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03/06/2024 | LUXEMBOURG | N°50508

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2024, 50508


Tribunal administratif N° 50508 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50508 2e chambre Inscrit le 27 mai 2024 Audience publique du 3 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50508 du rôle et déposée le 27 mai 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif N° 50508 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50508 2e chambre Inscrit le 27 mai 2024 Audience publique du 3 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50508 du rôle et déposée le 27 mai 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 15 mai 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 juin 2024, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé et rapporté à ses écrits.

En date du 2 mai 2023, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, demande dont il fut débouté par une décision du ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », du 18 décembre 2023, qui lui ordonna également de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours.

Il ressort du Système d’information Schengen (SIS) que le concerné fit l’objet d’un signalement par les autorités luxembourgeoises en date du 19 décembre 2023 « en vue d’une décision de retour ».

Il ressort ensuite d’une note au dossier du 25 janvier 2024, que Monsieur … affirma en date du même jour, lors d’un entretien de retour volontaire au ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », ne pas vouloir retourner volontairement dans son pays d’origine.

1 Suivant un rapport de la police grand-ducale Région …, commissariat …, du 17 février 2024, portant le numéro de référence …, Monsieur … fut interpellé par les forces de l’ordre à cette même date au centre de la Ville de ….

Par arrêté ministériel du même jour, notifié à l’intéressé également le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 17 février 2024 établi par la Police grand-ducale, Région … -

… ;

Vu la décision de retour du 18 décembre 2023, notifiée à l'intéressé par courrier recommandé le 19 décembre 2023;

Vu la décision du 18 décembre 2024, lui refusant l'obtention d'une protection internationale ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé s'est présenté en vue de l'organisation de son retour volontaire dans son pays d'origine en date du 25 janvier 2024 ;

Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs défais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par jugement du tribunal administratif du 6 mars 2024, portant le numéro 50098 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit le 26 février 2024 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 17 février 2024.

Par arrêtés des 13 mars et 15 avril 2024, notifiés à l’intéressé respectivement les 15 mars et 17 avril 2024, le ministre prorogea la mesure de placement initiale au Centre de rétention de Monsieur … à chaque fois pour une durée d’un mois avec effet au 17 mars 2024, respectivement à partir de la notification de l’arrêté en question.

Les recours contentieux introduits le 27 mars, respectivement le 25 avril 2024 contre les arrêtés de prorogation, prévisés, des 13 mars et 15 avril 2024 furent déclarés non fondés par jugements du tribunal administratif du 3 avril 2024, inscrit sous le numéro 50244 du rôle, respectivement du 30 avril 2024, inscrit sous le numéro 50370 du rôle.

Par arrêté du 15 mai 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le 17 mai 2024, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur … une nouvelle fois pour une durée 2d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 17 février, 13 mars et 15 avril 2024, notifiés le 17 février, le 15 mars avec effet au 17 mars et le 17 avril 2024, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 17 février 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 15 mai 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, alors qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine, de sorte que se poserait la question de l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et avant l’expiration de la durée maximale de la mesure de rétention.

3Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Il donne, dans ce contexte, à considérer qu’il disposerait d’attaches suffisamment stables au Luxembourg, alors que, dès son arrivée au Luxembourg en tant que mineur non accompagné, il aurait été pris en charge par le foyer luxembourgeois « … » et suivi par l’association « … ». Il aurait ensuite été scolarisé au « … » où il aurait pu effectuer deux stages de découverte dans le cadre de ses études. Il ajoute que depuis la rentrée scolaire en 2023, il serait scolarisé au « … » et souligne, par ailleurs, qu’il aurait déjà habité dans un foyer en Tunisie, tout en précisant qu’il n’aurait plus de contact avec ses parents ou d’autres membres de sa famille depuis plusieurs années, ce qui prouverait son intention de rester au Luxembourg pour y « continuer l’école ».

Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.

Il en conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 15 mai 2024 serait à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la 4rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être mené à bien.

A l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements précités des 6 mars, 3 et 30 avril 2024, il est, en l’espèce, constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 18 décembre 2023 et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe dans son chef un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le 5risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».

Il appartient dès lors au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption.

A l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements prémentionnés des 6 mars, 3 et 30 avril 2024, le tribunal constate que le demandeur reste toujours en défaut de lui soumettre des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite existant dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, étant rappelé, à cet égard, que ses développements relatifs à sa résidence au Luxembourg dans un foyer de demandeurs de protection internationale et à sa volonté de rester au Luxembourg pour y continuer sa formation, tels que réitérés dans le cadre du recours sous analyse, sont, au contraire, de nature à renforcer cette présomption, le risque de fuite visé à l’article 120 de la loi du 29 août 2008 n’étant, en effet, pas à considérer comme le risque qu’un étranger quitte le territoire luxembourgeois pour un autre pays, mais comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention et maintenir ce placement afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit :

« (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

6La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a toujours pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur, dont il est constant en cause qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et dont l’affirmation suivant laquelle il disposerait d’attaches stables au Luxembourg n’est sous-tendue par aucun élément de preuve tangible, reste en défaut de soumettre des éléments concluants quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, de sorte à ne présenter aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celles visées aux points a) et b), telles que préconisées par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce et l’arrêté ministériel de prorogation de la mesure de placement initial, tel que déféré, ne saurait être considéré comme étant disproportionné par rapport au but recherché. Les contestations afférentes du demandeur sont dès lors à écarter.

S’agissant, ensuite, des contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal relève que dans son jugement, prémentionné, du 30 avril 2024, inscrit sous le numéro 50370 du rôle, il a été retenu que, 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

7jusqu’à cette date, le dispositif de l’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.

S’agissant des démarches entreprises depuis lors, respectivement depuis la notification de l’arrêté de prorogation actuellement litigieux, le tribunal constate que suite aux demandes d’identification adressées par les autorités luxembourgeoises à leurs homologues algériens, ceux-ci ont, par courrier électronique du 10 mai 2024, informé les services du ministre que la nationalité algérienne du demandeur n’était pas établie et envoyé un courrier officiel en ce sens le 14 mai 2024. Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 24 mai 2024, les autorités consulaires tunisiennes, auxquelles les services du ministre avaient également adressé une demande en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance dans son chef d’un laissez-

passer, ainsi qu’un courrier de rappel en ce sens le 10 mai 2024, ont confirmé la nationalité tunisienne de l’intéressé et annoncé qu’elles étaient disposées à lui délivrer un laissez-passer.

Il apparaît encore que le 27 mai 2024, les services du ministre ont prié l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel de la police grand-ducale d’organiser le départ du demandeur vers la Tunisie dans les meilleurs délais.

Au regard des diligences concrètement accomplies à ce jour par le ministre, le tribunal se doit de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.

Finalement, et eu égard au fait que les autorités tunisiennes ont identifié le demandeur comme étant un de leurs ressortissants et confirmé leur accord à délivrer un laissez-passer dans son chef, c’est à tort que le demandeur affirme péremptoirement que son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien.

Il s’ensuit que le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement du demandeur, ainsi que celui tiré d’une prétendue impossibilité de procéder à son éloignement sont, à leur tour, à rejeter pour ne pas être fondés.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, 8Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 3 juin 2024 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 50508
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-03;50508 ?

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