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18/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47960

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juillet 2024, 47960


Tribunal administratif N° 47960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47960 5e chambre Inscrit le 21 septembre 2022 Audience publique extraordinaire du 18 juillet 2024 Recours formé par la société anonyme …, …, contre un bulletin d’impôt et une « décision implicite de rejet », en matière de retenue d’impôts sur les traitements et salaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47960 du rôle et déposée le 21 septembre 2022 au greffe du tribunal

administratif par Maître Frédéric FRABETTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 47960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47960 5e chambre Inscrit le 21 septembre 2022 Audience publique extraordinaire du 18 juillet 2024 Recours formé par la société anonyme …, …, contre un bulletin d’impôt et une « décision implicite de rejet », en matière de retenue d’impôts sur les traitements et salaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47960 du rôle et déposée le 21 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Frédéric FRABETTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation des compléments de retenue émis en date du 17 janvier 2018, « respectivement [de] la décision implicite de rejet quant à la réclamation […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2023 par Maître Frédéric FRABETTI au nom de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Boudriga DE CIANCIO MATTHIEU, en remplacement de Maître Frédéric FRABETTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 mars 2024.

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Par courrier du 7 juin 2017, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à la société anonyme …, ci-après désignée par la « société … », dans le but de procéder à une « vérification des opérations relatives à la retenue d’impôt sur les salaires suivant les articles 16 à 19 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 » en la priant de lui faire « parvenir les livres des salaires ou comptes individuels sous forme de papier (avec le total annuel) du 01 janvier 2013 au 31 décembre 2016 », de même qu’« une photocopie du détail des frais généraux, une photocopie du tableau d’amortissement ainsi que, le cas échéant, du tableau d’amortissement complémentaire des mêmes exercices (copie intégrale), l’annexe concernant les avantages accordés par l’employeur à ses salariés », pour le 26 juin 2017 au plus tard. Ledit bureau précisa encore que « Si vous n’auriez pas occupé du personnel pendant cette période et/ou que vous n’envisagerez pas/plus d’en embaucher dans le proche futur, veuillez remplir le verso de la présente et me la retourner ».

1 Par courrier du 3 juillet 2017, le bureau d’imposition accorda un délai supplémentaire jusqu’au 31 juillet 2017 pour « la remise des comptes de salaires 2013 à 2016 ».

Par courrier du 30 août 2017, le bureau d’imposition s’adressa à la société … dans les termes suivants :

« […] Pour la vérification des opérations relatives à la retenue d’impôt sur les salaires suivant les articles 16 à 19 du règlement grand-ducal du 27, je me permets de vous demander de bien vouloir m’envoyer les pièces suivantes :

1. Un relevé des lieux de détachement de tous vos salariés 2. Pièces justificatives (factures d’hôtel, etc) des dépenses effectives au lieu de détachement Veuillez envoyer le tout pour le 15 septembre 2017 au plus tard.

Le bureau se réserve le droit de demander d’autres renseignements en cas de besoin.

[…] ».

Par courrier du 12 septembre 2017, réceptionné le 18 septembre 2017, ayant pour objet « vérification des livres de salaires 2013 à 2016 », la société … s’adressa au bureau d’imposition comme suit :

« […] Je fais suite à votre courrier dans lequel vous demandez la communication des lieux de missions de salariés et des pièces justificatives des frais.

Je vous prie de trouver ci-joint un tableau reprenant les différentes missions des salariés pour la période demandée.

S’agissant des indemnités allouées aux salariés, nous n’effectuons pas le remboursement des frais de séjour à partir d’un décompte des frais effectifs. En effet, nous procédons au paiement d’un forfait comme la loi nous y autorise. Le remboursement moyennant le forfait comprend une indemnité de jour et une indemnité de nuit.

Le remboursement des frais concernant principalement des frais de déplacement à l’étranger, il est fixé un montant suivant le pays de destination du salarié mais les règles restent les mêmes que pour les frais de séjour au Grand-Duché.

Ainsi l’indemnité de séjour couvre forfaitairement toutes les dépenses du salarié en mission, y compris les frais de déplacements vers le lieu d’exécution de sa mission.

Seuls les frais de téléphones et certaines dépenses exceptionnelles donnent lieu à un remboursement sur présentation de pièces justificatives. Mais de telles dépenses n’ont pas lieu au sein de la société.

A l’inverse et conformément aux dispositions légales, aucune pièce justificative n’est requise pour l’allocation des taux forfaitaires de l’indemnité de jour.

2Pour certaines missions, il est alloué une indemnité de nuit remboursé sous la forme d’un forfait. Dans ce cas, nous ne demandons pas aux salariés de présenté de notes justificatives, l’indemnité forfaitaire alors appliqué est égale à 20% de l’indemnité de nuit fixé par le barème. […] ».

En date du 11 janvier 2018, un rapport de révision fut établi par le service de la retenue d’impôt sur les rémunérations de l’administration des Contributions directes ci-après désignée par l’ « administration » au sujet de la société … au titre des années d’imposition 2013 à 2016 incluse. Les inscriptions faites par ledit service, après vérification des « Comptes individuels » pour les rémunérations et du « Détail des Frais généraux » pour la « Comptabilité », indiquent notamment (i) qu’aucune fiche de retenue d’impôt ne faisait défaut et qu’elles avaient été adressées, pour chacune de années découlées, en fin d’année au bureau en charge de la retenue sur les traitements et salaires (« RTS »), (ii) une tenue réglementaire des comptes de rémunérations, (iii) une concordance entre les comptes de rémunérations et leur déduction aux « Frais Généraux », (iv) une comptabilisation des rémunérations aux « Frais généraux » « brutes », (ii) qu’aucun décompte annuel n’avait été effectué, et (vi) que les retenues d’impôt avaient fait l’objet de déclarations régulières et que les échéances des paiements avait été fixées mensuellement.

En date du 17 janvier 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société … un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue, au titre de années d’imposition 2013 à 2016 incluse, ci-après désigné par le « bulletin de compléments de retenue », indiquant notamment des retenues d’impôt « Non effectuées » au titre desdites années s’élevant à un total de … euros, en ce compris des retenues d’impôt « Non déclarées » au titre de l’année d’imposition 2015. Ledit bulletin contient encore les « Observations relatives à la révision » suivantes : « Avantage en nature suppl chez MONSIEUR A » et imposition frais de route forfaitaires : 2013 : …, 2014 : …, 2015 : …. », ainsi qu’une liste de salariés concernés par une « Imposition des frais de déplacement ».

Par un courrier recommandé du 10 avril 2018, réceptionné le lendemain, la société … introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une réclamation contre ledit bulletin de la retenue d’impôt auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par courrier recommandé du 12 novembre 2018, réceptionné le lendemain, le litismandataire de la société … s’enquit de l’état d’avancement du dossier.

A défaut de réponse du directeur, la société … a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2022, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de la retenue d’impôt émis en date du 17 janvier 2018, « respectivement [de] la décision implicite de rejet quant à la réclamation […] ».

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre une décision implicite de rejet, sans que la société … n’ait pris position à cet égard à travers le dépôt d’un mémoire en réplique, sinon oralement à l’audience publique des plaidoiries.

3Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt.

Par ailleurs, il ressort des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi du 7 novembre 19961, qu’un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif notamment lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. En effet, le réclamant peut, dans ce cas, considérer la réclamation comme rejetée et il peut interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation, étant précisé que le délai de recours de trois mois ne court pas dans ce cas conformément au point 3 in fine dudit paragraphe (3).

Il s’ensuit qu’en cas de silence du directeur suite à une réclamation, le recours est à diriger, non pas contre une décision implicite de rejet du directeur, mais contre le bulletin d’impôt attaqué qui constitue la décision qui a fait l’objet de la réclamation2.

En effet, encore que l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi du 7 novembre 1996 reprend textuellement la teneur de l’article 4, paragraphe (1) de ladite loi qui dispose que « […] lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », disposition dont découle une décision implicite de refus, il n’en demeure pas moins qu’il résulte des documents parlementaires que le législateur n’a pas prévu la création d’une décision implicite de refus en cas de silence du directeur suite à l’introduction d’une réclamation contre un bulletin d’impôt3.

En l’espèce, il ressort des explications de part et d’autre que le directeur n’a pas pris position suite à la réclamation introduite par la société … le 11 avril 2018, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître de ce volet du recours principal en réformation déposé le 21 septembre 2022 contre le bulletin de compléments de retenue émis en date du 17 janvier 2018.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé à son encontre.

1 « Lorsqu‘une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du §§131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».

2 Trib. adm., 25 novembre 1998, nos 10308 à 10311 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1292 et les autres références y citées.

3 Doc. parl. 3940A, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p.

5, ad (3) 3. : « Par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration n’est pas à considérer comme le rejet de la demande. […] Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé, non pas contre une décision implicite de rejet mais contre la déclaration initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée ».

4 En revanche, le volet du recours en ce qu’il tend principalement à réformation, sinon à l’annulation d’une « décision implicite » de rejet du directeur est irrecevable pour défaut d’objet.

II) Quant au fond Arguments des parties A l’appui de sa requête, la société demanderesse retrace les faits et rétroactes repris, en substance, ci-avant, et indique ne pas contester l’imposition des avantages en nature de Monsieur A, son administrateur, et que ses contestations se limitent à l’imposition des frais de route forfaitaires et de déplacement de ses salariés au titre des années d’imposition 2013 à 2016 qui ne serait pas justifiée.

Elle se prévaut des dispositions du règlement du Gouvernement en Conseil du 10 janvier 2014 fixant les indemnités prévues aux articles 20, paragraphe (1), 22 et 23, paragraphe (1) du règlement grand-ducal modifié du 5 août 1993 sur les frais de route et de séjour ainsi que sur les indemnités de déménagement des fonctionnaires et employés de l’Etat, ci-après désigné par le « règlement du Gouvernement en Conseil du 10 janvier 2014 », ainsi que du règlement grand-ducal modifié du 5 août 1993 sur les frais de route et de séjour ainsi que sur les indemnités de déménagement des fonctionnaires et employés de l’Etat, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 5 août 1993 ». Il ressortirait de ces dispositions que les salariés travaillant à l’étranger, en l’occurrence en Belgique pour les années d’imposition 2013 à 2016 litigieuses, auraient le droit à une indemnité forfaitaire pour les frais de route et de séjour qui ne feraient pas partie de la rémunération.

L’administration aurait appliqué à ses salariés des frais de route et de séjour d’un montant maximum de 79 euros par jour de travail ouvré, qui se décomposerait à raison de 50 euros pour le jour et 20% de 145 euros pour la nuitée en l’absence de pièce justificative, la société demanderesse ajoutant que ces montants seraient exemptés d’impôt conformément à la « législation en vigueur ».

Tout en se référant à l’article 22 du règlement grand-ducal du 5 août 1993 susmentionné, la société demanderesse estime qu’elle n’aurait toutefois jamais dépassé l’indemnité forfaitaire de 20% y prévue, de sorte que les montants afférents seraient à exonérer d’impôt et qu’aucune imposition rectificative ne serait justifiée. Elle explique plus particulièrement que l’indemnité forfaitaire qu’elle aurait accordée à ses salariés n’aurait jamais dépassé 79 euros par jour et par salarié depuis janvier 2013, voire n’aurait jamais dépassé le seuil forfaitaire fixé par le règlement grand-ducal susvisé.

Le bulletin de compléments de retenue litigieux comporterait, par ailleurs, « plusieurs incohérences inexplicables » qui justifieraient sa réformation au motif qu’elles auraient entraîné une imposition erronée de ses salariés. La société demanderesse indique qu’il s’agirait des « exemples » suivants, « sans que cette liste ne soit limitative », en énumérant ensuite les situations relatives aux Messieurs B, C, D, E et F.

En ce qui concerne, tout d’abord, Monsieur B et Monsieur C, la société demanderesse fait valoir que leurs impositions respectives auraient été faites différemment pour les années 2013, 2014 et 2015, alors qu’ils auraient pourtant travaillé sur les mêmes chantiers en Belgique.

5L’administration aurait fixé l’imposition du premier à hauteur de … euros en 2013, de … euros en 2014 et de … euros en 2015, tandis que l’imposition concernant le second aurait été fixée à zéro euro en 2013, à … euros en 2014 et à … euros en 2015. Or, les deux salariés auraient bénéficié des mêmes indemnités forfaitaires dont la société demanderesse reprend les montants dans un tableau récapitulatif élaboré par ses soins et qui serait établi sur base des fiches de salaires. La société demanderesse fait valoir que cette différence d’imposition entre ses deux salariés serait nécessairement révélatrice d’une erreur incluse dans le bulletin de compléments de retenue, lequel devrait, en conséquence, encourir la réformation.

En ce qui concerne le redressement de Monsieur B pris individuellement, la société demanderesse indique que ce dernier aurait travaillé sur les mêmes chantiers durant les années 2013 et 2014 et qu’il aurait bénéficié exactement du même montant d’indemnité forfaire qui serait exemptée selon le tableau récapitulatif susmentionné qui serait établi suivant les fiches de salaires. La différence « substantielle » des montants fixés dans le chef de Monsieur B au titre de ces deux années serait nécessairement constitutive d’une erreur de calcul de l’impôt fixé dans le bulletin d’impôt déféré qui justifierait sa réformation.

En ce qui concerne Monsieur D et Monsieur E, la société demanderesse épingle également une différence d’imposition injustifiée entre eux pour les années 2013, 2014 et 2015 qui n’aurait pas lieu d’être, alors qu’eux aussi auraient travaillé sur les mêmes chantiers en Belgique et auraient bénéficié de la même indemnité forfaitaire exemptée d’impôt suivant un autre tableau récapitulatif élaboré par ses soins et qui serait établi suivant les fiches de salaires.

L’administration aurait ainsi fixé l’imposition de Monsieur D à hauteur de … euros en 2013, de … euros en 2014 et de … euros en 2015, tandis que l’imposition concernant Monsieur E aurait été fixée à … euros en 2013, de … euros en 2014 et de … euros en 2015. La société demanderesse donne à considérer qu’à défaut d’être identiques, les redressements afférents seraient nécessairement erronés.

En ce qui concerne Monsieur F, la société demanderesse indique que son imposition aurait été fixée à … euros pour l’année 2013 alors qu’il aurait travaillé 12 mois durant cette année, tandis que son imposition aurait été fixée à zéro euros pour l’année 2014 au cours de laquelle il n’aurait travaillé que pendant trois mois, d’ailleurs sur le même chantier, et bénéficié des mêmes indemnités conformément à un tableau récapitulatif séparé qui serait également établi sur base des fiches de salaires. La société demanderesse précise que Monsieur F aurait bénéficié d’une indemnité non imposable de … euros de janvier à mars 2014, ce qui expliquerait l’imposition fixée à zéro euro dans son chef pour cette année, mais fait valoir que l’administration n’aurait pas accepté ce même montant pour l’année 2013 sans fournir d’explications valables.

En ce qui concerne, en dernier lieu, le redressement relatif à Monsieur G pris individuellement qui aurait été fixée à … euros pour l’année d’imposition 2013, la société demanderesse donne à considérer que ce dernier n’aurait pas été employé par elle au cours de l’année 2013, tel que cela ressortirait du contrat de travail qu’elle aurait conclu avec lui, lequel stipulerait que leur relation de travail n’aurait débuté qu’en date du 14 juillet 2014. Il s’ensuivrait que son imposition au titre de l’année d’imposition 2013 serait erronée.

La société demanderesse indique encore que ces « exemples » seraient donnés « à titre limitatif » et qu’elle se réserverait le droit de faire valoir au cours de la procédure d’autres erreurs qui auraient été commises pour d’autres de ses salariés qui seraient également concernés par les compléments de retenue d’impôts pour les années 2013 à 2015 compris.

6 Elle donne à considérer qu’elle aurait réglé tous les montants réclamés au titre des années d’imposition 2013 à 2016, soit l’équivalent de … euros.

Dans sa réplique, la société demanderesse conteste l’analyse du délégué du gouvernement suivant laquelle il serait en l’espèce question de dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, autrement dit des dépenses privées et affirme qu’il serait, au contraire, question de dépenses causées directement par l’activité professionnelle de ses salariés et de leurs déplacements sur les chantiers.

Elle rejoint le représentant étatique quant au fait que l’article 115, numéro 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », prévoirait une exonération pour les frais de routes forfaitaires dans les conditions et modalités fixées par le règlement grand-ducal modifié du 3 décembre 1969 portant exécution de l’article 115, numéro 3 LIR, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 », et que l’article 3, paragraphe (1) dudit règlement prévoirait que les indemnités pour frais de route et de séjour seraient exemptées de l’impôt dès lors qu’elles ne dépasseraient pas celles des fonctionnaires comparables. En revanche, la société demanderesse conteste que les frais encourus devraient être documentés par des justificatifs au motif qu’il s’agirait d’une indemnité forfaitaire conformément à la circulaire du directeur L.I.R. n° 115/6 du 13 juillet 2018, ci-après désignée par la « circulaire 115/6 de 2018 » qui aurait remplacé la circulaire L.I.R. n° 115/6 du 7 mai 2003, ci-après désignée par la « circulaire 115/6 de 2003 ». La société demanderesse estime qu’il y aurait lieu de rejeter l’argumentation du délégué du gouvernement fondée sur la circulaire 115/8 de 2018 au motif qu’elle serait postérieure à la décision directoriale du 17 janvier 2018 et à la période de révision des impôts litigieux portant sur les années d’imposition 2013 à 2016.

La cause de la révision de l’imposition consisterait dans le fait qu’elle aurait accordé des frais de route de déplacement forfaitaires à ses salariés lorsque ces derniers se seraient rendus sur des chantiers éloignés de son siège social, la société demanderesse réitérant que les frais de route de ses salariés n’auraient jamais dépassé les montants alloués aux fonctionnaires dans des situations comparables, de sorte que les dispositions réglementaires sur lesquelles elle se serait basée auraient été respectées.

Elle se prévaut des articles 2 et 3 du règlement grand-ducal du 3 décembre 1969, ainsi que de l’article 21 du règlement grand-ducal du 14 juin 2015, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 14 juin 2015 », pour expliquer la raison pour laquelle elle n’aurait pas de pièces justificatives à fournir, laquelle consisterait dans le fait qu’elle se serait limitée à accorder une indemnité exonérée bien inférieure à celle des fonctionnaires pour les frais de repas et de déplacement de ses salariés à l’étranger sur base de l’indemnité forfaitaire par jour, laquelle couvrirait tous les frais des salariés, frais de déplacement, de repas et de nuit. Elle ajoute que les montants de cette indemnité seraient prévus par le règlement du Gouvernement en Conseil du 10 janvier 2014 et par le règlement grand-ducal du 5 août 1993, précités.

La société demanderesse explique qu’elle aurait toujours respecté ces dispositions réglementaires en accordant à ses salariés une indemnité bien inférieure, de même qu’en excluant les jours de congés, les jours de maladies ou autres périodes non travaillées, ce qui ne serait d’ailleurs pas contesté.

7 Il serait également non contesté que ses salariés concernés auraient été détachés sur des chantiers à l’étranger, et plus particulièrement en Belgique. La réalité de ces chantiers aurait été prouvée par la production des actes de détachements figurant au dossier fiscal et les fichiers « Limosa » de l’État belge, ce qui ne serait pas non plus contesté.

Elle ajoute qu’elle n’aurait mis à disposition aucun véhicule à ses salariés, lesquels se seraient rendu sur les chantiers avec leurs véhicules personnels au motif qu’elle n’en posséderait aucun et qu’elle n’en louerait pas non plus, ce que ses bilans et comptes prouveraient. Sur cette base, la société demanderesse conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle il serait impossible de savoir s’il s’agissait de véhicules mis à disposition des salariés ou si ces derniers étaient contraints d’utiliser leurs voitures personnelles.

A titre subsidiaire, la société demanderesse se réfère à la circulaire 115/6 de 2003 qui serait la seule « éventuellement applicable » et dont le point 3.2.2.2. (Le régime forfaitaire) fixerait des montants au titre de l’indemnité forfaitaire qui seraient toujours reconnus comme étant admissibles, encore que le détail des calculs pour y parvenir ne serait pas mentionné.

La société demanderesse se réfère aux explications du délégué du gouvernement ayant relevé que le bureau d’imposition s’était à plusieurs reprises trompé et conteste, à défaut de preuves en ce sens, que ces erreurs auraient été en sa faveur. Elle fait valoir qu’il s’agirait d’un aveu que le bulletin de compléments de retenue serait incorrect. Elle épingle encore les erreurs de frappe commises par le bureau d’imposition dont fait mention le délégué du gouvernement.

Pour le surplus, la société demanderesse réitère que ce serait à tort que l’administration aurait, en substance, traité différemment certains de ses salariés qui se seraient pourtant trouvés dans une situation comparable, sinon identique.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Le tribunal entend, en premier lieu, préciser le cadre légal dans lequel se situe le présent litige.

A cet égard, il ressort du bulletin de compléments de retenue litigieux qu’il a été émis à l’encontre de la société demanderesse dans le cadre d’une révision des retenues de l’impôt sur le revenu à opérer par l’employeur en application de l’article 136 LIR, qui dispose notamment comme suit :

« (1) Les rémunérations d’une occupation salariée au sens de l’article 95 sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu, excepté certaines espèces de rémunérations qui ne se prêtent pas sans difficultés sérieuses à l’imposition par voie de retenue à la source et qui sont à déterminer par règlement grand-ducal.

(2) La retenue est à opérer par l’employeur pour compte et à décharge du salarié. […].

(3) […].

8 (4) L’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable. […].

(5) […] (6) L’impôt retenu est à déclarer et à verser par l’employeur à l’administration des contributions. […] (7) A défaut de déclaration ou en cas de détermination inexacte, l’impôt peut être fixé par l’administration. […] ».

Il découle de ces dispositions que l’employeur est tenu, d’une part, d’opérer, pour compte et à décharge du salarié, la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu dont sont passibles les rémunérations d’une occupation salariée au sens de l’article 95 LIR, et, d’autre part, de déclarer et de verser l’impôt retenu à l’administration, cette dernière pouvant fixer l’impôt en l’absence de déclaration ou en cas de détermination inexacte. L’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui soit pas imputable.

En l’espèce, c’est en application de ces principes que suite à une procédure de vérification, le bureau d’imposition a, dans le bulletin litigieux, fixé des compléments de retenue d’impôt à verser à l’administration par la société demanderesse, par rapport aux sommes que celle-ci a versées à ses salariés à titre de remboursement de frais de séjour.

L’article 95 LIR, auquel l’article 136 LIR, précité, renvoie, dispose comme suit :

« (1) Sont considérés comme revenus d’une occupation salariée :

1. les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante et les pensions allouées par l’employeur, avant la cessation définitive de cette occupation […] (2) Les émoluments et avantages comprennent aussi toutes les indemnités autres que les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur.

[…].

(5) Sous réserve des dispositions de l’article 115, sont considérés comme revenus d’une occupation salariée notamment : les traitements, salaires, gratifications, tantièmes, les traitements d’attente ou de disponibilité, les indemnités de séjour ainsi que les indemnités de chômage. […] ».

Il s’ensuit que sous réserve, notamment, des cas d’exemption d’impôt prévus par l’article 115 LIR, les indemnités autres que les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur, allouées notamment en raison de déplacements ou de séjours du salarié dans l’intérêt de son employeur, sont considérées comme des revenus d’une occupation salariée, de sorte à être passibles de la retenue d’impôt afférente, aux termes de l’article 136, alinéa (1) LIR. En revanche, les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur visent les cas où l’employeur restitue à son salarié des montants de frais précis que celui-ci avait préalablement payé dans le cadre de 9l’exercice de son emploi en faveur exclusive de l’employeur. Lesdits remboursements non forfaitaires ne visent pas toutes les indemnités destinées à couvrir des frais non précisément avancés dans l’intérêt de l’employeur par le salarié mais que ce dernier engage personnellement en raison de l’exercice de son emploi salarié4.

En l’espèce, la société demanderesse a affirmé de manière constante lors de ses échanges avec l’administration au cours de la phase précontentieuse – à travers son courrier du 12 septembre 2017 et sa réclamation – ainsi qu’au cours de la phase contentieuse dans le cadre du recours sous examen et sans être contestée sur ce point par le délégué du gouvernement, que les sommes ayant donné lieu à la fixation des compléments de retenue d’impôt litigieux constituent des montants forfaitaires versés de manière journalière à certains de ses salariés à titre de remboursement de frais de séjour, la société demanderesse affirmant que ces salariés auraient accompli des missions sur des chantiers sis en Belgique. Ces montants s’élèvent, d’après ses explications non contestées par le représentant étatique, à 79 euros par jour. Ce montant est composé d’une indemnité de jour de 50 euros et d’une indemnité de nuit de 29 euros correspondant à 20% du montant maximum de 149 euros. Il s’ensuit que les paiements litigieux ne sauraient être qualifiés d’indemnités de « remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur » qui seraient exclus de la qualification de revenus provenant d’une occupation salariée en vertu de l’article 95, alinéa (2) LIR. Au contraire, ils constituent des indemnités « autres que des remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur », autrement dit des remboursements forfaitaires de frais, de sorte à qualifier a priori de revenus d’une occupation salariée au sens de l’article 95 LIR, passibles en tant que tels de la retenue de l’impôt sur le revenu en application de l’article 136 LIR.

Le présent litige porte sur le refus opposé à la société demanderesse de voir exonérer, sur le fondement de l’article 115, numéro 3 LIR, ledit montant journalier de 79 euros alloués à ses salariés au titre de remboursements forfaitaires, la société demanderesse insistant sur la considération qu’elle n’aurait pas eu besoin de fournir de pièces justificatives pour obtenir l’application de cette exonération en vertu de cette disposition.

A cet égard, le tribunal relève que parmi les indemnités rentrant en principe dans le champ des revenus d’une occupation salariée au vœu de l’article 95, alinéa (2) LIR, certaines peuvent, en effet, bénéficier d’une exemption, en l’occurrence celles circonscrites par l’article 115, numéro 3 LIR, lequel dispose comme suit : « Sont exemptés de l’impôt sur le revenu dans la mesure et sous les conditions à fixer par règlement grand-ducal :

3. a) les indemnités spéciales usuellement allouées à des salariés, distinctement des rémunérations ordinaires d’une occupation salariée et en raison de frais d’obtention incombant aux salariés […] ».

Sur cette base habilitante, le règlement grand-ducal du 3 décembre 1969, applicable à tous les salariés autres que les fonctionnaires et agents de l’Etat conformément à l’article 1er, paragraphe (1), dispose à l’article 2 que : « (1) Sont exemptées de l’impôt sur le revenu les indemnités et prestations en nature suivantes à condition que leur attribution soit distincte de celle de la rémunération normale et destinée à compenser des frais d’obtention incombant au salarié :

1° les indemnités pour frais de route et de séjour, dans les conditions prévues à l’article 3 […] ».

4 Cour adm., 14 septembre 2016, n° 37699C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

10 L’article 3 dudit règlement précise que « (1) Les indemnités pour frais de route et de séjour sont exemptées si elles ne dépassent pas celles des fonctionnaires comparables. Dans le cas contraire elles ne sont exemptées que dans la mesure où elles n’excèdent pas la différence entre les dépenses effectives et les frais de ménage économisés, cette différence ne pouvant toutefois être inférieure aux indemnités des fonctionnaires comparables.

(2) Par dérogation à l’alinéa qui précède, les indemnités forfaitaires pour frais de route ne sont pas exemptées si elles sont fixées en fonction d’autres critères que ceux relatifs à la distance parcourue.

(3) Par frais de route et de séjour, on entend tous les frais en relation directe avec un déplacement imposé par le service en dehors du territoire de la commune du lieu habituel de l’activité, à condition que la distance soit d’au moins 3 kilomètres. A défaut de lieu habituel de l’activité, il est fait état du siège ou du principal établissement de l’employeur. […] ».

L’article 1er, paragraphe (2) dudit règlement grand-ducal définit la notion d’« indemnité du fonctionnaire comparable » comme étant « celle qui serait allouée, dans les circonstances définies, à un fonctionnaire ou à un agent de l’Etat de rang comparable à celui du bénéficiaire effectif de l’indemnité en cause. ».

L'article 4, numéro 3 du règlement grand-ducal modifié du 9 janvier 1974 relatif à la détermination de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions transpose cette exonération dans le cadre du régime de ladite retenue en disposant que « les rémunérations pour parties de rémunérations exonérées d‘impôt selon les dispositions de l 'article 115 de la loi » sont à déduire de la rémunération brute en vue de la détermination de la rémunération semi-nette5.

Il résulte de ces dispositions que les indemnités pour frais de route et de séjour dont l’attribution est, d’une part, distincte de celle de la rémunération normale des salariés autres que les fonctionnaires et agents de l’Etat, et, d’autre part, destinée à compenser des frais d’obtention leurs incombant, sont exemptées, si elles ne dépassent pas celles allouées « dans les circonstances définies » aux fonctionnaires et agents de l’Etat « de rang comparable ».

Il s’ensuit que pour savoir si et dans quelle mesure des indemnités pour frais de route et de séjour alloués à des salariés autres que des fonctionnaires et agents de l’Etat sont susceptibles d’être exemptées de l’impôt sur le revenu sur base de l’article 115, numéro 3 LIR, il faut en premier lieu procéder à une comparaison entre, d’une part, les indemnités en question, et, d’autre part, les indemnités auxquelles aurait droit un fonctionnaire ou un agent de l’Etat « de rang comparable » à celui du bénéficiaire effectif des indemnités en cause « dans les circonstances définies »6, en l’espèce celles auxquelles aurait droit un fonctionnaire et agent de l’Etat se rendant sur des chantiers sis en Belgique pour y accomplir une mission dans le cadre de son travail. Cette question est pertinente en l’espèce, dans la mesure où la possibilité d’une telle exonération impliquerait que la société demanderesse n’aurait pas dû procéder, sur les sommes litigieuses, à une retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu de ses salariés, de sorte que, par rapport à ces sommes, aucun complément de retenue n’aurait valablement pu et dû être fixé par le bureau d’imposition.

5 Cour adm., 14 septembre 2016, n° 37699C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

6 Trib. adm., 4 février 2016, n° 36383 du rôle, non réformé sur ce point par Cour adm., 14 septembre 2016, n° 37699C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

11 Le cadre légal fixant les indemnités pour frais de séjour auxquelles auraient droit des fonctionnaires et agents de l’Etat, est prévu (i) d’une part, par le règlement grand-ducal du 5 août 1993, entré en vigueur le 29 septembre 1993 et abrogé par le règlement grand-ducal du 14 juin 2015 avec effet au 21 juillet 2015, et (ii) d’autre part, par le règlement grand-ducal du 14 juin 2015, entré en vigueur le 21 juillet 2015, étant rappelé que le litige porte sur les années d’imposition 2013 à 2016 incluse.

Le règlement grand-ducal du 5 août 1993 dispose en son article 1er qu’il a pour objet de fixer « […] les conditions et modalités du paiement des frais de route et de séjour à l’occasion de voyages de service […] effectués par les fonctionnaires et employés de l’Etat ».

Aux termes de l’article 14, « Les frais de séjour à l’étranger comprennent une indemnité de jour et une indemnité de nuit. ».

Conformément à l’article 15 dudit règlement grand-ducal : « L’indemnité de jour couvre forfaitairement toutes les dépenses du fonctionnaire ou de l’employé de l’Etat en mission, y compris les frais de déplacement au lieu d’exécution de sa mission, sous réserve des frais mentionnés ci-après, qui font l’objet d’un remboursement supplémentaire :

a) les frais de télécommunications exposés dans l’intérêt de la mission;

b) les dépenses exceptionnelles et justifiées que l’agent a été amené à exposer, soit en vertu d’instructions spéciales reçues, soit en cas de force majeure et dans l’intérêt du service et qui ont eu pour effet de rendre nettement insuffisantes les indemnités allouées.

Les demandes de remboursement de tels frais doivent être appuyées de pièces justificatives, sauf en cas d’impossibilité.

Les frais de représentation ne sont pas remboursés en vertu du présent règlement.

(2) Aucune justification n’est requise pour l’allocation des taux forfaitaires de l’indemnité de jour. […]. ».

L’article 16 précise, quant à lui, que « L’indemnité de nuit comporte le remboursement, sur présentation de pièces justificatives, du prix de la chambre d’hôtel, du petit déjeuner ainsi que du service et des taxes y relatives.

(2) La note d’hôtel est remboursée chaque fois que l’intéressé s’est vu dans l’obligation de loger hors de son lieu de résidence officielle.

L’obligation de loger hors de son lieu de résidence officielle et de prendre le petit déjeuner est établie lorsque l’intéressé s’est trouvé en mission pendant la totalité de la période comprise entre 0 et 5 heures.

(3) Si une note d’hôtel n’est pas présentée, une indemnité forfaitaire équivalent à 20% de l’indemnité de nuit est allouée à l’intéressé, sous réserve de l’application des dispositions de l’article 19 (1)[7]. ».

7 Article 19, alinéa 1 : « Lorsque les frais de séjour sont assumés par un gouvernement ou un organisme étranger ou par une organisation internationale, il n’y a pas lieu à remboursement de la part de l’Etat luxembourgeois, si ces frais sont destinés à couvrir la totalité des dépenses de séjour ».

12 L’article 23, alinéa (1) dispose encore que « L’indemnité de jour ainsi que l’indemnité de nuit pour voyages de service à l’étranger sont adaptées pour le 1er janvier de chaque année par règlement du Gouvernement en Conseil. ».

De son côté, le règlement grand-ducal du 14 juin 2015, ayant le même objet que le règlement grand-ducal du 5 août 19938, prévoit, en substance, un régime identique, sous le Chapitre 4, intitulé « Frais de séjour à l’étranger », en ses articles 199, 2010, 2111 et 2212, l’article 23, paragraphe (1) précisant, quant à lui, que « Les taux de l’indemnité de nuit fixés par pays par règlement du Gouvernement en Conseil sont à considérer comme des maxima à ne pas dépasser. Un éventuel dépassement du seuil applicable devra être pris en charge par l’agent. ».

Quant au montant des indemnités de séjour, il ressort des dispositions du règlement du Gouvernement en Conseil du 21 décembre 2012 fixant les indemnités prévues aux articles 20, paragraphe (1), 22 et 23, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 5 août 1993, ci-après désigné par le « règlement du Gouvernement en Conseil du 21 décembre 2012 », ainsi que du règlement du Gouvernement en Conseil du 10 janvier 2014, qu’elle est fixée, pour la Belgique, à 50 euros pour l’indemnité de jour et à 145 euros pour l’indemnité de nuit pour les années d’imposition 2013 à 2016 litigieuses en l’espèce.

Il résulte des dispositions des deux règlements grand-ducaux du 5 août 1993 et 14 juin 2015 que les indemnités allouées à un fonctionnaire et agent de l’Etat en mission en raison de frais de séjour occasionnés par un voyage de service effectué par lui, sont exemptées, pour ce qui concerne l’indemnité de jour, forfaitairement sans pièce justificative à hauteur de 50 euros par jour, et pour ce qui concerne l’indemnité de nuit, soit forfaitairement sans pièce justificative à hauteur de 20% de l’indemnité s’élevant à 145 euros, autrement dit 29 euros, soit intégralement suivant les frais effectifs en cas de présentation d’une note d’hôtel.

8 Article 1er : « Le présent règlement fixe les conditions et modalités du paiement des frais de route et de séjour à l’occasion de voyages de service […] effectués par les fonctionnaires et employés de l’Etat ».

9 Article 19 : « Les frais de séjour à l’étranger comprennent une indemnité de jour et une indemnité de nuit ».

10 Article 20 : « (1) Les montants plafonds de l’indemnité de jour et de l’indemnité de nuit pour voyages de service à l’étranger sont adaptés pour le 1er janvier de chaque année par règlement du Gouvernement en Conseil. […] ».

11 Article 21 : « (1) L’indemnité de jour qui ne peut dépasser le montant plafond fixé par règlement du Gouvernement en Conseil couvre forfaitairement les frais de bouche de l’agent en mission, à l’exception des frais mentionnés au paragraphe (2) ci-après. Aucune justification n’est requise pour l’allocation des taux forfaitaires de l’indemnité de jour. L’indemnité de jour est allouée pour chaque journée entière et/ou entamée au cours de laquelle l’agent se trouve en mission.

(2) Les frais ci-dessous qui ne sont pas couverts par le plafond dont question au paragraphe (1) font l’objet d’un remboursement sur présentation de pièces justificatives :

a) les frais de déplacement au lieu d’exécution de sa mission;

b) les frais de télécommunications exposés dans l’intérêt de la mission;

c) les dépenses exceptionnelles et justifiées que l’agent a dû exposer, soit en vertu d’instructions spéciales reçues, soit en cas de force majeure et dans l’intérêt du service et qui ont eu pour effet de rendre nettement insuffisantes les indemnités allouées. […].

12 Article 22 : « L’indemnité de nuit comporte le remboursement, sur présentation de pièces justificatives, du prix de la chambre d’hôtel, du petit déjeuner ainsi que du service et des taxes y relatives.

La note d’hôtel est remboursée chaque fois que l’intéressé s’est vu dans l’obligation de loger hors de son lieu de résidence officielle. L’obligation de loger hors de son lieu de résidence officielle et de prendre le petit déjeuner est établie lorsque l’intéressé s’est trouvé en mission pendant la totalité de la période comprise entre 0.00 et 5.00 heures.

Si une note d’hôtel n’est pas présentée, une indemnité forfaitaire équivalent à 20% de l’indemnité de nuit est allouée à l’intéressé, sous réserve que les frais de séjour ne sont pas supportés par un organisme tiers ou que l’agent ait voyagé à bord d’un avion pendant la totalité de la période précitée. ».

13 En tout état de cause, étant donné que l’article 4, paragraphe (1) du règlement grand-

ducal du 5 août 1993 et du règlement grand-ducal du 13 juin 2015 disposent tous les deux que « Le remboursement des frais inhérents au voyage de service n’est accordé que pour autant que les frais du fonctionnaire ou de l’employé et la durée du déplacement sont nécessaires à l’accomplissement de la mission […] », le droit des fonctionnaires et employés de l’Etat au remboursement des frais de séjour occasionnés par des voyages de service est nécessairement conditionné par la fourniture, par la personne intéressée, d’informations concrètes quant au déplacement effectué, quant à la nature des frais en question, ainsi que la nécessité de les engager.

Il résulte des dispositions précitées que dans les « circonstances définies » de l’espèce portant sur l’accomplissement de missions sur des chantiers sis en Belgique, un fonctionnaire et agent de l’Etat serait en droit de se voir rembourser des frais de séjour à hauteur de 79 euros correspondant à une indemnité de jour de 50 euros et à une indemnité de nuit de 29 euros (20% de 149 euros), même en l’absence de pièces justificatives, à la condition que les frais en question et la durée du déplacement soient nécessaires à l’accomplissement de ces missions.

En application de l’article 1er, paragraphe (2) et 3, paragraphe (1) du règlement grand-

ducal du 3 décembre 1969, précité, l’application de l’exemption de l’impôt sur le revenu sur base de l’article 115, numéro 3 LIR des indemnités pour frais de séjour incombant au salarié autre qu’un fonctionnaire ou employé de l’Etat en mission est subordonnée à ces mêmes limites et conditions.

En l’espèce, il n’est, premièrement, pas litigieux pour ne pas être contesté par le délégué du gouvernement que la société demanderesse a procédé, en l’absence revendiquée de pièces justificatives, au remboursement de frais de séjour à hauteur de 79 euros par salarié correspondant à une indemnité de jour de 50 euros et à une indemnité de nuit de 29 euros (20% de 149 euros. Il n’est, deuxièmement, pas non plus contesté par le délégué du gouvernement que ce montant ne dépasse pas celui des fonctionnaires comparables au sens de l’article 3, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 3 décembre 1969, précité. Il n’est, troisièmement, pas contesté que les indemnités en question ont été attribuées par la société demanderesse à ses salariés distinctement de leur rémunération normale. Il s’ensuit que les indemnités versées par la société demanderesse seraient, de ce point de vue, susceptibles d’être exemptées de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 115, numéro 3 LIR.

Pour autant, la société demanderesse ne saurait se retrancher derrière les dispositions des articles 15 et 16 du règlement grand-ducal du 5 août 1993, ainsi que 21 et 22 du règlement grand-ducal du 14 juin 2015, autrement dit se prévaloir de l’absence de nécessité de disposer de pièces justificatives, pour réclamer ipso facto l’application de l’exonération visée à l’article 115, numéro 3 LIR, au titre de l’indemnité de jour et de l’indemnité de nuit, du montant du remboursement de frais de séjour qu’auraient encourus ses salariés dans le cadre de leurs missions. En effet, les dispositions précitées de l’article 4, paragraphe (1) du règlement grand-

ducal du 5 août 1993 et du règlement grand-ducal du 13 juin 2015 exigent tous les deux que l’employeur rapporte, en tout état de cause, la preuve de la nécessité pour ses salariés qu’ils engagent des frais pour l’accomplissements des missions concernées.

Cette exigence de preuve s’impose également à la lecture de l’article 115, numéro 3 LIR qui limite l’exonération des indemnités à celles allouées aux salariés, non seulement distinctement des rémunérations ordinaires de leur occupation salariée, mais surtout à celles exposées « en raison de frais d’obtention incombant aux salariés », de sorte que ces indemnités 14doivent correspondre à des frais effectivement déboursés par les salariés, autrement dit à des « dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de converser les recettes » conformément à l’article 105, alinéa (1) LIR.

Admettre la thèse de la société demanderesse reviendrait à permettre à un employeur de bénéficier d’office de l’exonération d’un montant journalier de 79 euros par salarié au titre de son revenu provenant d’une occupation salariée sous couvert du versement de frais de séjour, en l’occurrence d’une indemnité de jour et de nuit, sans qu’il ne soit à un quelconque moment établi que le salarié concerné ait dû engager des frais pour accomplir ces missions, ce qui ne correspond pas à l’intention du législateur, telle qu’elle ressort de l’article 115, numéro 3 LIR.

En l’espèce, c’est, dès lors, à bon droit que le bureau d’imposition a, en substance, exigé de la société demanderesse qu’elle démontre, en vue de voir exonérer le montant de 79 euros alloués à certains de ses salariés, que les frais afférents ont été engagés par ses salariés au motif qu’ils sont « nécessaires à l’accomplissement de la mission » leur confiée par elle en tant qu’employeur.

C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de comprendre les explications du délégué du gouvernement suivant lesquelles la société demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve de « l’origine de ces frais ainsi que des remboursements » dont elle entend réclamer l’exonération, autrement dit la réalité du caractère nécessaire des remboursements de frais qui auraient été engagés par ses salariés. Les reproches du représentant étatique portent plus particulièrement sur - une absence d’information fournie par la société demanderesse permettant de savoir quels véhicules auraient été utilisés par les salariés de la société demanderesse pour se déplacer, au gré des missions, dans le cadre de leur occupation salariée, de sorte à ne pas avoir mis le bureau d’imposition en mesure de savoir s’il s’agissait de véhicules mis à leur disposition ou si lesdits salariés se voyaient contraints d’utiliser leur voiture personnelle à des fins de déplacement professionnel, et - une absence de pièces justificatives, tels que des carnets de bord dressés pour chacun des salariés (i) pour étayer et vérifier les déplacements professionnels effectués au cours des années litigieuses et pour permettre une distinction claire, nette et aisément retraçable de la nature de sommes accordées par la société demanderesse à titre de frais de séjour, ainsi que (ii) pour étayer une quote-part professionnelle et privée de la totalité des déplacements effectués par les salariés.

Or, force est de constater que face à ces reproches, la société demanderesse ne conteste pas être restée en défaut de soumettre au bureau d’imposition et au tribunal des carnets de bords ou d’autres documents permettant de retracer le nombre de déplacements de ses salariés sur les chantiers sis en Belgique, ni encore des documents relatant pour ses salariés les journées précises du chef desquelles ces derniers se seraient trouvés dans une situation de travail qui aurait occasionné dans leur chef des frais de séjour dans le cadre de leur mission.

La seule mention dans la « Balance des comptes généraux » des années 2013 à 2015 de la société demanderesse – documents joints au dossier fiscal auxquels cette dernière ne s’est d’ailleurs pas référés – de « Frais dép. des salariés Luxembourg », sous le compte « 6152120000 », dont les montants cumulés correspondent essentiellement à ceux indiqués dans les documents, intitulés « Imputation comptable » des années respectives comprenant une mention « FRAIS DEP SALARIES » sous le compte « 615212 », ne suffit pas à démontrer le 15nombre de déplacements effectués par les salariés concernés, ni le cas échéant la part professionnelle de ces déplacements effectués avec leur véhicule personnel, ni encore le lieu exact des chantiers en question.

La circonstance qu’il se dégage d’un document, intitulé « AJOUTE DEPLACEMENTS FORFAITAIRES, AVEC DEDUCTION 3€ PAR JOUR 2013 », d’un document, intitulé « AJOUTE DEPLACEMENTS FORFAITAIRES, AVEC DEDUCTION 3€ PAR JOUR 2014 », ainsi que d’un document intitulé « AJOUTE DEPLACEMENTS FORFAITAIRES, AVEC DEDUCTION 3€ PAR JOUR 2015 », joints au dossier fiscal – auxquels la société demanderesse ne s’est pas non plus référés – , que certains de ses salariés se seraient déplacés dans le cadre de leur travail, tel que cela ressort de la colonne « DIST HAB/TRAV » et du nombre de kilomètres parcourus par chacun d’eux au tire des années considérées, n’est pas non plus suffisant pour pallier au manque d’informations susvisées.

Ce défaut de preuve patent n’est d’ailleurs pas remis en cause par l’affirmation de la société demanderesse suivant laquelle ses salariés auraient nécessairement utilisé leurs véhicules personnels pour se rendre sur les chantiers litigieux sis en Belgique au motif qu’elle ne disposerait d’aucun véhicule propre. Cette affirmation renforce, au contraire, la nécessité de disposer de carnets de bords ou de documents probants de nature à établir les dates et lieux précis de déplacement de ses salariés à bord de leurs véhicules personnels, étant donné que seuls les déplacements et les séjours effectués par les salariés de la société demanderesse dans le cadre de leur mission sont susceptibles d’occasionner des frais de séjour susceptibles d’être remboursés. En tout état de cause, le seul fait que les salariés auraient été contraints d’utiliser leur véhicule personnel pour se rendre sur les chantiers en Belgique n’établit pas que tous leurs déplacements sur lesdits chantiers auraient occasionné des frais de séjour nécessitant l’octroi d’une indemnité de jour et de nuit par la société demanderesse en tant qu’employeur.

En somme, les éléments dont dispose le tribunal ne démontrent pas à suffisance (i) le fait que chacun des salariés de la société demanderesse « s’est trouvé en mission pendant la totalité de la période comprise entre 12 et 14 heures pour le repas de midi et entre 18 et 20 heures pour le repas du soir »13, respectivement qu’il a encouru des « frais de bouche » « pour chaque journée entière et/ou entamée au cours de laquelle l’agent se trouve en mission »14, de sorte à avoir dû débourser des frais pouvant être remboursés par la société demanderesse au titre d’une indemnité de jour, et (ii) le fait que chacun des salariés concernés était dans l’« obligation de loger hors de son lieu de résidence officielle et de prendre le petit déjeuner [au motif qu’il aurait été] « en mission pendant la totalité de la période comprise entre 0 et 5 heures. »15, de sorte à avoir dû débourser des frais pouvant être remboursés par la société demanderesse au titre d’une indemnité de nuit.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que la société demanderesse n’a pas satisfait à l’obligation de preuve mise à sa charge pour bénéficier de l’exemption visée à l’article 115, numéro 3 LIR.

Dans ces conditions, le tribunal ne saurait suivre les critiques de la société demanderesse dirigées contre le délégué du gouvernement qui s’est rallié à la décision du bureau d’imposition ayant (i) considéré que ses salariés pouvaient rentrer chaque jour à leur 13 Article 15, paragraphe (2), alinéa (2) du règlement grand-ducal du 5 août 1993.

14 Article 21, paragraphes (1) du règlement grand-ducal du 14 juin 2015.

15 Article 16, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 5 août 1993 ; article 22, alinéa 2 du règlement grand-

ducal du 14 juin 2015.

16domicile, à défaut de preuve du contraire, (ii) rejeté, en conséquence, l’exonération des frais de séjour leurs octroyés par la société demanderesse, en sa qualité d’employeur, au titre de l’indemnité de jour à 50 euros, ainsi que l’indemnité de nuit fixée à 29 euros (20% de 149 euros), et (iii) limité ladite exonération au montant maximum de 3 euros par jour de travail en dehors du Luxembourg.

Ce faisant, le bureau d’imposition a fait application, d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, de la circulaire 115/6 du 7 mai 2003 qui, en son point 3.1 (Personnes pouvant rentrer chaque jour à domicile) figurant lui-même sous le point 3 (Salariés travaillant sur chantiers), par lequel le directeur a mis en place un procédé d’exemption forfaitaire qui ne concerne que les salariés travaillant sur des chantiers distants de 10 km ou plus du siège de l’employeur et pour lesquels il a fixé le montant maximum de l’indemnité forfaitaire pour frais de séjour par l’employeur à 3 euros par jour de travail.

A cet égard, le tribunal rappelle que les circulaires émises par des autorités administratives n’ont, en principe, pas de caractère légal et ne constituent pas des actes réglementaires ou des décisions obligatoires pour les administrés. Elles ne sont obligatoires que pour l’autorité administrative elle-même et ne s’imposent ni aux tribunaux, ni aux personnes étrangères à l’autorité concernée. Elles doivent se borner à interpréter les textes de loi en vigueur, sans pouvoir fixer des règles nouvelles16.

Ainsi, une autorité administrative peut certes adopter, dans le cadre de son champ de compétence, des directives internes pour se donner des lignes de conduite en fixant notamment des procédures ou critères suivant lesquels certaines affaires qui lui sont soumises ou qui relèvent de son domaine de compétence sont à traiter notamment par les fonctionnaires qui se trouvent sous ses ordres, il n’en reste pas moins que ces directives doivent obligatoirement se situer dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables et qu’elles ne peuvent en aucun cas comprendre des règles allant au-delà de ce qui est expressément prévu par la loi ou ses règlements grand-ducaux d’application. Cependant, cette autorité et les autorités subordonnées sont tenues de respecter les consignes des directives internes répondant à ces exigences et l’administré peut, en vertu de l’adage « tu patere legem quam ipse fecisti », requérir le respect de celles de ces directives internes dont il a pu avoir connaissance à travers une certaine publicité leur conférée17.

Au regard de ces principes, le tribunal est amené à préciser, d’abord, que la circulaire 115/6 du 13 juillet 2018, à laquelle le délégué du gouvernement s’est référée par ailleurs, n’est pas applicable en l’espèce pour avoir été publiée postérieurement aux années d’imposition litigieuses, tel que le fait plaider à juste titre la société demanderesse.

En revanche, la société demanderesse n’est pas fondée à contester l’application par le bureau d’imposition du point 3.1 de la circulaire 115/6 du 7 mai 2003 en réclamant « à titre subsidiaire » l’application du point 3.2.2.2 (Le régime forfaitaire)18 de la même circulaire, 16 Trib. adm., 8 avril 2002, n° 13875 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 3 et les autres références y citées.

17 Trib. adm., 13 décembre 2006, n° 19410a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 920 et les autres références y citées.

18 « 3.2.2.2 Le régime forfaitaire La présentation de pièces justificatives (notes de restaurant ou d’hôtel) n’est pas requise. L’exemption fiscale est limitée aux montants-ci-après :

17figurant sous le point 3.2.2 (Lieu de détachement à l’étranger), lui-même inscrit sous le point 3.2 (Salariés ne pouvant pas rentrer chaque jour à leur domicile (détachement temporaire).

D’une part, un contribuable n’est pas admis à contester la légalité d’un bulletin d’impôt par le motif de sa contrariété alléguée à la circulaire19. D’autre part, et en tout état de cause, la société demanderesse ne saurait reprocher au bureau d’imposition d’avoir méconnu ladite circulaire, étant donné que ledit point 3.2 dont elle réclame l’application vise le cas de salariés ne pouvant pas rentrer chez eux chaque jour, ce qui n’est justement pas démontré en l’espèce, le bureau d’imposition ayant été mis dans l’impossibilité, de la même manière que le tribunal, de déterminer – eu égard au défaut de pièces justificatives – si tel était effectivement le cas. La référence faite, en conséquence, par le bureau d’imposition au régime d’exonération forfaitaire de 3 euros mentionné sous le point 3.1 de la circulaire 115/6 du 7 mai 2003, dont la société demanderesse ne conteste pas autrement l’application, n’est dès lors pas critiquable.

Dans ces conditions, le moyen tiré d’une violation des dispositions du règlement grand-

ducal du 3 décembre 1969, du règlement grand-ducal du 5 août 1993, du règlement grand-ducal du 14 juin 2015, ainsi que du règlement du Gouvernement en Conseil du 21 décembre 2012 et du règlement du Gouvernement en Conseil du 10 janvier 2014, de même que de l’article 115, numéro 3 LIR, encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Ensuite, au regard des autres contestations de la société demanderesse tendant à la réformation du bulletin de compléments de retenue à travers la mention d’une liste « non limitative » d’« exemples » d’erreurs qu’aurait commises le bureau d’imposition, le tribunal est amené à préciser que s’il est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond dans le cadre du présent recours, il n’en demeure pas moins qu’il est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé. Ainsi, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le contribuable pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence le bulletin de complément de retenues –, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de sa situation fiscale. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer à une décision administrative jugée illégale sa propre décision, de sorte qu’il incombe au contribuable de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation20.

Dès lors, l’analyse du tribunal se limitera exclusivement aux contestations avancées par la société demanderesse dans le cadre de son recours sous examen.

En l’espèce, c’est de prime abord à tort que la société demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir imposé différemment certains de ses salariés qui auraient selon elle pourtant perçu le même montant d’indemnité et travaillé sur les mêmes chantiers.

Le tribunal rejoint le délégué du gouvernement dans ses explications suivant lesquelles le bulletin de complément de retenue s’est limité à fixer dans le chef de la société demanderesse en sa qualité d’employeur des compléments de retenues à prélever par elle « pour compte et à Indemnité par jour (2 repas principaux) 22,00 euros Indemnité de nuit, y compris le petit déjeuner 44,00 euros (découcher à l’hôtel ou établissement analogue) ».

19 Cour adm., 25 février 2016, n° 36612C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 921.

20 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (1er volet) et les autres références y citées.

18décharge de »21 certains de ses salariés, dénommés « B », « C », « D » et « E », et non pas à fixer un revenu imposable complémentaire différent pour chacun d’eux, tel que semble le suggérer la société demanderesse. Le revenu imposable de deux salariés d’une même entreprise peuvent parfaitement faire l’objet d’un redressement d’un montant identique, tout en ayant été prélevés en amont d’un montant différent par voie de retenue à la source, ledit montant dépendant de la situation individuelle de chacun des salariés.

Les reproches afférents de la société demanderesse se fondant sur la circonstance que ces salariés auraient pourtant travaillé le même nombre de jours sur les mêmes chantiers sis en Belgique manquent, quant à eux, en fait, alors qu’il ressort de ses propres tableaux récapitulatifs versés en cause que les salariés « B », « C », « D » et « E », n’ont, en tout état de cause, ni travaillé le même nombre de jours au titre des années d’imposition 2013, 2014 et 2015, ni perçu le même montant de rémunération, de sorte à ne pas se trouver dans une situation comparable.

Ces informations ressortent, d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, également des livres de salaires versés par la société demanderesse et joints au dossier fiscal. La société demanderesse ne conteste pas non plus l’affirmation du représentant étatique suivant laquelle les fiches de retenue d’impôt de ces salariés auraient indiqué une classe d’impôt différente. Dans ces conditions, les contestations de la société demanderesse sont à rejeter pour être non fondées.

A défaut d’explications circonstanciées et d’éléments tangibles, tel qu’une fiche de retenue d’impôt fournis par la société demanderesse qui établiraient que leur situation respective aurait changé, le tribunal ne décèle pas non plus d’erreur dans l’établissement du complément de retenue d’impôt au motif que la retenue fixée dans le chef des salariés « B » et « F » aurait varié d’une année à l’autre, étant rappelé qu’il est parfaitement possible que le taux de retenue à la source d’un même salarié diffère d’une année à l’autre suivant sa situation individuelle.

Si la société demanderesse conteste que les erreurs dans l’attribution de classes d’impôt à ses salariés, dont fait mention le délégué du gouvernement, auraient été faites en leur faveur, force est de constater que ces considérations sont étrangères à l’objet du litige qui porte exclusivement sur la question de la légalité et du bien-fondé des retenues d’impôts fixés dans le chef de la société demanderesse en tant qu’employeur.

Quant à l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle le bureau d’imposition aurait confondu Monsieur G et Monsieur C, en ce sens que le redressement fixé dans le chef du premier par le bulletin de compléments de retenue concernerait en réalité le second, le tribunal retient que cette erreur matérielle ne saurait constituer un motif d’annulation dudit bulletin, alors qu’il ne remet pas en cause, du point de vue de la société demanderesse en sa qualité d’employeur, le montant de compléments de retenue à prélever, mais est tout au plus susceptible d’avoir un impact sur la situation personnelle du salarié concerné dans l’hypothèse vérifiée que le redressement aurait effectivement été imputé erronément à Monsieur G, cette question étant toutefois étrangère au présent litige.

Il s’ensuit que si Monsieur G est certes entré au service de la société demanderesse en tant que salarié avec effet au 15 juillet 2014, tel que cette dernière l’affirme en substance, de sorte à ne pas avoir pu être concerné par des compléments de retenue portant sur l’année d’imposition 2013, force est de constater que les explications afférentes du délégué du 2121 Article 136, alinéa (2) LIR.

19gouvernement sont de nature à corroborer une confusion faite par le bureau d’imposition entre l’intéressé et Monsieur C, alors que le bulletin de compléments de retenue litigieux n’indique justement – erronément – aucune retenue complémentaire à effectuer dans le chef de « C » au titre de l’année d’imposition 2013, contrairement à « G » pour lequel un complément de retenue d’un montant de … euros a été – erronément – fixé. Or, étant donné que la société demanderesse ne conteste pas, en tant que tel, la légalité et le bien-fondé de ce prélèvement de … euros dans le chef de Monsieur C, le constat demeure que le complément de retenues à opérer par la société demanderesse, certes pour un autre de ses salariés, reste inchangé.

En dernier lieu, le tribunal est encore amené à retenir que la circonstance que le complément de retenue sur salaires fixé à l’égard de Monsieur F se soit élevé à un certain montant au titre de l’année d’imposition 2013 et qu’il aurait été fixé à zéro l’année suivante au cours de laquelle il n’aurait travaillé que 3 mois n’est pas de nature à constituer un motif d’annulation du bulletin de complément de retenu litigieux, étant donné que la fixation de la retenue à la source se fait de manière individuelle et qu’elle peut varier d’une année à l’autre, et que la société demanderesse ne s’est référée à aucune pièce tangible de nature à mettre le tribunal en mesure d’aboutir à un complément de retenue d’un montant différent dans le chef de l’intéressé, la société demanderesse n’ayant pas non plus avancé quel serait, selon elle, le montant correct qui aurait dû être retenu par le bureau d’imposition.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est, à défaut d’autres moyens, non fondé et qu’il encourt le rejet.

III) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande d’indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre une « décision implicite de rejet » ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme pour le surplus ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 18 juillet 2024 par :

20Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIESHER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith TAGLIAFERRI.

s. Judith TAGLIAFERRI s. Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 21


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47960
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-18;47960 ?

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