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09/07/2024 | LUXEMBOURG | N°47949

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2024, 47949


Tribunal administratif N° 47949 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47949 3e chambre Inscrit le 16 septembre 2022 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par la société anonyme SOCIETE A SA, …, contre trois décisions du Syndicat intercommunal du Centre pour la Conservation de la Nature (SICONA Centre) en présence de la société anonyme SOCIETE B SA, …, et de la société à responsabilité limitée SOCIETE C SARL, … en matière de marchés publics

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JUGEMENT<

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Vu la requête inscrite sous le numéro 47949 du rôle et déposée le 16 septembre 2022 ...

Tribunal administratif N° 47949 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47949 3e chambre Inscrit le 16 septembre 2022 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par la société anonyme SOCIETE A SA, …, contre trois décisions du Syndicat intercommunal du Centre pour la Conservation de la Nature (SICONA Centre) en présence de la société anonyme SOCIETE B SA, …, et de la société à responsabilité limitée SOCIETE C SARL, … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47949 du rôle et déposée le 16 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société anonyme SOCIETE A SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation, sinon à l’annulation de :

1) « la décision du Syndicat Intercommunal du Centre pour la Conservation de la Nature SICONA-Centre du 26 janvier 2022 portant adjudication à l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C de la soumission publique relative à la restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à …, 2) la décision du Syndicat Intercommunal du Centre pour la Conservation de la Nature SICONA-Centre d’écarter l’offre de la recourante dans le cadre de la prédite soumission, décision communiquée par courrier daté du 3 mars 2022 reçu le 4 mars 2022, 3) la décision du Syndicat Intercommunal du Centre pour la Conservation de la Nature SICONA-Centre de rejeter la réclamation de la recourante et donc de confirmer l’adjudication du marché en question à l’association momentanée SOCIETE B-

SOCIETE C, intervenue par courrier daté du 8 juillet 2022 reçu par la recourante le 11 juillet 2022 » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Marine HAAGEN, en remplacement de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 10 octobre 2022, portant signification de ce recours à 1) l’établissement public SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU CENTRE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE (SICONA-Centre), établi et ayant son siège social à L-7556 Mersch, Place St. Michel, inscrit au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J139, représenté par ses organes statutaires actuellement en fonctions et 2) la société anonyme SOCIETE B SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de 1 Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, du 12 octobre 2022, portant signification du prédit recours à la société à responsabilité limitée SOCIETE C SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU CENTRE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE (SICONA-Centre), du 14 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2022 par Maître Steve HELMINGER, au nom du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU CENTRE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE (SICONA-Centre), préqualifié ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2023 par Maître James JUNKER, au nom de la société anonyme SOCIETE A SA, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, au nom du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU CENTRE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE (SICONA-Centre), préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître David ONIARCI, en remplacement de Maître James JUNKER et Maître Steve HELMINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2024.

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Par avis de marché daté du 8 septembre 2021, l’établissement public SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU CENTRE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE (SICONA-Centre), ci-après désigné par le « SICONA-Centre », annonça l’ouverture d’une procédure de soumission publique en vue de l’attribution du marché public relatif aux travaux de restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à ….

La société anonyme SOCIETE A SA, ci-après désignée par « la société SOCIETE A », ainsi que l’association momentanée constituée de la société anonyme SOCIETE B SA et de la société à responsabilité limitée SOCIETE C SARL, ci-après désignées ensemble par « l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C », entre autres concurrents, déposèrent une offre.

Suite à l’ouverture des offres en date du 11 octobre 2021, le bureau du SICONA-Centre décida, dans sa séance du 26 janvier 2022, d’attribuer le marché à l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C, dans les termes suivants :

« […] Vu l’appel d’offres publié en date du 8 septembre 2021 sur le site www.marchés-

publics.lu sous la référence 2101773 et dans la presse quotidienne portant sur des travaux de 2 restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à … par voie de procédure ouverte ;

Vu les trois dossiers de soumission remis par les candidats SOCIETE A S.A., A.M.

SOCIETE B-SOCIETE C et SOCIETE D S.à r.l. constatés par procès-verbal lors de l’ouverture de la soumission publique en date du 11 octobre 2021 ;

Considérant le rapport d’évaluation des offres, dressé par le bureau d’études … ;

Considérant que l’offre du soumissionnaire SOCIETE D S.à r.l. a été écartée pour non-

remise de prix unitaires sur certaines positions ;

Considérant que l’offre de l’entreprise SOCIETE A S.A. a été écartée pour non-

conformités au cahier des charges et au bordereau de soumission par la fourniture de pierres non-conformes et un prix, en ce qui concerne le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, jugé anormalement bas, ne tenant pas compte de la complexité et de la durée la tâche demandée ;

Considérant que la seule offre conforme aux prescriptions techniques est celle du soumissionnaire A.M. SOCIETE B-SOCIETE C ;

à l’unanimité des voix, décide :

d’attribuer le marché public relatif à des travaux de restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à … à l’A.M. SOCIETE B-SOCIETE C […] ».

Le SICONA-Centre informa la société SOCIETE A que son offre n’avait pas été retenue par courrier daté du 3 mars 2022 et formulé comme suit :

« […] Conformément à l’article 97 alinéa (2) du règlement grand-ducal du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, nous avons le regret de vous informer que le bureau du syndicat a décidé de ne pas faire usage de votre offre. Celle-ci n’est pas conforme au cahier des charges et au bordereau de soumission en ce qui concerne les positions 3.1, par la fourniture de pierres non-conformes à un prix anormalement bas et 3.2 en ce qui concerne le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, annoncé à un prix anormalement bas ne tenant pas compte de la complexité et de la durée la tâche demandée.

Conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’État et des communes, il vous est loisible de présenter vos observations au bureau. […] ».

Par courrier adressé le 18 mars 2022 au SICONA-Centre, la société SOCIETE A contesta, par l’intermédiaire de son litismandataire, les motifs de rejet de son offre.

Par courrier de son litismandataire du même jour, la société SOCIETE A introduisit également une réclamation auprès de la Commission des soumissions.

3 En date du 25 avril 2022, la Commission des soumissions demanda au SICONA-Centre de la renseigner sur le déroulement de la procédure de mise en concurrence compte tenu des observations formulées par la société SOCIETE A.

Par courrier daté du 5 mai 2022, le SICONA-Centre adressa sa prise de position à la Commission des soumissions en ces termes :

« […] Dans le cadre de la soumission sous rubrique et suite à votre courrier du 25 avril 2022, nous tenons à vous faire part des suivantes explications concernant la saisie dont a fait l’objet votre commission par le conseil juridique de la société SOCIETE A S.A.

Le Bureau du SICONA-Centre a pris la décision en date du 26 janvier 2022 de ne pas faire usage de l’offre de la société SOCIETE A, sur la base du rapport d’évaluation des offres du Bureau d’études …, dont vous trouverez copie ci-joint. Cette décision a été communiquée, par lettre recommandé du 3 mars 2022 avec avis de réception, à la société susmentionnée.

Le rapport d’évaluation a identifié deux non-conformités dans l’offre d’SOCIETE A qui ont motivé la décision du bureau et qui ont fait l’objet d’une demande d’avis à votre commission (annexe 4 du rapport d’évaluation).

D’une part, la fourniture de pierres à un prix anormalement bas a été jugée non-

conforme. Le but de ce projet est de restaurer des murs en maçonnerie sèche en utilisant une pierre « conforme aux pierres utilisées sur le site afin que la reconstruction puisse se faire à l’identique » (dossier de soumission, p. 57). Afin de garantir cette reconstruction à l’identique « toute pierre devra être validée par la Direction des travaux » (idem). Le bordereau des prix précise, en son point 3.1, la fourniture de « pierres « Grès à Roseaux » similaire ou identique à faire valider par la Direction des travaux » (bordereau, p 13). De plus, le dossier demande que « les pierres seront du même gisement géologique que celles présentes, respectivement de gisement similaire ou identique » (dossier, p. 58).

Il est donc pris un soin particulier, dans les clauses du dossier, de permettre au pouvoir adjudicateur de trouver une offre qui rende possible la reconstruction à l’identique des murs à restaurer, en accordant, en toute fin de cause, le pouvoir de valider la pierre à utiliser à la Direction des travaux, en l’occurrence le SICONA-Centre, assisté par le Bureau ….

Les offres des entreprises SOCIETE B-SOCIETE C et SOCIETE A proposent deux pierres différentes de par leurs provenances géologiques et de par leurs aspects et caractéristiques. Ces différences, relevées par le Bureau … dans sa note explicative soumise à l’avis de votre commission, sont la raison pour laquelle la pierre proposée par SOCIETE A n’a pas été jugée conforme, car elle provient d’un gisement géologique ne pouvant être qualifié de similaire ou identique à celui du site de restauration. Son aspect est sensiblement divergeant des pierres existantes, état de fait confirmé par l’étude Juncker dans sa lettre du 18 mars 2022.

Dans son analyse du 7 avril 2022, jointe à la présente, le Bureau …, précise ses positions déjà émises dans son rapport d’évaluation et réfute les contestations de l’étude Juncker.

D’autre part, le travail manuel et le façonnage de la pierre brute ont été jugés non-

conformes, car annoncés à un prix anormalement bas ne tenant pas compte de la complexité et de la durée de la tâche demandée.

4 Le Bureau …, dans sa note explicative soumise à votre commission, postule, sur base d’expert, un rendement effectif de travail de 11,35 heures par m3 alors qu’SOCIETE A propose un rendement de +/- 1 heure de travail par m3. L’offre concurrente d’SOCIETE B-SOCIETE C admet un rendement effectif de 7,93 heures, tenant plus probablement compte de la complexité certaine et de la durée du travail de façonnage de la maçonnerie sèche demandées.

Cette différence s’explique par la pierre de qualité inférieure, proposée par SOCIETE A, provenant d’un gisement géologique différent et de l’ancienneté plus importante des pierres « Grès à Roseaux », proposées par l’offre concurrente et provenant d’un gisement se trouvant dans la continuité du site de restauration et pouvant ainsi être considéré similaire, voire identique.

Les deux points ainsi mis en exergue expliquent la différence de prix entre les offres, différence assez significative pour qualifier les prix proposés par SOCIETE A d’anormalement bas. En additionnant les points 3.1 et 3.2 du bordereau, SOCIETE A annonce un prix de 42.687,60€ alors que les concurrents proposent des prix de 130.070,00€ pour SOCIETE B-

SOCIETE C et 146.850,00€ pour SOCIETE D, plus de trois fois plus élevés.

Sur base de ce qui précède, nous sommes d’avis que la décision prise par le bureau de notre syndicat le 26 janvier 2022 est conforme aux clauses du dossier de soumission et légitime par rapport aux dispositions de la législation sur les marchés publics.

Dès lors, nous saurions grès à votre commission de bien vouloir abonder en notre sens dans cette affaire afin de permettre l’attribution, en toute légitimité, du marché sous rubrique à l’AM SOCIETE B-SOCIETE C dont l’offre a été jugée seule conforme au but poursuivi par le projet de restauration et aux clauses du dossier de soumission. […] ».

Suite à cette prise de position, la Commission des soumissions émit, en date du 13 juin 2022, un avis dans les termes suivants :

« […] La Commission des soumissions a été saisie d’une réclamation de la part de Maître James Junker, mandataire de la s.a. SOCIETE A en date du 18 mars 2022.

Cette réclamation fut analysée lors de la réunion de la Commission des soumissions du 23 mars 2022. Par la suite une prise de position fut sollicitée auprès du pouvoir adjudicateur, le SICONA-Centre.

Une prise de position de la part du SICONA-Centre fut émise en date du 5 mai 2022.

Il ressort des pièces transmises que la s.a. SOCIETE A s.a. aurait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse dans le cadre de la soumission pour les travaux sous rubrique, mais que son offre aurait été écartée (suivant courrier du 3 mars 2022) pour des raisons de non-conformité.

Concernant le motif de rejet relatif au prix anormalement bas concernant le travail manuel et le façonnage des pierres brutes, la Commission tient à préciser que le pouvoir adjudicateur dispose de la possibilité, en vertu de l’article 38 de la loi modifiée sur les marchés publics du 8 avril 2018 voire en vertu des articles 88 et 89 du règlement grand-ducal d’exécution du 8 avril 2018 de la loi sur les marchés publics, de solliciter une justification des prix en cas d’offres anormalement basses et de rejeter de telles offres. Bien qu’une analyse quant aux prix proposés ait été faite, notamment en recourant à des publications spécialisées 5 telles que le « Plümecke », la Commission des soumissions se demande si l’entreprise s.a.

SOCIETE A avait été invitée à prendre position avant la décision d’attribution tel que c’est exigé suivant le paragraphe 1er de l’article 38 de la loi précitée, voire par l’article 88 du règlement grand-ducal précité ou si c’était seulement par le biais de Me James Juncker après l’attribution du marché.

Concernant le motif de rejet d’offre relatif à la non-conformité de la pierre proposée par s.a. SOCIETE A, la Commission des soumissions se doit de rappeler la que dans des situations similaires, le Tribunal administratif a jugé qu’un soumissionnaire ne saurait dans un premier temps, participer sans réserves et sans émettre de quelconque réclamation, au marché litigieux, pour ensuite seulement, au vu du résultat négatif de sa soumission, remettre en cause l’une des conditions essentielles de participation au marché.

Sur base de ce raisonnement, le Tribunal administratif a retenu qu’un soumissionnaire « ne saurait opposer au pouvoir adjudicateur ayant retenu la non-conformité de son offre, une irrégularité du bordereau de soumission s’il n’a pas soulevé cette irrégularité au moment de la remise de l’offre dans la mesure où l’article 21 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 lui impose de signaler les ambiguïtés, erreurs et omissions immédiatement et, que de manière plus générale, la théorie de l’estoppel s’oppose à ce qu’il invoque des irrégularités affectant le bordereau de soumission, même au-delà du champ d’application de l’article 21 précité, une fois que les offres ont été analysées et une décision d’attribution du marché prise ».

Il est à préciser que l’article 21 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 mentionné ci-dessus a été repris en tant qu’article 39 du du règlement grand-ducal d’exécution du 8 avril 2018 de la loi sur les marchés publics.

La Commission des soumissions, à la lecture des exigences de la position 3.1. du bordereau de soumission relatives à la pierre à fournir et à la lecture des différentes pièces lui transmises relatives à l’analyse des pierres offertes, se demande cependant si la formulation de ces exigences était suffisamment précise et s’il était possible de déterminer avec exactitude quel gisement de pierre, voire quelle carrière était susceptible d’être définitivement déclaré conforme, le concept de « carrière de gisement local » étant au demeurant très vague.

La Commission des soumissions considère qu’il est dans une certaine mesure compréhensible que la s.a. SOCIETE A ait introduit une réclamation suite à la décision de rejet de son offre.

La Commission des soumissions donne à considérer, encore qu’elle se demande pour des travaux de restauration tels que ceux sous rubrique pour lesquels les responsables des travaux ont des conceptions très précises quant à la pierre à utiliser s’orientant à des pierres utilisées lors de la construction du mur, s’il n’était pas plus opportun que le pouvoir adjudicateur se procure directement la pierre appropriée par conclusion de marché auprès de l’exploitant de la carrière susceptible de fournir précisément cette pierre, et de mettre uniquement en soumission les travaux de pose de pierre.

Une telle démarche aurait par ailleurs l’avantage qu’il n’y aurait pas de discussion quant à la durée nécessaire pour tailler des différentes pierres, chaque soumissionnaire sachant quelle pierre serait à tailler. […] ».

6 Par courrier daté du 30 juin 2022, le litismandataire de la société SOCIETE A demanda notamment au SICONA-Centre de lui transmettre une copie du dossier relatif au marché en cause.

En date du 8 juillet 2022, le bureau du SICONA-Centre adressa un courrier en réponse au litismandataire de la société SOCIETE A en ces termes :

« […] Faisant suite à votre saisine de la commission des soumissions dans le dossier sous rubrique ainsi qu’à vos courriers du 18 mars et du 30 juin 2022, nous vous adressons, en annexe, copie du dossier relatif au marché public.

Suite à l’avis de la commission des soumissions du 13 juin 2022 nous sommes au regret de vous annoncer que nous ne pouvons pas donner suite à votre réclamation de voir le marché public précité attribué à la société SOCIETE A S.A.

Le dossier de soumission énonce clairement que le but de ce projet est de restaurer des murs en maçonnerie sèche en utilisant une pierre « conforme aux pierres utilisées sur le site afin que la reconstruction puisse se faire à l’identique ». Afin d’arriver à ce but, le dossier laisse le pouvoir de valider la pierre à utiliser à la Direction des travaux afin de trouver une pierre qui soit du « même gisement géologique que celles présentes, respectivement de gisement similaire ou identique ». La pierre que propose votre mandante a été jugée non-conforme à ces critères établis dans le dossier de soumission.

Le prix du travail manuel de façonnage de la pierre a été jugé anormalement bas car ne tenant pas compte de la complexité et de la durée de la tâche demandée pour le type de restauration visée.

Ceci est avancé par Plümecke, la référence en matière de travaux de construction, qui avance des taux horaires nettement supérieurs à celui annoncé par votre mandante.

Vous trouverez tous les détails étayant notre décision de pas faire usage de l’offre de votre mandante dans l’analyse des offres dans le dossier annexé. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2022, inscrite sous le numéro 47949 du rôle, la société SOCIETE A fit introduire un recours tendant principalement et par réformation, « à adjuger à la société SOCIETE A la soumission publique » et à titre subsidiaire, à l’annulation de « la décision du […] SICONA-Centre du 26 janvier 2022 portant adjudication à l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C de la soumission publique relative à la restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à … », « la décision du […] SICONA-Centre d’écarter [son] offre », communiquée par courrier daté du 3 mars 2022 et « la décision du […] SICONA-Centre de rejeter [sa] réclamation […] intervenue par courrier daté du 8 juillet 2022 ».

A titre liminaire, le tribunal constate que la requête introductive d’instance a été signifiée à la société anonyme SOCIETE B SA et à la société à responsabilité limitée SOCIETE C SARL, préqualifiées, en date respectivement des 10 octobre et 12 octobre 2022. Si ces dernières n’ont pas constitué avocat, il n’en demeure pas moins qu’en application de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’un jugement contradictoire.

7 I. Quant à la compétence du tribunal Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, étant rappelé à cet égard que le tribunal administratif, au-delà de sa compétence de droit commun lui permettant d’annuler l’attribution d’un marché qu’il estime illégale, est incompétent pour attribuer le marché à un soumissionnaire1.

Le tribunal est dès lors incompétent pour connaître du recours principal en réformation et de la demande de la société SOCIETE A tendant à se voir déclarer adjudicataire du marché litigieux.

II. Quant à la recevabilité du recours Le SICONA-Centre se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours quant à la forme et au délai, ainsi qu’à l’intérêt à agir de la société demanderesse.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation2, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions3. Dès lors et étant donné que le SICONA-Centre est resté en défaut d’expliquer dans quelle mesure le recours serait irrecevable quant au délai et aux formes, respectivement pour quelles raisons, la société SOCIETE A, en tant que soumissionnaire écarté, n’aurait pas intérêt à agir à l’encontre d’une décision attribuant le marché à un concurrent, ses contestations afférentes encourent le rejet.

Le recours en annulation est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

III. Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son recours, et après avoir passé en revue les faits et rétroactes de l’affaire tels que repris ci-avant, la société demanderesse conclut à l’annulation des décisions litigieuses en faisant valoir (i) qu’elle aurait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base du prix, critère d’attribution qui aurait été retenu par le pouvoir adjudicateur, (ii) que son offre aurait été en tous points conforme au cahier des charges et (iii) que le SICONA-Centre aurait attribué à tort le marché en cause à l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C.

Elle conteste en particulier toute non-conformité de son offre et tout prix anormalement bas en relation avec les positions 3.1 et 3.2 du bordereau des prix unitaires.

1 Trib. adm., 2 février 2000, n° 11029 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Marchés publics, n° 229 et l’autre référence y citée.

2 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

8 Pour étayer son argumentation, la société demanderesse expose en premier lieu qu’il n’existerait pas de carrières d’extraction de pierres en « Grès à Roseaux » au Grand-Duché de Luxembourg, c’est-à-dire de source locale, ce qui serait confirmé tant par un e-mail de Monsieur …, géologue auprès du service géologique de l’Etat, daté du 14 mars 2022, que par le document intitulé « Extraction historique et actuelle de matières premières4 ». Après avoir déduit de ces affirmations qu’il aurait été impossible de proposer, dans le cadre du marché litigieux, une pierre en « Grès à Roseaux » provenant d’une carrière d’un gisement local, la société demanderesse ajoute que les murs à restaurer dateraient de plus d’une centaine d’années et n’auraient pas eux-mêmes été construits avec des pierres en « Grès à Roseaux », mais « avec des pierres situées à proximité immédiate ».

Elle affirme ensuite que la position 3.1 du bordereau de soumission aurait exigé des pierres à bâtir « en état brut » et que l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C aurait proposé des pierres en « Grès de Gilsdorf », provenant de la carrière de la société anonyme SOCIETE E SA, ci-après désignée par « la société SOCIETE E », à Gilsdorf, à un prix unitaire fournisseur de 90,19 euros la tonne. Or, suivant la liste des prix établie par la société SOCIETE E, le « Grès de Gilsdorf » ne serait pas produit en « pierre brute », mais seulement en plaquettes, pierres de parement ou « pierres choisies », c’est-à-dire en « pierres taillées beaucoup plus régulières ». Selon la société SOCIETE A, le fait d’acheter des « pierres choisies », qui seraient donc déjà travaillées et taillées, n’aurait eu aucun sens en l’espèce « puisqu’il s’agirait de détruire le travail de taille pour essayer de retrouver des pierres ressemblant à des « pierres brutes » ». Les « pierres choisies » en « Grès de Gilsdorf » proposées par la société SOCIETE E coûteraient en outre 260 euros par palette, ce qui correspondrait à un prix de près de 153 euros la tonne, prix fournisseur hors TVA. Ce prix serait sans commune mesure avec le prix de 90,19 euros proposé par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C dans son offre. La société SOCIETE A en déduit que le « Grès de Gilsdorf » ne serait ni vendu au Luxembourg en « pierre brute », comme cela aurait été demandé dans le dossier de soumission, ni au prix proposé par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C, anomalies qui auraient échappé au SICONA-Centre. Elle en conclut que l’offre de ladite association momentanée n’aurait pas été conforme aux documents de marché et aurait par conséquent dû être rejetée.

La société SOCIETE A fait valoir en troisième lieu que le bordereau de soumission aurait permis de proposer des pierres locales identiques ou similaires au « Grès à Roseaux ».

En l’absence de disponibilité de pierres en « Grès à Roseaux » au Grand-Duché de Luxembourg et au vu du nombre limité de sites locaux d’extraction de pierres, elle aurait proposé de restaurer les murs litigieux à l’aide de pierres en « Grès d’Ernzen », issues de la carrière exploitée par la société SOCIETE E à Ernzen. Le « Grès d’Ernzen » proviendrait bien d’un gisement local, dans la mesure où la carrière d’Ernzen serait située à moins d’une vingtaine de kilomètres du site « … ». Il s’y ajouterait que les pierres en « Grès d’Ernzen » seraient, parmi les pierres locales, celles qui présenteraient des qualités similaires au « Grès à Roseaux » et seraient par conséquent conformes à la position 3.1 du dossier de soumission. La société demanderesse ajoute que le « Grès d’Ernzen » serait parfaitement adapté au marché en cause « car la pierre prendra en outre avec le temps une coloration qui permettra de ne plus la distinguer des pierres existantes5 ».

S’agissant du motif de rejet de son offre lié au caractère anormalement bas du prix proposé par ses soins pour la position 3.1 du bordereau de soumission, la société demanderesse soutient que le prix en question, s’il est certes inférieur à celui des autres offres, s’expliquerait 4 Pièce n°15 de Maître James JUNKER.

5 Page 5 de la requête introductive d’instance.

9 par la proximité de la carrière de la société SOCIETE E, laquelle se trouverait à moins de vingt kilomètres du site litigieux, ce qui permettrait « de réduire de façon drastique les frais de déplacement des pierres et donc le coût des travaux6 ».

La société demanderesse conteste finalement le caractère anormalement bas du prix proposé dans son offre pour la position 3.2 du dossier de soumission, à savoir pour le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, en expliquant que les pierres en « Grès d’Ernzen » présenteraient l’avantage de pouvoir être taillées plus facilement que d’autres pierres qui seraient plus dures comme les dolomies ou schistes. En se basant à nouveau sur le document intitulé « Extraction historique et actuelle de matières premières », elle fait encore valoir dans ce contexte que les pierres en « Grès d’Ernzen » (i) ne présenteraient pas une qualité moindre par rapport aux exigences du pouvoir adjudicateur et (ii) dateraient de 200 à 210 millions d’années, tandis que les pierres en « Grès à Roseaux » dateraient de la période Keuper, soit de 220 millions d’années, et le « Grès dolomitique », dont ferait partie le « Grès de Gilsdorf », de 230 millions d’années.

Dans son mémoire en réplique, outre de se référer aux développements figurant dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse insiste sur le fait que les représentants de la société SOCIETE E, auprès desquels elle aurait demandé conseil dans le cadre de la préparation de son offre, lui auraient indiqué que les pierres en « Grès de Gilsdorf » ne seraient pas disponibles en « pierres brutes », donc non taillées. Cet élément ressortirait à nouveau de la liste des prix de la société SOCIETE E, laquelle indiquerait que les pierres de type « Grès de Gilsdorf » seraient uniquement disponibles en pierres taillées, à savoir plaquettes, parements et pierres choisies grand ou petit modèle. La rubrique « Autres produits » contenue dans cette liste renseignerait de surcroît que seules les pierres de type « Grès d’Ernzen » ou « Dolomit Stein Sülm », à l’exclusion des pierres de type « Grès de Gilsdorf », seraient disponibles en « pierres brutes ». La société SOCIETE A en conclut que l’association momentanée SOCIETE B-

SOCIETE C n’aurait pas été en mesure de proposer des « pierres brutes » en « Grès de Gilsdorf », étant donné que de telles pierres ne seraient pas mises en vente sous cette forme par la société SOCIETE E.

La société SOCIETE A ajoute par ailleurs que la Commission des soumissions se serait, à juste titre, demandée dans son avis du 13 juin 2022 « si l’entreprise s.a. SOCIETE A avait été invitée à prendre position avant la décision d’attribution telle que c’est exigé suivant le paragraphe 1er de l’article 38 de la loi [du 8 avril 2018 sur les marchés publics], voire par l’article 88 du Règlement grand-ducal [du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics] ou si c’était seulement par le biais de Me James Junker après l’attribution du marché. ».

Elle demande finalement à ce qu’il soit enjoint au SICONA-Centre, sinon à la société SOCIETE B, préqualifiée, de « verser aux débats la preuve de commande et la facture de SOCIETE E concernant la fourniture des prétendues pierres de type-Grès de Gilsdorf ».

Le SICONA-Centre conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal 6 Page 6 de la requête introductive d’instance.

10 A titre liminaire, le tribunal relève que, saisi d’un recours en annulation, il vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Il n’incombe en particulier pas au tribunal intervenant en tant que juge de la légalité de substituer son appréciation à celle du pouvoir adjudicateur, mais de contrôler si l’appréciation de ce dernier repose sur des critères objectifs et s’est opérée d’une manière non arbitraire.

Ainsi, le juge administratif est appelé à respecter le pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur, son contrôle consistant à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seul un dépassement de la marge d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence7. Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler que les règles de preuve en matière administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, lorsqu’il reproche à l’autorité administrative d’avoir détourné ou abusé de ses pouvoirs8.

Il appartient plus particulièrement au demandeur de fournir les éléments concrets sur lesquels il se base à l’appui de sa demande, étant entendu que la légalité de la décision administrative régulièrement prise reste acquise jusqu’à l’établissement d’éléments de fait et de droit permettant au tribunal de prononcer son annulation9.

C’est sur cette toile de fond que le tribunal est amené à examiner les moyens présentés par la société demanderesse.

Il échet encore de rappeler que le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent10.

Ces constats étant faits, il convient également de relever que l’article 80 du règlement grand-ducal modifié du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 avril 2018 », impose, en son paragraphe (1), au pouvoir adjudicateur d’examiner et de vérifier les dossiers de soumission quant à leur conformité administrative et technique et à leur valeur économique, notamment quant au bien-fondé des prix et quant à l’exactitude des calculs, ledit article précisant encore que les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier spécial des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées, l’article 63 précisant que les offres non conformes aux articles 55 à 62 dudit règlement ne sont pas prises en considération.

7 Trib. adm., 26 février 2004, n° 16952, Pas. adm. 2023, V° Marchés publics, n° 230 et les autres références y citées.

8 Voir en ce sens trib. adm., 20 juin 2005, n° 18790, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 862 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 26 mars 2003, n° 15115, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 516 et les autres références y citées, et plus particulièrement en la matière de marchés publics: trib. adm., 7 mars 2011, n° 26588, confirmé par arrêt du 20 octobre 2011, n° 28499C, disponible sur www.jurad.etat.lu.

10 Voir en ce sens trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.

11 Il est encore de jurisprudence constante que la formulation impérative de l’article 80, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 8 avril 2018, similaire à l’ancienne législation, ne confère aucune faculté au pouvoir adjudicataire pour éliminer une offre en cas de constat de sa non-conformité, mais pose le principe que dans cette hypothèse l’offre non conforme « est éliminée », de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du pouvoir adjudicateur, et, a fortiori, tout risque de distorsion de concurrence et d’inégalité des soumissionnaires. En exigeant de tous les soumissionnaires qu’ils respectent scrupuleusement le cahier des charges, toutes les entreprises doivent nécessairement faire l’objet d’un traitement identique, conformément à l’article 12 de la loi du 8 avril 201811.

D’après les pièces soumises à l’examen du tribunal, le SICONA-Centre a annoncé, au début du mois de septembre 2021, l’ouverture d’une procédure de soumission publique en vue de l’attribution du marché public relatif aux travaux de restauration de murs en maçonnerie sèche sur le site « … » à ….

Suivant la position 1.1 du bordereau des prix unitaires, les travaux en question comprennent plus particulièrement : des travaux de terrassement, des travaux de réfection, respectivement construction de murs en pierres sèches et tous travaux et soins d’adaptation au milieu naturel.

Il ressort notamment du procès-verbal de l’ouverture des offres du 11 octobre 2021 que la société SOCIETE A a remis une offre d’un montant de 263.550,98 euros toutes taxes comprises, tandis que l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C a déposé une offre d’un montant de 318.771,88 euros toutes taxes comprises.

Conformément à la délibération du bureau du SICONA-Centre du 26 janvier 2022, (i) l’offre de la société SOCIETE A a été écartée « pour non-conformités au cahier des charges et au bordereau de soumission par la fourniture de pierres non-conformes et un prix, en ce qui concerne le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, jugé anormalement bas, ne tenant pas compte de la complexité et de la durée la tâche demandée » et (ii) l’offre de l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C a été considérée comme étant la seule offre conforme aux prescriptions techniques définies dans les documents de marché.

Dans sa décision de rejet datée du 3 mars 2022, le SICONA-Centre a encore précisé que l’offre de la société SOCIETE A n’était « pas conforme au cahier des charges et au bordereau de soumission en ce qui concerne les positions 3.1, par la fourniture de pierres non-conformes à un prix anormalement bas et 3.2 en ce qui concerne le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, annoncé à un prix anormalement bas ne tenant pas compte de la complexité et de la durée de la tâche demandée ».

S’agissant du premier motif d’exclusion de l’offre de la société SOCIETE A ayant trait à la conformité des pierres proposées par cette dernière, force est de constater que la position 3.1 du bordereau des prix unitaires prévoit que :

« APPORT DE PIERRES A BATIR MONTRANT AU MOINS DEUX SURFACES PLANES, LIBRES DE FINES ET GRAVATS, EN ETAT BRUT, NON GELIVES, EN PROVENANCE D’UNE CARRIERE DE GISEMENT LOCALE SIMILAIRE / EQUIVALENT AUX PIERRES DU SITE 11 Trib. adm., 27 janvier 2020, n° 41805 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Marchés publics, n° 100 et l’autre référence y citée.

12 y compris pierres à trier pour réaliser les parements, les pierres de couronnement, les boutisses, les panneresses, les pierres d’about et toutes autres pierres requises dans le cadre de maçonnerie en pierres sèches selon les prescription p.ex. ABPS, CAPEB, SIA, etc… Ce prix rémunère, à la tonne, la fourniture à pied d’œuvre, le transport, le déchargement et le stockage provisoire sur chantier de pierres brutes naturelles de la région c.à d. du même groupe paléozoïque, similaire ou équivalent de dimensions variables pour la confection de mur en maçonnerie sèche.

Pour indication, l’épaisseur des pierres varient entre 10 et 30 cm et la longeur et largeur des pierres entre 20 et 50 cm Les blocs rocheux devront être résistants au gel (certificat de conformité à fournir par l’entreprise).

Les gravats, éclats, débris et la blocaille seront utilisés pour confectionner le cailloutis drainant Pierres « Grès à Roseaux » sinilaire ou identique à faire valider par la Direction des Travaux. […] ».

En ce qui concerne, à cet égard, l’argumentation de la société SOCIETE A suivant laquelle il n’existerait aucun site d’extraction de pierres « Grès à Roseaux » au Luxembourg, de sorte qu’il aurait été impossible de proposer des pierres de ce type issues d’une carrière d’un gisement local, ces développements doivent être écartés pour manque de pertinence.

En effet, la position 3.1 du bordereau des prix unitaires, dont les extraits pertinents ont été cités ci-dessus, fait expressément référence à des pierres « en provenance d’une carrière de gisement locale similaire / équivalent aux pierres du site », respectivement à des « Pierres « Grès à Roseaux » similaires ou identiques », ce que la société SOCIETE A reconnaît elle-

même dans sa requête introductive d’instance12, et suivant le cahier des charges, « les pierres seront d’origine du même gisement géologique que celles présentes sur le site, respectivement de gisement similaire ou identique13», de sorte que cette dernière n’était pas obligée d’inclure dans son offre des pierres en « Grès à Roseaux » et que des pierres similaires ou équivalentes pouvaient au contraire être proposées au pouvoir adjudicateur.

En ce qui concerne le choix de la carrière, respectivement des pierres à fournir, force est au tribunal de constater que des exigences spécifiques ont été définies par le SICONA-Centre dans les documents de marché. Outre les dispositions précitées du bordereau des prix unitaires, le cahier des charges - dont des extraits ont été communiqués par le SICONA-Centre à travers la note explicative dressée en décembre 2021 par la société …, bureau d’ingénieurs en génie civil assistant le pouvoir adjudicateur - prévoyait en effet sous son point 4. intitulé « Blocs rocheux » que « […] L’entreprise devra fournir les fiches techniques nécessaires à l’évaluation qualitative des pierres et en particulier en matière de la non gélivité demandée. La pierre devra être certifiée conforme aux pierres utilisées sur le site afin que la reconstruction puisse se faire à l’identique. Toute pierre devra être validée par la Direction des travaux, au besoin la carrière proposée sera visitée afin de vérifier la nature des pierres et le niveau d’extraction des pierres à livrer sur chantier.14 » et sous son point 7. intitulé « Mur de soutènement combiné, homogène avec cailloutis adossé » que « […] Les pierres seront d’origine du même gisement géologique que celles présentes sur le site respectivement de gisement similaire ou identique, à cet effet la 12 Cf. page 5, « Le bordereau de soumission permettait de présenter des pierres locales identiques ou similaires au « Grès à Roseaux » ».

13 Page 58 du cahier des charges.

14 Page 57 du cahier des charges.

13 carte géologique en ligne est à consulter (http://www.geologie.lu/index.php/geologie-du-

luxembourg/carte-geologique)15 ».

Selon les pièces soumises à l’examen du tribunal, la société demanderesse a proposé la fourniture de pierres en « Grès d’Ernzen », tandis que l’association momentanée SOCIETE B-

SOCIETE C a proposé des pierres de type « Grès de Gilsdorf », provenant toutes deux des carrières exploitées par la société SOCIETE E, l’une à Ernzen et l’autre à Gilsdorf.

A l’analyse de la carte géologique annexée à la prédite note explicative du bureau d’ingénieurs … et dont la valeur et la pertinence n’ont pas été critiquées par la société demanderesse, il y a lieu de constater que les pierres proposées par la société demanderesse ne proviennent pas du même gisement géologique que celles présentes sur le site litigieux, ni d’un gisement à qualifier de similaire ou identique.

A l’inverse, la prédite carte montre que le site de … et celui de Gilsdorf peuvent être considérés comme étant au moins similaires.

Il échet en outre de relever que suivant les fiches techniques élaborées par la société SOCIETE E et versées par la société demanderesse, la pierre en « Grès d’Ernzen » est un type de « Grès à ciment calcaire », « de couleur beige à jaune pâle, finement grenue, très homogène, à rares fossiles ou traces végétales. On observe à certains niveaux un fin litage, souvent oblique. Les variations naturelles de couleur sont liées soit à la proportion de ciment calcaire, soit à la présence d’oxyde de fer finement disséminé et qui résulte de l’oxydation de micrograins de pyrite présents originellement dans les grès. […] Le Grès d’Ernzen est produit dans la localité d’Ernzen (Luxembourg, Commune de Larochette) sur le plateau situé au sud du village, sur le versant occidental de la vallée de l’Ernz Blanche. Le Grès d’Ernzen est extrait des bancs sommitaux de la formation des Grès de Luxembourg, d’âge Hettangien-Sinémurien (Ere Secondaire - Jurassique inférieur, +/- 205-202 MA) ».

La pierre en « Grès de Gilsdorf » y est, quant à elle, décrite comme une pierre en « Grès à ciment dolomitique », « de couleur vert d’eau à vert gris, avec localement des nuances jaunâtres, très finement grenue, assez homogène, à rares fossiles ou petits galets. On observe fréquemment un fin litage horizontal irrégulier et parfois de petites vacuoles. […] Le Grès de Gilsdorf est produit dans la localité de Gilsdorf (Luxembourg, Commune de Bettendorf) sur le plateau situé au nord-est du hameau de Broderbour, sur le versant méridional de la vallée de la Sure. Le Grès de Gilsdorf est extrait dans les bancs sommitaux de la série du Muschelkalk supérieur, (Ere Secondaire - Trias moyen, +/- 240 MA) ; il s’agit d’un faciès très particulier dans la série dolomitique, donc le développement est localisé dans la région de Diekirch ».

Par ailleurs, il ressort des explications de la société demanderesse que les pierres en « Grès d’Ernzen » peuvent être taillées plus facilement que les pierres en « Grès de Gilsdorf ».

Cependant, ce faisant, la société SOCIETE A admet en réalité que le « Grès d’Ernzen » est une pierre calcaire et friable, et n’est pas identique, ni même similaire au « Grès à Roseaux », qui est plus ancien (de près de 15-20 millions d’années) et présente une consistance consolidée, comme les pierres en « Grès de Gilsdorf ».

Le tribunal est en conséquence amené à retenir sur base de ces éléments que la pierre proposée par la société demanderesse ne présente pas les mêmes caractéristiques techniques 15 Page 58 du cahier des charges.

14 que la pierre « Grès à Roseaux » et ne saurait être considérée comme identique ou similaire à cette dernière, de sorte que le SICONA-Centre a valablement pu conclure à sa non-conformité sur ce point.

S’agissant de l’aspect visuel des pierres en litige, le tribunal relève que la note explicative élaborée par le bureau d’ingénieurs … contient une comparaison photographique entre la « pierre témoin prélevée dans le mur à restaurer à … », d’une part, ainsi que la pierre proposée par la société demanderesse et la pierre proposée par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C16, d’autre part.

Il en ressort que la pierre choisie par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C présente une couleur gris clair, identique, sinon grandement similaire à la couleur de la pierre témoin provenant du mur litigieux, tandis que la pierre en « Grès d’Ernzen » tire vers le beige / jaune pâle et se distingue nettement de la couleur des deux autres pierres.

Dans ce contexte et comme le relève à juste titre le SICONA-Centre, en affirmant que « le Grès d’Ernzen est parfaitement adapté car la pierre prendra en outre avec le temps une coloration qui permettra de ne plus la distinguer des pierres existantes », la société demanderesse confirme en substance elle-même le fait que la pierre proposée par ses soins n’a pas la même couleur que les pierres du mur à restaurer.

Or, la différence patente entre la couleur des pierres en « Grès d’Ernzen » et celle des pierres du mur litigieux ne saurait être considérée comme étant sans importance en l’espèce.

Il y a lieu de rappeler à cet égard que le marché en cause porte sur la restauration de murs en maçonnerie sèche. La notion de « restauration » est, suivant le Dictionnaire général du bâtiment (DICOBAT), principalement définie comme « réfection, rénovation ou reconstitution, à l’identique17, d’un ouvrage ancien présentant un intérêt artistique ou historique ». A la page 57 du cahier des charges, le SICONA-Centre a d’ailleurs pris soin de préciser que « la pierre devra être certifiée conforme aux pierres utilisées sur le site afin que la reconstruction puisse se faire à l’identique18 ».

Il s’ensuit que les pierres à fournir devaient impérativement et a minima présenter les mêmes caractéristiques et aspects visuels que les pierres existantes, dans le but évident de conserver l’aspect original et homogène du mur et partant d’éviter au pouvoir adjudicateur de se retrouver avec un mur composé de pierres hétéroclites et de couleurs distinctes, sans cohérence les unes avec les autres.

Sur base de ces considérations, le SICONA-Centre a légitimement pu rejeter l’offre de la société SOCIETE A après avoir constaté que la pierre proposée par cette dernière ne présentait pas les mêmes caractéristiques que les pierres présentes sur le site « … » et ne permettait au demeurant pas une reconstruction à l’identique du mur litigieux et ce, en méconnaissance des dispositions précitées du bordereau des prix unitaires et du cahier des charges.

Le seul fait que la pierre en « Grès d’Ernzen » proviendrait d’une carrière à Ernzen, et ainsi d’un « gisement local », n’est pas de nature à énerver cette conclusion, alors que les 16 Cf. annexe 8 à la note explicative dressée en décembre 2021, pièce n° 1 de Maître Steve HELMINGER.

17 Souligné par le tribunal.

18 Idem.

15 exigences prescrites sous la position 3.1 du bordereau des prix unitaires et dans le cahier des charges ne se limitent pas à imposer une pierre issue d’un gisement local, mais imposent également aux soumissionnaires de choisir une pierre présentant des caractéristiques identiques, sinon similaires à la pierre en « Grès à Roseaux ».

S’y ajoute que l’affirmation de la société demanderesse suivant laquelle le « Grès de Gilsdorf » ne serait pas produit en « pierre brute », mais seulement en plaquettes, pierres de parement ou « pierres choisies », de sorte que l’offre de l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C aurait dès dû être déclarée non conforme, est à rejeter pour n’être étayée par aucune pièce probante.

Il en va de même de l’affirmation de la société SOCIETE A selon laquelle la société SOCIETE E lui aurait fourni des informations erronées en relation avec la pierre la plus adaptée au marché en cause et ne l’aurait partant pas utilement conseillée en vue de la préparation de son offre, alors que de tels faits, même à les supposer avérés, n’auraient en tout état de cause aucune incidence sur la conformité de l’offre de l’association momentanée SOCIETE B-

SOCIETE C et s’inscriraient tout au plus dans le cadre d’un litige entre la société SOCIETE A et son fournisseur, étranger à la compétence du juge administratif.

A titre superfétatoire, le tribunal relève que l’offre de la société SOCIETE A a également été écartée en raison des prix considérés comme anormalement bas en ce qui concerne la position 3.1 précitée du bordereau des prix unitaires, d’une part, et la position 3.2 dudit bordereau, portant sur le travail manuel et le façonnage de la pierre brute, d’autre part.

Il y a lieu de rappeler dans ce contexte qu’il est de jurisprudence constante qu’une offre peut être qualifiée d’anormalement basse, si son prix ne correspond pas à une réalité économique : aussi, il incombe au pouvoir adjudicateur de s’assurer que les prix proposés sont économiquement viables et que le candidat a pris en compte l’ensemble des exigences formulées dans le dossier de consultation. Le pouvoir adjudicateur peut apprécier à cet égard la dimension économique des offres à partir de plusieurs référentiels. Ces indices ne suffisent pas, pour autant, à qualifier automatiquement l’offre d’anormalement basse. Ainsi, la sous-

évaluation financière des prestations peut constituer un indice évident de l’offre anormalement basse. De même, le constat d’un écart significatif entre le prix proposé par un candidat et celui de ses concurrents est un élément permettant de qualifier l’offre d’anormalement basse19. Cet écart peut être apprécié en fonction d’un seuil déterminé par la moyenne des offres reçues, avec éventuellement neutralisation des offres les plus hautes. Cette moyenne correspondra ainsi à l’estimation raisonnable du coût des prestations en cause. Toutefois, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix entre deux offres pour qualifier une offre d’anormalement basse, sans rechercher si le prix en cause était en lui-même manifestement sous-évalué, c’est-

à-dire susceptible de compromettre la bonne exécution du marché20. La différence conséquente entre le prix de l’offre d’un candidat et l’estimation de l’administration peut également être un élément d’identification d’une offre anormalement basse : l’estimation correspondant en principe aux disponibilités budgétaires du pouvoir adjudicateur, elle doit être prise en compte, 19 CJCE, 22 juin 1989, Sté Fratelli Costanzo SPA c/ Commune de Milan, C-103/88.

20 CE fr., 29 mai 2013, Min. Int. c/ Sté Artéis, n° 366606, ainsi que CE fr., 3 novembre 2014, Office national des forêts, n°382413.

16 sans pour autant constituer un référentiel unique justifiant l’élimination automatique de certaines offres21.

S’agissant tout d’abord du reproche de prix anormalement bas en relation avec la position 3.1 du bordereau des prix unitaires, il résulte de la note explicative du bureau d’ingénieurs … que la société SOCIETE A n’a indiqué dans son offre aucun prix pour les frais de transport des pierres, alors que l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C y a inscrit un prix de 18,62 euros.

Sur ce point, la société demanderesse a expliqué dans sa requête introductive d’instance que la localisation de la carrière de pierres en « Grès d’Ernzen » de la société SOCIETE E, qui se situerait à moins de 20 kilomètres du site litigieux, permettrait de réduire de façon drastique les frais de déplacement des pierres et partant le coût des travaux.

Or, suivant les explications fournies par le SICONA-Centre dans son mémoire en réponse et non autrement contestées par la société demanderesse, la carrière de la société SOCIETE E à Ernzen se situe à 17,5 kilomètres du site « … » à …, alors que la carrière de la société SOCIETE E à Gilsdorf se situe seulement à 11,9 kilomètres dudit site.

La société SOCIETE A reste dès lors en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles les frais de transport de pierres provenant d’une carrière située à Ernzen seraient inexistants, contrairement à ceux à exposer pour des pierres en provenance d’une carrière plus proche, et partant de prouver que son prix de l’ordre de zéro correspondrait effectivement à une réalité économique.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève que le SICONA-Centre a également éliminé l’offre de la société demanderesse au motif que le prix des pierres serait à qualifier d’anormalement bas.

En effet, suivant le tableau contenu dans la note explicative du bureau d’ingénieurs …, l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C a indiqué un prix unitaire pour les pierres à bâtir de 90,19 euros, tandis que la société SOCIETE A a proposé un prix de 53,44 euros, soit un prix près de deux fois inférieur à celui de son concurrent.

Force est toutefois au tribunal de constater que la société demanderesse n’a pas spécifiquement pris position sur ce point dans ses écrits, de sorte que les prédites données n’ont pas été contestées et sont partant à considérer comme établies.

En ce qui concerne ensuite le reproche d’un prix anormalement bas en relation avec le travail manuel et le façonnage des pierres, conformément à la position 3.2 du bordereau des prix unitaires :

« TRAVAIL MANUEL ET FACONNAGE DE LA PIERRE BRUTE SELON INSTRUCTION ET PLANS DE LA DIRECTION DES TRAVAUX perte estimée 10% Ce prix rémunère la taille nécessaire de la pierre avant mise en place sur les murs à réparer resp. reconstruire.

21 Trib. adm., 2 février 2015, n° 33722 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Marchés publics, n° 107 et les autres références y citées.

17 Le prix comprend le transport à pied d’œuvre moyennant tout engin de levage et de transport approprié aux conditions particulières et spécifiques du chantier La taille des pierres devra permettre l’assemblage jointif des pierres les unes avec les autres et d’assurer la stabilité du mur dans son ensemble. […] ».

Suivant le tableau contenu dans la note explicative du bureau d’ingénieurs …22, la société demanderesse a indiqué dans son offre un rendement effectif de +/- une heure par unité, tandis que l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C a annoncé un rendement de 7,93 heures par unité.

Le bureau … a précisé à ce sujet que la publication de référence « Plümecke -

Preisermittlung für Bauarbeiten », dont il a versé des extraits à l’appui de la prédite note, prévoirait des taux horaires nettement supérieurs à une heure de travail pour le travail manuel et le façonnage d’une unité de pierre brute et que « Pour un mur assisé horizontal irrégulier de type « opus assisé et incertum» comme demandé au dossier de soumission (Annexe 12), 11,35 heures sont annoncées comme différence de prix par rapport à un mur avec des pierres brutes.

Dans le cas présent, le mortier n’est pas utilisé; cela demande donc un travail plus minutieux et donc de plus longue durée ».

Le tribunal relève en l’espèce que le temps de travail annoncé par la société SOCIETE A pour ces prestations est (i) près de 8 fois inférieur à celui indiqué par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C et (ii) plus de 11 fois inférieur à celui indiqué dans la publication « Plümecke », dont l’utilisation n’a en l’espèce pas été critiquée par la société demanderesse. De tels écarts dans les estimations de temps de travail sont à qualifier de considérables.

Il résulte en outre du « tableau comparatif des offres », également dressé par le bureau … et annexé à son rapport d’évaluation des offres, que le coût total des prestations relatives à la position 3.2 du bordereau des prix unitaires a été évalué à 16.000 euros par la société SOCIETE A, à 94.720 euros par l’association momentanée SOCIETE B-SOCIETE C et à 91.200 euros par la société SOCIETE D SARL. Il s’ensuit que le prix proposé par la société demanderesse pour cette seule position est inférieur de plus de 80 % aux prix proposés par les deux autres soumissionnaires, ce qui est, ici encore, loin d’être négligeable.

Il y a par ailleurs lieu de relever que la société demanderesse s’est contentée d’affirmer dans ses écrits que le « Grès d’Ernzen » « ne sera pas pour autant d’une moindre qualité par rapport aux exigences du pouvoir adjudicateur », sans toutefois verser de pièces pertinentes de nature à étayer ses affirmations.

Même à supposer que la pierre choisie par la société SOCIETE A soit effectivement plus facile à tailler, un rendement effectif de plus ou moins une heure par mètre cube semble anormalement bas au regard notamment des estimations faites par le bureau … et de la technicité des prestations à réaliser.

Il y a lieu de déduire de l’ensemble de ces développements que la société demanderesse est restée en défaut de démontrer qu’elle a bien pris en compte l’ensemble des prescriptions techniques exigées dans le dossier de soumission, respectivement que le prix proposé par ses soins pour la position litigieuse prend effectivement en compte la complexité et la durée des 22 Page 2.

18 prestations demandées, celle-ci n’ayant fourni aucune explication convaincante permettant de justifier économiquement le bien-fondé de son prix.

Dans la mesure où il incombe, tel qu’exposé ci-dessus, au pouvoir adjudicateur de s’assurer que les prix proposés par un soumissionnaire sont économiquement viables et que le soumissionnaire a pris en compte l’ensemble des exigences formulées dans le dossier de soumission, éléments qui laissent d’être établis en l’espèce, le SICONA-Centre a valablement pu rejeter l’offre de la société SOCIETE A en raison du prix proposé par cette dernière pour la position 3.2 du bordereau des prix unitaires.

Finalement, l’argument selon lequel la Commission des soumissions se serait, à juste titre, demandée dans son avis du 13 juin 2022 « si l’entreprise s.a. SOCIETE A avait été invitée à prendre position avant la décision d’attribution telle que c’est exigé suivant le paragraphe 1er de l’article 38 de la loi précitée, voire par l’article 88 du Règlement grand-ducal précité ou si c’était seulement par le biais de Me James Junker après l’attribution du marché. » n’a pas été autrement étayé par la société demanderesse et doit partant être rejeté, étant rappelé à cet égard qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties au litige dans la présentation de leurs moyens et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions et qu’il résulte par ailleurs d’une jurisprudence constante que l’exposé d’un moyen de droit requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été concrètement violée par l’acte attaqué23.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant fondé en aucun de ses moyens, sans qu’il n’y ait lieu de faire droit à la demande de la société demanderesse visant à enjoindre le SICONA-Centre, sinon la société SOCIETE B, « à verser aux débats la preuve de commande et la facture de SOCIETE E concernant la fourniture des prétendues pierres de type-Grès de Gilsdorf », une telle mesure n’étant pas requise pour la solution du présent litige.

IV. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure La partie demanderesse sollicite la condamnation du SICONA-Centre à lui payer une indemnité de procédure de 4.500,- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999. Cette demande est cependant à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en tant qu’il tend à voir déclarer la société anonyme SOCIETE A SA adjudicataire du marché litigieux ;

reçoit le recours en annulation introduit à titre subsidiaire en la forme ;

23 Trib. adm., 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 503 et les autres références y citées.

19 rejette la demande de la société anonyme SOCIETE A SA visant à enjoindre le SICONA-Centre, sinon la société anonyme SOCIETE B SA, « à verser aux débats la preuve de commande et la facture de SOCIETE E concernant la fourniture des prétendues pierres de type-Grès de Gilsdorf », au fond, dit le recours en annulation non justifié, partant en déboute ;

déboute la société demanderesse de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47949
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-09;47949 ?

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