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09/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50673

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2024, 50673


Tribunal administratif N° 50673 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50673 4e chambre Inscrit le 2 juillet 2024 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50673 du rôle et déposée le 2 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocain...

Tribunal administratif N° 50673 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50673 4e chambre Inscrit le 2 juillet 2024 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50673 du rôle et déposée le 2 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 5 juin 2024, erronément attribuée au « ministre de l’Immigration et de l’Asile », ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Naïma EL HANDOUZ s’étant excusée.

___________________________________________________________________________

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Capitale, Commissariat Luxembourg - Groupe Gare, en date du 23 décembre 2020, référencé sous le numéro R55770, que le même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il ne put présenter de documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté ministériel du 24 décembre 2020, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans à son égard à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Capitale, Commissariat Luxembourg Gare, du 9 janvier 2021, référencé sous le numéro JDA 2021/86671/2, que le même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il ne put toujours pas présenter de documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également le 9 janvier 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, mesure qui fut prorogée par des arrêtés successifs des 9 février et 9 mars 2021.

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Suite à l’acceptation de la demande de reprise en charge de la part des autorités allemandes en date du 18 janvier 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile décida, en date du 26 janvier 2021, de transférer Monsieur … vers l’Allemagne.

Par arrêté du 11 février 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile rapporta l’interdiction de territoire prise à l’encontre de Monsieur ….

Monsieur … fut transféré vers l’Allemagne le 9 avril 2021.

Suivant relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 19 avril 2021, Monsieur … fit l’objet d’un mandat d’amener, sa libération étant intervenue le 20 avril 2021.

Suivant relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 28 mars 2022, Monsieur … fit l’objet d’un mandat de dépôt dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen.

Suivant acte d’écrou du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 9 août 2023, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 3 ans. La fin de peine ayant initialement été fixée au 12 mars 2025, fut refixée, suivant acte d’écrou du Centre pénitentiaire du 30 janvier 2024, au 10 avril 2024.

Par arrêté du 8 avril 2024, notifié à l’intéressé le 10 avril 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier et ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié également à l’intéressé le 10 avril 2024, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois, ledit arrêté étant basé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Le recours contentieux introduit par Monsieur … en date du 25 avril 2024, contre ledit arrêté ministériel du 8 avril 2024, fut rejeté pour ne pas être fondé par un jugement du tribunal administratif du 30 avril 2024, inscrit sous le numéro 50372 du rôle.

Par arrêté du 8 mai 2024, notifié à l’intéressé le 10 mai 2024, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois.

Par arrêté du 5 juin 2024, notifié à l’intéressé le 10 juin 2024, le ministre prorogea encore le placement en rétention de Monsieur … pour la durée d’un mois à compter de la notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 8 avril et 8 mai 2024, notifiés le 10 avril respectivement le 10 mai 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 8 avril 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 5 juin 2024.

Étant donné que l’article 123, paragraphe (1) de loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur rappelle les faits et rétroactes retracés ci-avant.

En droit, et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme dernière solution, alors que celui-ci porterait atteinte à la liberté de mouvement. Il reproche à l’arrêté ministériel de ne pas être motivé à suffisance, respectivement de contenir une motivation stéréotypée, non individualisée ne documentant pas les diligences déjà entreprises par les autorités ministérielles.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, partant à une mesure privative de liberté, devrait rester exceptionnelle.

Il en déduit, en substance, que le ministre aurait dû recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (« SHUK »).

Le demandeur reproche encore un manque de diligences au ministre, tant au moment du placement initial que lors de la décision de prorogation de la mesure de placement. Il serait, ainsi, manifeste en cause que le ministre n’aurait pas renseigné quelles démarches auraient été entreprises afin de permettre son éloignement, qu’il serait en défaut de mettre en œuvre les diligences nécessaires afin d’écourter son maintien en rétention et que l’absence de démarches au moment du placement initial et a fortiori lors de la prolongation de ladite mesure par le ministre ne permettrait pas d’envisager un éloignement rapide dans son chef, de sorte que le ministre n’aurait pas été suffisamment diligent quant à la durée de sa rétention.

Le demandeur estime encore que le dispositif d’éloignement n’aurait aucune chance d’aboutir puisque le ministre se contenterait d’envoyer des rappels aux autorités consulaires.

Il conclut dès lors à l’illégalité de son maintien au Centre de rétention, de sorte que sa libération immédiate serait à ordonner.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

S’agissant, d’abord, de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 8 avril 2024, se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg. A cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, de sorte qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1.

de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, le demandeur n’ayant toujours pas soumis un quelconque élément pertinent de nature à renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

S’agissant, ensuite, de l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal rappelle que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il n’est, en effet, pas contesté qu’il ne dispose ni d’une adresse légale ni d’une quelconque autre attache privée ou familiale au Luxembourg, ni de documents d’identité et de voyage en cours de validité, de sorte qu’une assignation à résidence à la SHUK, tel qu’envisagé par le demandeur, ne serait pas concevable, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante. Enfin, le demandeur n’affirme pas être en mesure de verser une garantie financière de cinq mille euros.

A défaut de circonstance avancée par le demandeur pour énerver actuellement ce constat, il y a lieu de retenir que l’intéressé n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

Pour autant que le demandeur a entendu soulever une violation de l’article 5 de la CEDH par sa référence au droit à la liberté consacré par ledit article, il y a lieu de rappeler 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…) f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et dans la mesure où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne, ensuite, les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il convient, en premier lieu, de souligner, que si le demandeur semble certes reprocher à l’autorité ministérielle de ne pas avoir entrepris de telles démarches « au moment », soit avant-même la prise de décision de placement initiale du 8 avril 2024, décision d’ailleurs non visée par le présent recours, il reste toutefois en défaut d’invoquer une quelconque base légale à l’appui de ses affirmations, étant encore relevé qu’il n’existe en tout état de cause aucune disposition légale qui imposerait au ministre d’entamer de telles démarches préalables à une décision de placement en rétention.

Le tribunal relève ensuite qu’il a retenu dans son jugement précité du 30 avril 2024 que les autorités ministérielles avaient accompli les démarches en vue de l’identification et de l’éloignement subséquent de Monsieur … avec la diligence légalement requise. A travers le recours sous examen, le tribunal n’est donc saisi que de la décision du ministre ayant prorogé pour la deuxième fois la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient uniquement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Force est à cet égard de constater qu’il ressort du dossier administratif versé en cause que par courriers des 2 et 17 mai 2024, l’agent ministériel en charge du dossier s’est à nouveau adressé au Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège pour se renseigner sur l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur. Par courrier du 22 mai 2024, les autorités consulaires marocaines ont indiqué à leurs homologues luxembourgeois qu’elles seraient dans l’attente des résultats de la demande d’identification de Monsieur … adressée aux autorités marocaines compétentes le 15 avril 2024 et qu’elles ne manqueraient pas de les tenir informées « (…) dès possession des éléments de réponse qui [leur] seront 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 et les autres références y citées.

communiqués par lesdites [a]utorités compétentes (…) ». Par courriers des 6 et 20 juin 2024, les autorités luxembourgeoises ont, à nouveau, relancé les autorités consulaires marocaines, lesquelles ont fait suite le 27 juin 2024 en indiquant à leurs homologues luxembourgeois que la demande d’identification est toujours en cours auprès des autorités marocaines compétentes, tout en leur assurant qu’elles ne manqueront pas de les tenir informé des suites y réservées.

Au vu des démarches ainsi entreprises par les autorités ministérielles luxembourgeoises, actuellement tributaires de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal est amené à conclure qu’en l’état actuel du dossier et au vu des éléments soumis à son appréciation, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Contrairement à l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement de l’intéressé demeure une perspective raisonnable notamment au vu de l’existence d’un échange de communications au sujet de l’intéressé entre les autorités luxembourgeoises et marocaines, de sorte qu’il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant d’ores et déjà de conclure que les autorités marocaines ne collaboreraient pas avec les autorités luxembourgeoises et que l’éloignement de l’intéressé ne puisse pas être mené à bien.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation de placement en rétention litigieuse n’est ni injustifiée, ni disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé en tous ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2024 par :

Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 50673
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-09;50673 ?

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