Tribunal administratif N° 50874 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50874 Chambre de vacation Inscrit le 5 août 2024 Audience publique de vacation du 14 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50874 du rôle et déposée le 5 août 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Deborah SOARES SACRAS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 2 août 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 août 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER en ses plaidoiries à l’audience publique de vacation de ce jour.
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Le 15 décembre 2022, Monsieur …, se prétendant de nationalité tunisienne, introduisit une demande de protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ». Il apparut que Monsieur … avait déposé deux demandes de protection internationale en Allemagne, respectivement en date du 23 juin 2017 et du 13 avril 2021, une demande aux Pays-Bas le 27 juillet 2017, une demande en France le 23 mars 2018 et une en Suisse le 18 novembre 2022.
Si les autorités helvétiques acceptèrent la reprise en charge de l’intéressé, celui-ci, assigné à résidence à la structure d’hébergement du Kirchberg, disparut toutefois, de sorte que son transfert ne put être réalisé.
Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale du commissariat de Luxembourg, Région Capitale, Commissariat C3R, daté du 9 avril 2024, référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut interpellé par les forces de l’ordre après avoir agressé les usagers d’un bus, 1l’intéressé ayant ensuite été interné en psychiatrie en raison de son comportement agressif et de ses idées suicidaires.
Par arrêté du 12 avril 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », décida de placer l’intéressé au Centre de rétention pour une durée de trois mois sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015.
Par décision du 12 avril 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du 18 avril 2024, le ministre, informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers la Suisse, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, le ministre invoquant plus particulièrement les dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Monsieur … fut transféré en Suisse le 21 mai 2024.
Tel qu’il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Syrdal (C2R), daté du 3 juillet 2024, référencé sous le numéro …, Monsieur … fut à nouveau interpellé par les forces de l’ordre près du Findel, sans qu’il n’ait été en mesure de présenter un document d’identité ou un document de voyage en cours de validité.
Par arrêté du 3 juillet 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre déclara le séjour de Monsieur …, encore connu sous différents alias, sur le territoire luxembourgeois comme étant irrégulier, et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai.
Par arrêté séparé du même jour, également notifié en mains propres à l’intéressé en date du 3 juillet 2024, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport n° … du 3 juillet 2024 établi par la Police Grand-Ducale, Région Centre-Est - Commissariat Syrdall C2R ;
Considérant que l’intéressé a déjà été transféré en date du 21 mai 2024 vers la Suisse en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
Considérant que l’intéressé est revenu au pays malgré la décision de transfert du 12 avril 2024 ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé fait l’objet de multiples signalements dans le Système d’information Schengen (SIS) ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
2Considérant que l’intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant introduit des demandes de protection internationale en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Suisse et au Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé vont être engagées ;
Considérant que l’exécution de la mesure de son transfert est subordonnée au résultat de ces démarches ;
Considérant que l’intéressé a fait usage d’identités multiples sur le territoire des Etats membres […] ».
Monsieur … ayant auparavant déposé trois demandes de protection internationale en Allemagne, respectivement en date des 23 juin 2017, 13 avril 2021 et 26 mai 2024, deux demandes aux Pays-Bas en date des 27 juillet 2017 et 21 décembre 2023, deux demandes en France en date des 23 mars 2018 et 12 septembre 2023, une en Suisse le 18 novembre 2022, ainsi qu’une au Luxembourg le 15 décembre 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent le 10 juillet 2024 les autorités suisses en vue de la reprise en charge de la personne retenue sur la base de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III. Cette demande fut rejetée par les autorités suisses par courrier du même jour, au motif qu’après avoir quitté le territoire suisse, ce dernier avait introduit une demande de protection internationale en Allemagne. Par courrier du 26 juillet 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités suisses pour leur demander de reconsidérer leur refus de reprise en charge, tandis qu’en date du 30 juillet 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent également à leurs homologues allemands une demande de reprise en charge de la personne retenue, basée sur l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.
Par arrêté du 2 août 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre prorogea pour une durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur …. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 3 juillet 2024, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les démarches en vue de la détermination de l’Etat membre responsable ont été engagées ;
Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été adressée aux autorités allemandes ;
Considérant que le processus de détermination de l’Etat membre responsable n’est pas encore achevé ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 juillet 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir 3l’exécution de la mesure du transfert ; […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 août 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 2 août 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et quant à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre pour prendre l’arrêté litigieux.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en contestant qu’il existerait dans son chef un danger de fuite ou qu’il empêcherait la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement.
Dans ce contexte, il souligne qu’aucune proposition de retour ne lui aurait été faite et qu’aucune date de son « extradition » ne lui aurait été proposée.
Enfin, le demandeur fait valoir que ni le manque de démarches nécessaires des autorités, ni l’absence de vols ne sauraient justifier un placement en rétention.
Le demandeur en conclut que son placement au Centre de rétention ne serait pas justifié.
Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Quant à la légalité externe de la décision déférée, le tribunal rappelle de prime abord, que si le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut en principe à une contestation, encore faut-il qu’une telle contestation soit suffisamment précise et circonstanciée, puisqu’une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler que la raison d’être du contentieux administratif est de faire sanctionner par le juge administratif un acte administratif qui fait concrètement grief, le juge administratif étant à cet égard amené à analyser les moyens proposés par le demandeur dans la limite par lui tracées, mais non à examiner de son propre chef, indépendamment de tout moyen concret, la légalité d’une décision lui déférée ; d’autre part et corrélativement, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur et de faire des suppositions sur le moyen que ce dernier a voulu concrètement soulever, son rôle ne consistant en effet pas à procéder indépendamment des moyens à un réexamen général et global de la situation du demandeur. Il ne suffit dès lors pas de contester une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient au demandeur d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour des raisons concrètes.
4Dans ce même ordre d’idée, il y a lieu de rappeler que l’exposé d’un moyen requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué, un moyen ne pouvant se réduire à une motivation stéréotypée indéfiniment transposable à tout autre recours en la même matière, sans la moindre indication de base légale ni indication d’éléments concrets, spécifiques à la situation particulière du demandeur ou à la décision déférée.
Comme les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, il y a lieu de rejeter le moyen en question, l’avocat du demandeur n’ayant par ailleurs été ni présent, ni représenté à l’audience publique des plaidoiries, de sorte à ne pas avoir pu, le cas échéant, préciser ses prétentions.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal rappelle qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement.
C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
5Ainsi, une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.
Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.
Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.
En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.
En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 3 juillet 2024 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.
Il est encore constant en cause qu’actuellement la personne retenue est toujours démunie de tout document d’identité et de voyage valable, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1., de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.
Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.
Cette conclusion n’est pas énervée par les contestations, non circonstanciées, du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef.
Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle il n’empêcherait pas la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement, le tribunal retient que la mesure litigieuse n’est pas motivée par une telle considération, de sorte que l’argumentation en question est à rejeter pour défaut de pertinence.
Les contestations quant à l’existence d’un risque de fuite sont partant rejetées.
Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.
1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.
6En ce qui concerne ensuite les contestations générales du demandeur quant aux démarches entreprises, le tribunal relève qu’il est uniquement saisi de la décision du ministre de proroger une première fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.
A cet égard, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif versé en cause qu’en date du 5 juillet 2024, les autorités luxembourgeoises ont effectué une recherche dans la base de données EURODAC, laquelle a révélé que le demandeur avait introduit plusieurs demandes de protection internationale, tandis qu’en date du 10 juillet 2024, une demande de reprise en charge du demandeur, sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III, a été adressée aux autorités suisses, demande qui a été refusée par ces dernières le même jour. Dès lors, par courrier du 26 juillet 2024, les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités suisses pour leur demander de considérer ledit courrier comme une réclamation pro forma en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n°1560/2003.tandis qu’en date du 30 juillet 2024, une demande de reprise en charge du demandeur, sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III, a encore été adressée aux autorités allemandes.
Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et au stade précoce d’une première prolongation, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.
Les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement sont partant également rejetées.
Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, encore que non sollicitées par le demandeur, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe 1er, à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe 1er, pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.
Or, le tribunal ne s’est pas vu soumettre un quelconque élément de preuve lui permettant de conclure à l’existence de garanties de représentation suffisantes pour garantir que le demandeur se tienne à la disposition des autorités luxembourgeoises dans le cadre de l’exécution de son éloignement, le demandeur, comme retenu ci-avant, n’ayant pas renversé la présomption du risque de fuite pesant sur lui, et n’ayant ni adresse ni aucune autre attache au Luxembourg, de même qu’il ne possède pas d’un document de voyage valable et qu’il n’offre pas le dépôt d’une garantie financière.
7Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par la loi, en ce compris l’obligation de se présenter régulièrement, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 août 2024 par :
Marc Sünnen, président, Michèle Stoffel, vice-président, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen 8