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15/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47860

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2024, 47860


Tribunal administratif N° 47860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47860 1re chambre Inscrit le 25 août 2022 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47860 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2022 par Maître Marcel MA

RIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif N° 47860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47860 1re chambre Inscrit le 25 août 2022 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47860 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2022 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 juillet 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2024.

Le 22 juin 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 25 novembre 2020, 7 et 26 janvier, ainsi que le 19 février 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 20 juillet 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 22 juillet 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », 1informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 22 juin 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 22 juin 2020, votre fiche manuscrite du 22 juin 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 25 novembre 2020, du 7 et 26 janvier et du 19 février 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession musulmane et être originaire du quartier de … à Conakry en Guinée où vous auriez vécu seul et partiellement chez votre oncle. Vous seriez détenteur d'une licence de droit que vous auriez obtenu après avoir étudié d'octobre … à juin … à l'Université Générale de …. En parallèle à vos études, vous auriez possédé un commerce d'alimentation et vous auriez soutenu l'activité commerciale de votre beau-frère, vendeur …, au marché de ….

Vous expliquez avoir quitté la Guinée le 29 octobre 2019 car vous auriez été menacé par les forces de l'ordre et auriez craint pour votre vie en raison de vos opinions antigouvernementales et de votre activisme politique ; votre appartenance à l'ethnie Peul étant un facteur aggravant. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous redoutez de vous faire tuer ou emprisonner.

Dans ce contexte, vous expliquez d'abord que lors des élections présidentielles de 2015, tout comme durant celles de 2010, le parti « Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) » aurait fructueusement instrumentalisé en sa faveur les divers groupes ethniques guinéens.

Alpha Condé - candidat du RPG et Président de la Guinée - aurait par exemple galvanisé son groupe ethnique, les Malinkés, en proférant selon vous des accusations mensongères contre les Peuls. Suite à ces diffamations calomnieuses, sans que vous auriez personnellement subi des représailles, vous indiquez que des commerces de Peuls auraient été sabotés.

Pour lutter contre ce sentiment d'injustice, vous auriez décidé d'entamer des études de droit en juin 2016 à Conakry afin d'être en mesure de lutter pour vos droits, une alternative que vous auriez jugée plus sécurisée que votre participation à des manifestations. En dépit du risque, car « si on manifeste on nous tue » (p.9 du rapport d'entretien), vous auriez néanmoins décidé de participer à votre première manifestation en août 2016 suite à un appel des partis d'opposition, respectivement de l'« Union des forces démocratiques de Guinée (UFGD) », du « Bloc Libéral (BL) », de la « Génération pour la Réconciliation, l'Union et la Prospérité (GRUP) » et de la « Nouvelle Force Démocratique (NFD) ». Vous réclamant de l'opposition, 2mais n'étant « pas un militant mais plutôt un sympathisant (…) un activiste de la société civile » (p.9 du rapport d'entretien), vous déclarez que vous auriez participé à d'autres manifestations pour exprimer votre « ras-le-bol » (p.10 du rapport d'entretien).

En octobre 2018, alors que le gouvernement d'Alpha Condé aurait « remis en cause notre Constitution » (p.6 du rapport d'entretien) dès 2017, vous auriez créé un mouvement étudiant dont vous auriez été le « cerveau » et que vous auriez financé personnellement.

Jusqu'en mars 2019, vous auriez mené avec les six autres membres une dizaine d'actions au sein de votre Université, en collant des affiches et distribuant des flyers, afin de « sensibiliser », « d'informer le maximum de personnes sur la fausseté du pouvoir en place » (p.10 du rapport d'entretien) et sur l'illégalité du changement constitutionnelle promu par le gouvernement. Vous précisez par ailleurs que le chef du département de droit vous aurait averti verbalement à plusieurs reprises que vous devriez cesser vos activités.

Vous auriez ensuite appris qu'en mars 2019, Alpha Condé visiterait votre Université pour se voir décerner un titre. À cette occasion, vous auriez préalablement distribué aux étudiants universitaires des flyers indiquant que le Président était invité à s'exprimer sur « l'illégalité du changement de Constitution » (p.6 du rapport d'entretien), respectivement briguer un troisième mandat, alors qu'a en tant qu'étudiants en droit, nous n'accepterions pas un tel changement » (p.6 du rapport d'entretien).

Toutefois, une semaine avant sa visite, vous auriez été arrêté par des membres des forces de l'ordre. En rentrant chez vous, vous auriez croisé une patrouille des forces de l'ordre dont les membres armés et en uniforme se seraient exclamés en soussous en vous voyant « c'est lui ! » (p.6 du rapport d'entretien). Vous auriez ensuite été « kidnappé » (p.6 du rapport d'entretien), cagoule, frappé et piétiné puis embarqué vers une destination inconnue pendant qu'ils auraient parlé en malinké entre eux.

Arrivé dans une maison, vos ravisseurs - des inconnus cagoulés - vous auraient retiré votre cagoule et fait asseoir sur un siège. Alors que votre copine aurait essayé de vous joindre par téléphone, ils se seraient emparés de vos appareils électroniques, respectivement votre ordinateur et vos deux téléphones portables. Puis, vos ravisseurs se seraient mis à vous insulter et à vous intimider. Ils vous auraient interrogé sur vos intentions dans le cadre de la visite d'Alpha Condé à votre Université et vous auraient demandé qui vous aurait recruté, insinuant que vous l'auriez été « par la communauté Peul » (p.6 du rapport d'entretien), car le principal opposant politique guinéen est Peul comme vous, « ou par l'UFDG » (p.6 du rapport d'entretien), car vos ravisseurs soupçonnaient ce parti d'avoir mobilisé des opposants pour créer un mouvement étudiant visant à déstabiliser le régime. Vous auriez réfuté ces allégations et répondu que vous aviez entamé toutes vos actions de votre propre chef. Insatisfaits et agacés, ils vous auraient frappé, menacé que « j'allais mourir, qu'ils allaient me tuer » (p.6 du rapport d'entretien) et intimidé pour « m'appeler à cesser mes activités » (p.13 du rapport d'entretien).

Entre-temps, vous indiquez qu'un des ravisseurs aurait eu une conversation téléphonique avec un dénommé X dont vous auriez reconnu la voix. Il s'agirait du chef de classe de votre Université, un militant du RPG avec qui vous auriez souvent été en contradiction.

Vous supposez que X aurait probablement cherché à connaître l'identité des membres de votre mouvement afin d'identifier les personnes hostiles au gouvernement au sein de votre Université. Par ailleurs, un des ravisseurs aurait également consulté vos affaires personnelles.

Il vous aurait montré vos propres vidéos filmées entre 2017 et 2019, et publiées sur Facebook, dans lesquelles vous auriez sévèrement critiqué le gouvernement, dénoncé les atrocités 3commises contre les Peuls, déploré la répression violente des forces de l'ordre pour empêcher le déploiement de manifestations et accusé les assassinats et les arrestations arbitraires depuis l'arrivée au pouvoir d'Alpha Condé. Puis, il vous aurait demandé de déverrouiller vos appareils électroniques afin d'en analyser le contenu et répertorier vos contacts. Il vous aurait demandé l'identifiant de votre compte Facebook et aurait modifié votre mot de passe, chose dont vous auriez uniquement pris connaissance plus tard, après avoir essayé de vous reconnecter.

Vos ravisseurs vous auraient ensuite demandé de signer un document attestant que vous êtes « contre le pouvoir et que je suis financé par l'UFGD » (p.6 du rapport d'entretien). Vous auriez d'abord refusé de signer ce document puis, sous la menace, vous auriez été contraint de le faire. Le lendemain, ils vous auraient à nouveau interrogé et vous auraient autorisé à contacter les personnes pouvant s'inquiéter de votre absence, au motif que vous seriez occupé à cause de travaux universitaires, tout en vous braquant avec une arme. Vous seriez encore resté détenu pendant une semaine entière, respectivement jusqu'à la visite d'Alpha Condé à votre Université. Après celle-ci et avant de vous libérer, vos ravisseurs vous auraient informé que votre ami Z, membre de votre mouvement universitaire et producteur des flyers, serait décédé dans un accident de voiture. Ils vous auraient aussi averti qu'ils contrôleraient tout votre mouvement et qu'il serait voué à disparaître car tous vos projets seraient empêchés. Vous précisez que vos ravisseurs auraient été « des gens qui travaillent pour l'Etat (…) Puisqu'ils m'ont arrêté dans le cadre de mes activités critiques par rapport au gouvernement. Egalement les questions qu'ils me posaient laisser (sic) entendre qu'ils travaillent pour l'Etat » (p.14 du rapport d'entretien).

Après votre libération, vous auriez culpabilisé d'avoir signé le document et vous auriez jugé que la mort de Z n'était pas anodine, soupçonnant vos ravisseurs d'en être les responsables « le but c'était de m'effrayer pour que je stoppe ce mouvement (…) ils voulaient me faire passer un message » (p.18 du rapport d'entretien). Vous ne seriez pas retourné à l'Université pour suivre vos cours car vos ravisseurs vous l'auraient interdit mais vous y seriez cependant retourné pour consulter des responsables du département de droit. Ceux-ci auraient reçu l'ordre d'interdire votre présence lors des cours et vous auraient expliqué que votre présence à l'Université n'était plus désirable. Vous auriez toutefois été autorisé à y retourner pour effectuer vos évaluations entre avril et juin 2019.

Ensuite, en mai 2019, Y alias Y - un ami de votre ami - aurait cofondé le « Front National de Défense de la Constitution (FNDC) ». Chargé de la mobilisation citoyenne, il aurait sillonné les quartiers de Conakry pour recruter de nouveaux adhérents. Il vous aurait demandé si vous souhaitiez être le représentant local du FNDC, offre que vous auriez refusée après réflexion en raison des avertissements reçus en mars 2019. Plus tard, vous auriez toutefois décidé de faire conjointement avec le représentant local du FNDC des campagnes de sensibilisation auprès des habitants de votre quartier et d'organiser des réunions au domicile de votre oncle durant les mois de juin et juillet 2019.

Puis, en septembre 2019, Alpha Condé aurait fait une déclaration à partir des États-Unis pour inviter les Guinéens à participer à un référendum. Vous auriez par conséquent publié des vidéos, dont une le 22 septembre 2019 pour critiquer cette déclaration et les motivations anticonstitutionnelles d'Alpha Condé. Le jour suivant, un pick-up de la Gendarmerie se serait arrêté devant votre domicile en votre absence et les gendarmes auraient demandé des renseignements à votre égard à vos voisins. Ceux-ci vous en auraient averti et vous auraient conseillé de vous cacher. Vous seriez parti vous abriter pendant un mois chez 4votre ami nommé … dans la banlieue de Conakry, à Hafia. Vous précisez que vos anciens ravisseurs, en possession de votre liste de contacts, auraient appelé vos connaissances pour tenter de vous débusquer et se seraient présentés au commerce de votre beau-frère. Par conséquent, vous auriez décidé de fuir votre pays d'origine que vous auriez quitté le 29 octobre 2019.

Vous ne présentez pas de documents à l'appui de votre demande de protection internationale, vous partagez uniquement le lien d'une vidéo publiée par vous-même sur YouTube, dans laquelle vous critiquez le gouvernement de Condé, ainsi que les identifiants de vos comptes Facebook et Twitter.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement en cause, il y a lieu de relever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien ainsi que des éléments de votre dossier une série d'éléments pour le moins incohérents, contradictoires, et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.

Premièrement, il y a lieu de mentionner que vous avez, à quelques reprises, répondu de manière erronée lorsque vous avez été interrogé sur la politique guinéenne. Vous avez par exemple affirmé que le parti au pouvoir, le RPG, aurait changé son nom en « RPG Arc-en-ciel » à partir de 2015. Or, il ressort des recherches du Ministère que le RPG aurait modifié son nom en 2012, soit trois ans auparavant, dans le cadre d'une fusion du RPG avec d'autres partis politiques - à savoir un évènement majeur et important dans l'histoire de ce parti politique - issue d'une alliance du même nom, « Alliance Arc-en-Ciel », ayant joué un rôle crucial lors de la victoire d'Alpha Condé à l'élection présidentielle de 2010. À cela s'ajoute que vous avancez que l'UFDG aurait été fondée en 2007 (p.13 du rapport d'entretien) alors qu'en réalité, le site officiel du parti rapporte que sa création remonte à 1991 et que sa dénomination actuelle date de 1997. Finalement, concernant le FNDC, mouvement et regroupement civique dont vous prétendez avoir été « militant » (p.20 du rapport d'entretien), vous déclarez que « De sa création au mois d'avril 2019 jusqu'au mois d'octobre 2019, il n'y a pas eu de manifestation de la part du FNDC. Les manifestations ont commencé au mois d'octobre 2019 » (p.21 du rapport d'entretien). Or, selon les recherches du Ministère, le FNDC aurait déjà effectué une série de manifestations dès juin 2019, voir mai 2019. Ainsi, Monsieur, au vu de ces erreurs notables et notamment la dernière susmentionnée, il convient de s'interroger du degré réel de votre engagement politique alors que « Je me réclamais de l'opposition » (p.9 du rapport d'entretien) et que vous vous qualifiez d'« activiste de la société civile » (p.9 du rapport d'entretien) et militant du FNDC.

Deuxièmement, il s'avère que vous n'avez déposé aucun élément en mesure de prouver vos dires en dehors d'une vidéo futile, publiée sur YouTube en février 2017, n'ayant accumulé que 43 vues, dans laquelle vous critiquez la volonté d'Alpha Condé de modifier la Constitution guinéenne. La même conclusion s'impose en ce qui concerne votre supposé compte Twitter - dont l'inscription date de décembre 2020 soit deux mois après votre prétendu départ de Guinée - et Facebook, alors qu'aucun élément ne permet de prouver que vous en êtes le détenteur. Or ces trois sources ne permettent en rien de réellement confirmer vos dires, respectivement que vous auriez participé à des manifestations, que vous auriez publié plusieurs vidéos sur Facebook critiquant la politique guinéenne, que vous auriez été le fondateur d'un 5mouvement universitaire ou que vous auriez été militant auprès du FNDC.

Dans ce contexte, il convient également d'ajouter que vous restez imprécis dans votre récit et que vous répondez de manière peu détaillée et souvent abstraite. Concernant votre participation à des manifestations par exemple, vous êtes uniquement en mesure de citer celle d'août 2016 et vous prétendez ne pas vous rappeler à quelles autres manifestations vous auriez participé (p.10 du rapport d'entretien) ; fait déconcertant pour un supposé « activiste de la société civile » (p.9 du rapport d'entretien) alors que l'on aurait raisonnablement pu s'attendre à plus de détails de votre part quant aux dates, lieux ou motifs de ces autres manifestations.

Ensuite, par rapport à votre mouvement étudiant, vous restez taciturne quant au contenu des différents flyers que vous auriez distribué au sein de votre Université, fait paradoxal alors que vous en auriez apparemment été le concepteur. De plus, vous expliquez que votre mouvement n'aurait étrangement pas porté de nom, qu'il aurait survécu à votre départ de Guinée alors que vous en auriez été le « cerveau », et qu'il disposerait d'un compte Facebook dont « Je ne me rappelle plus, il faudrait que je demande à certaines personnes le nom exact » (p.12 du rapport d'entretien) ; réponse étonnante au vu de vos propos susmentionnés. Il y a lieu d'en conclure que vos déclarations imprécises et laconiques ne sont vraisemblablement qu'une stratégie que vous avez adopté afin de ne permettre aucune démarche de vérification de la part du Ministère et de camoufler au mieux le caractère probablement fictif et inventé de votre récit.

Troisièmement, en ce qui concerne les faits relatifs à votre arrestation et détention, il est déconcertant que vous ne soyez pas en mesure de déterminer précisément par quels représentants des forces de l'ordre vous auriez été « kidnappé ». Vous évoquez dans un premier temps avoir été embarqué par un « pick-up de gendarmes » (p.6 du rapport d'entretien) pour ensuite dans un deuxième temps préciser que « je ne fais pas trop la distinction entre gendarmes et autre gens en tenue, ça peut-être la brigade anticriminelle ou quelqu'un d'autre » (p.6 du rapport d'entretien). Or, Monsieur, les uniformes et « code couleur » utilisés par les représentants des forces de l'ordre en Guinée ne permettent pas de laisser planer le doute aux citoyens guinéens quant à leur appartenance. En effet, les pickups de la gendarmerie sont généralement bleus, ont y retrouvent visiblement l'inscription « gendarmerie » en majuscule sur les côtés et le logo sur le capot avec les initiales « GN ». Inversement, les véhicules de la brigade anticriminelle sont blancs avec les initiales « BAC » sur les côtés et sur le capot.

À cela s'ajoute que, pendant votre détention, vous expliquez tout d'abord que vos ravisseurs auraient « pris mon sac avec mon ordinateur et mes deux téléphones » (p.6 du rapport d'entretien), puis que vous auriez été insulté et intimidé avant que votre copine tente de vous appeler sur votre téléphone : « Ma copine essayait de m'appeler. C'était marqué « Ti cœur » sur l'appel » (p.6 du rapport d'entretien). L'agent en charge de votre entretien s'est alors logiquement interrogé sur la façon dont vous auriez pu savoir que quelqu'un vous appelait et que cet appel provenait de votre copine étant donné que vos téléphones auraient déjà été saisis par vos ravisseurs. Par conséquent, vous rectifiez votre version abruptement afin d'apporter de la cohérence au déroulement chronologique de votre récit en répondant que : « C'est une erreur de ma part. Ces deux téléphones étaient dans ma poche et un d'entre eux a vibré. L'un des ravisseurs a sorti mes téléphones de ma poche et c'est à ce moment-là que j'ai vu que ma copine appelait » (p.13 du rapport d'entretien). Or Monsieur, la nécessité d'une telle correction - uniquement motivée par le questionnement de l'agent en charge de votre entretien - ne permet pas d'accorder de la crédibilité à vos dires et bouleverse le déroulement de votre détention de sorte que l'authenticité de celle-ci est à remettre en doute.

6Ce constat est corroboré par le fait que vous mentionnez d'abord qu'un des ravisseurs serait « venu avec des vidéos que je postais sur Facebook dans lesquelles je m'adressais très mal à propos du gouvernement » (p.6 du rapport d'entretien). Puis plus tardivement, vous rapportez que ce dernier vous aurait « demandé mon compte Facebook. Il a récupéré le compte, il a modifié le mot de passe » (p.6 du rapport d'entretien). Or, il est étrange de constater que d'une part, ce ravisseur aurait connu votre compte Facebook, respectivement votre nom sur le réseau social, puisqu'il vous aurait montré les vidéos que vous auriez publiées dessus et que d'autre part, il aurait eu besoin de vous demander votre compte Facebook pour le récupérer et modifier le mot de passe. Il s'agit donc là de deux parties contrastantes de votre récit qui ne sauraient se chevaucher logiquement et qui renforcent les doutes précédemment émis quant à l'authenticité de votre récit À cet égard, il convient également de souligner le fait que vos déclarations sur votre vécu se trouvent contredites et qu'elles ne concordent pas entièrement lorsque l'on compare votre rapport d'entretien et votre fiche manuscrite du 22 juin 2020.

En effet, vous avez indiqué dans votre fiche manuscrite que vous auriez été « à maintes reprises arrêté et des fois, emprisonné et torturé par les forces de l'ordres (sic) de mon pays ».

Or, après analyse de votre rapport d'entretien, il appert que vous ne faites état que d'une seule arrestation ayant découlé sur une unique détention d'une semaine, et non d'éventuelles expériences similaires et multiples contrairement à ce que vous relayez dans votre fiche manuscrite en employant les termes « maintes reprises » et « des fois ». Vous évoquez également dans votre fiche manuscrite que vous auriez été « torturé » alors que, paradoxalement, vous n'avez jamais employé ce terme dans le cadre de votre entretien auprès du Ministère. Force est de constater que vous mentionnez dans votre rapport d'entretien que vous n'auriez été frappé qu'« une seule fois » (p.14 du rapport d'entretien), que vous auriez été blessé « superficiellement » (p.14 du rapport d'entretien), sous-entendant en réalité que le degré de violence n'était pas d'une gravité élevée, que vous n'auriez pas demandé des soins après votre libération et que vous n'en auriez pas gardé des séquelles. Or, de tels propos et une telle attitude ne sont clairement pas comparables à ceux d'une personne ayant réellement été victime d'actes de torture. Partant, le défaut de convenance entre votre fiche manuscrite et votre rapport d'entretien, alors que vous avez drastiquement réduit le nombre de fois où vous auriez été arrêté et emprisonné par les forces de l'ordre guinéenne et le degré de gravité des faits de violences dont vous auriez été victime, conduit irrémédiablement à douter de votre sincérité.

Quatrièmement, en ce qui concerne votre ami Z, il n'est pas crédible et logique que d'une part les forces de l'ordre soient responsables de sa mort dans le cadre de son accident de voiture - comme vous le sous-entendez clairement en évoquant que « J'ai pensé que la mort de Z n'était pas anodine et qu'ils l'avaient tué » (p.7 du rapport d'entretien) - alors que ce dernier s'occupait de la confection de vos flyers pour votre mouvement étudiant, et que d'autre part, les forces de l'ordre vous aient relâché alors que vous auriez été le « cerveau » de ce mouvement - en dépit du fait qu'ils vous auraient cependant menacé de mort à plusieurs reprises : « ils m'ont dit que j'allais mourir, qu'ils allaient me tuer » (p.6 du rapport d'entretien). Il est également suspicieux que vous ayez répondu par la négative (p.10 du rapport d'entretien) lorsque l'agent en charge de votre entretien vous demande si d'autres membres de votre mouvement auraient rencontré des difficultés avec les autorités guinéennes alors que ce fut prétendument le cas de Z.

De plus, vous faites état de plusieurs versions sur la manière dont sa mort vous aurait 7été apprise puis confirmée. À cet égard, il convient tout d'abord de relever le fait qu'avant de vous libérer, vos ravisseurs vous auraient informé de son décès et qu'ils vous auraient laissé consulter votre compte Facebook sur votre téléphone pour que vous puissiez vous renseigner.

Or ces informations contredisent le fait que vos ravisseurs auraient modifié le mot de passe de votre compte et que vous n'en auriez plus eu accès étant donné qu'ils vous auraient relâché directement après et que vous ne mentionnez pas leur avoir à nouveau remis votre téléphone portable. À cela s'ajoute que vous expliquez qu'après votre libération, vous auriez eu confirmation de la mort de Z lorsque vous seriez allé voir sa famille (p.18 du rapport d'entretien) et que vous vous seriez ensuite rendu à votre Université pour « m'assurer que Z était vraiment décédé. J'ai parlé avec des amis et ils m'ont dit qu'il était effectivement décédé » (p.19 du rapport d'entretien). Or, il convient de souligner qu'il est aberrant que vous ayez ressenti le besoin de vous « assurer » à une deuxième reprise auprès de vos amis universitaires que Z serait réellement mort alors que sa famille, source la plus fiable, vous l'aurait déjà confirmée précédemment.

Finalement, au vu des prétendues menaces que vous auriez reçues, il n'est pas cohérent que vous soyez retourné « plein de fois » (p.19 du rapport d'entretien) à votre Université, et ce dès quelques jours après votre libération, alors que vos ravisseurs « m'ont dit que j'arrête d'aller à l'Université » (p.18 du rapport d'entretien). Tout comme il n'est pas crédible que les responsables du département de droit vous auraient « fait comprendre que je devais arrêter les cours, que ma présence à l'université n'est plus souhaitée et que j'étais devenu un fardeau » (p.7 du rapport d'entretien) et qu'en même temps, ils vous auraient tout de même autorisé à revenir pour effectuer vos évaluations.

Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous sera accordée.

Quand bien même votre récit devrait être retenu comme étant crédible, une suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait tout de même pas être envisagée pour le raisons suivantes.

• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine car vous y auriez été 8« kidnappé », intimidé et menacé de mort par les forces de l'ordre guinéenne en raison de votre engagement politique en faveur des partis de l'opposition et contre la perspective d'une modification de la Constitution guinéenne motivée par Alpha Condé et le RPG. Votre appartenance à l'ethnie Peul aurait été un facteur aggravant puisque le principal opposant guinéen le serait également et que cette ethnie aurait été sujette à des accusations mensongères de la part du RPG en vue d'instrumentaliser la division ethnique à des fins politiques. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez de vous faire tuer ou emprisonner.

Il appert que ces faits pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 étant donné que vous avancez des motifs politiques.

Cependant, il convient de souligner que tous les incidents dont vous faites état sont en lien avec le régime d'Alpha Condé et de son parti le RPG, étant donné que vous êtes persuadé d'avoir été « kidnappé », intimidé et menacé par « des gens qui travaillent pour l'État » (p.14 du rapport d'entretien) en raison de vos « activités critiques par rapport au gouvernement » (p.14 du rapport d'entretien).

Or, depuis votre départ de votre pays d'origine en date du 29 octobre 2019, il s'avère que la nouvelle Constitution proposée par Alpha Condé a été approuvée lors d'un référendum en date du 22 mars 2020. Malgré le fait que le résultat du scrutin n'a pas été reconnu par une partie significative de l'opposition, Alpha Condé disposait des coudées franches pour effectuer un troisième mandat présidentiel consécutif et il a bien été réélu dès le premier tour en novembre 2020. Après cette réélection contestée et ayant terni son image, les tensions déjà présentes pendant les mois précédant le vote se sont intensifiées. De nombreuses villes guinéennes ont ainsi été en proie à des affrontements meurtriers entre manifestants et les forces de l'ordre, la Guinée s'enlisant ainsi dans une crise post-électorale. L'apparent épilogue d'une dizaine d'année de régime Condé s'est ensuite dénoué en septembre 2021 par un coup État militaire dirigé par Mamadi Doumbouya. Depuis, la Guinée est dans une phase dont l'enjeu est d'organiser une transition pacifique et de remettre le pouvoir aux civils le plus rapidement possible.

Ainsi, il convient de noter que les éléments que vous rapportez dans votre récit sont en l'occurrence des faits isolés qui ont eu lieu dans une situation bien spécifique, à savoir sous le régime d'Alpha Condé et de son parti le RPG. Or, à ce jour la situation en Guinée n'est plus comparable à celle d'avant votre départ en date du 29 octobre 2019, étant donné le RPG n'est plus au pouvoir et qu'Alpha Condé n'est plus Président suite à sa destitution par Mamadi Doumbouya, Président de la Transition, de sorte que vos propos à ce sujet doivent désormais être perçus comme obsolètes.

Ce constat est d'autant plus renforcé par le fait que vous avez déploré dans le cadre de votre entretien que Y, responsable de la mobilisation du FNDC au sein duquel votre adhésion en tant que militant aurait été le motif principal « qui a fait que je quitte la Guinée » (p.7 du rapport d'entretien), avait été emprisonné. Or, depuis le coup d'État de septembre 2021, ce dernier a été libéré après 16 mois d'emprisonnement par les militaires au pouvoir, tout comme 79 autres opposants politiques.

Partant, étant donné que le contexte politique et social guinéen n'est plus le même depuis votre départ de votre pays d'origine, il y a lieu d'en conclure que vous n'encourez pas, en cas de retour, d'être sujet à des actes de persécutions.

9En ce qui concerne les faits que vous évoquez par rapport à votre appartenance à l'ethnie Peul, il appert que ces faits pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève, alors que ceux-ci sont liés à votre ethnie.

Cependant, il ressort de vos déclarations que vous n'auriez jamais rencontré personnellement un quelconque problème à cause de votre appartenance à l'ethnie Peul. En effet, lors des représailles qu'auraient subi les Peuls suite aux accusations mensongères d'Alpha Condé dans le cadre des élections présidentielles de 2010 et 2015 pour manipuler les ethnies à des fins politiques, vous affirmez que vous n'auriez jamais subi personnellement des répercussions mais que la situation vous aurait simplement « marqué » (p.9 du rapport d'entretien).

Vous indiquez aussi brièvement que vos ravisseurs vous auraient soupçonné d'être engagé politiquement et d'avoir été recruté par les Peuls car « le principal opposant ou pouvoir est Peul également » (p.13 du rapport d'entretien), en faisant allusion à Cellou Dalein Diallo.

Force est de constater que leurs interrogations, que vous auriez réfutées, n'auraient pas eu des conséquences néfastes à votre égard.

A cet égard, il convient de rappeler que le gouvernement d'Alpha Condé avait contribué à l'accroissement des tensions ethniques en Guinée plutôt qu'à leur apaisement. Alpha Condé avait clairement fait preuve de favoritisme envers les Malinkés au détriment des Peuls et avait instrumentalisé les diverses ethnies pour garder le pouvoir. Or, depuis sa destitution et la prise de pouvoir de Mamadi Doumbouya, il s'avère que les Peuls ne seraient plus visés d'une quelconque manière néfaste et que « la junte veille à respecter les équilibres entre peuls, soussous, mandingues et forestiers » pour l'établissement d'un gouvernement de transition qui compose « un gouvernement représentatif, inclusif, qui évite l'ethnicisation ».

On ne saurait dès lors conclure à l'existence dans votre chef d'une crainte fondée de persécution.

Il convient d'ajouter à titre d'information que concernant la situation générale en Guinée, il se dégage des enseignements de l'arrêt de la Cour Administrative du 20 octobre 2020 (n° 44720C du rôle) que les Peuls vivent librement en Guinée et plus particulièrement dans la région de Conakry, d'où vous proviendriez, la majorité de la population, soit environ 40,9 %, est d'ethnie peule. Il n'y existe donc pas de persécution systématique des Peuls par les autorités guinéennes.

Il appert dès lors que vous échouez à mettre suffisamment en évidence une quelconque crainte avérée de persécution dans votre chef. En effet, des craintes non circonstanciées et purement hypothétiques, à elles seules, sont insuffisantes pour établir dans votre chef une crainte fondée de persécution. Ainsi, votre simple appartenance à une ethnie spécifique ne saurait suffire pour bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié.

Finalement, vous déclarez que vous auriez quitté la Guinée le 29 octobre 2019 en prenant un vol pour vous rendre à Casablanca au Maroc avec un faux passeport. Ensuite, vous auriez traversé la Méditerranée en bateau pour vous rendre à Las Palmas aux Iles Canaries avant de vous rendre en bateau à Huelva en Espagne puis à Séville en voiture pour rejoindre un cousin pendant une semaine. Celui-ci vous aurait conseillé de vous rendre en France, à Paris, étant donné que vous parlez le français. Vous auriez donc traversé la frontière hispano-française avec un groupe de migrants et seriez resté en France de décembre 2019 à 10juin 2020. Pendant ces six mois, vous auriez pensé qu'une personne tierce, allait introduire une demande de protection internationale en votre nom en France au motif que « j'ai souvent entendu des gens dire qu'ils avaient été aidé par quelqu'un d'autre pour déposer une demande d'asile. Donc, j'ai fait de même » (p.5 du rapport d'entretien). Vous concluez en disant que cette personne tierce n'aurait cependant jamais entrepris une telle démarche pour vous et que vous auriez par conséquent rejoint le Luxembourg, pensant être en Belgique.

Or, Monsieur, ce comportement est incompatible avec celui d'une personne vraiment persécutée respectivement en danger et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale. En effet, l'on est en droit d'attendre qu'une personne persécutée dans son pays d'origine respectivement qui est à risque de subir des atteintes graves demande une protection dès son arrivée dans le premier pays sûr, respectivement pour vous l'Espagne, puis la France, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce. Votre attitude passive lors de votre séjour de six mois en France est également incompatible avec celle d'une personne persécutée. A cet égard, votre excuse que « Je n'ai pas cherché à me renseigner si je pouvais déposer une demande par mes soins » (p.5 du rapport d'entretien) n'emporte pas conviction, d'autant plus que vous prétendez être diplômé en droit et que l'on peut s'attendre avec un tel bagage académique que vous auriez été en mesure de vous renseigner au préalable un minimum sur les procédures de protection internationale et de ne pas dépendre des dires d'une personne tierce inconnue.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n'invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 48 précité, et vous restez en défaut de faire état d'un risque réel de faire l'objet, en cas de retour 11dans votre pays d'origine, d'atteintes graves, notamment de traitements inhumains ou dégradants.

En effet, force est de constater que les faits dont vous faites état et les craintes mentionnées ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une atteinte grave au sens du prédit texte, respectivement comme des craintes fondées d'être victimes d'une atteinte grave en cas d'un retour en Guinée.

Il s'avère également de vos déclarations que vous ne risquez pas une condamnation à la peine de mort, respectivement l'exécution découlant d'une telle condamnation par les autorités de votre pays d'origine.

De plus, il appert que la situation sécuritaire ou générale dans laquelle se trouve la Guinée n'équivaut manifestement pas à celle d'un pays dans lequel se déroulent systématiquement des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle et ne tombe donc pas dans le champ d'application de l'article 48, point c) de la loi de 2015, d'autant plus que vous n'établissez aucunement que vous seriez à risque d'être personnellement visé.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 20 juillet 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 20 juillet 2022 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 20 juillet 2022, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

- Quant à la légalité externe de la décision déférée A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir violé l’article 26 (3) b) de la loi du 18 décembre 2015 en ce qu’il aurait dépassé le délai maximal prescrit en vue de l’examen de sa demande de protection internationale fixé à vingt-et-un mois.

12Il soutient que la décision déférée aurait été prise vingt-quatre mois après l’introduction de sa demande de protection internationale et conclut à la réformation de la décision déférée pour avoir été prise en violation de l’article 26 (3) b), précité, de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

L’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 dispose comme suit :

« (1) Le ministre procède à un examen individuel de la demande de protection internationale dans le respect des garanties procédurales prévues à la section 1. Il veille à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

Lorsqu’une demande est soumise à la procédure définie par le règlement (UE) n° 604/2013, le délai de six mois commence à courir à partir du moment où conformément à ce règlement, il a été déterminé que l’examen de la demande relève de la compétence du Grand-Duché de Luxembourg et où le demandeur se trouve sur le territoire et a été pris en charge par le ministre.

Lorsqu’une décision ne peut pas être prise dans un délai de six mois, le demandeur concerné est informé du retard et reçoit, lorsqu’il en fait la demande, des informations concernant les raisons du retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision.

(2) Le délai de six mois prévu au paragraphe (1) peut être prolongé d’une durée ne pouvant excéder neuf mois supplémentaires lorsque :

a) des questions factuelles ou juridiques complexes entrent en jeu ;

b) du fait qu’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides demandent simultanément une protection internationale, il est très difficile, en pratique, de conclure la procédure dans le délai de six mois ;

c) le retard peut être clairement imputé au non-respect, par le demandeur, des obligations qui lui incombent au titre de l’article 12.

Exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale.

(3) Sans préjudice des articles 46 et 51, la conclusion de la procédure d’examen peut être différée lorsque l’on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que le ministre se prononce dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2), en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine qui devrait être temporaire. En pareil cas, le ministre :

a) procède, au moins tous les six mois, à l’examen de la situation dans ce pays d’origine ;

b) informe les demandeurs concernés, dans un délai raisonnable, des raisons du report.

En tout état de cause, la procédure d’examen est conclue dans un délai maximal de vingt et un mois à partir de l’introduction de la demande. […] ».

L’article 26 précité de la loi du 18 décembre 2015 établit un calendrier à charge du ministre dans le cadre de la procédure d’un examen individuel d’une demande de protection internationale. Ainsi, il incombe au ministre de veiller à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la 13demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif. Si ce délai ne peut pas être respecté, le ministre informe le demandeur concerné du retard, et fournit, lorsque le demandeur en fait la demande, des informations concernant les raisons de ce retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision. Si les conditions énumérées à l’article 26 (2), précité, sont remplies, le délai peut être prolongé d’une durée ne dépassant pas neuf mois. Exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale. Finalement, si une décision ne peut pas être prise dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2) de l’article 26, précité, en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine, la durée de la procédure d’examen peut être prorogée jusqu’à un maximum de vingt-et-un mois à partir de l’introduction de la demande.

Le tribunal constate que la demande de protection internationale a été déposée par Monsieur … le 22 juin 2020 et qu’elle a fait l’objet d’une décision ministérielle de rejet en date du 20 juillet 2022, soit plus de vingt-et-un mois après la date du dépôt.

Si le ministre a effectivement informé le demandeur, par courrier du 14 janvier 2021, qu’aucune décision concernant sa demande de protection internationale n’avait pu être prise endéans le délai d’examen de six mois et que ledit délai était prolongé, il ne ressort, en revanche, d’aucune pièce ni d’aucun autre élément versé au dossier administratif que les conditions du paragraphe (2) de l’article 26 de la loi du 18 décembre 2018 permettant une prolongation du délai de neuf mois étaient remplies, ni a fortiori que le demandeur ait été informé des circonstances justifiant un dépassement de trois mois des délais précités par application du paragraphe (3) de l’article 26 et que la procédure d’examen de la demande du demandeur n’ait pas pu être conclue dans un délai maximal de vingt-et-un mois.

Le tribunal relève que s’il ne peut être exclu qu’une telle situation soit de nature à engendrer un préjudice dans le chef d’un demandeur de protection internationale dont le sort est précaire et incertain et qui vit pendant une période prolongée de plus de vingt-et-un mois, d’une part, dans l’illusion d’un établissement potentiel au Luxembourg et, d’autre part, dans la crainte d’un retour vers son pays d’origine, il échet néanmoins de constater que le législateur n’a assorti d’aucune sanction le non-respect par le ministre de la procédure d’examen d’une demande de protection internationale au-delà du délai légal maximal1.

Conformément à la jurisprudence de la Cour administrative, un dépassement du délai maximal de la procédure ne saurait en tout état de cause justifier la reconnaissance d’un statut de réfugié sans examen de la situation particulière. Il ne saurait pas non plus justifier une décision d’annulation dans le cadre du pouvoir de réformation ne serait-ce que pour la simple raison que cette façon de faire impliquerait encore plus de retard dans l’analyse de la demande de protection internationale2.

Il s’ensuit que la violation par le ministre de l’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 demeure sans incidence sur la légalité de la décision déférée, sans préjudice d’une éventuelle action en responsabilité à engager à l’encontre de l’Etat de ce fait.

Le moyen est par conséquent à rejeter pour ne pas être fondé.

1 Trib. adm. 10 décembre 2019, n°41473 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

2 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

14 - Quant à la légalité interne de la décision déférée Au fond, le demandeur reproche au ministre de s’être livré à une application erronée, sinon une interprétation erronée de la loi du 18 décembre 2015.

Il reproche au ministre d’avoir considéré que son récit ne serait pas crédible et prend position par rapport aux incohérences et contradictions que le ministre aurait constatées.

Dans ce contexte, le demandeur soutient qu’une « simple erreur » sur la date de création ou de la fusion entre le parti « RPG Arc-en-ciel et d'autres partis politiques » ou encore sur la date de la tenue des manifestations du « FNDC » ne serait pas de nature à ébranler la crédibilité de son récit.

A ce titre, il se prévaut de l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015 et soutient qu’il résulterait à suffisance du rapport d'entretien qu’il aurait, notamment lors de ses quatre entretiens, fourni des explications détaillées et étayées par des éléments de preuve, dont la réalité ne serait pas mise en cause par la décision déférée, tout en estimant que le défaut de crédibilité invoqué par le ministre resterait à établir.

Il explique qu’il aurait répondu erronément à la question relative à la date de création du parti « UFDG », étant donné que l'année 2007 correspondrait à l'année où Monsieur Cellou Dalein DIALLO serait arrivé à la tête dudit parti, ce qui constituerait une année importante pour le parti « UFDG ».

Quant à la remise en cause par le ministre du degré réel d’engagement politique du demandeur, au motif qu’il aurait déclaré lors de ses entretiens auprès du ministère qu’il n’y aurait pas eu de manifestations avant octobre 2019, le demandeur insiste sur le fait que les manifestations du mouvement « FNDC » auraient bien débuté le 14 octobre 2019, tout en citant un extrait du site internet « Wikipedia ». Il en conclut « qu’aucune erreur notable ne saurait être retenue » dans son chef, de sorte que son degré d’engagement civique ou politique dans les rangs du « FNDC » ne saurait être mis en cause.

Il conteste la conclusion du ministre, selon laquelle ce dernier aurait mis en cause ses déclarations concernant « la réalité de[…] [ses] critiques […] visant le régime de Alpha CONDE », son militantisme auprès du FNDC, ses participations aux activités dudit mouvement, et le fait qu’il aurait fondé le mouvement universitaire contre les « ambitions politiques de Alpha CONDE ».

Dans ce contexte, il soutient, en substance, qu’il aurait prouvé à suffisance la réalité de l’ensemble de ses explications et motifs invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale.

Il donne à considérer que le ministre ne contesterait pas l’existence « de la vidéo, du compte Facebook, […] ni la réalité de ses critiques visant le régime politique de Alpha CONDÉ contenus dans la vidéo publiée […] sur YouTube ».

Il souligne que suite au « kidnapping par les forces de l’ordre guinéennes », il n’aurait plus accès à son compte Facebook. Il précise encore que le compte Facebook auquel s’est référé le ministre ne serait pas le sien.

15 Le demandeur explique qu’il aurait fourni, lors de ses entretiens, un récit clair, précis et cohérent et qu’il aurait présenté des éléments de preuve tangibles pour étayer ses dires.

Il reproche au ministre une application disproportionnée, sinon fausse de la loi du 18 décembre 2015, en soutenant que la décision ministérielle irait « au-delà des exigences de la Loi précitée dans le cadre de l'administration de la preuve du demandeur à l'appui de sa demande de protection internationale ».

Il soutient que, contrairement aux affirmations du ministre, il aurait mis en place un mouvement avec ses amis afin d’exprimer leur opposition « aux ambitions de Alpha CONDÉ, notamment son projet de changement de la Constitution guinéenne et son troisième mandat ».

Il soutient encore que l'absence de nom de son mouvement n'emporterait aucune conséquence réelle sur les activités du mouvement.

Quant à la conclusion du ministre selon laquelle il aurait été dans l’incapacité de faire la distinction entre les différentes forces de l’ordre guinéennes, il donne à considérer que rien n’empêcherait la gendarmerie guinéenne de « faire usage d’un pick-up autre que celui utilisé généralement » par celle-ci.

Il rappelle qu’il aurait été kidnappé, torturé et menacé de mort pendant une semaine par les forces de l’ordre et qu’il aurait été privé de son sac et de ses appareils téléphoniques. Le mot de passe de son compte Facebook aurait, par ailleurs, été modifié. Il en conclut qu’il résulterait à suffisance de son récit, corroboré par des éléments de preuve, qu’il aurait subi des actes de persécution au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Il donne à considérer que son ami « Z » aurait été visé par les autorités guinéennes et réfute la conclusion du ministre selon laquelle son retour à l’université « sur autorisation des autorités universitaires serait incohérent au point de mettre en cause [son] récit ».

Le demandeur se prévaut ensuite des articles 10 (2) et 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015 et conclut que le défaut de crédibilité retenu par le ministre ne résulterait pas d’un examen approprié, objectif et impartial et que la décision ministérielle aurait été prise « sans aucune évaluation objective individuelle sinon sur base d’une évaluation incomplète » de la demande de protection internationale.

Il cite l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 et soutient qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier administratif que le ministre l’aurait invité à fournir des explications au sujet des incohérences ou contradictions qu’il aurait constatées.

Il conclut que la décision déférée serait manifestement ni pertinente, ni fondée.

Concernant le statut de réfugié, le demandeur rappelle l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 et estime que le ministre admettrait que les faits déclarés lors de son audition rentreraient dans le champ d’application de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015.

Il réfute l’argumentation du ministre selon laquelle le régime militaire en place « ferait mieux » que celui du président Alpha CONDÉ, en soutenant que la situation politique en Guinée Conakry, ainsi que le sort des opposants politiques et des acteurs de la société civile 16contredirait « de façon manifeste » les affirmations et la position du ministre. Dans ce contexte, il explique que le FNDC aurait été dissout et que des « leaders comme Y et … » auraient été emprisonnés arbitrairement. Il estime, en substance, que les militaires auraient « fait pire que le régime de Alpha CONDÉ ». Il se réfère à des publications d’« Amnesty International » et conclut que l’argumentation du ministre ayant trait aux « aspects positifs du régime militaire en place » devrait être écartée.

Il conteste la conclusion du ministre selon laquelle il ne risquerait pas, en cas de retour en Guinée, de faire l’objet d’actes de persécution, en soutenant que ce raisonnement ne reposerait sur aucune base légale et resterait dépourvu de toute pertinence.

Il donne à considérer que les actes de persécution subis ne constitueraient pas des actes isolés, en insistant sur la gravité de ces actes en en se prévalant de l’article 42 (1) et (2) de la loi du 18 décembre 2015.

Le demandeur souligne encore que les Peuls feraient « constamment l’objet d’actes de discrimination, de pillages, d’arrestation arbitraire en raison surtout de leur prise de position politique ». Dans ce contexte, il se réfère à un article publié par « Guinee News » selon lequel deux jeunes guinéens peuls auraient été tués par des forces de l’ordre le 17 août 2022. Il précise ensuite, en substance, que les Peuls demeureraient les premières cibles du régime actuel, de sorte que leur intégrité physique et leurs biens seraient constamment menacés.

Il rappelle qu’il aurait été kidnappé, torturé, menacé de mort et détenu arbitrairement durant une semaine dans des conditions inhumaines et dégradantes par les forces de l’ordre guinéennes et qu’il aurait été privé de tout contact avec sa famille. Il en conclut que ces actes de persécution atteindraient le degré de gravité requis aux termes de l’article 42 (1) et (2) de la loi du 18 décembre 2015 et se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », ainsi qu’à une décision de la Commission européenne des droits de l’Homme.

Il explique qu’il aurait vécu dans la peur permanente sans pouvoir s’attendre « à la moindre protection » des autorités guinéennes, de sorte qu’il y aurait une atteinte manifeste à sa dignité, laquelle serait protégée par l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », tout en précisant qu’aucune dérogation ne serait possible en vertu de l’article 15 de la même convention.

Quant à l’argumentation du ministre selon laquelle aucune demande de protection internationale n’aurait été introduite en France, il se prévaut de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 pour soutenir que le ministre resterait en défaut de prouver un comportement incompatible avec celui d’une personne « vraiment » persécutée.

Concernant le volet de sa demande relatif au statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur estime que les actes de persécution subis par lui « cadre[raient] » avec les hypothèses prévues à l’article 48 a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il remplirait les conditions prévues à l’article 39 de la même loi en soutenant que les forces de l’ordre guinéennes seraient à l’origine des actes de persécution.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

17Il convient de relever qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] » tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, […], et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

18Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire. Particulièrement, si l’élément qui fait défaut touche à l’auteur des persécutions ou des atteintes graves, aucun des deux volets de la demande de protection internationale ne saurait aboutir, les articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 19s’appliquant, comme relevé ci-avant, tant à la demande d’asile qu’à celle de protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler qu’en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, il doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur de protection internationale et vérifier, concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de ses auditions, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef, en cas de retour en Guinée, une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de faire l’objet d’atteintes graves au sens de l’article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, en l’espèce, indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, le tribunal relève que le demandeur déclare avoir quitté la Guinée le 29 octobre 20193 au motif qu’il ne s’y serait plus senti en sécurité en raison de son activité d’opposition politique et son appartenance à l’ethnie Peul.

En ce qui concerne d’abord son activité d’opposition politique, le demandeur fait valoir (i) qu’il aurait, vers le mois de mars 20194, fait l’objet d’un enlèvement lors duquel il aurait 3 Rapport d’entretien, page 5.

4 Rapport d’entretien, page 6 : « […] En mars 2019, Alpha Condé devait venir à l’Université pour recevoir un titre. […] J’ai été arrêté la semaine avant la venue d’Alpha Condé à l’université. […] ».

20fait l’objet de menaces5, d’actes de violences et de mauvais traitements6, et (ii) que son ami « Z », membre de son mouvement universitaire, aurait été tué par les autorités guinéennes7.

Le tribunal constate qu’il ressort des déclarations de Monsieur …, qu’il aurait été enlevé en raison de ses activités critiques par rapport au gouvernement8 du président Alpha CONDÉ.

Or, il ressort des pièces soumises par le délégué du gouvernement, et plus particulièrement de l’article de presse de « France 24 », intitulé « Guinée : le colonel Mamady Doumbouya prête serment comme président de transition », publié le 1er octobre 2021, que le président Alpha CONDÉ n’est plus au pouvoir depuis un coup d’Etat militaire.

Etant donné que l’enlèvement de Monsieur … s’inscrit dans un contexte particulier, à savoir dans le cadre de son opposition contre le régime de l’ancien président Alpha CONDÉ, il n’y a plus aucune raison de penser que le demandeur serait encore actuellement dans le collimateur des autorités guinéennes.

Cette conclusion n’est pas énervée par les pièces du demandeur selon lesquelles la liberté d’expression serait menacée au Guinée en raison de l’arrestation, dans le contexte de manifestations, de treize journalistes, ainsi que du responsable et de membres du FNDC, alors qu’il n’est pas établi que tous les manifestants, respectivement tous les militants du FNDC courraient un risque d’être arrêtés, respectivement de subir des actes de persécution ou des atteintes graves du seul fait de leur participation aux manifestations ou de leurs liens avec le FNDC.

Au vu des constatations qui précèdent, le tribunal se doit de relever que le demandeur reste en défaut de démontrer la moindre raison pour laquelle il estime que sa crainte serait à l’heure actuelle toujours fondée.

Pour les mêmes motifs, cette conclusion s’impose aussi en ce qui concerne la crainte du demandeur de subir le même sort que son ami « Z », étant donné que cette crainte est également liée à l’opposition du demandeur, respectivement de son ami, au régime d’Alpha CONDÉ, outre le fait que le lien invoqué entre le décès dudit ami et les forces de l’ordre guinéennes est une simple supposition non étayée par un quelconque élément concret.

Quant à la crainte du demandeur de faire l’objet de persécutions, respectivement d’atteintes graves en raison de son appartenance à l’ethnie Peul, le tribunal constate qu’il ressort des déclarations du demandeur faites dans le cadre de son entretien qu’il n’a jamais subi des persécutions concrètes ou traitements discriminatoires en raison de son ethnie9.

Par ailleurs, il se dégage des pièces du délégué du gouvernement et notamment de l’article publié par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatride belge (« CGRA ») le 23 mars 2023, intitulé « La situation ethnique », que les Peuls représentent 40% de la population guinéenne.

5 Rapport d’entretien, page 13.

6 Rapport d’entretien, pages 6 et 7.

7 Rapport d’entretien, page 7 : « […] J'ai pensé que la mort de Z n'était pas anodine et qu'ils l'avaient tué. […] ».

8 Rapport d’entretien, page 14.

9 Rapport d’entretien, page 9.

21En outre, la Cour administrative a retenu dans son arrêt du 20 octobre 2020, portant le numéro 44720C du rôle, tel qu’invoqué par le délégué du gouvernement, que « les Peuls vivent librement en Guinée et que plus particulièrement dans la région [Conakry] dont Monsieur … est originaire, la majorité de la population, soit environ 40,9 %, est d’ethnie peule. S’il y a des tensions inter-ethniques en Guinée, cela est le plus souvent l’œuvre des hommes politiques, particulièrement en période électorale, qui alimentent les clivages entre les différentes communautés ethniques et la violence dans le pays. », le demandeur n’ayant pas fourni des éléments probants dont il se dégagerait que ces constats de la Cour administrative ne seraient plus d’actualité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est de constater qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur risque de subir des persécutions ou des atteintes graves en raison de son appartenance ethnique, alors que les craintes invoquées sont purement hypothétiques et s’analysent en l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité plutôt qu’en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de faire l’objet d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Pour autant que le demandeur ait entendu à travers sa référence à l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015 se prévaloir d’un risque de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle lié à un conflit armé régnant en Guinée, il convient de relever que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé dans le considérant 43 de son arrêt du 17 février 2009, « Elgafaji c. Pays-Bas », numéro C-465/07, que « […] l’article 15, sous c), de la directive, lu en combinaison avec l’article 2, sous e), de la même directive, doit être interprété en ce sens que:

- l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire n’est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle;

- l’existence de telles menaces peut exceptionnellement être considérée comme établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours, apprécié par les autorités nationales compétentes saisies d’une demande de protection subsidiaire ou par les juridictions d’un État membre auxquelles une décision de rejet d’une telle demande est déférée, atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces. ».

Elle a également retenu, dans le considérant 39 du prédit arrêt, que « […] plus le demandeur est éventuellement apte à démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, moins sera élevé le degré de violence aveugle requis pour qu’il puisse bénéficier de la protection subsidiaire ».

Le conflit armé interne a été défini par la CJUE dans son arrêt du 30 janvier 2014, « Diakité c. Belgique », numéro C-285/12, et plus particulièrement en son considérant 35, de la manière suivante : « […] lorsque les forces régulières d’un État affrontent un ou plusieurs groupes armés ou lorsque deux ou plusieurs groupes armés s’affrontent, sans qu’il soit nécessaire que ce conflit puisse être qualifié de conflit armé ne présentant pas un caractère 22international au sens du droit international humanitaire et sans que l’intensité des affrontements armés, le niveau d’organisation des forces armées en présence ou la durée du conflit fasse l’objet d’une appréciation distincte de celle du degré de violence régnant sur le territoire concerné. ».

Quant aux violences aveugles, elles ont été définies par la CJUE dans le prédit arrêt « Elgafaji c. Belgique », notamment dans les considérants 34 et 35, comme étant des violences qui s’étendent à des civils sans considération de leur situation personnelle ou de leur identité.

Or, il ne ressort pas des éléments soumis au tribunal que la situation sécuritaire en Guinée, et plus particulièrement dans la région d’origine du demandeur correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 juillet 2022 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur sollicite la réformation de l’ordre de quitter le territoire en précisant que son éloignement vers la Guinée constituerait une violation de l'article 3 de la CEDH, aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Il soutient qu'il y serait exposé à des actes de persécution sans pouvoir compter sur une protection des autorités guinéennes, étant donné que lesdits autorités seraient à l'origine des massacres de la population civile, surtout les opposants politiques et les activistes appartenant à l'ethnie Peul.

Le demandeur donne à considérer que contrairement aux affirmations du ministre, la situation sécuritaire en Guinée resterait dangereuse pour les Peuls et qu’elle se serait très « rapidement aggravée avec l'arrivée de la junte au pouvoir », de sorte que l'arrêt de la Cour administrative, tel que cité par le ministre à l'appui de sa décision de refus, ne serait « plus transposable à la situation actuelle en Guinée ».

Il se réfère encore à un arrêt de la CourEDH et estime que l'exécution de la décision portant l'ordre de quitter le territoire luxembourgeois constituerait « sans doute une violation des instruments juridiques précités », de sorte que la décision déférée serait à réformer.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre 23déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre.

Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour de Monsieur … dans son pays d’origine ne l’expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer l’article 3 de la CEDH.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 juillet 2022 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 juillet 2022 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juillet 2024 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 24


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47860
Date de la décision : 15/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-15;47860 ?

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