La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2024 | LUXEMBOURG | N°49113

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2024, 49113


Tribunal administratif N° 49113 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49113 5e chambre Ins crits le 4 juillet 2023 Audience publique du 12 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49113 du rôle et déposée en date du 4 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions d

irectes du 28 juin 2023, référencée sous le numéro … du rôle, portant rejet d’une dem...

Tribunal administratif N° 49113 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49113 5e chambre Ins crits le 4 juillet 2023 Audience publique du 12 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49113 du rôle et déposée en date du 4 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 juin 2023, référencée sous le numéro … du rôle, portant rejet d’une demande de remise gracieuse introduite le 12 mai 2023 au sujet de l’impôt sur le revenu des années 2020, 2021 et 2022 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Monsieur … en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 mars 2024.

En date du 3 octobre 2018, le bureau … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid »), faisant référence au numéro de matricule …, sur le fondement du § 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, dénommée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Monsieur … en sa qualité de gérant unique de la société à responsabilité limitée X, ci-après désignée par « la société X», entretemps déclarée en faillite par un jugement du 13 juillet 2018. Ledit bulletin déclara Monsieur … débiteur d’un montant de … euros dont … euros en principal et … euros en intérêts, au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui auraient dû être retenus et continués par la société X à l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », pour l’année d’imposition 2017.

Par courrier daté du 3 décembre 2020, faisant référence au numéro …, le bureau de recette compétent de l’administration accepta la demande de Monsieur …, adressée par mail daté du 29 novembre 2020, visant à étaler les arriérés d’impôts d’un montant de … euros, avec un plan d’apurement de la dette par paiements de … euros mensuel.

1Par un courrier daté du 3 janvier 2022, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné par « le directeur », une demande de remise gracieuse visant, notamment, le « planning de payement accordé : … euros par mois. ».

Par décision datée du 17 février 2022, répertoriée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta, la demande gracieuse précitée du 3 janvier 2022, en les termes suivants :

« […] Vu la demande présentée le 5 janvier 2022 par le sieur …, demeurant à L- …, ayant pour objet une remise par voie gracieuse du bulletin d'appel en garantie émis en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition … en date 3 octobre 2018 ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu'en vertu du § 153 AO, les droits à restitution permis en dehors des cas visés aux §§ 151 et 152 AO s'éteignent si la demande en restitution n'a pas été introduite avant la fin de l'année qui suit celle de la survenance des faits à l'origine du droit ;

Considérant qu'en l'espèce la demande en remise gracieuse, entrée le 5 janvier 2022, n'a donc pas été introduite dans le délai précité ;

Considérant que le paragraphe 131 AO n'autorise pas le directeur à faire abstraction de la déchéance légale ainsi encourue par le demandeur ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

Par un courrier daté du 12 mai 2023, réceptionné le 16 mai 2023, Monsieur … introduisit auprès du directeur, en son nom et au nom de Madame …, ci-après désignés « les consorts … », une demande de remise gracieuse portant, entre autres, la référence … Par décision datée du 28 juin 2023, répertoriée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta la demande gracieuse précitée du 12 mai 2023, en les termes suivants :

« […] Vu la demande présentée le 16 mai 2023 par le sieur …, demeurant à L-…, ayant pour objet une remise par voie gracieuse du bulletin d'appel en garantie émis en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition … en date du 3 octobre 2018 ;

2Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande est motivée par des considérations qui mettent en cause une situation financière difficile ;

Considérant que d'après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n'est envisageable que dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que la demande a déjà fait l'objet d'une décision directoriale en date du 17 février 2022 (numéro du rôle …) pour le même objet ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

reçoit la demande en la forme ;

la rejette comme non fondée.[…] ».

Par requête inscrite sous le numéro 49113 du rôle et déposée le 4 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a introduit un recours à l’encontre de la décision précitée du directeur du 28 juin 2023, référencée sous le numéro … du rôle.

1) Quant à la demande de jonction des deux recours inscrits sous les numéros 49112 et 49113 du rôle Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à la sagesse du tribunal quant à la jonction des recours inscrits sous les numéros 49112 et 49113 du rôle.

Les demandeurs n’ont pas pris position par rapport à cette question.

Le tribunal est amené à retenir que s’il est vrai que les recours inscrits respectivement sous les numéros 49112 et 49113 du rôle présentent certains liens, force est cependant de constater qu’ils ne concernent pas les mêmes parties, qu’ils n’ont pas trait au même objet1, en ce qu’ils ne tendent pas à la réformation, respectivement à l’annulation, des mêmes actes.

Il s’ensuit que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient de traiter les affaires inscrites sous les numéros 49112 et 49113 du rôle séparément et de statuer à travers deux jugements distincts.

Il y a partant lieu de rejeter la demande de jonction des recours introduits sous les numéros 49112 et 49113 du rôle pour ne pas être fondée.

1 Trib. adm., 12 juin 2003, n° 15385 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1007 et les autres références y citées.

32) Quant à la compétence du tribunal Lorsque la requête introductive d’instance omet, comme c’est le cas en l’espèce, d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi.2 Conformément aux dispositions combinées du § 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Il y a partant lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale précitée en date du 28 juin 2023.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du présent recours en réformation qui est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

3) Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur explique que les arriérés dus en faveur de l’Etat auraient pour débiteur principal la société qu’il aurait constitué en 2016 et dont il aurait été le gérant, à savoir la société X.

Il explique qu’il aurait engagé des ouvriers à temps plein après avoir décroché un « gros » chantier dans le cadre de la rénovation d’une crèche, mais que le ministère de l’économie aurait révoqué ses autorisations à la suite du non-paiement des soldes des cotisations de ses ouvriers.

Le demandeur indique ensuite que son client n’aurait pas honoré ses factures, ce qui l’aurait obligé à engager une procédure judiciaire contre lui, au cours de laquelle ce dernier et son litismandataire essayeraient de gagner du temps à chaque audience.

Ce seraient les négociations infructueuses avec le centre commun de la sécurité sociale qui auraient conduit à la faillite de la société. Il se serait alors retrouvé « sans boulot ni société » du jour au lendemain. Il aurait retrouvé du travail en tant que chauffeur de camion, mais aurait ensuite été victime d’un accident de travail qui l’aurait conduit au chômage. En raison de négligence des soins et de séquelles pathologiques, les médecins auraient constaté un disfonctionnement de son bras et de son épaule gauche, tandis que la commission médicale lui aurait accordé le statut d’handicapé.

Le demandeur fait valoir qu’il n’aurait pas de revenu dans l’attente de l’obtention du statut de retraité d’ici le mois d’août ou de septembre 2023, et que sa future pension 2 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1286 et les autres références y citées.

4n’atteindrait pas le seuil du salaire minimum. Il ajoute qu’il recevrait, par ailleurs, la pension de deux caisses de pension, celle de la Belgique et celle de Luxembourg pour un montant de … euros par mois.

Il joint à son recours un document intitulé « plan financier-curriculum social financier » pour exposer que l’ensemble des dettes et charges qu’il aurait à supporter rendrait son existence de plus en plus difficile et précaire.

Le demandeur sollicite en conséquence l’exonération totale des dettes envers l’Etat de la société en faillite, qui s’élèveraient en date du 24 février 2023 à un montant de … euros, sinon le paiement d’un montant pour solde tout compte de … euros moyennant un paiement échelonné de … euros par mois.

Il insiste sur le fait que depuis l’accord du bureau de recette d’un paiement échelonné de … euros par mois, il aurait toujours respecté les paiements, et ce depuis 2020.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal Dans le cadre de la décision déférée, le directeur a rejeté la demande de remise gracieuse introduite par le demandeur, relative au bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») du 3 octobre 2018, au motif qu’une demande identique aurait déjà été toisée par décision directoriale du 17 février 2022.

Il ressort du dossier administratif - comme l’a souligné la partie étatique – qu’une demande de remise gracieuse portant sur le bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») pour l’année d’imposition 2017, émis le 3 octobre 2018, a été tranchée par une décision directoriale datée du 17 février 2022, référencée sous le numéro …, laquelle a rejeté la demande. Dans la mesure où Monsieur … n’a pas introduit de recours à l’encontre de ladite décision directoriale, cette dernière est coulée en force de chose décidée. Le directeur a donc valablement pu retenir que la demande de remise gracieuse introduite en date du 3 janvier 2022, pour autant qu’elle porte à son tour sur les impôts de l’année 2020, était irrecevable. Les contestations afférentes du demandeur encourent, dès lors, le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen invoqué par le demandeur, que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

rejette la demande tendant à la jonction des recours inscrits sous les numéros 49112 et 49113 du rôle ;

reçoit le recours en réformation dirigé par Monsieur … contre la décision directoriale du 28 juin 2023, référencée sous le numéro … du rôle, en la forme;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

5 condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué.

en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 49113
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-12;49113 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award