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10/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47573

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2024, 47573


Tribunal administratif N° 47573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47573 5e chambre Inscrit le 17 juin 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par la société en commandite simple X, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47573 du rôle et déposée le 17 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite si

mple ALLEN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J...

Tribunal administratif N° 47573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47573 5e chambre Inscrit le 17 juin 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par la société en commandite simple X, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47573 du rôle et déposée le 17 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple ALLEN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste VC du barreau de Luxembourg, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société en commandite simple X, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 mars 2022, référencée sous les numéros C 30535 et 30656, ayant rejeté comme non fondées ses réclamations introduites contre 1) les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, tous émis en date du 27 octobre 2021, et 2) les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis le 8 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2022 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY SCS, préqualifiée, pour compte de la société en commandite simple X, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean SCHAFFNER et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 novembre 2023.

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Suite au dépôt de ses déclarations pour l’établissement en commun du bénéfice commercial et pour l’impôt commercial des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2018 en date des 3 janvier 2013, 11 octobre 2013, 18 décembre 2014, 22 novembre 2016, 7 décembre 2017, 22 octobre 2018 et 30 décembre 2019, la société en commandite simple X, ci-après désignée par la « société X », fut informé par le service de révision de l’administration 1des Contributions directes, ci-après désigné par le « service de révision », par courrier du 2 septembre 2020, qu’il avait été chargé par le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », de procéder à une vérification de ses livres et documents comptables des années d’imposition en question sur base des §§ 162, alinéa (9), 193 et 206, alinéa (1) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », vérification ayant donné lieu à l’établissement d’un projet de rapport de la part du service de révision lui communiqué, de façon non contestée, le 5 août 2021 et l’invitant à présenter ses remarques ou objections par rapport au prédit projet.

Suite à un courrier du 9 septembre 2021 de son litismandataire, à travers lequel la société X prit position sur les points soulevés par ledit projet de rapport, le service de révision dressa le 15 octobre 2021 son rapport final, référencé sous le numéro 1973, ci-après désigné par le « Rapport de révision ».

Il ressort des explications non contestées du délégué du gouvernement qu’en date du 27 octobre 2021, le bureau d’imposition émit des bulletins d’imposition rectificatifs de « rétablissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 ».

Par un courrier du 24 janvier 2022, la société X introduisit une réclamation contre les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par courrier du 17 février 2022, réceptionné le 21 février 2022, la société X en fit de même en ce qui concerne l’année d’imposition 2018.

Par décision du 23 mars 2022, référencée sous les numéros C 30535 et 30656 du rôle, le directeur déclara lesdites réclamations recevables mais non fondées, dans les termes suivants:

« […] Vu la requête introduite le 24 janvier 2022 par Me Jean Schaffner, de la société en commandite simple Allen & Overy, au nom de la société en commandite simple X, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, tous émis en date du 27 octobre 2021 ;

Vu la requête introduite le 21 février 2022 par Me Jean Schaffner, de la société en commandite simple Allen & Overy, au nom de la société en commandite simple X, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis le 8 décembre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le rapport dressé en date du 15 octobre 2021 par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes s’étirant sur la période litigieuse du 1er janvier 22011 au 31 décembre 2016 et du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les deux requêtes, portées au rôle sous les numéros respectifs CX30535 et C 30656, ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre, dans l’intérêt d’une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les bulletins originaires des années 2011 à 2016, émis en dates respectives du 20 mai 2015, 10 août 2016, 22 mars 2017 et 11 avril 2018, ont été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO par des bulletins rectificatifs du 27 octobre 2021 ;

qu’au moment de l’émission des bulletins rectificatifs, les bulletins d’origine avaient acquis force de la chose décidée ; que d’autre part, les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs ont empêché ces derniers d’acquérir autorité de chose décidée alors que les bulletins originaires étaient à qualifier de définitifs jusqu’au moment où ils ont été rectifiés ;

qu’il s’ensuit que les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs litigieux, émis en date du 27 octobre 2021, sont attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction d’une multitude de dépenses qu’il qualifia de nature privée et d’avoir partiellement procédé par voie de la taxation afin de redresser, respectivement déterminer les bénéfices des années litigieuses ;

qu’elle estime que « les années fiscales de 2011 à 2015 [seraient] prescrites » et que le bureau d’imposition aurait agi sans « rapporter la preuve d’un fait nouveau » ; qu’en conséquence « les années de 2011 à 2016 ne p[ourraient] en aucun cas faire l’objet de Redressements » ; qu’elle estime encore que le bureau d’imposition l’aurait sanctionnée en lui « imposant une imposition approximative », au lieu d’opérer les redressements en cause « sur base d’un contrôle complet » ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu’en ce qui concerne les impositions de l’année 2018, la forme suivie par le bureau d’imposition n’est pas contestée et ne prête d’ailleurs pas à critique ;

En ce qui concerne la forme des années 2011 à 2016 Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante s’exprime, par extraits comme suit :

« les années d’imposition de 2011 à 2015 en question sont prescrites et ne sauraient faire l’objet des Redressements envisagés par l’ACD. Seule l’année d’imposition 2016, dont la créance d’impôt ne s’est éteint (sic) qu’à la fin de l’année 2021, aurait pu faire l’objet d’une vérification en vue de la rectification des bulletins d’imposition et entraîner une prescription décennale, mais encore aurait-il fallu que l’ACD démontre l’existence d’un fait nouveau. Dans la mesure où celle-

3ci est en défaut de rapporter la preuve d’un fait nouveau, elle ne saurait en aucun cas infliger à la Réclamante, en vertu de la prescription décennale, les Redressements issus du contrôle fiscal réalisé au titre des années d’imposition de 2011 à 2016 inclus. » ;

Considérant, de manière générale, qu’en matière d’impôts directs, la prescription est régie par la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accise sur l’eau-de-vie et des cotisations d’assurance sociale ; que l’article 10, alinéa 1er de la loi précitée énonce : « La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans. » ;

Considérant qu’il découle de cette disposition que si le délai de prescription de cinq ans est le délai de droit commun, le délai de dix ans est un délai spécial qui sanctionne des insuffisances imputables au contribuable soumis à l’obligation déclarative ;

Considérant que l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933 est le corollaire du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO ayant trait aux faits nouveaux ;

Considérant, en ce qui concerne justement les faits nouveaux, que « la notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d’imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition. » (Tribunal administratif du 17 février 2005, numéros 18011, 18012, 18013, 18014, 18015, 18016, 18017 et 18018 du rôle) ;

Considérant que « Si la découverte de ces éléments a abouti à une requalification de certains frais en distribution cachée de bénéfices, ce n’est pas la requalification en tant que telle qui est à considérer comme fait ou élément de preuve nouveau au sens du paragraphe 222 A.O., mais ce qui est déterminant c’est la découverte de l’absence de pièces de nature à justifier la relation économique de certains frais avec les revenus de la demanderesse, respectivement la découverte d’écritures comptables dévoilant la comptabilisation à charge de la demanderesse de frais qui en réalité sont en relation avec des tiers, qui ont permis de conclure à l’existence de frais sans relation économique avec l’activité de la demanderesse, mais ayant plutôt bénéficié à ses associés. » (Tribunal administratif du 7 novembre 2012, numéro 29604 du rôle) ;

Considérant que « Les faits nouveaux au sens du paragraphe 222 A.O. ne doivent pas avoir été constatés préalablement à l’exécution du contrôle sur place. En effet, celui-ci constitue une des mesures d’instruction possibles en vue de la détermination correcte des bases d’imposition et peut partant valablement conduire à la découverte de faits non connus antérieurement et pouvant être pris en compte dans le cadre de la fixation des bases d’imposition. Dès lors, des éléments factuels révélés seulement dans le cadre d’un tel contrôle exécuté même après l’émission des bulletins originaires peuvent être admis comme étant nouveaux dans la mesure où ils ne doivent pas être considérés comme ayant été connus du bureau d’imposition compétent au moment de l’émission des bulletins originaires. » (Cour administrative du 4 juillet 2012, numéro 31724C du rôle) ;

4 Considérant encore que les déclarations fiscales et bilans des années litigieuses étaient agencés de façon à camoufler tout indice pertinent qui aurait pu amener le bureau d’imposition à se douter de la présence des irrégularités et défaillances telles qu’elles furent constatées par le Service de révision ; que ce n’est qu’en analysant la déclaration et la comptabilité de l’année 2017 que le bureau d’imposition s’est vu confronté une première fois à des soupçons majeurs en ce qui concerne le bien-fondé de la détermination des bénéfices de la réclamante ; que c’est d’ailleurs suite à ces soupçons que le bureau d’imposition chargea le service de révision afin de procéder à une vérification des livres et documents comptables de la réclamante des années litigieuses, vérification qui divulgua pour une première fois les irrégularités et défaillances des années litigieuses telles qu’elles figurent dans le rapport précité du 15 octobre 2021 ;

Considérant que la découverte, lors du contrôle de la comptabilité de la réclamante, de la comptabilisation abusive de frais de nature privée et mixte, éparpillés arbitrairement sur différents comptes, choisis au hasard, du compte profit et pertes, dans le but de les faire passer pour des dépenses d’exploitation déductibles, constitue un fait nouveau justifiant l’application du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO et entraînant donc d’office l’application du délai de prescription de 10 ans tel que prévu par la loi du 27 novembre 1933 ;

Considérant qu’il s’ensuit que le bureau d’imposition a valablement pu se baser sur la découverte de ces faits ou éléments de preuve nouveaux lors du contrôle fiscal pour émettre des bulletins rectificatifs au sens du § 222 AO ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête donc pas à critique ;

En ce qui concerne le fond Considérant que le rapport dressé par le réviseur du Service de révision, en ce qui concerne les principaux griefs détectés, fait état des constatations suivantes : […] 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Considérant que la réclamante n’est pas d’accord avec les constatations du rapport et qu’elle est d’avis que le bureau d’imposition, ainsi que le Service de révision, n’auraient pas mené leur vérification de manière complète, ce qui aurait empêché le burea u d’imposition de déterminer les bases d’imposition de manière exacte et conduit à une sanction par le biais d’une « imposition approximative » ;

Considérant que le litige se présente de manière semblable que le litige tranché dans la décision directoriale prise en date du 9 novembre 2021 et répertoriée sous le numéro C 28938 du rôle, portant sur l’année d’imposition 2017 ; que dans cette décision, il a, entre autres, été retenu ce qui suit :

26« Considérant que la réclamante a porté en déduction dans son bilan commercial un pêle-mêle de frais difficilement discernables d’ordre privé et d’ordre professionnel, rendant ainsi le contrôle mené par le bureau d’imposition particulièrement laborieux ; qu’en outre le bureau d’imposition a témoigné d’un manque de coopération prononcé de la part de la réclamante auquel il a dû faire face lors de son contrôle, ce qui a supplémentairement entravé et prolongé son instruction ;

Considérant encore et à titre purement superfétatoire, qu’au vu du caractère intentionnel de la réclamante de porter en déduction des frais ne constituant manifestement pas des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 L.I.R., ce qui n’est d’ailleurs pas litigieux pour un montant de … euros, ce qui correspond à 48,73 pourcent du bénéfice suivant le bilan commercial, et qu’au vu de cette envergure, il convient de souligner que (es dispositions du § 162, alinéa 2 AO, n’ont pas été respectées ; que la comptabilité « est régulière quant au fond lorsqu’elle est complète et exacte, c’est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte » (Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n° 10577 du rôle), ce qui n’est pas le cas en l’espèce; que « Lorsque la régularité d’une comptabilité ne peut matériellement plus être vérifiée, la présomption de régularité éditée par le par. 208 A.O. ne saurait produire aucun effet, étant donné que le support matériel indispensable à la prémisse d’une conformité de la comptabilité aux conditions prévues par le par. 162 A.O. fait défaut » (Tribunal administratif du 31 mai 2006, n° 20705 du rôle) » ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal et du rapport du Service de révision que la réclamante a d’une part éparpillé, et ainsi dissimulé, la comptabilisation d’une multitude de frais privés ou mixtes sur différents comptes en tant que charges ; que d’autre part elle reste en souffrance de présenter une multitude de pièces comptables à l’appui des comptabilisations et qu’elle ne comprend pas le refus du Service de révision d’accepter comme « preuve » un extrait bancaire ;

Considérant que « Les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base. Tous ces documents tombent dans le champ d’application de l’obligation de conservation décennale des pièces comptables » (Tribunal administratif du 17 août 2012, numéro 28948 du rôle, confirmé par la Cour administrative en date du 4 juillet 2013, numéro 31723C du rôle) ; qu’un simple extrait bancaire, faute de détails, ne permet pas de déterminer la nature privée ou professionnelle des frais engagés, ce qui est d’ailleurs d’autant plus vrai dans le présent cas, étant donné qu’au vu du nombre éclatant et du pêle-

mêle de frais difficilement discernables d’ordre privé et d’ordre professionnel, il s’est avéré particulièrement difficile, voire impossible de vérifier avec certitude la nature professionnelle de ces frais, même en présence d’une pièce comptable adéquate ;

Considérant encore que la réclamante est d’avis que le Service de révision aurait incité la réclamante à ne lui faire parvenir qu’une partie des pièces : « Il y a lieu de noter que lors de la vérification, les inspecteurs ont spécifiquement demandé d’obtenir, au vu de la masse des pièces, seulement 2 mois par exercice pour les caisses et relevés visa. Cette demande émanait des inspecteurs et non pas de la Réclamante et fiduciaire comme le laisse entendre le Rapport. » ;

que le rapport fait état de ce qui suit : « Les réviseurs se sont adressés de nouveau au comptable afin de récupérer ces pièces. Les représentants de la S.E.C.S. ont alors confirmé que ce type de paiements ont malheureusement suivi peu de formalisme dans les activités journalières de sorte à ce qu’il était souvent très difficile de lier des pièces au bon paiement. Il a alors été convenu avec les réviseurs de procéder par contrôle d’échantillon. » ; que contrairement aux dires de la 27réclamante, il ne ressort donc pas du rapport de quelle partie émane l’initiative « de procéder par contrôle d’échantillon », mais qu’il en ressort cependant clairement que, suite à des négligences dans la tenue de ses livres, la réclamante n’était pas capable de fournir l’entièreté des pièces requises dans un délai raisonnable ; qu’en conséquence, il est difficilement concevable de procéder d’une autre manière pour arriver à un résultat de la vérification, l’inexactitude des enregistrements étant telle que tout contrôle effectif avait été rendu illusoire;

Considérant que la réclamante dispose d’une comptabilité en partie double informatisée et que les dispositions des §§ 160 et 162 AO lui imposent la tenue d ’une comptabilité régulière et complète ;

Considérant que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ; qu ’au vu de ce qui précède, la présomption de régularité de la comptabilité au sens du § 208, alinéa 1er AO a dès lors été renversée, du moins en ce qui concerne « les frais payés par carte de crédit et par caisse » ; que le bureau d’imposition était donc tenu, conformément au § 217 AO et plus précisément sur pied du 2ème alinéa de ce même paragraphe, d’effectuer une taxation de ces frais, ces derniers s’étant en effet basés sur les constatations du réviseur du Service de révision ;

Considérant que le bureau d’imposition était donc fondé à procéder par voie de la taxation conformément au § 217 AO afin de déterminer « la valeur des frais « VISA » et de « Caisse » à retenir en tant que dépenses d’exploitation » ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle les contribuables ne peuvent guère se soustraire (cf. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en ma tière d’impôts directs, in études fiscales n°81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et trib. adm.

du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Impôts, n° 272 et autre référence y citée) ;

Considérant que la taxation ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition qui est appliqué même à l’égard des contribuables soigneux et diligents (cf. Jean OLINGER, ibidem et trib.

adm. du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Impôts, n° 275) ;

Considérant que, tout comme le bureau d’imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c’est par la consécration du principe du réexamen intégral et d’office de l’imposition litigieuse dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu’aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s’oppose donc à ce que le réclamant présente dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d’abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d’impôt ;

Considérant que s’il est loisible au contribuable, sous l’empire de la loi générale des impôts, de s’opposer à une surtaxe, il lui incombe toutefois d’infirmer la taxation par des allégations circonstanciées qui permettent, dans le cadre du § 243 AO, de mieux asseoir 28l’impôt ;

Considérant que la réclamante reste toutefois en défaut de prouver suffisamment l’écart significatif entre, d’une part, les dépenses d’exploitation établies par voie de taxation, et les dépenses d’exploitation réelles des années litigieuses par des pièces probantes ; qu’en conséquence il y a lieu de confirmer les taxations effectuées en vertu du § 217 AO par le bureau d’imposition en ce qui concerne « la valeur des frais « VISA » et de « Caisse » à retenir en tant que dépenses d’exploitation » ;

Considérant qu’il est de jurisprudence constante que le contribuable ne doit s’imputer qu’à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses d’une taxation d’office, lorsque c’est par suite de son propre comportement fautif qu’il a été nécessaire de recourir à cette mesure (Tribunal administratif du 15 décembre 2003, n° 16445 du rôle) ;

Considérant, en ce qui concerne le point « 13. Frais non déductibles » du rapport, il en ressort que le Service de révision a procédé à une analyse méticuleuse « sur base des pièces probantes » et explications fournies par la réclamante ; que lors de cette analyse, pièce par pièce, il a déterminé le quantum des frais de nature privée respectivement mixte, dont le détail figure dans ledit rapport respectivement ses annexes ;

Considérant qu’en vertu de l’article 12, alinéa 1er L.I.R., « ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci -

après énumérées :

1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité » ;

Considérant qu’il en découle l’interdiction de ventilation des dépenses à caractère mixte (Aufteilungsverbot ; doc. part. 571, pages 13 - 14) (contrairement aux dépenses effectuées exclusivement et directement dans le cadre des fonctions professionnelles), celle-ci consignant entre autres que les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable constituent des dépenses privées non déductibles ; qu’il en découle que seules les dépenses occasionnées directement par l’activité professionnelle du contribuable ou pour l’obtention de revenus imposables entrent en ligne de compte en vue de leur déduction à titre de frais d’obtention ; que font, selon la jurisprudence constante, exception les dépenses à caractère mixte pour autant qu’est donnée une possibilité objective, aisément déterminable et contrôlable de les scinder en une quote-part privée et une quote-part professionnelle ;

Considérant que suite à l’analyse des factures présentées, les réviseurs ont constaté que les dépenses litigieuses revêtent un caractère mixte, donc à la fois privé et professionnel, -

tendant toutefois fortement vers le côté privé - et qu’aucune possibilité objective, aisément déterminable et contrôlable de les scinder en une quote-part privée et une quote-part professionnelle n’est donnée dans le cas d’espèce ; que partant elles s’avèrent non déductibles en vertu de l’article 12 L.I.R ; qu’elles ont à juste titre été refusées par le bureau d’imposition Considérant, en ce qui concerne les prélèvements de marchandises, que la réclamante 29avance ce qui suit : « Le service de révision rejette par ailleurs l’argument selon lequel les produits du stock seraient retirés pour être portés à titre personnel pour les besoins de la promotion de la marque … (la Marque) en estimant que cet argument ne serait valable que pour les produits de la collection courante et marchande. Cette approche ne nous semble pas être pertinente. … reste …. Admettons que Madame Y, ambassadrice de la Marque, se balade dans la rue et se fasse repérer avec un sac …, cela incitera dans tous les cas les gens à venir voir les nouvelles collections en magasin. »; que cet argument semble cependant peu convaincant, étant donné qu’il est peu concevable de faire la promotion d’une marque qui lance régulièrement une nouvelle collection exclusive et en quantités limitées avec un produit d’une ancienne collection, et même plus disponible à la vente ; que s ’y ajoute que cette manière de procéder risquerait d’entraver une vente potentielle, respectivement de mécontenter un client potentiel, sachant que ce dernier se voit dans l’impossibilité de s’offrir sur-le-champ et en état neuf, le produit repéré dans la rue ;

qu’il en découle qu’une promotion sérieuse de la marque ne peut avoir lieu qu’en faisant recours à la collection actuelle et disponible à la vente ; qu ’il peut donc valablement être présumé que les considérations principales pour effectuer un prélèvement d’un produit d’une ancienne collection sont majoritairement d’ordre privé ;

Considérant que la réclamante conteste la méthode de valorisation appliquée ; qu’en date du 9 novembre 2021, le directeur a retenu à travers la décision précitée C 28938 ce qui suit :

« Considérant qu’en vertu de l’article 43, alinéa 1er L.I.R., les prélèvements personnels sont à mettre en compte pour leur valeur d’exploitation au moment du prélèvement; que la valeur d’exploitation est définie dans l’alinéa 1er de l’article 27 L.I.R. qui retient qu’est considérée comme valeur d’exploitation d’un bien le prix qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait au bien envisagé dans le cadre du prix d’acquisition global, l’acquéreur étant supposé continuer l’exploitation ;

Considérant qu’en ce qui concerne la « collection en-cours », l’évaluation des prélèvements établie par le bureau d’imposition n’est pas litigieuse ; qu’en ce qui concerne les prélèvements d’articles issus de collections antérieures, la réclamante aboutit à une évaluation de la valeur d’exploitation à 0 euro en argumentant qu’elle ne serait pas autorisée à revendre ces articles et qu’elle serait tenue de les détruire en vertu de ses obligations contractuelles ; qu’afin d’éviter la destruction de ces articles les associés les auraient prélevés de leur entreprise;

Considérant qu’il en découle que suivant les dires de la réclamante, ses associés n’étaient, en principe, pas autorisés à prélever les articles litigieux et qu’il en découle que c’est uniquement grâce à leur statut d’associé que ceux-ci étaient en mesure de procéder aux prélèvements susénoncés ; que les associés ont donc obtenu de la réclamante un avantage qu’ils n’auraient pas obtenu s’ils n’auraient pas eu la qualité d’associé ;

Considérant ainsi qu’une évaluation de la valeur d’exploitation à 0 euro ne s’avère pas appropriée dans le cas d’espèce ;

Considérant que la « valeur d’exploitation a généralement pour limite inférieure la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé. » (Tribunal administratif du 24 avril 2006, n° 13666 du rôle) 30 Considérant qu’en raison de leur stock limité voire épuisé, de leur pénurie et de leur exclusivité, la valeur estimée de réalisation de ces articles de luxe a généralement tendance à se stabiliser, voire à croître, plutôt qu’à baisser, d’autant plus qu’il est tout à fait envisageable qu’un tiers serait prêt à débourser un prix plus élevé pour un produit d’occasion devenu encore plus rare et exclusif, que le prix originairement affiché en boutique ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède que le bureau d’imposition a déterminé la valeur d’exploitation à un montant correspondant au strict minimum possible et que l’évaluation du bureau d’imposition est ainsi à confirmer ; » ;

Considérant qu’il y a lieu de soulever que ces considérations sont corroborées par les constatations supplémentaires contenues dans le rapport du Service de révision ;

Considérant qu’au vu de tout ce qui précède il y lieu de confirmer les constatations du Service de révision figurant dans le rapport précité, tout comme les redressements litigieux opérés par le bureau d’imposition ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejettes comme non fondées […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2022, la société X a fait introduire le recours sous examen tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 23 mars 2022.

Par jugement du 10 juillet 2024, inscrit sous le numéro 47000 du rôle, le tribunal administratif déclara non fondé le recours contentieux introduit par la société X contre une décision directoriale du 9 novembre 2021 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, émis en date du 4 novembre 2020.

I) Quant à l’admissibilité du mémoire en réponse Il convient de prime abord de trancher la question de l’admissibilité du mémoire en réponse, contestée par la société X au motif qu’il serait tardif, cette question revêtant un caractère préalable, étant donné qu’elle détermine le cadre des moyens à prendre en considération par la juridiction saisie dans sa démarche de solution du litige lui soumis1.

L’article 5, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1 Cour adm., 14 novembre 2019, n° 42722C, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 933.

311999 », dispose que « Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive », tandis que son paragraphe (6) dispose que « Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ». L’article 4, paragraphe (3) de la même loi précise, quant à lui, que « le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat […] ».

En l’espèce, la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2022 et a été transmise en date du même jour à l’Etat. Le délai de trois mois a ainsi commencé à courir le 17 juin 2022. Cependant, en raison de la suspension du délai prescrit par l’article 5, paragraphe (6) de la loi du 21 juin 1999, précité, le délai de trois mois était suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre 2022, de sorte à avoir repris le 16 septembre 2022 pour expirer le 17 novembre 2022. Etant donné que le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif en date 16 novembre 2022, il a été déposé endéans le délai légal. En conclusion, le mémoire en réponse n’est pas tardif.

Le moyen tendant au rejet du mémoire en réponse est, dès lors, à écarter pour ne pas être fondé.

II) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 23 mars 2022, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a, partant, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

III) Quant au fond Le tribunal rappelle que par jugement séparé du 10 juillet 2024, inscrit sous le numéro 47000 du rôle, il a déclaré non fondé le recours contentieux introduit par la société X contre une décision directoriale du 9 novembre 2021 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins d’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année d’imposition 2017, émis en date du 4 novembre 2020.

Si le recours sous examen porte, en substance, sur des problématiques essentiellement identiques, sinon similaires, tout en concernant les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, il n’en demeure pas moins que le tribunal ne statue que dans la limite des moyens utilement produits devant lui par la société demanderesse dans le cadre du présent recours, et que le tribunal est appelé à refaire une appréciation des éléments de fait et de droit avec effet 32au jour où il statue, démarche comportant le pouvoir de substituer en définitive sa décision à celle de l’autorité administrative.

Dès lors, la légalité et le bien-fondé de la décision directoriale déférée sera analysée exclusivement dans la limite des moyens formulés par la société demanderesse dans le recours sous examen, à l’exclusion des arguments et moyens produits par elle.

Le tribunal rappelle également que l’exposé d’un moyen requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué2, de sorte qu’il n’a pas à répondre aux développements de la société demanderesse dépourvus de référence à une quelconque base légale et d’explications circonstanciées afférentes visant à soutenir la manière dont une règle de droit aurait été violée en l’espèce, ni à des moyens simplement suggérés.

A l’appui de son recours, et après avoir repris les faits et rétroactes exposés ci-avant, la société demanderesse sollicite la réformation de la décision directoriale déférée du 23 mars 2022, en substance, en se prévalant :

- de l’acquisition de la prescription des années d’imposition 2011 à 2015 sur le fondement de l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes des droits d’accise sur l’eau-de-vie et des cotisations d’assurance sociale, ci-après désignée par la « loi du 27 novembre 1933 » ;

- de l’absence de faits ou d’éléments de preuve nouveaux au sens du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO qui auraient permis à l’administration de procéder au redressement de l’année d’imposition 2016 ;

- des articles 27 et 43 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », pour contester le montant des prélèvements personnels de marchandises retenu par l’administration ; et - des articles 45, alinéa (1) et 12, numéro 1 LIR pour conclure à l’admissibilité de l’ensemble de ses dépenses d’exploitation déclarées en déduction.

A titre liminaire et à défaut d’une quelconque prise de position dans le cadre du présent recours visant à contester la décision directoriale du 23 mars 2022 à ce sujet, le tribunal retient d’ores et déjà qu’il n’est pas contesté que :

- la comptabilité de la société demanderesse pour les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, est irrégulière en ce qu’elle contrevient aux prescriptions des §§ 160 à 162 AO, de sorte à ne pas pouvoir bénéficier de la présomption de régularité quant au fond au sens du § 208, alinéa (1) AO, et - le bien-fondé de la taxation d’office opérée par l’administration au titre de ces mêmes années d’imposition sur le fondement du § 217 AO n’est pas autrement remis en cause qu’à travers la question de l’évaluation des prélèvements d’articles de marchandises et des dépenses d’exploitation.

A) Quant à la prescription et à l’existence de faits et d’éléments nouveaux Moyens et arguments des parties 2 Trib. adm., 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 503 et les autres références y citées.

33 Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse se prévaut des §§ 162, alinéa (9) et 193, alinéa (1) AO pour soutenir que ces dispositions permettraient l’exécution d’un contrôle sur place en-dehors de la procédure d’instruction de la déclaration fiscale du contribuable relative à une année d’imposition déterminée en vue de son imposition par voie d’assiette, de manière qu’un tel contrôle pourrait encore être effectué, alors même que la procédure d’instruction relative à l’année d’imposition concernée aurait déjà été clôturée par l’émission des bulletins d’impôt afférents, et ce tant que la prescription de la créance d’impôt ne serait pas acquise.

Après avoir précisé que le délai de prescription serait soit de cinq ans, soit de dix ans en matière d’impôts directs, la société demanderesse explique qu’en dehors de l’application du § 100a AO, le délai de prescription de cinq ans pourrait être porté à dix ans dans l’hypothèse où le contribuable omet de déposer sa déclaration fiscale ou qu’il dépose une déclaration incomplète ou inexacte, lorsque dans le cadre d’une revue de comptabilité, l’administration déciderait de rectifier un bulletin d’impôt déjà émis en s’appuyant sur l’existence de faits nouveaux.

Le délai de cinq ans serait applicable dans le cadre de la procédure d’instruction de la déclaration fiscale du contribuable relative à une année d’imposition déterminée en vue de son imposition par voie d’assiette. Etant donné que le contribuable n’aurait pas fait l’objet d’une imposition définitive et qu’aucun bulletin d’imposition n’aurait encore été émis à ce stade, le service de révision pourrait vérifier les années précédentes afin de redresser les erreurs ayant été commises dans la déclaration relative à l’année d’imposition en question et d’émettre un bulletin correspondant. Une fois clôturée, la vérification ne pourrait plus être recommencée en ce qui concerne la période considérée et les impôts soumis au contrôle, sauf en cas de faits nouveaux survenus après la clôture de la vérification et de l’émission des bulletins afférents.

Le délai de dix ans serait, quant à lui, consacré par le § 222, alinéa (1) AO lequel permettrait au service de révision de rectifier des bulletins d’imposition ayant déjà été émis, dès lors qu’il rapporterait la preuve d’un fait ou moyen nouveau et ce tant que le délai de prescription de cinq ans de la créance d’impôt ne serait pas acquis. La société demanderesse fait valoir que ce serait justement le contexte dans lequel elle se trouverait en l’espèce, alors que lors d’une entrevue dans le cadre du contrôle fiscal réalisé au titre de l’année d’imposition 2017, l’administration aurait estimé que l’existence des prélèvements personnels de ses co-

exploitants, à savoir Monsieur X, ainsi que Mesdames Y et Z, constituerait un fait nouveau entraînant l’application du délai de dix ans et en conséquence le contrôle des années 2011 à 2016 incluse.

Après avoir explicité la notion de « faits nouveaux », la société demanderesse se prévaut du § 204 AO et insiste sur la considération que les services fiscaux « ne sauraient se contenter de « vérifications sommaires » dans le cadre du contrôle des déclarations fiscales, alors que leur travail devrait être « approfondi ». Il s’ensuivrait qu’une circonstance révélée postérieurement ne saurait être constitutive d’un fait ou moyen nouveau que dans la mesure où l’administration ne pourrait raisonnablement pas en avoir eu connaissance à la date d’émission du bulletin d’imposition, la société demanderesse ajoutant qu’il n’y aurait pas de fait nouveau si l’ignorance est due à un manque de diligence de la part du bureau d’imposition, ce qui serait justement le cas en l’espèce au motif que l’administration aurait émis des bulletins d’impôt définitifs sans avoir contesté sa « situation ».

34La société demanderesse donne à considérer, contrairement à l’affirmation du directeur, que l’administration aurait raisonnablement pu avoir connaissance des prélèvements litigieux et de leur utilisation alléguée à titre privé à la date d’émission « du bulletin d’imposition ».

L’absence de prise en compte de ces prélèvements et, de manière générale, de la déduction des frais généraux révélerait que l’administration n’aurait « pas effectué de vérification sommaire » de la comptabilité, des supports et de tout autre élément qu’elle aurait fourni avec ses déclarations fiscales dont le caractère complet ne serait, par ailleurs, pas contesté par les autorités fiscales, la société demanderesse insistant sur la considération que le directeur aurait lui-même indiqué que ce ne serait que lors de l’analyse de la déclaration et de la comptabilité de l’année d’imposition 2017 qu’une analyse séparée aurait été réalisée par l’administration en ce qui concerne les années d’imposition précédentes.

Elle ajoute que ses comptes annuels, en ce compris les divers postes de frais et de charges, n’auraient nullement obscurci la déduction de ses divers frais, et que les prélèvements personnels litigieux ne constitueraient pas une nouveauté et leur existence aurait pu être soulevée au titre des années d’imposition en question.

La société demanderesse s’oppose à ce que l’existence de prélèvements personnels puisse être qualifiée de fait nouveau et qu’elle puisse justifier l’application de la prescription décennale. Elle s’oppose encore au fait que l’administration se soit arrogée le droit de procéder aux redressements litigieux issus du contrôle fiscal réalisé au titre des années d’imposition de 2011 à 2016 incluse, dans la mesure où, d’une part, la créance d’impôt pour les années d’imposition de 2011 à 2015 incluse serait prescrite « en vertu des règles générales de prescription fiscale », de sorte qu’elle n’aurait pas pu faire l’objet du redressement litigieux, et, d’autre part, l’administration n’aurait pas su démontrer l’existence d’un fait nouveau au titre des années d’imposition de 2016 et 2017.

Tout en admettant que seule l’année d’imposition de 2016, dont la créance d’impôt ne se serait éteinte qu’à la fin de l’année 2021, aurait pu faire l’objet d’une vérification en vue de la rectification des bulletins d’imposition et entraîner l’application du délai de prescription décennal, la société demanderesse fait valoir que l’administration aurait néanmoins dû démontrer l’existence d’un fait nouveau. Or, à défaut d’avoir rapporté une telle preuve, l’administration n’aurait pas non plus pu procéder au redressement en ce qui concerne l’année d’imposition 2016.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen en se prévalant du délai de prescription de dix ans, visé à l’article 10, alinéa (1) de la loi du 27 novembre 1933 lequel serait le corollaire du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO, qui aurait été d’office applicable suite à la découverte de faits nouveaux.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse indique maintenir son argumentation.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater que la société demanderesse fait valoir que l’imposition relative aux années d’imposition 2011 à 2015 serait prescrite par application « des règles générales de prescription fiscale », tandis que l’imposition relative à l’année 2016 serait, 35quant à elle, certes non prescrite, mais le redressement afférent devrait, eu égard à l’absence de faits ou d’éléments nouveaux au sens du § 222, alinéa (1) AO, être rejeté.

L’argumentation de la société demanderesse portant sur l’année d’imposition 2017 encourt, quant à elle, d’ores et déjà le rejet pour être non pertinente dans le cadre du recours sous examen portant sur les seules années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que l’année 2018, étant rappelé que l’année d’imposition 2017 a fait l’objet d’un recours séparé introduit par la société demanderesse, inscrit sous le numéro 47000 du rôle, ayant abouti à un jugement séparé du tribunal administratif rendu en ce jour.

1) Quant à la question de la prescription des années d’imposition 2011 à 2015 incluse L’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, telle que remise en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, pris en vertu de la loi du 27 février 1946, applicable à la matière de la prescription des créances du Trésor, à l’exclusion du § 144 AO, dispose que « La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas d’absence de déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexactes, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans.

Ces prescriptions s’appliquent à tous impôts […] dont est chargée l’administration des contributions directes […]. ».

Il s’ensuit que la prescription de la créance du Trésor est en principe de cinq ans, tandis que la prescription est décennale en cas d’imposition supplémentaire pour absence de déclaration ou déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse3.

En ce qui concerne le point de départ du délai de prescription de la créance du Trésor, le tribunal relève que l’alinéa 3 de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 précise que « La prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née. […] ».

La créance fiscale naît, aux termes du § 3 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », désignée ci-après par « StAnpG », qui dispose que « (1) die Steuerschuld entsteht, sobald der Tatbestand verwirklicht ist, an den das Gesetz die Steuer knüpft.

(2) Auf die Entstehung der Steuerschuld ist es ohne Einflu, ob und wann die Steuer festgesetzt wird und wann die Steuer zu entrichten (wann sie fällig) ist », dès que le fait générateur auquel la loi rattache l’impôt est réalisé, étant précisé que ni la déclaration de l’impôt, ni les bulletins d’imposition ne donnent naissance par eux-mêmes à la dette d’impôt4.

Le §3 StAnpG précise ensuite en son alinéa (5), qui dispose que « die Steuerschuld entsteht : 1. bei der Einkommensteuer und bei der Körperschaftsteuer: […] c) für die veranlagte Steuer: mit Ablauf des Kalenderjahres, für das die Veranlagung vorgenommen wird, soweit nicht die Steuerschuld nach Buchstabe a) oder b) schon früher entstanden ist », que pour l’impôt sur le revenu en particulier, la dette fiscale naît à la fin de l’année civile pour laquelle l’imposition est effectuée, à savoir au 31 décembre de l’année d’imposition concernée.

3 Trib. adm., 27 mai 1998, n° 10208, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 818 et les autres références y citées.

4 En ce sens: Trib. adm., 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1025 et les autres références y citées.

36Il s’ensuit que pour l’impôt sur le revenu, le délai de prescription court à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance fiscale est née5.

Il résulte d’une lecture combinée de l’article 10, alinéa 3 de la loi du 27 novembre 1933 et du § 3, alinéas (1), (2), et (5) StAnpG, précités, qu’en l’espèce, la dette fiscale de la société demanderesse au titre des années d’imposition 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 est née respectivement le 1er janvier des années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016.

Les bulletins d’impôt des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, litigieux, ayant tous été émis le 27 octobre 2021, soit après l’expiration du délai de prescription 5 ans, mais endéans le délai de 10 ans, lequel est applicable, tel que relevé ci-avant, en cas d’absence de déclaration ou de déclaration inexacte ou incomplète, il y a lieu de vérifier si le bureau d’imposition a valablement pu se prévaloir du délai de prescription de 10 ans pour émettre ces bulletins d’impôt.

L’administration, sur laquelle repose la charge de la preuve conformément à l’article 59, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 qui dispose que « La charge de la régularité de la procédure fiscale appartient à l’administration », et plus particulièrement le directeur, estime que le délai de prescription de 10 ans serait « d’office » applicable en raison de l’existence de faits nouveaux au sens du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO.

Le § 222, alinéa (1), numéro 1 AO dispose comme suit : « (1) Hat bei Steuern, bei denen die Verjährungsfrist mehr als ein Jahr beträgt, das Finanzamt nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung) nur statt:

1. wenn neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine höhere Veranlagung rechtfertigen, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist. ».

Au vœu de cette disposition, l’administration est fondée à émettre des bulletins rectificatifs de bulletins formels émis après l’instruction du cas d’imposition et ayant fixé des cotes d’impôt notamment si la double condition que des faits ou moyens de preuve justifiant une majoration de la cote d’impôt ou des bases d’imposition fixées parviennent nouvellement à la connaissance de l’administration après l’émission des bulletins originaires et que le délai de prescription ne soit pas encore écoulé6.

Il s’ensuit que l’administration n’est pas fondée à soutenir que l’existence de faits nouveaux – à les supposer établis à ce stade de l’analyse – justifierait ipso facto l’application du délai de prescription de 10 ans, alors que l’application du § 222, alinéa (1) AO est justement conditionnée par le fait que la prescription ne doit pas être acquise, question sous analyse.

Il y a, dès lors, lieu de vérifier s’il y a eu une absence de déclaration ou une imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte justifiant l’application du délai de prescription décennal, tel que contesté par la société demanderesse, étant précisé que les explications non contestées de la société demanderesse selon lesquelles lesdits bulletins 5 Trib. adm., 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 823 et les autres références y citées.

6 Cour adm., 4 juillet 2013, n° 31723C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1066 (2e volet) et les autres références y citées.

37d’impôt n’auraient pas été émis dans le cadre du § 100a AO7, emportent que l’application du délai décennal n’est pas d’office exclue.

Il est constant que la société demanderesse a introduit ses déclarations fiscales concernant les années d’imposition 2011 à 2015 et que des bulletins d’imposition afférents lui ont été notifiés, de sorte que le cas de figure visé à l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, et tenant à un défaut de déclaration fiscale ne se trouve pas vérifié en l’espèce.

En revanche, la société demanderesse n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’aurait pas déposé de déclarations fiscales « incomplètes ou inexactes » pour les années d’imposition sous analyse. En effet, le contrôle fiscal dont elle a fait l’objet a conduit le bureau d’imposition et le directeur à conclure au caractère irrégulier de sa comptabilité et la société demanderesse ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, que sa comptabilité ne répond pas aux prescriptions des §§ 160 à 162 AO. Il s’ensuit que ses déclarations fiscales déposées au titre de années 2011 à 2015 doivent, à tout le moins, être considérées comme « inexactes », dans la mesure où les éléments y déclarés reposent nécessairement sur des données incorrectes pour être fondés sur une comptabilité irrégulière.

La première des deux conditions relatives à l’application du délai de prescription décennal prévue à l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 est partant remplie. En revanche, la question de savoir si la seconde condition relative à une éventuelle « imposition supplémentaire » est également remplie requiert une analyse du bien-fondé des redressements consécutifs au contrôle fiscal, analyse qui sera faite ci-après8.

2) Quant à l’absence alléguée de faits ou d’éléments de preuve nouveaux au titre de l’année d’imposition 2016 Par rapport aux contestations de la société demanderesse tenant à l’absence de faits ou d’éléments nouveaux qui seraient de nature à justifier l’émission des bulletins d’impôt rectificatifs au titre de l’année d’imposition 2016, il échet de rappeler, au regard des dispositions du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO, précité, que la notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d’imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition9.

En l’espèce, il ressort de la décision directoriale que « ce n’est qu’en analysant la déclaration et la comptabilité de l’année 2017 que le bureau d’imposition s’est vu confronté une première fois à de soupçons majeurs en ce qui concerne le bien-fondé de la détermination des bénéfices » de la société demanderesse. Ces explications ne signifient pas, tel que semble le suggérer la société demanderesse, que c’est la vérification de sa déclaration et de sa comptabilité portant sur l’année d’imposition 2017 qui a entraîné la découverte de faits 7 « (1) Le bureau d'imposition peut, sous réserve d'un contrôle ultérieur, fixer l'impôt en tenant compte de la seule déclaration d'impôt, et ceci sans qu'il y ait lieu d'indiquer les motifs. […] (3) Avec l'expiration du délai de prescription de cinq ans, la réserve du contrôle ultérieur devient caduque et la fixation de l'impôt devient définitive. […] ».

8 En ce sens : Cour adm., 27 juillet 2022, n° 46933C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

9 Trib. adm., 17 février 2005, nos 18011 à 18018 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1065 (1er volet) et les autres références y citées.

38nouveaux. En effet, cette vérification n’a amené le bureau d’imposition qu’à avoir des « soupçons majeurs » quant au bien-fondé de la détermination des bénéfices de la société demanderesse et à enjoindre, en conséquence, au service de révision de procéder à une vérification de ses livres et documents comptables pour les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018. C’est à l’issue de cette vérification par le service de révision que des faits ou éléments de preuve nouveaux auraient été découverts par l’administration, lesquels ont, par la suite, encore amené le bureau d’imposition à émettre des bulletins d’imposition rectificatifs au titre de ces années d’imposition en application du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO.

Cette découverte de faits ou d’éléments nouveaux lors du contrôle dont a fait l’objet la société demanderesse au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018 pour procéder à une rectification de l’année d’imposition 2016 – seule concernée par le moyen de la société demanderesse sous analyse – n’est pas critiquable, alors qu’un fait nouveau ne doit pas avoir été constaté préalablement à l’exécution d’un contrôle sur place. En effet, celui-ci constitue une des mesures d’instruction possibles en vue de la détermination correcte des bases d’imposition et peut partant valablement conduire à la découverte de faits non connus antérieurement et pouvant être pris en compte dans le cadre de la fixation des bases d’imposition. Dès lors, des éléments factuels révélés seulement dans le cadre d’un tel contrôle exécuté même après l’émission des bulletins originaires peuvent être admis comme étant nouveaux dans la mesure où ils ne doivent pas être considérés comme ayant été connus du bureau d’imposition compétent au moment de l’émission des bulletins originaires10.

Le tribunal ne partage pas l’argumentation de la société demanderesse suivant laquelle les faits et éléments découverts par le service de révision et qualifiés comme tels par le bureau d’imposition et le directeur, auraient déjà été connus par l’administration, respectivement devraient être considérés comme réputés connus par le bureau d’imposition au motif qu’il les aurait connus s’il avait satisfait à son obligation de vérification de ses déclarations fiscales relatives à l’année d’imposition 2016.

D’un côté, il est certes admis que le principe de bonne foi (« Treu und Glauben ») tend à exclure le caractère nouveau d’un fait au sens du § 222, alinéa (1) AO, bien que le bureau d’imposition n’en avait pas connaissance au moment de l’imposition initiale, dès lors qu’il aurait été en mesure de le connaître s’il avait satisfait à son obligation de rechercher d’office les faits à soumettre à l’impôt (« Erforschungspflicht »)11 conformément au § 204, alinéa (1) AO, notamment en procédant au contrôle des déclarations fiscales, le cas échéant, en sollicitant des informations supplémentaires pour écarter des doutes ou remédier à des lacunes12, ou en procédant à des investigations en cas de doutes quant à l’exactitude des informations déclarées13.

Sous cette optique, le caractère nouveau d’un fait ne dépend en réalité pas de ce que le bureau d’imposition a préalablement recherché (« erforscht ») comme fait, mais du fait qu’il 10 Cour adm., 4 juillet 2013, n° 31723C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1066 (2e volet) et les autres références y citées.

11 Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, § 222, Anm. 8, Seite 60.

12 § 205, alinéa (1) AO: « Die Steuerkontrollstelle hat die Steuererklärungen ( §166 ) zu prüfen. Soweit nötig, hat sie tunlichst durch schriftliche Aufforderung zu veranlassen, dass Lücken ergänzt und Zweifel beseitigt werden. ».

13 § 205, alinéa (2) AO: « Trägt die Steuerkontrollstelle Bedenken gegen die Richtigkeit der Erklärung, so hat sie, wenn nötig, Ermittlungen vorzunehmen. Sie kann den Steuerpflichtigen, falls eine Aufforderung zu schriftlicher Erklärung nicht angezeigt ist oder keinen Erfolg hat, vorladen und ihn nach den §170 ff. zu Auskunft und weiteren Nachweisungen anhalten. ».

39aurait dû découvrir s’il avait exécuté sa « Erforschungspflicht » de manière suffisamment complète. A défaut, l’administration pourrait se prévaloir de ses propres manquements antérieurs pour procéder par la suite à une imposition rectificative au détriment du contribuable14, ce qui ne saurait être admis.

D’un autre côté, c’est également ce même principe de bonne foi, auquel est aussi astreint le contribuable tout au long de la procédure d’instruction et d’imposition, qui exclut qu’un contribuable soit fondé à soutenir que le bureau d’imposition avait connaissance, respectivement aurait dû avoir connaissance, voire devrait être considéré comme ayant eu connaissance d’un fait, lorsque le contribuable n’a, lui-même, pas exposé ces faits de manière suffisamment claire au bureau d’imposition15, autrement dit pas satisfait à sa propre obligation de collaboration (« Mitwirkungspflicht »)16.

De ce point de vue, l’élément déterminant ne porte pas sur l’exécution ou non de l’obligation par le bureau d’imposition en tant que telle, mais sur les connaissances manquantes ou incomplètes des faits (« Sachverhalt ») en question dans le chef du bureau d’imposition compétent17 consécutives au comportement du contribuable lui-même.

En tout état de cause, il se dégage de ces principes que l’existence d’un fait nouveau requiert une mise en balance des obligations de part et d’autre en vue de déterminer, au cas par cas, si le bureau d’imposition en avait déjà connaissance, respectivement doit être réputé en avoir eu connaissance.

En l’espèce, selon le directeur, le fait nouveau réside dans « la découverte, lors du contrôle de la comptabilité de la société demanderesse, de la comptabilisation abusive de frais de nature privée et mixte, éparpillés arbitrairement sur différents comptes, choisis au hasard, du compte profit et pertes, dans le but de les faire passer pour des dépenses d’exploitation déductibles ». Le directeur s’est plus particulièrement référé, à cet égard, au Rapport de révision dans lequel les réviseurs ont constaté des « lacunes manifestes au niveau du fond et de la forme de la comptabilité de la société demanderesse au sens des §§160 à 162 AO », essentiellement aux motifs (i) que des prélèvements privés de marchandises n’auraient pas été comptabilisés de manière visible et (ii) que la société demanderesse n’aurait pas disposé de toutes les pièces justificatives nécessaires pour démontrer que les dépenses déclarées comme des dépenses d’exploitation avaient été provoquées exclusivement par son activité.

Il s’ensuit que contrairement à ce qu’affirme la société demanderesse, les faits ou éléments de preuve nouveaux au sens du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO ne portent ni sur la connaissance des prélèvements litigieux par le bureau d’imposition, ni sur la découverte de dépenses ne répondant pas aux conditions de déductibilité de l’article 45, alinéa (1) LIR. Les faits et éléments portent, bien au contraire, sur la découverte d’une comptabilisation non conforme aux prescriptions des §§160 à 162 AO, ainsi que l’absence de pièces justificatives complètes établissant le lien exclusif des frais portés en déduction par la société demanderesse de son résultat imposable avec son activité économique, qui corroborerait – suivant 14 Hübschmann-Hepp-Spitaler, op. cit., Anm. 8 -8a, Seite 63.

15 Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, § 222, Anm. 8, Seite 61.

16 Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, § 222, Anm. 8, Seite 62.

17 Hübschmann-Hepp-Spitaler, op. cit., Anm. 8, Seite 64.

40l’administration – que ces frais auraient, en réalité, été engagés pour les besoins privés de ses trois co-exploitants18.

C’est, dès lors, par rapport à ces faits qu’il y a lieu de déterminer si le bureau d’imposition a été, au moment du dépôt de la déclaration fiscale de l’année d’imposition 2016, mis en mesure de les connaître par la société demanderesse.

Or, la société demanderesse ne saurait valablement soutenir que le bureau d’imposition aurait déjà dû avoir connaissance du caractère irrégulier de sa comptabilité s’il avait effectué une « vérification sommaire » de ses déclarations fiscales portant sur l’année d’imposition 2016, d’autant plus qu’elle ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, le caractère irrégulier de sa comptabilité, tel que relevé ci-avant. Les manquements non contestés de la société demanderesse aux §§ 160 à 162 AO sont justement de nature à jeter un doute sérieux quant à la manière dont la société demanderesse a mis le bureau d’imposition en mesure d’exercer sa « Erforschungspflicht » et révélateurs d’un défaut de collaboration patent de la société demanderesse laquelle n’a pas mis le bureau d’imposition en mesure d’asseoir, dès l’origine, les bases d’impositions sur le fondement d’une comptabilité tenue en bonne et due forme, la décision directoriale étant éloquente à ce sujet (« les déclarations fiscales et bilans des années litigieuses étaient agencés de façon à camoufler tout indice pertinent qui aurait pu amener le bureau d’imposition à se douter de la présence des irrégularités et défaillances telles qu’elles furent constatées par le Service de révision »). Dans ces conditions, la société demanderesse ne saurait se prévaloir de ses propres manquements aux obligations lui imposées par la loi, en l’occurrence celles tenant à une comptabilité régulière quant au fond et quant à la forme, pour contester l’exercice par le bureau d’imposition de sa mission d’ordre public de détermination des bases d’imposition visée au § 204, alinéa (1).

Il ne saurait pas non plus être reproché au bureau d’imposition de ne pas s’être rendu compte que la société demanderesse ne disposait pas de toutes les pièces justificatives en vue d’établir, pour l’intégralité de ses dépenses, leur matérialité, ainsi que leur lien de causalité avec son activité, alors que le bureau d’imposition peut raisonnablement partir du principe que les pièces justificatives fournies à l’appui de la déclaration d’un contribuable sont de nature à corroborer l’ensemble des éléments déclarés par lui.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à rejoindre le directeur dans son constat que le caractère irrégulier de la comptabilité de la société demanderesse, ainsi que le défaut de pièces justificatives complètes, découverts lors de son contrôle fiscal effectué au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, constituent des faits et éléments de preuve nouveaux au sens du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO.

Il résulte des considérations qui précèdent que la première des deux conditions relatives à l’application du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO est remplie. En revanche, la question de savoir si les autres conditions sont remplies, en l’occurrence que la prescription ne soit pas acquise et qu’une imposition supérieure (« die eine höhere Veranlagung rechtfertigen ») à l’imposition initiale soit justifiée, requiert une analyse du bien-fondé des redressements, analyse qui sera faite ci-après.

18 En ce sens : Trib. adm., 7 novembre 2012, n° 29604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1065 (3e volet).

41B) Quant à la question de la valorisation, respectivement de l’imposition des prélèvements personnels de marchandises Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse fait valoir que le service de révision aurait utilisé une méthode d’imposition forfaitaire pour certaines dépenses, soit en appliquant une moyenne marginale pour la valorisation des prélèvements, soit en ventilant à parts égales entre ses trois co-exploitants, pour un tiers chacun, les dépenses qui n’auraient pas pu être directement affectées à un des trois co-exploitants, soit encore en n’admettant qu’un pourcentage forfaitaire de 10% de certaines catégories de dépenses en déduction. Ce faisant, l’administration aurait appliqué une méthode qui serait contraire au « principe constitutionnel de l’égalité dans l’application de la loi » visé à « l’article 11, alinéa 2 » de la Constitution, et au principe d’égalité devant l’impôt visé à l’article 101 de la Constitution. Ce principe prônerait l’uniformité dans l’application de la loi et impliquerait que tous les contribuables qui se trouveraient dans une situation définie par la loi fiscale seraient soumis au même régime, alors que toute taxe ou imposition devrait être établie par une loi qui en déterminerait les éléments essentiels, à savoir l’assiette, la liquidation et le recouvrement.

Or, en retenant une assiette approximative par le simple calcul d’une moyenne marginale, sinon en ventilant des dépenses par parts égales à chacun de ses trois co-exploitants, sinon en admettant qu’un pourcentage forfaitaire de 10%, sinon encore en ne contrôlant qu’une partie de la période redressée, l’administration l’aurait soumise à une imposition approximative qui ne pourrait pas aboutir à une imposition correcte, de sorte qu’elle n’aurait pas été traitée, en tant que contribuable, de manière égale à un autre contribuable qui se trouverait dans une situation identique.

La société demanderesse ajoute, dans ce contexte, qu’un redressement ne pourrait être opéré que sur base d’un contrôle complet et non pas approximatif. Les autorités fiscales devraient tout mettre en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondraient le plus exactement possible à la réalité et ne devraient en aucun cas sanctionner le contribuable en l’imposant de façon approximative, la société demanderesse se référant à deux arrêts de la Cour administrative datés des 27 juin et 14 août 2019, inscrits respectivement sous les numéros 42249C et 42318C du rôle.

Elle prend, ensuite, position par rapport aux prélèvements de marchandises litigieux en contestant la méthode de valorisation retenue à cet égard par le service de révision au motif qu’ils auraient dû, en application des articles 27 et 43 LIR, être valorisés à leur prix de vente et non pas à leur prix d’acquisition.

La société demanderesse explique plus particulièrement que lesdits prélèvements devraient être évalués à leur valeur d’exploitation qui correspondrait au prix de reprise, dès lors qu’ils feraient partie de la collection en cours. Elle soutient que la valeur d’exploitation des biens de l’actif circulant correspondrait à leur coût de remplacement et qu’un article en stock vaudrait pour l’entreprise ce que coûterait effectivement son remplacement, alors le bien serait considéré en l’état où il se trouve à la date envisagée. Il s’agirait du prix maximal qu’un repreneur éventuel accepterait de payer pour un élément de stock lors de la reprise de l’entreprise. La société demanderesse argumente, à cet égard, qu’un repreneur ne prendrait jamais un stock à un coût plus élevé que le coût d’approvisionnement, soit le coût de remplacement auquel le même article serait racheté par un revendeur chez « … » en tant que 42fabriquant. Cette conclusion s’imposerait également dans la mesure où un repreneur pourrait toujours se réapprovisionner si un article de la collection en cours était vendu ou prélevé.

Les articles sortis de la collection devraient, quant à eux, être évalués à un montant égal à zéro euro au motif que les articles des collections antérieures non vendus ne seraient pas repris par la « maison … » et devraient dès lors être détruits, la société demanderesse affirmant qu’elle ne serait donc pas autorisée à revendre les articles appartenant à une collection passée, ni à les diffuser d’une autre manière, et que ses associés auraient « alors parfois repris des articles pour leur propre compte, pour éviter une destruction ».

La société demanderesse en tire la conclusion que le stock actuel devrait être repris au prix d’achat (prix de réassort) et le stock périmé pour zéro euro, dans la mesure où il serait invendable et non soldable et qu’il devrait être détruit. Le fait que certains articles périmés puissent être vendus à des collaborateurs à 10 % de la valeur de vente resterait « anecdotique ».

Elle conteste la base légale sur laquelle le service de révision se serait fondé pour soutenir que la valeur réelle dans le cadre de l’exploitation correspondrait nécessairement au prix de vente du prélèvement. Elle se réfère au plan comptable normalisé (« PCN ») qui contiendrait un poste, intitulé « 10612 - prélèvements en nature de marchandises, de produits finis et services (au prix de revient) sous la rubrique 1061- prélèvements privés de l’exploitant ou des coexploitants », et en déduit que les prélèvements privés devraient, en principe, être valorisés à leur prix de revient, sous réserve des articles « périmés ». La société demanderesse sollicite encore une revalorisation de ces prélèvements.

Par ailleurs, dans la mesure où les « reprises » au niveau des prélèvements se feraient à leur prix de vente, la société demanderesse indique qu’elle aurait été imposée sur des montants incluant la TVA et qu’une telle méthode d’imposition aurait pour résultat d’imposer les contribuables sur un impôt prélevé par l’Etat, de sorte qu’elle devrait être écartée.

La société demanderesse insiste encore sur le fait qu’il serait fondamental de comprendre que la situation d’un co-exploitant d’une société représentant une marque telle que « … » serait particulière et ne saurait être comparable à celle d’« un client standard ». En effet, ses trois co-exploitants devraient passer par elle pour acquérir des produits de la marque dont elle est le concessionnaire exclusif au Luxembourg et ils ne pourraient pas se présenter en magasin comme le feraient des « clients standards ». Il serait également « normal » de valoriser le prélèvement à son prix de revient. Dans ce contexte la société demanderesse expose, à titre illustratif, qu’il en serait de même d’un conseiller fiscal ou d’un expert-

comptable qui remplirait et déposerait, tous les ans, sa déclaration fiscale lui-même sans avoir recours à une fiduciaire. Dans sa comptabilité, cette prestation de service ne serait certainement pas non plus valorisée à son prix de vente comme si elle avait été réalisée pour le compte d’un tiers.

La société demanderesse indique, en dernier lieu, s’opposer aux redressements effectués par l’administration au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018 au sujet des prélèvements de marchandises et réclame la déduction intégrale du montant de … euros.

Le délégué du gouvernement rejoint, en substance, le directeur dans sa conclusion selon laquelle les prélèvements d’articles issus de collections antérieures ne seraient pas à évaluer à zéro euro, mais à un montant correspondant au « strict minimum possible » qui correspondrait 43à la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé, et que lesdits prélèvements devraient être revalorisés au prix de vente eu égard à leur nature privée.

Il rejette tout reproche de traitement discriminant envers la société demanderesse et fait valoir non seulement que les « marges » seraient couramment admises par la jurisprudence, mais également que si la société demanderesse s’était conformée à ses obligations, il n’y aurait pas eu lieu de redresser ses déclarations fiscales.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient son argumentation.

Analyse du tribunal Force est de constater que les parties sont en désaccord sur quatre points, à savoir, (1) tout d’abord, quant à la valeur à laquelle les prélèvements privés de stocks de marchandises effectués, de façon non contestée, par les co-exploitants de la société demanderesse doivent être évalués, (2) ensuite, quant à la détermination du montant des prélèvements déterminés par le bureau d’imposition en application du § 217 AO, (3) puis quant aux exigences de preuve qui incombent à la société demanderesse, et (4) enfin, quant au caractère justifié de la qualification de prélèvements personnels pour les « vêtements professionnels ».

1) Quant à la valeur à retenir pour évaluer le montant des prélèvements d’articles de marchandises L’article 18 LIR dispose comme suit : « Le bénéfice est constitué par la différence entre l’actif net investi à la fin et l’actif net investi au début de l’exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l’exercice et diminuée des suppléments d’apport effectués pendant l’exercice. ».

L’article 42, alinéa (2) LIR précise que « Sont considérés comme prélèvements personnels tous les biens tels que numéraire, marchandises, produits, avantages, prestations, qu’en cours d’exploitation le contribuable retire de l’entreprise soit pour lui-même, soit pour son train de maison personnel, soit pour d’autres fins étrangères à l’entreprise ». Cette disposition vise le cas du transfert d’un bien du patrimoine d’exploitation vers le patrimoine privé de l’exploitant qui intervient « en cours d’exploitation », l’exploitant ayant, dès lors, décidé de réaffecter un certain bien en mettant un terme à son utilisation dans le cadre de son entreprise qui subsiste pour le surplus avec les autres biens investis y affectés et qui continue à être exploitée19.

L’évaluation des prélèvements personnels est régie par l’article 43 LIR aux termes duquel « Les […] prélèvements personnels sont […] à mettre en compte pour leur valeur d’exploitation au moment […] du prélèvement. […] ».

L’article 27, alinéa (1) LIR définit la valeur d’exploitation comme étant « le prix qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait au bien envisagé dans le cadre du prix d’acquisition global, l’acquéreur étant supposé continuer l’exploitation ».

Le tribunal est, d’abord, amené à rappeler que le projet de loi initial de la LIR prévoyait en son article 32 une nouvelle définition de la valeur d’exploitation considérée comme plus 19 Cour adm., 29 mai 2018, n° 39382C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 166 et l’autre référence y citée.

44simple et « complétée par une méthode générale de détermination » fondée sur la valeur de remplacement, article qui a, suite aux critiques de la Chambre de Commerce, été amendé par le gouvernement pour donner à la définition de la valeur d’exploitation son contenu actuel et ce avec l’intention affirmée qu’il « n’entend rien changer au contenu de la notion de valeur d’exploitation tel qu’il a été fixé par la jurisprudence » et qu’il « propose une rédaction nouvelle de l’article qui n’est autre qu’une reproduction aussi littérale que possible du texte afférent de la loi actuellement en vigueur ». Force est de déduire à partir de ces éléments relatifs à la genèse de l’article 27 LIR que la notion de la valeur d’exploitation au sens de l’alinéa (1) de cette disposition correspond à celle du « Teilwert » tel que défini à l’époque et encore actuellement par le § 6 de la loi sur l’impôt sur le revenu allemande et interprété par la jurisprudence allemande20.

Conformément au libellé de l’article 27, alinéa (1) LIR, la valeur d’exploitation d’un bien économique est à déterminer par rapport à l’entreprise considérée dans sa totalité. Ainsi, il y a lieu de déterminer d’abord un prix d’acquisition global pour toute l’entreprise dont le bien économique en question fait partie. Ce prix fictif est à déterminer sur base de la supposition de l’existence d’un acquéreur décidé à continuer l’exploitation de l’entreprise et partant en prenant en considération des perspectives de rendements futurs de l’entreprise.

Ensuite, ce prix d’acquisition global est à répartir sur les biens économiques individuels en fonction de la valeur que chacun de ces biens revêtirait dans l’hypothèse de la continuation de l’exploitation de l’entreprise par l’acquéreur fictif.

Cependant, la jurisprudence allemande applique la notion du « Teilwert » dans le sens de la faire correspondre à la valeur qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait, dans le cadre d’une évaluation individuelle des biens de l’actif et du passif de l’entreprise en vue de déterminer le prix d’acquisition global, au bien économique en cause en tenant compte de son appartenance à l’entreprise et de la continuation de l’exploitation de celle-ci, de manière que selon cette interprétation la fixation d’un prix d’acquisition global est omise en pratique.

En outre, en vue d’une simplification et d’une application praticable de la notion du « Teilwert », la jurisprudence allemande a développé certaines présomptions simples de correspondance du « Teilwert » qui peuvent être renversées sur base d’éléments particuliers21.

Le « Teilwert » d’un bien est présumé correspondre, à la date de la première évaluation suivant son acquisition ou sa production, à ses coûts d’acquisition ou de production, tandis que toute évaluation faite à une date ultérieure, tel qu’au moment d’un prélèvement personnel22, est présumée correspondre, lorsqu’il s’agit d’un bien faisant partie de l’actif circulant (« Umlaufvermögen »), à ses coûts de remplacement (« Wiederbeschaffungskosten »)23. La justification de cette présomption repose sur la logique inhérente au « Teilwert » qui part de l’idée d’une continuation de l’exploitation par un tiers acquéreur qui, confronté à l’absence des biens en question, serait contraint d’engager des coûts pour se les procurer ou les produire24.

20 Cour adm., 16 juin 2009, n° 24969C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 176.

21 Ibidem.

22 Blümich, Einkommensteuer, Körperschaftsteuer, Gewerbesteuer, Kommentar, Verlag Vahlen, Band 1: §§ 1-8 EStG, § 6, Anm. 1007, Seite 277; Herrmann, Heuer, Raupach, Kommentar zum Einkommen- und Körperschaftsteuergesetz, Verlag Dr. Otto Schmidt KG, 1953/2023, § 6, Anm. 790, Seite 514.

23 Blümich, op. cit., Anm. 600, Seite 175; Herrmann, Heuer, Raupach, op. cit., Anm. 448, Seite 286.

24 Blümich, op.cit., Anm. 611, Seite 178.

45En vue de la détermination des coûts de remplacement, qui équivalent aux dépenses qu’un tiers acquéreur continuant l’exploitation devrait engager pour se procurer un bien de même nature et de même qualité, il y a lieu de se référer aux coûts d’acquisition hypothétiques à la date de l’évaluation en question25.

Ces principes dégagés par la jurisprudence allemande correspondent à ceux retenus par le législateur national, dans la mesure où il ressort des travaux parlementaires relatifs à l’article 27 LIR, que « [l]a valeur de remplacement est choisie comme point de départ pour la détermination de la valeur d’exploitation, parce qu’on peut admettre qu’en règle générale un bien vaut à l’exploitant ce que coûte effectivement son remplacement, le bien étant considéré à l’état où il se trouve à la date envisagée.

La valeur de remplacement est le prix auquel l’exploitant pourrait, à la date envisagée, acquérir ou fabriquer le bien en cause, donc le prix d’acquisition ou de revient à la date envisagée. […]. »26.

Les coûts de remplacement, autrement dit les coûts d’acquisition hypothétique du bien, correspondent à la limite maximale de la valeur d’exploitation (« Obergrenze des Teilwerts »)27 et sont déterminables par rapport au prix de marché (« Marktpreis ») ou, à défaut, au prix d’acquisition (« Einkaufspreis »)28.

En revanche, la limite inférieure de la valeur d’exploitation (« Untergrenze des Teilwerts ») correspond au prix de vente du bien en question considéré à l’état isolé (« Einzelveräußerungspreis »)29 ayant été défini de manière constante par la jurisprudence allemande comme étant le prix qu’un contribuable aurait pu retirer de la vente du bien en question sans considération de son appartenance à l’exploitation dans son ensemble30, cette définition étant à rapprocher de celle de la valeur estimée de réalisation visée à l’article 27, alinéa (2) LIR31. Si cette limite inférieure du « Teilwert » converge, en principe, avec la valeur des coûts de remplacement, il est admis que le « Einzelveräußerungspreis » peut, selon le cas, être supérieur auxdits coûts32.

Dès lors, le tribunal retient que la valeur d’exploitation d’un bien de l’actif circulant est présumée correspondre aux coûts de remplacement, respectivement à ses coûts d’acquisition hypothétiques, sans que cette valeur ne puisse être inférieure à la valeur estimée de réalisation du bien considéré à l’état isolé33.

Ces principes doivent également être considérés comme ayant été adoptés par le législateur national qui a précisé, lors de l’adoption de l’article 27 LIR, qu’« [u]n facteur prépondérant dans la détermination de la valeur d’exploitation est la nécessité ou l’utilité du 25 Blümich, op.cit., Anm. 637, Seite 184; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

26 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

27 Blümich, op.cit., Anm. 632, Seite 183; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 277.

28 Blümich, op.cit., Anm. 637-643, Seiten 184-186; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seiten 278.

29 Blümich, op.cit., Anm. 673-674, Seiten 191-192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

30 Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

31 Article 27, alinéa (2) LIR: « Est considérée comme valeur estimée de réalisation le prix qui s’obtiendrait lors d’une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé, compte tenu de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l’exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles ».

32 Blümich, op.cit., Anm. 673, Seite 192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

33 Blümich, op.cit., Anm. 673, Seite 192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

46bien économique dans le cadre de l’exploitation. Ce facteur fournit en effet les limites maxima et minima dans le cadre desquelles se meut la valeur d’exploitation.

La valeur d’exploitation a généralement pour limite inférieure la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé. […] [L]a limite supérieure de la valeur d’exploitation cadre généralement, quant aux biens nécessaires à la continuation de l’exploitation et remplaçables à tout moment, avec la valeur ordinaire de remplacement. Rentrent dans la catégorie des biens ici visés principalement les biens du réalisable et du disponible […] »34.

En l’espèce, le point litigieux sous analyse porte sur l’évaluation de biens de la société demanderesse faisant partie de collections antérieures et en cours, ayant fait l’objet, de façon non contestée, de prélèvements privés par ses trois co-exploitants en cours d’exploitation. Ces biens doivent être rangés parmi les biens de l’actif circulant, dans la mesure où il s’agit de stocks de marchandises. Etant donné que le point litigieux porte sur leur évaluation, non pas à la date de leur acquisition, mais à une date ultérieure, à savoir à la date de leur prélèvement privé, cette évaluation doit se faire par rapport à leurs coûts de remplacement, soit de réalisation au moment du prélèvement.

Dans ces conditions et en application des principes dégagés ci-avant sur le fondement des articles 27, alinéa (1) et 43 LIR, le tribunal retient que la valeur d’exploitation (« Teilwert ») des stocks d’articles de la société demanderesse faisant partie de collections antérieures et en cours est présumée correspondre à leurs coûts de remplacement qui en constituent la limite supérieure, étant précisé que leur valeur d’exploitation ne peut pas être inférieure à la valeur estimée de réalisation de chacun des biens concernés considérés à l’état isolé pour en constituer la limite inférieure.

Le délégué du gouvernement est, dès lors, fondé à voir confirmer la décision du directeur d’évaluer les prélèvements privés litigieux effectués par les trois co-exploitants de la société demanderesse « au strict minimum possible », soit par rapport à la valeur estimée de réalisation des biens concernés considérés à l’état isolé. Les développements de la société demanderesse fondés sur le PCN sont, en tout état de cause, à rejeter pour être mis en échec par les règles d’évaluation spéciales prévues aux articles 27 et 43 LIR, précités.

Force est, ensuite, de constater que même si la jurisprudence allemande a admis le renversement de présomptions simples dans la détermination du « Teilwert », notamment en cas de survenance d’évènements particuliers ayant entraîné sa diminution35, le tribunal ne saurait faire droit à l’argumentation de la société demanderesse reposant sur l’existence d’une interdiction contractuelle de vendre ses articles issus de collections antérieures pour justifier la fixation du « Teilwert » en dessous de la valeur estimée de réalisation des biens pris isolément, en l’occurrence à zéro euro.

La société demanderesse semble se prévaloir, à cet égard, du contrat de concession exclusive « type UNION EUROPEENNE 2004 » – sans pour autant se référer à une quelconque stipulation particulière –, ayant une date de prise d’effet fixée au 6 octobre 2005 jusqu’au 5 octobre 2015, renouvelable en cas d’accord écrit. Le tribunal constate qu’aux termes de son article 7, le contrat prévoit que « le Concessionnaire s’engage en particulier à ne pas proposer 34 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

35 Blümich, op.cit., Anm. 620, Seite 180; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 452, Seite 286.

47à la vente des produits démodés, et/ou défraîchis et/ou endommagés. En particulier pour des articles liés à la mode (prêt à porter, gants, chaussures, chapeaux), le Concessionnaire ne proposera à la vente que les articles de la collection en cours, et se conformera aux instructions d’… pour ce qui concerne les articles de collections précédentes […] ». Or, il ne ressort pas de cette stipulation, ni de manière générale du contrat en question, que l’intégralité des articles achetés par la société demanderesse auprès du concédant de la marque seraient purement et simplement interdits à la vente ou qu’ils devraient être détruits, dès lors qu’ils appartiendraient à des collections antérieures, tel que l’affirme la société demanderesse.

Au contraire, tant l’article 9 du contrat de concession exclusive qui permet à la société demanderesse de pratiquer, pour certains articles y énumérés, des soldes exceptionnelles et saisonnières « portant sur des vêtements démodés et/ou fins de série » dans le « respect de l’image de qualité et de prestige attachée aux Produits … »36, que l’allégation de la société demanderesse – non corroborée par le contrat de concession exclusive – selon laquelle elle serait autorisée à proposer les articles issus de collections antérieures à la vente en faveur de son personnel pour un prix qui équivaudrait à « 10% de [l]a valeur de revente « prix collection » », contredisent, au moins en partie, l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle l’ensemble des articles issus de collections antérieures seraient dans tous les cas interdits à la vente ou devraient être détruits.

Dans ces conditions et à défaut d’autres éléments, notamment des « instructions d’… » mentionnées à l’article 7 du contrat de concession exclusive, le tribunal retient que les articles de la société demanderesse issus de collections précédentes (i) ne sont pas tous ipso facto invendables du seul fait d’appartenir à d’anciennes collections, puisque ceux listés à l’article 9 du contrat de concession exclusive peuvent, bien que « démodés » – autrement dit bien qu’appartenant à une ancienne collection – être vendus à un prix soldé, et (ii) ne doivent pas tous être d’office détruits.

Dès lors, compte tenu du fait que les articles visés à l’article 9 du contrat de concession exclusive peuvent, au moins en principe, faire l’objet d’une vente, quoique à un prix soldé, c’est à bon droit que le directeur a estimé que la société demanderesse n’était pas fondée à voir retenir une valeur inférieure à leur valeur estimée de réalisation, à savoir zéro euro.

Pour les articles issus de collections antérieures ne pouvant effectivement pas être vendus au motif qu’ils ne figurent pas dans la liste des produits pouvant faire l’objet de soldes en vertu de l’article 9 du contrat de concession exclusive, le tribunal est amené à constater, compte tenu de l’intention du législateur national ayant décidé d’adopter les principes appliqués par la jurisprudence allemande, que le caractère invendable de ces biens ne trouve pas son origine dans une impossibilité de vendre (« Unverkäuflichkeit ») qui serait susceptible, le cas échéant, de justifier, la fixation d’un « Teilwert » à zéro euro37. En effet, le caractère invendable des articles de la société demanderesse sous analyse n’est, d’après ses propres explications, que la conséquence d’une interdiction de vendre (« Veräußerungsverbot »), en l’occurrence partielle, stipulée dans le contrat de concession exclusive qui, indépendamment de la question de savoir si cette interdiction existe pour des raisons de droit ou de fait, ne justifie 36 Souligné par le tribunal.

37 Blümich, op.cit., Anm. 690, Seite 201; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 582, Seite 407.

48justement pas la fixation du « Teilwert » à zéro euro38. En conséquence, la fixation d’un « Teilwert » à zéro euro ne se justifie pas non plus pour les articles issus de collections antérieures ne pouvant effectivement pas être vendus, même à un prix soldé.

C’est, dès lors, à bon droit que le directeur a décidé que la fixation de la valeur d’exploitation des articles de la société demanderesse issus de collections antérieures ne saurait être ramenée à zéro euro.

Pour être tout à fait complet, le tribunal entend encore préciser que l’interdiction contractuelle de vendre sous analyse ne justifie pas non plus de retenir la valeur de rebut des articles litigieux comme limite inférieure du « Teilwert », alors que l’argumentation de la société demanderesse révèle que ses articles issus de collections antérieures sont susceptibles de lui procurer encore une utilité certaine.

Le législateur national a, en effet, certes entendu permettre à « La valeur d’exploitation [de] se rapproche[r] de ladite limite inférieure, lorsque le bien envisagé n’est, de façon permanente, plus utilisable dans le cadre de l’exploitation. Si le bien en cause n’est en outre plus utilisable dans le cadre d’aucune autre exploitation, sa valeur d’exploitation est encore inférieure à la valeur estimée de réalisation. En l’occurrence, elle est en effet égale à la valeur de rebut qui doit être considérée comme le niveau le plus bas de la valeur d’exploitation […] »39. Cette valeur de rebut doit être comprise comme devant au moins correspondre à la valeur de récupération, respectivement au prix de la casse.

Or, le tribunal est amené à rejoindre le directeur dans son affirmation, non contestée par la société demanderesse, selon laquelle « […] en raison de leur stock limité voire épuisé, de leur pénurie et de leur exclusivité, la valeur estimée de réalisation de ces articles de luxe a généralement tendance à se stabiliser, voire à croître, plutôt qu’à baisser, d’autant plus qu’il est tout à fait envisageable qu’un tiers serait prêt à débourser un prix plus élevé pour un produit d’occasion devenu encore plus rare et exclusif, que le prix originairement affiché en boutique ».

Le litismandataire de la société demanderesse a, d’ailleurs, lui-même indiqué à l’audience des plaidoiries qu’il arriverait que les co-exploitants achètent des articles anciens de la marque dont la société demanderesse est le concessionnaire exclusif au Luxembourg, tel que l’étui de chasse évoqué, pour les exposer dans leur magasin, de sorte que les articles issus de collections antérieures ne sauraient être considérés comme n’étant plus du tout utilisables par un tiers acquéreur désireux de poursuivre l’exploitation de la société demanderesse dans le cadre d’une acquisition globale.

38 BFH, IV 360/50 U v. 19.9.1951, BStBl III 51, 194, à propos de timbres du IIIe Reich interdits à la vente : « […] Die Unmöglichkeit, einen Gegenstand zu veräußern, sei es aus rechtlichen oder tatsächlichen Gründen, rechtfertigt nicht ohne weiteres seine Abschreibung auf null Mark. Das Gesetz bestimmt wohl als Teilwert einen Betrag, den ein Erwerber des ganzen Betriebes Rahmen des Gesamtkaufpreises ansetzen würde und setzt hierbei die Veräußerlichkeit des Wirtschaftsgutes, d.h. den Normalfall, voraus. Das kann aber nicht dazu führen, Wirtschaftsgüter, für die Anschaffungskosten entstanden sind, und die unveräußerlich sind, unbewertet zu lassen.

Auch ihnen kommt ein "Wert" zu. Es kann sein, daß ein Veräußerungsverbot den Wert eines Gegenstandes vollkommen beseitigt. Es muß dies aber nicht der Fall sein und wird es auch häufig nicht sein. Es ist hier der Wert des Gegenstandes unter Berücksichtigung der auf ihm ruhenden Belastung im Wege der Schätzung festzustellen.

[…] », référencé dans Blümich, op.cit., Anm. 690, Seite 201 et dans Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm.

582, Seite 407, disponible sur le site www.steuernetz.de ; souligné par le tribunal.

39 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

49Cette conclusion s’impose d’autant plus (i) dans la mesure où la société demanderesse affirme être autorisée à vendre les articles issus de collections antérieures, en substance, pour un prix équivalent à 10% du prix de vente à son propre personnel, et (ii) compte tenu de la nature des articles vendus par la société demanderesse qui concernent, tel qu’indiqué dans le préambule du contrat de concession exclusive, précité, « des articles de luxe de très grande qualité connus mondialement » de diverses natures, à savoir des « articles de sellerie et d’équitation, la maroquinerie, les agendas, le prêt à porter, les chaussures, gants et chapeaux […], les carrés, les cravates, la parfumerie, la bijouterie émail, la bijouterie/joaillerie, l’horlogerie, l’art de la table et l’orfèvrerie, les articles des décoration, de voyage, de loisirs et de sport, l’art de vivre […] ».

A défaut d’autres éléments mis en avant par la société demanderesse pour renverser la présomption suivant laquelle la valeur d’exploitation de ses biens issus de collections antérieures et en cours correspond à leurs coûts de remplacement et, en tout cas, au moins à la valeur estimée de réalisation desdits biens considérés isolément, le tribunal est amené à retenir, compte tenu des éléments qui précèdent, que c’est sans violer les articles 27, alinéa (1) et 43 LIR que le directeur a décidé que la valeur limite inférieure de la valeur d’exploitation des articles sous analyse correspond, en l’espèce, à la valeur estimée de réalisation des biens considérés à l’état isolé, de sorte que les contestations afférentes encourent le rejet.

En ce qui concerne la seconde catégorie de prélèvements privés effectués par les trois co-exploitants de la société demanderesse et relative aux articles issus de collections en cours, le tribunal relève que l’affirmation du directeur selon laquelle leur évaluation ne serait pas litigieuse est confirmée par les explications de la société demanderesse dont il ressort que la valeur d’exploitation de ces biens devrait correspondre au « prix de reprise » et donc à leurs coûts de remplacement, étant rappelé que ces explications sont conformes aux principes dégagés par le tribunal ci-avant sur le fondement de l’article 27, alinéa (1) LIR, et non pas sur base du PCN auquel s’est référé la société demanderesse, par ailleurs.

2) Quant à la détermination du montant de la valeur d’exploitation des articles issus des collections antérieures et en cours Force est de constater que les contestations de la société demanderesse visent, en substance, à remettre en cause l’estimation (« Schätzung ») effectuée par le bureau d’imposition quant au montant des prélèvements privés à retenir au motif qu’elle aurait abouti à l’établissement d’une « assiette approximative », ce qui serait contraire au « principe constitutionnel de l’égalité dans l’application de la loi » au sens de « l’article 11, alinéa 2 » de la Constitution et au principe d’égalité devant l’impôt au sens de l’article 101 de la Constitution.

Le tribunal rappelle, tout d’abord, qu’il n’a pas à répondre à un moyen simplement suggéré par la société demanderesse, alors qu’il lui appartient non seulement de désigner la règle de droit dont elle allègue la violation, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée40.

Au-delà de ce constat, il y a lieu d’appliquer, dans le cadre du présent recours en réformation qui impose au tribunal de statuer sur les éléments de fait et de droit au moment où 40 Trib. adm. 27 mai 2013, n°32017 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 503 et les autres références y citées.

50il prend sa décision, les dispositions de la Constitution révisée, telle qu’applicable depuis le 1er juillet 2023, soit après l’introduction du présent recours.

Ainsi, l’article 10bis, paragraphe (1)41 – référencé par la société demanderesse sous son ancienne numérotation, l’article 11, paragraphe (2), en vigueur jusqu’à la loi du 29 avril 1999 portant révision du paragraphe (2) de l’article 11 de la Constitution – a été remplacé par l’article 15, paragraphe (1) qui dispose comme suit : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. ».

L’article 10142 a, quant à lui, été remplacé par l’article 116, paragraphe (1) de la Constitution qui dispose que « Tout impôt de l’État ainsi que toute exemption ou modération d’impôt sont établis par la loi ».

Or, en l’espèce, la valeur estimée de réalisation qui a été déterminée par le bureau d’imposition, et confirmée par le directeur, par voie d’estimation (« Schätzung ») dans le cadre du § 217 AO43, laquelle constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt44. Loin de constituer une sanction, la taxation d’office consiste en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration dont le but est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, le contribuable devant s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office. La prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération45.

Dès lors, et contrairement aux explications sommaires de la société demanderesse, le tribunal retient qu’elle ne se trouve pas dans une situation comparable à celle de contribuables pour lesquels le bureau d’imposition a été mis en mesure de procéder à une détermination exacte de ses bases d’imposition, mais dans une situation identique à celle de contribuables n’ayant pas permis une détermination de leurs bases d’imposition autrement que par la voie d’une estimation.

En effet, tel que retenu ci-avant, il est constant en cause que la comptabilité de la société demanderesse pour les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018 est irrégulière en ce qu’elle contrevient aux prescriptions des §§ 160 à 162 AO, de sorte à ne pas pouvoir bénéficier de la présomption de régularité quant au fond au sens du § 208, alinéa (1) AO.

41 Article 10bis, paragraphe (1) : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

42 Article 101 : « Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi. ».

43« (1) Soweit die Steuerkontrollstelle die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat sie sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. […] ».

44 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 978 (1er volet) et les autres références y citées.

45 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 979 (2e volet) et les autres références y citées.

51Dès lors, le bureau d’imposition était fondé à recourir à une estimation en application du § 217 AO dont l’alinéa (2) AO vise justement l’hypothèse d’une comptabilité irrégulière en disposant que « Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind. ».

Il s’ensuit que la circonstance que la détermination, par voie d’estimation, de la valeur estimée de réalisation des prélèvements de stocks de marchandises opérés au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018 n’aboutisse pas exactement au montant d’impôt légalement dû, ne contrevient ni au principe d’égalité devant l’impôt, ni au principe d’égalité devant la loi, la société demanderesse s’étant vu appliquer la même procédure – légalement prévue – que des contribuables se trouvant dans une situation identique à la sienne.

Les contestations afférentes encourent, dès lors, le rejet.

Pour ces mêmes motifs tenant au recours justifié par le bureau d’imposition et le service de révision à la procédure de taxation d’office, tel que confirmé par le directeur et avalisé par le tribunal ci-avant, la société demanderesse n’est pas fondée à reprocher à l’administration, dans le cadre du recours sous examen, de s’être référée, dans les circonstances de l’espèce, aux prix de vente des marchandises ayant été prélevées par ses trois co-exploitants.

En effet, le tribunal a, en substance, confirmé ci-avant la décision directoriale ayant rejeté une fixation de la valeur d’exploitation des prélèvements de marchandises des collections antérieures à zéro euro et retenu que leur évaluation devait, en l’espèce, se faire à la valeur estimée de réalisation desdits biens considérés à l’état isolé, soit à leur prix de vente.

Or, le tribunal ne décèle aucune contradiction dans l’approche adoptée par le service de révision pour déterminer cette valeur estimée de réalisation, alors qu’il ne s’est manifestement pas départi de cette analyse, mais a été contraint, à défaut d’une communication par la société demanderesse elle-même du prix de vente des marchandises prélevées, de procéder à une évaluation conformément au § 217 AO. Ceci ressort expressément du Rapport de révision, cité in extenso dans la décision directoriale déférée, et non contesté à suffisance sur ce point : « Afin de permettre aux réviseurs de déterminer le montant des prélèvements, le contribuable a fourni des exports de son logiciel portant sur la gestion des stocks. Les fichiers de mouvements de stock fournis par [la société demanderesse] renseignent uniquement les prix d’achats hors TVA, mais ne contiennent pas les prix de ventes. Lors du contrôle sur place portant sur l’année 2017, effectué par le bureau d’imposition …, le contribuable a livré les prix de ventes (de 2017). Les réviseurs se sont basés sur ces données pour évaluer les prix de ventes des marchandises prélevées à retenir. ». La société demanderesse n’a d’ailleurs fourni aucun de ces prix de ventes dans le cadre du présent recours pour remettre en cause cette façon de faire.

Le bureau d’imposition et le service de révision ont, dès lors, valablement pu se fonder, à défaut d’autres éléments, sur les prix de vente pratiqués par la société demanderesse pour l’année 2017, afin de déterminer, par voie d’estimation et sur base d’un fichier fourni par la société demanderesse elle-même, le prix de vente à appliquer pour les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018. Pour le surplus, la société demanderesse ne conteste concrètement ni la formule mathématique utilisée par l’administration dans le cadre de son estimation du prix 52de vente théorique qui repose sur le prix d’achat hors TVA des biens prélevés, ni l’application d’une marge de 85% fixée entre la marge moyenne de l’année d’imposition 2017 et la marge médiane de cette même année, avec application d’un montant de TVA. Ce procédé doit, en l’état actuel et à défaut d’autres contestations circonstanciées afférentes, correspondre le plus possible à la réalité des prix de vente à appliquer au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018. Les contestations afférentes laissent partant d’être fondées.

Dans ce contexte, le tribunal précise encore que c’est à tort que la société demanderesse conteste, par ailleurs, l’incorporation de la TVA aux montants des prélèvements litigieux.

Aux termes de l’article 12, numéro 3, point b) LIR, « Sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées: b) la taxe sur la valeur ajoutée due en raison du prélèvement, au sens de la présente loi, d’un bien de l’actif net investi ou de son utilisation à des fins étrangères à l’entreprise, à l’exploitation ou à l’exercice de la profession libérale […] ».

Par cette disposition, le législateur a entendu « […] refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque l’opération taxée elle-même ne donne pas lieu à une réduction de bénéfice imposable. Il serait en effet peu logique de refuser la déduction d’un bien prélevé pour des raisons personnelles et de permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déclenchée par le prélèvement. De plus la déduction serait inéquitable parce qu’elle avantagerait l’exploitant par rapport au simple particulier qui lui ne peut pas déduire de son revenu imposable la taxe sur la valeur ajoutée incorporée dans le prix des marchandises qu’il consomme »46.

Il ressort de cette disposition que dans la mesure où le prélèvement privé n’est pas déductible dans le chef de l’exploitant, la TVA grevant le bien prélevé n’est pas non plus déductible, le prélèvement privé étant assimilé, pour les besoins de la TVA, à une opération soumise à la TVA47. Dès lors, le montant de TVA est, en principe, à incorporer dans la valorisation des prélèvements privés, le bénéficiaire du prélèvement privé revêtant la qualité de consommateur final48.

En l’espèce, le tribunal retient, en application des considérations qui précèdent, que la TVA est à incorporer au montant des prélèvements personnels litigieux, de sorte que les contestations afférentes sont à rejeter.

En dernier lieu, le tribunal retient encore que c’est à tort que la société demanderesse conteste la répartition faite par le bureau d’imposition, à parts égales, entre ses trois co-

exploitants, du montant des prélèvements litigieux. D’abord, la société demanderesse ne se fonde sur aucune disposition légale ou réglementaire pour soutenir que cette façon de faire y 46 Doc. parl. 1445, Commentaire des articles, ad article 4, p. 327.

47 Article 13, point a) de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée : « Sans préjudice des dispositions prévues à l’article 9, paragraphe 2, sont assimilées à une livraison effectuée à titre onéreux les opérations suivantes : a) le prélèvement personnel par un assujetti, dans le cadre de son entreprise, d’un bien qu’il affecte à son usage privé ou à celui de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il utilise à des fins étrangères à son entreprise, à l’exclusion toutefois du prélèvement personnel effectué à des fins de son entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons commerciaux.

Cette disposition n’est pas applicable, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le bien prélevé ou les éléments le composant n’a pas fait l’objet d’une déduction complète ou partielle dans le chef de l’assujetti. […]. ».

48 A. Steichen, Précis de droit fiscal de l’entreprise, Legitech, 5e édition, 2020, p. 906, n° 1152.

53serait contraire et il n’appartient pas au tribunal d’y remédier en recherchant quelle norme aurait été violée et la manière dont elle aurait été violée dans le cas lui soumis. Ensuite, la société demanderesse n’a soumis au tribunal aucune argumentation circonstanciée de nature à aboutir à une répartition différente, omission à laquelle il n’appartient pas non plus au tribunal de suppléer.

3) Quant à la question des exigences de preuves qui incombent à la société demanderesse Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse conteste l’affirmation du service de révision incluse dans le Rapport de révision et suivant laquelle elle-même et sa fiduciaire n’auraient fourni que des explications peu concluantes ou vagues face aux reproches lui opposés, ainsi que le caractère incomplet ou l’absence de pièces comptables relatives aux frais généraux. Elle conteste également que les extraits bancaires qu’elle aurait produits seraient insuffisants pour prouver l’existence d’une dépense d’exploitation.

La société demanderesse se réfère plus particulièrement à une remarque faite par le service de révision à la page 9 du Rapport de révision au sujet du « fichier Excel » qu’elle aurait retravaillé avec sa fiduciaire à la demande de l’administration. Contrairement à cette remarque, ce ne serait pas le montant de … euros qui aurait été requalifié comme des frais généraux de nature privée, alors qu’elle aurait déjà reconnu et déclaré comme tels, préalablement au contrôle dont elle a fait l’objet, un montant approximatif de … euros, hors frais de voiture, comme part privée, de sorte qu’au moment du contrôle, elle n’aurait accepté qu’un montant de … euros comme étant de nature privée.

La société demanderesse estime avoir produit, avec sa fiduciaire, « un commencement de preuve soutenu, complet et cohérent » qui aurait opéré un renversement de la charge de la preuve dans le chef de l’administration. Elle fait valoir qu’en matière fiscale, l’obligation de justification qui incomberait au contribuable serait régie par le « principe de présomption d’exactitude jusqu’à preuve du contraire », mais que le service de révision n’aurait pas su démontrer en quoi les pièces justificatives qu’elle aurait produites n’auraient pas été acceptables. À titre d’exemple, l’administration et plus particulièrement le directeur aurait refusé comme preuve tout extrait bancaire au motif qu’un extrait bancaire ne fournit pas suffisamment de détails pour déterminer la nature privée ou professionnelle des frais engagés.

Elle estime qu’il serait paradoxal que l’administration ait, d’un côté, indiqué être confrontée à une difficulté, voire être dans l’impossibilité de vérifier avec certitude la nature professionnelle de certains frais, même en présence d’une pièce comptable adéquate, tout en reprochant, d’un autre côté, un défaut de pièces justificatives valables.

La société demanderesse donne à considérer que le service de révision lui aurait spécifiquement demandé de ne fournir que les pièces justificatives que pour deux mois par exercice concerné eu égard à la masse de pièces portant sur les caisses et « relevés visa », et non pas au regard d’une négligence de sa part dans la tenue de ses livres, comme la décision directoriale le laisserait entendre.

En ce qui concerne les « dépenses par la caisse », la société demanderesse affirme qu’elle aurait mis à disposition les tickets et souches justificatives pour les périodes transmises à la demande du service de révision. Il serait évident que dans la mesure où il s’agirait de 54dépenses de faible valeur réglées en liquide, les pièces justificatives consisteraient principalement en tickets de caisse provenant « (i) de fournisseurs en relation avec des retouches pour les articles vendus, (ii) du pressing afin d’avoir des articles à la vente en état impeccable, (iii) des interventions techniques dans les locaux commerciaux, (iv) du coiffeur afin que le personnel soit aussi impeccable, (v) de tickets de train, (vi) de pourboires pour des livreurs ou encore (vii) des remboursements de frais de podium (etc.) ». La société demanderesse reproche à nouveau au service de révision de n’avoir accepté que 10% des dépenses comme étant déductibles, ce qui serait inacceptable.

La société demanderesse conteste encore le rejet de déduction de certains frais généraux au motif que certaines factures ne lui auraient pas été adressées personnellement, mais auraient porté la mention de ses trois co-exploitants ou de l’un d’eux. Tout en affirmant comprendre ce raisonnement, la société demanderesse donne à considérer qu’elle serait fiscalement transparente et directement « composée » par ses trois co-exploitants qui feraient l’objet d’une « imposition collective ». Elle insiste sur la considération que le caractère des dépenses concernées par ce point ne devrait pas être « présumé privé », dès lors que l’utilisation professionnelle serait justifiée. Ce serait le cas notamment des frais téléphoniques, du matériel de bureau ou encore des fournitures administratives. Il serait, par ailleurs, indéniable que ses trois co-exploitants travailleraient considérablement depuis leur domicile. La société demanderesse ajoute, dans ce contexte, que le délai tardif dans lequel l’administration aurait procédé aux vérifications de comptabilité aurait rendu l’émission de nouvelles factures en son nom impossible et estime qu’elle et ses trois co-exploitants ne devraient pas subir les conséquences d’un « travail tardif » que l’administration aurait dû réaliser en respectant un « délai raisonnable ».

Le délégué du gouvernement n’a pas pris spécialement position par rapport aux points sous analyse.

Analyse du tribunal Le tribunal retient, tout d’abord, qu’il n’existe aucun « principe de présomption d’exactitude jusqu’à preuve du contraire » en droit fiscal luxembourgeois.

Les règles de preuve en matière fiscale sont ancrées à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 qui dispose comme suit : « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. […]. La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. »49. Etant donné que la société demanderesse réclame la déduction de certaines dépenses de son résultat imposable, respectivement que les prélèvements litigieux soient retranchés de son résultat imposable au motif qu’il s’agirait de dépenses d’exploitation, il lui appartient de soumettre à l’administration des preuves tangibles de nature à établir leur matérialité, ainsi que leur lien direct avec son activité. Du moment que l’exigence de preuve ne dépasse pas la limite du raisonnable50, l’administration est parfaitement en droit de considérer ces preuves comme étant insuffisantes. Il appartient, le cas échéant, à la société 49 Cour adm. 10 novembre 2015, n° 35818C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 224 et l’autre référence y citée.

50 § 171 AO, alinéa (1) AO : « Auf Verlangen ( §205 Absätze 1 und 2 ) hat der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifeln Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, zum Beispiel den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat. »; souligné par le tribunal.

55demanderesse de contester cette position de l’administration afin de voir trancher la question dans le cadre d’un recours contentieux devant les juridictions administratives. Le seul fait pour un contribuable de fournir des pièces qu’il estime suffisants ne confère aucune « présomption d’exactitude » qu’il appartiendrait à l’administration de renverser, étant rappelé dans ce contexte qu’une déclaration fiscale ne bénéficie d’aucune présomption d’exactitude51. En tout état de cause, il n’est pas déraisonnable d’exiger d’un contribuable qu’il rapporte la preuve de l’existence de sa dépense, ainsi que du lien de causalité exclusif entre la dépense engagée et son activité, alors qu’il n’appartient pas au Trésor public et in fine à la collectivité, de supporter des frais de nature privée d’un contribuable.

Par rapport à la qualité de preuve d’un extrait bancaire, encore que les contestations afférentes de la société demanderesse ne soient mises en perspective avec aucune dépense quelconque dont la déduction serait litigieuse en l’espèce, le tribunal retient que c’est à tort que la société demanderesse reproche à l’administration d’avoir décidé que des extraits bancaires sont insuffisants pour démontrer l’existence d’une dépense d’exploitation, alors que de tels extraits démontrent tout au plus le décaissement d’une somme d’argent, soit la matérialité d’une dépense, mais ne démontrent en rien l’existence d’un lien de causalité exclusif entre la dépense engagée et l’activité de la société demanderesse, condition pourtant légalement requise. L’argumentation afférente encourt, dès lors, le rejet.

C’est encore à tort que la société demanderesse se prévaut de sa transparence fiscale pour contester la position de l’administration, à laquelle le tribunal se rallie, suivant laquelle le fait que des factures auraient été émises au nom de ses co-exploitants et non pas en son nom propre ne serait pas un motif valable de refus de déductibilité des dépenses afférentes. Au contraire, force est de constater que la société demanderesse, en tant que société en commandite simple, dispose bien de la personnalité juridique distincte de celle de ses co-exploitants52 et constitue, dès lors, une entité juridique autonome, de sorte que c’est bien elle qui réalise une activité. L’argumentation de la société demanderesse sous analyse est révélatrice d’une confusion entre son propre patrimoine et celui de ses co-exploitants, confusion justement épinglée par le directeur, ainsi que par le service de révision dans le Rapport de révision, notamment par les éléments suivants, éloquents à cet égard : « abonnement télésièges ski des enfants », « réparation dans la maison privée de Madame Y », et « Il a été mentionné que la cave à vin de M. X serait en même temps aussi la cave à vin « … » » ou encore « mariage de Monsieur X et de son épouse qui a eu lieu à …, des soirées organisées au … Club ».

Le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure une conclusion différente se serait imposée si la société demanderesse avait eu le temps d’émettre de nouvelles factures en son nom, de l’entendement du tribunal, en lieu et place de celles émises au nom de ses co-

exploitants, alors qu’une telle façon de faire reviendrait, en substance, à modifier rétroactivement le destinataire de factures et à antidater des prestations faites à ses co-

exploitants pour les attribuer artificiellement à la société demanderesse, ce qui ne saurait en tout état de cause être admis.

Ensuite, le tribunal relève que l’application de la qualification de dépense d’exploitation s’entend concrètement, par rapport à chaque dépense déclarée à ce titre, et non pas par rapport à un pourcentage ou un « montant proportionnel à celui investi ». Il est de jurisprudence constante qu’en l’absence de toute spécification des différentes dépenses dont le contribuable 51 Trib. adm., 7 mai 2007, n° 21330 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 6 novembre 2007, n° 23068C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 999 et les autres références y citées.

52 Article 100-2 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales.

56estime qu’elles n’auraient, à tort, pas été prises en compte, ainsi que de pièces et d’explications circonstanciées afférentes, un recours contentieux manque de rencontrer les impératifs de précision requis pour engager utilement un examen du moyen relatif aux frais généraux litigieux53. La société demanderesse n’est, dès lors, et en l’absence de pièces justificatives, pas fondée à contester, de manière générale, l’application d’un pourcentage qu’aurait retenu le service de révision, la charge de la preuve incombant en tout état de cause à la société demanderesse conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, précité.

Le reproche de la société demanderesse formulé dans ce contexte quant au « travail tardif » de l’administration qui ne lui aurait pas permis de modifier ces factures doit, quant à lui, être compris comme étant en lien avec son moyen tiré de la prescription, analysé par ailleurs par le tribunal.

Dans ces conditions, les contestations de la société demanderesse encourent le rejet.

4) Quant à la qualification de prélèvements privés des « vêtements professionnels » Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse indique maintenir son argumentation, contestée par l’administration, suivant laquelle les produits du stock seraient retirés pour être portés à titre personnel pour les besoins de la promotion de la « marque … ».

Contrairement à l’affirmation du directeur, cet argument serait valable non seulement pour les produits de la collection courante et marchande, mais aussi pour la collection antérieure. Elle indique que « … reste … » et explique que lorsqu’un de ses trois co-exploitants, à savoir Madame Y qui serait ambassadrice de la marque, se promènerait dans la rue et se ferait repérer avec un sac « … », cela inciterait les gens à venir voir les nouvelles collections en magasin, de sorte que le port d’un produit d’une collection en-cours ne constituerait pas un manque à gagner pour l’exploitation au motif qu’existerait toujours « la possibilité de réassort ». Elle poursuit, à titre subsidiaire, avec un autre exemple dans lequel l’exploitant d’un magasin de vêtements souhaiterait commander auprès de la marque en question un article de la collection, dans quel cas il procèderait à l’achat au prix de revient auprès de la « maison-mère de vêtements en question », et non pas au prix de vente facturé à des tiers, alors que le vêtement en question ne ferait pas partie des stocks. La société demanderesse en déduit que la « famille … » ne pourrait pas être traitée différemment pour leurs prélèvements pour les collections en-cours.

La société demanderesse explique ne pas comprendre le raisonnement du service de révision qui aurait attribué à ses coexploitants un montant annuel de … euros hors taxes (« HT ») pour les uniformes de travail, montant qui correspondrait à ce qu’il aurait accepté pour celles portées par son personnel travaillant au magasin. Elle estime que ce raisonnement, d’une part, serait contradictoire par rapport à la méthode de valorisation employée par le service de révision consistant à valoriser les prélèvements à leur prix de vente, à savoir toute taxe comprise (« TTC »), et, d’autre part, ce raisonnement ne reflèterait pas la réalité.

Elle insiste sur la considération qu’il serait « raisonnable » de pouvoir déduire « un montant proportionnel à celui investi » dans les tenues de travail destinées à ses salariés et en déduire qu’« il semblerait approprié et raisonnable » de retenir un montant annuel de … euros comme prix d’acquisition par membre de famille, ce qui correspondrait à … euros pour la 53 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 219 et l’autre référence y citée.

57« famille … » composée de ses trois-exploitants, soit le triple des tenues de travail « des collaborateurs ordinaires » lesquelles ne seraient pas disponibles à la vente au motif qu’il s’agirait d’« articles meilleur marché que ceux vendus en magasin ». Elle justifie encore ce montant par la considération que contrairement à son personnel, ses trois co-exploitants devraient (i) porter des articles de la collection en cours « pour se démarquer du reste du personnel », (ii) représenter la marque au Luxembourg, (iii) maintenir la relation avec le « groupe … », et (iv) assurer l’aspect de promotion extérieure, ainsi que l’aspect exclusif des produits de la marque, « et donc de l’importance du coût qu’un commerçant classique sur une marque moins chère n’a[urait] pas ».

Le délégué du gouvernement n’a pas pris spécialement position par rapport au point sous analyse.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater qu’il se dégage de l’article 42 LIR, précité, qu’un prélèvement personnel d’un bien investi par nature ne peut être admis qu’en cas de réunion d’une expression de volonté de prélèvement et d’un acte matériel de prélèvement qui s’analyse en un événement ou acte matériel qui doit avoir, de manière perceptible à partir de l’extérieur, l’effet de rompre définitivement le lien fonctionnel entre le bien en question et l’entreprise54.

En l’espèce, si la société demanderesse ne conteste pas la nature privée des prélèvements d’articles issus de collections antérieures et en cours effectués par ses trois co-

exploitants, tel n’est pas le cas des « vêtements professionnels » à porter en magasin que la société demanderesse qualifie de dépenses d’exploitation afin de voir admettre, au moins en partie, les montants afférents en déduction de son résultat.

Le tribunal constate, d’abord, que la société demanderesse est restée en défaut de se référer à des pièces justificatives qui seraient de nature à établir qu’elle aurait engagé annuellement des dépenses liées aux vêtements que devraient porter ses trois co-exploitants et notamment l’équivalent de … euros par co-exploitant. Il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal quels seraient les vêtements précis qui auraient été utilisés par ses trois co-exploitants pour les besoins de son activité. Dans ces conditions, le tribunal retient que le directeur n’est pas à critiquer pour avoir constaté une absence de pièces probantes de nature à justifier les dépenses sous analyse.

Force est, ensuite, de constater qu’à travers le numéro 1 de l’article 12 LIR55, le législateur a entendu exclure la déductibilité de dépenses occasionnées par le train de vie du contribuable, encore qu’elles soient faites en vue de profiter ou soient susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité, le caractère déductible de ces dépenses privées devant néanmoins être reconnu lorsqu’il est permis de les séparer nettement avec des dépenses 54 Trib. adm., 1er juillet 2014, n° 32644 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 29 juillet 2015, n° 34925C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 165.

55 Article 12, numéro 1 LIR : « Sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées :

1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité […] ».

58d’exploitation56. Les dépenses d’habillement rentrent, en principe, dans la catégorie des dépenses non déductibles, sauf en présence de « vêtements spéciaux nécessités pour l’exercice d’une profession », tel que le « prix de l’habit du garçon de café », dont les dépenses afférentes « sont déductibles comme étant exclusivement provoquées par l’exercice de la profession »57.

Or, au-delà du constat qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal qu’« … » aurait imposé aux trois co-exploitants de la société demanderesse de ne se vêtir que des articles de la marque, le tribunal retient qu’il n’est pas possible de distinguer, sur base d’éléments objectivement vérifiables, que les dépenses pour « vêtements professionnels » litigieuses auraient été engagées à des fins exclusivement ou quasi exclusivement professionnelles. Contrairement au « garçon de café » dont l’habit doit être considéré comme étant utilisé, au moins, quasi exclusivement à des fins professionnelles, la possibilité de port par les trois co-exploitants de chemises, de pantalons et vestes de costumes, de montres, de bijoux, de parfum ou d’autres éléments de prêt-à-porter issus de collections en cours, tant dans le cadre professionnel que privé, et ce de manière indifférenciée, doit être retenue.

Il s’ensuit que dans la mesure où la déduction de l’intégralité des montants afférents doit être refusée conformément à l’article 12, numéro 1 LIR, c’est à bon droit que le directeur a décidé que les « vêtements professionnels » portés par les trois co-exploitants qualifient de prélèvements personnels au sens de l’article 42, alinéa (2) LIR.

C) Quant aux différents postes dont la déduction est litigieuse Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse se prévaut des articles 45, alinéa (1) et 12, numéro 1 LIR, ainsi que de la jurisprudence des juridictions administratives pour s’adonner à une description du régime applicable au caractère déductible des dépenses professionnelles et des dépenses à caractère privé, en faisant valoir, à cet égard, qu’il serait indispensable de se référer aux dispositions du § 12 de la loi allemande de l’impôt sur le revenu et à la doctrine et jurisprudence allemandes afférentes qui auraient consacré le principe de ventilation des dépenses « de train de vie ».

De son côté, le délégué du gouvernement se prévaut des mêmes dispositions de la LIR pour conclure à la confirmation de la décision directoriale.

Dans ce contexte, le tribunal entend, d’abord, exposer le cadre légal et les principes applicables pour, ensuite, trancher les contestations de la société demanderesse quant aux différents postes de dépenses dont la déduction est litigieuse en l’espèce.

1) Remarques préliminaires Tout d’abord, le tribunal est amené à rappeler que s’il est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n’en demeure pas moins que s’il est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par la société demanderesse pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence la décision directoriale du 23 mars 2022 –, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale de la société demanderesse. La mission du juge administratif, lorsqu’il est 56 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 15, pages 128 et 129.

57 Ibidem., page 129.

59investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer à une décision administrative jugée illégale sa propre décision, de sorte qu’il incombe au demandeur en réformation de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation58.

Dès lors et tel que relevé ci-avant, dans la mesure où le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est saisi non pas du dossier fiscal de la société demanderesse, mais de son recours ainsi que des moyens présentés par elle59, il ne lui appartient pas de suppléer à la carence de cette dernière, voire de son litismandataire, et d’analyser de son propre chef des éléments du dossier fiscal pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de la thèse de la société demanderesse.

Le tribunal précise encore que dans la mesure où dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse a essentiellement reproduit le corps de sa réclamation avec des adaptations ponctuelles, seules les contestations soulevées par rapport aux éléments décisionnels contenus dans la décision directoriale déférée, y compris le Rapport de révision y cité, seront analysés ci-après.

Ensuite, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 45, alinéa (1) LIR, « Sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise. ».

Cette disposition admet la qualification de dépense d’exploitation s’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu passé, actuel ou à naître du contribuable et si ce lien présente un caractère d’exclusivité suffisant pour exclure que la dépense a été en réalité engagée pour les besoins personnels d’autres personnes60.

Si une société est tenue de respecter les limites de son objet social dans l’exercice concret de son activité, l’examen de la question du lien causal suffisamment étroit et exclusif d’une dépense est, quant à lui, à effectuer par rapport à l’activité concrète de l’entreprise exploitée par la société61.

Le contribuable est néanmoins seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle de la question de savoir si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. En effet, étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer62.

58 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (1er volet) et les autres références y citées.

59 Trib. adm., 6 janvier 2021, n° 42374 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (2e volet).

60 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle ; Cour adm., 27 juillet 2016, n° 36855C du rôle, disponibles sur le site www.jurad.etat.lu.

61 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

62 Cour adm. 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 221 (2e volet) et les autres références y citées.

60Il s’ensuit que les dépenses d’exploitation ne connaissent pas de limitation quant à leur montant63, dès lors que leur lien exclusif avec l’activité en question est donné.

Toutefois, la circonstance que le contribuable reste juge de l’opportunité et du montant des dépenses à engager par lui ne l’exonère pas de l’obligation de rapporter la preuve du lien causal exclusif64 susvisé.

En effet, la preuve du lien de causalité suffisamment étroit et exclusif incombe en principe au contribuable à la fois au niveau de la procédure d’imposition conformément aux principes posés par les § 171, alinéa (1), 204, alinéa (1) et 205, alinéas (1) et (2) AO, et au niveau de la procédure contentieuse eu égard à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, précité.

Il appartient, en outre, au contribuable de rapporter la preuve non seulement de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore la preuve de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie65.

Le § 205a, alinéa (2) AO permet, en outre, au bureau d’imposition d’exiger des preuves renforcées du contribuable en ce qui concerne ses dépenses et, plus particulièrement, la désignation exacte du bénéficiaire de la dépense, de sorte que le contribuable se trouve soumis à une obligation renforcée de preuve d’une relation économique avec son entreprise, entraînant qu’il devrait être en mesure de justifier concrètement le montant de frais mis en avant66.

Dans ces conditions et conformément aux principes dégagés ci-avant, il appartient à la société demanderesse de rapporter la preuve que les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR sont remplies pour chacun des montants dont elle réclame la déduction au titre des dépenses d’exploitation.

Nonobstant les principes dégagés ci-avant en lien avec l’article 45 LIR, l’article 48 LIR dispose que « Ne constituent pas des dépenses d’exploitation : […] 7. Les dépenses énumérées à l’article 12 [LIR] […] ». Cette disposition « exclut des dépenses d’exploitation certaines dépenses, même lorsqu’elles sont exclusivement provoquées par l’entreprise »67.

L’article 12 LIR vise notamment « 1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité […] », tel que relevé ci-avant.

Cette disposition pose le principe de l’interdiction de la ventilation des dépenses du train de vie qui servent également à l’activité professionnelle. Toutefois, lorsque des dépenses ayant servi à des fins privées sont provoquées en partie par des considérations d’ordre 63 Trib. adm., 24 février 2000, n° 11061 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 220 et les autres références y citées.

64 Voir en ce sens : Trib. adm., 28 juin 2000, n° 11553 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 221 (1er volet) et les autres références y citées.

65 Cour adm. 11 mars 2021, n° 44078C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 225 (2e volet) et les autres références y citées.

66 Trib. adm., 12 février 2003, n° 14855 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 235 et les autres références y citées.

67 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 50, page 189.

61professionnel et que cette partie peut être séparée nettement, selon des critères objectifs, la partie des dépenses ayant servi à des fins professionnelles est admise en déduction à titre de dépenses d’exploitation, à moins que cette partie ne soit d’importance minime. Lorsque les dépenses ne peuvent pas être ventilées d’une façon nette ou qu’il est difficilement discernable si les dépenses ont servi plutôt à la profession ou plutôt au train de vie, le montant intégral des dépenses n’est pas déductible conformément à l’article 12, numéro 1 LIR. L’utilisation professionnelle doit pouvoir être établie sans difficultés majeures et d’une façon adéquate, selon des critères objectivement contrôlables, et la part professionnelle ne doit pas seulement être d’importance minime68.

Dès lors, encore qu’avec le renvoi général à l’article 12 LIR, le législateur a entendu, à travers l’article 48, numéro 7 LIR, précité, « spécifie[r] uniquement que les dépenses non déductibles, visées à l’article [12], lorsqu’elles échoient dans le chef de l’exploitant, n’ont pas le caractère de dépenses d’exploitation »69, il y a lieu d’admettre que les principes dégagés ci-

avant sur base de l’article 12, numéro 1 LIR, sont applicables mutatis mutandis dans le cadre de l’article 48, numéro 7 LIR.

Le tribunal précise encore que l’article 12, numéro 1 LIR est certes particulier à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, vu que seules ces dernières ont une sphère de réalisation de revenus et une sphère privée d’utilisation des revenus, et vise ainsi des dépenses faites par un même contribuable et qui se situent à cheval entre ses sphères de réalisation et d’utilisation des revenus afin de régir la prise en compte de telles dépenses70.

Or, les sociétés de personnes, dont les sociétés en commandite simple71, sont considérées comme fiscalement transparentes en matière d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire qu’encore qu’en droit des sociétés, elles soient considérées comme ayant une personnalité juridique distincte, elles ne constituent pas des sujets fiscaux autonomes, de sorte que les revenus produits par une telle forme de société ne sont pas imposés dans son propre chef, mais dans le chef de leurs associés qui sont soumis personnellement à l’impôt sur le revenu pour leur part dans le revenu de la société72.

Etant donné que la société demanderesse est fiscalement transparente pour revêtir la forme d’une société en commandite simple, l’article 12, numéro 1 LIR trouve application en l’espèce.

C’est sur base des principes dégagés ci-avant que le tribunal analysera le caractère déductible des postes suivants.

2) Quant aux « problématiques liées à certaines opérations comptables » Moyens et arguments des parties 68 Trib. adm., 4 juin 2009, n° 24908 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 février 2010, n° 25877C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Impôts, n° 342 (1er volet) et les autres références y citées.

69 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 50, pages 189 et 190.

70 Cour adm., 4 mai 2021, n° 44776C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 339.

71 Article 175 LIR.

72 Trib. adm., 6 février 2017, n° 37331 du rôle, confirmé par Cour adm., 8 février 2018, n° 39274C du rôle, Pas.

adm. 2023, Impôts, n° 73 (2e volet).

62Dans sa requête, la société demanderesse indique vouloir soulever « certaines incohérences et oublis » de la part de l’administration et qui se dégageraient du Rapport de révision et évoque la « non-prise en compte d’extourne comptable ou de note de crédit pour ajuster les Redressements ». Elle se réfère « À titre d’exemple, au point 13 du Rapport sous aa) compte … Provision sur créances » pour expliquer que le service de révision aurait refusé la déductibilité des charges au titre des années 2011 et 2012 pour un montant respectif de … euros par année, alors qu’une reprise de provision aurait été effectuée en 2015 « à hauteur de … (Produits en 2015) », ce qui n’aurait pas été pris en compte par le service de révision.

II en serait de même pour un certain nombre de charges, à savoir notamment les « cotisations professionnelles, décorations, voyages et déplacements, missions et réceptions », qui auraient été réparties sur 12 mois pour les situations comptables intermédiaires et qui n’auraient donc pas été intégralement déduites au cours de l’année de paiement, mais qui, dans la reprise de charges, auraient pourtant été considérées comme étant non déductibles par l’administration alors qu’elles auraient dû être admises en déduction. Il s’agirait d’opérations de lissage de charges sur plusieurs mois constituant des opérations comptables, autrement dit des opérations de régularisation comptable, qui n’auraient aucun impact sur son résultat. La société demanderesse ajoute avoir pu constater que l’administration aurait accepté les montants des charges au crédit, mais qu’elle les aurait refusées au débit, ce qui aurait créé une asymétrie comptable.

Sur cette base, la société demanderesse indique s’opposer aux redressements effectués par l’administration au titre des « problématiques liées à certaines opérations comptables » qui résulteraient d’erreurs d’interprétations comptables de l’administration au cours des années 2011, 2012, 2015 et 2016 et souhaite que le montant de … euros soit intégralement admis en déduction pour la période en question, montant qu’elle a décomposé pour chacune desdites années d’imposition dans un tableau confectionné par ses soins.

Dans sa réplique, la société demanderesse maintient son argumentation.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater qu’il n’est pas en mesure de prendre position par rapport aux développements tout à fait vagues et généraux exposés par la société demanderesse au sujet de « problématiques liées à certaines opérations comptables ».

Il n’appartient pas au tribunal de tenter de retracer d’où proviendraient les montants de … euros pour l’année 2011, … euros pour l’année 2012, … euros pour l’année 2015 et … euros pour l’année 2016, correspondant au total de … euros, dans le tableau « Excel » versé par la société demanderesse, ni encore de s’y référer, à défaut d’une quelconque explication par rapport à ce tableau, pour y déceler les « problématiques » en question en vue de les redresser dans le cadre de son pouvoir de réformation.

Les contestations afférentes encourent, dès lors, le rejet.

3) Quant à la « Promotion de la marque … » Moyens et arguments des parties 63 La société demanderesse fait valoir que la promotion de la marque « … » nécessiterait que certaines charges soient engagées, en ce compris notamment mais surtout des frais liés à la publicité et la promotion, des frais liés à des « évènements … », des frais de missions et réceptions, ainsi que des cotisations à des associations professionnelles.

Elle explique que la communication et la publicité constitueraient des aspects importants en termes de pérennité et de développement du réseau de distribution du « groupe … », lequel investirait un budget important à ce niveau au profit de l’ensemble du réseau dont elle ferait partie. Elle précise que ces frais couvriraient non seulement des déjeuners et dîners professionnels, mais porteraient également sur l’organisation d’évènements et de réceptions qui constituerait une tâche indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise, la société demanderesse donnant à considérer qu’il s’agirait d’une obligation contractuelle qui lui serait imposée en vertu du contrat de distribution exclusive qu’elle aurait conclu avec la « maison … ». L’article 10, alinéa 2 de ce contrat stipulerait, en substance, qu’un budget annuel de communication, promotion et publicité minimum de 5% du montant cumulé de ses « achats gros hors taxes » de produits auprès de la « maison … », devrait être dépensé.

Il s’agirait d’un minimum et la « famille … » consacrerait « avec beaucoup de passion » tous les moyens et efforts pour promouvoir la « Marque » et pour faire fonctionner le magasin, la société demanderesse faisant référence à l’invitation à des réceptions ou à l’organisation de chasses ou de tournois de golf.

Elle en déduit que ce budget serait le budget minimum pour la promotion de la marque et devrait, dès lors, être en tout état de cause accepté en déduction, notamment au motif que ce montant ne serait pas contesté par la « maison … » qui serait un « tiers », la société demanderesse affirmant que si cette dernière avait considéré que les « efforts de promotion » avaient été insuffisants par rapport à ses obligations contractuelles, elle lui aurait imposé des dépenses de promotion supplémentaires, ce qui ne serait pas le cas.

Après avoir présenté un tableau confectionné par ses soins reprenant pour chacune des années d’imposition litigieuse, le montant minimum qui devrait, selon elle, être admis en déduction, la société demanderesse se prévaut du principe de non-immixtion de l’administration dans la gestion de l’entreprise et du principe de liberté de gestion, qui auraient été consacrés par la jurisprudence des juridictions administratives, pour soutenir qu’elle serait libre de mettre en place la stratégie la plus adaptée afin de garantir une bonne promotion de la « Marque » et que les coûts engagés à cet égard seraient nécessairement non négligeables.

La société demanderesse explique que l’organisation de tels événements requerrait indispensablement des frais de mise en place, le recours à des traiteurs ou encore l’accès à des « clubs privés prestigieux » qui nécessiteraient la détention de cartes de membre professionnel.

Elle conteste l’affirmation du service de révision selon laquelle la circonstance que Monsieur X, un de ses trois co-exploitants, pratique comme loisirs la chasse, le golf et le ski, justifierait que quasiment toutes les dépenses afférentes devraient être qualifiées de dépenses privées, alors qu’un tel raisonnement serait faux et ne tiendrait pas compte de la réalité.

Elle justifie sa position en affirmant que l’exclusivité de la « Marque », tout comme sa clientèle diversifiée, requerraient qu’elle organise des évènements diversifiés dont la nature pourrait varier en fonction du type de clientèle et de sa localité, que ce soit par exemple au 64Luxembourg, en Belgique ou en Suisse, ainsi que des articles qu’elle achèterait. Ainsi, les événements ne correspondraient pas tous obligatoirement à des réceptions, mais pourraient également aboutir à l’organisation d’une chasse ou à une partie de golf en cercle restreint, voire à un déjeuner ou dîner à l’étranger. La société demanderesse poursuit en expliquant, à titre illustratif, que Madame Z, l’une de ses trois co-exploitants, ne jouerait plus au golf, mais détiendrait encore et toujours une carte de membre du club de golf, non pas pour des raisons de loisirs, mais pour des raisons professionnelles qui seraient principalement liées au relationnel.

Elle poursuit en expliquant que la marque serait née dans le domaine de la sellerie qui se trouverait être un secteur intimement lié à celui de la chasse, et que ces chasses seraient fondamentales et non négligeables pour le bon fonctionnement de l’entreprise en termes d’aspect relationnel et en ce qu’elles permettraient de rapporter un grand nombre d’affaires par la suite. Il ne s’agirait pas exclusivement d’un loisir, tel que cela serait sous-entendu par le service de révision.

La société demanderesse en déduit que les frais généraux relatifs à la chasse et au golf devraient pouvoir être intégralement déduits en tant que dépenses professionnelles, en ce compris les cotisations aux différents clubs et associations, dont « le club de golf, club de fishing, association de la chasse, le club … etc. ».

Elle ajoute que pour des raisons « de confidentialité et de loyauté » envers ses clients, elle n’aurait pas souhaité divulguer la liste des invités aux chasses, aux tournois de golf et aux « évènements … » dont elle disposerait pour chacune des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, mais aurait proposé de les présenter à un stade ultérieur, lors des plaidoiries, la société demanderesse indiquant que l’administration n’aurait pas donné suite à son invitation de venir consulter les pièces sur place.

Après avoir présenté un tableau confectionné par ses soins reprenant le montant individuel des déductions réclamées pour chacune des années d’imposition litigieuse au titre des frais de promotion et qui correspondrait au moins au montant de … euros, la société demanderesse explique que le détail de ces montants pourrait être trouvé pour chacune de ces années aux onglets, intitulés « contestation de la non déductibilité », du fichier « Excel » qui aurait été joint à sa réclamation, ci-après désigné par le « Tableau 1 du Fichier Excel ». Elle explique que ledit fichier consacrerait pour chaque année trois différents onglets, à savoir (i) le tableau retravaillé par l’administration au cours du contrôle fiscal comprenant tous les frais que celle-ci aurait considérés comme étant non déductibles et qui feraient partie des redressements, (ii) le tableau représentant les « auto-redressements » qu’elle-même aurait effectués suite aux redressements de l’administration, et (iii) le tableau, intitulé « contestation de la non déductibilité », qui représenterait les frais dont la déduction aurait été refusée par l’administration, mais qu’il conviendrait nécessairement de déduire sur base de la justification de leur déductibilité indiquée dans le tableau.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient son argumentation.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale.

Analyse du tribunal Il ressort de l’article 10 du contrat de concession exclusive que la société demanderesse doit consacrer annuellement un budget équivalent à au moins 5% du montant cumulé « des 65achats gros hors taxes » qui lui sont facturés par le concédant les douze mois précédents, « destiné à financer le coût de ces actions, en particulier la publicité, les opérations de relations publiques, les éditions (Monde d’…, brochures produits…) et l’aménagement des vitrines ». A cet égard, le tribunal constate que de telles dépenses sont a priori susceptibles d’avoir été provoquées exclusivement par l’entreprise conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR.

Or, tel que retenu ci-avant et rappelé, en substance, par le directeur, il appartient à la société demanderesse, avant tout, de rapporter la preuve de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire qu’elles ont causé une diminution effective de son patrimoine.

Tel que relevé ci-avant, il ne suffit pas de se limiter, de manière générale, à réclamer l’application d’un pourcentage forfaitaire tel que déterminé dans le contrat de concession exclusive. En effet, la qualification de dépense d’exploitation s’entend concrètement, par rapport à chaque dépense déclarée à ce titre, de sorte que l’argumentation générale consistant à faire état du caractère approprié de la déductibilité d’un pourcentage déterminé du chiffre d’affaires au titre de frais de représentation, n’est pas de nature à énerver la régularité d’une reprise de frais. En l’absence encore de toute spécification des différentes dépenses qu’un contribuable estime avoir été reprises indûment, ainsi que de pièces et d’explications circonstanciées afférentes, un recours contentieux manque de rencontrer les impératifs de précision requis pour engager utilement un examen du moyen relatif aux frais généraux litigieux73.

Il est, dès lors, indifférent de savoir, d’une part, si le redressement opéré par la partie étatique aboutit ou non à un montant de frais déductibles inférieur au budget de 5% stipulé dans le contrat de concession exclusive, et, d’autre part, si la « maison … » est un « tiers » qui considérerait que les dépenses engagées par la société demanderesse satisferaient aux stipulations du contrat de concession exclusive, la seule question pertinente étant celle de savoir si la société demanderesse satisfait aux conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR.

En l’occurrence, la société demanderesse reste manifestement en défaut de satisfaire aux exigences de preuve qui lui incombent compte tenu de ses demandes, alors que le Tableau 1 du Fichier Excel joint à son recours sans aucune autre explication afférente, mis à part le fait que les montants y indiqués seraient à admettre en déduction, n’établit ni la matérialité des dépenses en question, ni l’existence de leur lien de causalité exclusif avec l’entreprise, tel que requis par l’article 45, alinéa (1) LIR.

En effet, d’après les propres explications de la société demanderesse, ce tableau constitue un document de travail utilisé conjointement par elle et l’administration en vue de procéder au contrôle fiscal litigieux. Ce tableau reprend pour les années d’imposition litigieuses notamment (i) « Les Redressements réalisés par l’ACD » avec pour chacune des dépenses y inscrites, (ii) le motif de refus de la déduction inscrit sous la colonne intitulée « Commentaire ACD », (iii) des commentaires de la société demanderesse figurant pour ces mêmes dépenses sous la colonne intitulée « Commentaire contribuable », tels que « Privé » ou des renvois à des factures, ainsi que (iv) le « Compte rendu ACD », autrement dit la conclusion de l’administration quant au caractère déductible ou non desdites dépenses au regard du « Commentaire contribuable », représentée par la mention « non déductible » et, le cas échéant, « déductible ».

73 Trib. am., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 219 et l’autre référence y citée.

66 Dans ces conditions, le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure la société demanderesse estime pouvoir satisfaire à son obligation de preuve en vue de voir admettre en déduction ces dépenses, sans joindre par ailleurs les factures en question et sans même se référer à une quelconque de ces dépenses de manière individuelle et circonstanciée sous analyse, le simple fait de verser un relevé comprenant plusieurs centaines de lignes d’un fichier « Excel » étant insuffisant à cet égard. Le constat demeure que des frais ont été déclarés « non-

déductible » dans ledit tableau et qu’il appartient, le cas échéant, à la société demanderesse de rapporter la preuve, dépense par dépense, de leur caractère déductible. Il ne suffit pas non plus de mentionner de manière générale la nécessité alléguée d’avoir accès à des « clubs privés prestigieux », d’organiser des parties de golf en cercle restreint, des parties de chasse ou des repas à l’étranger pour démontrer le lien de causalité de ces évènements avec l’activité de la société demanderesse. Compte tenu du manque patent de preuves, la question de l’identité des personnes invitées aux évènements organisés par la société demanderesse demeure, quant à elle, surabondante.

La circonstance que l’administration ait, avec l’accord non contesté de la société demanderesse, tel que cela ressort du Rapport de révision, procédé par voie d’échantillons compte tenu de la complexité et de l’envergure du cas d’imposition ne remet pas en cause ce constat, puisque les reproches de la partie étatique portent sur un défaut de preuve de l’existence d’un lien de causalité pour ces mêmes échantillons figurant dans le tableau.

Le tribunal tient encore à relever qu’il ressort du Rapport de révision que sur un total de … euros de frais généraux couvrant les années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, un montant de … euros a été admis en déduction par le service de révision et que les discussions avec la société demanderesse n’ont porté que sur la différence entre ces deux montants. Il s’ensuit que près de quatre-vingts pour cent des dépenses ont été admises en déduction par le service de révision, de sorte que contrairement à ce que semble soutenir la société demanderesse, il y a lieu d’admettre que ce montant, respectivement pourcentage couvre nécessairement au moins une partie des frais de « Promotion ».

Dans ces conditions, et encore que le délégué du gouvernement se soit erronément référé à des frais de « Promotion » concernant l’année d’imposition 2017, étrangère au présent litige, le tribunal retient que les contestations de la société demanderesse visant à exiger la déduction des dépenses en lien avec la « Promotion de la marque … » pour un montant total de … euros au titre des années 2011 à 2016, ainsi que 2018, sont à rejeter pour être non fondées et que la décision directoriale est à confirmer sous ce volet.

4) Quant aux « frais de voyages et de déplacement » Moyens et arguments des parties La société demanderesse soutient que les voyages et déplacements d’affaires constitueraient une part importante et non négligeable de ses dépenses en faisant valoir que ses représentants seraient dans l’obligation de se déplacer à l’étranger dans le but de maintenir des relations avec le « groupe … » et de s’informer au sujet des collections. Ces déplacements physiques seraient d’autant plus importants que ses trois co-exploitants seraient « apparenté[s] à la famille … ».

67La société demanderesse donne à considérer que les montants des frais engagés correspondant à la fraction de temps, calculée en jours, consacrée à l’activité professionnelle, pourraient être admis en déduction au motif qu’une grande partie des dépenses exposées au titre des voyages et déplacements consisterait à promouvoir la « Marque » à l’étranger. Elle cite, à titre d’exemples de voyages à l’étranger, ceux (i) à destination de … afin de rencontrer les architectes en charge de la « maison … » à …, (ii) pour participer aux « défilés … » qui serviraient à promouvoir la « Marque » ou à acheter des produits destinés à la revente, et ceux (iii) effectués pour certains membres du personnel afin de la représenter et d’établir des relations avec ses homologues, ses clients ou ses fournisseurs, la société demanderesse affirmant que ces voyages seraient nécessaires pour son développement interne.

Tout en soutenant que ses co-exploitants seraient obligés de faire un grand nombre de voyages d’affaires pour la promotion de la « Marque », la société demanderesse s’étonne du rejet par le service de révision de la majorité des frais de voyages et de déplacements qu’elle aurait encourus au motif qu’il ne serait pas possible de ventiler de façon objective entre le domaine professionnel et le domaine privé. Elle estime avoir justifié, sans faute, le caractère professionnel de ses dépenses de voyages.

La société demanderesse indique s’opposer aux redressements afférents effectués au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, au sujet des frais de voyages et de déplacements et réclame la déduction intégrale du montant de … euros, tout en se référant à un tableau confectionné de la même manière que le Tableau 1 du Fichier Excel, ci-après désigné par le « Tableau 2 du Fichier Excel ».

Dans sa réplique, la société demanderesse maintient son argumentation et conteste l’approche adoptée par la partie étatique. Elle précise que le lien familial de Madame …avec la « famille … » n’aurait pas d’impact sur le caractère privé ou professionnel des déplacements, mais expliquerait néanmoins pourquoi la « famille … » ne se serait jamais vue retirer l’exploitation du magasin, alors que la quasi-totalité des magasins de la marque dans le monde seraient exploités par « … » même. Il en résulterait un engagement sans faille de la famille pour « … » qui expliquerait aussi la variété des actions tournant autour de la promotion de la marque.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale.

Analyse du tribunal Force est de constater que, mis à part le Tableau 2 du Fichier Excel, la société demanderesse ne s’est référée à aucune pièce justificative pour établir la matérialité des dépenses sous analyse, et que tel que relevé par le délégué du gouvernement, le tableau confectionné par ses soins étant, à lui seul, insuffisant à cet égard.

Par ailleurs, et pour les mêmes motifs que ceux formulés ci-avant au sujet du Tableau 1 du Fichier Excel qui s’appliquent mutatis mutandis au sujet des dépenses sous analyse, le tribunal ne peut, dans ces conditions, que constater que la société demanderesse n’a pas établi à suffisance que lesdits frais pourraient intégralement constituer des dépenses d’exploitation déductibles au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société demanderesse à voir admettre en déduction un montant total de … euros au titre des années 2011 à 2016, ainsi que 2018, la décision directoriale étant à confirmer sous ce volet.

68 5) Quant aux frais de voiture Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse fait valoir que le fait qu’une voiture relève de la sphère professionnelle ne porterait pas préjudice à la mise en compte d’une part privée correspondant à l’utilisation de la voiture à des fins étrangères à l’entreprise.

Elle constate que la déduction des frais de véhicules aurait été refusée en totalité, alors que certains de ses salariés, non exploitants, bénéficieraient de voitures de fonction qui auraient fait l’objet d’une imposition personnelle en tant qu’avantage en nature. La même méthodologie aurait été appliquée à deux de ses co-exploitants, à savoir Monsieur X et Madame Y, qui seraient tous les deux également des salariés. La société demanderesse reproche à l’administration d’avoir retenu de manière systématique une utilisation privée des véhicules qui devraient toutefois « manifestement pouvoir au minimum être considérés comme des véhicules de fonction sans subir une imposition plus défavorable qu’un collaborateur classique. ».

La société demanderesse indique s’opposer aux redressements afférents effectués au titre des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018, au sujet des frais de voitures et réclame la déduction intégrale du montant de …euros, tout en se référant à un tableau confectionné de la même manière que le Tableau 1 du Fichier Excel et le Tableau 2 du Fichier Excel, ci-après désigné par le « Tableau 3 du Fichier Excel ».

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale.

Analyse du tribunal Le tribunal constate, de prime abord, que les développements de la société demanderesse sont dépourvus d’une quelconque référence à une disposition légale ou réglementaire qui aurait été violée et qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à cette carence afin de vérifier la thèse de la société demanderesse.

Ensuite, force est de constater que les développements en question restent à l’état de pures allégations à défaut pour la société demanderesse de s’être référée à une quelconque pièce justificative de nature à soutenir sa thèse et qu’il n’appartient pas, tel que relevé ci-avant, au tribunal de rechercher des pièces dans le dossier fiscal de la société demanderesse qui seraient, le cas échéant, de nature à établir ses affirmations.

Par ailleurs, et pour les mêmes motifs que ceux formulés ci-avant au sujet du Tableau 1 du Fichier Excel et du Tableau 2 du Fichier Excel qui s’appliquent mutatis mutandis au sujet des dépenses sous analyse, le tribunal ne peut, dans ces conditions, que constater que la société demanderesse est restée en défaut d’établir à suffisance que lesdits frais pourraient intégralement constituer des dépenses d’exploitation déductibles au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Plus particulièrement, le Tableau 3 du Fichier Excel ne permet pas de vérifier :

- de quels véhicules la société demanderesse serait propriétaire et dont elle entendrait déduire les frais, ni la nature de ces frais ;

69- la part d’utilisation professionnelle et privée de ces véhicules afin d’exclure qu’ils auraient été utilisés par ses co-exploitants, outre pour des déplacements professionnels, également à des fins privées ;

- la durée des différents trajets, ainsi que le kilométrage de chaque véhicule au début et à la fin du trajet, de même que le nombre de kilomètres parcourus ;

- l’utilité individuelle des trajets et leur rapport avec l’activité de la société demanderesse ; et - que le lieu de départ des trajets en question aurait été le siège de la société demanderesse.

S’agissant de l’affirmation de la société demanderesse suivant laquelle certains véhicules auraient fait l’objet d’une imposition d’un avantage en nature, force est au tribunal de constater qu’outre le fait que la société demanderesse ne s’est référée à aucune pièce justificative à cet égard, de sorte que cette affirmation reste à l’état de pure allégation, la société demanderesse n’en tire aucune conséquence juridique concrète par rapport à la question de la déduction des frais afférents, mis à part une différence de traitement alléguée de chacun de ses co-exploitants avec un « collaborateur classique ».

Dans ce contexte, le tribunal rejoint le directeur et le délégué du gouvernement dans leur constat que ni un carnet de bord, ni aucun autre document de nature à établir la part d’utilisation privée et professionnelle, par les trois co-exploitants de la société demanderesse, des véhicules qui lui appartiendraient, n’a été versé par celle-ci.

Partant, en l’absence de documents probants permettant d’établir que les frais relatifs aux véhicules litigieux auraient été engagés dans l’intérêt exclusif de l’activité de la société demanderesse conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR, les contestations afférentes de la société demanderesse encourent le rejet.

D) Quant à la prescription applicable et à l’applicabilité du § 222 AO Le tribunal vient de retenir dans les développements qui précèdent que les contestations de la société demanderesse sont à rejeter intégralement, de sorte que la décision directoriale est à confirmer dans son intégralité.

Il s’ensuit que le contrôle dont a fait l’objet la société demanderesse a effectivement abouti à une « imposition supplémentaire » au sens de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 et que c’est à juste titre que le bureau d’imposition, suivi en cela par le directeur, a pu retenir l’application du délai de prescription décennal74 , étant rappelé que le tribunal a retenu ci-avant que la société demanderesse avait déposé des déclarations fiscales « inexactes », étant donné qu’elles reposaient nécessairement sur des données incorrectes pour être fondées sur une comptabilité irrégulière. Il ne s’ensuit qu’aucun « travail tardif » n’est à reprocher à l’administration puisque l’imposition litigieuse s’inscrit endéans le délai de prescription légalement prévu.

Le moyen de la société demanderesse relatif à la prescription des années 2011 à 2015, ainsi que les contestations afférentes sont, dès lors, à rejeter pour être non fondés.

74 En ce sens : Cour adm., 27 juillet 2022, n° 46933C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

70Etant donné que la découverte des faits nouveaux lors du contrôle des années d’imposition 2011 à 2016, ainsi que 2018 a abouti à une imposition supérieure à l’imposition initiale, c’est également à bon droit que le bureau d’imposition a pu émettre des bulletins d’impôt rectificatifs pour l’année d’imposition 2016 endéans le délai de prescription de 10 ans en application du l’application du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO, de sorte que le moyen afférent encourt, lui aussi, le rejet.

IV) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande d’indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Sibylle SCHMITZ, juge, s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 71


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47573
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-10;47573 ?

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