Tribunal administratif N° 49464 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49464 2e chambre Inscrit le 22 septembre 2023 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49464 du rôle et déposée le 22 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée WH Avocats SARL, établie à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Angola), de nationalité angolaise, connu sous différents alias, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 août 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah Reutenauer, en remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 avril 2024.
Le 5 octobre 2021, Monsieur …, connu sous différents alias, introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-
après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Grèce en date du 30 octobre 2019.
Toujours le 5 octobre 2021, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationaleen vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
En date du 5 août 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités grecques aux fins d’obtenir des informations sur base de l’article 34 du règlement Dublin III.
Elles répondirent par courrier du 24 août 2022 que la demande de protection internationale de Monsieur … avait été rejetée en appel en date du 17 décembre 2021.
En date des 6 mars, 24 mars, 21 avril et 12 mai 2023, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 22 août 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 5 octobre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche de motifs établie lors de l’introduction de votre demande de protection internationale, le rapport du Service de Police Judiciaire du 5 octobre 2021, le rapport d’entretien « Dublin III » du 5 octobre 2021, la demande d’informations basé sur l’article 34 adressée aux autorités grecques le 5 août 2022, leur réponse du 24 août 2022, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 6 mars, 24 mars, 21 avril et 12 mai 2023 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande.
Monsieur, lors de l’introduction de votre demande vous avez déclaré vous nommer …, être né le … à … en Angola, être de nationalité angolaise, célibataire, d’ethnie Bas-Congo et de confession chrétienne. Lors de votre entretien individuel, vous revenez sur votre date de naissance en expliquant ne pas être né en …, mais en ….
Selon vos dires vous auriez vécu à … depuis 2017 pour ensuite partir à … en juillet 2019 avant de définitivement quitter votre pays d’origine en octobre 2019. Or, vous affirmez d’un autre côté également avoir déménagé à … en juillet 2015 et avoir quitté votre pays d’origine en juillet 2019.
2 En ce qui concerne vos motifs de fuite, vous expliquez avoir quitté votre pays d’origine en raison de votre opposition politique, alors que vous seriez membre du parti politique de l’Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola (ci-après « UNITA ») depuis 2011.
Vous seriez également actif au sein de la Jeunesse Révolutionnaire Unie de l’Angola (ci-après « JURA »), qui s’occuperait « de la mobilisation des jeunes à Luanda » au sein du même parti (p.4/32 et 17-18/32 du rapport d’entretien).
Vous précisez qu’entre 2011 et 2019, vous auriez participé à une fréquence de 10 à 15 manifestations par an sans que rien ne vous arrive personnellement. Certes il y aurait « eu des incidents, oui, oui (…) », mais vous y auriez « toujours échappé » (p.18-19/32 du rapport d’entretien).
Lors d’une distribution de tracts au marché de « Boa Vista, Luanda, Kikolo, Rocha Pinto », organisée en vue de « protester contre les fraudes électorales », deux mois après la passation du pouvoir, vous auriez été arrêté par les forces de l’ordre angolaises. A cet égard, vous dites que votre arrestation aurait eu lieu « en 2019 », alors que vous situez la manifestation, respectivement la distribution de tracts, deux mois après la passation de pouvoir « en 2018/2017 », pour finalement la situer en « 2018 ». Or, la passation de pouvoir a eu lieu en août 2017. Lors de cette distribution de tracts, les forces de l’ordre vous aurait accusé de troubler l’ordre public et vous auriez été arrêté puis incarcéré pendant une semaine à la prison de … (p.27-28 du rapport d’entretien).
Vous précisez encore, d’une part, être « directement allé à … » après votre sortie de prison (p.17/32 et 28/32 du rapport d’entretien), pour expliquer, d’autre part, avoir fui … pour aller à … après avoir aperçu à la télévision un avis de recherche à votre encontre (p.11-12/32 du rapport d’entretien).
En cas de retour dans votre pays d’origine vous craindriez désormais d’être recherché par le gouvernement angolais, notamment le « pouvoir en place » (p.29/32 du rapport d’entretien).
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
- Un acte de naissance angolais émis le 22 juin 2017, accompagné de sa traduction en langue française ;
- un livret d’état civil individuel émis le 11 mai 2017, accompagné de sa traduction en langue française ;
- une carte de membre UNITA valable du 25 octobre 2019 au 25 octobre 2025 ;
- un brevet d’aptitude professionnelle ;
- la copie d’un permis de conduire camion (c1) émis à … et valable du 29 mars 2017 au 20 janvier 2020 ;
- la copie d’une carte d’identité émise le 20 août 2018 et valable jusqu’au 19 août 2028 ;
- un document grec attestant de votre séjour en prison, accompagné de sa traduction en langue française ;
- deux certificats médicaux du Dr. … des 7 janvier et 4 octobre 2022.
Plusieurs de ces documents, notamment l’acte de naissance, le livret d’état civil individuel ainsi que la carte de membre UNITA, ont été envoyés pour authentification à l’Unité de Police de l’Aéroport.
3 En date du 10 août 2023, l’Unité de Police de l’Aéroport a conclu qu’aucun des documents soumis n’a pu donner de résultat. L’UPA fait cependant remarquer que, d’une part, votre carte de membre « est complètement imprimé[e] à l’aide d’une importante laser. Même le tampon apposé sur le dos du document est imprimé à l’aide d’une imprimante laser » et que le document en question ne contient aucun élément de sécurité. D’autre part, en ce qui concerne votre acte de naissance, l’UPA souligne que « La vérification a permis de constater que l’ensemble du document a été imprimé à l’aide d’un laser classique. Même les tampons ont été intégrés à l’aide d’une imprimante. Seuls les données ont été ajoutées à la main ».
Finalement, votre carnet personnel du registre civil est inconnu de leur registre.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Il y a lieu de rappeler qu’il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l’administration en mesure de saisir l’intégralité de sa situation personnelle. Il y a également lieu de préciser dans ce contexte que l’analyse d’une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’évaluation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Par conséquent, la crédibilité de votre récit et la sincérité de vos motifs de fuite se trouvent considérablement mises à mal. En effet, vos motifs de fuite ne sont pas intelligibles.
Egalement, votre récit est parsemé de nombreuses contradictions et votre comportement ne reflète clairement pas celui d’une personne qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale. Finalement, vous ne semblez pas vouloir respecter les obligations imposées à un demandeur de protection internationale.
Premièrement, force est de constater que l’analyse approfondie de votre entretien individuel concernant vos motifs de fuite n’est pas intelligible.
En effet, vous indiquez, d’une part, que vous auriez fui votre pays d’origine, car vous auriez dénoncé des faits de corruption d’un général pour lequel vous auriez travaillé à ….
Certes, vous mentionnez déjà le fait d’avoir été membre de l’opposition UNITA, mais vous ne dites à aucun moment que vous auriez fui votre pays en raison de votre appartenance politique à l’opposition, au contraire. D’autre part, vous expliquez avoir en réalité quitté votre pays d’origine, car vous appartiendriez à l’opposition politique de l’UNITA en précisant avoir été arrêté lors de la distribution de tracts organisée en vue de protester contre les résultats des élections législatives, avoir été emmené en prison et avoir réussi à fuir votre pays (p.17/32 du rapport d’entretien). Or, force est d’emblée de constater que vous avancez deux versions différentes pour justifier votre départ de votre pays d’origine.
4 En ce qui concerne plus précisément votre deuxième version des faits, force est de constater que celle-ci ne tient aucunement la route, alors que les dates sont confuses et ne s’accordent pas avec la réalité et que celle-ci ne coïncide également pas avec les informations disponibles sur votre carte de membre.
En effet, tout d’abord concernant les dates confuses, force est de constater que vous expliquez que vous auriez distribué des tracts au marché de Kikolo à Luanda afin d’informer la population qu’une manifestation allait être organisée « pour protester contre les fraudes électorales » (p.17/32 et 21/32 du rapport d’entretien). D’une part, vous situez la distribution de tracts « deux mois après la passation du pouvoir » en précisant que la passation du pouvoir aurait eu lieu « en 2018 » sans pouvoir préciser ni le mois, ni le jour (p.22/32 du rapport d’entretien). D’autre part, vous situez votre arrestation par les forces de l’ordre au marché lors de cette distribution des tracts en septembre ou octobre « 2019 » (p.27-28/32 du rapport d’entretien).
Or, force est d’emblée de constater selon les informations disponibles sur les élections législatives, que la passation du pouvoir a eu lieu en août 2017 contrairement à ce que vous avez mentionné, à savoir 2018. Force est encore de constater que les dates que vous avez énoncées ne concordent pas, alors qu’il y a manifestement un problème de temps. En effet, vous ne sauriez avancer, d’une part, que la distribution de tracts et votre arrestation auraient eu lieu deux mois après la passation du pouvoir en 2018 et, d’autre part, que le jour de votre arrestation aurait été en septembre ou octobre 2019. Interpellé par l’agent ministériel à l’égard de cette incohérence de temps, il convient de relever que vous êtes incapable de donner une explication concrète, alors que vous essayez vainement de vous justifier par tous les moyens pour finalement expliquer que vous auriez oublié. Or, une telle affirmation ne saurait suffire pour contrebalancer ladite contradiction temporelle évidente.
Force est d’ailleurs de noter, que vous ne sauriez vous retrancher derrière un simple oubli pour essayer de justifier cette incohérence temporelle, alors qu’il est loisible d’attendre de votre part que vous sachiez vous rappeler exactement du jour, du mois et de l’année de cet incident. En effet, il est d’autant plus incompréhensible que vous ne seriez pas à même de retracer avec exactitude les dates et faits, alors qu’ils auraient clairement été déterminants pour entrainer votre fuite et départ de votre pays d’origine. Il est encore à plus forte raison permis de vous reprocher une telle chose, alors que vous êtes, selon vos dires, un membre actif du parti de l’opposition UNITA depuis 2011, de sorte que vous devriez donc, pour le moins, être capable de rapporter la date exacte des élections législatives.
Ensuite, en ce qui concerne les informations disponibles sur votre carte de membre, qui ne coïncident également pas avec les faits de votre récit, force est de constater que ledit document a été émis le 25 octobre 2019 à … pour une période de validité allant au 25 octobre 2025. Or, il convient de s’interroger des raisons pour lesquelles vous seriez uniquement en possession d’une carte de membre datée en octobre 2019, alors que vous auriez été un membre actif du parti de l’UNITA depuis 2011. Il est également curieux de relever que votre carte de membre est datée postérieurement à votre départ de votre pays d’origine, alors que selon vos propres dires, vous auriez, d’abord, quitté votre pays d’origine en juillet 2019, pour finalement revenir sur cette date et dire que vous auriez quitté votre pays d’origine le 13.10.2019 (p.10/32 du rapport d’entretien). Ainsi, force est clairement de remettre en doute l’authenticité de votre carte de membre et par conséquent la preuve de votre appartenance au parti politique d’opposition UNITA, alors qu’un bidouillage est clairement visible à l’œil nu au niveau de la date. En effet, il est possible d’observer une correction ayant été faite à la main à l’aide d’un 5 simple stylo, ce que n’importe qui aurait pu faire. Ledit document n’a d’ailleurs pas pu être authentifié par l’Unité de Police de l’Aéroport, qui affirme que « le document en question est complètement imprimé à l’aide d’une imprimante laser. Même le tampon apposé sur le dos du document est imprimé à l’aide d’une imprimante laser. [Il] ne contient aucun élément de sécurité », de sorte que le document ne saurait contredire les conclusions et constats effectués ci-dessus, d’autant plus que vous vous perdez également dans vos explications lorsque l’agent ministériel vous interpelle à ce sujet (p.6/32 du rapport d’entretien).
Toujours concernant vos motifs de fuite, force est encore de souligner que des recherches Facebook contredisent manifestement le bien-fondé de ces derniers. En effet, plusieurs photos ont été retrouvées sur le profil Facebook de …, profil que vous confirmez être le vôtre et que vous avez très certainement supprimé après que vous ayez été confronté avec les trouvailles, alors qu’il est désormais introuvable. Or, il convient de noter que sur l’une de ces photos, dont la publication date du 10 juin 2019, vous annoncez vous trouver à Istanbul (p.28-29/32 du rapport d’entretien), alors même que vous dites également encore avoir été en Angola à cette période, période intervenant également antérieurement à vos motifs de fuite.
Ainsi, le constat s’impose que votre récit est vraisemblablement qu’un tissu de mensonges.
Confronté par l’agent ministériel à ce sujet, vous vous bornez à dire que cette photo aurait été postée après votre départ, ce qui ne saurait pas convaincre, alors que la date de publication du 10 juin 2019 parle d’elle-même. Confronté encore avec une autre photo du 28 mars 2019 retrouvée sur le même profil Facebook, notamment où l’on peut voir un sachet McDonald’s avec l’inscription en turc « pour livraison », vous restez sans explication en vous bornant cette fois-ci de dire que « ce n’est pas [vous] » (p.29 du rapport d’entretien individuel). Or, Monsieur, il est évident que vous ne dites manifestement pas la vérité.
Ainsi, il n’en demeure pas moins de s’interroger sur la crédibilité de vos motifs de fuite sous-tendant votre demande de protection internationale, alors que la question se pose avec acuité de savoir pourquoi les autorités luxembourgeoises croiraient à votre histoire totalement contradictoire et discordante. En effet, les raisons que vous avancez concernant votre départ sont clairement remises en doute, alors qu’il appert que vos motifs de fuite sont inventés de toutes pièces dans le but unique d’aggraver votre situation et d’augmenter vos chances d’obtenir une protection internationale.
Ladite conclusion se trouve d’ailleurs entérinée par le fait que vous ayez effectué une demande de visa pour le Portugal en mai 2017 en indiquant comme motif principal le « tourisme ». Or, cette demande de visa intervient bien en amont de vos supposés problèmes qui vous auraient poussé à quitter votre pays d’origine, de sorte qu’il convient de conclure que vous auriez déjà essayé de quitter votre pays d’origine par pure raison personnelle. Les soupçons quant à la sincérité de vos motifs de fuite se trouvent donc totalement corroborés.
Force est également de noter que vous auriez quitté votre pays d’origine, l’Angola, en prenant un avion vers Istanbul. Ainsi, il est évident que vous avez légalement et librement quitté votre pays sans rencontrer le moindre problème et ce en traversant de nombreux contrôles aéroportuaires de police et de douane. Or, si vous aviez réellement été recherché dans votre pays d’origine en tant qu’opposant politique vous n’auriez manifestement pas pu quitter votre pays d’origine dans de telles conditions. Votre situation en Angola n’est donc manifestement pas telle que vous essayez de le faire croire aux autorités luxembourgeoises.
De plus, si votre situation dans votre pays d’origine avait réellement été aussi grave que vous le sous-entendez, vous vous seriez manifestement contenté d’introduire une demande 6 de protection internationale dans les premiers pays sûrs rencontrés en vue d’obtenir une protection quelconque, contrairement à vous, Monsieur, qui avez préféré traverser l’Italie, puis la France pour encore continuer votre chemin en Belgique, et sans jamais introduire une demande de protection internationale ni en Italie, ni en France, ni en Belgique. Au contraire, vous avez préféré attendre de rejoindre le Luxembourg, alors que depuis votre jeunesse il s’agirait d’un « rêve » pour vous de vous y installer. A cet égard, force est d’ailleurs de constater que vous faites un changement radical quant à ces propos en affirmant inopinément ne plus être d’accord avec le terme « rêve », puisque vous n’auriez pas quitté votre pays d’origine si vous n’aviez pas eu de problèmes. Or, ce changement manifeste de position ne saurait avoir aucun poids par rapport à vos dires précédents, alors qu’il s’agit d’un brusque revirement plus que douteux qui intervient au moment de la relecture de votre entretien individuel (p.15/32 du rapport d’entretien).
Deuxièmement, il y a lieu de souligner que votre récit est parsemé d’autres nombreuses contradictions, qui, prises dans leur globalité, ne font qu’accentuer le manque de cohérence, déjà flagrant, de votre histoire.
En effet, des différences ressortent en ce qui concerne votre identité et plus précisément votre date de naissance, alors que vous avez renseigné, sur la fiche des données personnelles manuscrites et lors de votre entretien Dublin III, être né en …. Pareille information ressort de la base de données AE.VIS, alors qu’une demande de visa a été introduite par vos soins avec un passeport angolais, qui renseigne comme date de naissance le …. Vous revenez ensuite sur vos dires au cours de votre entretien individuel et affirmez être né en … tout en rejetant la faute sur les agents du Service de Police Judiciaire. Or, une telle deuxième allégation ne saurait contrebalancer vos premiers dires, notamment alors que vous l’avez vous-même renseigné sur votre fiche des données personnelles. Vous remettez cependant, plusieurs documents, notamment l’original de votre acte de naissance, la copie de votre carte d’identité et la copie de votre permis de conduire, afin de prouver ladite date de naissance de …. Or, force est de constater que ces documents ne sauraient prévaloir, alors qu’il s’agit, d’une part, de simples copies qui ne peuvent être authentifiées ou encore vérifiées et que, d’autre part, votre acte de naissance renseigne encore une autre date de naissance, à savoir le … avec une année illisible.
Ce constat est renforcé par le fait que l’authentification de votre acte de naissance n’a également mené à aucun résultat définitif.
D’autres incohérences sont encore frappantes, notamment concernant votre dernier lieu de séjour dans votre pays d’origine. En effet, force est de relever que vous dites avoir déménagé à … en 2017, alors que vous dites également y avoir déménagé en 2015, de sorte qu’on ne saurait savoir avec exactitude depuis quand vous vous trouviez à …. Pareil constat s’impose concernant votre départ de … vers …, alors que, d’une part, vous dites que vous auriez quitté … dès votre sortie de prison, et que, d’autre part, vous dites avoir quitté … après avoir vu un avis de recherche à votre encontre sur la chaîne locale « TP2 ».
Dans cette même lignée et concernant votre départ de votre pays d’origine, force est de noter que vous dites à plusieurs reprises avoir quitté votre pays en juillet 2019, pour finalement revenir sur vos dires et expliquer avoir fui … vers … en juillet 2019 et avoir quitté définitivement votre pays en octobre 2019, plus précisément le treize. A cet égard, vous expliquez que le passeport avec lequel vous auriez quitté votre pays d’origine vous aurait été fourni par votre oncle et que vous n’auriez aucune information sur ledit document de voyage.
Or, vous changez de version par après en disant que votre ami, le dénommé …, chez qui vous 7 auriez logé à …, vous aurait arrangé un passeport portugais avec lequel vous auriez quitté votre pays vers Istanbul (p.10/32 et 12/32 du rapport d’entretien individuel).
Les incohésions ne s’arrêtent pas là puisqu’elles touchent également à votre trajet en Europe, qui n’est manifestement pas uniforme au cours des différentes phases de la procédure de votre demande de protection internationale. En effet, auprès des agents du Service de Police Judiciaire, vous expliquez être resté pendant deux jours à Istanbul, puis être parti en Grèce et y être resté pendant quatorze mois pour finalement quitter la Grèce vers l’Italie avec un passeport que vous auriez payé 200 euros. Vous seriez encore allé en bus en France et y seriez resté pendant quatorze jours avant de rejoindre Liège en bus. Vous y seriez resté pendant deux jours supplémentaires avant de venir au Luxembourg (p.2/6 du rapport du Service de Police Judiciaire). A noter que vous auriez uniquement fait mention de votre passage à Liège, lorsque les agents de police vous auraient confronté avec des photos retrouvées dans votre téléphone.
En revanche, force est de noter que vous racontez une autre version à l’agent ministériel lors de votre entretien, qui ne correspond pas avec vos premiers dires auprès du Service de Police Judiciaire. En effet, vous y affirmez être resté une semaine à Istanbul au lieu de deux jours, être aller à Izmir, alors que vous ne mentionnez à aucun moment ce passage auprès des autorités policières, avoir quitté la Grèce en mars 2021, contrairement à juillet 2021 lors de votre entretien Dublin III, avoir quitté l’Italie vers la France avec une carte de résident et non pas un passeport et pour laquelle vous auriez payé 550 euros contrairement à 200 euros pour le passeport. Vous continuez en disant être resté deux jours à Paris, au lieu de quatorze, pour finalement prendre le bus vers le Luxembourg. Ainsi, à nouveau, vous mentionnez votre passage en Belgique uniquement lorsque l’agent ministériel vous interpelle à cet égard en précisant finalement avoir été à Bruxelles et non pas à Liège (p.12-14 du rapport d’entretien et p.2/2 du rapport d’entretien Dublin III).
Toujours concernant vos allégations discordantes, vous mentionnez que vous auriez introduit une demande de protection internationale en Grèce et que vous auriez été appelé pour un entretien, mais qu’après « c’[était] fini, aucune suite, aucune » (p.16/32 du rapport d’entretien), or, ceci est en contradiction avec les réels faits, puisque selon les informations obtenues de la part des autorités grecques votre demande aurait été rejetée en deuxième instance en date du 17 décembre 2021. Ainsi, vous avez manifestement fait l’objet d’une décision contre laquelle vous avez intenté un recours, ce que l’agent ministériel vous explique d’ailleurs, ce à quoi vous répondez que « non, [vous n’auriez pas] fait cela » (p.16/32 du rapport d’entretien). Or, vos dires ne sauraient à nouveau pas être crédibles et contredise les informations obtenues de la part des autorités grecques.
Toujours dans ce sens, vous expliquez et confirmez lors de la relecture ne pas avoir de passeport, respectivement ne jamais avoir été en possession d’un passeport, tout comme ne jamais avoir quitté l’Angola à part pour aller à l’école au Congo. Ceci est manifestement un nouveau mensonge de votre part, alors que l’agent ministériel a retrouvé des photos et une vidéo sur votre profil Facebook, qui donnent toutes les raisons de croire que vous vous trouviez à Dubaï en février 2015. En effet, lorsque l’agent vous confronte avec lesdites trouvailles, vous confirmez immédiatement avoir été à Dubaï en 2015, alors que juste auparavant vous auriez dit et redit ne jamais avoir quitté l’Angola, affirmation que l’agent vous fait d’ailleurs remarquer et à quoi vous répondez « Quitté comment ? Vous n’avez pas bien formulé votre question (…) je suis un homme, je peux oublier aussi » (p.15/32 du rapport d’entretien). Or, Monsieur, une telle doléance ne saurait être tolérée, alors que les questions étaient explicites.
8 Pareil comportement intempestif doit être soulevé lorsque les agents du Service de Police Judiciaire vous confronte avec des photos retrouvées dans votre téléphone portable et auxquels vous répondez « hierbei handelt es sich um meine Frau und meine Kinder welche sich noch in Angola befinden » (p.4/6 du rapport du Service de Police Judiciaire), dires que vous confirmez lors de votre entretien Dublin III. Or, lors de votre entretien individuel, votre femme, vos enfants et votre mère se trouveraient au Congo à … depuis votre supposée arrestation (p.6-
8/32 et 28/32 du rapport d’entretien et page 2/2 du rapport d’entretien Dublin III), de sorte qu’on ne saurait à nouveau plus savoir quoi croire de votre part, alors que ceci constitue une énième contradiction de votre récit.
En outre, toutes vos allégations ne sont que de simples suppositions et hypothèses, alors que vous n’apportez aucune preuve concrète, qui permettrait de corroborer vos dires ou encore de contredire vos contradictions. En effet, à titre d’exemple, il convient de relever que vous affirmez à de nombreuses reprises que votre beau-frère vous aurait dit que, or, de telles affirmations non-corroborées ne sauraient que renforcer le fait que votre histoire est inventée de toutes pièces et que vos motifs de fuite ne sont pas avérés. Pareil constat s’impose alors que vous êtes incapable de donner des détails significatifs concernant l’établissement pénitentiaire de … sans que l’agent ministériel vous y questionne. Ainsi, vous restez vague et lacunaire à ce sujet, tout comme en ce qui concerne votre fuite, alors que celle-ci est totalement rocambolesque et inconcevable (p.23-24/32 et 26/32 du rapport d’entretien).
D’autres zones d’ombres doivent encore être soulignées, alors que le Service de Police Judiciaire a retrouvé un document sur vous, plus précisément dans votre téléphone portable, lequel retrace des notes et un texte d’une histoire similaire à la vôtre (p.3/6 du rapport du Service de Police Judiciaire).
Troisièmement, force est de constater que vous ne semblez pas non plus respecter les obligations imposées à un demandeur de protection internationale, notamment celle de ne pas quitter le territoire luxembourgeois pendant toute la durée de l’instruction de la demande. En effet, l’agent ministériel a pu retrouver une photo sur votre profil Facebook du 2 janvier 2022 sur laquelle vous vous trouvez manifestement sur le quai de la gare de Bruxelles-Midi et donc postérieurement à l’introduction de votre demande de protection internationale. A cet égard, vous vous bornez à dire que vous ne seriez pas sorti du Luxembourg depuis le début de votre demande, alors que votre justification n’est une nouvelle fois pas croyable (p.14/32 du rapport d’entretien).
Au vu de tout ce qui précède, il convient de déduire après la lecture de tous les éléments de votre dossier, que toutes vos déclarations sont entachées de nombreuses contradictions et par conséquent d’un manque flagrant de crédibilité, qui impacte sérieusement la sincérité de vos dires et de vos motifs de fuite.
Partant, aucune protection internationale ne vous est accordée.
Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme manifestement non fondée.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Angola, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».
9 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 22 août 2023, prise dans son double volet, telle que déférée, ledit recours, étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
1) Quant au recours visant la décision portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et en fait, le demandeur indique être né le … à … (Angola) et être de nationalité angolaise. Il aurait travaillé en sa qualité de … auprès du …. Il affirme être un membre et un activiste du parti Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) depuis 2011, pour lequel il aurait participé à 10-15 manifestations annuelles en Angola. Il serait également membre de la Jeunesse Révolutionnaire Unie de l’Angola (JURA) pour laquelle il aurait été chargé de la mobilisation des jeunes. Suites aux fraudes lors des élections présidentielles de 2017 et la passation de pouvoir, le parti UNITA aurait organisé plusieurs manifestations. Il aurait alors été en charge de la distribution de tracts, de polos et d’effigies du parti UNITA au sein du marché de Boa Vista de Luanda, Kikolo, Rocha Pinto.
Lors de ladite distribution, il affirme avoir, ainsi que les six autres membres du parti de l’UNITA, informé la population d’une prochaine manifestation via un parlophone. A ce moment, la police aurait fait irruption dans le marché et aurait ordonné de les arrêter. Comme il aurait tenu le parlophone et qu’il aurait brandi le symbole du parti UNITA, il aurait été facilement repéré par la police et arrêté, ainsi qu’un autre membre dudit parti. Ils auraient été emmenés au poste de police de … où ils auraient été battus et torturés. Les policiers se seraient également rendus à son domicile pour le fouiller et auraient découvert des tracts du parti, des polos, des invitations et des photos avec ses amis. Ils auraient même « exagéré » la fouille en indiquant qu’ils auraient trouvé des « Aka 42 » dans sa maison. Ces informations auraient été ensuite diffusées sur la chaine télévisée nationale TPA, où son nom aurait été mentionné, ainsi que les éléments trouvés à son domicile, dont les armes perquisitionnées. Il aurait alors été poursuivi pour trouble à l’ordre public et tentative de « déstabilisation du régime » en vigueur.
Après avoir passé la nuit au poste de police, il aurait été emmené à la prison de …, où il aurait été enfermé pendant environ une semaine. Son beau-frère, ayant appris que les autorités avaient décidé de le tuer après son transfert à la prison de … aurait organisé sa fuite via le major qui aurait travaillé à la prison. Lors de son transfert, un agent lui aurait ouvert la porte et lui aurait demandé de descendre. Il aurait alors saisi l’occasion pour s’enfuir à …, avant de fuir définitivement l’Angola et de partir vers la Turquie. Il serait resté une semaine à Istanbul, puis il aurait été emmené à Izmir à partir d’où il serait allé à Moria, en Grèce. Il affirme à ce propos y avoir été enfermé en prison pendant 2-3 mois au seul motif qu’il était angolais. Il y aurait introduit une demande de protection internationale le 30 octobre 2019. A sa sortie de prison, le camp de Moria aurait pris feu et il aurait été déplacé dans des camps de fortune avant d’aller à Athènes. Il serait ensuite allé d’Athènes à Milan, où il aurait pris le bus pour la France, puis pour la Belgique pour finalement arriver à Luxembourg.
En droit, quant au refus de la protection internationale, le demandeur réfute tout d’abord la conclusion ministérielle quant au défaut de crédibilité de ses déclarations, en s’appuyant sur la position du Conseil de l’Europe du 4 mars 1996 au sujet de la preuve des faits dans le cadre d’une demande de protection internationale, ainsi que sur l’article 4 (5) de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95/UE », ainsi que sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », 23 août 2016, J.K.
et autres contre Suède, n° 59166/12.
Il fait valoir dans ce contexte que le ministre tenterait de décrédibiliser son récit en retenant qu’il aurait donné deux versions différentes concernant ses motifs de fuite, à savoir d’une part la dénonciation des faits de corruption pour le général auprès duquel il aurait travaillé en tant que …, et d’autre part, son appartenance politique à l’opposition. Or, il aurait fait part des problèmes de corruption sans les indiquer comme raisons de départ de son pays d’origine. Seule son appartenance au parti politique de l’opposition UNITA serait la raison de sa fuite, ce qu’il aurait clairement indiqué lors de son arrivée au Luxembourg et durant ses entretiens avec l’agent ministériel.
En ce qui concerne la confusion dans les dates, le demandeur fait valoir qu’il souffrirait de problèmes cardiaques importants et de stress post-traumatique. Lors de ses entretiens, son état de stress aurait été très élevé, de sorte qu’il aurait même perdu le fil de son récit en français et qu’il aurait continué en portugais. Son état de santé ne lui aurait pas permis d’assister aux auditions pendant des journées entières, de sorte que l’agent ministériel en charge des entretiens aurait organisé des demi-journées d’entretien. Au vu des évènements traumatisants qu’il aurait subis et de son état de santé, il serait légitime qu’il ne se souvienne pas des dates avec précision.
Il aurait d’ailleurs, lors de la relecture de son rapport d’entretien, rectifié les dates les plus importantes et aurait indiqué qu’il serait traumatisé par son vécu ce qui lui ferait perdre un peu la mémoire.
Concernant le fait que sa carte de membre n’ait pas pu être authentifiée par l’Unité de Police de l’Aéroport, qui a retenu qu’elle avait été imprimée à l’aide d’une imprimante laser, il estime que cela ne signifierait pas que ladite carte ne soit pas un original ou qu’elle ne lui ait pas été remise.
Quant aux photos trouvées sur son compte Facebook, il aurait clairement indiqué lors de ses différents entretiens avec l’agent ministériel en charge que son compte avait pu être piraté et qu’il n’aurait pas publié les photos en question car il se serait trouvé en Turquie en octobre 2019.
A propos de la demande de visa pour le Portugal en 2017, celle-ci aurait été soumise bien avant qu’il n’ait des problèmes avec le gouvernement angolais, ce qui ne prouverait pas qu’il ait quitté son pays « par pure raison personnelle ». Il ajoute que ses problèmes auraient commencé avant son départ de son pays d’origine et qu’il n’aurait pas eu d’autre choix que de le quitter, ainsi que sa famille.
En s’emparant du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés publié par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) endécembre 2011, il soutient que le ministre ne pourrait exiger de lui d’apporter une preuve documentaire de ses dires, d’autant plus qu’il aurait dû fuir son pays sans avoir la présence d’esprit de se procurer des preuves.
Enfin, concernant le fait qu’il ait quitté le territoire luxembourgeois durant l’instruction de sa demande de protection internationale, le demandeur affirme que la photo postée sur son compte Facebook ne serait pas forcément prise et publiée le jour même, et qu’il serait parfaitement possible de publier le 2 juillet 2022 une photo de lui devant la gare de Bruxelles-
midi qui aurait été prise durant son trajet vers le Luxembourg, soit en 2021.
Quant au statut de réfugié, le demandeur, en se prévalant de l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », ainsi que des articles 2 f), 39 et 42 (2) de la loi du 18 décembre 2015, reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, en ayant notamment retenu des faits pris isolément alors qu’il conviendrait de prendre en considération l’ensemble des faits invoqués. Il critique encore la décision litigieuse concluant à un défaut de crédibilité dans son chef, alors que son récit serait intelligible et cohérent. Il réitère, dans ce contexte, le fait qu’il aurait été injustement arrêté pour avoir été un membre actif du parti de l’UNITA, alors qu’il distribuait des objets de son parti politique et qu’il informait la population de la prochaine manifestation devant avoir lieu. Son nom et sa photo auraient été diffusés sur la chaine télévisée nationale en indiquant qu’il aurait été arrêté pour trouble à l’ordre public et tentative de déstabilisation du régime en vigueur et que des armes auraient été trouvées à son domicile. Il aurait alors été arrêté, torturé et emprisonné. Lorsque son beau-frère aurait appris sa prochaine exécution en prison, il aurait organisé son évasion. Le demandeur ajoute que pour leur sécurité, les membres de sa famille se seraient refugiés à … au Congo. Il n’aurait ainsi pas eu d’autre choix que de fuir son pays, quitter sa famille pour trouver refuge dans un pays où il pourrait vivre en toute sécurité et en paix. Il en conclut qu’il remplirait les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié.
Concernant la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, sur base des articles 2 g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur reproche au ministre d’avoir retenu qu’il n’aurait pas mentionné de faits qui seraient à qualifier d’atteintes graves, et ce d’autant plus qu’il n’aurait pas été en mesure de souligner, lors de son entretien auprès de l’agent ministériel, qu’il encourrait un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour en Angola, faute par l’agent ministériel d’avoir posé la question en ce sens. Il donne à considérer que son récit démontrerait pourtant qu’il ne pourrait espérer une protection de la part des autorités angolaises. Ainsi, en cas de retour en Angola, il craindrait encore à juste titre d’être emprisonné par les forces de l’ordre angolaises et de subir à nouveau des violences et tortures lors de son emprisonnement. Au regard de ces éléments, il estime qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que s’il était renvoyé en Angola, il courrait un réel risque de subir les atteintes graves telles que définies par l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 contre lesquelles aucune protection étatique ne saurait être valablement espérée et en conclut que l’ensemble des conditions pour pouvoir bénéficier du statut de protection subsidiaire seraient remplies dans son chef.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de loi du 18 décembre 2015 les énumère sous ses points a), b) et c), comme étant respectivement « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat;
13 b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » Aux termes de l’article 40 de la même loi « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la même loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doitbénéficier du doute en application de l’article 4, point 5 de la directive 2011/95, repris en droit national à l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves1.
Il se dégage, à ce propos, de la décision litigieuse que le ministre a remis en cause l’intégralité de la crédibilité du récit du demandeur.
Or, le tribunal partage les doutes du ministre et du délégué du gouvernement quant à la crédibilité du récit du demandeur concernant son engagement politique, étant relevé que dans le recours sous analyse, il confirme que seuls les problèmes liés à son activisme politique seraient à l’origine de sa demande de protection internationale au Luxembourg.
En effet, force est, tout d’abord, de constater que le demandeur reste incapable de fournir une chronologie cohérente des faits importants à la base de sa demande de protection internationale. Ainsi, concernant la date de la distribution des tracts et de son arrestation, le demandeur soutient que ces évènements se seraient passés en « […] 2018/2017, les jours des élections. Parce qu’on organisait des élections. Après les élections d’Edouard de Santos. »2, que les élections présidentielles se sont déroulées en 20173 et qu’il se serait fait arrêter en 20184.
Il affirme également que la manifestation pour laquelle il aurait distribué des tracts devait avoir lieu après la passation de pouvoir, soit en 20185 et qu’il les aurait distribués deux mois après ladite passation de pouvoir6. A la question de l’agent en charge des entretiens « Que s’est-il passé en 2017 ? », le demandeur répond « Nous avons organisé des manifestations qui m’ont fait fuir. Mais c’est en 2019, pas 2017. »7. Il a encore assuré avoir été arrêté en septembre ou octobre 20198, ce qui ne correspond d’ores et déjà pas à la période des élections, qui ont eu lieu, tel qu’indiqué par la partie étatique et non remis en cause par le demandeur, en août 2017.
Force est de constater que, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, le demandeur affirme avoir distribué des tracts au marché suite aux fraudes des élections présidentielles de 2017 et la passation de pouvoir, ajoutant ainsi de la confusion à la date exacte à laquelle il aurait été appréhendé au marché, date qui ne correspond, par ailleurs, pas avec la suite de son récit.
En effet, concernant le moment de sa fuite vers … et de son pays d’origine, le demandeur affirme lors de ses entretiens avec l’agent du ministère, qu’il serait allé à … le 22 juillet 2019 après l’incident au marché et qu’il y serait resté chez un ami avant de quitter son pays d’origine le 13 octobre 20199, en confirmant, par la suite, qu’il aurait quitté … en octobre 201910. Or, ces versions entrent en conflit avec (i) celle fournie devant la police, selon laquelle 1 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.
2 Page 20 du rapport d’audition.
3 Page 20 du rapport d’audition.
4 Page 20 du rapport d’audition.
5 Page 22 du rapport d’audition.
6 Page 22 du rapport d’audition.
7 Page 19 du rapport d’audition.
8 Page 28 du rapport d’audition.
9 Page 10 du rapport d’audition.
10 Page 28 du rapport d’audition.il a quitté son pays d’origine en juillet 2019, qu’il s’est rendu en Turquie pendant deux jours et qu’il est resté trois mois en prison en Grèce avant d’y déposer une demande de protection internationale, soit en octobre 2019 (ii) celle livrée lors de son entretien mené dans le cadre de la procédure relevant du règlement Dublin III, alors qu’il y a précisé avoir quitté l’Angola en juillet 2019 et s’être trouvé sur le territoire grec du 25 octobre 2019 au 10 juillet 2021, et (iii) le relevé EURODAC selon lequel il a déposé une demande de protection internationale à Moria, en Grèce le 30 octobre 2019.
A cela s’ajoute que ces déclarations sont fondamentalement contredites par les photos publiées sur le compte Facebook du demandeur, à savoir une photo publiée le 10 juin 2019 sur laquelle il a concédé s’être trouvé en Turquie, ainsi qu’une autre photo publiée le 28 mars 2019 sur laquelle il est possible de voir un emballage de restauration rapide portant une inscription en langue turque, de sorte qu’il se serait trouvé en Turquie depuis au moins cette dernière date.
Les explications du demandeur à ce propos selon lesquelles son compte aurait été piraté n’emportent pas la conviction du tribunal, alors qu’il apparaît sur ces deux publications que le demandeur a répondu aux commentaires postés sur celles-ci.
L’absence de crédibilité du récit du demandeur est encore confortée par la carte de membre du parti UNITA versée par ce dernier. En effet, l’Unité de la police de l’aéroport a retenu, en date du 10 août 2023, que « Le document en question est complétement imprimé à l’aide d’une imprimante laser. Même le tampon apposé sur le dos du document est imprimé à l’aide d’une imprimante laser. Le document en question ne contient aucun élément de sécurité. », de sorte que l’authenticité de cette carte est fortement remise en cause. La date inscrite sur la carte ajoute à ce manque d’authenticité, dans la mesure où elle aurait été émise le 25 octobre 2019, soit après qu’il ait quitté son pays d’origine, le demandeur ne fournissant aucun éclaircissement plausible à ce propos.
Le manque de crédibilité du récit du demandeur concernant ses craintes de persécutions en relation avec son prétendu activisme politique se trouve davantage conforté par le fait qu’il a déclaré être recherché dans son pays d’origine11, qu’une procédure judiciaire officielle était mise en place12 et s’être échappé de prison13, mais qu’il a pu quitter son pays légalement en prenant un avion pour la Turquie.
Partant, il ressort de toutes ces considérations que la crédibilité de l’élément essentiel du récit du demandeur sur lequel il base sa demande de protection internationale, à savoir son engagement politique, est compromise.
Eu égard à ces constatations, le tribunal est amené à retenir que les conditions visées à l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015 pour pouvoir se prévaloir du bénéfice du doute sans avoir à étayer ses dires par des preuves probantes, à savoir que le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, qu’il a livré tous les éléments dont il disposait et que ses déclarations sont cohérentes, ne sont pas remplies, de sorte que son récit doit être considéré comme n’étant pas crédible dans son intégralité, sans qu’il ne soit nécessaire de prendre position sur les autres points soulevés par le ministre. En effet, les incohérences et 11 Page 20 du rapport d’audition.
12 Page 23 du rapport d’audition.
13 Page 26 du rapport d’audition.
contradictions multiples de son récit portent sur des points cruciaux, qui ne peuvent pas s’expliquer par ses problèmes cardiaques qui auraient une prétendue incidence sur sa mémoire.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal retient que le récit du demandeur en relation avec son prétendu vécu en Angola, considéré dans sa globalité, n’est pas de nature à convaincre.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé d’octroyer une protection internationale au demandeur, de sorte que le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle lui refusant ladite protection encourt le rejet pour être non fondé.
2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Le demandeur estime principalement que ce volet de la décision ministérielle devrait encourir la réformation, en conséquence de la réformation du premier volet de la décision portant refus de l’octroi d’une protection internationale dans son chef et, subsidiairement, il conclut à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire, en invoquant une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, dans la mesure où l’ordre de quitter le territoire découlerait directement de la décision rejetant l’octroi d’une protection internationale.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2 q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il convient ensuite de rappeler que si l’article 129 de la loi du 29 août 2008 - qui est applicable à la décision de retour découlant d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale, conformément à l’article 34 (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015 - renvoie à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », qui proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
Or, étant donné que le tribunal a conclu ci-avant à l’absence de crédibilité du récit du demandeur, il ne saurait se départir à ce niveau-ci de cette conclusion.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH14, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 encourt le rejet.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour être également non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 22 août 2023 portant refus d’une protection internationale ;
le déclare non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 22 août 2023 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 15 juillet 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 14 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, § 59.