La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47000

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2024, 47000


Tribunal administratif N° 47000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47000 5e chambre Inscrit le 7 février 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par la société en commandite simple X, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47000 du rôle et déposée le 7 février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en command

ite simple ALLEN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, aven...

Tribunal administratif N° 47000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47000 5e chambre Inscrit le 7 février 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par la société en commandite simple X, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47000 du rôle et déposée le 7 février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple ALLEN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société en commandite simple X, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 9 novembre 2021, référencée sous le numéro C 28938, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, émis en date du 4 novembre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2022 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY pour compte de la société en commandite simple X, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean SCHAFFNER et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 novembre 2023.

___________________________________________________________________________

En date du 22 octobre 2018, la société en commandite simple X, ci-après désignée par la « société X », introduisit sa déclaration pour l’établissement en commun du bénéfice commercial et pour l’impôt commercial de l’année d’imposition 2017, par rapport à laquelle le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », sollicita, à de nombreuses reprises, des pièces et renseignements supplémentaires, le dossier administratif révélant que de multiples échanges écrits et téléphoniques ont eu lieu de part et d’autre.

1 Il ressort du dossier administratif qu’une réunion eut lieu au siège de la société X le 16 juillet 2020 en présence de son ancien litismandataire, de son associé-gérant, d’un représentant du service de révision et du bureau d’imposition, ainsi que de trois agents de l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA.

Par courrier du 31 août 2020, le bureau d’imposition s’adressa au préposé du service de révision de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « service de révision », pour lui enjoindre de procéder, en vertu des §§ 162, alinéa (9), 193 et 206, alinéa (1) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée «»Abgabenordnung»», en abrégé « AO », à une vérification des livres et documents comptables commerciaux, ainsi que des revenus et fortune imposables de la société X pour les années d’imposition 2011 à 2016 et 2018.

Par courrier du 31 août 2020, le préposé du bureau d’imposition informa la société X qu’il envisageait de s’écarter de la déclaration fiscale de l’année 2017 sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO par rapport à de multiples postes de dépenses déclarées, en indiquant : « […] Après le contrôle de factures et de documentations, divers entretiens téléphoniques et une entrevue le 16/07/2020 avec entre autre l’associé-gérant M. …, le bureau … constate que dans les frais d’exploitation de la société [X] figurent de nombreuses dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale des associés. Il s’avère que la reprise déclarée de 15% seulement, notamment sur les frais dits « Missions, Réceptions » et « Voyages et déplacements » est insuffisante.

Dans le cas des frais dits « Missions, Réceptions » le bureau … considère comme dépenses non déductibles au sens de l’article 12 L.I.R. un montant de …- € au lieu de la reprise de …- €.

Dans le cas des frais dits « Voyages et déplacements » le bureau … considère comme dépenses non déductibles au sens de l’article 12 L.I.R. un montant de …-€ au lieu de la reprise de …- €.

Les détails relatifs aux reprises envisagées sont disponibles sur demande.

Finalement, veuillez trouver en annexe notre calcul de la bonification d’impôts en vertu de l’article 152bis LIR. […]. », tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 30 septembre 2020 au plus tard.

Par courrier du 16 octobre 2020, réceptionné le 19 octobre 2020, la société X fit parvenir, par l’intermédiaire de son ancien litismandataire, ses observations.

En date du 4 novembre 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société X, pour l’année d’imposition 2017, un bulletin de l’impôt commercial communal indiquant « Voir notes ad Bulletin d’établissement en commun », ainsi qu’un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, avec les remarques suivantes :

« Bénéfice commercial suivant bilan:

… + traitements associés …, … ,… … + amendes fiscales et dons:

… + reprise fiduciaire …: frais de voiture (35 %) … 2 + frais voitures restantes, cf tableau S3:

… + reprise fid. …: frais de voyages et dépl.(15%) … + reprise fid. …: frais … … + reprise fid. …: frais "Missions, Réceptions" … - annulation reprise fid.: Voyages et déplacement -… + reprise bureau …, frais Voyages et déplacements:

… - annulation reprise fid.: frais "Missions et Récep." -… + reprise bureau …, frais "Missions et Réceptions":

… + pourboires, art. 12 LIR … + cotisations aux associations profess.

… + frais access. sur achats, transp, douanes: achat cost.

… + matériel de bureau … + entretien jardin privé "…" … + facture "…" adressée à … … + amortissement … - étui à fusil (chasse) … + prélèvements privés des associés … + ICC remboursé -… + ICC déduit:

… - ICC dû -… = bénéfice commercial imposable :

… L’imposition est effectuée suivant notre lettre en vertu du §205 AO du 31/08/2020.

Le bureau … ne peut pas donner de suite favorable à vos objections comprises dans votre lettre du 16/10/2020.

Au contraire, les renseignements fournis par vos soins ont amené le bureau … à évaluer les prélèvements de marchandises à leur valeur d’exploitation au montant de …- euros au lieu de ….- euros. (art. 43 LIR, respectivement art. 27 LIR) Finalement, le bureau … a pris en compte la cession de parts sociales du 27/02/2017 et la nouvelle répartition des revenus en résultant. ».

Il ressort du dossier administratif qu’un rapport de contrôle fut dressé par le bureau d’imposition en date du 1er novembre 2019 au sujet de l’année d’imposition 2017 contrôlée.

Par un courrier recommandé daté du 25 janvier 2021, réceptionné en date du 26 janvier 2021, la société X introduisit une réclamation contre les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par décision du 9 novembre 2021, référencée sous le numéro C 28938, le directeur déclara la prédite réclamation recevable mais non fondée, dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 26 janvier 2021 par Me Jean Schaffner, de la société en commandite simple Allen & Overy, au nom de la société en commandite simple X, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, tous les deux émis le 4 novembre 2020 ;

3 Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction d’un montant total de … euros en tant que dépenses d’exploitation, dépenses que le bureau d’imposition a qualifiées de privées en vertu de l’article 12 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), alors que la réclamante estime qu’elles furent « provoquées en partie par des considérations d’ordre professionnel » ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le bureau d’imposition a refusé la déduction d’une multitude de frais après avoir procédé à un contrôle approfondi des livres et pièces comptables de la réclamante ;

qu’en résumé les frais refusés se présentent comme suit :

Prélèvements privés de marchandises … euros Amendes fiscales et dons … euros Frais de voiture … euros Frais de voyages et déplacements … euros Frais de missions et de réceptions … euros Frais de pourboires … euros Cotisations aux associations professionnelles … euros Frais accessoires sur achats, … euros transports, douanes/ achat costumes M. … Matériel de bureau … euros Entretien immeuble : entretien jardin privé … euros 4 Facture … adressée à … … euros Amortissement …— étui à fusil (chasse) … euros En ce qui concerne le poste « prélèvements privés de marchandises » et l’achat du costume du sieur … Considérant que la réclamante conteste le montant de … euros pour prélèvements privés que le bureau d’imposition a rajoutés au résultat ; qu’en ce qui concerne l’évaluation et la nature de ces prélèvements, elle avance ce qui suit : « il convient de valoriser les prélèvements d’articles de la façon suivante :

• à leur valeur d’exploitation, correspondant au prix d’acquisition global, dès lors qu’ils font partie de la collection en-cours. Les biens de l’actif circulant sont estimés avoir une valeur d’exploitation à leur coût de remplacement. (…) • à un montant égal à 0 si les articles devaient être sortis de la collection. En effet, les articles des collections antérieures non-vendus ne sont pas repris par la maison … et doivent dès lors être détruits. La Société n’est donc pas autorisée à revendre les articles appartenant à une collection passée, ni à les diffuser d’une autre manière. Or, les associés ont alors parfois repris des articles pour leur propre compte, pour éviter une destruction.

En application de la méthode de valorisation décrite ci-dessus, il ressort des calculs qu’un montant total de EUR … est à réintégrer comme prélèvements privés (sous réserve du point (b) (ii) ci-dessous).

Au-delà du montant total de EUR … au titre de l’ensemble des prélèvements privés de marchandises effectués, le caractère professionnel de certains prélèvements (tels que les trois postes exposés ci-dessous) peut tout à fait être justifié, devant alors nécessairement permettre la déduction de ces dépenses, le reste des dépenses devant être considéré comme étant de nature privée (voir conclusion).

b) La nature des prélèvements Au vu de la nature des prélèvements (sur le total de EUR …, certains articles ont été distribués en guise de cadeaux à des clients de la Société (i) ou ont été utilisés dans un but de promotion de l’image de Marque par la Société (ii) ou ont été utilisés pour les besoins de l’entreprise (iii). Le détail des Reprises fourni par l’Administration ne semble pas suffisamment prendre en considération ces aspects.

i) Cadeaux remis à la clientèle (…) Au vu de la nature professionnelle de ces prélèvements, il serait raisonnable de pouvoir déduire un montant additionnel correspondant à EUR …, en considération du tableau joint en annexe. (…) ii) Vêtements professionnels à porter au magasin 5 La notoriété ainsi que l’image prestigieuse que renvoie la Marque exigent que les représentants de la Société, à savoir la famille …, soient essentiellement vêtus de ses (sic) articles dans leur quotidien et notamment dans leur magasin. Le principe même de promotion d’une marque veut que les articles soient présentés à la clientèle ou au public au sens large.

La famille … se trouve ainsi en quelque sorte obligée de porter les articles à promouvoir afin de respecter ses engagements contractuels envers la Marque.

Par ailleurs, l’ensemble du personnel du magasin, y compris les membres de la famille …, sont habillés par …. On ne peut donc pas qualifier de prélèvements personnels les tenues que … oblige les membres de la famille à porter. En effet, il s’agit d’un outil de travail comme un autre et devrait être considéré en conséquence. (…) Il a été constaté qu’un montant approximatif de EUR … est dépensé par an (prix d’acquisition) par collaborateur (…). Ainsi il semblerait approprié et raisonnable de retenir un montant de EUR … (prix d’acquisition) par membre de famille par an, soit EUR … (…) il va de soi que le montant de EUR … au titre de costumes professionnels de Monsieur … soit considéré comme étant de nature professionnelle dans la mesure où il s’agit d’un outil de travail (…) iii) Utilisation pour les besoins de l’entreprise Un certain nombre d’articles achetés (comme, par exemple, des bloc-plumes, bloc-

notes ou encore des recharges d’agenda) sont également utilisés par l’entreprise dans le cadre de son exploitation. Lors du contrôle sur place, ces articles n’ont pas fait l’objet d’une problématique particulière en ce qui concerne leur déductibilité. Sur base du détail des Reprises fourni par l’Administration cependant, il a pu être constaté que certains articles utilisés pour les besoins de l’entreprise n’avaient pas été identifiés comme tels par ses soins.

Sur base du tableau en annexe (voir conclusion ci-dessous), ces articles ont été identifiés de manière complémentaire et la valeur d’achat de ceux-ci est de EUR … En vertu de la nature professionnelle des articles en question en ce qu’ils ont servi à l’exploitation de la Société, il va de soi que ce montant doive intégralement être déduit. Par conséquent, ce montant ne doit forcément pas être intégré dans la base imposable de la Société au titre des prélèvements, mais doit être soustrait du montant à réintégrer.

c) Conclusion Au vu de ce qui précède, le montant qu’il conviendrait de déduire au titre des prélèvements de marchandises (…) serait de EUR …, augmenté de EUR … au titre des costumes professionnels de Monsieur …, à savoir EUR …, le montant restant de EUR … étant de nature privée. » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 43, alinéa 1er L.I.R., les prélèvements personnels sont à mettre en compte pour leur valeur d’exploitation au moment du prélèvement ; que la valeur d’exploitation est définie dans l’alinéa 1er de l’article 27 L.I.R. qui retient qu’est considérée comme valeur d’exploitation d’un bien le prix qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait au bien envisagé dans le cadre du prix d’acquisition global, l’acquéreur étant supposé continuer l’exploitation ;

6 Considérant qu’en ce qui concerne la « collection en-cours », l’évaluation des prélèvements établie par le bureau d’imposition n’est pas litigieuse ; qu’en ce qui concerne les prélèvements d’articles issus de collections antérieures, la réclamante aboutit à une évaluation de la valeur d’exploitation à 0 euro en argumentant qu’elle ne serait pas autorisée à revendre ces articles et qu’elle serait tenue de les détruire en vertu de ses obligations contractuelles ;

qu’afin d’éviter la destruction de ces articles les associés les auraient prélevés de leur entreprise ;

Considérant qu’il en découle que suivant les dires de la réclamante, ses associés n’étaient, en principe, pas autorisés à prélever les articles litigieux et qu’il en découle que c’est uniquement grâce à leur statut d’associé que ceux-ci étaient en mesure de procéder aux prélèvements susénoncés ; que les associés ont donc obtenu de la réclamante un avantage qu’ils n’auraient pas obtenu s’ils n’avaient pas eu la qualité d’associé ;

Considérant ainsi qu’une évaluation de la valeur d’exploitation à 0 euro ne s’avère pas appropriée dans le cas d’espèce ;

Considérant que la « valeur d’exploitation a généralement pour limite inférieure la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé. » (Tribunal administratif du 24 avril 2006, n° 13666 du rôle) ;

Considérant qu’en raison de leur stock limité voire épuisé, de leur pénurie et de leur exclusivité, la valeur estimée de réalisation de ces articles de luxe a généralement tendance à se stabiliser, voire à croître, plutôt qu’à baisser, d’autant plus qu’il est tout à fait envisageable qu’un tiers serait prêt à débourser un prix plus élevé pour un produit d’occasion devenu encore plus rare et exclusif, que le prix originairement affiché en boutique ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède que le bureau d’imposition a déterminé la valeur d’exploitation à un montant correspondant au strict minimum possible et que l’évaluation du bureau d’imposition est ainsi à confirmer ;

Considérant que la réclamante conteste également la nature privée de certains prélèvements pour les montants de … euros pour cadeaux remis à la clientèle, … euros pour « vêtements professionnels » et … euros pour « utilisation pour les besoins de l’entreprise » ;

Considérant que les montants de de … euros pour cadeaux remis à la clientèle et de … euros pour « vêtements professionnels » sont des estimations que la réclamante ne peut pas justifier par des pièces probantes ;

Considérant qu’une déduction sur base d’une estimation pour cadeaux à la clientèle et vêtements professionnels n’est pas prévue par la loi fiscale ; qu’un tel forfait ne peut donc pas être invoqué par la réclamante et que seuls les frais effectifs sont déductibles à titre de dépenses d’exploitation ;

Considérant en plus et à titre purement superfétatoire que même si les prélèvements pour cadeaux remis à la clientèle et pour « vêtements professionnels » n’avaient pas été estimés, quod non, il n’en resterait pas moins qu’en en ce qui concerne les cadeaux, la réclamante reste en défaut de communiquer leurs bénéficiaires respectifs et qu’en ce qui concerne les « vêtements professionnels », il s’avère qu’en vertu de l’article 12 L.I.R. les 7 dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, en l’espèce les associés de la société, ne sont pas déductibles, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou son activité ;

Considérant, en ce qui concerne le montant de … euros engagés pour l’«»utilisation pour les besoins de l’entreprise », il résulte de l’instruction du dossier de la réclamante qu’ils constituent effectivement des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 L.I.R. et sont partant déductibles en vertu du même article 45 L.I.R. ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal de la réclamante que les prélèvements, qualifiés en tant que privés, avaient été évalués originairement à … euros et que le bureau d’imposition les a ensuite ramenés à … euros ; qu’il s’ensuit que le bureau d’imposition est arrivé à la conclusion qu’un montant de (… - … i.e.) … euros serait à qualifier de déductible et qu’en conséquence il peut valablement être présumé que le bureau d’imposition a déjà tenu compte des frais engagés pour l’« utilisation pour les besoins de l’entreprise » à concurrence d’un montant de … euros ; qu’il y a partant lieu de diminuer les prélèvements privés, tels qu’ils furent déterminés par le bureau d’imposition, de (… - … i.e.) … euros et de ramener les prélèvements privés à (… - … i.e.) … euros en conséquence ;

En ce qui concerne le poste « frais de voiture » Considérant que le bureau d’imposition a procédé à une reprise de … euros au titre des frais de voiture ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante a déduit des « frais de voiture » au compte profits et pertes pour un montant total de … euros, dont … euros correspondent à des avantages en nature à ses salariés et … euros ont déjà été repris … par ses propres soins ;

Considérant que la réclamante fait ainsi valoir qu’elle avait elle-même déjà procédé à une reprise d’une part privée en ce qui concerne les frais de voiture d’un montant de … euros, ce qui correspond à une utilisation privée de (…. / … x … i.e.) 87,21 pourcent ; qu’elle estime que la part restante de … euros serait « raisonnable », « tout à fait normale pour les véhicules de sociétés » et serait ainsi déductible ;

Considérant qu’aux termes de l’article 45, alinéa 1er L.I.R., les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise constituent des dépenses d’exploitation déductibles ;

Considérant qu’aux termes de cet article sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise alors qu’en vertu de l’article 12 L.I.R. les dépenses de train de vie du contribuable ne sont pas déductibles;

que toutefois pour être déductibles il faut pouvoir documenter leur existence par des moyens probants ;

Considérant en effet que si en principe il incombe aux contribuables de fournir la preuve de la totalité des déplacements requise à des fins de détermination de la part de l’utilisation professionnelle au moyen notamment d’un carnet de bord, les contribuables doivent au moins, en l’absence de ce moyen de preuve, pouvoir présenter des annotations et 8 autres pièces à l’appui pouvant être raisonnablement prises en considération pour étayer une quote-part professionnelle justifiée ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier qu’aucun carnet de bord pour ses associés n’a pu être présenté et qu’elle n’avance aucun autre document qui permettrait de retracer les déplacements de ses associés ;

Considérant qu’à défaut de carnet de bord en bonne et due forme et sans autre élément de preuve, il convient de confirmer le bureau d’imposition dans sa manière d’agir, notamment en ce qu’il a procédé à une reprise des frais de voiture en relation avec les déplacements privés pour un montant de … euros ;

En ce qui concerne le poste « frais de voyages et déplacements » Considérant que la réclamante conteste la nature privée du poste « frais de voyages et déplacements » pour un montant de … euros que le bureau d’imposition a rajouté au résultat ; qu’en guise de motivation, elle avance ce qui suit :

« Les voyages et déplacements d’affaires constituent une part importante et non négligeable des dépenses exposées par la Société. En effet, dans un but de maintenir les relations avec le groupe … et de s’entretenir au sujet des collections, les représentants de la Société se voient dans l’obligation de se déplacer à l’étranger. Les déplacements en personne sont d’autant plus importants dès lors que Madame … (et donc aussi ses enfants) est apparentée à la famille …. En ce qui concerne les voyages à l’étranger, seuls peuvent être déductibles les montants des frais engagés correspondant à la fraction de temps, calculée en jours, consacrée à l’activité professionnelle.

En effet une grande partie des dépenses exposées au titre des voyages et déplacements consiste à promouvoir la Marque à l’étranger. À titre d’exemple, certains voyages ont été réalisés à destination de New York afin de rencontrer les architectes en charge de la maison … à …. Nombreux sont également les voyages consistant à participer aux défilés … tenus à l’étranger et qui servent en tout état de cause à promouvoir la Marque. Pour le développement interne de la Société, il est également important que certains membres du personnel soient envoyés à l’étranger pour la représenter et pour établir des relations avec leurs homologues, des clients ou encore des fournisseurs.

Par ailleurs, pour des raisons de sécurité et de protection d’objets de grande valeur de la Marque, certaines dépenses, de taxi notamment, ont indéniablement dû être exposées pour le transport des objets en question.

Par conséquent, les coûts engagés au titre de ses voyages et déplacements pour la promotion de la Société sont justifiés par leur nature et devraient être déductibles à hauteur de EUR …, le montant restant de EUR … étant de nature privée. » Considérant qu’aux termes de l’article 45, alinéa 1er L.I.R., les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise constituent des dépenses d’exploitation déductibles ;

Considérant qu’il y a lieu d’analyser si les frais considérés par le bureau d’imposition comme privés constituent des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 ;

9 Considérant que la comptabilité de la réclamante fait apparaître des frais de « voyages et déplacements » de … euros, déduits en tant que charges dans le compte profits et pertes ;

que le bureau d’imposition les a requalifiés comme relevant de la sphère privée de ses associés pour un montant de … euros ;

Considérant que la réclamante ne conteste pas la nature privée de ces frais pour un montant de … euros, qu’elle a d’ailleurs intentionnellement déduits puisque suivant son propre raisonnement elle était tout à fait consciente de leur nature privée ;

Considérant que pour le montant restant de … euros, elle avance un récapitulatif avec des annotations pour chaque facture, sur lequel elle base son argumentation; que ce récapitulatif avancé par la réclamante ne fait que difficilement ressortir pour quelles fins ces frais ont été déboursés, ses annotations étant plutôt vagues et incomplètes ; que 9 de ces postes sont en relation avec des « visites » d’autres boutiques de la marque « … » à …, Londres, Milan, Lausanne et New York, dont les dates, figurant sur les factures y afférentes, sont reprises dans le tableau ci-dessous :

« VISITE …, COPENHAGUE » Du 14 septembre 2017 au 17 septembre 2017 « … LONDRES » Du 12 décembre 2017 au 16 décembre 2017 « VISITE … MILAN » Du 14 mars 2017 au 25 mars 2017 « … LAUSANNE » Du 27 juin 2017 au 28 juin 2017 « ARCHITECTE … NY » Du 17 avril 2017 au 23 avril 2017 Considérant qu’au vu de la durée de ces « visites », il peut valablement être présumé que ces voyages n’ont pas été entamés pour des raisons uniquement professionnelles, d’autant plus qu’il ressort du dossier fiscal de la réclamante que le conjoint d’un de ses associés, le sieur …, est né aux Etats-Unis, possède la nationalité américaine et est propriétaire d’un appartement à New York, ce qui corrobore la nature privée de ces frais ;

Considérant que la réclamante fait encore valoir qu’elle a dû recourir à des taxis pour garantir la protection et la sécurité de ses associés et salariés lors du « transport » de certains « objets de grande valeur » ; que l’analyse des factures de taxi a néanmoins révélé que les adresses parcourues lors de ces courses à taxi ne corroborent guère les affirmations de la réclamante, l’adresse de la réclamante n’y figurant que très sporadiquement, ce qui rend ses explications à peine plausibles ;

Considérant encore que sur son récapitulatif la réclamante fait valoir un voyage qu’elle libelle comme suit : « … » ; que le bureau d’imposition a constaté lors de son instruction que la réclamante a déduit des frais en relation avec une société tierce dénommée « … » et qu’en conséquence, ces frais ne sont partant pas déductibles dans le chef de la réclamante ;

Considérant que la réclamante fait valoir des frais en relation avec des chasses ; que les frais de chasse invoqués par la réclamante sont à qualifier de privés d’après les constatations qui suivent (voir rubriques : « En ce qui concerne les postes « frais de missions 10 et réceptions » et « … (chasse) » » et « En ce qui concerne le poste « Cotisations aux associations professionnelles » ») ;

Considérant qu’il en découle que le poste de « frais de voyages et déplacements », tel qu’il a été comptabilisé par la réclamante, manque de transparence et constitue en vertu des développements qui précèdent un cafouillage de quelques frais d’ordre professionnel et majoritairement de frais d’ordre privé ; que contrairement aux allégations de la réclamante, ils ne sont donc pas « justifiés par leur nature », d’autant plus que la réclamante reste en défaut de documenter les objectifs spécifiques poursuivis par ces voyages ; que partant ces frais ne sont pas déductibles en vertu de l’article 12 L.I.R. et ne constituent pas des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 L.I.R. ;

Considérant que la manière de procéder du bureau d’imposition, tout comme le montant de … euros repris en tant que frais privés en ce qui concerne le poste « frais de voyages et déplacements » est à confirmer ;

En ce qui concerne les postes « frais de missions et réceptions » et « … (chasse) » Considérant que la réclamante conteste les montants de … euros et de … euros pour « frais de missions et réceptions » et pour l’« … (chasse) », que le bureau d’imposition a rajoutés au résultat ; qu’à l’endroit de son placet, elle avance ce qui suit :

« La communication et la publicité constituent des aspects importants en termes de pérennité et de développement d’un réseau de distribution tel que celui du groupe …. Le groupe … investit un budget important dans la communication et la publicité, qui bénéficie à l’ensemble du réseau dont fait partie la Société. Indépendamment, des déjeuners et dîners professionnels, l’organisation d’évènements et de réceptions constitue donc non seulement une tâche indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise, mais également une obligation contractuelle en vertu du contrat de distribution exclusive conclu entre la Société et la maison … (…) En effet, le Contrat, tel qu’en vigueur au cours de l’année 2017, prévoit dans son article 10, alinéa 2 un budget annuel de communication, promotion et publicité minimum de 5% du montant cumulé des achats gros hors taxes de produits … exclusifs réalisés par la Société auprès de la maison … au cours des 12 mois précédents, à savoir au cours de l’année 2016. Il ne s’agit donc que d’un minimum et la famille … consacre, avec beaucoup de passion, tous les moyens et efforts pour promouvoir la Marque et pour faire fonctionner le magasin. Il peut être fait référence, notamment à l’invitation à des réceptions ou à l’organisation de chasses ou de tournois de golf, le tout dans un but de promotion de la Marque.

Dans ce contexte, il convient de rappeler deux principes fondamentaux confirmés à maintes reprises par la doctrine et la jurisprudence. Le premier concerne l’interdiction de l’administration fiscale de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise, « par principe, l’administration n’a pas à s’immiscer dans la gestion de l’entreprise, elle n’a pas à porter de jugement sur la qualité ou les résultats de la gestion financière ou commerciale. » Par conséquent, « comme l’administration fiscale n’est pas un contrôleur de gestion, le contribuable est seul juge de l’opportunité de ses investissements et dépenses, ainsi que de leur importance ».

11 Le deuxième principe concerne la « liberté de gestion » selon lequel « en principe le contribuable est entièrement libre de choisir, pour l’exploitation de son entreprise, la forme qui lui semble la plus appropriée et la moins onéreuse au point de vue fiscal. La liberté de choix des formes et des conventions se heurte cependant aux prescriptions de la loi fiscale à partir du moment où la forme choisie ou le contenu apparent des conventions ne correspond pas aux objectifs réellement visés par les intéressés ».

Par conséquent, la Société est libre de mettre en place la stratégie la plus adaptée afin de garantir une bonne promotion de la Marque, engendrant nécessairement des coûts non négligeables.

Au titre de l’année 2016, les comptes annuels de la Société (…) indiquent que le montant du cumul des achats hors taxes de produits … réalisés au cours de 2016 est de EUR … (…) le montant de 5% du cumul des achats hors taxes de produits … réalisés au cours de 2016 représente un montant de EUR …; (…) certains frais de promotion ont déjà été acceptés à la déduction pour un montant de EUR …, signifiant que le montant restant de EUR … doit être accepté à titre de déduction en tout état de cause, au vu des obligations contractuelles de la Société et des explications ci-dessous (…) a) Réceptions L’organisation de tels événements requiert indispensablement des frais de mise en place, la remise de cadeaux de faible valeur aux invités, tels que des cigares, le recours à des traiteurs ou encore l’accès à des clubs privés prestigieux nécessitant la détention de cartes de membre professionnel (sic). Dans le cadre de ces événements et réceptions, la présentation étant primordiale, la famille … a également conclu des accords professionnels avec certains coiffeurs bénéficiant cependant exclusivement au personnel du magasin présent à ces événements (mais pas en principe aux membres de la famille).

Il est indéniable que la Marque représente un certain niveau d’exclusivité et de luxe.

Dès lors, lorsque la Société invite des personnes, que ce soit des clients potentiels ou actuels ou encore des représentants de la Marque venant spécialement de l’étranger, celle-ci va forcément servir un vin de meilleure qualité. Le coût engagé par la Société est donc forcément supérieur à celui d’un commerçant classique d’une marque moins exclusive. Il convient également de préciser que les vins non consommés ne font aucunement l’objet d’un usage personnel et se trouvent en stock.

Par conséquent, les coûts engagés dans l’intérêt de la Société au titre des réceptions … sont justifiés par leur nature et devraient être déductibles à hauteur de EUR … (…).

b) Frais de chasse L’exclusivité de la Marque tout comme sa clientèle diversifiée requièrent l’organisation par la Société d’événements diversifiés. La nature de ces événements peut ainsi varier en fonction du type de la clientèle et des articles achetés par celle-ci. Ainsi, les événements ne correspondent pas tous obligatoirement à des réceptions, mais peuvent également résulter dans l’organisation d’une chasse. Il est important de rappeler que la Marque est née dans le domaine de la sellerie qui se trouve être un secteur intimement lié à celui de la chasse.

12 La Société a relevé que ces chasses étaient très efficaces pour le bon fonctionnement de l’entreprise en ce qui concerne l’aspect relationnel et qu’elles permettaient de rapporter un grand nombre d’affaires par la suite. En revanche, l’organisation d’une chasse engendre des coûts non négligeables portant non seulement sur la réception des invités, mais aussi sur l’entretien de la chasse (remboursement des dégâts de chasses, installation de panneaux de chasses, acquittement du bail de chasse, nourrissage du gibier etc.) La Société a reçu en 2017 un total de 63 personnes à ses chasses, dont 38 personnes avec lesquelles elle entretient des relations professionnelles. Au regard de la nature professionnelle des frais de chasse engagés, il serait raisonnable de déduire ces dépenses à hauteur de 60,32 % du montant total des dépenses (EUR …), ayant pour résultat un montant déductible de EUR …, le montant restant de EUR … étant de nature privée.

Par conséquent, il convient d’appliquer le pourcentage de 60,32 % au montant de EUR … correspondant à l’amortissement de l’étui à fusil de chasse, soit un montant déductible de EUR …, le montant de EUR … étant de nature privée.

Par conséquent, les coûts engagés dans l’intérêt de la Société au titre des frais de chasse sont justifiés par leur nature et devraient être déductibles à hauteur de EUR … (…) c) Dépenses Visa reprises dans le poste ‘Promotion de la Marque’ Au courant de l’année 2017, la Société a également réglé un certain nombre de transactions et dépenses par carte VISA. Le relevé prouve qu’un grand nombre des dépenses VISA constitue des frais professionnels, justifiés par leur nature dans la mesure où ils tombent sous l’une des catégories de dépenses mentionnées ci-dessus. Pour des besoins de clarté, il a ainsi été décidé de présenter les frais en question séparément étant donné que leur règlement s’est fait par carte VISA.

Au regard de la nature professionnelle des frais engagés, il serait raisonnable de pouvoir déduire ces dépenses à hauteur de EUR …, le montant restant étant de nature privée.

(…) d) Conclusion (…) Au vu des développements ci-dessus dans les sous-sections (a) à (c), nous estimons qu’un montant minimum de EUR … devrait en tout état de cause être déductible en vertu de la nature professionnelle des dépenses exposées dans le cadre du budget de communication prévu par le Contrat. Par conséquent, il serait totalement normal de déduire un montant total de EUR … et de réintégrer le montant de EUR … dans la base imposable. » ;

Considérant que le bilan commercial de la réclamante fait état de charges pour un montant total de … euros en ce qui concerne le poste de « frais de missions et de réceptions » ; que tout comme pour les postes analysés ci-dessus, il s’avère que ces « charges«» constituent un pêle-mêle de frais privés et de frais professionnels, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la réclamante ;

Considérant que même si la réclamante est tenue par une obligation contractuelle à prévoir un budget annuel minimum pour sa publicité, promotion de la marque, etc., il n’en 13 reste pas moins que les frais engagés doivent être soumis à une analyse afin de déterminer si ces frais sont effectivement déductibles en vertu de l’article 45 L.I.R. ; qu’elle ne peut donc pas se prévaloir de ce contrat afin de qualifier d’office des frais de professionnels, d’autant plus qu’il n’est pas impossible que ces frais ne remplissent pas les obligations contractuelles ;

Considérant que toutes les reprises privées opérées par la réclamante ont été déterminées de manière forfaitaire ;

Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que l’associé … est un collectionneur de vins et d’oeuvres d’art ; qu’en sus, le sieur … a confirmé ne pas avoir offert du vin à sa clientèle lors d’un entretien avec un agent du bureau d’imposition ;

Considérant encore que la réclamante ne conteste pas la nature privée de toutes les cotisations versées dans le cadre de son « activité » de chasse (voir ci-dessous dernier alinéa de la rubrique « En ce qui concerne le poste « Cotisations aux associations professionnelles»»), ce qui corrobore la nature privée des « frais de chasse » dans leur ensemble ;

Considérant que la réclamante argumente en résumé que le style de vie luxueux de ses associés serait nécessaire pour la représentation de la marque ;

Considérant qu’en vertu de l’article 12, alinéa 1er L.I.R., « ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées :

1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité » ;

Considérant qu’il en découle l’interdiction de ventilation des dépenses à caractère mixte (Aufteilungsverbot ; doc. parl. 571, pages 13 - 14) (contrairement aux dépenses effectuées exclusivement et directement dans le cadre des fonctions professionnelles), celle-ci consignant entre autres que les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable constituent des dépenses privées non déductibles ; qu’il en découle que seules les dépenses occasionnées directement par l’activité professionnelle du contribuable ou pour l’obtention de revenus imposables entrent en ligne de compte en vue de leur déduction à titre de frais d’obtention ; que font, selon la jurisprudence constante, exception les dépenses à caractère mixte pour autant qu’est donnée une possibilité objective, aisément déterminable et contrôlable de les scinder en une quote-part privée et une quote-part professionnelle ;

Considérant que suite à l’analyse des factures présentées, il y a lieu de relever que les dépenses litigieuses revêtent un caractère mixte, donc à la fois privé et professionnel, - tendant toutefois fortement vers le côté privé - et qu’aucune possibilité objective, aisément déterminable et contrôlable de les scinder en une quote-part privée et une quote-part professionnelle n’est donnée dans le cas d’espèce ; que partant ils s’avèrent non déductibles en vertu de l’article 12 L.I.R. ;

14 Considérant qu’il en découle que les frais de « missions et réceptions », dans lesquels figurent aussi les frais de chasse ont à juste titre été refusés par le bureau d’imposition, de même que l’amortissement du fusil de chasse ;

Considérant que l’instruction du dossier fiscal a révélé que la manière de procéder du bureau d’imposition ne prête pas à critique et que les reprises privées opérées sont donc à confirmer ;

En ce qui concerne le poste « frais de pourboires » Considérant que la réclamante a déduit en tant que charges des « pourboires » pour un montant de … euros ; qu’elle justifie ces frais en soutenant qu’il s’agirait de pourboires qu’elle aurait « laissé (…) à l’occasion de l’intervention de certaines personnes ayant servi dans l’intérêt de la Société (…) notamment des personnes s’occupant de la vitrine du magasin ou de l’entretien de l’aquarium et jardin du magasin, des livreurs … (ou autres) notamment, des électriciens, des chauffeurs de taxi ou encore du personnel au service des évènements …, que ce soit à l’occasion de réceptions ou de chasses » ;

Considérant qu’en ce qui concerne l’argumentation de la réclamante il échet de constater que les « pourboires » en question ont été déboursés, du moins partiellement, lors de prestations qui sont à qualifier de privées selon les constatations qui précèdent ;

Considérant que le bureau d’imposition a révélé lors de son instruction que ces frais ne sont pas à qualifier de « pourboires » et qu’en réalité il s’agit de prélèvements de la caisse de la part des associés ; qu’en l’occurrence, le sieur … n’était pas en mesure de détailler ces prélèvements en ce qui concerne leur raison ;

Considérant qu’il en découle que les « frais de pourboires » ont à juste titre été refusés par le bureau d’imposition ;

En ce qui concerne le poste « Matériel de bureau » Considérant que la réclamante a déduit en tant que charges un poste « Matériel de bureau », litigieux pour un montant de … euros ; qu’elle est d’avis qu’« [e]n vertu de la nature professionnelle du matériel de bureau, il va de soi que le montant de EUR … doive intégralement être déduit », alors que dans un courrier entré en date du 19 octobre 2020 elle était d’avis qu’ « [a]près revue de la facture relatif (sic) au montant de EUR … il a été constaté que celle-ci est au nom de Mr et Mme … à leur adresse privé (sic) et nous comprenons votre refus stricte (sic) » ; qu’en l’occurrence elle a fait aveu en date du 19 octobre 2020 que ces frais constituent des frais privés ;

Considérant que la facture y relative porte sur un tableau de peinture et a été émis à «»Mr. & Mrs. … » ; que le sieur … est, suivant ses propres dires, un collectionneur d’œuvres d’art et que la réclamante reste en outre en défaut de préciser le lien de ces frais avec son activité ;

Considérant qu’il en découle que les frais pour « Matériel de bureau » ont à juste titre été refusés par le bureau d’imposition pour un montant de … euros ;

15 En ce qui concerne le poste « Cotisations aux associations professionnelles » Considérant que le bureau d’imposition a requalifié une partie du poste « Cotisations aux associations professionnelles » comme relevant de la sphère privée des associés de la réclamante pour un montant de … euros ; qu’en guise de motivation la réclamante avance ce qui suit :

« il est indéniable que la Marque représente un certain niveau d’exclusivité et de luxe.

Par conséquent, l’organisation de réceptions et d’événements requiert indispensablement l’accès à des clubs privés prestigieux nécessitant la détention de cartes de membre professionnel (sic).

Ainsi, en plus de la cotisation obligatoire à payer à la Chambre de commerce du Luxembourg, la Société est donc membre d’un certain nombre d’associations, dont notamment …, ….

Les dépenses liées aux cotisations évoquées ci-dessus sont exposées pour l’exploitation et dans l’intérêts de la Société. Il serait ainsi raisonnable de pouvoir déduire ces dépenses à hauteur de EUR … » Considérant qu’à l’appui de son argumentation la réclamante a produit 6 factures qu’elle estime déductibles en tant que dépenses d’exploitation ; que 5 de ces 6 factures ne sont pas litigieuses, étant donné qu’elles ont été prises en compte en tant que charges d’exploitation et leur déduction n’a donc pas été refusée ; qu’il s’agit des factures suivantes :

Nom Libellé Montant … … … euros … … … euros … … … euros … … … euros … … … euros Considérant que le litige, en ce qui concerne le poste « Cotisations aux associations professionnelles » ne porte ainsi que sur une seule cotisation, à savoir une cotisation de … euros versée à l’association sans but lucratif … ; qu’aucun lien professionnel n’a pu être établi entre les buts poursuivis par cette association et l’activité de la réclamante ; qu’il y a partant lieu de confirmer la manière de procéder du bureau d’imposition ;

Considérant encore que la réclamante ne prétend pas à la déduction des cotisations versées à l’association sans but lucratif « Fishing club du … », du « conseil international de 16 la chasse et de la conservation du gibier » et de la « Fédération … des chasseurs » ; que la réclamante ne conteste donc pas la nature privée de ces frais, ce qui constitue d’ailleurs un aveu implicite que les frais de chasse sont de nature privée ;

En ce qui concerne les postes « amendes fiscales et dons », « entretien immeuble :

entretien jardin privé » et « facture … adressée à … » Considérant que la réclamante ne conteste pas la manière de procéder du bureau d’imposition en ce qui concerne ces postes ; que l’instruction du dossier a révélé que ces postes ont à juste titre été qualifiés de frais privés ;

En ce qui concerne la conclusion de la réclamante Considérant qu’en guise de conclusion la réclamante s’exprime, par extraits, comme suit: « En effet, j’estime qu’un montant total, tous postes confondus, de EUR … devrait être admis à la déduction et que le montant restant de EUR … doive être réintégré dans la base imposable de la Société. » ;

Considérant que la réclamante ne conteste donc pas 44,02 pour cent des redressements effectués par le bureau d’imposition et ne conteste non plus le fait que le bureau d’imposition a procédé à des reprises pour parts privées ; qu’elle conteste uniquement les parts privées en ce qui concerne leur montant ; qu’elle fait donc aveu d’avoir intentionnellement déduit des frais manifestement privés pour un montant de … euros ;

Considérant que la réclamante a porté en déduction dans son bilan commercial un pêle-mêle de frais difficilement discernables d’ordre privé et d’ordre professionnel, rendant ainsi le contrôle mené par le bureau d’imposition particulièrement laborieux ; qu’en outre le bureau d’imposition a fait état d’un manque de coopération prononcé de la part de la réclamante auquel il a dû faire face lors de son contrôle, ce qui a entravé et prolongé son instruction ;

Considérant encore et à titre purement superfétatoire, qu’au vu du caractère intentionnel de la réclamante de porter en déduction des frais ne constituant manifestement pas des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 L.I.R. ce qui n’est d’ailleurs pas litigieux pour un montant de … euros, ce qui correspond à 48,73 pourcent du bénéfice suivant le bilan commercial, et qu’au vu de cette envergure, il convient de souligner que les dispositions du § 162, alinéa 2 AO, n’ont pas été respectées ; que la comptabilité « est régulière quant au fond lorsqu’elle est complète et exacte, c’est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte » (Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n° 10577 du rôle), ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que « [I]orsque la régularité d’une comptabilité ne peut matériellement plus être vérifiée, la présomption de régularité éditée par la par. 208 A.O. ne saurait produire aucun effet, étant donné que le support matériel indispensable à la prémisse d’une conformité de la comptabilité aux conditions prévues par la par. 162 A.O. fait défaut » (Tribunal administratif du 31 mai 2006, n° 20705 du rôle) ;

Considérant, compte tenu de tout ce qui précède, que le bureau d’imposition a fait une juste appréciation des faits ;

17 Considérant qu’en vertu du § 11 de loi concernant l’impôt commercial (GewStG), le bénéfice d’exploitation ajusté est arrondi au multiple inférieur de … euros avant l’application du tarif de l’impôt ; que le bénéfice d’exploitation ajusté déterminé par le bureau d’imposition étant de … euros avant arrondissement, la différence de (… - …) - … euros, constatée par l’instance contentieuse, n’a pas d’impact sur le bénéfice d’exploitation ajusté qui, dans le cas des deux montants, s’élève à … euros et que l’impôt commercial dû ne change donc pas ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les dit partiellement fondées, réformant, ramène le bénéfice commercial de l’année 2017 à … euros, fixe la quote-part de la dame … à … euros, fixe la quote-part du sieur … à … euros, fixe la quote-part de la dame … à … euros, confirme tant la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 que l’impôt liquidé à travers le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2017, renvoie au bureau d’imposition pour exécution, notamment pour imputation des bonifications. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2022, la société X a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 9 novembre 2021.

Par jugement du 10 juillet 2024, inscrit sous le numéro 47573 du rôle, le tribunal administratif déclara non fondé le recours contentieux introduit par la société X contre une décision directoriale du 23 mars 2022 ayant rejeté comme non fondées ses réclamations introduites contre 1) les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, tous émis en date du 27 octobre 2021, et 2) les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis le 8 décembre 2021.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de 18 l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 9 novembre 2021, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a, partant, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant au fond A titre liminaire, il convient d’ores et déjà de préciser que si dans le cadre d’un recours en réformation, tel que c’est le cas en l’espèce, le tribunal est appelé à refaire une appréciation des éléments de fait et de droit avec effet au jour où il statue, démarche comportant le pouvoir de substituer en définitive sa décision à celle de l’autorité administrative, il n’en reste pas moins qu’il ne statue que dans la limite des moyens utilement produits devant lui, de sorte que la légalité et le bien-fondé de la décision directoriale déférée sera analysée dans la limite des moyens formulés par la société demanderesse.

A l’appui de son recours, et après avoir repris les faits et rétroactes exposés ci-avant, la société demanderesse sollicite la réformation de la décision directoriale déférée du 9 novembre 2021, en substance, en se prévalant :

- des articles 27 et 43 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », pour contester la valorisation, respectivement le montant des prélèvements personnels de marchandises retenu par l’administration ; et - des articles 45, alinéa (1) et 12, numéro 1 LIR pour conclure au caractère déductible de certaines dépenses.

A) Quant à la question de la valorisation, respectivement de l’imposition des prélèvements personnels de marchandises Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse reproche à l’administration d’avoir méconnu les articles 27 et 43 LIR au motif qu’elle aurait utilisé une méthode de valorisation qui aurait fait référence au prix qu’un tiers serait prêt à débourser, au lieu de retenir la valeur d’exploitation qui serait prescrite par ces dispositions, de même que par le plan comptable normalisé (« PCN »). Ce serait, dès lors, à tort que l’administration aurait réintégré le montant de … euros dans son résultat imposable. Les prélèvements de marchandises effectués au titre de l’année d’imposition 2017 auraient, de l’avis de la société demanderesse, dû être valorisés à un montant de … euros.

La société demanderesse explique que les produits vendus par la marque « … » seraient des objets de haut de gamme, mais ne seraient pas tous des objets de collection ou de spéculation, sauf quelques rares exceptions, comme les sacs à main « … » ou « … ». Tout en admettant que la valeur de ces derniers augmenterait au fil du temps et dépasserait largement 19 le prix de catalogue, la société demanderesse affirme qu’elle ne pourrait pas vendre ces produits pour une valeur supérieure à ce prix de catalogue, tel que semblerait l’insinuer le directeur. Elle ajoute qu’elle ne participerait pas à la spéculation sur ses produits, alors que son rôle consisterait plutôt à l’enrayer. La valeur d’exploitation ne dépendrait pas de la valeur de revente sur un marché secondaire spéculatif et volatile. Les produits dits de « spéculation » resteraient en permanence dans la collection et ne seraient pas saisonniers, et il n’y aurait jamais d’invendus qui seraient repris « hors collection » par des membres de la famille ou proposés au personnel. La société demanderesse en conclut qu’il serait incorrect de considérer que l’ensemble des produits vendus seraient des produits spéculatifs dont la valeur augmenterait au fil du temps.

Elle poursuit, ensuite, en faisant valoir que la plupart des produits vendus par « … » seraient des produits courants, certes de haut de gamme, et qui dépendraient des collections. A titre d’exemple, la société demanderesse se réfère à « l’objet emblématique de la marque » que serait le « …» qui serait renouvelé à chaque collection. À l’expiration de la collection, un « … » ne pourrait plus être vendu et le client de la marque refuserait d’en acheter un d’une ancienne collection. Il ne pourrait plus être proposé à la vente d’après les règles fixées par « … », sauf en cas de vente au personnel à 10% de sa « valeur de revente « prix collection » ». Le succès de la marque serait en partie bâti sur le consumérisme de clients qui voudraient se parer de vêtements et d’objets de la collection en cours. Un bien d’une ancienne collection ne garderait « qu’une valeur sentimentale », ce qui expliquerait pourquoi les membres de la « famille … » se refuseraient souvent de les voir détruire, même si leur valeur marchande était devenue inexistante. Au contraire, la société demanderesse indique qu’elle réaliserait « une économie » grâce à ces prélèvements, alors que dans le cas contraire, elle devrait supporter les « coûts de destruction ».

La valeur d’exploitation de ces biens qu’un tiers repreneur serait prêt à payer en continuant l’entreprise serait nulle, puisqu’il ne pourrait plus vendre ces biens, la société demanderesse estimant qu’il devrait même être indemnisé, car les coûts de destruction seraient à sa charge et ne seraient pas remboursés par « … ».

La société demanderesse en déduit qu’il faudrait distinguer entre deux cas de figures pour procéder à l’évaluation des prélèvements d’articles litigieux.

Lesdits prélèvements devraient être évalués à leur valeur d’exploitation qui correspondrait au prix de reprise, dès lors qu’ils feraient partie de la collection en cours. Elle soutient que la valeur d’exploitation des biens de l’actif circulant correspondrait à leur coût de remplacement et qu’un article en stock vaudrait pour l’entreprise ce que coûterait effectivement son remplacement, alors le bien serait considéré en l’état où il se trouve à la date envisagée. Il s’agirait du prix maximal qu’un repreneur éventuel accepterait de payer pour un élément de stock lors de la reprise de l’entreprise. La société demanderesse argumente, à cet égard, qu’un repreneur ne prendrait jamais un stock à un coût plus élevé que le coût d’approvisionnement, soit le coût de remplacement auquel le même article serait racheté par un revendeur chez « … » en tant que fabriquant. Cette conclusion s’imposerait également dans la mesure où un repreneur pourrait toujours se réapprovisionner si un article de la collection en cours était vendu ou prélevé.

Les articles sortis de la collection devraient, quant à eux, être évalués à un montant égal à zéro euros au motif que les articles des collections antérieures non vendus ne seraient pas 20 repris par la « maison … » et devraient dès lors être détruits, la société demanderesse affirmant qu’elle ne serait donc pas autorisée à revendre les articles appartenant à une collection passée, ni à les diffuser d’une autre manière, et que ses associés auraient « alors parfois repris des articles pour leur propre compte, pour éviter une destruction ».

La société demanderesse en tire la conclusion que le stock actuel devrait être repris au prix d’achat (prix de réassort) et le stock périmé pour zéro euro, dans la mesure où il serait invendable et non soldable et qu’il devrait être détruit. Le fait que certains articles périmés puissent être vendus à des collaborateurs à 10 % de la valeur de vente resterait « anecdotique ».

En tenant compte de l’obligation de destruction du stock périmé, il conviendrait également d’invoquer la « valeur sentimentale » que certains articles pourraient représenter, et ce notamment, pour Madame … qui aurait repris certains articles hors collection qui auraient été détruits dans tous les cas.

La société demanderesse se réfère ensuite aux entrevues avec le service de révision qui lui aurait expliqué qu’il conviendrait de revaloriser les prélèvements à leur prix de vente pour leur réintégration dans son résultat imposable. A cet égard, elle rétorque que le PCN actuellement en vigueur indiquerait précisément en son « poste …- prélèvements en nature de marchandises, de produits finis et services (au prix de revient) sous la rubrique …-

prélèvements privés de l’exploitant ou des co-exploitants », que les prélèvements privés devraient en principe être valorisés à leur prix de revient, sous réserve des articles périmés, et non à leur prix de vente.

Par ailleurs, dans la mesure où les « reprises » au niveau des prélèvements se feraient à leur prix de vente, la société demanderesse indique qu’elle aurait été imposée sur des montants incluant la TVA et qu’une telle méthode d’imposition aurait pour résultat d’imposer les contribuables sur un impôt prélevé par l’Etat, de sorte qu’elle devrait être écartée.

La société demanderesse ajoute que sur base de la méthode de valorisation prévue par le PCN, un montant total de … euros aurait dû être retenu au titre des prélèvements de marchandises effectués au cours de l’année d’imposition 2017. La différence entre le montant de … euros retenu par l’administration et celui de … euros issu de sa méthode d’évaluation, soit … euros, devrait, dès lors, être déduite de son résultat imposable et non pas être réintégré dans son résultat, comme l’aurait fait l’administration.

Par ailleurs, la société demanderesse donne à considérer qu’en valorisant les prélèvements par application d’une moyenne marginale, la méthode de valorisation employée par l’administration serait contraire au « principe constitutionnel de l’égalité dans l’application de la loi » visé à « l’article 11, alinéa 2 » de la Constitution, et au principe d’égalité devant l’impôt visé à l’article 101 de la Constitution. Ce principe prônerait l’uniformité dans l’application de la loi et impliquerait que tous les contribuables qui se trouveraient dans une situation définie par la loi fiscale seraient soumis au même régime, alors que toute taxe ou imposition devrait être établie par une loi qui en déterminerait les éléments essentiels, à savoir l’assiette, la liquidation et le recouvrement. Or, en retenant une assiette approximative par le simple calcul d’une moyenne marginale, l’administration l’aurait soumise à une imposition approximative qui ne pourrait pas aboutir à une imposition correcte, de sorte qu’elle n’aurait pas été traitée, en tant que contribuable, de manière égale à un autre contribuable qui se trouverait dans une situation identique.

21 La société demanderesse en conclut que la situation des co-exploitants d’une société représentant une marque telle que « … » serait particulière et ne saurait être comparable à celle d’un « client standard ». En effet, les co-exploitants, tel que ce serait le cas de Mesdames … et …, ainsi que de Monsieur …, devraient passer par elle pour l’acquisition d’un produit de la marque « … » et ne pourraient pas se présenter en magasin comme le feraient des « clients standards ».

Le délégué du gouvernement rejoint, en substance, le directeur dans sa conclusion selon laquelle les prélèvements d’articles issus de collections antérieures ne seraient pas à évaluer à zéro euro, mais à un montant correspondant au « strict minimum possible » qui correspondrait à la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé, et que lesdits prélèvements devraient être revalorisés au prix de vente eu égard à leur nature privée.

Il rejette tout reproche de traitement discriminant envers la société demanderesse et fait valoir non seulement que les « marges » seraient couramment admises par la jurisprudence, mais également que si la société demanderesse s’était conformée à ses obligations, il n’y aurait pas eu lieu de redresser ses déclarations fiscales.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient son argumentation.

Analyse du tribunal Force est de constater que les parties sont en désaccord sur trois points, à savoir, (1) tout d’abord, quant à la valeur à laquelle les prélèvements privés de stocks de marchandises effectués, de façon non contestée, par les co-exploitants de la société demanderesse doivent être évalués, (2) ensuite, quant à la détermination du montant des prélèvements déterminés par le bureau d’imposition en application du § 217 AO, et, (3) enfin, quant à la nature des prélèvements personnels d’articles par les co-exploitants de la société demanderesse.

1) Quant à la valeur à retenir pour évaluer le montant des prélèvements d’articles de marchandises L’article 18 LIR dispose comme suit : « Le bénéfice est constitué par la différence entre l’actif net investi à la fin et l’actif net investi au début de l’exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l’exercice et diminuée des suppléments d’apport effectués pendant l’exercice. ».

L’article 42, alinéa (2) LIR précise que « Sont considérés comme prélèvements personnels tous les biens tels que numéraire, marchandises, produits, avantages, prestations, qu’en cours d’exploitation le contribuable retire de l’entreprise soit pour lui-même, soit pour son train de maison personnel, soit pour d’autres fins étrangères à l’entreprise ». Cette disposition vise le cas du transfert d’un bien du patrimoine d’exploitation vers le patrimoine privé de l’exploitant qui intervient « en cours d’exploitation », l’exploitant ayant, dès lors, décidé de réaffecter un certain bien en mettant un terme à son utilisation dans le cadre de son entreprise qui subsiste pour le surplus avec les autres biens investis y affectés et qui continue à être exploitée1.

1 Cour adm., 29 mai 2018, n° 39382C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 166 et l’autre référence y citée.

22 L’évaluation des prélèvements personnels est régie par l’article 43 LIR aux termes duquel « Les […] prélèvements personnels sont […] à mettre en compte pour leur valeur d’exploitation au moment […] du prélèvement. […] ».

L’article 27, alinéa (1) LIR définit la valeur d’exploitation comme étant « le prix qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait au bien envisagé dans le cadre du prix d’acquisition global, l’acquéreur étant supposé continuer l’exploitation ».

Le tribunal est, d’abord, amené à rappeler que le projet de loi initial de la LIR prévoyait en son article 32 une nouvelle définition de la valeur d’exploitation considérée comme plus simple et « complétée par une méthode générale de détermination » fondée sur la valeur de remplacement, article qui a, suite aux critiques de la Chambre de Commerce, été amendé par le gouvernement pour donner à la définition de la valeur d’exploitation son contenu actuel et ce avec l’intention affirmée qu’il « n’entend rien changer au contenu de la notion de valeur d’exploitation tel qu’il a été fixé par la jurisprudence » et qu’il « propose une rédaction nouvelle de l’article qui n’est autre qu’une reproduction aussi littérale que possible du texte afférent de la loi actuellement en vigueur ». Force est de déduire à partir de ces éléments relatifs à la genèse de l’article 27 LIR que la notion de la valeur d’exploitation au sens de l’alinéa (1) de cette disposition correspond à celle du « Teilwert » tel que défini à l’époque et encore actuellement par le § 6 de la loi sur l’impôt sur le revenu allemande et interprété par la jurisprudence allemande2.

Conformément au libellé de l’article 27, alinéa (1) LIR, la valeur d’exploitation d’un bien économique est à déterminer par rapport à l’entreprise considérée dans sa totalité. Ainsi, il y a lieu de déterminer d’abord un prix d’acquisition global pour toute l’entreprise dont le bien économique en question fait partie. Ce prix fictif est à déterminer sur base de la supposition de l’existence d’un acquéreur décidé à continuer l’exploitation de l’entreprise et partant en prenant en considération des perspectives de rendements futurs de l’entreprise.

Ensuite, ce prix d’acquisition global est à répartir sur les biens économiques individuels en fonction de la valeur que chacun de ces biens revêtirait dans l’hypothèse de la continuation de l’exploitation de l’entreprise par l’acquéreur fictif.

Cependant, la jurisprudence allemande applique la notion du « Teilwert » dans le sens de la faire correspondre à la valeur qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait, dans le cadre d’une évaluation individuelle des biens de l’actif et du passif de l’entreprise en vue de déterminer le prix d’acquisition global, au bien économique en cause en tenant compte de son appartenance à l’entreprise et de la continuation de l’exploitation de celle-ci, de manière que selon cette interprétation la fixation d’un prix d’acquisition global est omise en pratique.

En outre, en vue d’une simplification et d’une application praticable de la notion du « Teilwert », la jurisprudence allemande a développé certaines présomptions simples de correspondance du « Teilwert » qui peuvent être renversées sur base d’éléments particuliers3.

Le « Teilwert » d’un bien est présumé correspondre, à la date de la première évaluation suivant son acquisition ou sa production, à ses coûts d’acquisition ou de production, tandis que 2 Cour adm., 16 juin 2009, n° 24969C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 176.

3 Ibidem.

23 toute évaluation faite à une date ultérieure, tel qu’au moment d’un prélèvement personnel4, est présumée correspondre, lorsqu’il s’agit d’un bien faisant partie de l’actif circulant (« Umlaufvermögen »), à ses coûts de remplacement (« Wiederbeschaffungskosten »)5. La justification de cette présomption repose sur la logique inhérente au « Teilwert » qui part de l’idée d’une continuation de l’exploitation par un tiers acquéreur qui, confronté à l’absence des biens en question, serait contraint d’engager des coûts pour se les procurer ou les produire6.

En vue de la détermination des coûts de remplacement, qui équivalent aux dépenses qu’un tiers acquéreur continuant l’exploitation devrait engager pour se procurer un bien de même nature et de même qualité, il y a lieu de se référer aux coûts d’acquisition hypothétiques à la date de l’évaluation en question7.

Ces principes dégagés par la jurisprudence allemande correspondent à ceux retenus par le législateur national, dans la mesure où il ressort des travaux parlementaires relatifs à l’article 27 LIR, que « [l]a valeur de remplacement est choisie comme point de départ pour la détermination de la valeur d’exploitation, parce qu’on peut admettre qu’en règle générale un bien vaut à l’exploitant ce que coûte effectivement son remplacement, le bien étant considéré à l’état où il se trouve à la date envisagée.

La valeur de remplacement est le prix auquel l’exploitant pourrait, à la date envisagée, acquérir ou fabriquer le bien en cause, donc le prix d’acquisition ou de revient à la date envisagée. […]. »8.

Les coûts de remplacement, autrement dit les coûts d’acquisition hypothétique du bien, correspondent à la limite maximale de la valeur d’exploitation (« Obergrenze des Teilwerts »)9 et sont déterminables par rapport au prix de marché (« Marktpreis ») ou, à défaut, au prix d’acquisition (« Einkaufspreis »)10.

En revanche, la limite inférieure de la valeur d’exploitation (« Untergrenze des Teilwerts ») correspond au prix de vente du bien en question considéré à l’état isolé (« Einzelveräußerungspreis »)11 ayant été défini de manière constante par la jurisprudence allemande comme étant le prix qu’un contribuable aurait pu retirer de la vente du bien en question sans considération de son appartenance à l’exploitation dans son ensemble12, cette définition étant à rapprocher de celle de la valeur estimée de réalisation visée à l’article 27, alinéa (2) LIR13. Si cette limite inférieure du « Teilwert » converge, en principe, avec la valeur 4 Blümich, Einkommensteuer, Körperschaftsteuer, Gewerbesteuer, Kommentar, Verlag Vahlen, Band 1: §§ 1-8 EStG, § 6, Anm. 1007, Seite 277; Herrmann, Heuer, Raupach, Kommentar zum Einkommen- und Körperschaftsteuergesetz, Verlag Dr. Otto Schmidt KG, 1953/2023, § 6, Anm. 790, Seite 514.

5 Blümich, op. cit., Anm. 600, Seite 175; Herrmann, Heuer, Raupach, op. cit., Anm. 448, Seite 286.

6 Blümich, op.cit., Anm. 611, Seite 178.

7 Blümich, op.cit., Anm. 637, Seite 184; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

8 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

9 Blümich, op.cit., Anm. 632, Seite 183; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 277.

10 Blümich, op.cit., Anm. 637-643, Seiten 184-186; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seiten 278.

11 Blümich, op.cit., Anm. 673-674, Seiten 191-192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

12 Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

13 Article 27, alinéa (2) LIR: « Est considérée comme valeur estimée de réalisation le prix qui s’obtiendrait lors d’une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé, compte tenu de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l’exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles ».

24 des coûts de remplacement, il est admis que le « Einzelveräußerungspreis » peut, selon le cas, être supérieur auxdits coûts14.

Dès lors, le tribunal retient que la valeur d’exploitation d’un bien de l’actif circulant est présumée correspondre aux coûts de remplacement, respectivement à ses coûts d’acquisition hypothétiques, sans que cette valeur ne puisse être inférieure à la valeur estimée de réalisation du bien considéré à l’état isolé15.

Ces principes doivent également être considérés comme ayant été adoptés par le législateur national qui a précisé, lors de l’adoption de l’article 27 LIR, qu’« [u]n facteur prépondérant dans la détermination de la valeur d’exploitation est la nécessité ou l’utilité du bien économique dans le cadre de l’exploitation. Ce facteur fournit en effet les limites maxima et minima dans le cadre desquelles se meut la valeur d’exploitation.

La valeur d’exploitation a généralement pour limite inférieure la valeur estimée de réalisation du bien envisagé, considéré à l’état isolé. […] [L]a limite supérieure de la valeur d’exploitation cadre généralement, quant aux biens nécessaires à la continuation de l’exploitation et remplaçables à tout moment, avec la valeur ordinaire de remplacement. Rentrent dans la catégorie des biens ici visés principalement les biens du réalisable et du disponible […] »16.

En l’espèce, le point litigieux sous analyse porte sur l’évaluation de biens de la société demanderesse faisant partie de collections antérieures et en cours, ayant fait l’objet, de façon non contestée, de prélèvements privés par ses trois co-exploitants en cours d’exploitation. Ces biens doivent être rangés parmi les biens de l’actif circulant, dans la mesure où il s’agit de stocks de marchandises. Etant donné que le point litigieux porte sur leur évaluation, non pas à la date de leur acquisition, mais à une date ultérieure, à savoir à la date de leur prélèvement privé, cette évaluation doit se faire par rapport à leurs coûts de remplacement, soit de réalisation au moment du prélèvement.

Dans ces conditions et en application des principes dégagés ci-avant sur le fondement des articles 27, alinéa (1) et 43 LIR, le tribunal retient que la valeur d’exploitation (« Teilwert ») des stocks d’articles de la société demanderesse faisant partie de collections antérieures et en cours est présumée correspondre à leurs coûts de remplacement qui en constituent la limite supérieure, étant précisé que leur valeur d’exploitation ne peut pas être inférieure à la valeur estimée de réalisation de chacun des biens concernés considérés à l’état isolé pour en constituer la limite inférieure.

Le délégué du gouvernement est, dès lors, fondé à voir confirmer la décision du directeur d’évaluer les prélèvements privés litigieux effectués par les trois co-exploitants de la société demanderesse « au strict minimum possible », soit par rapport à la valeur estimée de réalisation des biens concernés considérés à l’état isolé. Les développements de la société demanderesse fondés sur le PCN sont, en tout état de cause, à rejeter pour être mis en échec par les règles d’évaluation spéciales prévues aux articles 27 et 43 LIR, précités.

14 Blümich, op.cit., Anm. 673, Seite 192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

15 Blümich, op.cit., Anm. 673, Seite 192; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 445, Seite 278.

16 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

25 Force est, ensuite, de constater que même si la jurisprudence allemande a admis le renversement de présomptions simples dans la détermination du « Teilwert », notamment en cas de survenance d’évènements particuliers ayant entraîné sa diminution17, le tribunal ne saurait faire droit à l’argumentation de la société demanderesse reposant sur l’existence d’une interdiction contractuelle de vendre ses articles issus de collections antérieures pour justifier la fixation du « Teilwert » en dessous de la valeur estimée de réalisation des biens pris isolément, en l’occurrence à zéro euro.

La société demanderesse semble se prévaloir, à cet égard, du contrat de concession exclusive « type UNION EUROPEENNE 2004 » – sans pour autant se référer à une quelconque stipulation particulière –, ayant une date de prise d’effet fixée au 6 octobre 2005 jusqu’au 5 octobre 2015, renouvelable en cas d’accord écrit. Le tribunal constate qu’aux termes de son article 7, le contrat prévoit que « le Concessionnaire s’engage en particulier à ne pas proposer à la vente des produits démodés, et/ou défraîchis et/ou endommagés. En particulier pour des articles liés à la mode (prêt à porter, gants, chaussures, chapeaux), le Concessionnaire ne proposera à la vente que les articles de la collection en cours, et se conformera aux instructions d’… pour ce qui concerne les articles de collections précédentes […] ». Or, il ne ressort pas de cette stipulation, ni de manière générale du contrat en question, que l’intégralité des articles achetés par la société demanderesse auprès du concédant de la marque seraient purement et simplement interdits à la vente ou qu’ils devraient être détruits, dès lors qu’ils appartiendraient à des collections antérieures, tel que l’affirme la société demanderesse.

Au contraire, tant l’article 9 du contrat de concession exclusive qui permet à la société demanderesse de pratiquer, pour certains articles y énumérés, des soldes exceptionnelles et saisonnières « portant sur des vêtements démodés et/ou fins de série » dans le « respect de l’image de qualité et de prestige attachée aux Produits … »18, que l’allégation de la société demanderesse – non corroborée par le contrat de concession exclusive – selon laquelle elle serait autorisée à proposer les articles issus de collections antérieures à la vente en faveur de son personnel pour un prix qui équivaudrait à « 10% de [l]a valeur de revente « prix collection » », contredisent, au moins en partie, l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle l’ensemble des articles issus de collections antérieures seraient dans tous les cas interdits à la vente ou devraient être détruits.

Il ne ressort, par ailleurs, pas non plus du contrat de concession exclusive qu’une « valeur sentimentale » manifestée par les co-exploitants de la société demanderesse constituerait un motif valable pour contrevenir à sa propre obligation contractuelle alléguée de détruire les articles issus de collections antérieures, y compris pour éviter de devoir en supporter les « coûts de destruction ».

Dans ces conditions et à défaut d’autres éléments, notamment des « instructions d’… » mentionnées à l’article 7 du contrat de concession exclusive, le tribunal retient que les articles de la société demanderesse issus de collections précédentes (i) ne sont pas tous ipso facto invendables du seul fait d’appartenir à d’anciennes collections, puisque ceux listés à l’article 9 du contrat de concession exclusive peuvent, bien que « démodés » – autrement dit bien qu’appartenant à une ancienne collection – être vendus à un prix soldé, et (ii) ne doivent pas tous être d’office détruits.

17 Blümich, op.cit., Anm. 620, Seite 180; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 452, Seite 286.

18 Souligné par le tribunal.

26 Dès lors, compte tenu du fait que les articles visés à l’article 9 du contrat de concession exclusive peuvent, au moins en principe, faire l’objet d’une vente, quoique à un prix soldé, c’est à bon droit que le directeur a estimé que la société demanderesse n’était pas fondée à voir retenir une valeur inférieure à leur valeur estimée de réalisation, à savoir zéro euro.

Pour les articles issus de collections antérieures ne pouvant effectivement pas être vendus au motif qu’ils ne figurent pas dans la liste des produits pouvant faire l’objet de soldes en vertu de l’article 9 du contrat de concession exclusive, le tribunal est amené à constater, compte tenu de l’intention du législateur national ayant décidé d’adopter les principes appliqués par la jurisprudence allemande, que le caractère invendable de ces biens ne trouve pas son origine dans une impossibilité de vendre (« Unverkäuflichkeit ») qui serait susceptible, le cas échéant, de justifier, la fixation d’un « Teilwert » à zéro euro19. En effet, le caractère invendable des articles de la société demanderesse sous analyse n’est, d’après ses propres explications, que la conséquence d’une interdiction de vendre (« Veräußerungsverbot »), en l’occurrence partielle, stipulée dans le contrat de concession exclusive qui, indépendamment de la question de savoir si cette interdiction existe pour des raisons de droit ou de fait, ne justifie justement pas la fixation du « Teilwert » à zéro euro20. En conséquence, la fixation d’un « Teilwert » à zéro euro ne se justifie pas non plus pour les articles issus de collections antérieures ne pouvant effectivement pas être vendus, même à un prix soldé.

C’est, dès lors, à bon droit que le directeur a décidé que la fixation de la valeur d’exploitation des articles de la société demanderesse issus de collections antérieures ne saurait être ramenée à zéro euro.

Pour être tout à fait complet, le tribunal entend encore préciser que l’interdiction contractuelle de vendre sous analyse ne justifie pas non plus de retenir la valeur de rebut des articles litigieux comme limite inférieure du « Teilwert », alors que l’argumentation de la société demanderesse révèle que ses articles issus de collections antérieures sont susceptibles de lui procurer encore une utilité certaine.

Le législateur national a, en effet, certes entendu permettre à « La valeur d’exploitation [de] se rapproche[r] de ladite limite inférieure, lorsque le bien envisagé n’est, de façon permanente, plus utilisable dans le cadre de l’exploitation. Si le bien en cause n’est en outre plus utilisable dans le cadre d’aucune autre exploitation, sa valeur d’exploitation est encore inférieure à la valeur estimée de réalisation. En l’occurrence, elle est en effet égale à la valeur de rebut qui doit être considérée comme le niveau le plus bas de la valeur d’exploitation […] »21. Cette valeur de rebut doit être comprise comme devant au moins correspondre à la valeur de récupération, respectivement au prix de la casse.

19 Blümich, op.cit., Anm. 690, Seite 201; Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm. 582, Seite 407.

20 BFH, IV 360/50 U v. 19.9.1951, BStBl III 51, 194, à propos de timbres du IIIe Reich interdits à la vente : « […] Die Unmöglichkeit, einen Gegenstand zu veräußern, sei es aus rechtlichen oder tatsächlichen Gründen, rechtfertigt nicht ohne weiteres seine Abschreibung auf null Mark. Das Gesetz bestimmt wohl als Teilwert einen Betrag, den ein Erwerber des ganzen Betriebes Rahmen des Gesamtkaufpreises ansetzen würde und setzt hierbei die Veräußerlichkeit des Wirtschaftsgutes, d.h. den Normalfall, voraus. Das kann aber nicht dazu führen, Wirtschaftsgüter, für die Anschaffungskosten entstanden sind, und die unveräußerlich sind, unbewertet zu lassen.

Auch ihnen kommt ein "Wert" zu. Es kann sein, daß ein Veräußerungsverbot den Wert eines Gegenstandes vollkommen beseitigt. Es muß dies aber nicht der Fall sein und wird es auch häufig nicht sein. Es ist hier der Wert des Gegenstandes unter Berücksichtigung der auf ihm ruhenden Belastung im Wege der Schätzung festzustellen.

[…] », référencé dans Blümich, op.cit., Anm. 690, Seite 201 et dans Herrmann, Heuer, Raupach, op.cit., Anm.

582, Seite 407, disponible sur le site www.steuernetz.de ; souligné par le tribunal.

21 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 32, p.163.

27 Or, le tribunal est amené à rejoindre le directeur dans son affirmation, non contestée par la société demanderesse, selon laquelle « […] en raison de leur stock limité voire épuisé, de leur pénurie et de leur exclusivité, la valeur estimée de réalisation de ces articles de luxe a généralement tendance à se stabiliser, voire à croître, plutôt qu’à baisser, d’autant plus qu’il est tout à fait envisageable qu’un tiers serait prêt à débourser un prix plus élevé pour un produit d’occasion devenu encore plus rare et exclusif, que le prix originairement affiché en boutique ».

Le litismandataire de la société demanderesse a, d’ailleurs, lui-même indiqué à l’audience des plaidoiries qu’il arriverait que les co-exploitants achètent des articles anciens de la marque dont la société demanderesse est le concessionnaire exclusif au Luxembourg, tel que l’étui de chasse évoqué, pour les exposer dans leur magasin, de sorte que les articles issus de collections antérieures ne sauraient être considérés comme n’étant plus du tout utilisables par un tiers acquéreur désireux de poursuivre l’exploitation de la société demanderesse dans le cadre d’une acquisition globale.

Cette conclusion s’impose d’autant plus (i) dans la mesure où la société demanderesse affirme être autorisée à vendre les articles issus de collections antérieures, en substance, pour un prix équivalent à 10% du prix de vente à son propre personnel, et (ii) compte tenu de la nature des articles vendus par la société demanderesse qui concernent, tel qu’indiqué dans le préambule du contrat de concession exclusive, précité, « des articles de luxe de très grande qualité connus mondialement » de diverses natures, à savoir des « articles de sellerie et d’équitation, la maroquinerie, les agendas, le prêt à porter, les chaussures, gants et chapeaux […], les carrés, les cravates, la parfumerie, la bijouterie émail, la bijouterie/joaillerie, l’horlogerie, l’art de la table et l’orfèvrerie, les articles des décoration, de voyage, de loisirs et de sport, l’art de vivre […] ».

A défaut d’autres éléments mis en avant par la société demanderesse pour renverser la présomption suivant laquelle la valeur d’exploitation de ses biens issus de collections antérieures et en cours correspond à leurs coûts de remplacement et, en tout cas, au moins à la valeur estimée de réalisation desdits biens considérés isolément, le tribunal est amené à retenir, compte tenu des éléments qui précèdent, que c’est sans violer les articles 27, alinéa (1) et 43 LIR que le directeur a décidé que la valeur limite inférieure de la valeur d’exploitation des articles sous analyse correspond, en l’espèce, à la valeur estimée de réalisation des biens considérés à l’état isolé, de sorte que les contestations afférentes encourent le rejet.

En ce qui concerne la seconde catégorie de prélèvements privés effectués par les trois co-exploitants de la société demanderesse et relative aux articles issus de collections en cours, le tribunal relève que l’affirmation du directeur selon laquelle leur évaluation ne serait pas litigieuse est confirmée par les explications de la société demanderesse dont il ressort que la valeur d’exploitation de ces biens devrait correspondre au « prix de reprise » et donc à leurs coûts de remplacement, étant rappelé que ces explications sont conformes aux principes dégagés par le tribunal ci-avant sur le fondement de l’article 27, alinéa (1) LIR, et non pas sur base du PCN auquel s’est référé la société demanderesse, par ailleurs.

2) Quant à la détermination du montant de la valeur d’exploitation des articles issus des collections antérieures et en cours 28 Force est de constater que les contestations de la société demanderesse visent, en substance, à remettre en cause l’estimation (« Schätzung ») effectuée par le bureau d’imposition quant au montant des prélèvements privés à retenir au motif qu’elle aurait abouti à l’établissement d’une « assiette approximative », ce qui serait contraire au « principe constitutionnel de l’égalité dans l’application de la loi » au sens de « l’article 11, alinéa 2 » de la Constitution et au principe d’égalité devant l’impôt au sens de l’article 101 de la Constitution.

Le tribunal relève, tout d’abord, qu’il n’a pas à répondre à un moyen simplement suggéré par la société demanderesse, alors qu’il lui appartient non seulement de désigner la règle de droit dont elle allègue la violation, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée22.

Au-delà de ce constat, il y a lieu d’appliquer, dans le cadre du présent recours en réformation qui impose au tribunal de statuer sur les éléments de fait et de droit au moment où il prend sa décision, les dispositions de la Constitution révisée, telle qu’applicable depuis le 1er juillet 2023, soit après l’introduction du présent recours.

Ainsi, l’article 10bis, paragraphe (1)23 – référencé par la société demanderesse sous son ancienne numérotation, l’article 11, paragraphe (2), en vigueur jusqu’à la loi du 29 avril 1999 portant révision du paragraphe (2) de l’article 11 de la Constitution – a été remplacé par l’article 15, paragraphe (1) qui dispose comme suit : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. ».

L’article 10124 a, quant à lui, été remplacé par l’article 116, paragraphe (1) de la Constitution qui dispose que « Tout impôt de l’État ainsi que toute exemption ou modération d’impôt sont établis par la loi ».

Or, en l’espèce, la valeur estimée de réalisation qui a été déterminée par le bureau d’imposition, et confirmée par le directeur, par voie d’estimation (« Schätzung ») dans le cadre du § 217 AO25, laquelle constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt26. Loin de 22 Trib. adm. 27 mai 2013, n°32017 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 503 et les autres références y citées.

23 Article 10bis, paragraphe (1) : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

24 Article 101 : « Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi. ».

25« (1) Soweit die Steuerkontrollstelle die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat sie sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind. ».

26 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 978 (1er volet) et les autres références y citées.

29 constituer une sanction, la taxation d’office consiste en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration dont le but est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, le contribuable devant s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office. La prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération27.

Dès lors, et contrairement aux explications sommaires de la société demanderesse, le tribunal retient qu’elle ne se trouve pas dans une situation comparable à celle de contribuables pour lesquels le bureau d’imposition a été mis en mesure de procéder à une détermination exacte de ses bases d’imposition, mais dans une situation identique à celle de contribuables n’ayant pas permis une détermination de leurs bases d’imposition autrement que par la voie d’une estimation, la société demanderesse n’ayant pas remis en cause le bien-fondé du recours à ce procédé dans son cas précis, mais uniquement ses conséquences.

Il s’ensuit que la circonstance que la détermination, par voie d’estimation, de la valeur estimée de réalisation des prélèvements de stocks de marchandises opérés au titre de l’année d’imposition 2017 n’aboutisse pas exactement au montant d’impôt légalement dû, ne contrevient ni au principe d’égalité devant l’impôt, ni au principe d’égalité devant la loi, la société demanderesse s’étant vu appliquer la même procédure – légalement prévue – que des contribuables se trouvant dans une situation identique à la sienne.

Les contestations afférentes encourent, dès lors, le rejet.

La société demanderesse conteste, par ailleurs, l’incorporation de la TVA aux montants des prélèvements litigieux.

Aux termes de l’article 12, numéro 3, point b) LIR, « Sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées: b) la taxe sur la valeur ajoutée due en raison du prélèvement, au sens de la présente loi, d’un bien de l’actif net investi ou de son utilisation à des fins étrangères à l’entreprise, à l’exploitation ou à l’exercice de la profession libérale […] ».

Par cette disposition, le législateur a entendu « […] refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque l’opération taxée elle-même ne donne pas lieu à une réduction de bénéfice imposable. Il serait en effet peu logique de refuser la déduction d’un bien prélevé pour des raisons personnelles et de permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déclenchée par le prélèvement. De plus la déduction serait inéquitable parce qu’elle avantagerait l’exploitant par rapport au simple particulier qui lui ne peut pas déduire de son revenu imposable la taxe sur la valeur ajoutée incorporée dans le prix des marchandises qu’il consomme »28.

Il ressort de cette disposition que dans la mesure où le prélèvement privé n’est pas déductible dans le chef de l’exploitant, la TVA grevant le bien prélevé n’est pas non plus déductible, le prélèvement privé étant assimilé, pour les besoins de la TVA, à une opération 27 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 979 (2e volet) et les autres références y citées.

28 Doc. parl. 1445, Commentaire des articles, ad article 4, p. 327.

30 soumise à la TVA29. Dès lors, le montant de TVA est, en principe, à incorporer dans la valorisation des prélèvements privés, le bénéficiaire du prélèvement privé revêtant la qualité de consommateur final30.

En l’espèce, le tribunal retient, en application des considérations qui précèdent, que la TVA est à incorporer au montant des prélèvements personnels litigieux, de sorte que les contestations afférentes sont à rejeter.

3) Quant à la nature des prélèvements personnels contestés par la société demanderesse Force est au tribunal de constater qu’il se dégage de l’article 42 LIR, précité, qu’un prélèvement personnel d’un bien investi par nature ne peut être admis qu’en cas de réunion d’une expression de volonté de prélèvement et d’un acte matériel de prélèvement qui s’analyse en un événement ou acte matériel qui doit avoir, de manière perceptible à partir de l’extérieur, l’effet de rompre définitivement le lien fonctionnel entre le bien en question et l’entreprise31.

En l’espèce, si la société demanderesse ne conteste pas la nature privée des prélèvements d’articles issus de collections antérieures et en cours effectués par ses trois co-

exploitants, tel n’est pas le cas des « cadeaux remis à la clientèle », des « vêtements professionnels » à porter en magasin, ainsi que de divers « articles utilisés pour les besoins de l’exploitation » dont la société demanderesse conteste la qualification de prélèvements privés au lieu de celle de dépenses d’exploitation afin de voir admettre, au moins en partie, les montants afférents en déduction de son résultat.

a) Quant aux « cadeaux remis à la clientèle » Moyens et arguments des parties La société demanderesse estime qu’il serait dans l’intérêt de toute entreprise d’établir et de fidéliser sa clientèle pour assurer son bon fonctionnement. Afin d’accomplir cet objectif, il serait indéniable que des cadeaux devraient de temps à autre être remis à des clients réguliers qui auraient pour habitude de dépenser des sommes d’argent significatives pour l’acquisition d’articles de la marque en question.

Eu égard à la nature professionnelle de ces prélèvements, un montant additionnel correspondant à … euros devrait être admis en déduction, tel qu’il ressortirait d’un tableau joint en annexe.

29 Article 13, point a) de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée : « Sans préjudice des dispositions prévues à l’article 9, paragraphe 2, sont assimilées à une livraison effectuée à titre onéreux les opérations suivantes : a) le prélèvement personnel par un assujetti, dans le cadre de son entreprise, d’un bien qu’il affecte à son usage privé ou à celui de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il utilise à des fins étrangères à son entreprise, à l’exclusion toutefois du prélèvement personnel effectué à des fins de son entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons commerciaux.

Cette disposition n’est pas applicable, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le bien prélevé ou les éléments le composant n’a pas fait l’objet d’une déduction complète ou partielle dans le chef de l’assujetti. […]. ».

30 A. Steichen, Précis de droit fiscal de l’entreprise, Legitech, 5e édition, 2020, p. 906, n° 1152.

31 Trib. adm., 1er juillet 2014, n° 32644 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 29 juillet 2015, n° 34925C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 165.

31 Le délégué du gouvernement n’a pas pris spécialement position par rapport au point sous analyse.

Analyse du tribunal Force est de constater que les parties pertinentes du tableau auquel se réfère la société demanderesse pour établir le caractère exclusivement professionnel de ces dépenses conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR, mentionnent certes partiellement l’identité de 3 bénéficiaires des « cadeaux » pour un montant total de … euros (… + … + 0), de sorte à répondre, en partie, au reproche du directeur fondé sur une absence de communication de l’identité des bénéficiaires de ces « cadeaux ».

Or, la société demanderesse reste toujours en défaut d’établir concrètement la matérialité des dépenses qu’elle affirme avoir effectuées dans ce contexte, étant précisé qu’elle est également restée en défaut de se référer à une quelconque pièce justificative à cet égard, la seule mention de ces « cadeaux » faite dans le tableau confectionné par ses soins étant insuffisante à cet égard. Le tribunal précise d’ores et déjà dans ce contexte qu’il ne lui appartient pas de rechercher les documents à l’appui des affirmations de la société demanderesse, mais il appartient, le cas échéant, à la société demanderesse de se référer à des pièces figurant au dossier fiscal qui seraient susceptibles de soutenir sa thèse.

Les contestations afférentes de la société demanderesse sont, dès lors, à rejeter et les montants en question qualifient, tel que retenu par le directeur, de prélèvements privés au sens de l’article 42, alinéa (2) LIR.

b) Quant aux « vêtements professionnels » à porter en magasin par les co-exploitants de la société demanderesse Moyens et arguments des parties La société demanderesse donne à considérer que la notoriété ainsi que l’image prestigieuse que renverrait la marque dont elle a obtenu la concession exclusive au Luxembourg exigeraient que ses représentants, à savoir ses trois co-exploitants faisant partie de la même famille, soient essentiellement vêtus des articles de cette marque dans leur quotidien et notamment dans leur magasin. Le principe même de promotion d’une marque voudrait que les articles soient présentés à la clientèle ou au public au sens large. La « famille … » se trouverait ainsi « en quelque sorte » obligée de porter les articles à promouvoir afin de respecter ses engagements contractuels envers la marque en question.

Elle ajoute que l’ensemble du personnel du magasin, y compris les membres de la « famille … », seraient habillés par « … », de sorte qu’il ne serait pas possible de qualifier de prélèvements personnels les tenues qu’ « … » les obligerait à porter. Il s’agirait d’un outil de travail « comme un autre » qui devrait être considéré en conséquence. La société demanderesse précise, au sujet de son personnel, d’une part, qu’il ne serait pas toujours habillé par la marque, laquelle choisirait néanmoins les vêtements qu’il devrait porter, et, d’autre part, que les tenues portées par ses collaborateurs ne seraient pas disponibles à la vente, car il s’agirait notamment d’articles « meilleur marché » que ceux vendus en magasin. La société demanderesse insiste sur la considération que la déductibilité des dépenses exposées pour l’équipement de travail et 32 les frais professionnels similaires ne pourrait pas être rejetée du seul fait que ces dépenses constitueraient des dépenses privées pour d’autres contribuables. De même, la déduction des frais d’équipement devrait pouvoir être admise aussi longtemps que l’utilisation privée ne serait pas disproportionnée par rapport à l’utilisation professionnelle de l’objet. Dans le cas de la « famille … », une telle disproportion ne pourrait en aucun cas être envisagée.

La société demanderesse fait valoir, « au vu de la nature justifiée des prélèvements », qu’il y aurait lieu de déduire « un montant proportionnel à celui investi » dans les tenues de travail destinées à ses salariés. Il aurait été constaté qu’un montant annuel approximatif de … euros (prix d’acquisition) aurait été dépensé pour chacun des salariés, lesquels ne seraient pas toujours habillés « en … », mais porteraient des vêtements choisis « par … ». Il conviendrait, dès lors, de retenir un montant annuel de …euros comme prix d’acquisition par membre de famille, ce qui correspondrait à … euros pour la « famille … » composée de ses trois-

exploitants, soit le triple des tenues de travail « des collaborateurs ordinaires » lesquelles ne seraient pas disponibles à la vente au motif qu’il s’agirait d’« articles meilleur marché que ceux vendus en magasin », la société demanderesse ajoutant que « les membres de la famille … d[e]v[rai]ent porter, pour se démarquer du reste du personnel, les articles de la collection en-

cours. ». Elle justifie ce montant par la considération que contrairement à son personnel, ses trois co-exploitants devraient (i) porter des articles de la collection en cours pour se démarquer du reste du personnel, (ii) représenter la marque au Luxembourg, (iii) maintenir la relation avec le « groupe … », et (iv) assurer l’aspect de promotion extérieure, ainsi que l’aspect exclusif des produits de la marque, « et donc de l’importance du coût qu’un commerçant classique sur une marque moins chère n’a[urait] pas ». La société demanderesse en conclut qu’il conviendrait de déduire le montant de … euros au regard de la nature professionnelle de ces prélèvements.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris spécialement position par rapport au point sous analyse.

Analyse du tribunal En l’espèce, le tribunal constate, d’abord, que la société demanderesse est restée en défaut de se référer à des pièces justificatives qui seraient de nature à établir qu’elle aurait engagé annuellement des dépenses liées aux vêtements que devraient porter ses trois co-

exploitants et notamment l’équivalent de … euros par membre de son personnel, de sorte que ce montant ne peut pas constituer un point de référence tangible pour arrêter le montant des dépenses en lien avec ses trois co-exploitants. Il ne ressort pas non plus des éléments soumis à l’appréciation du tribunal – en ce compris du tableau confectionné par les soins de la société demanderesse – quels vêtements précis auraient été utilisés par ses trois co-exploitants pour les besoins de son activité. Dans ces conditions, le tribunal retient que le directeur n’est pas à critiquer pour avoir constaté une absence de pièces probantes de nature à justifier les dépenses sous analyse.

Force est, ensuite, de constater qu’à travers le numéro 1 de l’article 12 LIR32, le législateur a entendu exclure la déductibilité de dépenses occasionnées par le train de vie du 32 Article 12, numéro 1 LIR : « Sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées :

1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position 33 contribuable, encore qu’elles soient faites en vue de profiter ou soient susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité, le caractère déductible de ces dépenses privées devant néanmoins être reconnu lorsqu’il est permis de les séparer nettement avec des dépenses d’exploitation33. Les dépenses d’habillement rentrent, en principe, dans la catégorie des dépenses non déductibles, sauf en présence de « vêtements spéciaux nécessités pour l’exercice d’une profession », tel que le « prix de l’habit du garçon de café », dont les dépenses afférentes « sont déductibles comme étant exclusivement provoquées par l’exercice de la profession »34.

Or, au-delà du constat qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal qu’« … » aurait imposé aux trois co-exploitants de la société demanderesse de ne se vêtir que des articles de la marque, le tribunal retient qu’il n’est pas possible de distinguer, sur base d’éléments objectivement vérifiables, que les dépenses pour « vêtements professionnels » litigieuses auraient été engagées à des fins exclusivement ou quasi exclusivement professionnelles. Contrairement au « garçon de café » dont l’habit doit être considéré comme étant utilisé, au moins, quasi exclusivement à des fins professionnelles, la possibilité de port par les trois co-exploitants de chemises, de pantalons et vestes de costumes, de montres, de bijoux, de parfum ou d’autres éléments de prêt-à-porter issus de collections en cours, tant dans le cadre professionnel que privé, et ce de manière indifférenciée, doit être retenue.

Il s’ensuit que dans la mesure où la déduction de l’intégralité des montants afférents doit être refusée conformément à l’article 12, numéro 1 LIR, c’est à bon droit que le directeur a décidé que les « vêtements professionnels » portés par les trois co-exploitants qualifient de prélèvements personnels au sens de l’article 42, alinéa (2) LIR.

c) Quant aux « articles utilisés pour les besoins de l’exploitation » Moyens et arguments des parties La société demanderesse fait valoir qu’un certain nombre d’articles achetés, « comme, par exemple » des bloc-plumes, des bloc-notes ou encore des recharges d’agenda, auraient été utilisés par l’entreprise dans le cadre de son exploitation. Elle indique qu’elle aurait constaté, sur base du détail des « reprises » fourni par l’administration, que certains « articles utilisés pour les besoins de l’entreprise » n’auraient pas été identifiés comme tels par l’administration.

Il s’agirait des articles identifiés dans son tableau fourni en annexe de son recours dont la valeur d’achat total s’élèverait à … euros. Elle estime, eu égard au fait qu’ils auraient « servi à l’exploitation », que la nature professionnelle de ces frais devrait être reconnue et que la déduction intégrale de ces frais devrait être admise. Pour le surplus, la société demanderesse reproche, en substance, au directeur de n’avoir admis en déduction que le montant de … euros.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris spécialement position par rapport au point sous analyse.

Analyse du tribunal économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité […] ».

33 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 15, pages 128 et 129.

34 Ibidem., page 129.

34 Force est de constater qu’il ressort de la décision directoriale que le montant de … euros a été intégralement qualifié de dépense d’exploitation en vertu de l’article 45 LIR, mais que seul le montant de … euros aurait été admis en déduction par le bureau d’imposition, voire le service de révision. Les explications circonstanciées du directeur révèlent que le bureau d’imposition avait originairement évalué l’intégralité des prélèvements privés à un montant de … euros pour le ramener ensuite à … euros, de sorte qu’il aurait admis la déduction du montant de … euros (… - …). Le directeur en a tiré la conclusion qu’il pourrait « valablement être présumé » que le bureau d’imposition avait considéré que ledit montant de … euros couvrirait déjà le montant des « articles utilisés pour les besoins de l’entreprise » sous analyse. Le directeur a, ensuite, décidé que le montant des prélèvements déterminé par le bureau d’imposition devait être diminué de … euros pour le fixer à … euros (… - … euros).

Dans ces conditions, le tribunal ne saurait déceler, à défaut d’explications circonstanciées de la société demanderesse, le grief actuellement subi par elle suite à la décision directoriale ayant, de l’entendement du tribunal, justement décidé – contrairement au bureau d’imposition qui avait réduit le montant des prélèvements personnels à … euros au motif que seul un montant de … euros serait admis comme dépenses d’exploitation – de faire droit aux prétentions de la société demanderesse en diminuant le montant des prélèvements personnels de … euros à … euros en tenant compte de l’intégralité du montant de … euros litigieux, tel que réclamé par la société demanderesse – en ce compris le montant litigieux de … euros –, de sorte à in fine diminuer le montant réintégré dans le résultat de la société demanderesse en application de l’article 18, alinéa (1) LIR.

Les contestations afférentes sont, dès lors, à rejeter.

B) Quant aux différents postes dont la déduction est litigieuse Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse se prévaut des articles 45, alinéa (1) et 12, numéro 1 LIR, ainsi que de la jurisprudence des juridictions administratives pour s’adonner à une description du régime applicable au caractère déductible des dépenses professionnelles et des dépenses à caractère privé, en faisant valoir, à cet égard, qu’il serait indispensable de se référer aux dispositions du § 12 de la loi allemande de l’impôt sur le revenu et à la doctrine et jurisprudence allemandes afférentes qui auraient consacré le principe de ventilation des dépenses « de train de vie ».

De son côté, le délégué du gouvernement se prévaut des mêmes dispositions de la LIR pour conclure à la confirmation de la décision directoriale.

Dans ce contexte, le tribunal entend, d’abord, exposer le cadre légal et les principes applicables pour, ensuite, trancher les contestations de la société demanderesse quant aux différents postes de dépenses dont la déduction est litigieuse en l’espèce.

1) Remarques préliminaires Tout d’abord, le tribunal est amené à rappeler que s’il est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n’en demeure pas moins que s’il est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par la société demanderesse pour contrer les points 35 spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence la décision directoriale du 9 novembre 2021 –, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale de la société demanderesse. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer à une décision administrative jugée illégale sa propre décision, de sorte qu’il incombe au demandeur en réformation de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation35.

Dès lors et tel que relevé ci-avant, dans la mesure où le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est saisi non pas du dossier fiscal de la société demanderesse, mais de son recours ainsi que des moyens présentés par elle36, il ne lui appartient pas de suppléer à la carence de cette dernière, voire de son litismandataire, et d’analyser de son propre chef des éléments du dossier fiscal pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de la thèse de la société demanderesse, tels que notamment les 433 pièces que la société demanderesse semble avoir versées en cours de phase précontentieuse, cette conclusion s’imposant d’autant plus compte tenu de l’absence d’une quelconque référence faite à ces pièces dans le cadre de son recours. Il s’ensuit que le tribunal procèdera à l’analyse des seules pièces auxquelles la société demanderesse s’est expressément référée, explications à l’appui quant aux éléments qu’elle entend démontrer, voire corroborer sur cette base, dans le cadre du présent recours.

Ensuite, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 45, alinéa (1) LIR, « Sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise. ».

Cette disposition admet la qualification de dépense d’exploitation s’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu passé, actuel ou à naître du contribuable et si ce lien présente un caractère d’exclusivité suffisant pour exclure que la dépense a été en réalité engagée pour les besoins personnels d’autres personnes37.

Si une société est tenue de respecter les limites de son objet social dans l’exercice concret de son activité, l’examen de la question du lien causal suffisamment étroit et exclusif d’une dépense est, quant à lui, à effectuer par rapport à l’activité concrète de l’entreprise exploitée par la société38.

Le contribuable est néanmoins seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle de la question de savoir si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. En effet, étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable 35 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (1er volet) et les autres références y citées.

36 Trib. adm., 6 janvier 2021, n° 42374 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1304 (2e volet).

37 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle ; Cour adm., 27 juillet 2016, n° 36855C du rôle, disponibles sur le site www.jurad.etat.lu.

38 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

36 de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer39.

Il s’ensuit que les dépenses d’exploitation ne connaissent pas de limitation quant à leur montant40, dès lors que leur lien exclusif avec l’activité en question est donné.

Toutefois, la circonstance que le contribuable reste juge de l’opportunité et du montant des dépenses à engager par lui ne l’exonère pas de l’obligation de rapporter la preuve du lien causal exclusif41 susvisé.

En effet, la preuve du lien de causalité suffisamment étroit et exclusif incombe en principe au contribuable à la fois au niveau de la procédure d’imposition conformément aux principes posés par les § 171, alinéa (1), 204, alinéa (1) et 205, alinéas (1) et (2) AO, et au niveau de la procédure contentieuse eu égard à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désigné par la « loi du 21 juin 1999 », suivant lequel « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. […]. La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. »42.

Il appartient, en outre, au contribuable de rapporter la preuve non seulement de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore la preuve de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie43.

Le § 205a, alinéa (2) AO permet, en outre, au bureau d’imposition d’exiger des preuves renforcées du contribuable en ce qui concerne ses dépenses et, plus particulièrement, la désignation exacte du bénéficiaire de la dépense, de sorte que le contribuable se trouve soumis à une obligation renforcée de preuve d’une relation économique avec son entreprise, entraînant qu’il devrait être en mesure de justifier concrètement le montant de frais mis en avant44.

Dans ces conditions et conformément aux principes dégagés ci-avant, il appartient à la société demanderesse de rapporter la preuve que les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR sont remplies pour chacun des montants dont elle réclame la déduction au titre des dépenses d’exploitation.

Nonobstant les principes dégagés ci-avant en lien avec l’article 45 LIR, l’article 48 LIR dispose que « Ne constituent pas des dépenses d’exploitation : […] 7. Les dépenses énumérées 39 Cour adm. 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 221 (2e volet) et les autres références y citées.

40 Trib. adm., 24 février 2000, n° 11061 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 220 et les autres références y citées.

41 Voir en ce sens : Trib. adm., 28 juin 2000, n° 11553 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 221 (1er volet) et les autres références y citées.

42 Cour adm. 10 novembre 2015, n° 35818C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 224 et l’autre référence y citée.

43 Cour adm. 11 mars 2021, n° 44078C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 225 (2e volet) et les autres références y citées.

44 Trib. adm., 12 février 2003, n° 14855 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 235 et les autres références y citées.

37 à l’article 12 [LIR] […] ». Cette disposition « exclut des dépenses d’exploitation certaines dépenses, même lorsqu’elles sont exclusivement provoquées par l’entreprise »45.

L’article 12 LIR vise notamment « 1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité […] », tel que relevé ci-avant.

Cette disposition pose le principe de l’interdiction de la ventilation des dépenses du train de vie qui servent également à l’activité professionnelle. Toutefois, lorsque des dépenses ayant servi à des fins privées sont provoquées en partie par des considérations d’ordre professionnel et que cette partie peut être séparée nettement, selon des critères objectifs, la partie des dépenses ayant servi à des fins professionnelles est admise en déduction à titre de dépenses d’exploitation, à moins que cette partie ne soit d’importance minime. Lorsque les dépenses ne peuvent pas être ventilées d’une façon nette ou qu’il est difficilement discernable si les dépenses ont servi plutôt à la profession ou plutôt au train de vie, le montant intégral des dépenses n’est pas déductible conformément à l’article 12, numéro 1 LIR. L’utilisation professionnelle doit pouvoir être établie sans difficultés majeures et d’une façon adéquate, selon des critères objectivement contrôlables, et la part professionnelle ne doit pas seulement être d’importance minime46.

Dès lors, encore qu’avec le renvoi général à l’article 12 LIR, le législateur a entendu, à travers l’article 48, numéro 7 LIR, précité, « spécifie[r] uniquement que les dépenses non déductibles, visées à l’article [12], lorsqu’elles échoient dans le chef de l’exploitant, n’ont pas le caractère de dépenses d’exploitation »47, il y a lieu d’admettre que les principes dégagés ci-

avant sur base de l’article 12, numéro 1 LIR, sont applicables mutatis mutandis dans le cadre de l’article 48, numéro 7 LIR.

Le tribunal précise encore que l’article 12, numéro 1 LIR est certes particulier à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, vu que seules ces dernières ont une sphère de réalisation de revenus et une sphère privée d’utilisation des revenus, et vise ainsi des dépenses faites par un même contribuable et qui se situent à cheval entre ses sphères de réalisation et d’utilisation des revenus afin de régir la prise en compte de telles dépenses48.

Or, les sociétés de personnes, dont les sociétés en commandite simple49, sont considérées comme fiscalement transparentes en matière d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire qu’encore qu’en droit des sociétés, elles soient considérées comme ayant une personnalité juridique distincte, elles ne constituent pas des sujets fiscaux autonomes, de sorte que les revenus produits par une telle forme de société ne sont pas imposés dans son propre chef, mais dans le chef de leurs associés qui sont soumis personnellement à l’impôt sur le revenu pour leur part dans le revenu de la société50.

45 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 50, page 189.

46 Trib. adm., 4 juin 2009, n° 24908 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 février 2010, n° 25877C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Impôts, n° 342 (1er volet) et les autres références y citées.

47 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 50, pages 189 et 190.

48 Cour adm., 4 mai 2021, n° 44776C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 339.

49 Article 175 LIR.

50 Trib. adm., 6 février 2017, n° 37331 du rôle, confirmé par Cour adm., 8 février 2018, n° 39274C du rôle, Pas.

adm. 2023, Impôts, n° 73 (2e volet).

38 Etant donné que la société demanderesse est fiscalement transparente pour revêtir la forme d’une société en commandite simple, l’article 12, numéro 1 LIR trouve application en l’espèce.

C’est sur base des principes dégagés ci-avant que le tribunal analysera le caractère déductible des postes suivants.

2) Quant aux « frais de promotion », y compris les « frais de réception », les « frais de chasse » et les « dépenses visa » Moyens et arguments des parties La société demanderesse fait valoir que la communication et la publicité constitueraient des aspects importants en termes de pérennité et de développement d’un réseau de distribution tel que celui du « groupe … ». Ce dernier investirait un budget important dans la communication et la publicité, qui bénéficierait à l’ensemble du réseau dont elle ferait partie.

Indépendamment des déjeuners et dîners professionnels, l’organisation d’évènements et de réceptions constituerait non seulement une tâche indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise, mais également une obligation contractuelle en vertu de l’article 10, alinéa 2 du contrat de distribution exclusive qui stipulerait, en substance, qu’un budget annuel de communication, promotion et publicité minimum de 5% du montant cumulé de ses « achats gros hors taxes » de produits auprès de la « maison … », devrait être dépensé.

Il s’agirait d’un minimum et la « famille … » consacrerait « avec beaucoup de passion » tous les moyens et efforts pour promouvoir la « Marque » et pour faire fonctionner le magasin, la société demanderesse faisant référence à l’invitation à des réceptions ou à l’organisation de chasses ou de tournois de golf.

La société demanderesse se prévaut du principe de non-immixtion de l’administration dans la gestion de l’entreprise et du principe de liberté de gestion, qui auraient été consacrés par la jurisprudence des juridictions administratives, pour soutenir qu’elle serait libre de mettre en place la stratégie la plus adaptée afin de garantir une bonne promotion de la « Marque » et que les coûts engagés à cet égard seraient nécessairement non négligeables.

Le budget de l’année 2017 qui représenterait un montant total de … euros devrait être intégralement déductible, d’autant plus qu’il ne serait pas contesté par la « maison … », qui serait un « tiers », la société demanderesse affirmant que si cette dernière avait considéré que les « efforts de promotion » avaient été insuffisants par rapport à ses obligations contractuelles, elle lui aurait imposé des dépenses de promotion supplémentaires, ce qui ne serait pas le cas.

Parmi les frais de promotion de la « Marque » figureraient des postes de « frais évènements », de « publicité et promotion et missions » et de « réceptions » pour un total de … euros dont il y aurait lieu de retirer des montants refacturés à hauteur de … euros, ainsi que la part d’utilisation privée à hauteur de … euros, pour aboutir à un montant de … euros. Or, compte tenu du « complément de redressement » opéré par le bureau d’imposition à hauteur de … euros, le montant qui aurait été finalement accepté s’élèverait à … euros. Il « en résulte[rait] la différence de EUR …, montant, qui [serait] inférieur au Budget minimum imposé (i.e. EUR …) pour la promotion de la Marque ».

39 La société demanderesse estime que l’ensemble des dépenses liées à la promotion, à savoir le montant de … euros, qui dépasserait « le montant de EUR .. imposé par … », devrait être déductible au motif que ces dépenses auraient été exposées dans l’intérêt de l’entreprise.

Ce montant de … euros correspondrait au cumul des frais de mission et réceptions qui s’élèveraient à …euros, des frais de chasse d’un montant de … euros et des « dépenses Visa » à hauteur de … euros.

En ce qui concerne les frais de réception qui s’élèveraient à … euros, la société demanderesse explique que l’organisation de tels événements requerrait indispensablement des frais de mise en place, la remise de cadeaux de faible valeur aux invités, tels que des cigares, le recours à des traiteurs ou encore l’accès à des « clubs privés prestigieux » qui nécessiteraient la détention de cartes de membre professionnel. Dans le cadre de ces événements et réceptions, la présentation serait primordiale, de sorte que la « famille … » aurait également conclu des accords professionnels avec certains coiffeurs dont bénéficierait exclusivement le personnel du magasin présent à ces événements, mais pas en principe les membres de la « famille ». A cet égard, la société demanderesse se prévaut d’un arrêt de la Cour administrative du 4 mai 2021, inscrit sous le numéro 44776C du rôle, dont il ressortirait que les événements payés par une société entreraient dans le champ de gestion de son personnel qui lui permettrait de réaliser son activité.

Il serait indéniable que la « Marque » représenterait un « certain niveau d’exclusivité et de luxe », de sorte que lorsqu’elle inviterait des personnes, que ce soit des clients potentiels ou actuels ou encore des représentants de la « Marque » venant spécialement de l’étranger, elle servirait nécessairement un vin de meilleure qualité. Ce coût engagé serait forcément supérieur à celui d’un « commerçant classique d’une marque moins exclusive », la société demanderesse précisant que les vins non consommés ne feraient pas l’objet d’un usage personnel et se trouveraient en stock.

La société demanderesse se réfère, ensuite, à la décision directoriale dans laquelle le directeur aurait affirmé que Monsieur … aurait confirmé ne pas avoir offert de vin à sa clientèle lors d’un entretien avec un agent du bureau d’imposition, et reproche à l’administration de se livrer à un « acharnement » contre elle moyennant des sous-entendus portant à confusion et sortis de leur contexte. Il serait évident que les cadeaux à la clientèle ne comprendraient pas des bouteilles de vin en tant que telles, mais que les vins en question auraient été et seraient servis à l’occasion d’« événements … », tels que les réceptions et évènements de chasse, et les « dîners clients importants ». Par conséquent, les vins non consommés se retrouveraient en stock et la déduction de leur coût d’acquisition devrait être acceptée.

La société demanderesse en conclut que les coûts qu’elle aurait engagés dans son intérêt au titre des « réceptions … » seraient justifiés par leur nature et devraient être déductibles à hauteur de … euros.

S’agissant des frais de chasse, la société demanderesse fait valoir que l’exclusivité de la « Marque », tout comme sa clientèle diversifiée, requerraient qu’elle organise des évènements diversifiés dont la nature pourrait varier en fonction du type de clientèle et de sa localité, que ce soit par exemple au Luxembourg, en Belgique ou en Suisse, ainsi que des articles qu’elle achèterait. Ainsi, les événements ne correspondraient pas tous obligatoirement à des réceptions, mais pourraient également aboutir à l’organisation d’une chasse, la société 40 demanderesse insistant sur la considération que la « Marque » serait née dans le domaine de la sellerie qui serait un « secteur intimement lié à celui de la chasse ». Elle reproche à l’administration de ne pas mesurer l’importance que représenteraient les événements de chasse pour son bon fonctionnement et de s’efforcer à vouloir qualifier les frais de chasse dans la catégorie des dépenses privées non déductibles, alors que les événements de chasse seraient tout aussi importants pour le développement de la clientèle, ainsi que la promotion de la « Marque » que les réceptions traditionnelles « … ». Or, il serait indéniable que ces chasses seraient très efficaces pour le bon fonctionnement de l’entreprise en ce qui concerne l’aspect relationnel et qu’elles permettraient de rapporter un grand nombre d’affaires par la suite. En revanche, l’organisation d’une chasse engendrerait des coûts non négligeables portant non seulement sur la réception des invités, mais aussi sur l’entretien de la chasse, en ce compris notamment le remboursement des dégâts de chasse, l’installation de panneaux de chasse, l’acquittement du bail de chasse ou encore le nourrissage du gibier. La société demanderesse ajoute qu’un total de 63 personnes, dont 38 avec lesquelles elle entretiendrait des relations professionnelles, auraient été reçues à des chasses au cours de l’année 2017. Elle conclut qu’au regard de la nature professionnelle des frais de chasse engagés, il y aurait lieu de déduire les dépenses afférentes à hauteur de 60,32 % du montant total des dépenses, soit … euros, ce qui aurait pour résultat un montant déductible de … euros, la société demanderesse indiquant qu’elle accepterait que le montant restant de … euros serait de nature privée.

En ce qui concerne finalement les « dépenses Visa » qui seraient reprises dans le poste « Promotion de la Marque », la société demanderesse explique qu’au cours de l’année 2017, elle aurait réglé un certain nombre de transactions et de dépenses par carte « Visa ». Le relevé afférent démontrerait qu’un grand nombre des dépenses constituerait des frais professionnels qui seraient justifiés de par leur nature, dans la mesure où ils tomberaient « sous l’une des catégories de dépenses mentionnées ci-dessus ». Pour des besoins de clarté, il aurait été décidé de présenter les frais en question séparément au motif que leur règlement se serait fait par carte « Visa ». La société demanderesse en conclut qu’il y aurait lieu de déduire le montant de … euros compte tenu de la nature professionnelle des frais engagés.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale.

Analyse du tribunal Il ressort de l’article 10 du contrat de concession exclusive que la société demanderesse doit consacrer annuellement un budget équivalent à au moins 5% du montant cumulé « des achats gros hors taxes » qui lui sont facturés par le concédant les douze mois précédents, « destiné à financer le coût de ces actions, en particulier la publicité, les opérations de relations publiques, les éditions (Monde d’…, brochures produits….) et l’aménagement des vitrines ». A cet égard, le tribunal constate que de telles dépenses sont a priori susceptibles d’avoir été provoquées exclusivement par l’entreprise conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR.

Or, tel que retenu ci-avant et rappelé, en substance, par le directeur, il appartient à la société demanderesse, avant tout, de rapporter la preuve de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire qu’elles ont causé une diminution effective de son patrimoine.

Il ne suffit pas de se limiter, de manière générale, à réclamer l’application d’un pourcentage forfaitaire tel que déterminé dans le contrat de concession exclusive. En effet, la 41 qualification de dépense d’exploitation s’entend concrètement, par rapport à chaque dépense déclarée à ce titre, de sorte que l’argumentation générale consistant à faire état du caractère approprié de la déductibilité d’un pourcentage déterminé du chiffre d’affaires au titre de frais de représentation, n’est pas de nature à énerver la régularité d’une reprise de frais. En l’absence encore de toute spécification des différentes dépenses qu’un contribuable estime avoir été reprises indûment, ainsi que de pièces et d’explications circonstanciées afférentes, un recours contentieux manque de rencontrer les impératifs de précision requis pour engager utilement un examen du moyen relatif aux frais généraux litigieux51.

Il est, dès lors, indifférent de savoir, d’une part, si le redressement opéré par la partie étatique aboutit ou non à un montant de frais déductibles inférieur au budget de 5% stipulé dans le contrat de concession exclusive, et, d’autre part, si la « maison … » est un « tiers » qui considérerait que les dépenses engagées par la société demanderesse satisferaient aux stipulations du contrat de concession exclusive, la seule question pertinente étant celle de savoir si la société demanderesse satisfait aux conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR.

En l’occurrence, la société demanderesse reste en défaut de satisfaire aux exigences de preuve qui lui incombent compte tenu de ses demandes, que ce soit s’agissant, de manière générale des « frais de promotion » à hauteur d’un montant total de … euros dont elle réclame la déduction, et en particulier des « frais de réception » d’un montant de … euros, des « frais de chasse » d’un montant de … euros ou encore des autres frais s’élevant à … euros, alors qu’elle ne s’est référée à aucune pièce justificative à cet égard à l’appui de son recours, de sorte à mettre le tribunal dans l’impossibilité de vérifier si c’est à bon droit que le directeur a considéré que les factures qu’elle affirme lui avoir présentées revêtent un caractère mixte qui tendrait fortement « vers le côté privé ».

Dans ces conditions, le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure la société demanderesse estime pouvoir remettre en cause la légalité et le bien-fondé de la décision directoriale par rapport aux points sous analyse et est, en conséquence, amené à rejoindre le directeur dans sa conclusion, de même que le délégué du gouvernement dans son affirmation suivant laquelle de simples relevés non étayés par des pièces ne sont pas suffisants.

Loin d’être remise en cause par la référence faite par la société demanderesse à l’arrêt de la Cour administrative du 4 mai 2021, inscrit sous le numéro 44776C du rôle, cette conclusion est conforme à la solution y dégagée par la Cour qui a, d’abord, rappelé les principes repris ci-dessus portant sur la charge de la preuve pour, ensuite, constater que dans cette affaire, le contribuable avait satisfait à l’exigence de preuve lui imposée, « par un dossier comportant les indications suffisantes sur les participants et leurs qualités respectives, ainsi que les documents de facturation pour l’essentiel des dépenses et établissant leur réalité et leur lien avec les trois évènements en cause », de sorte que les « reproches liés à un défaut de preuves suffisantes encore légitimement énoncé dans le jugement entrepris a partant été utilement rencontré par l’appelante. », ce que la société demanderesse est justement restée en défaut de faire en l’espèce.

Sur cette toile de fond, le tribunal est amené à relever, à l’instar du directeur, que la société demanderesse a comptabilisé des « frais de mission et de réceptions » à hauteur de … euros dans ses comptes annuels concernant l’exercice 2017. Au regard de l’affirmation du 51 Trib. am., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 219 et l’autre référence y citée.

42 directeur suivant laquelle ce montant aurait été constitué d’un « pêle-mêle de frais privés et de frais professionnels », – constat que le tribunal partage au regard de l’argumentation de la société demanderesse qui a elle-même procédé ex post à une ventilation de ses dépenses, tel que cela ressort du tableau récapitulatif de sa requête –, le directeur a valablement pu confirmer le bureau d’imposition dans la réintégration du montant de … euros, le tribunal ne pouvant aboutir, eu égard aux éléments lui soumis, respectivement eu égard à l’absence de référence à des pièces justificatives, à une solution différente.

Par rapport aux frais de chasse, le tribunal relève que la société demanderesse a versé une liste de personnes dont elle affirme qu’elles auraient participé à des évènements liés à la chasse, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que l’identité des bénéficiaires de ces dépenses a été communiquée. Or, certaines personnes sont référencées comme étant des « AMI » ou « AMIE » ou par le biais d’autres appellations de nature à exclure le caractère professionnel de leur présence, et, en conséquence, l’existence d’un lien direct entre la dépense engagée pour eux et l’activité de la société demanderesse. En revanche, d’autres personnes sont référencées par la mention « CLIENT » ou « CLIENT PROSPECT » et doivent a priori être considérées comme remplissant ce lien. Or, le tribunal ne peut que constater que cette liste ne suffit pas à établir que le montant de … euros dont la société demanderesse réclame la déduction aurait été dépensé pour l’organisation d’évènements autour de la chasse, alors que la société demanderesse ne s’est référée à aucune autre pièce justificative de nature à établir la nature et le quantum de ces dépenses, le tableau intitulé « Justificatifs liés aux frais de missions et réceptions pour l’année 2017 » étant insuffisant, alors qu’il a été confectionné par les soins de la société demanderesse sans être étayé par un quelconque élément probant. Dans ces conditions, les contestations de la société demanderesse doivent encourir le rejet, indépendamment de la question de savoir si l’organisation de parties de chasse est, dans son principe, en lien direct avec l’activité de la société demanderesse, étant encore relevé, à cet égard, qu’il ressort du dossier fiscal qu’une recherche effectuée par l’administration sur le site internet de la marque « … », avec les mots « chasse » et « fusil », n’a donné aucun résultat (« Pas de résultat trouvé pour […] »). La même conclusion s’impose, pour les mêmes motifs, par rapport au montant de … euros retenu pour l’« Amortissement Artcurial étui à fusil (chasse) ».

Finalement, s’agissant des « dépenses VISA », le tribunal rejoint le délégué du gouvernement en ce sens que le tableau confectionné par la société demanderesse contient lui-

même la mention de certains postes de dépenses « PRIVE », tandis que l’absence de référence à des pièces justificatives pour tenter de démontrer l’existence d’un lien direct des autres dépenses avec l’activité de la société demanderesse cantonne l’affirmation de cette dernière suivant laquelle ce lien serait donné à l’état de pure allégation. Les reproches dirigés contre la décision directoriale à ce sujet sont, dès lors, à rejeter.

Il résulte des considérations qui précèdent que les contestations de la société demanderesse sont à rejeter pour être non fondées.

3) Quant aux « frais de voyages et de déplacement » Moyens et arguments des parties La société demanderesse soutient que les voyages et déplacements d’affaires constitueraient une part importante et non négligeable de ses dépenses en faisant valoir que ses 43 représentants seraient dans l’obligation de se déplacer à l’étranger dans le but de maintenir des relations avec le « groupe … » et de s’informer au sujet des collections. Ces déplacements physiques seraient d’autant plus importants que ses trois co-exploitants seraient « apparenté[s] à la famille … ».

La société demanderesse donne à considérer que les montants des frais engagés correspondant à la fraction de temps, calculée en jours, consacrée à l’activité professionnelle, pourraient être admis en déduction au motif qu’une grande partie des dépenses exposées au titre des voyages et déplacements consisterait à promouvoir la « Marque » à l’étranger. Elle cite, à titre d’exemples de voyages à l’étranger, ceux (i) à destination de New York afin de rencontrer les architectes en charge de la « maison … » à New York, (ii) pour participer aux « défilés … » qui serviraient à promouvoir la « Marque » ou à acheter des produits destinés à la revente, et ceux (iii) effectués pour certains membres du personnel afin de la représenter et d’établir des relations avec ses homologues, ses clients ou ses fournisseurs, la société demanderesse affirmant que ces voyages seraient nécessaires pour son développement interne.

La société demanderesse ajoute que pour des raisons de sécurité et de protection d’objets de grande valeur de la « Marque », certaines dépenses, telles que des frais de taxi, auraient dû être exposées pour le transport des objets en question. A cet égard et par rapport au reproche de l’administration selon lequel les adresses qui auraient été parcourues lors des courses en taxi ne corroboreraient pas ses affirmations au motif que son adresse n’y figurerait que sporadiquement, la société demanderesse indique que les objets de valeur importante ne devraient pas nécessairement être constamment transportés à la même adresse, alors que les destinations pourraient varier d’une obligation professionnelle à l’autre.

Elle reproche à l’administration de faire systématiquement des « allégations par simple déduction sans preuve avérée ou valable » et se prévaut de « sa bonne foi » pour admettre que certaines dépenses ne seraient pas déductibles compte tenu du fait que l’administration aurait estimé que le degré de preuve de leur caractère professionnel serait insuffisant. Elle reproche, dans ce contexte, à l’administration d’être restée en défaut de motiver explicitement en quoi les dépenses ne constitueraient pas des dépenses à caractère professionnel.

En dernier lieu, la société demanderesse donne à considérer qu’en dehors du contrôle fiscal dont elle a fait l’objet au titre de l’année d’imposition 2017, elle aurait procédé à plusieurs « auto-redressements », ce qui démontrerait que les parts privées ne seraient pas uniquement contestées dans leur montant, mais qu’il serait également tenu compte de leur nature.

Elle en conclut que les coûts engagés au titre de ses voyages et déplacements seraient justifiés par leur nature et devraient être déductibles à hauteur de … euros, tandis que le montant restant de … euros serait à considérer comme de nature privée.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision directoriale sur ce point.

Analyse du tribunal Le tribunal constate, d’abord, qu’il ressort de la décision directoriale que sur les … euros déduits en tant que charges dans la comptabilité de la société demanderesse au titre des « frais de voyages et déplacement », un montant de … euros a été requalifié par le bureau 44 d’imposition comme relevant de la sphère privée des trois co-exploitants de la société demanderesse. Or, dans la mesure où la société demanderesse conteste, tel que relevé par le directeur, le caractère privé de ce montant uniquement à hauteur de … euros, le tribunal rejoint le directeur dans sa conclusion suivant laquelle la société demanderesse doit être considérée comme ayant admis avoir, à tort, déclaré, en connaissance de cause, le montant de … euros comme étant déductible en tant que dépense d’exploitation.

Dans la mesure où la société demanderesse insiste, dans ce contexte, sur la considération qu’elle aurait été de « bonne foi » au motif qu’elle aurait, en substance, renoncé à voir reconnaître certaines de ses dépenses comme des dépenses d’exploitation compte tenu des exigences de preuve de l’administration, le tribunal rappelle que le caractère déductible d’une dépense d’exploitation n’est conditionné, aux termes de l’article 45, alinéa (1) LIR, que par l’existence matérielle des dépenses et du lien direct entre lesdites dépenses et l’entreprise en question, preuves qu’il appartient au contribuable de rapporter, et non à l’administration. Si la société demanderesse estime que ce serait à tort que l’administration aurait refusé la déduction de certaines de ses dépenses, voire qu’elle aurait à tort considéré que ses pièces justificatives seraient insuffisantes, il aurait seulement appartenu à la société demanderesse de soumettre au tribunal ces pièces afin de le mettre en mesure de vérifier ses affirmations.

Par rapport au montant contesté de … euros, seul litigieux en l’espèce, force est de constater que mis à part le tableau de synthèse confectionné par ses soins, la société demanderesse ne s’est référée à aucune pièce justificative pour établir la matérialité des dépenses sous analyse, tel que relevé par le délégué du gouvernement, le tableau confectionné par ses soins étant, à lui seul, insuffisant à cet égard. Dans ces conditions, le tribunal ne peut que constater que la société demanderesse l’a mis dans l’impossibilité de s’assurer que lesdits frais pourraient intégralement constituer des dépenses d’exploitation déductibles au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Pour le surplus, en retenant un montant d’utilisation professionnelle de … euros (… – …), le tribunal estime que le bureau d’imposition et le directeur ont suffisamment tenu compte, au regard des circonstances et du manque patent de pièces justificatives, (i) de l’activité de la société demanderesse, (ii) de l’utilité de se rendre à l’étranger, dans d’autres magasins de la marque dont elle est le concessionnaire exclusif au Luxembourg, d’honorer un rendez-vous avec l’architecte de ladite marque, ainsi que (iii) des frais accessoires, tels que les frais de déplacement et les frais pour « garantir la protection et la sécurité de ses associés et salariés » lors du transport d’objets de grande valeur.

Dans ces conditions, le tribunal ne peut que rejeter les contestations afférentes de la société demanderesse.

4) Quant aux frais de voiture Moyens et arguments des parties La société demanderesse fait valoir que ses « frais de voiture » au titre de l’année d’imposition 2017 s’élèveraient à un montant de … euros auquel il y aurait lieu d’ajouter les « factures … » qui s’élèveraient à un montant de … euros, de sorte que le montant total correspondrait à … euros.

45 Elle ajoute que la part d’utilisation privée aurait été fixée, d’une part, à hauteur de … euros « au niveau comptable », montant qui aurait été imposé chez les utilisateurs sur base des règles applicables aux avantages en nature bénéficiant aux salariés, et, d’autre part, à hauteur de … euros « au niveau de la réintégration dans la déclaration ». Le montant total s’élèverait, dès lors, à … euros et représenterait un pourcentage d’utilisation privée de 63,38%. La société demanderesse en déduit que le pourcentage restant de 36,62% qui correspondrait à un montant total de … euros devrait nécessairement être déduit et serait « raisonnable » et d’une proportion « tout à fait normal pour les véhicules de sociétés ».

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la part d’utilisation privée retenue par le bureau d’imposition et le refus de déduction afférent.

Analyse du tribunal Force est de constater que l’existence de la matérialité des « factures … » ne saurait, à défaut de référence à des pièces justificatives et d’explications circonstanciées quant à la nature de ces dépenses, être retracée par le tribunal en l’espèce. Il s’ensuit, tel que cela ressort de la décision directoriale, que le montant des frais de voiture litigieux s’élève à un montant de … euros, que la part d’utilisation privée déjà reprise par la société demanderesse s’élève à un montant de … euros, et que le pourcentage d’utilisation privée du total des frais de voiture litigieux correspond à 87,21%.

Le tribunal rejoint, ensuite, le directeur et le délégué du gouvernement dans leur constat que ni un carnet de bord, ni aucun autre document de nature à établir la part d’utilisation privée et professionnelle, par les trois co-exploitants de la société demanderesse, des véhicules qui lui appartiendraient, n’a été versé par celle-ci. Dans ces conditions, le tribunal ne peut que partager la conclusion du directeur selon laquelle l’absence de documents probants ne permet pas de contrôler effectivement la nature des déplacements litigieux – qui n’est pas autrement spécifiée en l’espèce – et in fine d’établir que les frais relatifs aux véhicules litigieux ont été engagés dans l’intérêt exclusif de l’activité de la société demanderesse conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR.

A toutes fins utiles et en tout état de cause, si la société demanderesse affirme que le pourcentage de 36,62% serait un pourcentage raisonnable, il n’en reste pas moins que la qualification de dépense d’exploitation s’entend concrètement, par rapport à chaque dépense déclarée à ce titre, de sorte que l’argumentation générale consistant à faire état du caractère approprié de la déductibilité d’un pourcentage déterminé du chiffre d’affaire au titre de frais de voiture, n’est pas de nature à énerver la régularité d’une reprise de frais. En l’absence encore de toute spécification des différentes dépenses qu’un contribuable estime avoir été reprises indûment, ainsi que de pièces et d’explications circonstanciées afférentes, un recours contentieux manque de rencontrer les impératifs de précision requis pour engager utilement un examen du moyen relatif aux frais généraux litigieux52.

La décision directoriale est, dès lors, en l’état actuel du dossier, à confirmer en ce sens que faute pour la société demanderesse d’avoir satisfait à son obligation de démontrer la part d’utilisation privée et professionnelle des véhicules dont elle réclame en l’espèce la déduction 52 En ce sens : Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 219 et l’autre référence y citée.

46 des frais afférents, le bureau d’imposition et par suite le directeur ne sont pas à critiquer en ce qu’ils ont procédé par voie de taxation suivant le § 217 AO53 pour déterminer la quote-part d’utilisation professionnelle et privée desdits véhicules.

Les contestations afférentes de la société demanderesse encourent, dès lors, le rejet.

5) Quant aux « frais de pourboires » Moyens et arguments des parties La société demanderesse affirme qu’elle aurait laissé, au courant de l’année 2017, des pourboires « à l’occasion de l’intervention de certaines personnes ayant servi dans [son] intérêt », tel que notamment « des personnes s’occupant de la vitrine du magasin ou de l’entretien de l’aquarium et jardin du magasin, des livreurs … (ou autres) », ainsi que « des électriciens, des chauffeurs de taxi ou encore du personnel au service des événements … », tant dans le cadre de réceptions que de parties de chasses. Elle rejette la qualification de dépense privée. Il serait incontestable qu’elle aurait été en mesure de procurer les justificatifs nécessaires à hauteur de 75% de ses dépenses les plus significatives, ce qui attesterait de sa « bonne foi ». Compte tenu de sa « bonne foi » et de la « générosité de [s]a politique intérieure », il conviendrait de déduire les « dépenses de pourboires » à hauteur de … euros, tandis que le montant de … euros serait, quant à lui, à qualifier de dépense d’ordre privée.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le bureau d’imposition aurait révélé que les montants sous analyse ne constitueraient pas des pourboires, mais qu’il s’agirait de prélèvements de la caisse de la part des co-exploitants de la société demanderesse et que Monsieur … n’aurait pas été en mesure de détailler la raison de ces prélèvements. Le refus de déduction devrait, dès lors, être intégral.

Analyse du tribunal Le tribunal relève que l’article 12 LIR auquel renvoie l’article 48 LIR, tel que relevé ci-avant, dispose en numéro 2 que « […] ne sont pas déductibles […] : 2. les libéralités, dons, subventions ».

Il ressort des travaux parlementaires relatifs à cette dernière disposition qu’ « [à] vrai dire, les dépenses énumérées sub 2 sont elles aussi des dépenses personnelles. Leur non-

déductibilité se conçoit facilement quand on pense que, dans l’hypothèse contraire, l’Etat supporterait une quote-part non négligeable de ces dépenses.

Ce qui caractérise les dépenses inscrites au numéro 2, c’est que toute contre-prestation fait défaut.

53 « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Festlegung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sin alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eidesstatt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind.“».

47 […] Les libéralités se présentent généralement comme étant servies à des fins de bienfaisance, à des fins religieuses, philanthropiques, scientifiques, etc.

Exceptionnellement les libéralités peuvent constituer des dépenses d’exploitation ou des frais d’obtention. Tel est p. ex. le cas lorsqu’elles sont affectées directement à profiter à l’exploitation du contribuable et que le caractère de libéralité disparaît complètement devant l’intérêt exclusif et immédiat de l’exploitation. […] »54.

Il en résulte que si des dons, respectivement des libéralités sont, en principe, toujours dépourvus d’une contre-prestation, ils peuvent, de manière exceptionnelle, revêtir la qualification de dépenses d’exploitation, ce qui implique a contrario l’existence d’une contre-

prestation et, par conséquent, d’un lien de causalité exclusif entre le don ou la libéralité, ainsi que l’activité de l’entreprise.

Compte tenu des explications de la société demanderesse, les « pourboires » ne sauraient être considérés comme la contrepartie des prestations dont elle a bénéficié, alors qu’il ressort de ses explications qu’elles ont, de par leur nature, déjà été rendues moyennant paiement d’un prix de sa part. La société demanderesse est, par ailleurs, restée, en défaut de se référer à une quelconque pièce justificative qui serait de nature à établir l’existence de la matérialité des montants sous analyse, encore qu’elle affirme disposer de telles pièces à hauteur de 75% du total de ces montants.

Dans ces conditions, le tribunal retient que les dépenses de « pourboires » d’un montant de … euros, litigieux, qualifient de dons, dont la déduction est expressément prohibée par l’article 12 LIR, et trouvent leur cause dans la « générosité » de la société demanderesse, respectivement de ses trois co-exploitants, tel qu’elle l’affirme elle-même et tel que réitéré par son litismandataire à l’audience des plaidoiries, et qu’il ne s’agit pas de dépenses « provoquées exclusivement par l’entreprise ».

Il s’ensuit que les contestations de la société demanderesse sont à rejeter.

6) Quant au « Matériel de bureau » portant sur un tableau d’art Moyens et arguments des parties La société demanderesse estime que le montant de … euros serait intégralement déductible et conteste l’affirmation du directeur selon laquelle elle aurait été en aveu, dans une lettre datée du 19 octobre 2020 dont elle conteste, en substance, la teneur, qu’il se serait agi d’une dépense privée, la société demanderesse affirmant que le matériel de bureau servirait au quotidien pour des raisons professionnelles.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de la déduction.

Analyse du tribunal 54 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 15, page 130.

48 Force est de constater que suite au courrier du bureau d’imposition émis dans le cadre du § 205, alinéa (3) AO en date du 31 août 2020, précité, ayant notamment porté sur un redressement relatif au « Bénéfice commercial suivant bilan : […] + matériel de bureau » d’un montant de … euros, l’ancien litismandataire de la société demanderesse a expressément répondu, sous le point « Matériel de bureau » de son courrier daté du 19 octobre 2020, que « Après revue de la facture relati[ve] au montant de EUR …, il a été constaté que celle-ci est au nom de Mr et Mme … à leur adresse privé[e] et nous comprenons votre refus strict ».

Si la société demanderesse entend revenir sur ces explications non équivoques quant au caractère manifestement privé de la dépense et contester, dans le cadre du présent recours, que le « matériel de bureau » litigieux ne serait pas un tableau d’art d’un dénommé « Noel Anderson », il lui incombe de rapporter la preuve de ses allégations et plus particulièrement la matérialité de ses dépenses de « Matériel de bureau » alléguées, ainsi que leur lien exclusif avec son activité.

Or, dans la mesure où la société demanderesse ne se réfère nullement à des pièces justificatives à cet égard, ses contestations encourent le rejet.

7) Quant aux « Cotisations aux associations professionnelles » Moyens et arguments des parties La société demanderesse affirme que l’administration aurait refusé la déduction d’un montant de … euros au titre de cotisations à des associations professionnelles. Elle indique justifier la déduction du montant de … euros par la considération que la marque dont elle est le concessionnaire exclusif au Luxembourg représenterait « un certain niveau d’exclusivité et de luxe », de sorte que l’organisation de réceptions et d’événements requerrait, de manière indispensable, l’accès à des « clubs privés prestigieux » qui nécessiteraient la détention de cartes de membre professionnel. Outre la cotisation « obligatoire » à payer à la Chambre de commerce du Luxembourg, il s’agirait des associations suivantes : « ... ». La société demanderesse en conclut qu’il s’agirait de dépenses d’exploitations engagées dans son intérêt.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet intégral du montant de … euros et réitère, à l’instar du directeur, en substance que le litige ne porterait que sur la seule cotisation relative à l’association sans but lucratif … dont le montant s’élèverait à … euros, au motif que les dépenses en lien avec 5 autres organismes auraient été admises en déduction en tant que dépenses d’exploitation.

Analyse du tribunal De l’entendement du tribunal, parmi les 10 « associations professionnelles » dont la société demanderesse réclame en l’espèce la déduction des cotisations, cette dernière a produit 6 factures en cours de phase précontentieuse, tandis que le directeur n’a admis que la déduction des dépenses relatives à 5 de ces 6 « associations professionnelles ». A défaut d’une quelconque prise de position de la société demanderesse à cet égard, le tribunal retient que l’élément litigieux en l’espèce porte sur le caractère déductible des 4 « associations professionnelles » pour lesquelles aucune facture n’a été produite auprès de l’administration, 49 ainsi que sur celle relative à l’association sans but lucratif … ASBL, dont la déduction a été refusée par le directeur, bien qu’une facture lui ait été versée.

Les seules pièces justificatives versées par la société demanderesse, dans le cadre du présent recours, portent sur des cotisations relatives à l’association sans but lucratif …, en l’occurrence des factures, ainsi qu’un extrait de ce qui semblerait correspondre au grand livre de la société demanderesse. Or, ces factures ne sont pas adressées à la société demanderesse, mais sont soit adressées à un de ses trois co-exploitants, soit à un tiers dénommé « … » dont la facture porte sur une « … […] ». Dans ces conditions, le tribunal retient que la cotisation afférente constitue une dépense privée propre aux co-exploitants de la société demanderesse et non pas une dépense provoquée « exclusivement par l’entreprise ».

Pour le surplus, force est encore de constater que la société demanderesse est restée en défaut de se référer à des pièces justificatives de nature à établir la matérialité non seulement de son affiliation aux autres « associations professionnelles » litigieuses, mais également des cotisations payées, en ce compris l’affiliation et les cotisations versées à l’association sans but lucratif … d’un montant allégué de … euros.

Le même défaut de preuve s’impose par rapport aux cotisations aux associations « … », indépendamment du constat que la société demanderesse en réclame la déduction dans le cadre du présent recours, mais que le directeur a relevé, sans être contesté sur ce point, que la société demanderesse n’aurait ni réclamé la déduction afférente de ces cotisations, ni contesté la nature privée de ces frais.

Dans ces conditions et à défaut d’autres éléments, les contestations de la société demanderesse encourent le rejet.

8) Quant à l’achat de « costumes professionnels » Moyens et arguments des parties La société demanderesse se réfère à son argumentation portant sur l’obligation de ses co-exploitants de se vêtir exclusivement auprès de la marque « … » pour faire valoir que les dépenses d’un montant de …euros portant sur des « costumes professionnels » de Monsieur … revêtiraient une nature professionnelle, dans la mesure où il s’agirait d’un outil de travail, alors qu’ « … » ne fabriquerait pas de costumes, de sorte que Monsieur … serait obligé de s’adresser à d’autres fournisseurs pour les costumes qu’il porterait en magasin.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de la déduction.

Analyse du tribunal Le tribunal retient que le refus intégral de la déduction sollicitée est à confirmer pour deux motifs.

Premièrement, la société demanderesse est restée en défaut de se référer à la moindre pièce justificative relative à l’achat de « costumes professionnels ».

50 Deuxièmement, compte tenu des principes dégagés ci-avant sur base de l’article 12 LIR et portant sur les « vêtements spéciaux nécessités pour l’exercice d’une profession », le tribunal constate qu’il n’est pas possible de distinguer, sur base d’éléments objectivement vérifiables, que les dépenses pour « costumes professionnels » litigieuses auraient été engagées à des fins exclusivement ou quasi exclusivement professionnelles, alors que les costumes peuvent également être portés dans un cadre privé.

Les contestations afférentes de la société demanderesse encourent partant également le rejet.

III) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande d’indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Sibylle SCHMITZ, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 51 52


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47000
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-10;47000 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award