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31/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50785

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2024, 50785


Tribunal administratif N° 50785 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50785 chambre de vacation Inscrit le 22 juillet 2024 Audience publique du 31 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50785 du rôle et déposée le 22 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maî

tre Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

Tribunal administratif N° 50785 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50785 chambre de vacation Inscrit le 22 juillet 2024 Audience publique du 31 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50785 du rôle et déposée le 22 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, alias de …, déclarant être né … à … (Kenya) et être de nationalité kényane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 18 juillet 2024 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en sa plaidoirie à l’audience publique du 31 juillet 2024, Maître Eric SAYS s’étant excusé.

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Il se dégage du dossier administratif qu’en date du 27 octobre 2014, Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », introduisit une première demande de protection internationale au Luxembourg sur le fondement de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Lors de l’introduction de cette demande de protection internationale, l’intéressé se présenta sous l’alias de …, déclarant être né … à … au Kenya et être de nationalité kényane.

Il ressortit également des recherches effectuées le même jour dans la base de données EURODAC et du procès-verbal d’audition réalisé le lendemain en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », que l’intéressé avait franchi illégalement la frontière espagnole le 19 mars 2014 et introduit une demande de protection internationale en Norvège le 1er juin 2014.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que par décision du 13 février 2015, qui avait été notifiée à Monsieur … par affichage public, les autorités luxembourgeoises l’avaient informé, d’une part, que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas responsable pour examiner sa demande de protection internationale et, d’autre part, qu'il serait transféré vers l’Espagne en vertu du règlement Dublin III. Le même jour, les autorités luxembourgeoises s’étaient rendues compte de sa disparition et en avaient informé les autorités espagnoles.

Il ressort ensuite d’un acte d’écrou du 13 septembre 2023 que suivant un jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 13 janvier 2022, siégeant en matière correctionnelle, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 12 avec sursis.

Monsieur … fut libéré le 17 janvier 2024 suivant un relevé du Centre Pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») daté du même jour.

Par arrêté du 15 janvier 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le 17 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois comme étant irrégulier, lui ordonna de se rendre sans délai en Hongrie au motif que cet Etat membre lui avait conféré le droit de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, tout en prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée d’un an à son égard.

Par arrêté séparé du 15 janvier 2024, également notifié en mains propres à l’intéressé le 17 janvier 2024, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question sur le fondement de l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 ».

Une recherche effectuée le 17 janvier 2024 dans le Centre de Coopération Policière et Douanière (« CCPD ») ne donna aucun résultat, tandis que la recherche effectuée le lendemain dans la base de données EURODAC en vue de la comparaison de ses empreintes digitales aux fins de l’application du règlement Dublin III révéla que Monsieur … avait, outre ses demandes de protection internationale en Norvège et au Luxembourg, introduit encore une autre demande en Hongrie le 26 février 2015.

Une demande de réadmission fut adressée aux autorités hongroises, lesquelles la rejetèrent en date du 26 janvier 2024 au motif que le titre de séjour accordé à Monsieur … en tant que membre de famille avait été révoqué.

Par courrier du 30 janvier 2024, le ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « ministère », s’adressa à l’Ambassade nigériane à Bruxelles pour l’informer du placement en rétention de Monsieur … et de l’intention de procéder à son éloignement vers le Nigéria.

Par arrêté du 15 février 2024, le ministre rapporta sa décision de départ avec interdiction d’entrée sur le territoire du 15 janvier 2024 et déclara le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois comme étant irrégulier, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à son égard.

Par arrêté séparé du 15 février 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le lendemain, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Par courrier du 19 février 2024, le ministère s’adressa à une agence en vue de la délivrance d’un billet simple Luxembourg-Amsterdam-Lagos à Monsieur … et des billets aller-

retour à l’escorte, sur base d’un plan de vol avec comme date d’éloignement fixée au 19 mars 2024 émis le 12 février 2024 par la police grand-ducale, Unité de garde et de l’appui opérationnel, ci-après désignée par l’« UGAO », laquelle avait été chargée par le ministère de procéder à l’éloignement de l’intéressé par courrier du 8 février 2024.

Le 7 mars 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par arrêté du même jour, notifié à cette même date, la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention du 15 janvier 2024 pris sur le fondement de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 fut prononcée. Monsieur … fut placé au Centre de rétention pour une durée de trois mois sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 à partir du jour du dépôt de sa demande de protection internationale.

Par décision du 17 mai 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le 21 mai 2024, le ministre informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a), g) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le recours contentieux introduit le 23 mai 2024 par Monsieur … contre la décision ministérielle précitée du 17 mai 2024 fut rejeté comme non fondé par jugement du tribunal administratif du 17 juin 2024, inscrit sous le numéro 50498 du rôle.

Par arrêté du 7 juin 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question sur le fondement de l’article 22, paragraphes (2), point e) et (4) de la loi du 18 décembre 2015.

Par arrêté du 21 juin 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna la mainlevée de l’arrêté de placement du 7 mars 2024 fondé sur l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention sur le fondement des dispositions de la loi du 29 août 2008 pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Par courrier du 21 juin 2024, le ministère chargea à nouveau l’UGAO d’organiser le départ de l’intéressé vers le Nigéria.

Par courrier du 3 juillet 2024, le ministère s’adressa à une agence en vue de la délivrance d’un billet simple Luxembourg-Amsterdam-Lagos à Monsieur … et des billets aller-retour à l’escorte, après avoir indiqué que ledit courrier remplaçait et annulait celui du 19 février 2024.

Le même jour, le ministère s’enquit de l’état d’avancement du dossier auprès de l’UGAO, laquelle émit un plan de vol à la même date à destination de Lagos, via Amsterdam, avec comme date d’éloignement le 18 juillet 2024.

Il ressort d’un courrier électronique de la police grand-ducale adressée au ministère le 18 juillet 2024 que l’éloignement de Monsieur … a dû être annulé in extremis au moment de l’embarquement à bord de l’avion au motif que l’intéressé s’était violemment débattu au moment de l’entrée dans l’avion et avait griffé les agents de l’escorte en tentant, par ailleurs, de les mordre, aboutissant à faire tomber l’escorte dans les escaliers menant dans l’avion.

Par arrêté du 18 juillet 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 17 mai 2024, lui notifiée le 21 mai 2024 ;

Vu ma décision d'interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans du 15 février 2024, lui notifiée le 16 février 2024 ;

Considérant que l'éloignement était prévu pour le 18 juillet 2024 ;

Considérant que l'intéressé s'est opposé au moment de l'embarquement de sorte que l'éloignement a dû être interrompu ;

Considérant que l'éloignement immédiat de l'intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ; […] ».

Par courrier électronique du même jour, le ministère informa l’Ambassade nigériane de Bruxelles que l’éloignement de Monsieur … avait dû être interrompu en raison du comportement de l’intéressé et qu’un nouveau plan de vol allait être organisé.

Toujours à la même date, le ministère s’adressa à l’UGAO en vue d’organiser un nouveau départ de Monsieur … à destination du Nigéria.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 18 juillet 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur se rapporte, quant à la légalité externe de la décision déférée, à prudence de justice quant à la compétence du « ministre de l’Immigration et de l’Asile » pour prendre l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité interne, le demandeur cite l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 en indiquant contester que les « démarches nécessaires » auraient été entamées et qu’il existerait un danger de fuite. Après avoir indiqué que la situation actuelle au Nigéria serait caractérisée par des conditions de sécurité imprévisibles avec un risque élevé d'actes terroristes, de violences intercommunautaires, d'attaques armées et d'enlèvements, le demandeur explique qu’il serait né dans l’Etat d'Abia et qu’il risquerait de faire face à des menaces sérieuses en raison de son affiliation au « groupe armé Biafra », ainsi qu’à des traitements inhumains et dégradants s'il devait être contraint de retourner dans son pays d'origine où sa vie et sa liberté seraient gravement menacées. Il affirme ensuite avoir des « attaches » en France où il aurait de la famille. Tout en soutenant qu’aucune proposition de retour ne lui aurait encore été faite et qu’aucune date de son « extradition » ne lui aurait été communiquée, le demandeur fait valoir que le manque de démarches nécessaires des autorités et l’absence de vol ne sauraient justifier son placement en rétention, lequel ne serait pas justifié.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre pour prendre une mesure de placement au Centre de rétention – qui est d’ailleurs le ministre des Affaires intérieures et non pas le ministre de l’Immigration et de l’Asile, tel qu’indiqué erronément dans la requête introductive d’instance –, étant donné qu’en vertu de l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le ministre ayant l’asile dans ses attributions, soit conformément à l’annexe B du règlement interne du gouvernement, tel qu’approuvé par arrêté grand-ducal du 27 novembre 2023 portant approbation et publication du règlement interne du Gouvernement, le ministre des Affaires intérieures. Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, pour avoir fait l’objet d’une décision de départ en date du 15 janvier 2024 assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de un an, décision remplacée par une décision de retour du 15 février 2024 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans – décisions dont la légalité et le bien-fondé ne font pas l’objet du présent recours contentieux–, qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur au Centre de rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant soumis aucun élément pertinent de nature à renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef, le seul fait d’indiquer contester l’existence d’un tel risque étant manifestement insuffisant à cet égard.

Force est, ensuite, au tribunal de constater que le demandeur n’allègue pas et a fortiori ne démontre pas que les conditions pour bénéficier de mesures moins coercitives visées, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, seraient remplies, de sorte que le tribunal ne se trouve pas saisi de cette question.

En ce qui concerne, finalement, les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur vers le Nigéria et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate, bien qu’il n’est saisi que de la question de la légalité et du bien-fondé de l’arrêté de placement en rétention du 18 juillet 2024, que dès le premier arrêté de placement en rétention du demandeur du 15 janvier 2024, le ministre avait entrepris des démarches en vue de procéder à l’éloignement de ce dernier vers son pays d’origine, tel que cela ressort de son courrier du 30 janvier 2024 adressé à l’Ambassade du Nigéria en Belgique. Surtout, il ressort du dossier administratif que le ministère avait déjà chargé l’UGAO de procéder à l’éloignement de l’intéressé le 8 février 2024, qu’un plan de vol avait été établi par l’UGAO le 12 février 2024 avec comme date d’éloignement le 19 mars 2024 et que la délivrance d’un billet simple à destination de ce pays avait déjà été sollicitée par courrier du 19 février 2024 auprès d’une agence de voyage.

Cet éloignement fut, ensuite, interrompu par l’introduction d’une demande de protection internationale au Luxembourg par le demandeur dont il fut débouté par un jugement du 17 juin 2024, inscrit sous le numéro 50498 du rôle, de sorte que la décision ministérielle de refus litigieux prise dans le cadre d’une procédure accélérée prévue par la loi du 18 décembre 2015 a été confirmée.

Le tribunal constate que le 21 juin 2024, l’UGAO a été une nouvelle fois chargée d’organiser le départ du demandeur vers le Nigéria, laquelle a émis un plan de vol le 3 juillet 2024 à destination de Lagos, via Amsterdam, avec comme date d’éloignement le 18 juillet 2024.

Par courrier du 3 juillet 2024, le ministère s’adressa à une agence de voyage en vue de la délivrance d’un billet simple Luxembourg-…-… à Monsieur … et des billets aller-retour à l’escorte.

Cette tentative d’éloignement a dû à nouveau être avortée compte tenu du comportement du demandeur marquant violemment son opposition audit éloignement, le demandeur ayant griffé et tenté de mordre les membres de l’escorte, ce qui a entraîné leur chute dans les escaliers menant à bord de l’avion, tel que cela ressort d’un courrier électronique du 18 juillet 2024 adressé par la police grand-ducale à l’attention du ministère, étant relevé que le demandeur n’a aucunement remis en cause cette version des faits, de sorte qu’il y a lieu de la considérer comme étant avérée.

Depuis l’arrêté de placement du 18 juillet 2024, seule décision actuellement déférée au tribunal, force est de relever que le ministre s’est à nouveau adressé à l’Ambassade nigériane de Bruxelles le jour-même de l’annulation de l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine pour les informer de la situation et qu’un nouveau vol allait être organisé. C’est encore à cette même date que l’UGAO a une nouvelle fois été sollicitée par le ministère pour organiser le départ du demandeur vers le Nigéria.

Sur base de l’ensemble de ces éléments, le demandeur n’est manifestement pas fondé à soutenir qu’aucune proposition de retour ne lui aurait été faite et qu’aucune date de son éloignement ne serait fixée, étant précisé que son affirmation suivant laquelle il aurait des « attaches » en France ne remet en cause ni ce constat, ni le fait qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur disposerait d’un titre de séjour valable émis par les autorités compétentes françaises.

Enfin, il y a lieu de relever que suite à l’information fournie par le litismandataire du demandeur à l’attention du ministère par courrier électronique du 26 juillet 2024 suivant laquelle l’intéressé souhaiterait désormais retourner volontairement au Nigéria, le ministère s’est adressé à l’UGAO pour leur demander si un éloignement du demandeur avant le 13 août 2024, date de péremption du passeport du demandeur, était envisageable, à défaut de quoi des démarches en vue de l’obtention d’un laissez-passer dans le chef de l’intéressé devraient être entreprises.

Dans ces conditions, le tribunal retient que les démarches engagées par les autorités luxembourgeoises ainsi relevées doivent être considérées, à l’heure actuelle, comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que c’est à tort que le demandeur, d’une part, reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises, et, d’autre part, estime en substance qu’il n’y a pas de chance raisonnable de croire que son éloignement vers son éloignement puisse être mené à bien.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut, en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, qu’il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 juillet 2024 :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, vice-président Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 50785
Date de la décision : 31/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-31;50785 ?

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