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17/06/2024 | LUXEMBOURG | N°50341

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2024, 50341


Tribunal administratif N° 50341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50341 2e chambre Inscrit le 18 avril 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50341 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2024 par Maître Louis Tinti, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 50341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50341 2e chambre Inscrit le 18 avril 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50341 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2024 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né en … à … (Somalie), de nationalité somalienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 2 avril 2024 ayant déclaré sa demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28 (2) d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Madame le délégué du gouvernement Corinne Walch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mai 2024.

Le 16 juillet 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section …, dans un rapport du même jour.

En date des 17 et 25 février, 26 mars et 30 avril 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 25 janvier 2022, erronément datée au 25 janvier 2021, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 27 janvier 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Le recours contentieux introduit par l’intéressé à l’encontre de la décision du ministre du 25 janvier 2022, prémentionnée, fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 20 avril 2023, inscrit sous le numéro 47078 du rôle, confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 19 juillet 2023, portant le numéro 48974C du rôle.

Le 24 janvier 2024, Monsieur … introduisit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg auprès du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère ».

Le même jour, l’intéressé fut entendu sur son identité par un agent de la police grand-

ducale, service de police judiciaire, section ….

Le 21 février 2024, il fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 2 avril 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa nouvelle demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015. Cette décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre deuxième demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 24 janvier 202[4] sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Rappelons avant tout développement en cause que vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 16 juillet 2020, qui a été refusée par décision ministérielle du 25 janvier 2022.

Pour rappel, lors de votre première demande de protection internationale, la crédibilité de votre récit a substantiellement été remise en cause étant donné qu'il comportait de nombreuses contradictions et incohérences compromettantes ainsi qu'une chronologie très confuse.

Il convient également de rappeler que les craintes que vous avez évoquées lors de votre première demande de protection reposaient sur des problèmes que vous auriez eus avec la milice Al-Shabaab dans votre ville d'origine à …, respectivement votre capture par ladite milice lors de votre participation à une célébration de mariage et votre incapacité à payer la taxe religieuse imposée par ladite milice après que vous auriez vendu votre bétail sans leur consentement préalable. Ayant été dans l'incapacité financière de payer la somme exigée, Al-

Shabaab vous aurait missionné sous la contrainte de charger votre charrette d'explosifs et de vous rendre avec celle-ci dans un camp militaire gouvernemental à …. Redoutant les dégâts et victimes que pourraient engendrer l'explosion de votre chargement, vous auriez décidé d'abandonner votre charrette en cours de route et de vous échapper des trois combattants d'Al-

Shabaab qui vous auraient escorté. Craignant des représailles sévères, vous seriez rapidement parti à … où vous seriez resté un mois avant de quitter votre pays d'origine.

Monsieur, vous avez été débouté de cette première demande de protection internationale par un jugement du Tribunal administratif du 20 avril 2023 (n° 47078 du rôle).

Concernant vos craintes le Tribunal a retenu qu'il : « partage les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit du demandeur et y constate de nombreuses incohérences et contradictions, qui affectent notamment les motifs essentiels invoqués à la base de sa demande de protection internationale, à savoir (i) sa capture par Al-Shabaab suite à sa participation à un mariage et (ii) la vente de ses animaux et les conséquences en découlant (…) Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal retient que le récit du demandeur, considéré dans sa globalité, n'est pas de nature à convaincre, l'intéressé apparaissant, au contraire, tenter sciemment d'induire en erreur au sujet de son vécu. C'est dès lors à bon droit que le ministre a pu remettre en question la crédibilité du récit du demandeur dans sa globalité, de sorte que c'est encore à bon droit qu'il a conclu que l'intéressé n'a pas fait état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire qu'il encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ou des atteintes graves au sens de l'article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 en relation avec son vécu personnel, tel que relaté à l'appui de sa demande de protection internationale ».

Le Tribunal s'était également prononcé sur la situation sécuritaire en Somalie en affirmant que « S'il se dégage certes de ces sources d'informations que la situation sécuritaire dans certaines régions en Somalie, et notamment dans la capitale …, - d'où provient le demandeur, originaire d'…, village situé au nord de … -, peut être qualifiée de violence aveugle en raison du conflit armé entre le groupe Al-Shabaab et les forces de sécurité somaliennes et internationales y présentes, il ne se dégage toutefois pas des éléments soumis au tribunal que le degré atteint par cette violence soit tel que tout civil courrait, du seul fait de sa présence dans ces régions, un risque réel de subir des menaces graves pour sa vie ou sa personne au sens de l'article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, étant encore relevé qu'il se dégage des extraits cités par le demandeur que la plupart des attaques perpétrées par Al-Shabaab ont visé les forces de sécurité somaliennes et les membres de la Mission de l'Union africaine en Somalie.

En outre, le demandeur n'a pas fait valoir d'éléments propres à sa situation personnelle qui aggraverait dans son chef le risque lié à la violence aveugle qui sévit en Somalie ».

Le 24 mai 2023, vous avez interjeté appel contre ce jugement du Tribunal.

Dans son arrêt du 19 juillet 2023 (n°48974C du rôle) la Cour administrative a déclaré votre appel comme étant non justifié. En effet, la Cour a partagé « l'analyse des premiers juges et rejoint le ministre en ce qu'au regard d'un nombre certain de contradictions et d'incohérences affectant ses dires, il a conclu à un manque général de crédibilité dans son chef (…). En résumé, il se dégage de l'examen des déclarations de l'intéressé que loin de présenter dès le début un récit complet et cohérent relativement à son vécu, l'appelant a fait des déclarations qui ont évolué au fil du temps et de la nécessité ressentie d'adapter et d'aggraver son sort pour arriver à ses fins. Le récit apparait dès lors en dernière analyse comme étant accommodé et inventé de toutes pièces. Or, loin de clarifier en instance d'appel la conclusion de l'autorité ministérielle en relation avec le manque de crédibilité de son récit, dont notamment les contradictions et incohérences relevées ci-avant, Monsieur … ne fournit que des explications générales, guère convaincantes, sans clarifier les doutes sérieux que ce constat génère logiquement à propos des faits de persécutions actuellement allégués.

Ainsi, au vu de ces considérations, la Cour est amenée à conclure que le ministre a valablement pu remettre en question la crédibilité du récit de l'appelant dans sa globalité et, en conséquence, pu retenir l'absence de raisons sérieuses crédibles de croire qu'il encourrait ou encourt, en cas de retour dans son pays d'origine, une crainte fondée de persécution ou un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, par rapport aux faits allégués.

Au-delà, la Cour constate que l'appelant ne prétend pas que la situation qui prévaut actuellement en Somalie correspondrait à un contexte de violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé interne ou international au sens de l'article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, ni les déclarations de l'appelant, ni les pièces du dossier administratif ne permettent de conclure à l'existence d'une telle situation ».

En dépit d'avoir été débouté depuis le 19 juillet 2023, vous n'avez toutefois jamais quitté le territoire luxembourgeois. Le 7 décembre 2023 vous avez été invité à la Direction générale de l'immigration afin de discuter sur l'éventualité d'un retour volontaire mais vous avez refusé cette option. Le 24 janvier 2024, vous avez décidé d'introduire une deuxième demande de protection internationale.

En mains, le rapport du Service de Police judiciaire du 24 janvier 2024, le rapport d'entretien du 21 février, ainsi qu'une photocopie d'une ordonnance médicale délivrée le 13 février 2024 attestant que vous suivez un traitement par antidépresseurs alors que vous avez été diagnostiqué avec des symptômes dépressifs et des troubles du sommeil.

Lors de votre entretien ministériel du 21 février 2024, vous déclarez avoir introduit une nouvelle demande de protection internationale au motif que la situation de votre famille se serait détériorée en raison de la milice Al-Shabaab à la suite de votre départ de Somalie au début de l'année 2020.

À cet égard, vous expliquez que vous auriez contacté par téléphone votre épouse en juillet 2023 pour l'informer que vous n'aviez pas obtenu une protection internationale au Luxembourg. Au cours de cet appel, et anticipant sans doute l'éventualité de votre retour dans votre pays d'origine, elle vous aurait révélé qu'elle aurait été violée vers la fin de l'année 2020 à … par « Al-Shabaab » (p.5/11 du rapport d'entretien), sans communiquer le nombre de violeurs et la fréquence. Il en découle qu'elle serait tombée enceinte et aurait donné naissance le 5 janvier 2022 à un garçon dénommé …. Interrogé sur le déroulement et la raison de ce(s) viol(s), vous expliquez que « Sie haben zu ihr gesagt : "Bring uns deinen Ehemann hierhin" » (p.5/11 du rapport d'entretien) pour laisser sous-entendre que votre départ de Somalie serait le fondement même des problèmes qu'auraient rencontrés votre famille.

Celle-ci serait ensuite partie vers décembre 2021 de … dans la région du … pour se réinstaller à …, près de …, dans la région de ….

Vous auriez « erst jetzt erfahren » (p.5/11 du rapport d'entretien) que l'une de vos filles, sans doute …, aurait été violée à l'âge de … ans par « Al-Shabaab » (p.5/11 du rapport d'entretien), sans mentionner le nombre de violeurs et la fréquence. Il y a lieu d'estimer que cela se serait déroulé en 2023 ou 2024, sachant que vous avez indiqué dans le cadre de votre première demande de protection internationale que votre fille … aurait été âgée de … ans en février 2021.

Par la même occasion, vous auriez appris que des membres d'Al-Shabaab se seraient présentés au domicile de votre famille à … en décembre 2023 et qu'ils auraient envisagé de s'emparer de votre fille … afin de la remettre à leur émir. Votre fille aurait alors pris l'initiative de s'échapper et de partir trouver refuge à …, dans le quartier de …, où elle résiderait désormais en cachette auprès d'une famille qui l'emploierait en tant que femme de ménage.

Compte tenu de la disparition de votre fille …, les membres d'Al-Shabaab auraient jeté leur dévolu sur votre fils … et se seraient emparés de celui-ci en janvier 2024, de sorte que vous et votre famille n'auriez plus de ses nouvelles. Dans ce contexte, vous précisez que votre fils … aurait été dans le curseur d'Al-Shabaab depuis plus de deux années, respectivement depuis février 2022, mais que votre épouse aurait continuellement réussi à convaincre la milice de ne pas le recruter au motif qu'elle nécessitait son aide en tant que « einzige männliche Familienmitglied das (…) helfen kann » (p.4/11 du rapport d'entretien). Néanmoins, après la disparition de votre fille …, cette justification n'aurait plus été suffisante et la milice Al-Shabaab se serait ravisée sur votre fils ….

En cas de retour en Somalie, vous redoutez de vous faire assassiner par ladite milice alors que vous risqueriez de subir des représailles pour avoir pris la fuite lorsqu'elle vous aurait forcé à conduire une charrette contenant des explosifs dans une base militaire à ….

Monsieur, je suis au regret de vous informer qu'en vertu des articles 28 (2), point d) et 32 de la Loi de 2015, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau relatif à l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d'une protection internationale.

Je rappelle dans ce contexte, que selon l'article 32 (4) « Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l'examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

Or, force est de constater que vous basez votre nouvelle demande de protection internationale essentiellement sur les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de votre première demande de protection internationale. En effet, à l'appui de votre deuxième demande de protection internationale, vous avez rappelé en guise de conclusion lors de votre entretien ministériel qu'en cas de retour dans votre pays d'origine vous craindriez « getötet zu werden.

Als ich damals vor den Al Shabaab geflohen bin, wollten sie mich zu einer Aufgabe schicken.

Ich wollte sie nicht machen (…) Wenn sie mich bei einer Rückkehr festnehmen würden, würden sie mich töten » (p.7/11 du rapport d'entretien). Toutefois, vous aviez déjà évoqué dans le cadre de votre première demande de protection internationale ces prétendues craintes de sorte qu'elles ne sauraient plus être perçues comme des éléments nouveaux au sens de l'article 32 précité.

Quant aux évènements regrettables dont auraient été victimes vos membres de famille, vous sous-entendez qu'ils seraient la conséquence de votre vécu personnel, respectivement de votre fuite de Somalie. En effet, comme évoqué lors de votre première demande de protection internationale, vous vous seriez échappé de la milice Al-Shabaab lorsque celle-ci vous aurait ordonné de livrer des explosifs dans un camp militaire gouvernemental et vous auriez rapidement quitter la Somalie pour éviter les représailles. Ainsi, la milice Al-Shabaab n'aurait pas été en mesure de vous retrouver et vous insinuez qu'elle aurait décidé, en contrepartie, de s'en prendre à vos membres de famille.

Toutefois, Monsieur, la Direction générale de l'immigration n'est pas en mesure de considérer que cette association est avérée puisque la crédibilité de votre récit lors de votre première demande de protection internationale a été remise en cause. Ainsi, puisqu'il n'est pas crédible que vous auriez quitté la Somalie dans les conditions que vous avez étayées antérieurement, il est impossible de concevoir que les évènements malheureux qu'auraient rencontré votre famille depuis votre départ de Somalie découleraient de celles-ci, respectivement de votre vécu personnel avant votre départ de votre pays d'origine.

À cela s'ajoute que ces dits évènements, aussi déplorables et condamnables soient-ils, constituent des faits non-personnels de sorte que vous restez en défaut de préciser en quoi ils vous concerneraient personnellement en cas de retour en Somalie et ne sauraient en tout cas pas non plus augmenter de manière significative la probabilité de vous voir octroyer une protection internationale.

A toutes fins utiles, il convient de soulever de manière générale que votre entretien ministériel du 21 février 2024 contient aussi une série de contradictions et incohérences qui ne font que renforcer le constat déjà posé lors de votre première demande de protection internationale du caractère fictif de votre récit. En effet, vous expliquez par exemple que vous auriez des brûlures sur votre corps et des séquelles à vos mains qui vous auraient été infligées par la milice Al-Shabaab pour vous punir de ne pas avoir accompli une mission qui consistait à conduire une charrette chargée d'explosifs dans un camp militaire gouvernemental à … : « Als ich damals vor den Al Shabaab geflohen bin, wollten sie mich zu einer Aufgabe schicken.

Ich wollte sie nicht machen. Sie haben mich so bestraft. Meine Hände, die Brandmarken.

Trotzdem bin ich geflohen » (p.7/11 du rapport d'entretien). Or, cette version ne coïncide aucunement avec celle que vous avez présentée lors de votre première demande de protection internationale alors que vous y aviez déclaré que les blessures à vos mains, infligées par Al-

Shabaab, dateraient de votre supposée détention de quelques jours découlant de votre capture lors d'une célébration de mariage, et non pas, comme vous le soutenez désormais, après que vous auriez été puni par Al-Shabaab en raison de votre refus d'effectuer une mission funeste.

Autrement, vous aviez déjà indiqué lors des entretiens relatifs à votre première demande de protection internationale, respectivement en février et avril 2021, que votre famille n'habiterait plus à … puisque votre épouse aurait voulu s'installer à proximité de la ferme agricole dans laquelle elle aurait commencé à travailler, de sorte qu'il est suspicieux de noter que vous datez cette fois-ci leur déménagement vers … à décembre 2021.

Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable au sens de l'article 28 (2) d). […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2024, inscrite sous le numéro 50341 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 2 avril 2024.

Etant donné que la décision déférée déclare irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 35 (3) de ladite loi prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 28 (2) de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur se réfère à l’arrêt de la Cour administrative du 19 juillet 2023, prévisé, par le biais duquel il a été définitivement débouté de sa première demande de protection internationale pour souligner que, postérieurement à celui-

ci, et en prévision d’un retour en Somalie, il aurait contacté son épouse qui lui aurait rapporté la survenance de faits qui devraient s’analyser comme étant nouveaux puisqu’il les aurait ignorés jusqu’alors. Il aurait ainsi appris que son épouse aurait été violée plusieurs fois à partir de la fin de l’année 2020 par un membre de la milice Al-Shabaab et que de ces viols serait né un enfant enregistré sous le nom de …. Par courrier daté du 16 avril 2024, son litismandataire aurait, par ailleurs, transmis au ministre l’original de l’acte de naissance dudit enfant. Le demandeur continue en expliquant que ce serait toujours à l’occasion de ses entretiens téléphoniques avec son épouse suite au rejet définitif de sa demande de protection internationale qu’il aurait appris que sa fille … aurait également été victime d’un viol de la part d’un membre de la milice Al-Shabaab, et ce probablement au courant de l’année 2023 ou 2024. A l’heure actuelle, sa fille aurait trouvé refuge à … après que des membres de la milice Al-Shabaab aient tenté, au cours du mois de décembre 2023, de l’enlever pour la remettre à leur émir. Il ajoute que la fuite de sa fille aurait poussé la milice en question à enlever au courant du mois de janvier 2024 l’un de ses enfants dont la famille n’aurait plus de nouvelles depuis lors. Il insiste sur le fait que tous ces évènements seraient à mettre en relation avec son propre départ de la Somalie, respectivement son refus de collaborer avec la milice Al-Shabaab. Enfin, il souligne souffrir de problèmes de santé d’ordre mental qui seraient documentés par un certificat médical versé en cause.

En droit, Monsieur … précise, à titre préliminaire, que ce qu’il reprocherait aux autorités de son pays d’origine, ce serait leur impuissance face aux exactions commises par la milice Al-

Shabaab et dont il aurait été indirectement victime puisque les membres dudit groupement s’en seraient pris à différents membres de sa famille faute de pouvoir s’en prendre à lui.

Il insiste sur le fait qu’il faudrait prendre en compte la réalité des violences commises par la milice Al-Shabaab au moment de la prise de la décision attaquée, respectivement apprécier celle-ci par rapport au degré de violence qui aurait régné antérieurement à la prise de cette même décision. Il s’agirait, en effet, d’un élément participant à la légalité de la décision ministérielle litigieuse en ce sens qu’il importerait de savoir si la situation nouvelle augmente de manière significative la probabilité pour lui de satisfaire aux critères sur base desquels se détermine le droit à la protection internationale.

En s’appuyant sur un document intitulé « Somalia : Al-Shabaab Regains Lost Territories Amid Run-up to State Elections » du 28 mars 2024, sur le rapport du Secrétaire général du Conseil de sécurité auprès des Nations Unies sur la situation en Somalie, datant du 13 octobre 2023 et sur le document « COI Query » établi par la European Union Agency for Asylum (« EUAA ») en date du 25 avril 2023, le demandeur insiste sur le fait que la situation sécuritaire en Somalie se caractériserait à l’heure actuelle par une insécurité liée « au conflit qui oppose « Al Shabaab » de même nature et intensité que celle qui prévalait antérieurement à la décision critiquée ».

Le demandeur fait ensuite valoir que les graves atteintes qui auraient été portées par la milice Al-Shabaab aux différents membres de sa famille seraient à considérer comme des éléments nouveaux pour n’avoir été portés à sa connaissance que postérieurement à l’arrêt de la Cour administrative. Or, il est d’avis que ces éléments nouveaux, en ce qu’ils se rattacheraient à sa situation personnelle, augmenteraient de manière significative la probabilité qu’il satisfasse aux conditions requises pour prétendre à une protection internationale. Il affirme, en effet, que ce serait en raison de l’impossibilité pour la milice Al-Shabaab de s’en prendre à lui directement que ledit groupement s’attaquerait à sa famille. Comme il serait dès lors le principal visé par ladite milice, il pourrait être raisonnablement admis qu’en cas de retour en Somalie, il serait directement et personnellement victime de persécutions, sinon d’atteintes graves de la part dudit groupement.

Il ajoute que les faits invoqués à la base de sa nouvelle demande de protection internationale, documentés par les pièces versées en cause et notamment par l’acte de naissance de l’enfant …, qui ne serait manifestement pas son enfant légitime, établiraient à suffisance, par leur nature et leur gravité, qu’il serait originaire d’une « zone » à ce point dangereuse que, pour cette seule considération, il pourrait raisonnablement être envisagé qu’il satisfasse aux critères sur base desquels se détermine le droit à la protection subsidiaire. Il estime que, dans un tel contexte, la question de savoir si les atteintes subies par les membres de sa famille sont ou non en relation avec son vécu personnel, deviendrait surabondante.

Le demandeur insiste ensuite sur le fait que, contrairement à ce qu’affirmerait le ministre dans sa décision, des faits non personnels pourraient être utilement invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale dès lors qu’il établirait à suffisance de droit se trouver dans une situation comparable sinon susceptible d’être suffisamment en lien avec sa situation personnelle pour considérer qu’en cas de retour en Somalie, il pourrait subir des faits d’une gravité aussi caractérisée. Or, tel serait le cas en l’espèce puisque, d’une part, il pourrait être raisonnablement admis que les membres de sa famille subiraient actuellement des représailles de la part de la milice Al-Shabaab en lien avec son propre vécu antérieur et que, d’autre part, sa famille et lui seraient tous originaires d’une région particulièrement dangereuse qui échapperait manifestement au contrôle et à la sécurisation des autorités en place.

Pour ce qui est des contradictions et incohérences concernant notamment l’origine des brûlures sur son corps et des séquelles sur ses mains, dont le ministre a soutenu que la version des faits présentée lors de son entretien en relation avec sa deuxième demande de protection internationale ne coïnciderait pas avec celle présentée dans le cadre de sa première demande, le demandeur renvoie aux lignes directrices du Haut-Commissariat aux Réfugiés (« HCR ») suivant lesquelles il serait important de garantir que l’évaluation de la crédibilité tienne compte de la situation particulière du demandeur de protection internationale, ce d’autant plus en présence de personnes traumatisées dont les effets du traumatisme subi sur leur capacité à se remémorer des dates ou des détails factuels, devraient être pris en compte.

Il ajoute que la charge de la preuve en matière d’asile devrait se faire en tenant également compte de la vulnérabilité du demandeur de protection internationale et des difficultés pratiques et psychologiques auxquelles il peut être confronté dans l’établissement d’un risque et dans la réunion des preuves.

En l’espèce, il faudrait tenir compte de ce que les faits pris en considération par le ministre pour asseoir sa conviction quant au caractère fictif de son récit dateraient de plusieurs années et que, par ailleurs, il n’aurait aucune formation scolaire et qu’il souffrirait de graves problèmes de santé en relation avec son vécu dans son pays d’origine. L’ancienneté des faits ainsi considérée et les difficultés auxquelles il se trouverait légitimement confronté pour se les remémorer, du fait de ses problèmes de santé et faute de formation scolaire, permettraient de retenir que ce serait à tort que le ministre a conclu au caractère fictif de son récit, ce d’autant plus que les incohérences relevées dans ce contexte porteraient sur des aspects d’une importance secondaire de son récit.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours.

Le tribunal relève que l’article 28 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: […] d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale […] ».

Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. […] ».

Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure – c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne, y compris, notamment, le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande –, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, deuxièmement, que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, troisièmement, qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

Il appartient dès lors au tribunal d’analyser les motifs soumis en cause par le demandeur afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments, ainsi que, le cas échéant, s’ils augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, étant précisé que le caractère nouveau des éléments avancés en cause s’analyse notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure, laquelle doit, aux termes de l’article 32 (1) de la loi du 18 décembre 2015, avoir fait l’objet d’une décision finale.

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que la demande de protection internationale de Monsieur … faisant l’objet de la décision déférée a été introduite le 24 janvier 2024, soit après le rejet définitif de sa demande précédente par l’arrêt, précité, de la Cour administrative du 19 juillet 2023, de sorte que la demande en question doit être qualifiée de demande ultérieure au sens de l’article 32 (1) de la loi du 18 décembre 2015.

S’agissant ensuite de la question de savoir si les éléments soumis par Monsieur … dans le cadre de sa nouvelle demande peuvent être qualifiés de nouveaux au sens des articles 28 et 32, précités, de la loi du 18 décembre 2015, il échet d’abord de souligner que sont à considérer comme nouveaux, au sens de l’article 32 précité de la loi du 18 décembre 2015, des éléments qui sont postérieurs à la décision ministérielle de rejet de la demande initiale et à la procédure contentieuse afférente1.

Il y a, à cet égard, lieu de relever que le demandeur invoque les éléments suivants à la base de sa deuxième demande de protection internationale :

− la détérioration de la situation de sa famille restée en Somalie en raison des agissements dont les membres de celle-ci et plus particulièrement son épouse, sa fille … et son fils … auraient été victimes de la part de la milice Al-Shabaab suite à son départ dudit pays au début de l’année 2020, le tout faute pour ladite milice 1 Voir en ce sens : trib., adm. 6 décembre 2006, n° 22137 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 91 et les autres références y citées.

d’avoir pu s’en prendre directement à lui ;

− sa crainte de se faire lui-même assassiner par ladite milice à titre de représailles pour avoir pris la fuite après qu’il ait refusé de conduire une charrette contenant des explosifs dans une base militaire à …, et ce, sur la toile de fond que l’insécurité liée aux agissements de ladite milice serait inchangée ;

− la situation sécuritaire régnant dans son pays d’origine qui serait toujours à ce point dangereuse qu’elle suffirait à elle seule pour considérer qu’il remplit les critères pour se voir accorder le statut conféré par la protection subsidiaire.

Le tribunal se doit, dans ce contexte, tout d’abord de constater que le ministre a analysé les déclarations faites par le demandeur avant d’arriver à la conclusion que sa deuxième demande de protection internationale était irrecevable et que ce n’est qu’à titre superfétatoire que le ministre a relevé des contradictions et incohérences qui seraient apparues entre la version des faits présentée à l’appui de sa première demande de protection internationale et ceux présentés à l’appui de sa deuxième demande lesquelles viendraient renforcer le constat déjà posé lors de sa première demande de protection internationale du caractère fictif de son récit.

Il y a ensuite lieu de relever qu’aussi bien dans le cadre de son audition que dans le cadre du recours sous analyse le demandeur affirme lui-même que tous les agissements dont auraient été victimes les membres de sa famille depuis son départ de Somalie, et dont il estime qu’il s’agirait d’éléments ou de faits nouveaux au sens des articles 28 et 32 précités de la loi du 18 décembre 2015 pour lui avoir été relatés par son épouse suite au rejet définitif de sa première demande de protection internationale, de même que sa propre crainte d’être victime de représailles en cas de retour dans son pays d’origine, seraient à mettre en relation avec sa fuite de Somalie après qu’il ait refusé de collaborer avec la milice Al-Shabaab. Ce serait, en effet, faute d’avoir pu l’atteindre directement que ladite milice s’en serait prise à sa famille à titre de représailles.

En l’espèce, le tribunal rappelle que dans son arrêt, prémentionné, du 19 juillet 2023, déboutant définitivement l’intéressé de sa première demande de protection internationale, la Cour administrative a retenu que le récit de Monsieur …, pris non seulement dans sa globalité, mais concernant entre autres son prétendu vécu en relation avec la milice Al-Shabaab, dont notamment ses déclarations suivant lesquelles il aurait refusé de commettre un attentat suicide avec l’aide d’une charrette contenant des explosifs, n’était pas crédible, de sorte qu’il ne saurait se départir de cette conclusion dans le cadre de la présente procédure, le demandeur n’ayant apporté aucun élément concret permettant de retenir le contraire. Ce constat s’impose d’autant plus que la Cour administrative est venue à cette conclusion tout en ayant elle-aussi été confrontée à l’affirmation du demandeur suivant laquelle, malgré les incohérences et contradictions dans son récit, il devrait profiter du bénéfice du doute et qu’il devrait être tenu compte des conséquences de son analphabétisme et des traumatismes subis par lui dans son pays d’origine, la Cour ayant, en effet, estimé que le demandeur n’avait fourni que des « explications générales, guère convaincantes », sans pour autant clarifier les doutes sérieux que le constat du manque de crédibilité de son récit générerait logiquement à propos des faits de persécution allégués par lui.

Il suit de ces considérations que la crainte du demandeur, telle qu’évoquée à nouveau dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, de faire lui-même l’objet de représailles de la part de la milice Al-Shabaab en cas de retour dans son pays d’origine pour avoir refusé de commettre un attentat suicide et avoir pris la fuite en 2020, ne saurait être considérée comme un élément nouveau au sens de l’article 32 de la loi du 18 décembre 2015.

Pour ce qui est des faits subis par les membres de sa famille et dont il déclare n’avoir eu connaissance que suite au rejet définitif de sa première demande de protection internationale, il y a lieu de conclure que dans la mesure où il rattache ceux-ci à son propre récit - déclaré non crédible -, ils ne sauraient être considérés comme augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions pour l’obtention d’une protection internationale.

S’agissant enfin de la situation sécuritaire en Somalie, telle que plus particulièrement invoquée dans le cadre du recours sous analyse, le tribunal se doit de constater que le demandeur avait d’ores et déjà invoqué l’existence d’un climat de violence aveugle et la détérioration de la situation sécuritaire en Somalie dans le cadre de sa première demande de protection internationale et qu’il a été définitivement débouté à ce sujet par l’arrêt prémentionné de la Cour administrative du 19 juillet 2023 qui a retenu que ni les déclarations du demandeur ni les pièces du dossier administratif ne permettaient de conclure à l’existence en Somalie d’une situation correspondant à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, le tribunal est amené à retenir que s’il se dégage certes des sources d’informations invoquées par le demandeur à l’appui du présent recours que la situation sécuritaire dans certaines régions de la Somalie, dont celle du … où se trouverait actuellement l’épouse du demandeur, peut être qualifiée de violence aveugle en raison du conflit armé entre la milice Al-Shabaab et les forces de sécurité somaliennes et internationales y présentes, il n’en ressort toutefois pas que le degré atteint par cette violence soit tel qu’il puisse être retenu que, depuis l’arrêt de la Cour administrative, tout civil courrait, du seul fait de sa présence dans ces régions, un risque réel de subir des menaces graves pour sa vie ou pour sa personne au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur ne faisant, par ailleurs, pas valoir d’éléments propres à sa situation personnelle qui aggraveraient dans son chef le risque lié à la violence aveugle qui sévit dans certaines régions. Il s’ensuit que la situation sécuritaire en Somalie ne saurait s’analyser comme constituant dans son chef un élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu déclarer irrecevable la deuxième demande de protection internationale de Monsieur … en application des articles 28 (2) d) et 32 de la loi du 18 décembre 2015.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 17 juin 2024 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 50341
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-17;50341 ?

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