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10/07/2024 | LUXEMBOURG | N°48156

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2024, 48156


Tribunal administratif N° 48156 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48156 1re chambre Inscrit le 9 novembre 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par Madame … et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48156 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2022 par Maî

tre Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

Tribunal administratif N° 48156 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48156 1re chambre Inscrit le 9 novembre 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par Madame … et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48156 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2022 par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Venezuela) et de Monsieur …, né le … à …, tous les deux de nationalité vénézuélienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 septembre 2022 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 24 janvier 2024.

Le 2 septembre 2019, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les 2, 10 et 20 décembre 2019, ainsi que le 17 janvier 2020, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 23 janvier 2020, Monsieur … introduisit auprès du ministère en son nom personnel ainsi qu’aux noms et pour le compte de ses enfants mineurs, … et … une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

1 Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 1er et 19 février 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 30 septembre 2022, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 6 octobre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … et Monsieur … que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2022, Madame … et Monsieur … ont fait introduire un recours tendant à la réformation d’une part, de la décision ministérielle du 30 septembre 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 30 septembre 2022.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours, en soutenant que la décision déférée aurait été notifiée aux demandeurs et à son litismandataire le 7 octobre 2022, de sorte que le recours aurait été introduit après l’expiration du délai de recours contentieux prévu par l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Le litismandataire des demandeurs, qui n’a pas sollicité l’autorisation de produire un mémoire supplémentaire et qui n’était ni présent ni représenté à l’audience publique des plaidoiries du 24 janvier 2024, n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

En vertu de l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le recours contre la décision de refus de la demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire « […] doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification […] » , étant précisé que le terme de notification est à lire à la lumière de l’article 12 (3) de la même loi, selon lequel toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi sous pli recommandé à la poste soit au lieu de la résidence habituelle soit au domicile élu.

Conformément à l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », dans l’hypothèse où l’administré a désigné un mandataire, l’autorité adresse ses communications à celui-ci, mais doit, en outre, notifier la décision finale à la partie elle-même.

2Par ailleurs, les dispositions des articles 12 (3) de la loi du 18 décembre 2015 et 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont complémentaires et s’appliquent cumulativement.1 En l’espèce, le tribunal constate qu’il ressort du relevé « Track and Trace » de POST Luxembourg, tel que versé par la partie étatique, que la décision déférée a été notifiée aux demandeurs par courrier recommandé expédié le 6 octobre 2022 et que le 7 octobre 2022, les intéressés ont été avisés de retirer l’envoi en question, qui leur a été remis le même jour. La notification a, dès lors, été valablement accomplie à l’égard des demandeurs en date du 7 octobre 2022.

Le tribunal constate ensuite qu’il ressort du susdit relevé « Track and Trace » que la décision déférée a été notifiée au litismandataire des demandeurs par courrier recommandé expédié le 6 octobre 2022 et que le lendemain, il a été avisé de retirer l’envoi en question, qui lui a été remis le 10 octobre 2022.

Dès lors, et dans la mesure où la notification d’une décision ministérielle est réputée faite le jour du dépôt de l’avis par l’agent des postes, sous peine de vider le mécanisme des notifications postales régulièrement faites de toute sa substance,2 la notification a valablement été accomplie à l’égard du litismandataire des demandeurs en date du 7 octobre 2022.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de faire application de la présomption prévue à l’article 12 (3) de la loi du 18 décembre 2015, précité, suivant lequel la notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi du courrier sous pli recommandé à la poste.3 Etant donné que les règles édictées respectivement par l’article 12 (3) de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne sont, tel que relevé ci-avant, pas exclusives, mais complémentaires et s’appliquent cumulativement, le délai du recours d’un mois prévu par l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir de la date la plus récente de notification, en présence d’une décision notifiée tant à l’administré qu’à son mandataire désigné4, telle que la décision déférée.

Selon l’article 3 (1) de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, ci-après désignée par « la Convention de Bâle », les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit, les termes dies a quo désignant le jour à partir duquel le délai commence à courir et les termes dies ad quem désignant le jour où le délai expire.

L’article 5 de la Convention de Bâle dispose qu’« Il est tenu compte des samedis, dimanches et fêtes légales dans la computation d'un délai. […] ».

1 Cour adm., 5 décembre 2013, n° 33029C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 75 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 20 octobre 2003, n° 16463 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 256 et les autres références y citées.

3 Sur ce point, voir, p. ex. : trib. adm., 19 juillet 2017, n° 39679 du rôle et trib. adm., 30 mars 2018, n° 40800 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

4 Trib. adm., 18 février 2021, n° 45532 du rôle ; voir également, en ce sens : trib. adm., 5 avril 2019, n° 42389 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

3En l’espèce, dans la mesure où les deux notifications ont eu lieu le 7 octobre 2022, ainsi que cela se dégage des considérations qui précèdent, le délai de recours contentieux d’un mois à compter de la notification, tel que prévu par l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015, a commencé à courir à cette dernière date, à minuit, pour expirer le lundi, 7 novembre 2022, à minuit.

Il s’ensuit que le recours sous examen, introduit le mercredi, 9 novembre 2022, soit après l’expiration du délai susmentionné, est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 30 septembre 2022 refusant de faire droit à la demande de protection internationale des demandeurs et contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juillet 2024 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 48156
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-10;48156 ?

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