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02/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50003a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2024, 50003a


Tribunal administratif N° 50003a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50003a 3e chambre Inscrit le 29 janvier 2024 Audience publique 2 juillet 2024 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2024 par Maître Lukman ANDIC,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif N° 50003a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50003a 3e chambre Inscrit le 29 janvier 2024 Audience publique 2 juillet 2024 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2024 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Erythrée), agissant en sa qualité de représentant légal au nom des enfants …, déclarant être né le … à … (Allemagne) et …, déclarant être né le … à … (Allemagne), déclarant tous être de nationalité érythréenne et demeurant tous à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 12 janvier 2024 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des enfants … et …, préqualifiés, dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 février 2024 ;

Vu le jugement du 27 février 2024, inscrit sous le numéro 50003 du rôle, rendu par le premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du premier vice-président, présidant la troisième chambre du tribunal, renvoyant l’affaire devant la formation collégiale de la troisième chambre du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 avril 2024, Maître Lukman ANDIC s’étant excusé.

Le 7 août 2023, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration une première demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 », pour son propre compte ainsi que pour le compte de ses enfants mineurs …, … et ….

Les déclarations de Madame … sur son identité et celle de ses enfants ainsi que sur l’itinéraire suivi par eux pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section Criminalité organisée, dans un rapport du même jour, occasion à laquelle Madame … déclara avoir déposé des demandes de protection internationale en Italie, Suisse et Allemagne avant de venir au Luxembourg.

Le lendemain, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale de sa famille en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

En date du 4 septembre 2023, une demande de reprise en charge fut adressée aux autorités allemandes, laquelle fut rejetée par ces dernières le lendemain sur base du motif que Madame … et sa fille mineure … seraient bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et qu’elles ne tomberaient dès lors plus sous l’application des critères prévus par le règlement Dublin III, courriel auquel fut annexé un courrier des autorités italiennes du 9 octobre 2019 suivant lequel tant Madame … que sa fille … se seraient vues accorder, sous un autre alias, le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie, les titres de séjour y afférents ayant expirés en date du 10 avril 2015.

En date du 15 décembre 2023, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministère », sur la recevabilité de sa demande de protection internationale ainsi que celle de sa fille ….

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale de ses deux fils … et ….

Par décision du 12 janvier 2024, notifiée à Madame … par courrier recommandé en date du 16 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », entretemps compétent, déclara les demandes de Madame … et de sa fille mineure … irrecevables au motif que le statut conféré par la protection subsidiaire leur avait été conféré en Italie.

Par décision séparée du même jour, notifiée à Madame … par courrier recommandé en date du 16 janvier 2024, le ministre refusa de faire droit à la demande de protection internationale des enfants … et … dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et ce, sur base des motifs suivants :

« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 7 août 2023 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour le compte de vos deux fils mineurs …, né le … à … en Allemagne et …, né le … à … en Allemagne, les deux de nationalité érythréenne.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes introduites pour le compte de vos deux fils mineurs … et … pour les raisons énoncées ci-après.

Avant tout autre développement, il ressort de votre dossier administratif que vous avez également introduit une demande de protection internationale au Luxembourg à la même date pour vous ainsi que pour le compte de votre troisième enfant, …, née le … à … en Italie, de nationalité érythréenne. Il ressort encore dudit dossier administratif que … et vous-même avez obtenu une protection en Italie sous les alias de …, née le … et …, née le …, « residence permit for subsidiary protection » valable jusqu'au 10 avril 2015 et pour lequel vous n'auriez jamais entrepris des démarches quelconques nécessaires pour le renouvellement. Au contraire, en 2013, vous et votre fille auriez préféré quitter l’Italie pour introduire une nouvelle demande de protection internationale en Suisse, pays qui vous aurait cependant renvoyées en Italie avec la procédure Dublin. Quelques jours après votre retour en Italie, vous auriez à nouveau tenté votre chance en Allemagne, où vous auriez introduit encore une autre demande de protection internationale et où vous auriez résidé jusqu'au 5 août 2023, votre demande étant toujours en cours de traitement. En effet, afin d'éviter un nouveau transfert en. Italie, vous déclarez avoir introduit vos demandes en Allemagne sous une autre identité et vous être brûle tous les bouts des doigts de la main afin que vos empreintes digitales soient illisibles et non traçables.

Par conséquent, votre demande de protection internationale et celle de votre fille mineure … ont été déclarées irrecevables par décision ministérielle du 12 janvier 2024, puisqu'une protection internationale vous a déjà été accordées par un autre Etat membre.

1. Quant à vos déclarations concernant vos deux fils mineurs En mains, le rapport du Service de Police Judiciaire établi en date du 7 mars 2023, le rapport d'entretien « Dublin III» du 8 août 2023, le rapport d'entretien sur les motifs sous-

tendant leurs demandes de protection internationale établi en date du 15 décembre 2023, ainsi que l'ensemble des autres éléments composant le dossier administratif.

Il ressort dudit dossier que vos deux fils sont nés en Allemagne, d'une part, le … et, d'autre part, le … et qu'ils sont tous les deux de nationalité érythréenne, d'ethnie Tigrinja et de confession évangélique « Pentekostal » (p.2/6 du rapport d'entretien).

A la base des demandes de protection internationale de vos deux fils vous exposez des motifs vagues et généraux, tels que l'insécurité, le manque de liberté et l'absence de droits dans votre pays d'origine (p.3/6 du rapport d'entretien). Vous rappelez également que vous ne voudriez pas que vos enfants subissent les mêmes choses que vous auriez subi, sans pour autant préciser vos propres raisons de fuites. Finalement, vous avancez clairement vouloir vivre « in Sicherheit und Frieden » avec vos enfants.

A l'appui des demandes de protection internationale de vos deux fils, vous présentez aucun document ou titre de voyage. Vous remettez uniquement les documents émis par les autorités allemandes vous permettant de séjourner légalement sur le territoire le temps du traitement de vos demandes de protection internationale, documents valables jusqu'en juin 2024.

2. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé des demandes de protection internationale de vos fils dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que sa demande de protection internationale tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse des demandes de protection internationale de vos fils ci-

dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 de la Loi de 2015 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

3. Quant à la motivation du refus des demandes de protection internationale de vos deux fils Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, la protection internationale se définit comme le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Force est d'emblée de constater que vos deux fils sont nés en Allemagne et n'ont donc jamais vécu en Erythrée, de sorte qu'ils n'ont jamais personnellement et concrètement subi des problèmes dans leur pays d'origine.

En effet, Madame, vous expliquez que vous craindriez qu'en cas de retour en Erythrée, vos fils soient en danger, alors qu'ils pourraient subir les mêmes problèmes que vous. Or, vous ne précisez à aucun moment vos propres raisons de fuites.

De plus, il convient de constater que vous restez très vagues dans vos explications, en argumentant tout simplement que vos deux fils n'auraient pas de droits dans leur pays d'origine, respectivement, qu'ils ne pourraient pas y retourner alors que vous n'auriez plus aucun point d'attache en Erythrée. Vous ajoutez également que vous souhaiteriez leur offrir un avenir meilleur et une vie en paix, sans ne jamais fournir le moindre élément concret permettant d'établir un risque réel d'être persécuté dans leurs chefs.

Les craintes que vous avancez doivent être considérées comme étant totalement hypothétiques. Or, des craintes hypothétiques, voire un sentiment général d'insécurité, ne sauraient évidemment pas justifier l'octroi du statut de réfugié. Pareil constat, s'impose pour les raisons purement personnelles que vous avancez et qui ne sauraient en aucun cas justifier l'octroi du statut de réfugié.

Ce constat vaut d'autant plus qu'il convient de rappeler que l'analyse d'une demande en octroi du statut de réfugié se fait par définition par rapport au risque du demandeur d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine. Or, dans la mesure où vous, en tant que parent et personne responsable de … et …, disposez d'une protection internationale en Italie, vos enfants ne seront jamais éloignés en Erythrée. Le risque de persécution est par conséquent inexistant dans leurs chefs.

Partant, le statut de réfugié n'est pas accordé à vos deux fils mineurs.

• Quant au refus du statut conféré var la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2 n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que les craintes que vous avancez dans le chef de vos deux fils mineurs sont à considérer comme étant totalement hypothétiques, de sorte qu'elles ne sauraient justifier l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, il convient également de relever que le seul fait de ne pas avoir de droits et ne plus avoir aucun point d'attache dans votre, respectivement, leurs pays d'origine, ne saurait également pas suffire pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire n'est pas accordé à vos deux fils mineurs.

Les demandes en obtention d'une protection internationale pour vos deux fils mineurs sont dés lors refusées comme manifestement non fondées.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, ils sont dans l'obligation de quitter le territoire. endéans un délai- de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Erythrée, ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2024, Madame Madame … a, en sa qualité de représentant légal des enfants … et …, fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 12 janvier 2024 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leurs demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2024, … a, en son propre nom et en sa qualité de représentant légal de l’enfant …, fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 12 janvier 2024 déclarant irrecevable leurs demandes de protection internationale, lequel a été rejeté par un jugement du tribunal administratif du 26 mars 2024, inscrit sous le numéro 50019 du rôle.

En application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président, présidant la troisième chambre du tribunal administratif, a, par jugement rendu en date du 27 février 2024, inscrit sous le numéro 50003 du rôle, jugé que le recours n’est pas manifestement infondé et a renvoyé l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A titre liminaire, force est de relever que le premier volet de la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est, du fait du renvoi par le juge unique de l’affaire devant la formation collégiale du tribunal, d’ores et déjà tranché, de sorte que le tribunal n’est actuellement plus saisi que des deux volets du fond de l’affaire, à savoir le refus de la protection internationale et l’ordre de quitter le territoire1, étant retenu que c’est à bon droit et pour des motifs que le tribunal adopte, que le jugement précité du 27 février 2024 a retenu la recevabilité des recours afférents.

A l’appui de leur recours et en fait, outre de reprendre les faits et rétroactes exposés ci-

avant, les demandeurs précisent que toute leur famille serait de confession évangélique pentecôtiste, communauté qui, tout comme les témoins de Jéhovah, subirait des persécutions tel qu’il ressortirait d’un rapport annuel de l’année 2013 de l’organisation « United States Commission of International Religious Freedom ».

En droit, ils estiment que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en faisant plus particulièrement valoir qu’il y aurait des raisons sérieuses de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou atteintes graves nonobstant le fait d’être nés en Allemagne. A cet égard, ils soulignent que l’Erythrée 1 Cour adm., 11 février 2020, n° 43786C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n°58 et l’autre référence y citée.

serait un Etat totalitaire et que leur mère n’y serait pas retournée au vu du risque d’y être condamnée pour avoir fui le pays ainsi qu’en raison de sa crainte pour tant son intégrité physique et mentale personnelle que celle de ses enfants, les demandeurs se référant, à cet égard, à un article publié sur le site internet de l’organisation non-gouvernementale « Amnesty International » en date du 8 avril 2021 et mis à jour en date du 31 mars 2022, intitulé « Arrêtée à 15 ans pour avoir voulu fuir l’Erythrée », ainsi qu’à un article publié sur le site internet www.lepoint.fr le 29 mai 2023 et intitulé « Erythrée : la Corée du Nord de l’Afrique ».

Quant au refus du statut de réfugié, après avoir cité les articles 2, point f), 39, 40 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, ils font valoir que leur mère aurait quitté l’Erythrée en 2003 étant mineure en raison de la guerre, fuite suite à laquelle elle aurait obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie lequel aurait « expiré » le 10 avril 2015. Quant à la situation actuelle en Erythrée, ils font valoir que ledit Etat serait dirigé par le président Isaias AFWERKI, lequel ils qualifient d’autoritaire, et qui mènerait une politique dénommée « shoot to kill », impliquant le fait que les autorités érythréennes tireraient sur les personnes tentant de franchir illégalement la frontière, tel que cela ressortirait d’un article de presse publié sur le site internet www.jeuneafrique.com le 12 août 2015 et intitulé « Tenter de quitter l’Erythrée, c’est déjà risquer sa vie ». De même, les ressortissants érythréens expulsés de force vers l’Erythrée risqueraient de subir des violations des droits humains et notamment des actes de torture, tel que relaté par un article publié sur le site internet de l’organisation non gouvernementale « Amnesty International » le 25 mars 2022 et intitulé « Egypte. Des Erythréen-ne-s risquent d’être expulsés de manière imminente », ainsi que par un rapport de l’Organisation des Nations Unies, désignée ci-après par « l’ONU », en 2016, les demandeurs précisant que sur base desdits faits leur mère aurait, lors de l’entretien sur les motifs à la base de leur demande de protection internationale, indiqué ne pas souhaiter qu’ils vivraient les mêmes souffrances qu’elle aurait vécues en Erythrée, les femmes y étant exposées à un risque plus élevé de violences physiques et sexuelles.

En se référant encore à un rapport de l’organisation non-gouvernementale « Amnesty International » concernant l’Erythrée pour les années 2022/2023, à un article de l’organisation non-gouvernementale « Human Rights Watch » publié le 3 octobre 2023 et intitulé « Erythrée :

Sévère répression à l’encontre des familles de réfractaires », à un article publié sur le site www.jeuneafrique.com le 9 juin 2016 et intitulé « Erythrée, viols, castrations, noyades… l’ONU dénonce l’enfer du régime d’Isaias AFEWERKI », au rapport précité de l’ONU de 2016, ainsi qu’à un communiqué de presse du Haut-Commissariat des Droits de l’Homme des Nations Unies, au sujet d’un rapport sur l’Erythrée en 2015, les demandeurs soulignent ensuite qu’en Erythrée les personnes seraient obligées d’accomplir un service militaire obligatoire et perpétuel sous peine d’être emprisonnées. Ils ajoutent que des violences en général, et sexuelles en particulier, seraient commises sur les circonscrits ainsi que sur les personnes détenues et qu’en général les droits des enfants ne seraient pas respectés en Erythrée, ceux-ci risquant même d’être abattus à la frontière. Les demandeurs relèvent encore que suivant le rapport de l’organisation non gouvernementale « Transparency international », l’Erythrée occuperait la 162ème place sur 180 pour l’année 2022, pour conclure que non seulement ils risqueraient, en cas de retour en Erythrée, de subir des violences physiques, mentales et sexuelles, mais qu’encore l’Etat érythréen ne serait ni disposé, ni capable de leur offrir une protection contre ces actes, de sorte que la décision déférée, en ce qu’elle leur aurait refusé le statut de réfugié, encourrait la réformation.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, après avoir cité les articles 2, point g), 39, 40 et 48 de la loi du 18 décembre 2015, et tout en mettant en exergue leur minorité, les demandeurs se réfèrent à leurs développements précédents relatifs aux actes qu’ils risqueraient de subir en cas de retour en Erythrée. Ils réitèrent ensuite, une « étude scientifique » à l’appui, leurs développements relatifs à l’incapacité et l’indisponibilité de l’Etat érythréen de les protéger pour conclure que la décision déférée encourrait la réformation en ce qu’elle leur aurait refusé l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Concernant l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision déférée, les demandeurs concluent, à titre principal, à l’annulation de celui-ci en conséquence à l’octroi dans leur chef d’un des statuts de la protection internationale et, à titre subsidiaire, à la réformation de celui-ci pour violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », dans la mesure où l’ordre de quitter le territoire émis à leur égard serait contraire au principe d’interdiction de refoulement d’une personne vers un pays où elle risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Il échet en premier lieu de rappeler que le tribunal est d’abord saisi du recours dirigé contre la décision déférée du ministre refusant d’accorder un statut de protection internationale aux enfants … et ….

Il convient ensuite de rappeler qu’aux termes de l’article 2, point b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu du point f) du même article, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qu’il ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », tandis qu’en vertu du point g) du même article, une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire est définie comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, ils sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

En l’espèce, c’est à bon droit que la partie étatique estime que les demandeurs restent en défaut d’établir un risque concret pour eux d’être persécutés en cas de retour dans leur pays d’origine. En effet, bien que ceux-ci invoquent (i) un risque de persécution en Erythrée en raison de leur confession religieuse, sinon en raison du fait que leur mère aurait illégalement franchi la frontière de l’Erythrée, (ii) un risque d’être soumis à l’obligation d’effectuer un service militaire comportant un traitement inhumain et dégradant, (iii) un risque d’être exécuté au moment de leur franchissement de la frontière érythréenne ainsi que (iv) la situation générale de leur pays d’origine, ils restent en défaut de fournir des éléments personnels établissant la réalité de telles craintes dans leur chef.

Ainsi, lors de l’entretien sur les raisons gisant à la base de leur demande de protection internationale, Madame …, en sa qualité de représentant légal des demandeurs, a indiqué avoir introduit une demande de protection internationale pour leur compte « […] Weil sie keine Rechte bekommen. […] Sie werden dort keine Rechte haben. Dort gibt es niemanden, der zuhört. […] Ich suche ein Land, wo ich mit meinen Kindern in Sicherheit und Frieden leben kann. Ich möchte nicht dass meine Kinder das durchmachen, was ich durchgemacht habe. […] »2, sans pour autant préciser des actes de persécutions ou atteintes concrets, ni l‘auteur de telles persécutions ou atteintes. Si Madame … indique certes vouloir éviter que ses enfants fassent les mêmes expériences qu’elle en Erythrée, et si certes elle s’est vue reconnaître le statut conféré par la protection subsidiaire prévu par la Convention de Genève par les autorités italiennes, elle reste néanmoins en défaut d’établir de manière circonstanciée quelles auraient été ces expériences vécues par elle. En effet, outre d’indiquer dans le cadre de l’entretien sur les motifs à la base de la demande de protection internationale de ses enfants qu’elle aurait été violée en Erythrée et qu’elle aurait eu l’expérience de « viel Leid »3, ces affirmations sont vagues et ne permettent ni au ministre, ni au tribunal de connaître les risques concrets auxquels ses enfants seraient personnellement exposés en cas de retour en Erythrée. Ce même constat vaut en ce qui concerne les explications des demandeurs à cet égard dans le cadre du recours sous analyse, alors qu’outre de se référer à des informations générales concernant leur pays d’origine, ils restent en défaut d’établir un risque personnel pour eux de subir en cas de retour en Erythrée des persécutions en raison de leur confession pentecôtiste, sinon en raison du franchissement illégal par leur mère de la frontière érythréenne, sinon d’être forcés de remplir une obligation de service militaire, de subir des atteintes à leur intégrité physique en général ou dans le cadre d’un tel service militaire. En effet, il ne ressort pas des rapports versés en cause que le seul fait d’être de nationalité érythréenne ou de confession pentecôtiste emporte un risque d’être exposé à de telles persécutions ou agissements de la part des autorités érythréennes ou de tout autre acteur sur ledit territoire.

2 Page 3 du rapport d’entretien du 15 décembre 2023.

3 Idem.

Il échet, dans ce contexte, de constater que c’est également à bon droit que le ministre a pris en compte le fait que Madame …, ainsi que sa fille mineure …, demi-sœur des demandeurs, se sont vues reconnaître le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie, en ce qu’il s’agit d’une information sur la situation personnelle des demandeurs au sens de l’article 37, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 qui demande au ministre de vérifier, toujours dans l’appréciation du bien-fondé de la demande de protection internationale, s’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté.

Ainsi, le fait que les enfants … et … ont la possibilité, non contestée par eux dans le cadre du recours sous analyse, de séjourner, ensemble avec leur mère et demi-soeur, dans un autre pays, de surcroît membre de l’Union européenne, en l’occurrence l’Italie, est bien un élément à prendre en compte dans le cadre de « l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale » en application de l’article 37 précité de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, il s’agit d’évaluer le besoin de protection d’un demandeur de protection internationale, en application de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où elle fait défaut, étant encore relevé, par ailleurs, qu’en application de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, une demande de protection internationale peut même être déclarée irrecevable si, en application de l’article 29 de la même loi, un demandeur « jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans [un] pays [qui n’est pas un Etat membre], y compris du bénéfice du principe de nonrefoulement, à condition qu’il soit réadmis dans ce pays », respectivement si en application de l’article 31, toujours de la même loi, il existe un pays tiers sûr en cas de « lien de connexion […] exist[ant] entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ». En l’espèce, force est au tribunal de constater que les demandeurs sont resté en défaut de réfuter l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle ils ne risqueraient, en tout état de cause, pas d’être exposés, en Erythrée, à un quelconque des risques mis en avant par eux, faute de risque d’être éloignés vers l’Erythrée, alors qu’ils auraient la possibilité de se voir octroyer une autorisation de séjour en Italie en raison du bénéfice de la protection subsidiaire de leur mère et demi-soeur dans ledit pays.

Au vu des considérations qui précèdent, c’est dès lors à bon droit que la demande tendant à l’obtention d’une protection internationale a été rejetée en son double volet, de sorte que le recours afférent encourt le rejet dans son ensemble.

Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Au regard du constat que le recours dirigé contre la décision ministérielle de refus d’une protection internationale n’est pas fondé et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des enfants … et …, ladite décision a, a priori, valablement pu être assortie d’un ordre de quitter le territoire à leur égard.

Or, les demandeurs soutiennent à ce sujet dans leur requête introductive d’instance qu’ils risqueraient, en cas de retour en Erythrée, de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH et ce, en violation de l’article 129 de la loi du 28 août 2009.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant que les demandeurs restent en défaut d’établir un quelconque risque concret et personnel de subir des actes de persécutions ou d’atteintes graves en cas de retour en Erythrée, le tribunal ne saurait se départir de ce constat dans le cadre de leur demande tendant à la réformation de l’ordre de quitter, ceux-ci restant, par ailleurs, en défaut de préciser un quelconque autre acte qu’il risqueraient de subir en cas de retour en Erythrée et qui serait contraire à l’article 3 de la CEDH dans le cadre de leur moyen dirigé à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire.

Il convient de surplus de constater que l’ordre de quitter le territoire déféré enjoint aux enfants … et … de quitter le territoire luxembourgeois à destination de l’Erythrée, ou de tout autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.

Il échet de relever, dans ce contexte, que Madame …, le seul parent présent aux côtés des enfants concernés, est a priori susceptible d’être renvoyée en Italie, pays dans lequel elle dispose du statut conféré par la protection subsidiaire, élément non contesté par les demandeurs dans le cadre du recours sous analyse.

Si les enfants … et … ne pourront pas être éloignés seuls vers l’Erythrée, sans leur mère, laquelle se trouve effectivement dans l’impossibilité de se rendre dans le pays de sa nationalité en raison du principe de non-refoulement prévu notamment à l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés dont elle bénéficie personnellement, les demandeurs ne contestent cependant pas leur possibilité, telle qu’alléguée par la partie étatique, d’être également admis sur le territoire italien et d’y bénéficier, à l’instar de leur mère et demi-sœur, du statut conféré par la protection subsidiaire et d’une autorisation de séjour y afférente.

Il s’ensuit, à défaut de toute argumentation contraire, que ledit éloignement vers l’Italie n’est pas contraire à l’article 129 de la loi du 29 août 2008 qui dispose que : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

L’ordre de quitter le territoire est partant à réformer en ce qu’il n’y a pas lieu d’ordonner aux enfants … et … de quitter le territoire luxembourgeois pour rejoindre l’Erythrée.

Au vu de l’issue du litige, il est fait masse des frais pour les imposer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi du jugement du 27 février 2024, inscrit sous le numéro 50003 du rôle, rendu par le premier juge, en remplacement du président de la troisième chambre du tribunal administratif ;

vidant le jugement précité du 27 février 2024 ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision déférée du 12 janvier 2024 refusant de faire droit à la demande d’octroi d’un statut de protection internationale dans le chef des enfants … et … ;

au fond le déclare non fondé et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision déférée du 12 janvier 2024 valant ordre de quitter le territoire à l’encontre des enfants … et … ;

au fond le déclare partiellement fondé, en ce qu’il n’y a pas lieu d’ordonner aux enfants … et … de quitter le territoire vers l’Erythrée ;

déboute pour le surplus le recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire ;

se déclare incompétent pour statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les met à charge pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 50003a
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-02;50003a ?

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