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06/06/2024 | LUXEMBOURG | N°46938

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2024, 46938


Tribunal administratif N° 46938 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46938 2e chambre Inscrit le 26 janvier 2022 Audience publique du 6 juin 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, en présence de la société anonyme … SA, …, en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46938 du rôle et déposée au greffe du tri

bunal administratif en date du 26 janvier 2022 par Maître Marianne Goebel, avocat à la Cour, inscr...

Tribunal administratif N° 46938 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46938 2e chambre Inscrit le 26 janvier 2022 Audience publique du 6 juin 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, en présence de la société anonyme … SA, …, en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46938 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 janvier 2022 par Maître Marianne Goebel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, demeurant à L-… ;

2) Monsieur …, demeurant à L-… ;

3) Madame …, épouse …, demeurant à L-… ;

4) Monsieur …, demeurant à L-…;

5) Monsieur …, demeurant à L-… ;

6) Monsieur …, demeurant à L-… ;

7) Monsieur …, demeurant à L-… ;

8) Monsieur …, demeurant à L-… ;

9) Monsieur …, demeurant à L-… ; et 10) Madame …, épouse …, demeurant à L-… ;

tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté référencé sous le numéro … du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire du 30 juillet 2021 portant autorisation dans le chef de la société anonyme … SA pour l’installation et l’exploitation à … d’un parc éolien se composant plus particulièrement d’une éolienne, d’un poste de transformation et d’un appareil de levage ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges Weber, demeurant à Diekirch, du 31 janvier 2022 portant signification de ladite requête à la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 2022, au nom de la société anonyme … SA, préqualifiée ;

1Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2022, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse de la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2022, au nom de la société anonyme … SA, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Marianne Goebel, déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2022, au nom de ses mandants, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique de la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2022, au nom de la société anonyme … SA, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2022, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marianne Goebel, Maître Serge Marx et Madame le délégué du gouvernement Charline Rademecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2024.

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En date du 5 février 2020, la société anonyme … SA introduisit une demande d’autorisation d’exploitation sur base de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », auprès des autorités compétentes au nom et pour le compte de la société anonyme … SA, ci-après désignée par « la société … », en voie de constitution.

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, ci-après désigné par « le ministre du Travail », délivra, par arrêté référencé sous le numéro … du 30 juillet 2021, l’autorisation de procéder à l’installation et à l’exploitation d’un parc éolien à … sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions d’exploitation. Ledit arrêté est libellé comme suit :

« […] Vu la demande du 5 février 2020 présentée par la SA … complétée par les informations complémentaires du 28 février 2020 au nom et pour le compte de la SA …, aux fins de pouvoir obtenir l’autorisation pour la construction et l’exploitation d’un parc éoliennes situé sur le territoire de la commune de la Ville d’Ettelbruck, à …, au lieu-dit « … », que plus particulièrement l’autorisation est sollicitée pour les éléments suivants:

- Une éolienne dénommée « WEA 1 », située à • Position géographique …;

• Numéro cadastral …, section … de …;

avec les caractéristiques techniques suivantes • Eolienne du type …;

• Puissance électrique nominale de 3,5 MW;

• Hauteur maximale de 230 m;

• Hauteur du moyeu maximale de 160 m;

2• Diamètre hélice maximale de 138,60 m;

• ou alternativement une • Eolienne du type …;

• Puissance électrique nominale de 3,3 MW;

• Hauteur maximale de 230 m;

• Hauteur du moyeu maximale de 164 m;

• Diamètre hélice maximale de 131 m;

- Un poste de transformation 0,63/20 kV d’une puissance apparente nominale de 3.850 kVA, refroidi à l’huile ou alternativement refroidi à l’air, installé à l’intérieur de la tour au pied de l’éolienne dénommé « WEA 1 »;

- Un appareil de levage du type de plateforme élévatrice dénommé « Aufstiegshilfe » d’une charge utile unitaire de 240 kg et pouvant transporter au maximum deux personnes, installé dans la tour de l’éolienne dénommé « WEA 1 »;

et les annexes / connexes suivants :

- Un tracé de câble souterrain d’une longueur approximative 1,70 km pour le raccordement aux réseau d’énergie ;

- L’aménagement du chemin d’accès vers l’éolienne ;

Vu la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés;

Vu le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés;

Vu le plan de situation et celui des lieux;

Vu l ‘enquête de commodo et incommodo et l’avis du collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’Ettelbruck en date du 14 septembre 2020;

Vu les divers réclamations formulées lors de l’enquête de commodo et incommodo;

Vu l’avis « 2020-95302 » du 24 janvier 2020 établi par la Direction de l’aviation civile (DAC);

Vu le courrier « 828x6e223 » du 22 octobre 2018 établi par l’Administration de la navigation aérienne (ANA);

Considérant, en ce qui concerne les compétences du Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, que les conditions d’exploitation tiennent compte des nuisances et dangers pouvant éventuellement résulter de l’exploitation de l’installation faisant l’objet de la demande d’autorisation précitée; que ces conditions sont à considérer à l’état actuel de la technologie comme suffisantes pour garantir d’une manière générale la sécurité du public et du voisinage en général ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé du lieu de travail;

3 A R R Ê T E :

Article 1er: - L’autorisation sollicitée est accordée sous réserve des conditions d’exploitation suivantes :

I) Conditions générales 1) L’établissement respectivement les installations doivent être aménagés et exploités conformément aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de la demande et conformément aux prescriptions du présent arrêté.

Ces mêmes prescriptions sont seules d’application en cas de contradictions entre les indications du dossier de la demande et les stipulations de la présente autorisation.

[…] 3) Toutes dispositions doivent être prises par l’exploitant afin de garantir la sécurité du public et du voisinage en général ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie.

[…] II) Conditions particulières […] 2) L’établissement respectivement les installations doivent être mis en œuvre, construits, aménagés et exploités conformément aux prescriptions des publications suivantes, consultables sur le site internet de l’inspection du travail et des mines, à savoir:

[…] ITM-SST 1840.1 :

Eoliennes L’article 10.2 de la présente prescription n’est pas d’application. Chaque éolienne doit être identifiable par un numéro unique. Ce numéro unique doit être indiqué sur l’éolienne de manière d’être facilement repérable par les services d’intervention et de secours.

La numérotation unique de chaque éolienne est à déterminer en coordination avec le Corps Grand-Ducal Incendie & Secours (CGDIS).

[…] III) Conditions supplémentaires […] 42) Une étude géotechnique pour chaque site éolien est à établir. Une évaluation des risques sismiques, risques de mouvement de terrain, risques d’inondation, risques de remontée de nappe, tempêtes, etc., pouvant mettre en danger la stabilité et la solidité des éoliennes ou de leurs fondations doit être réalisée avant la phase de construction de l’éolienne.

Toute éolienne doit être conçue de façon à ce que soit donné en tout temps toutes les garanties de stabilité et de solidité, même lors d’intempéries, telles que tempête, orage, inondations, gel, givre et neige.

[…] III) Rapports de réception […] ITM-SST 1840.1 Eoliennes (…) Art.12 Un organisme de contrôle doit vérifier si la situation géologique du site respecte les conditions définies au niveau du contrôle type de la fondation de l’éolienne. A cette fin, il doit formuler un avis géologique en s’appuyant sur les examens géotechniques nécessaires. Dans le cas d’un non-respect des conditions, la conception, les dimensions et la mise en œuvre doivent être adaptées à la situation géologique et vérifiées par un organisme de contrôle.

La réalisation de la fondation et des armatures doit être contrôlée avant le bétonnage par un organisme de contrôle.

Il est impératif de prendre des échantillons normalisés du béton lors du bétonnage et de faire analyser ces échantillons par un laboratoire spécialisé en la matière.

Lorsque l’éolienne est assemblée par soudage sur site, il faut que ces soudures soient vérifiées au rayon X par un organisme de contrôle.

L’éolienne doit être réceptionnée par un organisme de contrôle avant sa mise en service, après chaque incident ou accident pouvant avoir eu une influence sur la sécurité de l’éolienne et après chaque modification ou réparation substantielle et cela avant sa mise ou remise en service.

Le contrôle de réception doit comprendre toutes les composantes de l’éolienne ayant une influence sur la stabilité et la solidité de celle-ci, tous les dispositifs concernant la sécurité, ainsi que toutes les composantes essentielles de l’installation électromécanique.

(…) Les réceptions et contrôles se baseront notamment sur les présentes prescriptions, sur les prescriptions et recommandations du «Germanischer Lloyd» les plus récentes en date concernant les éoliennes ou sur des prescriptions au moins équivalentes en matière de sécurité, sur le contrôle type («Typenprüfung») de l’éolienne, sur les normes et règles techniques suivies lors de la construction de l’éolienne et sur les données techniques figurant dans les manuels descriptifs concernant l’éolienne.

(…) 5Article 2: - Le présent arrêté est transmis par l’Inspection du travail et des mines à l’intéressé pour lui servir de titre et à l’Administration communale de la Ville d’Ettelbruck pour en faire assurer l’exécution conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.

Article 3: - Conformément à l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 susmentionnée, à la loi du 12 juillet 1996 portant révision de l’article 95 de la constitution et à la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours peut être interjeté contre la présente décision par ministère d’avoué auprès du tribunal administratif. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de quarante jours à partir de la notification de la décision. […] ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 septembre 2021, réceptionné le 22 septembre 2021 par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, le litismandataire de Monsieur …, Monsieur …, Madame …, épouse …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur … et Madame …, épouse …, ci-

après désignés par « les demandeurs », introduisit un recours gracieux en leur nom et pour leur compte à l’encontre de l’arrêté, précité, du 30 juillet 2021.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2022, les demandeurs ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 30 juillet 2021.

Etant donné que l’article 19, alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999 prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

I. Quant à la recevabilité du recours Moyens et arguments des parties Afin de justifier l’existence d’un intérêt à agir dans leur chef, les demandeurs font plaider qu’ils seraient tous des résidents du village de … lequel se situerait à une distance de l’éolienne – projetée sur deux parcelles situées sur le territoire de la commune d’Ettelbruck –, allant de 500 mètres à 1 kilomètre des limites cadastrales indiquées dans l’autorisation d’exploitation du 30 juillet 2021, référencée sous le numéro …, ci-après désignée par « l’autorisation d’exploitation ». Au vu de cette proximité géographique entre leurs lieux d’habitation et le lieu d’implantation de l’établissement classé, ils auraient un intérêt à agir contre l’arrêté ministériel litigieux. En effet, une telle proximité géographique entre les propriétaires, respectivement les habitants d’une localité et l’établissement classé projeté serait à prendre en considération, en ce que ces derniers pourraient légitimement craindre la survenance d’inconvénients en raison du projet, les demandeurs se référant, à cet égard, entre autres, à un arrêt de la Cour administrative du 4 mars 2003, inscrit sous le numéro 15697C du rôle. Ainsi, compte tenu (i) de la proximité géographique entre leurs lieux d’habitation et le lieu d’implantation de l’établissement projeté et (ii) de l’envergure et du caractère incisif du projet litigieux, à savoir l’installation d’une éolienne d’une hauteur de 230 mètres, les demandeurs concluent à un intérêt personnel direct et légitime dans leur chef de voir contrôler la conformité dudit projet par rapport aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

6Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conteste l’existence d’un intérêt à agir effectif, né et actuel dans le chef des demandeurs. Elle estime que leur argumentaire se limiterait à de simples suppositions vagues et générales laissant d’être prouvées, et ce alors même qu’un requérant devrait pouvoir justifier que l’aboutissement de son recours lui apporte « un remède effectif à la violation alléguée de cet intérêt », qui devrait être suffisamment certain, dans le sens où la décision déférée devrait avoir une incidence sur sa situation personnelle.

Elle remet, dans ce contexte, en cause la distance alléguée par les demandeurs de 500 mètres à un 1 kilomètre entre leurs lieux d’habitation respectifs et la situation projetée de l’éolienne. En effet, non seulement il ne serait pas prévu que l’éolienne litigieuse soit placée en limite cadastrale, mais qui plus est la distance géographique prescrite entre les lieux d’habitation et l’éolienne serait respectée. Leurs réclamations seraient purement hypothétiques, les demandeurs se limitant à invoquer une prétendue proximité géographique entre l’éolienne projetée et leurs habitations, sans apporter une quelconque preuve des soi-disant inconvénients en découlant, lesquels seraient fondés sur des probabilités et resteraient tout au moins incertains. L’annulation de la décision litigieuse n’aurait, en outre, aucune conséquence effective sur leur situation, ce qui constituerait cependant une condition nécessaire à l’introduction d’un recours à l’encontre d’une telle décision.

La société … conteste également tout intérêt à agir dans le chef des demandeurs. En se référant à un mesurage approximatif effectué sur le site Geoportail entre l’emplacement projeté de l’éolienne litigieuse et les parcelles des demandeurs, elle affirme que ces derniers habiteraient à des distances à vol d’oiseau variant entre environ 750 mètres et 1,2 kilomètre de ladite éolienne, distances qui seraient toutefois trop importantes pour permettre aux demandeurs d’en tirer un quelconque intérêt à agir. Elle cite, dans ce contexte, un arrêt du Comité du Contentieux du Conseil d’Etat du 1er août 1962, Nuss-Jacoby, Rec. CE 1962.

Elle continue en faisant valoir qu’en tout état de cause, la seule proximité géographique par rapport à un établissement classé ne saurait être suffisante pour justifier d’un intérêt à agir contre l’autorisation d’exploitation d’un tel établissement. Il faudrait encore prouver une aggravation concrète de sa « situation de voisin », ce que les demandeurs resteraient cependant en défaut de faire en se bornant à invoquer de prétendus inconvénients hypothétiques, abstraits et présumés.

Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur l’existence d’un intérêt à agir dans leur chef en précisant que « [l]a notion de « proximité suffisante » [serait], entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui [pourraient] en émaner », tel que l’aurait retenu la Cour administrative dans un arrêt du 13 janvier 2009, inscrit sous le numéro 24501C du rôle, et que leurs habitations se situeraient à une distance d’environ 500 mètres et 800 mètres des limites cadastrales du projet litigieux, sur des terrains offrant un paysage agricole et une vue dégagée, tel que cela ressortirait d’une carte topographique disponible sur le site Géoportail et d’une photo prise sur Google.

Les demandeurs estiment que même en prenant en considération les distances calculées par la société …, à savoir 750 mètres et 1,2 kilomètre, ils auraient un intérêt évident à voir vérifier la légalité et le bien-fondé du projet litigieux, et ce, au vu de la proximité et de l’envergure dudit projet. Leur intérêt à agir serait même justifié s’ils n’établissaient pas 7concrètement être importunés par des infrasons ou subir des effets secondaires dus à la présence des éoliennes projetées.

Au vu de la hauteur de l’éolienne projetée, envisagée à 230 mètres, elle constituerait l’une des éoliennes les plus grandes du pays, et serait, de ce fait, à l’origine d’une multitude de nuisances dans leur chef. Ainsi, l’éolienne serait visible – suivant un photomontage réalisé par leurs soins – depuis l’entrée de la maison de Monsieur …, et il en serait de même pour les sieurs …, … et Madame …, ainsi que depuis la propriété des autres demandeurs. Cette « forte visibilité » de l’éolienne depuis leurs terrains respectifs justifierait un intérêt à agir suffisamment direct et certain dans leur chef. Ils auraient, dès lors, apporté à suffisance la preuve des inconvénients engendrés par l’éolienne projetée.

Enfin, les demandeurs contestent la pertinence de la référence faite par la société … à la jurisprudence du Conseil d’Etat du 1er août 1962, en raison de la différence au niveau de l’ampleur des éoliennes érigées à cette époque et celle projetée qui devrait, à leur avis, être prise en considération, puisqu’elle impliquerait de plus lourdes conséquences en termes de sécurité du public et du voisinage.

Dans le cadre de son mémoire en duplique, la société … maintient, en substance, ses développements antérieurs, tout en faisant remarquer que le photomontage reproduit par les demandeurs, « bricolé » de manière unilatérale par ces derniers, serait faux et prêterait à confusion, alors qu’en réalité, l’éolienne projetée serait implantée substantiellement plus loin que le pylône électrique qui pourrait être aperçu à droite sur l’image produite par les demandeurs. L’éolienne ne se situerait en effet pas à proximité directe des habitations des demandeurs, mais à des distances variant entre environ 750 mètres et 1,2 kilomètre desdites habitations.

La partie étatique maintient, dans son mémoire en duplique, également, en substance, ses développements antérieurs tout en précisant que les demandeurs resteraient toujours en défaut d’exposer dans quelle mesure la prétendue proximité entre leurs habitations et l’éolienne projetée causerait des éventuels nuisances ou risques de nuisances pour eux, respectivement la nature de ceux-ci. En ce qui concerne « la jurisprudence de 2005 » invoquée par les demandeurs dans laquelle un intérêt à agir aurait été reconnu au requérant alors que sa propriété se serait située à 900 mètres d’un ensemble d’éoliennes, elle donne à considérer que, dans cette affaire, plusieurs éoliennes auraient été visées et que la propriété du demandeur se serait située en bordure d’agglomération du terrain accueillant ces éoliennes, ce qui ne serait cependant pas le cas en l’espèce.

Elle donne encore à considérer que les distances géographiques mises en avant par les demandeurs ne sauraient à elles-seules suffire pour justifier dans leur chef d’un intérêt à agir, qui « change[rait] d’ailleurs d’un requérant à l’autre, et ne saurait être généralisé pour l’ensemble des requérants alors que ceux-ci se base[raient] uniquement sur la distance, distance qui diffère[rait] forcément d’un requérant à l’autre. », tout en ajoutant que les distances géographiques invoquées par les demandeurs ne correspondraient pas à la réalité, l’habitation la plus proche de l’éolienne projetée se trouvant à 750 mètres de celle-ci et non pas à 500 mètres tel qu’affirmé par ces derniers.

En ce qui concerne le photomontage, dont elle conteste la véracité, la partie étatique estime qu’il ne saurait constituer une preuve valable permettant de se prévaloir d’un intérêt à 8agir, au motif qu’il ne serait nullement rapporté que l’éventuel fait d’apercevoir l’éolienne depuis sa propriété créerait automatiquement un intérêt à agir.

En outre, elle donne à considérer que les demandeurs ne citeraient aucune conséquence que l’implantation de l’éolienne projetée pourrait engendrer en termes de sécurité du public et du voisinage, et ce alors même que leur recours serait basé sur ce soi-disant problème.

Analyse du tribunal En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir des demandeurs, telle que débattue par les parties en cause, il convient de relever qu’en matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif1.

Autrement dit, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle2. Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences3.

En matière d’établissements classés, les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé4, étant entendu que la notion de proximité suffisante des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation concernée, ainsi que de l’importance des nuisances ou risques de nuisances que son exploitation peut comporter5.

Au vu de ce qui précède, c’est la proximité du lieu d’habitation des demandeurs par rapport au projet autorisé, apprécié en fonction de l’importance de ce projet, qui permettra de déterminer l’existence de l’intérêt à agir.

Le tribunal précise ensuite qu’il a été jugé qu’il est sans intérêt pour le juge saisi d’une requête collective à l’égard de la même décision administrative – hypothèse vérifiée en l’espèce – de rechercher si tous les demandeurs justifient d’une qualité leur donnant intérêt pour agir pour l’hypothèse où plusieurs, voire un demandeur, ont intérêt et qualité pour agir6.

1 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.

3 En ce sens : trib. adm., 7 novembre 2016, n°s 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 14 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 137 et les autres références y citées.

5 cf. trib. adm., 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

6 Cour adm., 13 janvier 2009, n° 24501C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 26.

9Il suffit donc qu’un des demandeurs justifie de l’intérêt requis pour que la requête collective soit déclarée recevable7, contrairement à ce que fait plaider la partie étatique.

En l’espèce, force est de constater que les demandeurs se basent en substance sur la proximité de l’établissement litigieux autorisé, à savoir une éolienne d’une hauteur maximale de 230 mètres, ayant un moyeu d’une hauteur maximale entre 160 et 164 mètres et des hélices d’un diamètre maximal entre 138,60 et 131 mètres, pour invoquer une aggravation de leur situation en tant que voisins de l’éolienne en question, respectivement un préjudice direct et individualisé dans leur chef, en soutenant que leurs lieux d’habitation se situeraient à une distance entre 500 mètres et 1 kilomètre des limites cadastrales indiquées dans l’autorisation d’exploitation, tandis que les parties défenderesse et tierce intéressée s’accordent pour dire que le lieu d’habitation le plus proche se situerait à 750 mètres de l’éolienne projetée. Or, en raison de la proximité et de l’envergure du projet litigieux, et même à admettre que le lieu d’habitation le plus proche se situe à 750 mètres de l’éolienne projetée, le propriétaire de cette parcelle – apparaissant suivant les pièces versées en cause, comme étant le demandeur sub. 3), à savoir Madame …, épouse … – doit être considéré comme ayant un intérêt évident à voir vérifier la légalité et le bien-fondé du projet litigieux.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité sous analyse est à rejeter, sans qu’il y ait besoin de vérifier l’existence d’un intérêt à agir suffisant dans le chef des autres demandeurs, le tribunal venant, en effet, de préciser qu’en présence d’une requête collective, telle que celle introduite en l’espèce, il suffit que l’un des demandeurs justifie de l’intérêt requis pour que la requête collective soit déclarée recevable.

La société …, ainsi que la partie étatique se rapportent encore à prudence de justice pour ce qui est de la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation8, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions9. Dès lors et dans la mesure où la société … et la partie étatique sont restées en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant au délai et à la forme, leurs contestations afférentes encourent le rejet.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en réformation est à déclarer recevable.

II. Quant au fond Les demandeurs critiquent l’autorisation d’exploitation litigieuse de plusieurs points de vue, à savoir :

- en raison de l’absence de vérification de la compatibilité de la construction du parc éolien avec la destination de la zone dans laquelle il est projeté, 7 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2023, n° 123bis, p. 79.

8 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

10- du fait que l’autorisation d’exploitation litigieuse, en ce qu’elle vise deux types d’éoliennes, laisserait le choix final du type à construire et à installer sur le site à l’exploitant, sans fixer les conditions d’exploitation propres à chacune d’elle prise individuellement, - en raison de l’absence de données dans l’autorisation litigieuse relative aux distances minimales à respecter entre le projet et les maisons d’habitation avoisinantes, les constructions agricoles non habitées, le chemin de randonnée « … », ou encore les lignes électriques de haute tension, - du fait de la non prise en compte de la réclamation « … », et - en raison de l’absence de limitation de la durée dans le temps de l’autorisation litigieuse.

1. Quant à l’absence alléguée de vérification de la compatibilité de la construction du parc éolien avec la destination de la zone dans laquelle elle est projetée Arguments des parties Les demandeurs font valoir que si l’autorisation litigieuse indiquait avoir été délivrée sur base du « plan de situation et celui des lieux », il s’avèrerait cependant que la parcelle inscrite sous le numéro cadastral …, ci-après désignée par « la parcelle … », se situerait dans une zone d’intérêt paysager, telle que prévue à l’article 3.5 de la partie écrite du plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune d’Ettelbruck. Or, en application de l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 11 août 1982 », il serait nécessaire, en cas d’installation d’un établissement sur un terrain situé en zone verte, de requérir pour sa construction à la fois l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts et celle du bourgmestre de la commune de son emplacement. Si, certes, l’existence de pareille autorisation n’était pas requise de façon préalable au moment où « les ministres » sont amenés à statuer dans le cadre de la loi du 10 juin 1999, il leur appartiendrait cependant de vérifier si, en vertu des dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par « la loi du 12 juin 1937 », et de la réglementation communale d’urbanisme applicable, une telle autorisation pourrait être délivrée au regard de la zone dans laquelle l’établissement à autoriser se situerait. « [L]es ministres » seraient dès lors appelés à procéder à une vérification de la compatibilité de l’établissement projeté avec la destination de la zone dans laquelle il serait prévu d’être élaboré par rapport à la définition qui en serait fournie par la réglementation communale applicable, et ce en prenant en compte la nature et l’objet dudit établissement. Or, en l’espèce, aucun élément du dossier relatif à l’autorisation d’exploitation ne permettrait de vérifier si la question relative au classement du terrain en zone agricole avait été examinée ou non.

En outre, dans les hypothèses visées à l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999, le fait pour un établissement de ne pas être situé dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi du 11 août 1982, constituerait une cause de non-délivrance des autorisations. Il s’ensuivrait qu’à défaut de prise en compte du fait que la parcelle destinée à accueillir l’établissement projeté se situerait dans une zone protégée, de sorte à nécessiter un reclassement préalable des lieux, aucune autorisation ne devrait être délivrée pour l’érection d’une éolienne et pour l’exploitation de celle-ci. Partant, en accordant une autorisation d’exploitation pour une éolienne projetée sur un 11terrain non constructible au vœu des règles du PAG, telles que précitées, la décision déférée serait forcément illégale et devrait être annulée pour violation de la loi.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs constatent que le PAG de la commune d’Ettelbruck aurait fait l’objet d’une refonte fin 2021. Or, lors de l’introduction de leur recours en date du 26 janvier 2022, ils n’auraient pas disposé de l’information selon laquelle le nouveau PAG avait fait l’objet d’une publication officielle, de sorte qu’aucun reproche ne saurait leur être fait de s’être basés sur le PAG de 2004, tel que publié sur le site internet de la commune d’Ettelbruck au moment de l’introduction de leur recours, et selon lequel la parcelle … se serait trouvée à ce moment-là dans une zone d’intérêt paysager. Il semblerait que, depuis la modification du PAG de ladite commune, la parcelle … se situerait en zone verte, et plus particulièrement en zone agricole.

Après avoir cité les articles respectifs de la partie écrite du nouveau PAG concernant les définitions de la zone verte et de la zone agricole, ainsi que l’article 6 (3) de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », lequel disposerait que « des constructions répondant à un but d’utilité publique et les installations d’énergie renouvelable peuvent être érigées en zone verte pour autant que le lieu d’emplacement s’impose par la finalité de la construction. », les demandeurs avancent (i) que concernant le projet de loi à l’origine du paragraphe (3), le Conseil d’Etat se serait demandé si l’utilité publique d’une construction devait être en lien avec le site sur lequel la construction était érigée ou s’il suffisait qu’elle soit d’intérêt public et (ii) que la commission de l’Environnement aurait précisé, dans ce contexte, que « le porteur du projet dev[r]ait argumenter pourquoi un certain tracé ou un certain emplacement en zone verte s’imposerait pour une construction donnée ». Ainsi, le demandeur d’une autorisation relative à une installation d’énergie renouvelable devrait apporter la preuve de la nécessité de réaliser son installation en zone verte. En l’espèce, il ne ressortirait cependant d’aucun élément du dossier d’autorisation que le bénéficiaire de l’autorisation se serait conformé à cette exigence légale, de sorte que tant l’Inspection du Travail et des Mines (« ITM ») que le ministre du Travail auraient dû contrôler, avant la délivrance de ladite autorisation, si le dossier y relatif contenait des justifications quant au choix précis de l’emplacement de l’éolienne projetée. Au vu du fait que la refonte du PAG n’aurait pas encore eu lieu au moment du dépôt du dossier d’autorisation, il serait évident qu’un tel contrôle ferait défaut.

Les demandeurs ajoutent qu’il ne serait pas possible de pouvoir ériger une quelconque construction en zone verte sous l’unique prétexte qu’elle serait d’utilité publique, c’est-à-dire sans que les demandeurs d’une autorisation d’exploitation ne devraient justifier leur choix quant à l’emplacement de ladite construction, et ce afin de mettre en adéquation l’utilité publique de la construction et la protection de la sécurité du public, du voisinage, du personnel des établissements, de la santé et de la sécurité des salariés au travail ainsi que de l’environnement humain et naturel.

Ils donnent encore à considérer qu’à aucun moment, les deux communes impliquées n’auraient su expliquer les raisons pour lesquelles le terrain en cause serait le seul terrain des deux communes pouvant accueillir le projet litigieux. Ils estiment, dès lors, que leurs intérêts n’auraient pas été mis en balance dans le cadre du choix de l’emplacement de l’éolienne projetée.

A leur avis, l’autorisation litigieuse devrait encore être annulée au motif que la société … aurait initié son projet en 2015 en choisissant un lieu d’implantation de concert avec la 12commune d’Ettelbruck, tout en sachant que celle-ci entendrait procéder à une refonte de son PAG avec un reclassement des parcelles inscrites sous les numéros cadastraux … et … en zone agricole. Etant donné que le choix ainsi opéré de recourir à une parcelle classée désormais en zone agricole, sans qu’elle n’ait toutefois revêtu ce classement au moment dudit choix, aurait empêché la société … de présenter les pièces nécessaires pour justifier l’implantation d’une éolienne en zone verte, il devrait être admis qu’elle aurait su, dès le dépôt de sa demande d’autorisation, que son dossier y relatif ne serait pas complet. Les demandeurs estiment que « le reclassement de ces zones [aurait été] un préalable à l’introduction de la demande d’autorisation, dans la mesure où celui-ci a[urait] nécessairement un impact sur les preuves à apporter quant au site d’implantation choisi aux vues des dispositions légales ». Il s’ensuivrait que l’autorisation d’exploitation n’aurait pas pu être délivrée en tant que telle, sans préalablement compléter le dossier y relatif.

Tant la partie étatique que la société … concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Analyse du tribunal Force est de constater que les demandeurs, en se basant sur la version de l’article 17 (1) dans sa version applicable avant sa modification par la loi du 13 septembre 2011 modifiant la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 13 septembre 2011 », reprochent, en substance, au ministre du Travail de ne pas avoir procédé à un contrôle de la compatibilité du projet de construction de l’éolienne projetée par rapport à la destination de la zone devant accueillir le projet litigieux, telle que découlant du PAG de la commune d’Ettelbruck.

Le tribunal relève, à titre liminaire, que la question de la compétence pour vérifier la conformité des établissements classés projetés aux dispositions en matière d’urbanisme a évolué au fur et à mesure des modifications législatives subies par la loi du 10 juin 199910.

Ainsi, si la loi du 10 juin 1999, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 2011, contenait un article 17 intitulé : « Permis de construire et aménagement du territoire » et prévoyant sous son deuxième point qu’il appartenait aux autorités compétentes de vérifier la conformité de l’établissement classé projeté aux dispositions d’urbanisme applicables11, cette obligation a d’ores et déjà été supprimée par la loi précitée du 13 septembre 2011 qui, dans le souci de responsabiliser davantage les exploitants eux-mêmes12, a confié le contrôle de la conformité de l’établissement projeté aux 10 Trib. adm., 26 février 2018, n° 38835 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

11 Article 17 (2) de la loi du 10 juin 1999 dans sa version applicable avant la loi du 13 septembre 2011 : « Dans le cas où l’établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l’établissement est projeté dans un immeuble à construire. ».

12 Voir à cet égard : doc. parl n°6171, commentaire des articles, ad articles 2 et 3 : « Aux fins notamment d’alléger le travail des autorités compétentes et d’éviter que dans les recours contentieux les discussions ne se trouvent réduites qu’au contrôle de la compatibilité du projet avec les dispositions d’urbanisme, il est proposé de responsabiliser davantage les exploitants en leur imposant de veiller à ce que, au moment du début de l’exploitation de l’établissement autorisé, ce dernier est situé dans une zone prévue à ces fins. L’article 17.1.

précise que la construction d’établissements classés ne peut avoir lieu qu’à partir du moment où toutes les 13dispositions urbanistiques à l’exploitant de l’établissement, en disposant que : « Sous réserve de droits acquis en matière d’établissements classés, les établissements ne pourront être exploités que lorsqu’ils sont situés dans une zone prévue à ces fins en conformité avec les dispositions de la loi précitée du 19 juillet 2004 et, le cas échéant, des lois précitées du 21 mai 1999 et du 19 janvier 2004. ».

La loi du 3 mars 2017, dite « Omnibus », est ensuite venue adapter à son contenu l’intitulé de l’article 17 qui se lit désormais comme suit : « Construction et mise en exploitation », tout en confirmant l’idée adoptée lors de la modification législative en 2011 relative à la responsabilisation de l’exploitant dans le contrôle de la conformité des établissements classés aux dispositions urbanistiques. L’article 17 de la loi du 10 juin 1999 dans sa dernière version dispose ainsi que : « 1. Sans préjudice d’autres autorisations requises, la construction et la mise en exploitation d’établissements classés ne peuvent être entamées qu’après la délivrance des autorisations requises par la présente loi, ainsi que des autorisations du bourgmestre requises par application de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

2. Les projets de construction d’établissements nouveaux à l’intérieur d’une zone industrielle à caractère national pourront faire l’objet d’une autorisation de principe par le Gouvernement en Conseil, de l’accord prévisible des instances compétentes en raison de la nature de l’établissement projeté et sans préjudice des procédures d’autorisation requises.

A cet effet, le requérant est tenu d’introduire une demande spécifique reprenant les informations dont question à l’article 7. ». Il est intéressant de noter dans ce contexte que les travaux parlementaires ayant abouti à la loi Omnibus soulignent de nouveau expressément l’absence d’une obligation dans le chef des autorités administratives compétentes de vérifier la compatibilité entre l’établissement classé projeté et les dispositions urbanistiques applicables.

Les documents parlementaires renseignent ainsi que : « Même si la preuve de la compatibilité de l’établissement classé projeté avec la destination de la zone concernée n’est plus exigée sous peine d’irrecevabilité et de retour du dossier comme étant incomplet en début de procédure et qu’il n’appartient pas non plus aux autorités compétentes en matière d’établissements classés de procéder elles-mêmes à l’appréciation de cette compatibilité, il n’est pas moins important de maintenir certaines garanties à cet égard. A défaut de disposer au terme de la procédure d’instruction de toutes les autorisations du bourgmestre requises par application de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, le requérant ne sera pas en mesure d’entamer l’exploitation de l’établissement.

L’avantage du régime proposé est de permettre l’instruction du dossier de demande parallèlement au déploiement des démarches d’autorisation ou de reclassement qui s’imposent le cas échéant sur le plan communal tout en garantissant que l’exploitation ne saurait être entamée aussi longtemps que les autorisations requises par ailleurs sur le plan communal ne soient délivrées. En sens inverse il reste interdit d’entamer la construction d’un établissement classé tant que l’autorisation commodo-incommodo n’est pas délivrée. »13.

autorisations requises ont été délivrées. L’article 17.2. précisera que l’exploitation de l’établissement autorisé ne sera permise que si l’établissement est situé dans une zone prévue à ces fins. Il appartient donc à l’exploitant de procéder au contrôle de la conformité de l’établissement par rapport aux dispositions d’urbanisme et non plus aux autorités compétentes. ».

13 Doc. parl n°6704, commentaire des articles, p.30, V. ad article 66.

14Au vu du fait qu’en l’espèce, la demande d’autorisation a été formulée en date du 5 février 2020, que l’arrêté litigieux a été rendu en date du 30 juillet 2021 et que le tribunal statue dans le cadre d’un recours en réformation, il y a lieu d’appliquer au litige sous examen, et plus précisément à la question de savoir si le ministre du Travail doit contrôler la compatibilité du projet de construction d’une éolienne avec la destination de la zone – en l’occurrence une zone verte – devant l’accueillir, la loi du 10 juin 1999 dans sa dernière version, c’est-à-dire telle qu’elle est issue, sur ce point concret, de la modification opérée par la loi Omnibus. Dans la mesure où le moyen sous analyse est dès lors basé sur une disposition légale abrogée, il encourt le rejet pour manquer de fondement.

A titre superfétatoire, il y a lieu de relever qu’étant donné que la loi du 10 juin 1999 n’impose plus – depuis la modification législative du 13 septembre 2011 – aux autorités administratives compétentes en la matière de contrôler si le projet de construction de l’établissement classé est compatible – que ce soit du point de vue des législations en matière d’aménagement communal, d’aménagement du territoire ou de protection de la nature et des ressources naturelles – avec la destination de la zone devant l’accueillir, en l’occurrence la zone verte, mais confie cette responsabilité à l’exploitant de l’établissement, aucun reproche ne peut de toute façon être fait à l’égard du ministre du Travail de ne pas avoir procédé à un tel contrôle.

Le moyen sous analyse est, dès lors, à rejeter en ses différentes branches pour être non fondé.

2. Quant au reproche tiré du fait que l’autorisation vise deux types d’éoliennes de sorte à laisser le choix final du type à construire et à installer sur le site à l’exploitant, sans fixer les conditions d’exploitation propres à chacune d’elle prise individuellement Arguments des parties Les demandeurs font valoir que la société … aurait présenté une demande d’autorisation visant deux types d’éoliennes différentes, à savoir celle du type … et celle du type ….

En outre, le dossier de demande d’autorisation, tel que soumis aux autorités ministérielles, à savoir au ministre du Travail et au ministre de l’Environnement, se réfèrerait à deux demandes concernant deux sites différents, l’un se situant à … et l’autre à …. A l’appui de ces demandes, la société … aurait produit divers avis et rapports, lesquels se réfèreraient « pêle-mêle » aux deux sites et à quatre types d’éoliennes différents.

Les demandeurs regrettent qu’il ne se dégagerait pas du dossier de l’autorisation accordée dans quels cas le choix de la société … porterait sur le premier type d’éolienne et dans quels cas il porterait sur le deuxième type d’éolienne. L’autorisation litigieuse ne différencierait pas non plus entre les conditions posées pour ces deux types d’éoliennes, de sorte à laisser en quelque sorte « carte blanche » à la société … quant au choix à opérer, ce qui serait cependant contraire au principe même d’une autorisation d’exploitation, le type d’éolienne autorisé devant être défini « dès le départ ». Il ressortirait, en effet, des différents rapports figurant au dossier relatif à la demande d’autorisation que les deux types d’éoliennes mentionnés dans l’autorisation litigieuse ne seraient pas identiques, notamment en termes d’impact sur la santé et la sécurité du public en général, mais également en termes de dimensions.

Ils estiment que l’autorisation déférée ne devrait pas laisser le choix final à l’exploitant quant au type d’éolienne à construire et à installer, et ce surtout au vu de la hauteur maximale 15du moyeu et du diamètre hélice maximale qui seraient plus importants d’un modèle à l’autre.

L’éolienne du type … renseignerait, ainsi, une hauteur du moyeu maximale dépassant de 4 mètres celle du deuxième type et l’éolienne du type … aurait un diamètre hélice maximale dépassant de 7,6 mètres celui du premier type d’éolienne. Or, ces facteurs seraient importants afin de déterminer les conditions tenant à la distance à respecter entre l’installation de l’éolienne et les habitations, d’une part, et les constructions agricoles non habitées, d’autre part.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs maintiennent, en substance, leurs développements antérieurs, tout en insistant sur le fait qu’à leur avis, la législation relative aux établissements classés exigerait qu’une autorisation d’exploitation définisse explicitement les établissements visés et les conditions d’exploitation propres à chacun desdits établissements sans contenir d’indication vague et imprécise, formulée à titre alternatif et « concernant effectivement une Autorisation d’exploitation portant sur des situations de fait et de droit différentes concernant l’installation de l’une ou de l’autre éolienne ».

Ils précisent que l’article 13, alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999 imposerait la détermination, pour les autorisations délivrées par les autorités compétentes, des conditions d’aménagement et d’exploitation nécessaires pour « la protection des intérêts protégés » par l’article 1er de la même loi. Ainsi, l’exigence découlant de ce dernier article, à savoir la prise en compte du risque global de nuisances découlant de l’exploitation d’établissements classés, devrait trouver application pour chacun des établissements envisagés. Cet article imposerait à l’autorité compétente de fixer les conditions d’aménagement et d’exploitation en fonction du « risque de nuisances auxquelles l’environnement naturel et le public [seraient] susceptibles d’être exposés à un endroit donné, situé dans le voisinage exposé aux nuisances dégagées par l’établissement pour chacun des établissements envisagés ». Ils en concluent que « l’Autorisation d’exploitation visée [devrait] nécessairement inclure les conditions d’exploitation de manière individualisée par rapport à chacune des éoliennes de manière à ce que l’autorité compétente puisse tenir compte de la gravité de ce risque de nuisances global dans le cadre de la fixation des conditions d’exploitation pour chacun des établissements envisagés ». Dans la mesure où le ministre du Travail n’aurait indiqué que de manière vague, imprécise et « alternative » la possibilité d’ériger l’une ou l’autre des éoliennes visées dans la demande d’autorisation, sans fixer les conditions d’exploitation propres à chacune d’elle prise individuellement, ledit ministre n’aurait pas respecté les dispositions légales précitées concernant les établissements classés.

Tant la partie étatique que la société … concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève qu’il n’est saisi que de l’autorisation d’exploitation d’un parc éolien à …, et plus précisément de la construction d’une éolienne à la position géographique …, et non pas d’un tel établissement à …, de sorte que tout moyen des demandeurs en relation avec un établissement projeté à … est à rejeter pour être dénué de fondement, et ce même s’il est référencé dans le dossier de demande d’autorisation.

Les demandeurs reprochent au ministre du Travail de permettre à la société … de choisir entre deux types d’éoliennes à exploiter, lesquels diffèreraient « notamment en termes d’impact sur la santé publique et la sécurité du public en général, mais également en termes de dimensions ». Or, comme il « devrait être clair dès le départ quel type d’éolienne est autorisé » 16et quelles sont les conditions y relatives, ils estiment qu’il lui aurait appartenu de fixer de manière précise dans quel cas quel type d’éolienne devrait être construit et quelles seraient les conditions d’exploitation spécifiques applicables pour chacun de ces deux types.

Aux termes de l’article 13 (1), alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999, « Les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et en matière de protection des personnes. ».

Le tribunal constate que l’arrêté ministériel litigieux autorise l’exploitation d’une éolienne du type … ayant les caractéristiques suivantes : « Puissance électrique nominale de 3,5 MW; Hauteur maximale de 230 m; Hauteur du moyeu maximale de 160 m; Diamètre hélice maximale de 138,60 m », sinon d’une éolienne du type … ayant comme caractéristiques :

« Puissance électrique nominale de 3,3 MW; Hauteur maximale de 230 m; Hauteur du moyeu maximale de 164 m; Diamètre hélice maximale de 131 m ».

Il s’avère, dès lors, que l’autorisation litigieuse fixe les caractéristiques essentielles des deux types d’éoliennes en ayant explicitement retenu leur puissance électrique nominale, leur hauteur du moyeu maximale, leur diamètre d’hélice maximale et leur hauteur maximale – qui est à chaque fois la même, à savoir 230 mètres, ce qu’affirment, par ailleurs, les demandeurs eux-mêmes dans le cadre de leur requête introductive d’instance –, de sorte que ces éléments ont nécessairement été vérifiés individuellement pour chaque type d’éolienne par le ministre du Travail. Au vu de ces caractéristiques essentielles, il a été retenu que les deux types d’éoliennes peuvent être construits sur le site en question, sous réserve du respect des conditions d’exploitation, telles que fixées à l’article 1er de l’arrêté ministériel.

En outre, et tel que relevé par la société …, l’autorisation d’exploitation indique, sous ses conditions générales, point 1) que « L’établissement respectivement les installations doivent être aménagés et exploités conformément aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de la demande et conformément aux prescriptions du présent arrêté. ». Au vu du contenu des descriptions techniques figurant dans l’annexe 3, intitulée « Technische Dokumentation », non contestées par les demandeurs, aucun reproche ne saurait être fait au ministre du Travail, alors que des conditions spécifiques relatives aux deux types d’éoliennes sont prévues dans l’autorisation litigieuse tant explicitement que par renvoi aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de la demande d’autorisation. Ainsi, aucune violation de l’article 13 (1) de la loi du 10 juin 1999 ne peut être retenue en l’espèce.

L’affirmation des demandeurs suivant laquelle « la législation relative aux établissements classés exige que l’Autorisation vise spécifiquement les établissements visés et les conditions d’exploitation propres à chacun des établissements visés et doit nécessairement s’opposer à une indication vague et imprécise, formulée à titre alternatif (« ou ») et concernant effectivement une Autorisation d’exploitation portant sur des situations de fait et de droit différentes concernant l’installation de l’une ou de l’autre éolienne » est à rejeter, alors que l’autorisation vise spécifiquement les deux types d’éoliennes et les conditions d’exploitation propres à ces deux types, de sorte qu’aucune indication vague et imprécise ne peut y être dénotée.

En ce qui concerne encore l’interdiction de prévoir dans l’autorisation litigieuse un choix entre deux variantes d’éoliennes, tel qu’allégué par les demandeurs, le tribunal retient 17qu’ils n’invoquent aucune disposition légale ou réglementaire interdisant une telle façon de procéder, de sorte que les reproches afférents encourent le rejet, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des demandeurs et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Le moyen afférent est, dès lors, à rejeter pour être non fondé.

3. Quant au reproche tenant à une prétendue absence de données dans l’autorisation litigieuse relatives aux distances minimales à respecter entre le projet éolien et les maisons d’habitation avoisinantes, les constructions agricoles non habitées, le chemin de randonnée « … », ou encore les lignes électriques de haute tension Arguments des parties Les demandeurs critiquent le fait que l’autorisation d’exploitation resterait muette quant à la distance minimale à respecter l’éolienne projetée, d’un côté, et les voies publiques, les habitations, ainsi que les constructions agricoles non habitées, de l’autre côté, en ce qu’elle se limiterait à un simple renvoi à un document de l’ITM, intitulé « ITM-SST 1840.1 », de janvier 2010, fixant les prescriptions de sécurité-type à respecter pour les éoliennes.

Tout en se questionnant, dans ce contexte, sur les raisons du renvoi à un document remontant à l’année 2010, alors qu’il existerait un document plus récent, applicable en la matière, datant d’avril 2012, intitulé « ITM-SST 1840.2 », les demandeurs précisent que les moyens et arguments invoqués par eux pour sous-tendre le reproche sous analyse se baseraient sur le document ITM-SST 1840.1 référencé dans l’autorisation litigieuse.

Après avoir relevé qu’au vu de son ancienneté, ce document se réfèrerait forcément à des types d’éoliennes d’une « précédente génération » d’une dimension beaucoup moins importante que celle que la société … envisagerait de construire, les demandeurs donnent à considérer qu’un renvoi général audit document, sans déterminer dans l’autorisation litigieuse les conditions particulières dont il devrait être tenu compte, relatives aux deux types d’éoliennes « surdimensionnées » projetés sur le site en question – au regard de leur hauteur maximale de 230 mètres et des hauteurs du moyeu maximales variant entre 160 et 164 mètres, ainsi que des diamètres d’hélice maximale variant entre 131 et 138,60 mètres – serait critiquable en soi. Ces dimensions dépasseraient, en effet, de loin celles des éoliennes construites « à ce jour » au Luxembourg. Si une clause de style avait été insérée à la page 2 de l’autorisation litigieuse selon laquelle les conditions d’exploitation tiendraient compte des nuisances et dangers qui pourraient être engendrés, et que ces conditions seraient à considérer, compte tenu de l’état actuel de la technologie, comme suffisantes pour garantir d’une manière générale la sécurité du public et du voisinage en général, il n’en resterait pas moins qu’en présence d’un type d’éolienne « surdimensionnée » et sans précédent au Luxembourg, une telle affirmation non autrement documentée serait difficilement acceptable.

Après avoir cité les articles 10.3 et 10.4 du document ITM-SST 1840.1, les demandeurs font valoir qu’il aurait fallu fixer, dans l’autorisation litigieuse, une distance minimale séparant l’éolienne de toute habitation, respectivement fixer une distance minimale à respecter qui serait telle que la construction d’une éolienne serait refusée si ladite distance était « d’à peine 500 à 800 mètres des habitations ». Il s’ensuivrait qu’une distance de 300 mètres, telle que prévue par l’article 10.3 dudit document, ne serait guère adaptée pour des types d’éoliennes tels que prévus en l’espèce.

18 Les demandeurs reprochent encore au ministre du Travail un manque de prise en compte, lors de son analyse, des deux constructions agricoles non habitées, à savoir une étable pour agneaux et un dépôt pour machines, qui se trouveraient à proximité du site litigieux, et ce alors même qu’en vertu de l’article 10.4 du document ITM-SST 1840.1, la distance minimale entre une éolienne et de telles constructions devrait « se mesurer par rapport à la longueur maximale de culbutage, augmentée d’un facteur de sécurité de 10%, qui […] au vu des dimensions des éoliennes [de l’espèce], devrait donc être élevée ». Ils contestent ainsi toute vérification dans le chef de l’administration des « dires » de la société … « figurant à la page 33 du dossier Commodo/Incommodo concernant les « Sicherheitsabstände » », laquelle ne semblerait pas faire de différence entre les exigences de l’article 10.3 du document ITM-SST 1840.1, se référant aux habitations, et celle de l’article 10.4 du même document, se référant « à l’étable/le dépôt ». Les demandeurs font encore remarquer, dans ce contexte, qu’il ressortirait des plans disponibles que les constructions dont ils se prévalent se trouveraient à une distance inférieure à 300 mètres du site d’exploitation de l’éolienne, de sorte à rendre impérative la vérification exacte de la distance par rapport à la longueur maximale de culbutage, augmentée d’un facteur de sécurité de 10%. En raison de l’absence d’une telle vérification qui aurait pu et dû, selon les demandeurs, amener les services du ministre du Travail à constater qu’au vu de la configuration des lieux et des dimensions des éoliennes, la demande d’autorisation ne pourrait pas satisfaire à la condition posée par l’article 10.4, l’autorisation d’exploitation aurait dû être refusée.

Les demandeurs critiquent encore le renvoi au document ITM-SST 1840.1 au lieu du document ITM-SST 1840.2 alors que ce dernier contiendrait, contrairement au premier, des conditions à respecter relatives à la distance de sécurité de l’hélice par rapport à des lignes électriques de haute tension, dont quelques-unes se trouveraient à une distance non éloignée du site à …. Comme ni la demande d’autorisation ni l’autorisation d’exploitation en elle-même ne feraient référence aux lignes électriques de haute tension qui se trouveraient à une distance très proche de la parcelle devant accueillir l’éolienne litigieuse, ils estiment que l’absence de vérification de ce point et de prise en compte de ces éléments leur permettrait de remettre en cause la validité de l’autorisation.

Enfin, les demandeurs pointent le fait que l’autorisation litigieuse accorderait une dérogation à la société … par rapport aux exigences fixées par la prescription ITM-SST 1840.1 qui semblerait être incohérente. Ainsi, si à la page 4 de l’autorisation d’exploitation, il était mentionné que l’article 10.2 dudit document, se référant aux grues servant de montage, ne serait pas d’application, par après il serait indiqué que l’identification de l’éolienne se ferait par un numéro unique, dont il ne serait cependant pas question audit article 10.2.

Ils concluent que l’autorisation d’exploitation serait entachée d’illégalité, de sorte à devoir être annulée, sinon réformée afin de prévoir des conditions d’exploitation plus restrictives, prenant notamment en compte une distance minimale plus conséquente à respecter entre le projet litigieux et les habitations, les constructions et les lignes électriques de haute tension.

Tant la partie étatique que la société … expliquent, dans le cadre de leurs mémoires en réponse respectifs, qu’une erreur matérielle se serait glissée dans l’autorisation litigieuse laquelle serait cependant sans incidence sur la validité de cette dernière. La prescription ITM-

SST 1840.1 à laquelle renvoie l’autorisation litigieuse serait, en effet, à remplacer par un renvoi à la prescription ITM-SST 1840.2. Les parties défenderesse et tierce intéressée s’accordent, à 19cet égard, sur le fait que ladite erreur pourrait être « réparée » par le tribunal dans le cadre de ses pouvoirs de réformation, ce d’autant plus que les distances de sécurité indiquées aux articles 10.3 et 10.4 de la prescription ITM-SST 1840.1 seraient exactement les mêmes que celles indiquées aux articles 11.3 et 11.4 de la prescription ITM-SST 1840.2. Ladite erreur ne serait, partant, pas de nature à remettre en cause la validité de l’autorisation litigieuse.

La société … ajoute encore qu’une annulation de l’autorisation en question en raison de cette simple « erreur de renvoi » serait (i) contraire au principe suivant lequel il vaudrait mieux « sauver un acte administratif plutôt que de le faire périr » et (ii) disproportionnée et contraire à une bonne administration de la justice alors qu’une telle annulation aurait pour effet un renvoi devant le même ministre qui devrait émettre une nouvelle autorisation dans laquelle il remplacerait simplement le renvoi à la norme ITM-SST 1840.1 par un renvoi à la norme ITM-

SST 1840.2.

Pour le surplus les parties défenderesse et tierce intéressée concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les demandeurs contestent qu’il puisse être remédié au renvoi à une prescription erronée par le biais d’un simple remplacement d’une référence à deux endroits de l’autorisation litigieuse, dans la mesure où le fait d’avoir fait application de la mauvaise référence dans des prescriptions aurait des incidences sur d’autres passages de l’autorisation. Ainsi, la référence par le ministre du Travail au document ITM-SST 1840.1 au lieu du document ITM-SST 1840.2 ne serait pas seulement faite, tel que l’affirme la partie étatique, aux pages 4 et 9 de ladite autorisation, mais également à d’autres endroits de celle-ci. Ils avancent, à ce propos, que l’autorisation litigieuse prévoirait qu’un rapport de réception et de contrôle devrait être dressé par un organisme de contrôle choisi parmi ceux publiés dans le règlement ministériel modifié du 6 mai 1996 concernant l’intervention d’organismes de contrôle dans le cadre des compétences et attributions de l’Inspection du travail et des mines pour l’ensemble de l’établissement et des installations, ci-après désigné par « le règlement ministériel du 6 mai 1996 ». Il serait clair que l’autorisation litigieuse renverrait sur ce point au document ITM-SST 1840.1, la prescription ITM-SST 1840.2 prévoyant, quant à elle, que cette réception devrait se faire par un organisme agréé et non pas par un organisme de contrôle, tout en ajoutant dans son article 2 la définition d’« organisme agréée » et modifiant ainsi la définition d’« organisme de contrôle » prévue initialement par la prescription ITM-

SST 1840.1.

Les demandeurs mettent ensuite en avant qu’aux pages 7 et 10 de l’autorisation litigieuse seraient « citées certaines prescriptions de sécurité et de santé-types qui [seraient] à respecter. Or, l’Autorisation cite[rait] à la page 9 l’article 12 de la prescription ITM-SST 1840.1. ». Comme l’autorisation litigieuse ferait, dès lors, clairement référence à une prescription qui n’aurait plus été en vigueur au moment de l’émission de ladite autorisation, ils contestent l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle le contenu de cet article 12 n’aurait pas été modifié par la prescription ITM-SST 1840.2.

Ils relèvent ensuite encore d’autres différences entre les deux documents, à savoir que :

- la prescription ITM-SST 1840.2 prévoirait que le contrôle de la fondation et des armatures devrait être effectué par un organisme agréé conformément à la norme « DNA 206 », alors que la prescription ITM-SST 1840.1 prévoirait 20uniquement qu’un contrôle devrait être réalisé, sans faire une quelconque référence à une norme précise ;

- la prescription ITM-SST 1840.1 prévoirait que les soudures devraient être vérifiées aux rayons X par un organisme de contrôle, alors que la prescription ITM-SST 1840.2 prévoirait une vérification des soudures par d’autres moyens, et plus particulièrement par radiographie ou un procédé équivalent par un laboratoire agréé « selon EN 17025 » ;

- l’article 12.4 du document ITM-SST 1840.1 recommanderait « que le propriétaire et l’exploitant de l’éolienne ou une personne qu’ils délèguent à cet effet, ainsi qu’un représentant de l’entreprise ayant monté l’éolienne ou effectuant l’entretien courant de l’éolienne accompagnent l’inspecteur de l’organisme de contrôle lors des réceptions, contrôles et vérifications », tandis que l’article 13.4 du document ITM-SST 1840.2 exigerait un tel accompagnement par un « représentant de l’entreprise ayant monté l’éolienne ou effectuant l’entretien courant de l’éolienne accompagne l’instructeur de l’organisme de contrôle lors des réceptions, contrôles et vérifications ».

Au vu de ce qui précède, l’autorisation litigieuse manquerait, dans son ensemble, de cohérence par rapport aux prescriptions prises en compte par l’ITM pour son établissement. De ce fait et eu égard aux nombreuses erreurs dont serait entachée l’autorisation litigieuse, il ne saurait être question d’une simple erreur matérielle, alors que l’ITM se serait trompée de « base » dans l’autorisation litigieuse, en ayant omis d’analyser les conditions d’exploitation des éoliennes projetées par rapport à la prescription actuellement en vigueur et en s’étant référée à une « ancienne prescription », clairement plus applicable ni adaptée à la situation.

Pour ces mêmes raisons, une « rectification » par « le juge », telle que proposée par la société …, ne saurait aboutir sans demander au ministre du Travail d’analyser les conditions d’exploitation des éoliennes projetées par rapport aux prescriptions actuellement en vigueur et sans que de telles conditions soient fixées en conséquence.

Il faudrait, au contraire, et dans le respect d’une bonne administration de la justice, annuler l’autorisation litigieuse et renvoyer le dossier au ministre. Il s’agirait là de la seule façon de garantir que les objectifs fixés à l’article 1er, alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999 soient respectés par le biais d’une analyse du risque de nuisances auxquelles l’environnement naturel et le public seraient susceptibles d’être exposés à un endroit donné en raison du projet litigieux.

Par la même occasion, l’ITM pourrait également se demander si la prescription ITM-SST 1840.2 d’avril 2012 est encore adaptée aux « éoliennes géantes qui profil[eraient] sur le territoire luxembourgeois ».

Pour justifier l’annulation de l’arrêté ministériel, les demandeurs se réfèrent encore au principe patere legem en vertu duquel la non-observation par l’administration de ses propres directives pourrait justifier l’annulation de l’acte administratif pris en leur méconnaissance.

En ce qui concerne, en effet, les différentes distances géographiques remises en cause, et plus particulièrement celle de l’éolienne projetée par rapport aux habitations, les demandeurs font valoir que peu importerait le choix entre la prescription ITM-SST 1840.1, rédigée en 2010, et la prescription ITM-SST 1840.2, rédigée en 2012, alors qu’elles se référeraient toutes les deux à des types d’éoliennes d’une précédente génération ayant des dimensions beaucoup moins importantes que celle qui serait envisagée en l’espèce. Ces différences en hauteur et de 21taille de pales devraient entraîner une adaptation de la distance minimale à respecter entre l’éolienne et les habitations, nécessaire afin de garantir la sécurité du public et de la population environnante. Ils fournissent, à cet égard, à titre d’exemple, l’hypothèse d’une période de gel, durant laquelle la glace formée sur les pales de l’éolienne risquerait d’être projetée à une distance plus éloignée si l’éolienne en question affichait 160 mètres de hauteur et disposerait de pales de 65,5 mètres que si ladite éolienne affichait seulement 108 mètres de hauteur et ne disposerait que de pales de 41 mètres. A leur avis, « [l]es conditions types rédigées par l’ITM concernant les prescriptions de sécurité types applicables dans le domaine éolien [seraient] à considérer comme des directives fixant les conditions dans le cadre desquelles des mesures [seraient] prises, ces conditions orientant l’exercice du pouvoir auquel les autorités se rapporte[raient] pour arrêter leurs décisions. ». Or, une directive serait un acte indirect qui ne provoquerait pas par elle-même des effets de droit mais par l’intermédiaire des décisions qui la mettraient en œuvre, de sorte qu’une autorité en charge du dossier devrait les appliquer.

L’existence d’une directive ne libérerait cependant ladite autorité ni de l’obligation de procéder à un examen particulier d’une affaire ni de la possibilité de déroger aux principes de la directive si les circonstances de l’affaire le justifiaient. Les demandeurs rappellent, dans ce contexte, également que suivant la jurisprudence administrative, les circulaires administratives ne sauraient créer des dispositions générales obligatoires pour les administrés. Ils estiment que le ministre du Travail aurait dû prendre en considération l’ampleur des éoliennes envisagées afin de déroger aux principes de la prescription ITM-SST 1840.2, de manière à écarter ponctuellement l’applicabilité de cette prescription et à adapter certaines distances y indiquées, dont notamment celle mesurée en projection horizontale avec toute habitation, voie publique et construction agricole. Le ministre du Travail aurait, en effet, l’obligation de tenir compte des dangers et inconvénients pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, surtout en ce qui concernerait l’autorisation d’une installation devant se trouver à proximité d’une zone d’habitation et résidentielle. Les demandeurs ajoutent, à ce sujet, que le juge administratif pourrait se déclarer compétent pour écarter la prescription ITM-SST 1840.2 et donc imposer au titre des conditions à respecter par l’exploitant des conditions de distances minimales supérieures à celles mentionnées dans la prescription ITM-SST 1840.2.

Ils font encore valoir, en ce qui concerne les distances de l’éolienne projetée par rapport au chemin de randonnée « … », qu’en application de l’article 11.4 de la prescription ITM-SST 1840.2 et du fait de la hauteur maximale de 230 mètres de l’éolienne projetée, la distance minimale entre celle-ci et le chemin de randonnée devrait être au moins de 253 mètres. Il résulterait cependant du dossier commodo-incommodo que le chemin de randonnée ne se trouverait pas à cette distance minimale du site prévu pour l’implantation de l’éolienne. A nouveau, aucune vérification n’aurait été réalisée ni par la société … ni par le ministre du Travail. Or, au vu de l’utilisation de ce chemin par de nombreuses personnes, que ce soient des habitants de … ou des touristes, il aurait été indispensable de procéder à ces vérifications en raison du risque que présenterait l’implantation de l’éolienne à une telle distance du chemin de randonnée pour les baladeurs et de prendre des mesures de sécurité relatives à ce risque.

Enfin et en ce qui concerne la distance de l’éolienne projetée par rapport aux lignes électriques de haute tension, les demandeurs estiment que la société … serait en aveu de ne pas avoir procédé, ni avant l’introduction de son dossier de demande d’autorisation ni après celle-

ci, à des vérifications quant à l’éventuelle présence de telles lignes électriques. Ils avancent encore que l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle il n’existerait des lignes électriques qu’à « environ » 520 mètres du site d’implantation laisserait d’être prouvée, et que le fait d’utiliser le terme « environ » prouverait à suffisance qu’aucune vérification précise n’aurait été effectuée au préalable.

22 La société … et la partie étatique maintiennent, dans le cadre de leurs mémoires en duplique respectifs, en substance, leurs développements antérieurs.

La société … ajoute, quant à l’argumentation des demandeurs selon laquelle l’indication de la mauvaise prescription ITM-SST ne pourrait pas s’analyser en une simple erreur matérielle, qu’un « organisme de contrôle » devrait toujours être un « organisme agréé », de sorte qu’il serait faux de vouloir créer une distinction artificielle entre ces organismes.

En outre, les points de non-conformité invoqués par les demandeurs auraient tous trait à l’exécution de l’autorisation d’exploitation et non pas à sa légalité. Elle précise, à ce sujet, que du moment que l’autorisation opèrerait le bon renvoi, c’est-à-dire le renvoi à la prescription ITM-SST 1840.2, elle devrait scrupuleusement respecter les conditions posées par cette norme.

La partie étatique déclare, quant à elle, marquer son accord, « [p]ar souci d’exactitude », avec la réformation de l’autorisation d’exploitation uniquement sur la correction des mentions des prescriptions ITM-SST se trouvant notamment sur les pages 4 et 9 de l’autorisation litigieuse.

Elle précise encore que le contenu de l’article 12 de la prescription ITM-SST 1840.1 serait « sur le fond » le même que celui de l’article 13 de la prescription ITM-SST 1840.2, qui ne contiendrait que des différences mineures sans incidences « sur le fond » et, partant, sur la légalité de l’autorisation d’exploitation.

La partie étatique explique, par ailleurs, que les termes « organisme agréé » et « organisme de contrôle » seraient synonymes et ne sauraient pas avoir une influence sur la légalité de l’autorisation d’exploitation. En effet, l’article 2 des prescriptions respectives prévoirait que le terme « organisme agréé » comprendrait les organismes autorisés par le règlement ministériel du 6 mai 1996, et l’« organisme de contrôle » ferait référence à tout organisme figurant à l’arrêté le plus récent en vigueur du ministre du Travail concernant l’intervention d’organismes de contrôle dans les domaines afférents aux présentes prescriptions. Ainsi, même si une précision y était apportée, le contenu resterait le même.

Elle pointe encore le fait que l’erreur caractérisée en l’espèce serait une erreur de système et non pas une erreur d’analyse, de sorte à ne pas constituer une erreur de droit. Une nouvelle analyse du dossier auprès de l’ITM n’aurait, dès lors, aucune influence sur le contenu de l’autorisation d’exploitation, le dossier ayant été analysé de façon complète et l’arrêté ayant été pris dans le respect des obligations légales et des prescriptions actuelles.

Analyse du tribunal Le tribunal relève tout d’abord que les parties s’accordent sur le fait que l’autorisation litigieuse renvoie par erreur à la prescription ITM-SST 1840.1 au lieu de la prescription ITM-

SST 1840.2. Elles sont toutefois en désaccord quant à l’impact de cette erreur sur la validité de l’autorisation litigieuse. Les demandeurs concluent, en effet, à l’annulation de l’autorisation litigieuse en raison de cette erreur, tandis que les parties défenderesse et tierce intéressée estiment qu’il ne s’agirait que d’une erreur matérielle susceptible d’être redressée par le tribunal dans le cadre de sa compétence de réformation.

23Ensuite, il y a lieu de relever que les prescriptions de l’ITM ont pour but de garantir la sécurité du public et du voisinage en général, ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie en relation avec l’exploitation des établissements, installations et activités soumises à autorisation.

En ce qui concerne plus précisément les établissements classés de type éoliennes, les deux prescriptions ITM-SST, que ce soit l’ITM-SST 1840.1 ou l’ITM-SST 1840.2, disposent, de manière identique, à leur article 1er, intitulé « Objectif et domaine d’application », que :

« 1.1. Les présentes prescriptions ont pour objectif de spécifier les prescriptions générales de sécurité relatives au montage et à l’exploitation des éoliennes.

1.2. Des allégements ou dispenses aux présentes prescriptions peuvent être accordés de cas en cas, mais uniquement si des mesures de rechange garantissant une protection au moins équivalente sont prises.

Ces mesures de rechange doivent être reconnues comme garantissant un niveau de sécurité équivalent par un organisme de contrôle et acceptées comme telles par l'Inspection du Travail et des Mines. ».

Dans la mesure où l’autorisation litigieuse a été accordée sous la condition expresse que l’éolienne soit mise en œuvre, construite, aménagée et exploitée conformément à la prescription ITM-SST 1840.1, celle-ci doit s’analyser comme ayant une valeur juridique contraignante au même titre qu’une condition légale.

Or, s’il est admis que l’indication erronée d’une base légale déterminée ne saurait être considérée comme pouvant constituer une erreur matérielle toujours susceptible d’être redressée, mais comme une erreur de droit le cas échéant susceptible d’entraîner l’annulation de la décision viciée14, il est néanmoins encore de jurisprudence que l’indication d’une base légale erronée ne porte pas à conséquence, dès lors qu’une décision administrative fondée sur des motifs entachés d’une erreur de droit n’est pas à annuler si elle se justifie par d’autres motifs conformes à la loi, même non invoqués par l’administration. Il appartient à la juridiction administrative de substituer, le cas échéant, des motifs exacts aux motifs erronés15. Le même principe doit s’appliquer lorsque, comme en l’espèce, une autorisation d’exploitation a opéré un renvoi à une prescription ITM erronée, de sorte que le fait qu’en l’espèce, le ministre s’est à tort référé à la prescription ITM-SST 1840.1 n’est pas de nature à emporter d’office l’annulation de l’arrêté litigieux.

En l’espèce, le tribunal relève tout d’abord que malgré l’indication erronée de la prescription ITM, les demandeurs avaient la possibilité de prendre position sur l’incidence de l’indication d’une prescription erronée sur la validité de l’autorisation litigieuse et sur les préjudices qui en résulteraient prétendument pour eux. Or, ils sont restés en défaut de prouver un quelconque préjudice à leur égard résultant de cette indication erronée. En effet, et tel que le soulève à juste titre la société …, l’argumentation présentée par les demandeurs concerne uniquement l’exécution de l’autorisation d’exploitation litigieuse et non pas la légalité intrinsèque de celle-ci, alors qu’ils ont soulevé comme points de divergence (i) la nécessité 14 Trib. adm., 7 janvier 2009, nos 24894 et 25055 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 80 et les autres références y citées.

15 Trib. adm., 10 janvier 1997, n° 9755 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 74 et les autres références y citées.

24d’élaboration d’un rapport de réception et de contrôle par un organisme de contrôle qui devrait désormais être dressé par un organisme agrée, (ii) la non-référence par l’ancienne prescription à une prescription précise dans le cadre du contrôle de la fondation et des armatures, alors que la prescription ITM-SST 1840.2 renverrait explicitement à la norme « DNA 206 », (iii) la vérification des soudures par d’autres moyens que les rayons X et (iv) l’accompagnement exigé, lors des réceptions, contrôles et vérifications, par un « représentant de l’entreprise ayant monté l’éolienne ou effectuant l’entretien courant de l’éolienne accompagne l’instructeur de l’organisme de contrôle lors des réceptions, contrôles et vérifications », accompagnement pourtant uniquement recommandé par l’ancienne prescription.

Les questions ayant trait à l’exécution d’une autorisation d’établissement échappent cependant au contrôle du juge administratif saisi d’un recours dirigé contre l’autorisation elle-

même16. L’argumentation basée sur un hypothétique comportement futur de l’exploitant n’est pas opérante, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un vice affectant la décision ministérielle, mais d’un problème d’exécution de l’autorisation accordée17.

Comme les demandeurs n’établissent pas dans quelle mesure l’erreur contenue dans l’arrêté ministériel litigieux affecte sa légalité intrinsèque, ledit arrêté ne saurait encourir l’annulation de ce chef. En revanche, il y a lieu de réformer l’arrêté ministériel en remplaçant le renvoi à la prescription ITM-SST 1840.1 par un renvoi à la prescription ITM-SST 1840.2 qui est celle que le tribunal, en tant que juge du fond, doit prendre en considération pour analyser le reproche des demandeurs tenant à l’absence alléguée de données dans l’autorisation litigieuse relative aux distances minimales à respecter entre le projet éolien et les maisons d’habitation avoisinantes, les constructions agricoles non habitées, le chemin de randonnée « … » ou encore les lignes électriques de haute tension.

L’analyse subséquente du tribunal s’opérera, dès lors, comme si l’autorisation litigieuse contenait un renvoi à la prescription ITM-SST 1840.2 et non pas à la prescription ITM-SST 1840.1.

Le tribunal relève, dans ce contexte, que l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 déterminant l’objet et le champ d’application de la réglementation relative aux établissements classés, dispose que « 1. La présente loi a pour objet de :

- réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements ;

- protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des salariés au travail ainsi que l’environnement humain et naturel ;

- promouvoir un développement durable.

2. Sont soumis aux dispositions de la présente loi tout établissement industriel, commercial ou artisanal, public ou privé, toute installation, toute activité ou activité connexe et tout procédé […] dont l’existence, l’exploitation ou la mise en œuvre peuvent présenter des causes de danger ou des inconvénients à l’égard des intérêts dont question au point 1. ».

16 Trib. adm., 18 juin 2003, n° 12465 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 180 et les autres références y citées.

17 Trib. adm., 15 mars 1999, nos 10390, 10521 et 10597 confirmé par Cour adm., 30 mars 2000, n° 11258C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 172 et les autres références y citées.

25Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 13 de la loi, précitée, du 10 juin 1999, « Les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et en matière de protection des personnes.

Ces autorisations peuvent être limitées dans le temps et peuvent fixer le délai dans lequel l’établissement devra être mis en exploitation.

Si une norme de qualité environnementale nécessite des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles, des conditions supplémentaires sont notamment requises par l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. ».

Il convient de relever qu’un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformé ou annulé en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application18.

Cette règle s’applique plus particulièrement en matière d’établissements classés, de sorte qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que des tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices que ces tiers intéressés déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse ne sont pas de nature à leur donner satisfaction. En effet, ce n’est que dans ces conditions que le tribunal peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi en matière d’établissements classés, le caractère approprié des conditions fixées par l’autorisation litigieuse et ordonner, le cas échéant, au cas où il estime ne pas disposer de toutes les connaissances techniques nécessaires, une expertise technique19.

En ce qui concerne plus particulièrement la branche de ce moyen des demandeurs consistant à critiquer le fait qu’aucune donnée par rapport à une distance minimale à respecter entre l’éolienne projetée et les maisons d’habitation avoisinantes ne soit prévue, il convient de relever que l’article 11.3 de la norme ITM-SST 1840.2 dispose que : « La distance minimale mesurée en projection horizontale, qui doit séparer l’éolienne de toute habitation est de 300 m, sous réserve de conditions plus contraignantes imposées par toute autre autorité compétente. ».

18 Trib. adm., 16 juillet 2023, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 158 et les autres références y citées.

19 Trib. adm., 16 juillet 2023, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 166 et les autres références y citées.

26 Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, et eu égard au fait que l’autorisation litigieuse doit être lue en ce sens qu’elle renvoie notamment dans les conditions particulières à la prescription ITM-SST 1840.2, il y a lieu de relever qu’une distance minimale est imposée entre le lieu d’installation de l’éolienne et les maisons d’habitation, à savoir une distance minimale de 300 mètres.

Il se dégage, dans ce contexte, de l’autorisation litigieuse que la position géographique … y est retenue comme lieu de construction de l’éolienne, de sorte à ne laisser aucune liberté à la société … quant au choix de l’endroit de construction de ladite éolienne. A admettre que la maison d’habitation la plus proche de l’éolienne se trouve, suivant les calculs de la société … et tel que retenu ci-avant, à une distance de 750 mètres, elle se situe, par rapport à l’éolienne projetée, à une distance supérieure à la distance minimale prévue par l’article 11.3 de la prescription ITM-SST 1840.2, laquelle est fixée à 300 mètres. Ce constat s’impose même en prenant en considération la distance minimale de 500 mètres entre les maisons d’habitation et la position de l’éolienne projetée, dont se prévalent les demandeurs, distance qui est également supérieure à 300 mètres. Il s’ensuit qu’en tout état de cause, la distance minimale de 300 mètres entre la maison d’habitation la plus proche de l’éolienne et cette dernière, dont le respect est imposé par la prescription ITM-SST 1840.2, est donnée.

Ce constat n’est pas ébranlé par l’affirmation non autrement sous-tendue des demandeurs selon laquelle les dimensions de l’éolienne projetée dépasseraient de loin celles des types d’éoliennes d’une « précédente génération » et que le ministre du Travail aurait dû prendre en considération l’ampleur de l’éolienne envisagée afin de déroger aux conditions de distance minimales mentionnées dans la prescription ITM-SST 1840.2. En effet, les demandeurs restent en défaut de présenter une quelconque argumentation juridique et technique détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse, et plus précisément par renvoi à la prescription ITM-SST 1840.2, ne sont pas de nature à leur donner satisfaction. Or, à défaut d’une quelconque argumentation juridique intelligible, les reproches afférents encourent le rejet, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des demandeurs et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions. L’unique référence à la situation d’une période de gel éventuelle, pouvant provoquer la formation d’une couche de glace sur la pale de l’éolienne projetée, n’étant pas suffisante à cet égard et ce, d’autant plus que, tel que relevé à juste titre par les parties défenderesse et tierce intéressée, la problématique éventuelle liée au gel est spécifiquement prévue sous le point 8) des « Conditions supplémentaires » de l’autorisation d’exploitation qui précise les différentes conditions à respecter lors de la survenance de cette hypothèse précise.

En ce qui concerne, ensuite, la distance minimale à respecter entre l’éolienne projetée et les constructions agricoles non habitées, outre le fait, non contesté, qu’aucun des demandeurs n’est propriétaire d’une telle construction, il convient de relever que l’article 11.4 de la norme ITM-SST 1840.2 dispose que : « La distance minimale mesurée en projection horizontale, qui doit séparer l’éolienne de toute voie publique et de toute construction agricole non habitée (excepté chemin vicinal interdit à la circulation, chemin forestier et chemin syndical) est égale à la longueur maximale de culbutage (mât + hélice) de celle-ci augmentée d’un facteur de sécurité de 10%, sous réserve de conditions plus contraignantes imposées par toute autre autorité compétente. ».

27Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, et au regard du fait que l’autorisation litigieuse doit, tel que retenu ci-avant, être lue en ce sens qu’elle renvoie sous « II) Conditions particulières » à la prescription ITM-SST 1840.2, il y a lieu de relever qu’une distance minimale est prévue entre l’installation de l’éolienne et les constructions agricoles non habitées, calculée en fonction de la longueur maximale de culbutage (mât + hélice) de celle-ci augmentée d’un facteur de sécurité de 10%, ce qui correspond, en l’espèce, et suivant les calculs effectués par les parties défenderesse et tierce intéressée, non contestés par les demandeurs, à environ 253 mètres. Or, les deux constructions agricoles non habitées dont se prévalent les demandeurs se situent, suivant les informations fournies par les parties défenderesse et tierce intéressée et non contestées par les demandeurs, à une distance d’au moins 300 mètres, de sorte que la distance minimale, telle qu’imposée par la prescription ITM-

SST 1840.2, est respectée en l’espèce.

Quant à leur reproche tenant à un défaut de données quant à la distance minimale entre l’éolienne projetée et le chemin de randonnée « … », les demandeurs se réfèrent à l’article 11.4 de la prescription ITM-SST 1840.2 pour soutenir que l’éolienne projetée ne se trouverait pas à une distance minimale de 253 mètres par rapport audit chemin de randonnée. Il convient cependant de relever que l’article 11.4, précité, de la prescription ITM-SST 1840.2 se réfère aux distances minimales à respecter par rapport aux voies publiques et aux constructions agricoles non habitées, à l’exception des chemins vicinaux interdits à la circulation, des chemins forestiers et des chemins syndicaux. Or, tel que soulevé à bon droit par les parties défenderesse et tierce intéressée, la règle de distance invoquée par les demandeurs ne s’applique pas, le chemin de randonnée « … » n’étant pas une voie publique au sens de l’article 11.4, précité, de sorte à tomber dans l’une des exceptions prévues audit article.

En ce qui concerne encore la distance minimale à respecter entre l’éolienne projetée et les lignes électriques de haute tension, il convient de relever que l’article 11.5 de la prescription ITM-SST 1840.2 dispose que : « La distance de sécurité de l’hélice par rapport à des lignes électriques de haute tension est de - ≥ 3 x le diamètre de l’hélice pour les lignes de haute tension sans amortisseur d’oscillations ;

- 1 x le diamètre de l’hélice pour les lignes de haute tension avec amortisseur d’oscillations. ».

Dans la mesure où l’autorisation litigieuse est à lire en ce sens qu’elle renvoie sous « II) Conditions particulières » à la prescription ITM-SST 1840.2, il y a lieu de relever qu’une distance à respecter est imposée entre le lieu d’installation de l’éolienne et les lignes électriques de haute tension.

Il convient encore de relever que les demandeurs font état uniquement de manière générale de la présence de lignes électriques de haute tension, sans pour autant indiquer à quelle distance du site de l’éolienne projetée se trouveraient concrètement de telles lignes électriques, aucune précision, à cet égard, n’étant, par ailleurs, indiquée sur leur photographie versée en cause et illustrée à la main. Or, à défaut d’une quelconque précision quant aux lignes électriques visées par eux et à la distance les séparant du site litigieux, cette affirmation vague et non autrement circonstanciée reste à l’état de pure allégation, de sorte à ne pas pouvoir être prise en compte dans l’analyse du tribunal.

28Enfin, les demandeurs critiquent le fait qu’une dérogation aurait été accordée à la société …, laquelle se cristalliserait à la lecture de l’autorisation d’exploitation et qu’ils estimeraient incohérente. Or, à défaut de fournir plus d’explications à ce sujet afin de permettre au tribunal de saisir l’incohérence dont ils font état, cette contestation est tout simplement à rejeter, le tribunal n’ayant, tel que relevé ci-avant, pas à répondre à des moyens simplement suggérés et non autrement soutenus.

Au vu de tout ce qui précède, le tribunal est amené à retenir que le moyen pris dans ses différentes branches relatif à une prétendue absence de données, dans l’autorisation litigieuse, relatives aux distances minimales à fixer et respecter entre l’éolienne projetée et les différents types de constructions analysées ci-avant est à rejeter pour être non fondé.

Il y a encore lieu de préciser, dans ce contexte, que s’il est correct que le ministre du Travail peut prévoir des conditions d’exploitation plus restrictives que celles prévues par la prescription ITM-SST 1840.2, les demandeurs restent cependant en défaut d’établir pour quelles raisons exactement ces dernières ne seraient pas suffisantes en l’espèce. Aucun reproche ne peut partant être fait au ministre du Travail, dont il n’est pas établi qu’il aurait violé son obligation de fixer des conditions d’exploitation tenant à des distances à respecter afin de garantir la protection de la sécurité, de la salubrité ou de la commodité par rapport au public et au voisinage.

4. Quant à la prétendue absence de prise en compte de la réclamation dite « … » Arguments des parties Selon les demandeurs, la réclamation dite « … » n’aurait pas été prise en considération dans la « décision finale » ayant accordé l’autorisation d’exploitation. En effet, le demandeur sub. 6), Monsieur …, aurait introduit une réclamation en date du 22 août 2020 ayant trait, notamment, aux risques et nuisances que la construction d’une éolienne sur le site projeté aurait sur l’exercice de son activité professionnelle dans son centre équestre.

Ils avancent, dans ce contexte, que malgré l’indication « Vu les divers réclamations formulées lors de l’enquête de commodo et incommodo » dans l’autorisation litigieuse, rien ne permettrait de déduire de la lecture de la version finale de celle-ci que la « préexistence » de cette activité professionnelle à une distance peu élevée du site projeté aurait été dûment prise en compte.

Nonobstant l’explication fournie par le demandeur sub. 6) dans le cadre de sa réclamation exposant la manière dont son activité professionnelle en faveur de personnes vulnérables se trouverait affectée de façon négative « par l’Autorisation d’exploitation accordée », celle-ci se limiterait à préciser sous « la partie « conditions générales » sous 3) » que « Toutes dispositions doivent être prises par l’exploitant afin de garantir la sécurité du public et du voisinage en général ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie. ». Or, au vu de tous les points que Monsieur … aurait relevés dans sa réclamation et de la distance insuffisante entre le lieu où il exerce ses activités et le lieu d’implantation de l’éolienne, l’exploitant de l’éolienne serait dans l’impossibilité de garantir la sécurité de ce public et de ce voisinage. La perception du bruit, de la lumière et des ombres par les animaux serait différente de celle des êtres humains. Ainsi, ce qui pourrait paraître imperceptible pour les uns ne le serait pas pour les autres.

29Ils continuent en expliquant que Monsieur … aurait décidé il y a quelques années déjà d’exercer son activité, pour laquelle il nécessiterait du calme et un cadre paisible, à …. Or, en raison de la délivrance de l’autorisation litigieuse, une activité nuisible à la sienne serait admise, de sorte que ladite autorisation devrait être annulée, sinon se voir imposer une modification, à savoir l’application de conditions d’exploitation plus restrictives.

Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les demandeurs avancent qu’ils pourraient être d’accord à ce que les problèmes relatifs à l’exploitation de Monsieur … par rapport aux conséquences qu’il pourrait subir en cas de construction de l’éolienne projetée soient traités dans le cadre d’une éventuelle autorisation d’exploitation du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions. Ils contestent toutefois l’argument de la société … selon lequel une éolienne serait toujours autorisable en zone verte. Si ladite société se référait, à ce propos, à la partie écrite du PAG de la commune d’Ettelbruck, laquelle préciserait expressément qu’une construction d’utilité publique serait possible en zone agricole sans préjudice quant aux dispositions de la loi du 18 juillet 2018, il conviendrait cependant de noter que l’article 6 (3) de la loi du 18 juillet 2018 disposerait que « des constructions répondant à un but d’utilité publique et les installations d’énergie renouvelable peuvent être érigées en zone verte pour autant que le lieu d’emplacement s’impose par la finalité de la construction. ». Les demandeurs réitèrent à ce sujet que, selon eux, la société … aurait dû, dans le cadre de sa demande d’autorisation d’exploitation, apporter la preuve de la nécessité de mettre en place son installation en zone verte, preuve qui serait matériellement impossible à rapporter alors que la société aurait initié son projet à un moment où les parcelles concernées auraient encore été classées en zone d’intérêt paysager.

Ils concluent qu’aucun élément du dossier ne permettrait de connaître la raison pour laquelle ce lieu d’emplacement s’imposerait par la finalité de la construction de l’éolienne projetée. Tout porterait à croire que la société … estimerait que la circonstance de faire porter « une étiquette d’utilité publique » à son projet lui permettrait de le réaliser partout où elle le souhaiterait.

Tant la partie étatique que la société … concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Analyse du tribunal Dans la mesure où le tribunal a retenu ci-avant dans le cadre de l’analyse du reproche tenant à l’absence alléguée de vérification de la compatibilité de la construction de l’éolienne projetée avec la zone devant l’accueillir que la loi du 10 juin 1999 n’impose plus aux autorités administratives compétentes en la matière de contrôler si le projet de construction d’un établissement classé est compatible avec la destination de la zone dans laquelle il est prévu de l’implanter, en l’occurrence la zone verte, mais confie cette responsabilité à l’exploitant de l’établissement, c’est sur base des mêmes considérations que l’argumentation des demandeurs visant à remettre en cause la possibilité légale de construire une éolienne dans une zone verte, de même que le caractère d’utilité publique de celle-ci, est à rejeter.

Si les demandeurs avancent encore que « l’exploitant de [cet établissement serait] dans l’impossibilité de garantir la sécurité de ce public et de ce voisinage », il s’agit-là d’une argumentation concernant l’exécution de l’autorisation litigieuse dont le contrôle échappe toutefois au juge administratif dans le cadre d’un recours tel que celui dont le tribunal est saisi en l’espèce et qui est dirigé contre l’autorisation d’exploitation elle-même.

30 Le moyen est, dès lors, à rejeter pour être dénué de tout fondement.

5. Quant au moyen tiré d’une absence de limitation de la durée de l’autorisation dans le temps Arguments des parties Les demandeurs font valoir que l’autorisation litigieuse ne prévoirait aucune limitation de sa durée dans le temps, et ce, contrairement à une version « draft » du 7 juin 2021 dans laquelle une limitation de 15 ans, tout en l’assortissant d’une obligation de solliciter une prolongation d’exploitation de 5 ans sous condition de la réception d’une étude de stabilité des fondations et de la tour de l’éolienne, aurait été prévue. Aucune explication plausible de cette omission dans l’autorisation finale n’aurait été fournie, alors même que la question de la stabilité des fondations et de la tour de l’éolienne après 15 ans d’exploitation serait une condition ayant manifestement trait aux aspects de sécurité tant sur le lieu de travail que du public en général. Il aurait, ainsi, fallu soumettre l’autorisation d’exploitation pour le moins à une condition de validité limitative dans le temps. Au vu de cette absence, l’autorisation en cause devrait être annulée, sinon, à titre subsidiaire, se voir insérer une condition de limitation de sa validité dans le temps.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs constatent que si le délégué du gouvernement reconnaissait l’existence du document « draft », il prétendrait cependant que celui-ci n’aurait aucune valeur juridique du fait de sa nature non définitive.

Ils font remarquer, dans ce contexte, que l’article 13 (1), alinéa 2 de la loi du 10 juin 1999 prévoirait la possibilité de limiter les autorisations d’établissement dans le temps. Or, les éoliennes seraient conçues pour une durée de vie limitée laquelle « tien[drait] lieu d’exigence minimale pour garantir la stabilité statique » de celles-ci, les demandeurs indiquant que « [p]assé un certain délai fixé à compter de leur mise en service, les installations [devraient] être arrêtées et démontées ». Ainsi, en cas de poursuite de leur exploitation au-delà de cette limite, une attestation individuelle certifiant leur stabilité statique et leur sûreté de fonctionnement serait nécessaire. Les demandeurs ajoutent que cette limitation de durée ferait également partie de la norme « IEC 61400 » introduite par la Commission électrotechnique internationale, laquelle aurait également été adoptée par le Luxembourg.

L’indication d’une limitation temporelle étant un critère déterminant et nécessaire pour protéger la sécurité du public, du voisinage ou du personnel des établissements et la santé et la sécurité des salariés au travail, les demandeurs ne partagent pas l’avis des parties défenderesse et tierce intéressée selon lequel une telle indication ne serait pas nécessaire pour la validité d’une autorisation d’exploitation.

Ils concluent en donnant à considérer qu’il serait certainement dans l’intérêt du voisinage de cette installation, et partant également dans leur propre intérêt, de connaître d’ores et déjà la durée pendant laquelle il leur serait demandé de subir les désagréments de cette installation dans leur vie quotidienne.

Tant la partie étatique que la société … concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

31Analyse du tribunal Aux termes de l’article 13 (1), alinéa 2 de la loi du 10 juin 1999, relatif aux conditions d’exploitation et d’aménagement « Ces autorisations peuvent être limitées dans le temps et peuvent fixer le délai dans lequel l’établissement devra être mis en exploitation. ».

Il s’ensuit que le ministre dispose d’une simple faculté de limiter dans le temps une autorisation d’exploitation sans qu’il n’y soit pour autant obligé, contrairement à ce que semblent plaider les demandeurs.

Les demandeurs restent, par ailleurs, en défaut (i) de préciser la base juridique, sinon scientifique sur laquelle ils s’appuient pour prétendre que les éoliennes seraient nécessairement conçues pour une durée de vie limitée et (ii) de produire une argumentation concrète permettant de comprendre pour quelle raison une limitation dans le temps serait utile pour garantir la sécurité du public, du voisinage, du personnel des établissements et la santé et la sécurité des salariés au travail, puisqu’ils se limitent à affirmer péremptoirement que la stabilité statique et la sûreté de fonctionnement exigeraient une limitation dans le temps. Il convient, cependant, de relever que l’autorisation d’exploitation en cause prévoit explicitement dans ses conditions supplémentaires qu’« Une étude géotechnique pour chaque site éolien est à établir. Une évaluation des risques sismiques, risques de mouvement de terrain, risques d’inondation, risques de remontée de nappe, tempêtes, etc., pouvant mettre en danger la stabilité et la solidité des éoliennes ou de leurs fondations doit être réalisée avant la phase de construction de l’éolienne.

Toute éolienne doit être conçue de façon à ce que soit donné en tout temps toutes les garanties de stabilité et de solidité, même lors d’intempéries, telles que tempête, orage, inondations, gel, givre et neige. », de sorte que la stabilité et la solidité de l’éolienne doivent être garanties pendant toute la durée d’exploitation.

Au vu de la simple faculté laissée au ministre du Travail de prévoir une limitation de l’autorisation d’exploitation dans le temps et de l’obligation imposée à la société … de garantir la stabilité et la solidité de l’éolienne tout au long de son exploitation, le moyen afférent est à rejeter pour être non fondé.

6. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat ainsi que de la société … à leur payer une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ». Au vu de l’issue du litige, cette demande encourt toutefois le rejet.

Au vu de l’issue du litige, il est fait masse des frais et dépens de l’instance pour les imposer pour un tiers à l’Etat et deux tiers aux demandeurs.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

32 reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation de l’arrêté ministériel référencé sous le numéro … du 30 juillet 2021, dit qu’il y a lieu de remplacer toute référence y faite à la prescription ITM-SST 1840.1 par la prescription ITM-SST 1840.2 ;

pour le surplus, déclare le recours principal en réformation non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros, telle que formulée par les demandeurs ;

condamne l’Etat à un tiers et les demandeurs à deux tiers des frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 6 juin 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 33


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46938
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-06;46938 ?

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