprise. Il fait valoir, quant à l’identité du demandeur que celui-ci n’aurait pas remis sa carte d’identité en original au ministère, de sorte qu’il serait impossible de vérifier son authenticité. Il en conclut que le doute sur son âge réel subsisterait. Il réitère que le fait que le demandeur n’ait pas cherché à demander une protection internationale dans les pays européens traversés prouverait qu’il n’aurait pas eu besoin d’une telle protection.
Concernant le refus du statut de réfugié, le délégué du gouvernement réitère principalement les développements contenus dans la décision ministérielle, tout en insistant sur le fait que le demandeur ne démontrerait pas être dans le collimateur des talibans en raison de sa participation passive aux combats. Par ailleurs, la crainte de dénonciation aux talibans par les habitants serait également purement hypothétique. En ce qui concerne l’évènement qui se serait produit au Pakistan, celui-ci ne pourrait pas être lié aux craintes du demandeur vis-à-vis des talibans. Quant aux tensions entre ces derniers et les Hazaras, le délégué du gouvernementsoutient que le demandeur s’en tiendrait à des considérations générales voire à de simples suppositions spéculatives, en ne faisant référence à aucun risque ou menace qui le toucherait personnellement et individuellement. En outre, le délégué du gouvernement estime que la seule appartenance à l’ethnie hazara ne serait pas suffisante pour se voir octroyer une protection internationale, étant donné qu’il n’existerait pas de persécutions généralisées et systématiques touchant toute la population hazara, qui représenterait plus de 4 millions de personnes, et renvoie, à cet égard, à plusieurs arrêts de la Cour administrative qui aurait statué dans ce sens, ainsi qu’à des jugements du tribunal de céans dans lesquels la même solution aurait été retenue.
Il ajoute, dans ce contexte, que des juridictions allemandes, belges et autrichiennes auraient suivi le même raisonnement que les juridictions nationales et que des organisations internationales, telles que l’UNHCR et le Conseil des droits de l’Homme n’auraient pas émis de rapports ou de communiqués selon lesquels une persécution ciblée, systématique et généralisée des Hazaras, voire un « génocide », serait actuellement en cours à leur encontre.
D’autre part, l’AUEA aurait constaté, dans un rapport de décembre 2023, intitulé « Afghanistan - Country Focus Report » une diminution des attaques contre les Hazaras en 2023. Il en conclut que le demandeur ne pourrait pas bénéficier du statut de réfugié.
En ce qui concerne le refus de la protection subsidiaire, le délégué du gouvernement renvoie à ses développements faits dans la partie concernant le statut de réfugié pour soutenir que les risques que le demandeur fasse l’objet d’atteintes graves en raison de sa participation passive à des combats ou en tant qu’Hazara seraient hypothétiques. Quant à l’occidentalisation du demandeur, le délégué du gouvernement indique que cette crainte aurait été invoquée pour la première fois dans le cadre de la requête introductive d’instance. Il estime que les seules allégations selon lesquelles Monsieur … aurait renoncé à la religion, ne ferait pas le ramadan et admirerait un chanteur hazara exilé ne permettraient pas d’établir qu’il aurait acquis un profil d’« occidentalisé » ou qu’un tel profil pourrait lui être imputé par les talibans en cas de retour en Afghanistan. Le demandeur ne verserait pas non plus de preuve de sa renonciation à la religion, de sorte que ces affirmations resteraient à l’état d’allégations. De ce fait, faute de preuve d’une adoption visible d’un mode de vie occidental, le seul séjour du demandeur en Europe ne pourrait suffire à lui attribuer un tel profil ou à démontrer le risque d’une telle imputation en cas de retour dans son pays d’origine. En outre, il soutient qu’aucune source d’information publique pertinente et disponible ne permettrait de démontrer que le seul séjour en Europe d’un ressortissant afghan, afin d’y demander une protection internationale, l’exposerait de manière systématique, en cas de retour dans son pays d’origine, à des « persécutions » de la part des talibans. Il arrive à la conclusion que le demandeur ne démontrerait pas risquer de subir des atteintes graves au sens des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Enfin, concernant le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, le délégué du gouvernement précise qu’à l’heure actuelle, il n’y aurait de conflit armé caractérisé par des violences aveugles depuis la prise de pouvoir des talibans et que cette position aurait encore été confirmée par des arrêts de la Cour administrative, ainsi que par l’AUEA. Quant à la province d’origine du demandeur, à savoir …, il indique qu’elle ne se trouverait pas dans le cadre d’un conflit armé caractérisé par des violences aveugles d’une telle gravité que chaque civil y risquerait sa vie de par sa seule présence sur ledit territoire. Comme le demandeur ne risquerait pas de subir des atteintes graves au sens du prédit point c) de l’article 48, il ne pourrait, en conséquence, prétendre à l’octroi d’une protection subsidiaire dans son chef.
En ce qui concerne, tout d’abord, le reproche du demandeur selon lequel, de manière générale, le ministre n’aurait pas procédé à une évaluation correcte de sa demande de protectioninternationale en ne prenant pas en compte la situation sécuritaire en Afghanistan et sa situation personnelle en tant que Hazara, le tribunal constate que ce moyen est simplement suggéré, de sorte qu’il encourt le rejet, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur en recherchant lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
Ensuite, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou 11 b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel était le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’identité du demandeur, il y a lieu de constater que la partie étatique ne remet pas véritablement en cause la nationalité et l’ethnie de Monsieur … et a analysé sa demande de protection internationale en tant que ressortissant afghan d’ethnie hazara, mais qu’elle remet essentiellement en doute la minorité de celui-ci. Dans la mesure où dans sa requête introductive d’instance, Monsieur … affirme avoir pu croire à sa minorité sur base de sa tazkira, qu’il n’entend formuler aucune demande concernant la question de sa minorité, qu’il ne connaît pas sa véritable date de naissance et ne soutient pas outre mesure avoir été mineur, le tribunal est amené à retenir que malgré le fait qu’il ait pu affirmer être mineur lors du dépôt de sa demande de protection internationale, ce seul point n’est pas suffisant pour ébranler l’identité complète du demandeur.
Ensuite, force est de relever qu’en vertu de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, les faits à prendre en considération pour analyser si les conditions d’octroi du statut de réfugié sont remplies sont ceux qui se sont déroulés dans le pays dont le demandeur a la nationalité etse limitent donc en l’occurrence à ceux qui auraient pu ou pourraient se dérouler en Afghanistan, respectivement aux craintes invoquées par le demandeur qui seraient liées à un retour dans son pays d’origine, de sorte que les évènements s’étant déroulés au Pakistan ne seront pas pris en compte dans l’analyse du tribunal.
En l’espèce, le tribunal relève que Monsieur … invoque différents motifs à la base de sa demande du statut de réfugié, à savoir le risque d’être persécuté par les talibans en raison (i) de sa participation au ravitaillement pendant des combats contre les talibans, (ii) de son appartenance ethnique hazara et de sa religion musulmane chiite, et (iii) de son occidentalisation.
En ce qui concerne la crainte de persécutions de la part des talibans pour avoir passivement participé à des combats contre ceux-ci, force est au tribunal de constater que le demandeur a affirmé avoir apporté de la nourriture et des munitions aux habitants de son quartier qui combattaient les talibans et qu’il n’a jamais personnellement été inquiété par ces derniers, et ce, alors qu’il aurait aidé les combattants pendant près de 4-5 ans1. Etant donné qu’il ne ressort pas des déclarations de Monsieur … qu’il aurait été ou serait à présent dans le collimateur des talibans pour avoir aidé les habitants de son quartier à leur livrer combat, force est de retenir que ses craintes sont à qualifier de purement hypothétiques. Il en va de même de ses dires selon lesquels les habitants de son quartier le dénonceraient aux talibans, une telle affirmation n’étant soutenue par aucun élément. Au surplus, le demandeur a expliqué que même en cas de dénonciation, la personne dénoncée était libérée par les talibans en l’absence de preuve2, Monsieur … ne soutenant d’ailleurs pas que des preuves de sa participation aux combats existeraient à son encontre.
Quant aux craintes de subir des persécutions de la part des talibans en tant qu’Hazara chiite, si ces motifs relèvent de la Convention de Genève pour être en lien avec la religion et l’appartenance ethnique du demandeur, le tribunal est néanmoins amené à relever que, dans un arrêt du 5 décembre 2023, la Cour administrative a décidé que « […] Concernant ensuite les craintes de persécutions ou d’atteintes graves de la part des Talibans en raison de sa confession musulmane chiite et son appartenance à l’ethnie hazara, les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur la jurisprudence de la Cour administrative par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan, ayant retenu que s’il se dégage certes des sources à sa disposition que les membres de l’ethnie hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements de la part des Talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations lui soumis que les Hazaras feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite. Tel que déjà retenu par la Cour dans ses arrêts des 19 mai 2022 (n° 46363C du rôle) et 30 juin 2022 (n° 46108C du rôle), les attaques menées contre les Hazaras sont pour la plupart l’œuvre de l’organisation terroriste EIK et visent surtout les lieux de culte chiites respectivement des civils hazara en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays.
La Cour a encore retenu dans des arrêts du 21 février 2023 (n° 48083C du rôle) et 9 mars 2023 (n° 48007C du rôle) qu’un rapport « EUAA Country Guidance : Afghanistan » d’avril 2022 recommande de vérifier si la personne concernée hazara présente d’autres 1 Page 7 du rapport d'audition.
2 Page 8 du rapport d'audition.éléments qui permettraient de conclure qu’elle correspond à un profil plus à risque que d’autres.
Il s’ensuit que le seul fait d’être hazara et de confession chiite n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.
Cette conclusion n’est pas invalidée par les sources d’informations additionnelles invoquées par l’appelant en instance d’appel. En effet, s’il est certes vrai que certaines publications évoquent un sérieux risque de génocide des Hazaras chiites en Afghanistan, il n’en demeure pas moins que la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir que la situation actuelle puisse être qualifiée de telle. […] » 3, analyse qui a été confirmée notamment dans un arrêt récent de la Cour administrative du 30 mai 2024, inscrit sous le numéro 50089C du rôle.
Cette conclusion s’impose, en l’espèce, au tribunal, en ce qui concerne les craintes de persécutions du demandeur tant à l’égard des talibans que de l’Etat islamique, dans la mesure où il reste en défaut de fournir des éléments personnels qui permettraient de retenir qu’il aurait un profil plus à risque de subir des persécutions que les autres Hazaras. Partant, le seul fait qu’il soit un Hazara chiite n’entraîne pas l’octroi du statut de réfugié dans son chef.
En ce qui concerne le risque de persécutions par les talibans en raison de son occidentalisation, la Cour administrative, dans un arrêt récent du 30 mai 2024, inscrit sous le numéro 50080C du rôle, s’est basée sur un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) du 26 mars 2021, intitulé « Afghanistan : risques au retour liés à l’occidentalisation », ainsi que sur un rapport de l’AUEA du 23 janvier 2023, intitulé « Country Guidance :
Afghanistan Common analysis and guidance January 2023 », pour retenir qu’il incombait au concerné qui entend se prévaloir de craintes de persécutions en cas de retour en Afghanistan du fait de son profil « occidentalisé » de fournir des éléments propres à sa situation personnelle de nature à établir qu’il a acquis pareil profil, respectivement de démontrer la crédibilité du risque d’une pareille imputation. Elle s’est également référée, dans le cadre de son analyse des craintes de persécutions liées à l’occidentalisation, à un arrêt du CCE du 14 novembre 2023, inscrit sous le numéro 297112 du rôle, notamment en ce qu’il a retenu que « dans le cadre d’une analyse de risque de la probabilité raisonnable d’un demandeur d’être exposé à la persécution lors de son retour en Afghanistan, une évaluation individuelle impose de prendre en compte des facteurs de risque tels que, entre autres, le sexe, l’âge, la région d’origine et son caractère conservateur, la durée du séjour en Occident, la nature de l’emploi du demandeur, les comportements qu’il a adoptés, la visibilité de ceux-ci et la visibilité des éventuelles transgressions commises, y compris à l’étranger »4.
Le tribunal procède, dès lors, à l’analyse des éléments individuels mis en avant par le demandeur pour faire valoir qu’il serait occidentalisé et qu’il pourrait, de ce fait, être persécuté par les talibans qui le percevraient comme hostile à leur régime.
Il convient de rappeler que la partie étatique n’a pas remis en cause la nationalité, l’ethnie et la province d’origine du demandeur. En ce qui concerne son âge, si des doutes persistent sur la minorité de Monsieur … au moment du dépôt de sa demande de protection internationale au Luxembourg, force est de retenir que ce dernier était, même en retenant la 3 Cour adm., 5 décembre 2023, n° 48946C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
4 Cour adm., 30 mai 2024, n° 50080C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.date du … renseignée dans sa fiche d’informations remplie lors du dépôt de sa demande de protection internationale et sur son compte Facebook, majeur depuis peu à son arrivée.
Il se dégage encore des éléments du dossier administratif qu’il a quitté son pays d’origine en août 2021, soit depuis plus de trois ans, et qu’il se trouve au Luxembourg depuis le 10 janvier 2022 où il a suivi une scolarité lui permettant de rédiger parfaitement en langue française une attestation dans laquelle il explique avoir fait des stages dans des garages, puis en restauration, notamment à la Brasserie … et à l’Hôtel …, dans lesquels il a travaillé en salle et a servi de l’alcool et du porc, sans que cela ne lui pose problème. Il y précise encore qu’il a oublié les prières et ne va pas à la mosquée, qu’il a déjà mangé du porc, qu’il boit de la bière, qu’il fume et qu’il écoute de la « musique anglaise ». Il ajoute qu’« Il n’y a pas de différences entre les hommes et les femmes. Elles ont le droit d’être libre et le droit à l’éducation. Elles peuvent vivre comme elles veulent. » et qu’il n’aime pas les talibans car « ils vivent comme il y a deux mille ans. », affichant ainsi un état d’esprit aux antipodes de celui des talibans.
Il ressort encore de la grille d’évaluation du 22 février 2024, suite au stage effectué du 12 au 25 février 2024 à la Brasserie …, que le demandeur est un « stagiaire motivé et intéressé par ce qu’il fait, Plaisant de Travailler avec un stagiaire comme lui, Il est le Bienvenu ds notre entreprise. » et de la grille d’évaluation du 3 juin 2024, suite au stage effectué du 25 mai au 9 juin 2024 à l’Hôtel …, que « … est motivé mais manque d’assurance. Il serait propice de l’orienter davantage sur le secteur de l’Horesca. ». En outre, le bulletin d’études du 3e trimestre émis le 10 juillet 2023 par le régent du Lycée …, en classe d’accueil pour adultes précise que « Le conseil de classe salue les efforts constants fournis par l’élève tout au long de l’année. L’élève est orienté en …. », le complément du bulletin du 1er semestre 2023/2024 émis par le régent de l’Ecole nationale pour adultes en date du 9 février 2024 renseigne comme étant « très bien » l’attitude au travail et le comportement social de Monsieur …, et l’avis d’orientation intermédiaire du 26 février 2024 précise que celui-ci serait admissible dans les classes supérieures de l’Enseignement secondaire général, en section des professions de santé et des professions sociales, ou dans toutes les sections du diplôme de technicien, ce qui démontre le sérieux et la volonté de ce dernier de poursuivre ses études.
Par ailleurs, les multiples photos versées par le demandeur le montrant habillé de vêtements près du corps, faisant des activités avec d’autres personnes de son âge, ainsi que dans la salle de sport, démontrent qu’il a adopté un mode de vie occidentalisé.
Au vu de toutes ces considérations, le tribunal est amené à retenir que les circonstances individuelles et spécifiques au demandeur augmentent considérablement la probabilité qu’il subisse des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine de la part des talibans et à suivre le raisonnement de la Cour administrative selon lequel ce risque de persécution est renforcé par son appartenance ethnique, les Hazaras étant considérés comme étant plus proches de l’Occident et partant encore davantage suspectés d’être « occidentalisés »5.
Etant donné qu’il craint avec raison pour sa vie et son intégrité physique en cas de retour dans son pays d’origine, les conditions ayant trait à la gravité des persécutions risquant d’être encourues par le demandeur sont également remplies au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015.
5 Cour adm., 30 mai 2024, n° 50080C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.Enfin, en ce qui concerne la protection à laquelle il peut prétendre dans son pays d’origine, force est de relever que depuis la prise de pouvoir des talibans en août 2021, la situation au niveau étatique en Afghanistan a fondamentalement changé, les talibans composant à présent l’Etat afghan, de sorte que Monsieur … ne peut espérer aucune protection étatique de leur part, dans la mesure où ils sont à considérer comme étant des acteurs de persécution au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.
Partant, il ressort de l’ensemble de ces considérations qu’il existe dans le chef de Monsieur … une crainte fondée de subir en cas de retour dans son pays d’origine des persécutions de la part des talibans.
Quant à la possibilité d’une fuite interne, celle-ci ne saurait exister qu’au vu du respect d’une double condition consistant en l’absence, dans une partie du pays d’origine, de toute raison de craindre d’être persécuté et en la présence de raisons permettant au ministre d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays. Il appartient, dès lors, au ministre d’identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, pour ensuite, une fois cette zone dûment identifiée, procéder à l’examen de la protection disponible contre la persécution et examiner le caractère pertinent et raisonnable de l’alternative proposée en fonction du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu’il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l’absence de tout risque, du moins d’examiner et d’énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale : le ministre ne peut pas s’emparer d’un défaut par le demandeur d’établir l’impossibilité de la fuite interne, en mettant ainsi la charge de la preuve du côté du demandeur de protection internationale6.
Le tribunal constate à cet égard que, alors que la charge de la preuve lui revient, le ministre n’a pas indiqué de zone sûre où Monsieur … pourrait effectivement et matériellement recourir à une fuite interne au sens de l’article 41 (1) de la loi du 18 décembre 2015.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que le ministre a refusé, à tort, d’accorder au demandeur le statut de réfugié, de sorte que la décision déférée encourt la réformation en ce sens, sans qu’il y ait lieu d’analyser le bien-fondé de la demande de Monsieur … tendant à l’obtention de la protection subsidiaire, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Le demandeur estime principalement que ce volet de la décision ministérielle devrait encourir la réformation, en conséquence de la réformation du premier volet de la décision portant refus de l’octroi d’une protection internationale dans son chef et, subsidiairement, il conclut à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire, en invoquant une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, dans la mesure où l’ordre de 6 Trib. adm., 13 juillet 2009, n° 25558 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 164 et les autres références y citées.quitter le territoire découlerait directement de la décision rejetant l’octroi d’une protection internationale.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2 q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur est fondé à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de la protection internationale est à réformer dans cette mesure, il y a lieu de réformer l’ordre de quitter le territoire tel que contenu dans la décision ministérielle déférée du 10 octobre 2023, sans qu’il y ait lieu de prendre position sur les autres moyens présentés à l’appui du recours en réformation sous examen.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant refus d’une protection internationale ;
au fond le déclare justifié, partant, par réformation de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 reconnaît à Monsieur … le statut de réfugié et renvoie l’affaire devant le ministre actuellement compétent en prosécution de cause ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond le déclare justifié, partant, par réformation de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 dit que Monsieur … ne doit pas quitter le territoire luxembourgeois ;
condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 29 août 2024 par le vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 18