La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | LUXEMBOURG | N°46968

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2024, 46968


Tribunal administratif N° 46968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46968 5e chambre Inscrit le 1er février 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt.



___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46968 du rôle et déposée le 1er février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple ALL

EN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, ins...

Tribunal administratif N° 46968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46968 5e chambre Inscrit le 1er février 2022 Audience publique du 10 juillet 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt.

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46968 du rôle et déposée le 1er février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple ALLEN & OVERY SCS, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame … demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 11 novembre 2021, référencée sous le numéro C 29418, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre une amende administrative lui infligée par le bureau d’imposition ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2022 par Madame …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean Schaffner et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2024.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 31 août 2020, la société en commandite simple X, ci-après désignée par la « société X », fut invitée par le bureau d’imposition … à prendre position par rapport aux redressements envisagés au sujet de sa déclaration pour l’établissement en commun du bénéfice commercial et pour l’impôt commercial de l’année d’imposition 2017 en application du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée «»Abgabenordnung»», en abrégé « AO », et qui donna lieu à une réponse écrite de la part de la société X en date du 16 octobre 2020.

En date du 4 novembre 2020, le bureau d’imposition … émit à l’égard de la société X, pour l’année d’imposition 2017, un bulletin de l’impôt commercial communal indiquant « Voir 1 notes ad Bulletin d’établissement en commun », ainsi qu’un bulletin d’établissement séparé et en commun, sans faire droit aux observations formulées par ladite société, ledit bulletin indiquant notamment que « L’imposition est effectuée suivant notre lettre en vertu du § 205 AO du 31/08/2020. Le bureau Société 3 ne peut pas donner de suite favorable à vos objections comprises dans votre lettre du 16/10/2020. ».

En date du 2 décembre 2020, le bureau d’imposition Luxembourg 4, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin sur le revenu de l’année d’imposition 2017 à l’égard de Madame …, une des trois co-exploitants de la société X.

En date du 21 avril 2021, le préposé du bureau d’imposition prononça une amende administrative à l’encontre de Madame …, associée et gérante de la société X, en application du § 396, alinéa (1) AO dans les termes suivants :

« […] Il ressort de l’analyse de votre dossier fiscal, en particulier pour l’année d’imposition 2017, que vous avez activement contribué à l’obtention non justifiée d’avantages fiscaux respectivement que vous avez intentionnellement causé une réduction de recettes d’impôts.

En effet, suite au contrôle fiscal de la société X initié par le bureau d’imposition …, celui-ci en charge de l’imposition de l’impôt commercial, votre base d’imposition pour l’impôt sur le revenu a été majorée de … €. Le revenu imposable redressé se chiffre à … €.

Le montant de l’impôt éludé pour l’année fiscale 2017 est de … €, ce qui correspond à 13,88% du montant de l’impôt effectivement dû.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer que conformément au § 396(1) Ao qui réprime la fraude fiscale simple, je me vois dans l’obligation de vous infliger une amende administrative de … € (=25% de l’impôt éludé).

Ce montant est justifié par le fait que les fraudes constatées par les contrôleurs lors de la révision de la comptabilité de la société X constituent de par leur montant et par rapport à votre revenu imposable déclaré des sommes considérables.

L’amende est à payer endéans 1 mois à partir de la notification de la présente […] ».

Par un courrier recommandé daté du 25 janvier 2021, réceptionné le 26 janvier 2021 d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, la société X introduisit une réclamation, d’une part, contre le bulletin d’établissement séparé et en commun et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, et, d’autre part, « pour autant que de besoin » contre les bulletins de l’impôt sur le revenu de ses trois co-

exploitants, en ce compris Madame …, au titre de la même année d’imposition auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par du « directeur ».

Par courrier recommandé du 14 mai 2021, réceptionné le 17 mai 2021, Madame … introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une réclamation contre la décision du bureau d’imposition précitée du 21 avril 2021.

2 Il ressort des explications de part et d’autre que par décision du 9 novembre 2021, le directeur déclara la réclamation introduite par la société X comme étant non fondée.

Par décision du 11 novembre 2021, référencée sous le numéro C 29418, le directeur déclara la réclamation introduite par Madame … non fondée dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 17 mai 2021 par Me Jean Schaffner, de la société en commandite simple Allen & Overy, au nom de la dame …, demeurant à L-…, Our réclamer contre l’amende administrative lui infligée par le bureau d’imposition Luxembourg 4 sur pied du § 396, alinéa 1er de la loi générale des impôts (AO) en date du 21 avril 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de lui avoir infligé une amende administrative de … euros sur base du § 396, alinéa 1er AO ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, à titre liminaire et en matière de principe, que le § 396, alinéa 1erAO, ayant trait, ensemble avec les §§ 166, alinéa 3 AO et 402, alinéa 2 AO, aux amendes administratives, se lit comme suit : « Wer zum eigenen Vorteil oder zum Vorteil eines anderen nicht gerechtfertigte Steuervorteile erschleicht oder vorsätzlich bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt werden, wird wegen Steuerhinterziehung mit Geldstrafe bestraft.

L’amende dont le maximum est fixé à la moitié des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu, ne peut être inférieure à dix pour cent des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu. La décision portant fixation du montant de l’amende administrative est prise par le bureau d’imposition et peut être attaquée par voie d’une réclamation au sens du § 228. » ;

Considérant qu’il en ressort que l’application du § 396, alinéa 1er AO, présuppose un comportement frauduleux actif du contribuable aboutissant à un préjudice fiscal et qu’il y a lieu d’établir le caractère intentionnel de l’infraction ;

Considérant que la réclamante est associée de la société en commandite simple X et Cie (la société X), pour laquelle le bureau d’imposition …, confirmé par le directeur des contributions à travers la décision sur réclamation C 28938 du 9 novembre 2021, rejeta, au titre de l’année 2017, la déductibilité d’une multitude de frais pour un montant total de … 3 euros, qu’il qualifia de nature privée ; qu’en vertu des §§ 214 et 215, alinéa 2 AO les revenus de la société ont été établis séparément et en commun ; qu’en date du 2 décembre 2020, le bureau d’imposition Luxembourg 4 a émis le bulletin sur le revenu de l’année 2017 de la réclamante en tenant compte des frais refusés et en imposant ainsi un revenu imposable supérieur à celui déclaré par la réclamante à raison de … euros ;

Considérant qu’en date du 21 avril 2021, le bureau d’imposition informa la réclamante par courrier de sa décision de fixer une amende administrative en application du § 396, alinéa 1er AO au motif qu’elle aurait activement contribué à l’obtention non justifiée d’avantages fiscaux et intentionnellement causé une réduction de recettes d’impôt ; qu’au vu « des sommes considérables » par rapport au revenu imposable de la réclamante, il fixa l’amende à … euros, ce qui correspond à 25 pour cent des impôts éludés (i.e. … euros) ;

Considérant qu’en guise de motivation la réclamante fait valoir qu’elle n’aurait pas « volontairement obscurci ou encore caché des circonstances ou éléments imposables », alors qu’un élément intentionnel serait expressément requis pour que le § 396, alinéa 1er AO puisse devenir applicable en l’espèce ; qu’en outre elle estime que son bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017 et le bulletin portant établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017 concernant la société X, ne seraient pas à qualifier d’impositions définitives, pour la raison que les réclamations contre lesdits bulletins seraient restées « sans réponse jusqu’à présent » et que, partant, faute « d’imposition définitive, les conditions du § 396 (1) AO ne sauraient être réunies pour la prononciation de la Sanction » ;

Considérant qu’il en découle, que par l’expression « imposition définitive », il peut valablement être présumé que la réclamante entend dire que les bulletins litigieux ne sont pas encore coulés en force de la chose décidée ;

Considérant que la réclamante avance donc deux affirmations différentes par lesquelles elle tend à justifier que l’amende litigieuse n’aurait pas été prononcée en conformité avec les dispositions du § 396, alinéa 1er AO, à savoir :

1) qu’il n’y aurait pas d’imposition qui serait coulée en force de la chose décidée pour l’année en cause, et 2) qu’elle n’aurait pas eu l’intention d’éluder des impôts ;

Ad 1) Considérant qu’en date du 26 janvier 2021, une requête fut introduite par laquelle la société X a réclamé contre le bulletin portant établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017, émis le 4 novembre 2020, et par laquelle la réclamante a également réclamé contre son bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017, émis le 2 décembre 2020 ;

Considérant que bien que les bulletins en cause ne soient pas coulés en force de la chose décidée, il n’en reste pas moins qu’à partir du jour de leur notification, ils sont devenus exécutoires en vertu du § 91 AO ;

4 Considérant que « [d]’après le paragraphe 91 les décisions administratives en matière fiscale deviennent efficaces par la notification au contribuable » (cf. Conseil d’Etat du 25 février 1959, n° 5568 du rôle);

Considérant que le § 251 AO se lit comme suit : « Durch Einlegung eines Rechtsmittels wird die Wirksamkeit des angefochtenen Bescheids nicht gehemmt, insbesondere die Erhebung einer Steuer nicht aufgehalten. » ;

Considérant que la Cour administrative a retenu ce qui suit : « En effet, un bulletin portant fixation d’un impôt conformément au § 210 (1) AO ou de bases d’imposition en application du § 213 (2) AO a un effet obligatoire à l’égard de son destinataire en ce qu’il est considéré comme matérialisant et quantifiant la dette d’impôt déjà née ou les bases d’imposition déjà réalisées et il incombe au destinataire dudit bulletin de faire constater une éventuelle non-conformité de ce bulletin à la loi fiscale en exerçant à son encontre les voies de recours légalement prévues, le bulletin produisant, conformément au § 251 AO, ses effets jusqu’à sa modification, rectification ou réformation suite à une voie de recours accueillie. » (Cour administrative du 11 mai 2010, n° 26458C du rôle) ;

Considérant qu’il en découle que c’est à tort que la réclamante sollicite l’annulation de « la Sanction en tenant compte de l’absence (…) d’imposition définitive » ;

Ad 2) Considérant que dans sa requête entrée en date du 26 janvier 2021 et visant le bulletin portant établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 de la société X, la réclamante s’exprime par extraits comme suit :

« En effet, j’estime qu’un montant total, tous postes confondus, de EUR … devrait être admis à la déduction et que le montant restant de EUR … doive être réintégré dans la base imposable de la Société. » ; que la réclamante ne conteste donc pas 44,02 pour cent des redressements effectués par le bureau d’imposition et ne conteste pas non plus que le bureau d’imposition a procédé à des reprises pour parts privées ; qu’elle conteste uniquement les parts privées en ce qui concerne leur montant ; qu’elle fait donc implicitement aveu d’avoir intentionnellement déduit des frais alors qu’elle était tout à fait consciente de leur nature privée et non-déductible ;

Considérant que, dans le présent cas, l’intention de la réclamante est manifeste ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal de la réclamante, que le montant de l’impôt éludé est de … euros, ce qui correspond à 13,88 pour cent du montant de l’impôt effectivement dû et que l’amende à hauteur de … euros correspond à exactement 25 pour cent du montant de l’impôt éludé ; que l’amende a donc été fixée conformément aux dispositions du § 396, alinéa 1er AO ;

Considérant que le revenu imposable de la réclamante renseigne au titre de l’année 2017, exceptionnellement par rapport aux autres années d’imposition, un revenu net divers à hauteur de … euros, revenu grâce auquel la réclamante échappe au champ d’application de la fraude fiscale aggravée au sens du § 396, alinéa 5 AO, ce qui atténue sensiblement les 5 conséquences de son comportement frauduleux ; que son comportement intentionnel et frauduleux, sur base duquel elle a éludé un montant important d’impôts, n’en est par contre pas atténué en conséquence ; qu’il en découle que le pourcentage déterminé par le bureau d’imposition (vingt-cinq pour cent) ne s’avère ni insuffisant, ni exagéré, de sorte que la manière du bureau d’imposition de procéder est à confirmer ;

Considérant, compte tenu de tout ce qui précède, que le bureau d’imposition a fait une juste appréciation des faits et de la loi ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er février 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 11 novembre 2021.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre une des décisions visées aux §§ « 166 alinéa 3, 211, 212, 212a alinéa 1, 214, 215, 215a et 235, 396 alinéa 1 et 402 » AO.

Dans la mesure où la décision directoriale a été prise suite à la réclamation de Madame … introduite contre une décision du bureau d’imposition fondée sur le § 396, alinéa (1) AO, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 11 novembre 2021, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a pas, dès lors, lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, et après avoir repris les faits et rétroactes exposés, en substance, ci-avant, la demanderesse se prévaut du § 396, alinéa (1) AO et fait valoir que la sanction qui lui a été infligée n’aurait jamais dû l’être compte tenu du défaut de preuve de l’élément intentionnel dans la caractérisation de l’infraction et de l’absence d’imposition définitive dans son chef au moment où la sanction lui a été infligée.

Par rapport à l’élément intentionnel qui serait requis par cette disposition, la demanderesse se réfère à la doctrine allemande relative au § 396, alinéa (1) AO pour faire 6 valoir qu’une personne ne pourrait être sanctionnée pour avoir éludé l’impôt que si une telle preuve était rapportée. La notion de « bewirken » devrait être comprise comme étant, par exemple, « eine Verschleierung und Verheimlichung von steuererheblichen Umständen, wie zum Beispiel die Tarnung von Gewinnanteilen als Gegenleistungen ». Le § 396, alinéa (1) AO irait encore plus loin en rajoutant le terme de « vorsätzlich », qui selon cette même doctrine allemande, signifierait « wer die Tat mit Wissen (en connaissance de) und Willen (volonté) begeht und sich darüber hinaus der Rechtswidrigkeit seines Tuns bewusst ist ». Une erreur en matière d’éléments constitutifs de la fraude serait, dès lors, exclue en la présente matière. La demanderesse affirme qu’il pourrait être « logiquement déduit des termes de « vorsätzlich », « Verschleierung » et « Verheimlichung » [qu’elle] ait volontairement obscurci ou encore caché des circonstances ou éléments imposables », alors que le point de départ consisterait en une « Vornahme sonstiger Täuschungshandlungen », à savoir la délivrance d’actes trompeurs.

La demanderesse insiste sur la considération que la nécessité de prouver un élément intentionnel se traduirait encore davantage par la mention faite par cette doctrine allemande selon laquelle l’inscription comptable sous-jacente à la déclaration d’impôt, qu’elle soit incomplète ou fausse, serait, en cas de doute, à interpréter comme un acte préparatoire non sanctionné au regard du § 396 AO. L’application de cette disposition nécessiterait donc, sans équivoque, la preuve d’un élément volontaire, alors qu’une erreur comptable ne pourrait pas être considérée comme tel.

La demanderesse reproche à l’administration d’avoir considéré que dans la mesure où elle aurait uniquement contesté « les parts privées en ce qui concerne leur montant » dans le cadre de la réclamation introduite par la société X contre les bulletins émis à son encontre au titre de l’année 2017, elle aurait implicitement fait un aveu d’avoir intentionnellement déduit des frais alors qu’elle aurait été consciente de leur nature privée et non déductible. Tout en affirmant que l’administration ferait preuve de mauvaise foi, la demanderesse donne à considérer que la société X aurait contesté et justifié dans le cadre de son recours le caractère déductible de tous les frais litigieux au motif qu’il s’agirait de dépenses professionnelles. Elle ajoute que la seule raison pour laquelle la société X, respectivement elle-même, aurait admis le caractère non déductible de certaines dépenses serait sa « bonne foi », alors que l’administration aurait exigé un degré de preuve élevé du caractère professionnel des dépenses.

La demanderesse reproche à l’administration de ne pas avoir justifié explicitement en quoi les dépenses de la société X ne seraient pas des dépenses professionnelles.

La demanderesse ajoute qu’en dehors du contrôle fiscal dont a fait l’objet la société X, cette dernière aurait effectué « plusieurs auto-redressements », ce qui prouverait indéniablement que les parts privées n’auraient pas été uniquement contestées dans leur montant, mais également quant à leur nature. La contestation à l’encontre des montants serait « une pure conséquence de la contestation évidente du caractère privé de certaines dépenses ».

Ensuite, la demanderesse fait valoir que la sanction administrative aurait été prise à son encontre, alors que la réclamation introduite par la société X dirigée contre les bulletins émis à son égard au titre de l’année d’imposition 2017 serait restée sans réponse jusqu’au 9 novembre 2021. Elle estime qu’à défaut d’imposition définitive à la date où la sanction administrative litigieuse lui aurait été infligée, les conditions du § 396, alinéa (1) AO n’auraient pas été remplies pour la prononcer, alors que cette disposition emploierait les termes d’« impôt éludé » lorsqu’elle viserait le montant maximal de l’amende. Elle en déduit qu’il serait logique et raisonnable d’affirmer que pour qu’un impôt puisse être considéré comme éludé, il faudrait que le montant de l’impôt en question soit fixé de manière définitive. La demanderesse estime 7 qu’à défaut de réponse à la réclamation de la société X, il n’existerait aucun argument valable pour soutenir que cette dernière, et donc elle-même, aurait pu faire l’objet d’une imposition définitive au moment du prononcé de la sanction administrative. Elle ajoute qu’une telle façon de faire engendrerait, par ailleurs, des surcoûts conséquents en termes de travail administratif.

La demanderesse en conclut qu’elle ne devrait pas subir injustement les conséquences de l’absence d’autorité de la chose jugée.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement explique le contexte dans lequel l’amende administrative litigieuse d’un montant de … euros aurait été prononcée par le bureau d’imposition le 21 avril 2021 sur le fondement du § 391, alinéa (1) AO.

En date du 4 novembre 2020, le bulletin d’établissement séparé et en commun, ainsi que le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 auraient été émis. La réclamation introduite le 26 janvier 2021 à leur encontre par la société X aurait été rejetée par une décision directoriale datée du 9 novembre 2021 qui aurait notamment rejeté la « déductibilité d’une multitude de frais » pour un montant total de … euros, requalifiés de frais de nature privée.

Le délégué du gouvernement explique que le bureau d’imposition aurait, dès lors, fixé l’amende administrative au motif que la demanderesse aurait contribué à l’obtention non justifiée d’avantages fiscaux et qu’elle aurait causé intentionnellement une réduction de recettes fiscales et dont le montant de … euros aurait été fixé à 25% du montant des impôts éludés, soit … euros, compte tenu des sommes considérables dont il était question par rapport au revenu imposable de la demanderesse.

Le représentant étatique se fonde sur le § 396, alinéa (1) AO pour soutenir que cette disposition exigerait un comportement frauduleux actif du contribuable aboutissant à un préjudice fiscal, ainsi que la preuve du caractère intentionnel de l’infraction.

Par rapport au caractère intentionnel, il explique que les revenus de la société X auraient été établis séparément et en commun conformément aux §§ 214 et 215, alinéa (2) AO et que les bulletins afférents auraient tenu compte des frais refusés pour fixer un revenu imposable supérieur à celui déclaré par la demanderesse à raison de … euros.

Il conteste toute mauvaise foi de l’administration et insiste sur la considération que la demanderesse aurait elle-même fait valoir qu’un montant total de … euros de frais devrait être admis en déduction, tandis que le montant restant de … euros devrait être réintégré dans la base imposable de la société X. La demanderesse serait, dès lors, en « aveu » d’avoir fraudé et d’avoir intentionnellement déduit des frais dont elle aurait eu conscience qu’il se serait agi de frais de nature privée qui ne seraient pas déductibles. Ce ne serait qu’à la date de la réclamation et donc postérieurement à l’émission du bulletin d’imposition que la demanderesse aurait admis que la position des services fiscaux serait fondée pour le montant de … euros au mois. Le caractère intentionnel du comportement de la demanderesse serait donné.

Par rapport à la question de l’existence d’une imposition définitive, le délégué du gouvernement fait valoir que la loi n’imposerait nullement une exigence d’un impôt définitif et rejette, à l’instar du directeur, que par « imposition définitive », il y aurait lieu de comprendre que les bulletins d’impôts litigieux devraient être coulés en force de chose décidée. Il se prévaut à cet égard, en substance, des §§ 91 et 251 AO.

8 Dans son mémoire en réplique, la demanderesse a reproduit la teneur de sa requête.

Analyse du tribunal Aux termes du § 392 AO, applicable de manière générale à toutes les fraudes fiscales1, « (1) Steuervergehen im Sinn dieses Gesetzes sind strafbare Verletzungen von Pflichten, die die Steuergesetze im Interesse der Besteuerung auferlegen. ».

Le § 396 AO, dans sa version applicable au litige2, dispose, quant à lui, comme suit :

« (1) Wer zum eigenen Vorteil oder zum Vorteil eines anderen nicht gerechtfertigte Steuervorteile erschleicht oder vorsätzlich bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt werden, wird wegen Steuerhinterziehung mit Geldstrafe bestraft. L’amende dont le maximum est fixé à la moitié des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu, ne peut être inférieure à dix pour cent des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu. La décision portant fixation du montant de l’amende administrative est prise par le bureau d’imposition et peut être attaquée par voie d’une réclamation au sens du § 228.

(2) […] (3) Es genügt, dass infolge der Tat ein geringerer Steuerbetrag festgesetzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt oder belassen ist; ob der Betrag, der sonst festgesetzt wäre, aus anderen Gründen hätte ermäßigt werden müssen oder der Vorteil aus anderen Gründen hätte beansprucht werden können, ist für die Bestrafung ohne Bedeutung.

(4) […] (5) Si la fraude porte sur un montant d’impôt supérieur au quart de l’impôt annuel effectivement dû sans être inférieur à 10.000 euros ou sur un remboursement indu supérieur au quart du remboursement annuel effectivement dû sans être inférieur à 10.000 euros ou si le montant d’impôt annuel éludé ou le remboursement annuel à opérer est supérieur à la somme de 200.000 euros, elle sera punie comme fraude fiscale aggravée d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 25.000 euros à un montant représentant le sextuple des impôts éludés ou du remboursement indûment obtenu.

(6) […] (7) Les autorités judiciaires sont seules compétentes dans les cas prévus aux alinéas 5 et 6 du présent paragraphe. ».

Il ressort du § 396, alinéas (1) et (5) AO, précités, qu’une fraude fiscale simple (« Steuerverkürzung ») nécessite la réunion des conditions cumulatives suivantes :

1. un auteur agissant pour son compte ou pour le compte d’autrui (« Wer zum eigenen Vorteil oder zum Vorteil eines anderen »), 1 Trib. adm., 7 juin 2022, n° 44935 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 juillet 2023, n° 47688C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

2 Loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, article 25 : « Les dispositions de la présente loi sont applicables à partir de l’année d’imposition 2017 », en ce compris l’article 7, point 11° à 15°.

9 2. un comportement, soit conférant des avantages fiscaux indus (« nicht gerechtfertigte Steuervorteile erschleicht »), soit adopté intentionnellement pour aboutir à une diminution des recettes fiscales (« vorsätzlich bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt werden »), et 3. une fraude qui porte sur :

- un montant d’impôt inférieur ou égal à 25% de l’impôt annuel effectivement dû, et inférieur à 10.000 euros, - un montant de remboursement indu inférieur ou égal à 25% du remboursement annuel effectivement dû, et inférieur à 10.000 euros, ou - un montant d’impôt annuel éludé ou un remboursement annuel à opérer inférieur ou égal à 200.000 euros.

En l’espèce, il ressort de la décision directoriale déférée, ainsi que des explications du délégué du gouvernement, qu’il est reproché à la demanderesse d’avoir adopté un comportement avec l’intention d’aboutir à une diminution des recettes fiscales, pour son propre compte, par le truchement de la société X – société fiscalement transparente au sens du § 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », et de l’article 175 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu –, respectivement pour le compte de ladite société, dont il est constant que la demanderesse est l’une des trois co-exploitants.

Il est plus particulièrement reproché à la demanderesse, respectivement à la société X d’avoir, à tort, déclaré dans un premier temps des dépenses au titre de dépenses d’exploitation et d’avoir admis dans un second temps par « aveu », dans le cadre de la réclamation de la société introduite le 17 mai 2021 contre ses propres bulletins d’imposition, qu’il s’agirait en réalité de dépenses privées non déductibles.

Le tribunal étant saisi dans la limite des moyens lui soumis par la demanderesse, son analyse se limitera à celle des conditions tenant à la consommation de l’élément matériel et à celle de l’élément moral, contestées par la demanderesse, à l’exclusion de la condition tenant au respect des seuils fixés au § 396 AO, précité, ainsi que du quantum de l’amende fixée dans son chef par le bureau d’imposition et confirmée par le directeur.

Quant à la question de la consommation de l’élément matériel, le tribunal relève que pour les impôts fixés par voie d’assiette spécifiquement3 – autrement dit ceux nécessitant le dépôt d’une déclaration d’impôt, tel que l’impôt sur le revenu –, la première phrase du § 396, alinéa (3) AO, précité, précise que pour qu’il y ait diminution des recettes fiscales, il suffit (« Es genügt ») qu’un montant d’impôt moindre (« geringerer Steuerbetrag ») ait été fixé (« festgesetzt […] ist ») par rapport à celui qui aurait dû être fixé sans l’adoption du comportement litigieux du contribuable en question.

L’élément matériel de la diminution des recettes d’impôts implique, dès lors, toujours que la diminution ait été définitivement obtenue (« Wer […] bewirkt »)4.

Il est admis que cette terminologie doit être comprise comme englobant l’hypothèse où l’impôt dû n’est pas acquitté, lorsque l’impôt dû n’est pas acquitté intégralement ou lorsque 3 Hübschman-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, 5. Auflage, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, 1951/66, § 396 AO, Anm. 10.

4 Trib. adm., 7 juin 2022, n° 44935 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 juillet 2023, n° 47688C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

10 l’impôt dû n’est pas payé à temps5. En tout état de cause, il ne peut y avoir diminution de recettes fiscales avant que l’impôt ne soit exigible6.

La jurisprudence judiciaire constante admet ainsi que l’infraction de fraude fiscale est une infraction de résultat et qu’elle « est par conséquent consommée non pas à l’instant où le contribuable remet sa déclaration d’impôt à l’Administration, fait qui constitue la tentative, mais seulement à partir du moment où l’Administration lui a accordé un avantage fiscal injustifié ou fixé la dette fiscale du contribuable à un montant inférieur à celui qu’elle aurait retenu si elle avait connu la situation réelle »7.

Dès lors, à l’égard d’un impôt fixé par voie d’assiette à travers un bulletin d’impôt qui quantifie la dette d’impôt et emporte son exigibilité, l’élément matériel de la diminution des recettes d’impôt est consommé au moment de l’émission du bulletin d’imposition qui fixe un montant d’impôt dû inférieur à celui d’une fixation de l’impôt correspondant aux bases d’imposition telles qu’elles auraient été fixées si le contribuable avait fourni les renseignements qui auraient permis au fisc de dégager les bases d’imposition réelles8.

En l’espèce, l’argumentation fournie par le directeur et le délégué du gouvernement tend à voir reconnaître la consommation de l’élément matériel de la diminution de recettes fiscales au motif qu’après l’émission du bulletin d’établissement séparé et en commun et du bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année d’imposition 2017, en date du 4 novembre 2020 à l’encontre de la société X, la demanderesse aurait, dans le cadre de sa réclamation introduite par la société X, fait un « aveu » d’une diminution des recettes fiscales en s’exprimant de la manière suivante : « En effet, j’estime qu’un montant total, tous postes confondus, de EUR … devrait être admis à la déduction et que le montant restant de EUR … doive être réintégré dans la base imposable de la Société. ». Cette phrase serait, de l’entendement du tribunal, à mettre en perspective avec les frais déclarés initialement par la société X au titre de cette même année d’imposition à hauteur de … euros et dont elle aurait, en quelque sorte, « avoué » qu’une déduction intégrale serait à écarter et qu’elle devrait se limiter au montant de … euros.

Le tribunal relève, d’abord, que le bulletin d’établissement séparé et en commun et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal émis à l’encontre de la société X ne sont pas fondés sur le § 100a AO, de sorte à ne pas matérialiser une imposition provisoire qui serait d’emblée de nature à exclure la consommation de l’élément matériel9 en l’espèce.

Ensuite, et contrairement à ce que soutient la demanderesse, le tribunal retient que la question de la consommation de l’élément matériel tenant à une diminution des recettes fiscales n’est pas liée à celle de l’autorité de la chose décidée des bulletins d’impôt, alors qu’il ne ressort pas des dispositions légales précitées qu’une amende pour fraude fiscale simple soit conditionnée par la fixation définitive des impôts suite à l’expiration d’un délai de recours.

5 Hübschman-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, 5. Auflage, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, 1951/66, § 396 AO, Anm. 10.

6 Hübschman-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, 5. Auflage, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, 1951/66, § 396 AO, Anm. 10.

7 Cour adm., 4 juillet 2023, n° 47688C du rôle, citant trib. arr. Lux, 14 février 2002, no 353/2002 et Cour d’appel, 21 décembre 2021, n° 416/21 V.

8 Cour adm., 4 juillet 2023, n° 47688C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

9 Cour adm., 4 juillet 2023, n° 47688C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

11 Cette argumentation méconnaît, en effet, le principe général de l’exécution d’office des décisions administratives, matérialisé en matière fiscale au niveau de la procédure précontentieuse dans le § 251 AO aux termes duquel un bulletin d’impôt reste, en principe et sauf octroi d’un sursis à exécution, exécutoire nonobstant l’introduction d’une voie de recours10, ainsi qu’au niveau de la procédure contentieuse à l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », qui exclut expressément l’effet suspensif d’un recours introduit devant le tribunal administratif, sauf ordonnance contraire rendue par le président du tribunal ou par le juge qui le remplace11.

Un bulletin portant fixation d’un impôt conformément aux § 210, alinéa (1) AO ou de bases d’imposition en application du § 213, alinéa (2) AO a un effet obligatoire à l’égard de son destinataire en ce qu’il est considéré comme matérialisant et quantifiant la dette d’impôt déjà née ou les bases d’imposition déjà réalisées. Il incombe au destinataire dudit bulletin de faire constater une éventuelle non-conformité de ce bulletin à la loi fiscale en exerçant à son encontre les voies de recours légalement prévues, le bulletin produisant, conformément au § 251 AO, ses effets jusqu’à sa modification, rectification ou réformation suite à une voie de recours accueillie12.

Il s’ensuit que la diminution des recettes fiscales au sens du § 396, alinéa (1) AO se trouve consommée dès la notification régulière du bulletin au sens du § 91 AO13 qui lui confère, conformément à cette disposition14, force exécutoire15 rendant l’impôt exigible, alors même que, d’une part, le bulletin afférent n’a pas encore acquis autorité de la chose décidée aux motifs que (i) le délai de réclamation de trois mois est encore pendant, (ii) qu’une réclamation est effectivement introduite auprès du directeur, (iii) voire qu’un recours contentieux est introduit auprès du tribunal administratif, et, d’autre part, que le montant de l’ « impôt éludé » n’est, en conséquence, pas encore définitivement fixé dans le chef du contribuable.

L’octroi d’un éventuel sursis à exécution au stade précontentieux ou contentieux n’est d’ailleurs pas de nature à remettre en cause cette conclusion, étant donné que de telles décisions revêtent par nature un caractère nécessairement provisoire et qu’en tout état de cause, un sursis ne peut pas avoir pour effet d’anéantir rétroactivement la constatation de la consommation de l’élément matériel par la notification régulière et préalable du bulletin d’imposition en question, un sursis ne pouvant valoir que pour l’avenir.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le fait que la société X ait introduit une réclamation contre le bulletin d’établissement séparé et en commun et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt 10 « Durch Einlegung eines Rechtsmittels wird die Wirksamkeit des angefochtenen Bescheids nicht gehemmt, insbesondere die Erhebung einer Steuer nicht aufgehalten. Die Behörde, die den Bescheid erlassen hat, kann die Vollziehung aussetzen, geeignetenfalls gegen Sicherheitsleistung ».

11 « (1) Le recours n’a pas d’effet suspensif s’il n’en est autrement ordonné par le président du tribunal ou par le juge qui le remplace. […] ».

12 Cour adm., 11 mai 2010, n° 26458C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1026.

13 Hübschman-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, 5. Auflage, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, 1951/66, § 396 AO, Anm. 25.

14 « Verfügungen (Entscheidungen, Beschlüsse, Anordnungen) der Behörden für einzelne Personen werden dadurch wirksam, dass sie demjenigen zugehen, für den sie ihrem Inhalt nach bestimmt sind (Bekanntgabe).

Öffentliche Bekanntmachung oder Auslegung von Listen genügt, wo sie nach den Steuergesetzen zugelassen ist.

Zustellung ist nur erforderlich, wo sie ausdrücklich vorgesehen ist ».

15 Cour adm., 9 janvier 2018, n° 39755C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1113.

12 commercial communal de l’année 2017 en date du 17 mai 2021, non encore toisée par le directeur au moment où le bureau d’imposition a infligé une amende administrative à la demanderesse le 21 avril 2021 n’est pas pertinent dans le cadre de l’appréciation de la consommation de l’élément matériel.

En effet, l’élément déterminant, en l’espèce, porte sur la seule question de l’existence de montants d’impôts fixés par l’administration dans le bulletin d’établissement séparé et en commun et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, dont la notification régulière à la société X n’est pas contestée, qui seraient inférieurs à ceux qui auraient dû être fixés si la demanderesse, respectivement ladite société avaient fourni les renseignements qui auraient permis au fisc de dégager les bases d’imposition réelles. Dans l’affirmative, il y aurait diminution définitive des recettes fiscales, autrement dit un comportement du contribuable ayant provoqué (« bewirkt ») une diminution des recettes fiscales.

Cela étant, le tribunal constate que la partie étatique n’est pas fondée à soutenir qu’il y aurait eu diminution définitive des recettes fiscales en l’espèce.

En effet, le bulletin d’établissement séparé et en commun et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal émis à l’encontre de la société X en date du 4 novembre 2020 doivent être considérés comme reflétant une imposition des bases d’imposition de ladite société déterminée sans égard aux déclarations de celle-ci, dès lors que lesdits bulletins contiennent une liste de tous les frais non admis en déduction et réintégrés dans la base imposable de la société X par le bureau d’imposition Luxembourg …. Ledit bureau d’imposition n’a ainsi justement pas tenu compte des observations faites par la société X dans le cadre de la procédure d’instruction et plus particulièrement dans le cadre du § 205, alinéa (3) AO, et a pu procéder à une imposition sans tenir compte des déclarations de la demanderesse ayant pu, le cas échéant, tendre à obtenir des avantages fiscaux indus. Il est rappelé, dans ce contexte, que la seule remise d’une déclaration fiscale n’emporte pas la consommation de l’élément matériel de l’infraction de fraude fiscale simple.

Il s’ensuit qu’aucun impôt moindre n’a été fixé par rapport à celui qui aurait dû être fixé, sans l’adoption du comportement de la demanderesse, respectivement de la société X.

L’affirmation de la demanderesse, respectivement de la société X figurant dans la réclamation introduite le 26 janvier 2021 à l’encontre des deux bulletins précités ne constitue, dès lors pas un « aveu » de nature à démontrer l’existence d’une diminution de recettes fiscales, d’autant plus définitive, mais doit être comprise comme une volonté de limiter l’objet de ladite réclamation de leur propre initiative, tel que la loi le permet.

En effet, conformément au § 249, alinéa (4) qui dispose que « Bei der Einlegung soll die Entscheidung bezeichnet werden, gegen die das Rechtsmittel gerichtet ist. Es soll angegeben werden, inwieweit die Entscheidung angefochten und ihre Aufhebung beantragt wird. Ferner sollen die Tatsachen, die zur Begründung dienen, und die Beweismittel angeführt werden. »16, le fait pour la demanderesse, respectivement la société X d’avoir indiqué, en substance, ne pas réclamer la déduction intégrale des frais d’un montant de … euros initialement déclarés comme tels dans sa déclaration fiscale, mais de n’en réclamer la déduction 16 Souligné par le tribunal.

13 qu’à hauteur de … euros, doit s’entendre comme un acquiescement de la décision déférée au directeur, en l’occurrence des bulletins d’imposition émis à l’encontre de la société X en date du 4 novembre 2020, autrement dit à une absence de contestation desdits bulletins sous ce volet, et non pas comme un « aveu » d’une diminution des recettes fiscales à travers la déclaration erronée, intentionnelle ou non, de frais. Cette limitation de la portée de la réclamation par la demanderesse ne remet d’ailleurs pas en cause l’obligation pour le directeur de réexaminer d’office l’intégralité de l’imposition lui soumise à travers ladite réclamation, en faveur et en défaveur, conformément aux §§ 243 et 244 AO.

Pour être complet, le tribunal tient à rappeler que la décision directoriale déférée est exclusivement fondée sur le § 396, alinéa (1) AO, et non pas également sur le § 397 AO, alinéas (1) et (2) AO, de sorte que le tribunal ne se trouve pas saisi de la question de la consommation de l’élément matériel au regard de cette dernière disposition.

A défaut d’autres éléments, le tribunal retient que la condition tenant à l’existence d’un comportement de la demanderesse ayant provoqué une diminution des recettes fiscales ne se trouve pas vérifiée en l’espèce, de sorte qu’au moins une des conditions cumulatives visées au § 396, alinéa (1) AO fait défaut, en l’occurrence l’élément matériel.

C’est, dès lors, à tort que le bureau d’imposition, suivi par le directeur, ont infligé une amende administrative à la demanderesse sur base de cette disposition pour fraude fiscale simple, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur la question du caractère intentionnel du comportement adopté par la demanderesse, cet examen devenant surabondant.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer fondé et la décision directoriale déférée du 11 novembre 2021 est, en conséquence, à réformer en ce sens que la demanderesse est à relever de l’amende de … euros prononcée à son encontre par le bureau d’imposition en date du 21 avril 2021 sur le fondement du § 396, alinéa (1) AO.

III) Quant à l’indemnité de procédure La demande d’indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros formulée par la demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, encourt le rejet à défaut d’explications de la demanderesse quant aux raisons pour lesquelles il serait inéquitable laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit ledit recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare fondé ;

partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 11 novembre 2021 (C 29418), dit que la demanderesse est à relever de l’amende s’élevant à … euros lui infligée par le bureau d’imposition en date du 21 avril 2021 ;

14 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46968
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-10;46968 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award