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15/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47928

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2024, 47928


Tribunal administratif N° 47928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47928 2e chambre Inscrit le 13 septembre 2022 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, … (Allemagne), contre le règlement grand-ducal du 8 juin 2022 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 1998 arrêtant la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie, en matière d’acte à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47928 du rôle et déposée au gre

ffe du tribunal administratif le 13 septembre 2022 par Maître Pierre Goerens, avocat à...

Tribunal administratif N° 47928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47928 2e chambre Inscrit le 13 septembre 2022 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, … (Allemagne), contre le règlement grand-ducal du 8 juin 2022 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 1998 arrêtant la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie, en matière d’acte à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47928 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2022 par Maître Pierre Goerens, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, médecin spécialiste en neurochirurgie, demeurant à D-… (Allemagne), … ;

2) Monsieur …, médecin spécialiste en neurochirurgie, demeurant à D-… (Allemagne), … ;

3) Monsieur …, médecin spécialiste en neurochirurgie, demeurant à D-… ; et 4) Monsieur …, médecin spécialiste en neurochirurgie, demeurant à L-… ;

tendant à l’annulation du « règlement grand-ducal du 8 juin 2022 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 1998 arrêtant la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Pierre Goerens, déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 au nom des parties demanderesses, préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal attaqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre Goerens et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juin 2024.

En date du 8 juin 2022 fut pris un règlement grand-ducal modifiant le règlement grand-

ducal modifié du 21 décembre 1998 arrêtant la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 2022 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2022, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur … et Monsieur …, ci-après désignés par « les parties demanderesses », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de ce règlement grand-

ducal.

1. Quant à la compétence du tribunal Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre du règlement grand-ducal déféré.

2. Quant à la recevabilité du recours A l’appui de leur recours, les parties demanderesses affirment avoir un intérêt à agir contre le règlement grand-ducal litigieux en raison de leur qualité de médecins spécialistes dans le domaine de la neurochirurgie en ce que ledit règlement grand-ducal « modifie par son article 3 la section 7 « Neurochirurgie, Chirurgie du rachis » du chapitre 2 « Chirurgie », de la deuxième partie « Actes techniques », par l’ajout d’une nouvelle sous-section 1ère « Crâne et encéphale » qui réserve de manière abusive des actes à une catégorie déterminée de neurochirurgiens », dont elles-mêmes ne feraient pas partie, et « prescrit par ailleurs des méthodes de traitement ».

La partie étatique soulève, quant à elle, l’irrecevabilité du recours sous analyse pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des parties demanderesses.

Elle relève, à cet égard, que les parties demanderesses seraient toutes des médecins spécialistes en neurochirurgie travaillant au sein du Centre A (« CENTRE A ») et plus particulièrement dans un service dénommé « chirurgie du rachis et neurochirurgie ». Ce serait à tort qu’elles critiqueraient le fait que le règlement grand-ducal attaqué viendrait réserver de manière abusive des actes à une catégorie déterminée de neurochirurgiens, dont elles-mêmes ne feraient pas partie, et qu’il prescrirait, par ailleurs, des méthodes de traitement. En effet, il y aurait lieu de constater que le règlement grand-ducal attaqué viserait uniquement à modifier la sous-section 1 « Crâne et encéphale » de la section 7 « Neurochirurgie, Chirurgie du rachis » de la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie, donc des actes concernant exclusivement des interventions sur le crâne et l’encéphale.

Elle explique encore que le règlement grand-ducal attaqué n’interdirait pas aux parties demanderesses d’effectuer les actes en question, mais qu’il prévoirait simplement les modalités de mise en compte et de prise en charge des frais dans le cadre de l’assurance maladie.

A cela s’ajouterait qu’en vertu de l’article 4 de la loi modifiée du 8 mars 2018 relative aux établissements hospitaliers et à la planification hospitalière, ci-après désignée par « la loi hospitalière », un seul service de neurochirurgie pourrait être exploité au Luxembourg et celui-

ci serait localisé au niveau du Centre B (« CENTRE B »). Comme aucun autre hôpital ne pourrait être autorisé par le ministre ayant la Santé dans ses attributions à exploiter un service de neurochirurgie, il faudrait se demander si l’exploitation par le CENTRE A d’un service dénommé « chirurgie du rachis et neurochirurgie » est conforme aux dispositions et à l’esprit de la loi hospitalière. Cette question se poserait d’autant plus que le CENTRE A n’aurait pas demandé à pouvoir exploiter une « antenne de service » sur base d’une convention de collaboration inter hospitalière avant l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal attaqué. De ce fait, leur intérêt à agir ne serait pas légitime.

Au-delà de ce constat, il conviendrait encore de relever que les parties demanderesses déclarent, dans le cadre des faits et rétroactes développés à l’appui de leur recours, que le « groupe dans lequel [elles] travaillent » aurait réalisé « quelque 30 opérations de ce genre par année ». Comme elles ne préciseraient toutefois pas quelles interventions auraient été régulièrement pratiquées avec succès ni ne détermineraient les membres du « groupe » en question, ni l’Etat ni le tribunal ne seraient en mesure de savoir quel acte avait été effectué par le passé par quel médecin individuel avec succès.

Il s’ensuivrait que, de ce point de vue, leur intérêt à agir ne serait ni personnel, ni direct, ni certain.

La partie étatique fait encore remarquer que le règlement grand-ducal attaqué ne réserverait de toute façon pas tous les actes au service national de neurochirurgie, mais uniquement ceux pour lesquels il est jugé indispensable de les effectuer au niveau de l’établissement hospitalier qui a été désigné à cette fin, conformément à la loi hospitalière, pour exploiter ledit service national.

Enfin, la partie étatique relève que si les parties demanderesses affirmaient, toujours dans le cadre des faits et rétroactes développés à l’appui de leur recours, que « certaines des interventions », qui leur seraient désormais interdites, seraient à réaliser en urgence et que, dans pareils cas, le déplacement d’un patient en état critique ne serait pas dans son intérêt alors que « les actes seraient possibles au CENTRE A », il n’en resterait pas moins qu’elles ne spécifieraient pas parmi les actes qui désormais ne pourraient plus être mis en compte par eux, lesquels seraient ceux devant être réalisés en urgence, c’est-à-dire pour lesquels le transfert du patient vers le service national du CENTRE B serait médicalement impossible et pour lesquels le traitement du malade pourrait être assuré au sein du CENTRE A dans les mêmes conditions qu’au sein du service national dûment autorisé et situé au CENTRE B.

Pour toutes ces raisons, le recours serait à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des parties demanderesses.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses contestent le moyen d’irrecevabilité leur opposé en donnant tout d’abord à considérer que ni l’Etat, ni la Caisse nationale de Santé (« CNS ») ne pourraient à l’heure actuelle affirmer ne pas avoir été informés du fait qu’au sein du CENTRE A il existerait depuis longtemps un service de neurochirurgie alors que les actes de neurochirurgie posés par ce service auraient toujours été remboursés par la CNS et qu’à aucun moment la légalité dudit service n’aurait été remise en cause par les autorités compétentes. Il s’ensuivrait que même si certes, suivant la loi hospitalière, l’exploitation d’un service de neurochirurgie ne pouvait être autorisée que dans un seul hôpital, il n’en resterait pas moins que l’exploitation d’un tel service au sein du CENTRE A, lequel serait, par ailleurs, nécessaire pour le bon fonctionnement des urgences, aurait été acceptée par les autorités compétentes.

Elles continuent en expliquant que ce ne serait que depuis l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal attaqué que les actes visés par la réglementation pourraient, sous réserve des urgences, seulement être effectués au sein du service national de neurochirurgie. Il serait dès lors faux d’affirmer que le règlement grand-ducal en cause ne leur interdirait pas d’effectuer les actes concernés, mais prévoirait « simplement des modalités de mise en compte et de prise en charge des frais dans le cadre de l’assurance maladie ». En effet, en droit, comme dans les faits, le rôle de la nomenclature et du règlement grand-ducal attaqué irait bien au-delà de la simple tarification et des simples questions de remboursement, les parties demanderesses faisant valoir qu’en application de l’article 65, alinéa 3 du Code de la sécurité sociale (« CSS ») « la nomenclature peut avoir une orientation prioritaire ou exclusive de la dispensation de certains actes vers des services et de centres de compétences hospitaliers ». Il devrait dès lors être admis que suivant cet article, lu en combinaison avec la loi hospitalière, une éventuelle exclusivité pour la dispensation de certains actes ne serait effective qu’après que la nomenclature ait prévu une orientation exclusive en ce sens, ce qui serait le cas en l’espèce puisque le règlement grand-ducal attaqué déciderait directement quels actes sont réservés exclusivement au service national de neurochirurgie et complèterait ainsi sur un point essentiel la loi hospitalière. Ce ne serait, en effet, que depuis l’entrée en vigueur du règlement grand-

ducal en cause que les actes en question ne pourraient être prestés qu’au sein du service national de neurochirurgie.

Les parties demanderesses précisent, par ailleurs, ne plus réaliser les actes en question depuis l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal attaqué.

Enfin, elles soulignent que la partie étatique admettrait qu’elles seraient directement impactées par le règlement grand-ducal litigieux en affirmant que « les neurochirurgiens ne travaillant pas au niveau du service national de neurochirurgie avaient été invités par la société de consultance, qui à l’époque avait été chargée par la CNS, à participer aux travaux d’élaboration [de la nomenclature litigieuse] », ce dont il faudrait déduire que les neurochirurgiens en question, dont les parties demanderesses, seraient nécessairement directement impactés par la nouvelle nomenclature puisque, dans le cas contraire, il ne ferait pas de sens que l’Etat ait entendu les faire participer à une procédure qui leur serait parfaitement étrangère.

Comme le règlement grand-ducal attaqué impacterait dès lors directement leur situation juridique, elles auraient un intérêt personnel, direct, actuel et certain pour agir à son encontre.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique maintient que le recours sous analyse serait à déclarer irrecevable à défaut pour les parties demanderesses de disposer d’un intérêt à agir contre le règlement grand-ducal attaqué. Elle insiste, à cet égard, plus particulièrement sur le fait que ce serait à tort que les parties demanderesses affirment que le règlement grand-ducal attaqué du 8 juin 2022 leur interdirait d’effectuer « les actes énumérés sous la remarque 1) de la sous-section 1 de la section 7 du chapitre 2 de la deuxième partie de la nomenclature » alors que ce serait la loi hospitalière qui aurait institué le service national de neurochirurgie et non pas le règlement grand-ducal critiqué. Elle donne également à considérer que même si le règlement grand-ducal attaqué était annulé, il n’en resterait pas moins que « l’activité neurochirurgicale […] devrait être effectuée conformément à la loi hospitalière au sein du service national de neurochirurgie du CENTRE B » et qu’« [e]n tout état de cause la prise en charge des frais y relatifs [ne serait] pas due ». Elle réfute enfin que les parties demanderesses puissent se prévaloir d’un intérêt à agir dans leur chef du simple fait d’avoir été contactées par la CNS en leur qualité de médecins spécialistes en neurochirurgie dans le contexte des adaptations projetées de la nomenclature en cause.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 : « (1) Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent. (2) Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain. […] ».

Un demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général pour pouvoir introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire. Par ailleurs, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère règlementaire, il ne suffit pas qu’un demandeur fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre l’acte querellé et sa situation personnelle. Finalement, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, d’un intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à caractère règlementaire soit déclaré recevable1. Ainsi, le recours contentieux contre un acte administratif à caractère règlementaire n’est recevable que si l’annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au demandeur en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s’en trouver améliorée.

Il y a encore lieu de relever que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2.

En l’espèce, les parties demanderesses, qui déclarent avoir toutes la qualité de médecins spécialistes dans le domaine de la neurochirurgie pratiquant au sein du CENTRE A, fondent leur intérêt à agir contre le règlement grand-ducal attaqué sur le reproche que celui-ci, en ce qu’il modifie par le biais de son article 3 « la section 7 « Neurochirurgie, Chirurgie du rachis » » figurant au « tableau des actes et services à la deuxième partie « Actes techniques », chapitre 2 « Chirurgie », du même règlement », en remplaçant dans son point 1° l’ancienne « sous-section 1re « Crâne et encéphale » », tout en indiquant à la fin dudit point, à titre de remarque, que « 1) Les positions YJQ11 à YJD13, YNC15 à YNA27, YNP29, YPD11 à YPA15, YQC16, YQA27, YRA11 à YRH28, YTA11, YUA11 à YUA17 et YVQ11 à YVA14 sont prestées exclusivement au sein du service national de neurochirurgie. […] », viendrait leur interdire 1 Trib. adm., 15 mai 2002, n° 14420 du rôle, confirmé par Cour adm., 22 janvier 2004, n° 16628C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 39 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., prés., 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y visées.

d’effecteur les actes ainsi énumérés, respectivement réserverait « de manière abusive des actes à une catégorie déterminée de neurochirurgiens », en l’occurrence aux médecins travaillant au sein du service national de neurochirurgie localisé au CENTRE B.

Il y a, à cet égard, lieu de relever qu’il se dégage des travaux préparatoires à la base du règlement grand-ducal en cause que celui-ci vise notamment à remplacer les codes de la nomenclature de neurochirurgie du « Chapitre 2 – Chirurgie – Section 7 – Neurochirurgie, Chirurgie du rachis – Sous-section 1 – crâne et encéphale » de la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie, afin que la nomenclature de neurochirurgie du crâne tienne compte des pratiques actuelles de la neurochirurgie3 et s’aligne avec la loi hospitalière qui réserve certaines activités neurochirurgicales à un service national de neurochirurgie4.

En précisant à l’article 3, point 1°, sous la remarque 1) que les actes y énumérés sont uniquement pris en charge par l’assurance maladie s’ils sont réalisés au sein du service national de neurochirurgie, le règlement grand-ducal en question ne fait rien de plus que s’aligner avec la loi hospitalière à travers laquelle le législateur a lui-même décidé de centraliser certaines activités neurochirurgicales et plus particulièrement les actes jugés indispensables d’être effectués au niveau d’un service national de neurochirurgie qui dispose de tous les moyens nécessaires pour prendre le patient en charge dans sa globalité, avant l’opération et jusqu’à quelques jours après son intervention, le tout de la manière la plus optimale qui soit.

En effet, l’article 4 de la loi hospitalière définit un certain nombre de services hospitaliers, qualifiés de « service national », dont l’exploitation ne peut être autorisée que dans un seul hôpital et précise dans son paragraphe (2) que parmi ces services hospitaliers figure la « Neurochirurgie ».

Il n’est, dans ce contexte, pas contesté que le service national de neurochirurgie est localisé au niveau du CENTRE B.

Par ailleurs, suivant l’annexe 2 de la loi hospitalière, intitulée « Définitions des services hospitaliers », le service national de neurochirurgie est défini comme suit :

« Un service assurant le diagnostic, le traitement chirurgical et la prise en charge péri-

opératoire des malformations, maladies, traumatismes, y compris leurs séquelles, du système nerveux central, de ses enveloppes, de ses vaisseaux et de ses cavités, ainsi que du système nerveux périphérique et végétatif. Le service de neurochirurgie dispose d’un lien fonctionnel, sur le même site, avec un service d’imagerie médicale pratiquant la neuro-imagerie interventionnelle, un service de neurologie, un service neuro-vasculaire (de niveau 2) et un service de soins intensifs pratiquant des soins intensifs spécialisés en neurologie et en neurochirurgie ; les critères et les modalités d’accès et de transfert des patients entre ces services font l’objet de dispositions établies en commun. Il participe aux réunions de concertations pluridisciplinaires pour toute son activité oncologique. Il dispose d’une convention avec un service de réhabilitation neurologique et avec tout service d’orthopédie d’un autre site réalisant des interventions sur le squelette axial, précisant les critères et les modalités de transfert des patients. Le service de neurochirurgie est autorisé à pratiquer la chirurgie stéréotaxique à condition de disposer de l’équipement nécessaire. ».

3 Exposé des motifs et commentaires des articles du projet de règlement grand-ducal du 8 juin 2022.

4 Recommandation circonstanciée de la Commission de nomenclature concernant la nomenclature des actes et services des médecins pris en charge par l’assurance maladie.

C’est donc bien la loi hospitalière qui centralise l’exploitation des activités neurochirurgicales, telles que définies à l’annexe 2, au niveau du service national localisé au sein du CENTRE B.

S’il se dégage encore de la loi hospitalière et plus particulièrement de son article 9, paragraphe (7) qu’une « « antenne de service » peut […] être exploitée par un établissement hospitalier ne disposant pas du service hospitalier en question, sur base d’une convention de collaboration interhospitalière avec un établissement hospitalier disposant d’un tel service, dont le projet de service reprend les modalités de cette collaboration », il n’en reste pas moins qu’il n’est pas contesté qu’au moment de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal attaqué, le CENTRE A, au sein duquel exercent les parties demanderesses en leur qualité de médecins spécialisées en neurochirurgie, n’avait pas demandé à pouvoir exploiter une « antenne de service » sur base d’une telle convention inter hospitalière.

Au vu des considérations qui précèdent, il doit donc être admis que, contrairement à ce que soutiennent les parties demanderesses pour justifier leur intérêt à agir, le règlement grand-

ducal attaqué n’est pas venu réserver, à travers la remarque 1) contenue dans son article 3, point 1°, certaines activités neurochirurgicales au service national de neurochirurgie, ni n’est a fortiori venu interdire aux médecins ne pratiquant pas au sein du service national de neurochirurgie d’effectuer lesdites activités, ledit règlement grand-ducal se limitant, en effet, à prévoir les modalités de mise en compte et de prise en charge, par l’assurance maladie, des frais en relation avec des interventions neurochirurgicales au niveau du crâne et de l’encéphale que la loi hospitalière elle-même réserve à un service national de neurochirurgie.

Il s’ensuit encore qu’il n’est pas établi dans quelle mesure le règlement grand-ducal attaqué affecte la situation personnelle des parties demanderesses dans le sens décrit par elles, à savoir qu’en leur qualité de médecins spécialistes dans le domaine de la neurochirurgie exerçant au sein du CENTRE A il leur interdirait de poser dorénavant des actes chirurgicaux au niveau du crâne qu’elles auraient posés jusqu’à l’entrée en vigueur de celui-ci, cette restriction découlant, en effet, de la loi hospitalière et non pas du règlement grand-ducal en cause. Ainsi, même en cas d’annulation dudit règlement grand-ducal, les activités neurochirurgicales, telles que définies à l’annexe 2, ne pourraient être prestées, conformément à la loi hospitalière, qu’au sein du service national de neurochirurgie du CENTRE B, respectivement au sein d’une « antenne de service » au sens de l’article 9, paragraphe (7) de la loi hospitalière.

Il y a dès lors lieu de conclure que les parties demanderesses ne démontrent pas qu’elles disposent d’un intérêt à agir contre le règlement grand-ducal attaqué, de sorte que le recours sous analyse est à déclarer irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable, partant le rejette ;

condamne les parties demanderesses aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 15 juillet 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47928
Date de la décision : 15/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-15;47928 ?

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