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09/07/2024 | LUXEMBOURG | N°49148

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2024, 49148


Tribunal administratif N° 49148 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49148 3e chambre Inscrit le 7 juillet 2023 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49148 du rôle et déposée le 7 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée FM AVOCAT SARL, établie et ayant son siège social à L-1626 Luxembourg, 8, rue des G

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Tribunal administratif N° 49148 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49148 3e chambre Inscrit le 7 juillet 2023 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49148 du rôle et déposée le 7 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée FM AVOCAT SARL, établie et ayant son siège social à L-1626 Luxembourg, 8, rue des Girondins, inscrite sur la liste V auprès du Barreau de Luxembourg et sous le numéro B 245.686 auprès du Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, représentée aux fins de la présente par Maître Frédéric MIOLI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à B-…, (Belgique), …, ayant, au moment de l’introduction du recours, été retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 mai 2023 déclarant irrégulier son séjour sur le territoire luxembourgeois et prononçant à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois d’une durée de cinq ans ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2023 ;

Vu le courrier électronique du 11 janvier 2024 de Maître Frédéric MIOLI, préqualifié, par lequel il informe le tribunal du dépôt de son mandat ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 25 juin 2024.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat Porte du Sud, du 22 mai 2023, référencé sous le numéro …, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle effectué par l’Inspection du Travail et des Mines pour travail clandestin, au cours duquel il ne put présenter de titre de séjour, mais fut en mesure de présenter une carte d’identité albanaise en cours de validité. Il informa les agents qu’il disposait d’un passeport albanais en cours de validité à son domicile.

Par décision du 22 mai 2023, notifiée à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire 1sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, décision motivée comme suit :

« […] Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le procès-verbal n°… du 22 mai 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité ;

Considérant que n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Arrête:

Art. 1er.- Le nommé …, né le … à …, de nationalité albanaise, est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Art. 2.- L’intéressé devra quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, l’Albanie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Art. 3.- Copie du présent arrêté est remise à l’intéressé.

Art. 4- Une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans est prononcée à l’égard de l’intéressé à partir de la sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de la sortie de l’espace Schengen. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2023, inscrite sous le numéro 49148 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 22 mai 2023 déclarant irrégulier son séjour sur le territoire luxembourgeois et prononçant à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois d’une durée de cinq ans.

Dans la mesure où l’article 113 de la loi du 29 août 2008 prévoit un recours en annulation à l’encontre des décisions du ministre constatant l’irrégularité du séjour sur le territoire luxembourgeois, comportant l’ordre de quitter ledit territoire et étant assorties d’une interdiction d’entrée sur ledit territoire, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle litigieuse.

Le tribunal est partant incompétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal.

Il est en revanche compétent pour statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation introduit à titre subsidiaire, force est de constater que par courrier électronique du 11 janvier 2024, le litismandataire du demandeur a informé le tribunal, qu’il n’avait plus mandat dans l’affaire introduite par ses soins.

2 Par courrier recommandé daté du 11 janvier 2024, envoyé le même jour à l’adresse de Monsieur … à …, ce dernier a été informé par les soins du greffe du tribunal administratif que son avocat n’avait plus mandat dans la présente affaire, qu’il était en conséquence obligé de confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour, que son affaire paraîtrait pour fixation à l’audience publique du 6 février 2024 et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquerait d’être rejeté pour défaut d’intérêt. L’avis de réception en relation avec le courrier recommandé envoyé à Monsieur … a été retourné au tribunal le 31 janvier 2024 avec la mention « non réclamé ».

Par courrier recommandé du 10 juin 2024, toujours envoyé à l’adresse de Monsieur … à …, le greffe du tribunal administratif lui adressa une convocation pour l’audience publique du 25 juin 2024. L’avis de réception en relation avec ce même courrier recommandé a été retourné au tribunal le 28 juin 2024 avec la mention « non réclamé ».

Par courrier simple du 11 juin 2024, également envoyé à la même adresse en Belgique, Monsieur … fut de nouveau rendu attentif au fait que son avocat n’avait plus mandat dans la présente affaire, qu’il était en conséquence obligé de confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour, que son affaire paraîtrait pour plaidoiries à l’audience publique du 25 juin 2024 et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquerait d’être rejeté pour défaut d’intérêt.

Comme le demandeur n’a donné aucune suite à ces trois courriers du tribunal administratif et à défaut de constitution d’un nouvel avocat à la Cour dans le cadre de l’affaire sous analyse, le tribunal a soulevé d’office à l’audience publique du 25 juin 2024 la question du maintien d’un intérêt à agir dans le chef du demandeur, et ce, conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », l’intérêt à agir s’analysant, en effet, en question d’ordre public.1 A cet égard, il échet en effet de rappeler que si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action doit être vérifié au jour du jugement2 sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, les juridictions administratives n’ayant pas été instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations3, ainsi que sous peine le cas échéant, outre d’encombrer le rôle des juridictions administratives, d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de se justifier inutilement devant les juridictions administratives et en exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier.

Or, la première personne à déterminer s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite est 1 Cour adm. 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.

2 Michel Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, p. 494.

3 Trib. adm. 14 janvier 2009, n° 22029 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 65 et les autres références y citées.

3le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande : non seulement il estime qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés, mais il considère que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

Si cette volonté vient à disparaître en cours de procès, il n’est potentiellement plus satisfait à la condition qui doit être remplie en tout premier lieu pour que l’on puisse admettre que la partie litigante conserve effectivement un intérêt concret et personnel à faire statuer sur la demande qu’elle a introduite. Cette première condition n’étant plus remplie, il y a lieu d’en conclure que le recours n’est plus recevable en raison de la disparition de l’intérêt requis en droit.

Or, le défaut de volonté de maintenir une demande peut résulter de la persistance avec laquelle le justiciable s’abstient de toute marque d’intérêt pour le déroulement du procès qu’il a engagé4. Cette absence de toute marque d’intérêt constitue dès lors un motif suffisant pour décider que l’intérêt requis en droit pour obtenir une décision sur la demande n’existe plus et qu’à défaut de cet intérêt, le recours doit être rejeté comme n’étant plus recevable.

En l’espèce, et tel que relevé ci-avant, il échet de constater d’une part, que le litismandataire ayant introduit le recours sous analyse au nom et pour le compte de Monsieur … a informé le tribunal en date du 11 janvier 2024 qu’il n’avait plus mandat dans cette affaire, et, d’autre part, qu’il n’y a, par la suite, jamais eu de reprise de mandat, ni de constitution de nouvel avocat à la Cour en conformité avec les articles 5, paragraphe (5) et 10 de la loi du 21 juin 1999.

Ensuite, il y a lieu de rappeler que les courriers recommandés envoyés par le greffe du tribunal administratif les 11 janvier et 10 juin 2024, par le biais desquels le demandeur a été invité, suite au dépôt du mandat de Maître Frédéric MIOLI, à confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour au risque de voir le cas échéant rejeter le recours sous analyse pour défaut d’intérêt à agir dans son chef, respectivement convoqué à l’audience des plaidoiries, ont été retournés au tribunal avec la mention « non réclamé », tandis que la missive envoyée par courrier simple le 11 juin 2024 est, quant à elle, restée sans suites.

Au vu de ces circonstances et dans la mesure où le demandeur a omis de donner le moindre signe de vie, voire de communiquer, le cas échéant, au ministère ou même directement au tribunal ses éventuelles nouvelles coordonnées, tout en s’abstenant de se manifester personnellement ou bien par le biais d’un nouveau mandataire auprès du tribunal pour connaître l’état de la procédure y actuellement pendante, il n’a, en agissant de la sorte, pas témoigné le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance qu’il a mue par sa requête du 7 juillet 2023, de sorte que le recours doit être rejeté pour perte d’intérêt à agir.

Bien que le dernier avocat constitué ait, en l’espèce, déposé son mandat après l’introduction de la requête introductive d’instance pour compte du destinataire de l’acte 4 Voir notamment Conseil d’Etat belge, 6 avril 1982, n° 22183.

4administratif attaqué, le présent jugement est néanmoins rendu contradictoirement entre parties5.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation ;

rejette le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 5 En ce sens : trib. adm., 24 janvier 2000, n° 11558 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 995 et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49148
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-09;49148 ?

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