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26/06/2024 | LUXEMBOURG | N°47131

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juin 2024, 47131


Tribunal administratif Numéro 47131 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47131 5e chambre Inscrit le 4 mars 2022 Audience publique du 26 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Lichtenstein) contre des bulletins d’impôt en matière d’impôts sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47131 du rôle et déposée le 4 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Monsieur …, demeura...

Tribunal administratif Numéro 47131 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47131 5e chambre Inscrit le 4 mars 2022 Audience publique du 26 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Lichtenstein) contre des bulletins d’impôt en matière d’impôts sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47131 du rôle et déposée le 4 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Lichtenstein), …, tendant, d’après le dispositif, principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de bulletins d’impôt ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 20 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie BROUNS pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Vu la constitution de nouvel avocat de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2, rue Peternelchen, Immeuble C2, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social L-2370 Howald, 2, rue Peternelchen, Immeuble C2, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Daniel RIEDEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 27 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins d’impôt déférés ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Camille MASCOLO, en remplacement de Maître Daniel RIEDEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mars 2024.

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En date du 30 septembre 2020, le bureau d’imposition Société 6 émit à l’égard de la société en commandite simple A, ci-après désignée par la « société A », en mentionnant Monsieur … comme destinataire, les bulletins d’établissement séparé et en commun pour :

- l’année d’imposition 2018 en indiquant notamment au titre d’un « revenu provenant de capitaux mobiliers » un montant de … euros dont la quote-part dans les revenus collectifs attribuée à Monsieur … fut fixée à … euros, et- l’année d’imposition 2019 en indiquant notamment au titre d’un « revenu provenant de capitaux mobiliers » un montant négatif de … euros dont la quote-part dans les revenus collectifs attribuée à Monsieur … fut fixée à … euros.

Il ressort des explications non contestées du délégué du gouvernement qu’en date du 24 février 2021, le bureau d’imposition Luxembourg 9, section des personnes physiques, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur …, ainsi que de son épouse, Madame …, ci-après désignés par les « consorts … », un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2018 par voie de taxation d’office en application du § 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

En date du 15 mars 2021, le bureau d’imposition réceptionna la déclaration conjointe pour l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019 des consorts … comportant comme seuls revenus déclarés des revenus provenant d’une occupation salariée.

En date du 24 mars 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts …, un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019 indiquant, outre les revenus provenant d’une occupation salariée, tels que déclarés, notamment au titre d’un « revenu de capitaux mobiliers », un montant net de … euros, obtenu après déduction de frais d’obtention à hauteur de … euros et d’une tranche exemptée d’un montant de … euros du montant brut de … euros.

En date du 29 mars 2021, le bureau d’imposition réceptionna la déclaration conjointe pour l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2018 des consorts … comportant comme seuls revenus déclarés des revenus provenant d’une occupation salariée.

En date du 14 avril 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts … un bulletin de l’impôt sur le revenu rectificatif au titre de l’année d’imposition 2018 en application du § 94, alinéa (1) AO indiquant, outre les revenus provenant d’une occupation salariée, tels que déclarés, notamment au titre d’un « revenu provenant de capitaux mobiliers » un montant de … euros avec les mentions suivantes : « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants [:] Rectification suivant votre envoi de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2018. Revenu de capitaux suivant renvoi … : … EUR. Rev. de cap. Déduction des frais d’obtention et de la tranche exemptée art. 115, no 15 L.I.R. : … EUR ».

Par courrier recommandé daté du 10 juin 2021, réceptionné le 24 juin 2021, Monsieur … introduisit une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu concernant les années d’imposition 2018 et 2019 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par le « directeur », dans les termes suivants :

« […] Je vous écris pour faire suite à la transmission des Bulletins de l’impôt sur le revenu concernant l’année d’imposition 2018 et 2019.

Selon les Bulletins d’impôts susmentionnés, la base d’imposition comprend les montants suivants :

A) … EUR (… USD) pour l’année 2018, B) … EUR (… USD) pour l’année 2019.

2 Ces montants correspondent au revenu de capitaux provenant de mes investissements dans des titres financiers réalisés via la société A. Selon moi, ils devraient être exonérés de l’impôt, pour les raisons suivantes :

A. Le montant de … EUR provient d’une cession des actions de B qui avaient été détenues par A. depuis plus de 6 mois. Contrairement à ce qui est stipulé dans le bulletin d’imposition, ce revenu ne peut être qualifié de « revenu de capitaux » au sens de l’article 97 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (« LIR »). Par ailleurs, cette plus-value ne devrait pas être retenue comme « revenus divers » au sens de l’article 99 LIR.

La participation de A. dans le capital de la société était égale à 4,53%.

Ma participation dans le capital de A. (portefeuille d’actions de cette société) était égale à 5.52%.

Art. 100 (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (« LIR ») prévoit : « Est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation, à titre onéreux, plus de six mois après leur acquisition, d’actions, parts de capital, parts bénéficiaires et autres participations de toute nature dans les organismes à caractère collectif lorsque le cédant a eu une participation importante ».

Art 100 (2) de la même loi indique que « Une participation est à considérer comme importante lorsque le cédant, seul ou ensemble avec son conjoint ou son partenaire et ses enfants mineurs, a participé de façon directe ou indirecte, à un moment quelconque au cours des 5 années antérieures au jour de l’aliénation, pour plus de 10% au capital ou, à défaut de capital, au fonds social de l’organisme ».

Vu que ma participation dans le capital de la société ne peut pas être considérée comme importante, et que la période de la détention de titres dépasse 6 mois, les conditions pour l’imposition du revenu de cession ne sont pas remplies.

B. Le montant de … EUR correspond à ma quote-part dans la plus-value d’un autre investissement C suite à une conversion des obligations en actions. En vertu de l’article 22 (5) LIR, l’échange de biens conduit à la réalisation de plus-values.

Ceux-ci ne qualifient pas de « revenus de capitaux » au sens de l’article 97 LIR. De plus, étant donné que j’avais détenu les obligations convertibles plus que 6 mois précédent la conversion, les gains reconnus à l’occasion de l’échange ne devraient pas être imposables en tant que revenus divers au sens de l’article 99 LIR.

Je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires et vous prie d’agréer mes salutations. […] ».

A défaut de réponse de la part du directeur, Monsieur … a fait introduire une requête au greffe du tribunal administratif en date du 4 mars 2022 tendant, d’après son dispositif, à voir « réformer l’ensemble des actes attaqués, en ce sens qu’il y a dire pour droit qu’il y a lieu de réformer le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2018 de Monsieur … établi en date du 14 avril 2021, conformément aux déclarations de celui-ci et/ou à la réclamation du requérant du 10 juin 2021, sinon l’annuler ; dire pour droit qu’il y a lieu de réformer le bulletin d’impôt 3 sur le revenu de l’année 2019 de Monsieur … établi en date du 24 mars 2021, conformément aux déclarations de celui-ci et/ou à la réclamation du requérant du 10 juin 2021, sinon l’annuler ; renvoyer à l’Administration des Contributions Directes aux fins d’adapter les décisions attaquées ».

I) Quant à l’objet du recours Le tribunal relève, tout d’abord, qu’il ressort du dispositif de la requête introductive d’instance, précité, que Monsieur … a exclusivement dirigé son recours contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personne physiques de années d’imposition 2018 et 2019 émis à son encontre et à l’encontre de son épouse en date des 14 avril et 24 mars 2021 respectivement.

Il ne ressort, en effet, pas du dispositif de sa requête introductive d’instance, qu’il aurait entendu diriger son recours contentieux contre les bulletins d’établissement séparé et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 émis à l’encontre de la société A. Monsieur … n’argumente d’ailleurs pas non plus que sa réclamation du 24 juin 2021 aurait été dirigée contre ces deux bulletins.

Cela étant, le tribunal tient à relever que même (i) en considérant que Monsieur … aurait dirigé sa réclamation contre lesdits bulletins d’établissement séparé et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 au motif qu’il a fait référence, dans sa réclamation, à « la base d’imposition » de chacun des deux bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019 et mentionné comme étant composé de deux montants distincts qui correspondraient à sa « quote-part dans les revenus collectifs » indiquée dans les bulletins d’établissement séparé et en commun de ces années, et même (ii) en adoptant une interprétation large de la notion de « réclamation » conformément à la jurisprudence constante des juridictions administratives en la matière fondée sur le § 249, alinéa (2) AO1, le constat demeure que dans sa requête introductive d’instance, Monsieur … n’a pas dirigé son recours contre ces deux bulletins, tel que retenu ci-avant.

Or, il est également de jurisprudence constante que la seule décision utilement attaquée est celle qui figure dans le dispositif de la requête introductive d’instance2 dans lequel figurent, en l’espèce, exclusivement les bulletins de l’impôt sur le revenu émis à l’égard de Monsieur … et de son épouse, lesdits bulletins y étant mentionnés de manière claire et non équivoque, à l’exclusion de tout autres bulletins, tel que retenu ci-avant.

Le tribunal relève, ensuite, qu’il ressort certes du corps de la requête introductive d’instance de Monsieur … qu’il aurait entendu diriger son recours contentieux contre une « décision implicite de refus du Directeur de l’Administration des Contributions Directes de la réclamation du Requérant en date du 10 juin 2021 portant contestation du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 2018 du 14 avril 2021 et du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 2019 du 24 mars 2021 ».

Toutefois, force est au tribunal de constater que le dispositif de la requête introduite le 4 mars 2022 ne fait pas mention d’un tel acte et que le corps de la requête ne comporte aucun développement à ce sujet, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que le tribunal n’est pas valablement 1 § 249, alinéa (2) AO: « Ein Rechtsmittel gilt als eingelegt, wenn aus dem Schriftstück oder der Erklärung hervorgeht, dass sich der Erklärende durch die Entscheidung beschwert fühlt und Nachprüfung begehrt ».

2 Trib. adm., 17 décembre 2001, n° 12830 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 383 (2e volet) et les autres références y citées.saisi d’un recours dirigé contre une telle « décision implicite de refus », indépendamment de la question de la compétence du tribunal pour connaître d’un tel recours, respectivement de la recevabilité d’un tel recours.

Il s’ensuit que le tribunal se trouve saisi du recours sous examen en ce qu’il est dirigé, d’après son dispositif, contre les seuls bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 2018 et 2019, émis à l’encontre des consorts ….

II) Quant à la compétence du tribunal Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

Toutefois, en application des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 19963, un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Dans la mesure où, en l’espèce, il ressort des explications du délégué du gouvernement que le directeur n’a pas pris position suite à la réclamation introduite par Monsieur … en date du 24 juin 2021, ce dernier a valablement pu introduire, en date du 4 mars 2022, un recours principal en réformation.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

III) Quant à la recevabilité du recours Le tribunal entend analyser les différentes questions de recevabilité du recours sou examen suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, sans d’ailleurs être pas tenu par l’ordre des moyens présentés par les parties.

Moyens et arguments des parties Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se réfère au § 232, alinéa (2) AO pour faire valoir que le recours sous examen serait à rejeter quant au fond.

Or, dans la mesure où le représentant étatique explique, en substance, à cet égard que Monsieur … ne serait pas admis à contester, que ce soit dans le cadre de sa réclamation ou du présent recours, les bases d’imposition fixées dans les bulletins d’établissement séparé et en 3 « Lorsqu‘une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du §§131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».commun des années d’imposition 2018 et 2019 émis à l’égard de la société A, au motif qu’il aurait exclusivement dirigé leur recours contre les bulletins de l’impôt sur le revenu émis à son égard et à l’égard de son épouse au titre des mêmes années d’imposition, le tribunal est amené à conclure que le délégué du gouvernement a entendu déclarer le recours sous examen irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu émis à l’encontre des consorts ….

Les contestations afférentes de Monsieur … seront, dès lors, analysées dans le cadre de la recevabilité du recours.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … s’oppose audit moyen d’irrecevabilité en faisant valoir qu’il aboutirait à l’empêcher d’exercer son droit de contester l’établissement des bases d’imposition de la société A, alors même que ce serait justement en raison de l’établissement, qui serait par ailleurs erronée, des bases d’imposition de cette société qu’il aurait lui-même été imposé en sa qualité d’associé « commandité ».

Il estime que la transparence fiscale de la société A ne remettrait pas en cause la circonstance que cette dernière aurait une personnalité juridique distincte de celle de ses associés commandités et que l’administration établirait des bulletins d’imposition distincts, à savoir des bulletins à l’égard de la société A, ainsi que des bulletins à l’égard de ses associés commandités, Monsieur … affirmant qu’il serait lui-même un associé « commandité ».

Monsieur … fait valoir qu’à défaut de communication, respectivement d’information préalable par l’administration à chacun des associés commandités de la société A quant aux montants, calculs et justificatifs afférents des bases d’imposition de la société A à chacun de ses associés commandités, il devrait pouvoir valablement opposer à l’administration des moyens permettant de réduire les bases d’imposition de ladite société qui seraient justement nécessaires pour fixer ses propres bases d’imposition personnelles. Lui refuser ce droit reviendrait à nier l’existence de son droit au respect du principe du contradictoire et des droits de la défense au titre de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », et du « droit constitutionnel ».

Il ajoute que lorsqu’un acte considéré comme principal, tel que le bulletin d’établissement séparé et en commun de la société A, serait entaché d’une « illégalité interne » pour avoir violé les règles et les principes applicables, tout acte secondaire qui serait basé sur cet acte principal, à savoir le bulletin de l’impôt sur le revenu émis à son encontre, serait nécessairement lui aussi entaché d’illégalité.

Monsieur … donne à considérer qu’en sa qualité d’associé « commandité », il serait le seul débiteur de la créance fiscale litigieuse, de sorte qu’il devrait être admis à pouvoir contester directement ou indirectement le bien-fondé de la base d’imposition de la société fiscalement transparente qui aurait servi à établir le montant de sa propre imposition. Monsieur … en déduit que le tribunal serait valablement saisi de sa demande tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019, de sorte que le tribunal devrait évaluer et prendre en considération tous les arguments.

Monsieur … fait encore valoir que le tribunal devrait encore tenir compte des « règles relatives à la répétition de l’indu », de même que du principe de l’effectivité, et se prévaut àcet égard d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») du 2 octobre 2003 (C-147/01).

Analyse du tribunal Aux termes du § 213, alinéa (2) AO qui dispose que « In den Fällen der §214 und 215 (nach näherer Maßgabe des §220 Ziffer 2 auch in anderen Fällen) werden die Besteuerungsgrundlagen gesondert festgestellt.

Hierüber wird ein schriftlicher Feststellungsbescheid erteilt. Die gesonderte Feststellung bildet, auch wenn sie mit der Steuerfestsetzung in einem Bescheid vereinigt ist, eine selbständige (mit Rechtsmitteln selbständig) anfechtbare Entscheidung. », un bulletin d’établissement séparé et en commun constitue une décision autonome contre laquelle une voie de recours autonome est ouverte.

A cet égard, le § 232, alinéa (2) AO précise que « Liegen einem Steuerbescheid Entscheidungen zugrunde, die in einem Feststellungsbescheid oder in einem Steuermessbescheid getroffen worden sind, so kann der Steuerbescheid nicht mit der Begründung angefochten werden, dass die in dem Feststellungsbescheid oder in dem Steuermessbescheid getroffenen Entscheidungen unzutreffend seien. Dieser Einwand kann nur gegen den Feststellungsbescheid oder gegen den Steuermessbescheid erhoben werden. ».

Il en résulte que si à la base d’un bulletin d’impôt se trouvent des décisions reprises plus particulièrement dans un bulletin d’établissement séparé, les contestations relatives au bien-fondé de la fixation des bases d’imposition contenues dans un bulletin d’établissement commun de revenus ne peuvent pas être soulevées dans le cadre d’un recours contre le bulletin individuel de l’impôt sur le revenu n’ayant fait que reprendre le revenu ou la part du revenu imputés au contribuable, mais elles doivent être invoquées dans le cadre d’une voie de recours dirigée directement contre ledit bulletin d’établissement4.

Dès lors, un recours contre un bulletin de l’impôt sur le revenu dont les moyens visent en réalité la fixation du bénéfice de l’entreprise collective par le bulletin d’établissement séparé et en commun encourt l’irrecevabilité5.

En l’espèce, Monsieur … explique « à titre liminaire » dans sa requête introductive d’instance qu’il entend contester la qualification de « revenus nets de capitaux mobiliers » qui aurait été retenue à tort par le bureau d’imposition, alors que lesdits revenus auraient été réalisés par la société A, qui serait une société fiscalement transparente et dont il aurait été actionnaire à hauteur de « 5,52% » au cours des années d’imposition 2018 et 2019.

Il reproche plus particulièrement à l’administration d’avoir retenu, au titre de « revenus de capitaux mobiliers », des « revenus supplémentaires » d’un montant de … euros pour l’année d’imposition 2018 et d’un montant de … euro pour l’année d’imposition 2019, alors que la société A serait, d’après le § 11bis de la loi d’adaptation fiscale, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », non imposable dans son propre chef, mais dans le chef de ses associés, lui compris, qui seraient soumis personnellement à l’impôt sur le revenu pour leur quote-part dans les revenus de la société. Monsieur … en déduit qu’en sa qualité d’associé, il pourrait valablement se prévaloir de « toute disposition qui 4 Trib. adm. 20 avril 2005, n° 18200 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1243 et les autres références y citées.

5 Trib. adm. 3 mai 2000, n° 11000 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1242 (1er volet) et les autres références y citées.pourrait servir de base ou qui pourrait permettre à la [s]ociété A de prétendre à l’exonération, sinon à une réduction des impôts ainsi calculés ».

Il ajoute que les deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis à son encontre auraient fait une appréciation administrative erronée de la base d’imposition et en conséquence du calcul de l’impôt sur le revenu dû par lui, en ce sens que le bureau d’imposition se serait contenté tant de reprendre des éléments factuellement et juridiquement contestables et contestés issus des bulletins d’établissement séparé et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 émis à l’égard de la société A, et aurait omis de tenir compte d’autres règles applicables en la matière.

« A titre principal », Monsieur … prend position par rapport à la « légalité interne » des bulletins d’imposition émis à son égard.

Par rapport au bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2018, Monsieur … se prévaut des articles 10, alinéa (6), 97, alinéas (1) et (3) et 100 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désigné par la « LIR », pour expliquer que le produit de la vente d’actions détenues par une société en commandite par actions depuis plus de 6 mois qualifierait et serait imposé, le cas échéant, en tant que produit de l’aliénation de ces actions, et non pas de « revenus nets de capitaux mobiliers » comme l’aurait retenu le bureau d’imposition dans le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2018.

Il indique que les « revenus nets de capitaux mobiliers » mentionnés dans ledit bulletin auraient été fixés sur base d’un renvoi au bulletin d’établissement séparé et en commun de l’année d’imposition 2018 de la société A, dont il aurait été l’associé, et laquelle aurait détenu des parts à hauteur de « 6,63% » dans le capital social de la société de droit chypriote B, ci-

après désignée par la « société B », depuis plus de 6 mois.

Il précise que cet élément factuel aurait été communiqué à l’administration dans le cadre des déclarations fiscales de la société A, dont l’administration n’aurait pas tenu compte. Ce serait, dès lors, à tort que le bulletin d’établissement séparé et en commun de l’année d’imposition 2018 de la société A aurait qualifié « le prix payé à la [s]ociété A par l’acquéreur des actions de la société B […] » de revenus de capitaux mobiliers, alors que ce revenu ne serait pas visé par l’article 97, alinéa (1) LIR, mais relèverait du champ d’application matériel d’une disposition spéciale, à savoir l’article 100 LIR.

Monsieur … indique ensuite, à ce stade, que la participation que la société A aurait eu détenu dans le capital de la société B et qui aurait fait l’objet d’une cession, aurait été à hauteur de « 4,53% », tout en précisant que cette participation ne pourrait pas être considérée comme une qualification de participation importante au sens de l’article 100 LIR.

Il ajoute que le produit net de l’alinéation des actions de la société B ne serait pas à qualifier de distribution de bénéfices courants qui rentrerait dans le champ d’application de l’article 97, alinéa (1), point 1 LIR, « mais, éventuellement, d’opération d’aliénation pouvant, le cas échéant, donner lieu dans le chef de l’actionnaire personne physique (en l’espèce [lui-

même]) à un revenu d’aliénation au sens de l’article 100 LIR ou à un bénéfice de spéculation au sens de l’article 99bis LIR ». Monsieur … poursuit ses explications en indiquant que ni les conditions de l’article 100 LIR, ni celles de l’article 99bis LIR ne seraient remplies en l’espèce, tout en affirmant que conformément à une « jurisprudence bien établie », l’inapplicabilité de l’article 97, alinéa (1), point 1 LIR emporterait également, en conséquence, l’inapplicabilité del’article 146, alinéa (1), point 1 LIR et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers.

Monsieur … en déduit que le produit de l’alinéation des actions de la société B qui serait à l’origine du calcul erroné de sa base d’imposition en lien avec sa quote-part dans les revenus collectifs de la société A, ne pourrait pas être qualifié de revenu de capitaux mobiliers et ainsi faire l’objet d’une imposition dans son chef, ni même de bénéfice de spéculation au sens de l’article 99bis LIR. A ce stade, Monsieur … estime que le produit de l’alinéation des actions de la société B qualifierait de revenu d’aliénation au sens de l’article 100 LIR qui ne pourrait pas être imposé, de sorte que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2018 devrait encourir la réformation.

Par rapport au bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019, Monsieur … donne à considérer que la plus-value résultant de la conversion d’obligations en actions ne serait pas qualifiable et imposable comme revenu net de capitaux mobiliers contrairement à ce que ledit bulletin aurait retenu.

Il indique que la quote-part dans les revenus collectifs de la société A d’un montant de … euros que lui aurait attribué le bureau d’imposition correspondrait à « une plus-value d’un autre investissement dans la société C suite à une conversion d’obligations de cette société en actions », comme il l’aurait déjà indiqué dans sa réclamation. Monsieur … ajoute que le produit de la conversion d’obligations en actions ne relèverait pas du champ d’application de l’article 97 LIR, mais serait, au contraire, régi par l’article 22, alinéa (5) LIR. Il en conclut que l’appréciation faite par l’administration dans le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019 par renvoi au bulletin d’établissement séparé et en commun de la société A relatif à la même année 2019 serait factuellement et juridiquement erroné, de sorte que le bulletin de l’impôt sur le revenu en question à son encontre devrait être réformé.

Monsieur … explique, ensuite, que son imposition ne serait pas justifiée « par application des règles de la fiscalité des ménages » au motif que « l’article 97 LIR s’applique[rait] de manière subsidiaire, en ce sens que, si le revenu e[tait] à la fois visé par l’article 97 LIR et qu’il rentr[ait] dans la fiscalité des entreprises, il sera[it] imposable dans le cadre de la fiscalité des ménages, et non pas celle des revenus de capitaux mobiliers ». Dans ce contexte, Monsieur … se prévaut de l’alinéa (4) de l’article 97 LIR pour préciser que la fiscalité des ménages, en ce compris sa propre imposition, relèverait « en principe de la théorie de la source », de sorte que les gains ne seraient imposables que s’ils possèdent un caractère de régularité et qu’ils procéderaient d’une source stable de revenus, ce qui exclurait en principe du champ les gains en capital. Ce serait la raison pour laquelle les revenus de capitaux mobiliers se limiteraient aux flux réguliers, tels que les dividendes et les intérêts, et qu’ils n’incluraient pas, en outre, les plus-values de cessions éventuelles.

En conséquence, les bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019 devraient encourir la réformation au motif qu’ils incluraient, dans sa propre base imposition, la « quote-part de ce dernier d’une plus-value de cession d’actions détenues par la [s]ociété A (pour l’année 2018) et d’une plus-value pour la conversion d’obligations en actions par cette même société (pour l’année 2019) », alors que ni la conversion d’obligations en actions, ni la cession d’actions par la société A dans laquelle il aurait investi, ne présenterait le caractère de flux régulier. Les montants en question qui correspondraient à des « transactions irrégulières » n’auraient donc pas dû être inclus dans son assiette et n’auraient pas dû faire l’objet d’une imposition dans son chef.

En avant-dernier lieu et toujours dans le cadre de la contestation de la « légalité interne » des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2018 et 2019, Monsieur … s’empare, « à titre subsidiaire », du § 205, alinéa (3) AO dont il explique l’objectif, la teneur, ainsi que les conséquences de sa violation, à savoir l’annulation desdits bulletins. Il estime qu’il y aurait eu atteinte à son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative fixant une obligation plus lourde que celle escomptée par lui à travers le dépôt de « sa déclaration ».

Monsieur … fait valoir qu’il n’aurait jamais été informé, ni sollicité par l’administration pour commenter, respectivement fournir des informations ou documents supplémentaires en lien avec ses déclarations d’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019, de sorte que l’administration aurait procédé à l’émission des bulletins de l’impôt sur le revenu sans tenir compte de ses déclarations d’impôts afférentes, ce qui serait constitutif d’une violation du § 205, alinéa (3) AO.

En dernier lieu, Monsieur … invoque, encore dans le cadre de la contestation de la « légalité interne » des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2019 et 2019, le principe de sécurité juridique et de confiance légitime, de même que le principe d’égalité devant l’impôt, et soutient qu’il aurait légitimement pu s’attendre à ce que l’administration ne fasse pas, en ce qui concerne lesdits bulletins d’imposition, une application abstraite des règles applicables à l’établissement de l’assiette et au calcul de l’impôt sur le revenu, en particulier en lien avec ses revenus en provenance de sa participation dans la société A, dont il rappelle qu’elle serait fiscalement transparente. Il en conclut que cet « excès de pouvoir » devrait être sanctionné.

Au regard de ces considérations, le tribunal est amené à constater que les arguments et moyens ainsi soulevés par Monsieur … dans sa requête introductive d’instance et dans son mémoire en réplique tendent, bien que de manière incohérente et peu claire, à remettre en cause les bases d’imposition fixées dans le chef de la société A, puisqu’ils comportent essentiellement des contestations relatives à la qualification de certains revenus qui auraient été réalisés par ladite société. Il s’ensuit que les références faites par Monsieur … à son imposition personnelle n’interviennent que suite à la fixation des bases d’imposition préalablement effectuée – de manière erronée aux yeux de Monsieur … – dans le cadre des bulletins d’établissement séparé et en commun émis à l’encontre de la société A.

Or, comme retenu ci-avant, il se dégage de la réclamation introduite par Monsieur … que ce dernier a entendu introduire une réclamation exclusivement contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019 émis à son encontre et à l’encontre de son épouse et qu’il n’y est pas fait mention des bulletins d’établissement séparé et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 notifiés à la société A. Il n’est pas non plus fait mention du bureau d’imposition qui serait en charge de la société. Il ne ressort pas non plus des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que la réclamation de Monsieur … aurait comporté des annexes, en ce compris lesdits bulletins d’établissement séparé et en commun litigieux. Le corps de la réclamation de Monsieur …, citée in extenso ci-avant, ne fait lui aussi ressortir que des contestations portant sur la qualification de revenus au niveau de la société A. Cette conclusion s’impose également en ce qui concerne le dispositif de la requête introductive d’instance, tel que relevé ci-avant.

Dans ces conditions, le tribunal retient, en application des principes dégagés ci-avant sur base du § 232, alinéa (2) AO, précité, que le recours sous examen de Monsieur … doit être déclaré irrecevable en ce qu’il est exclusivement dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2018 et 2019 émis à son encontre et à l’encontre de son épouse, dans lamesure où ledit recours tend en réalité à la réformation de la fixation du bénéfice de la société A par les bulletins d’établissement séparé et en commun émis l’égard de cette dernière.

Sur cette toile de fond, le tribunal retient que c’est à tort que Monsieur … estime néanmoins pouvoir bénéficier d’une voie de recours indirecte pour contester les bases d’imposition fixées dans le chef de la société A, alors que le § 232, alinéa (2) AO limite expressément les voies de recours au seul recours exercé directement contre le bulletin d’établissement séparé et en commun fixant lesdites bases d’imposition, tel que relevé ci-avant.

C’est encore à tort que Monsieur … se prévaut, dans ce contexte et par ailleurs de manière tout à fait vague et dépourvue d’une quelconque explication circonstanciée afférente, d’une violation de l’article 6 de la CEDH.

La loi ne prive pas Monsieur … de son droit à un recours contre les bases d’imposition de la société A, mais elle se limite à prévoir une procédure à suivre pour l’exercice dudit droit.

En effet, le § 239 AO dispose comme suit: « (1) Zur Einlegung von Rechtsmitteln, die einen einheitlichen Feststellungsbescheid über Einkünfte aus Gewerbebetrieb, über den Einheitswert eines gewerblichen Betriebs oder über wirtschaftliche Untereinheiten von gewerblichen Betrieben betreffen, sind die folgenden Personen berechtigt 1. soweit es sich darum handelt, wer an dem festgestellten Betrag beteiligt ist und wie der festgestellte Betrag sich auf die einzelnen Beteiligten verteilt: jeder Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diese Punkte berührt wird ;

2. soweit es sich um einen Punkt handelt, der einen Gesellschafter oder Gemeinschafter für seine Person angeht (zum Beispiel die Höhe von Sondervergütungen oder persönlichen Werbungskosten): der Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diesen Punkt berührt wird ;

3. im Übrigen: nur die zur Geschäftsführung berufenen Gesellschafter oder Gemeinschafter:

Gesellschafter oder Gemeinschafter, die nicht zur Geschäftsführung berufen sind, sind auch nicht berechtigt, dem Rechtsmittel beizutreten.

(2) Sind in anderen als den im Absatz 1 bezeichneten Fällen einheitliche Feststellungsbescheide gegen Mitberechtigte ergangen, so ist jeder Mitberechtigte zur Einlegung von Rechtsmitteln befugt. […] ».

Le § 239, alinéa (1), numéro 3 AO établit ainsi comme principe de base que seuls les associés désignés comme mandataires chargés de la gestion des affaires sont admis à introduire une réclamation contre un bulletin d’établissement concernant une société de personnes, la qualité de personne chargée de la gestion des affaires étant déterminée d’après le droit des sociétés et les statuts de la société.

Par exception à ce principe, le numéro 1 dudit § 239, alinéa (1) AO accorde un droit d’agir aux associés non gérants limités aux questions portant sur sa qualité d’associé et sur sa part fixée dans le bénéfice commun. De son côté, le numéro 2 du § 239, alinéa (1) AO reconnaît un droit de recours aux associés non gérants sur les points qui les concernent individuellement et notamment sur des questions relatives aux bilans particuliers (« Sonderbilanzen ») desassociés au regard de leurs revenus et charges personnels en relation avec l’activité commerciale6.

En l’espèce, il ressort des déclarations pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2018 et 2019 de la société A, que cette dernière a elle-même déclaré avoir réalisé un « bénéfice commercial », de sorte à être visée par le § 239, alinéa (1) AO précité, à l’exclusion de son alinéa (2).

Ensuite, et contrairement à ce que soutient Monsieur …, il ressort des éléments soumis à l’appréciation du tribunal par ce dernier, et plus particulièrement des déclarations pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2018 et 2019 de la société A, ainsi que des annexes afférentes, qu’il est, contrairement à ce qu’il affirme, un associé commanditaire (« limited partner ») de ladite société, alors que le seul associé commandité (« general partner ») mentionné, qui est également le représentant de la société A au sens du § 219 AO, est la société anonyme D, ci-après désignée par la « société D ».

Partant de ce constat, le tribunal relève qu’il se dégage pourtant des explications de Monsieur …, ainsi que des bulletins d’établissement séparé et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 émis à l’égard de la société A, que M. … était administrateur de la société D, étant donné qu’il est un des destinataires de ces bulletins pour y être mentionné après la société A et la société D. Dès lors, le tribunal retient que le demandeur n’avait certes pas, en tant qu’associé commanditaire, personnellement qualité à agir au sens du § 239, alinéa (1), numéro 3 AO pour contester les bases d’imposition de la société A, il n’en demeure pas moins qu’il avait bien qualité à agir au sens de cette même disposition, en tant qu’administrateur de la société D, elle-même associé commandité de la société A, contre les bulletins d’établissement séparés et en commun des années d’imposition 2018 et 2019 litigieux afin de contester la qualification des revenus retenue par le bureau d’imposition Sociétés 6 dans le chef de la société A, étant précisé que les contestations de Monsieur … ne sont pas de nature à tomber dans les hypothèses visées aux numéros 1 et 2 du § 239, alinéa (1) AO.

En présence de l’existence vérifiée d’une voie de recours directe pour contester les bases d’imposition litigieuses, l’article 6 de la CEDH ne saurait être utilement invoqué par Monsieur …, alors que cette disposition n’a pas vocation à créer une voie de recours alternative, légalement non prévue, pour pallier la circonstance que ce dernier a omis d’exercer un droit de recours qui est légalement prévu, en l’occurrence contre les bulletins d’établissement séparé et en commun. Aucune violation des droits de la défense ne saurait, dès lors, être constatée en l’espèce.

Compte tenu de sa qualité d’administrateur de la société D, elle-même associée commandité en charge de la gestion de la société A, Monsieur … ne saurait, en conséquence, pas raisonnablement soutenir qu’il n’aurait pas eu connaissance des bases d’imposition de la société A avant de se voir notifier ses deux bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2018 et 2019.

Monsieur … n’est pas non plus fondé à soulever une cause de nullité en alléguant une violation du § 205, alinéa (3) AO et du principe du contradictoire. D’une part, aucune mention 6 Trib. adm., 9 mars 2021, n° 43677 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1213 ; voir également : Cour adm., 29 juin 2017, n° 38666C du rôle https://ja.public.lu/35001-40000/38666C.pdf n’est faite dans les bulletins d’établissement séparé et en commun des années 2018 et 2019 quant à une éventuelle déviation, a fortiori significative, du bureau d’imposition sur un point des déclarations fiscales afférentes de la société A. D’autre part, Monsieur … n'invoque aucune disposition légale qui prévoirait une communication ou information préalable des bases d’imposition fixée dans le chef d’une société fiscalement transparente aux associés commanditaires avant l’émission de bulletins de l’impôt sur le revenu émis à leur encontre.

La question de la notification individuelle des bulletins d’établissement séparés et en commun litigieux à l’égard de tous les associés de la société A est, quant à elle, indifférente dans le cadre de la question de la recevabilité de Monsieur … à contester les bases d’imposition de la société A dans le cadre d’un recours dirigé contre ses propres bulletins de l’impôt sur le revenu.

Monsieur … n’est pas non plus fondé à faire valoir qu’il devrait être admis, dans le cadre du recours sous examen dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu émis à son égard et à l’égard de son épouse, à contester la légalité des bases d’imposition sous-jacentes, en substance, au motif que l’annulation des bulletins d’établissement séparé et en commun entraînerait automatiquement l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu. En effet, si le § 218, alinéa (4) AO7 impose un remplacement d’office des bulletins individuels en fonction des modifications apportées au bulletin d’établissement séparé et en commun au cas où une voie de recours contre un bulletin d’établissement séparé et en commun conduit à une modification des constatations ou bases y inscrites, encore faut-il qu’un tel recours ait valablement été exercé contre ledit bulletin d’établissement séparé et en commun, ce qui n’est justement pas le cas en l’espèce. Le tribunal précise, dans ce contexte, que la situation inverse, à savoir celle où l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu devrait entraîner l’annulation « à rebours » du bulletin d’établissement séparé et en commun n’est ni visée par l’alinéa (4) du § 218 AO, ni par aucune autre disposition légale8.

La circonstance que Monsieur … est le seul débiteur de sa propre créance fiscale fixée dans les bulletins de l’impôt sur le revenus des années 2018 et 2019 émis à son égard et à l’égard de son épouse, à l’exclusion de la société A qui est fiscalement transparente conformément au § 11bis StAnpG, n’est pas de nature à mettre en échec, d’une part, les dispositions du § 232, alinéa (2) AO, précité, aux termes duquel le recours doit, en tout état de cause, être dirigé contre les bulletins d’établissement séparé et en commun pour contester les bases d’imposition de sa créance fiscale, tel que retenu ci-avant, et, d’autre part, les dispositions du § 239 AO, précité, qui limitent le droit de réclamer visé au § 238 AO9 au cercle de personnes y limitativement énumérés en présence de bulletins d’établissement séparés et en commun, en l’occurrence à l’associé commandité lorsqu’il s’agit d’une contestation portant sur un élément autre que ceux visés aux numéros 1 et 2 du § 239, alinéa (1) AO.

7 § 218, alinéa (4) AO: « Ist die in einem Feststellungsbescheid enthaltene Feststellung durch Rechtsmittelentscheidung, durch Berichtigungsfeststellung oder durch Fortschreibung (§225a) geändert worden, so werden Bescheide (Steuerbescheide, Steuermessbescheide, Feststellungsbescheide), die auf dem bisherigen Feststellungsbescheid beruhen, von Amts wegen durch neue Bescheide ersetzt, die der Änderung Rechnung tragen. Dies gilt auch dann, wenn ein zu ersetzender Bescheid bereits unanfechtbar geworden war. Mit dem Erlass der neuen Bescheide kann gewartet werden, bis die Rechtsmittelentscheidung, Berichtigungsfeststellung oder Fortschreibung, die die bisherige Feststellung ändert, unanfechtbar geworden ist. ».

8 Cour adm., 20 décembre 2012, n° 30888C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1049 (1er volet) et les autres références y citées.

9 § 238 AO: « Befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist. ».Enfin, et quant à l’argumentation tout à fait générale fondée sur le principe de l’effectivité et de l’enrichissement sans cause, le tribunal n’est pas en mesure d’en saisir la teneur et la pertinence, de sorte à devoir encourir le rejet, étant rappelé que le tribunal n’a pas à effectuer lui-même des recherches juridiques pour palier à la carence d’un requérant en vue de soutenir sa thèse, ni à répondre à un moyen simplement suggéré.

Il résulte des considérations qui précèdent que le recours introduit par Monsieur …, en sa qualité d’associé commanditaire, respectivement à titre personnel, contre les bulletins de l’impôt sur les revenus des années d’imposition 2018 et 2019 émis à son égard et à l’égard de son épouse, en vue de contester les bases d’imposition y reprises des bulletins d’établissement séparé et en commun émis à l’égard de la société A, est irrecevable en application du § 232, alinéa (2) AO.

IV) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 4.000 euros formulée par Monsieur … sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, à laquelle le délégué du gouvernement s’oppose, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours principal en réformation irrecevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 4.000 euros formulée par Monsieur … ;

condamne Monsieur … aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juin 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47131
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-26;47131 ?

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