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23/05/2024 | LUXEMBOURG | N°47363

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2024, 47363


Tribunal administratif N° 47363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47363 2e chambre Inscrit le 27 avril 2022 Audience publique du 23 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47363 du rôle et déposée le 27 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité lim

itée Tiberghien Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-1840 Luxembourg, 23,...

Tribunal administratif N° 47363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47363 2e chambre Inscrit le 27 avril 2022 Audience publique du 23 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47363 du rôle et déposée le 27 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Tiberghien Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-1840 Luxembourg, 23, Boulevard Joseph II, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 153 074, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Gauthier Mary, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à B-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 janvier 2022 portant rejet de sa réclamation dirigée contre un bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 17 juin 2021 par le bureau d’imposition RTS … de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gauthier Mary et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 mars 2024.

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En date du 15 juillet 2020, le bureau d’imposition RTS …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’encontre de la société anonyme “A” SA, ci-après désignée par « la société “A” », un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue (« Lohnsteuerbescheid »), ci-après désigné par « le bulletin de compléments de retenue », sur le fondement du § 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, dénommée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », fixant des retenues d’impôt non effectuées à hauteur à chaque fois de 1.000 euros respectivement pour les années d’imposition 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, ledit bulletin étant libellé comme suit :

« […] En date du 09/07/2020 il a été procédé, en application des dispositions de l’article 136 L.I.R. de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, à une 1révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par vos soins à l’Administration des contributions, du chef de rémunérations allouées à votre personnel salarié et retraité.

La révision portant sur les années d’imposition 2012 à 2018 inclusivement a eu lieu conformément aux dispositions de la section 5 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions.

D’après l’état récapitulatif du rapport de la révision, les compléments de retenue d’impôt et les suppléments y relatifs sont fixés aux montants ci-après, ceci sans préjudice des intérêts de retard grevant les arriérés conformément à l’article 155 L.I.R. ainsi que, le cas échéant, des retenues d’impôt déclarées mais non encore versées.

[…] Les montants sont repris au décompte qui vous parviendra séparément. […] Conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est personnellement responsable de la déclaration et du paiement de l’impôt retenu. […] Observations relatives à la révision […] Taxation d’office de l’impôt dû suivant §217 AO […]. ».

Il est constant en cause que par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, du 8 janvier 2021, la société “A” a été déclarée en état de faillite.

En date du 17 juin 2021, le bureau d’imposition émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du § 118 AO à l’égard de Monsieur … en sa qualité de représentant permanent de la société de droit belge “B” BVBA, ci-après désignée par « la société “B” BVBA », elle-même administrateur unique de la société “A”, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de … euros dont … euros en principal et … euros en des intérêts de retard, au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être retenu et continué à l’administration des Contributions directes par la société “A” pour les années d’imposition 2012 à 2018.

Ledit bulletin est libellé comme suit :

« […] Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société “A” (“A”) S.A.

en faillite ayant son siège à L-…, immatriculée sous le numéro fiscal … et enregistrée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro … à titre de l’impôt sur les traitements et salaires :

Année Principal Intérêts Total 2012 … € … € … € 2013 … € … € … € 2014 … € … € … € 22015 … € … € … € 2016 … € … € … € 2017 … € … € … € 2018 … € … € … TOTAL … € … € … € Il résulte du dépôt au Luxembourg Business Registers sous la référence … du 01.06.2011 que la société de droit belge “B” BVBA (n° d’entreprise en Belgique …) a été nommé administrateur unique de la société “A” (“A”) S.A. en faillite. Lors de cette nomination vious avez été désigné représentant permanent de l’administrateur unique “B” BVBA.

En cette qualité vous avez eu le pouvoir d’engager la société sous votre seule signature depuis le 15.03.2011.

En votre qualité de représentant permanent de l’administrateur unique “B” BVBA vous étiez en charge de la gestion de la société “A” (“A”) S.A. en faillite.

Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et § 103 AO, vous étiez personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société “A” (“A”) S.A. en faillite, dont notamment le paiement des impôts dus par la société “A” (“A”) S.A. en faillite à l’aide des fonds administrés.

En vertu de l’article 136 alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu de retenir l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu à déclarer et à verser l’impôt retenu à l’Administration des contributions directes.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions, l’employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.

Dans le cas d’une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers.

En votre qualité de représentant de la société “A” (“A”) S.A. en faillite il vous appartenait de déclarer et de verser/de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d’impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.

Or pour les années 2012 à 2018 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur.

3L’omission de retenir, de déclarer et de payer les sommes dues à titre de retenue d’impôt est à qualifier d’inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société “A” (“A”) S.A. en faillite.

L’omission de payer sur les fonds disponibles de la société “A” (“A”) S.A. en faillite les retenues échues avant votre entrée en fonction est à qualifier d’inexécution de vos obligations.

Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu les retenues d’impôt d’un montant de … €.

Ce montant de … € se compose comme suit :

Année Principal Intérêts Total 2012 … € … € … € 2013 … € … € … € 2014 … € … € … € 2015 … € … € … € 2016 … € … € … € 2017 … € … € … € 2018 … € … € … € TOTAL … € … € … € En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l’extinction de votre pouvoir de représentation.

Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous êtes tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société “A” (“A”) S.A. en faillite.

Considérant que l’inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.

Considérant que l’inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d’impôt sur les traitements et salaires d’un montant de … €.

Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.

Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.

Considérant le fait qu’en votre qualité de représentant vous êtes chargé de la gestion de la société “A” (“A”) S.A. en faillite j’engage votre responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.

Par conséquent, vous êtes invité à payer sans délai le montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, au receveur de l’Administration des contributions directes à Luxembourg. […] ».

4 Le 9 août 2021, Monsieur … se vit signifier par voie d’huissier de justice un commandement de payer un montant de … euros.

Par courrier recommandé du 11 août 2021, Monsieur … s’adressa au bureau d’imposition pour prendre position comme suit par rapport au bulletin d’appel en garantie du 17 juin 2021 lui parvenu : « […] Dans ce courrier vous prétendez d’une part que les sommes dûes à titre de retenue d’impôt sur les salaires payés par la société “A” (“A”) S.A. n’auraient pas été payées pour les années 2012 à 2018 incluse et que l’omission de payer est à qualifier comme l’inexécution des obligations incombant à “B” BVBA à titre d’administrateur unique de “A” pour laquelle la première serait responsable.

Par la présente, je conteste ces allégations car elles sont en contradiction claire et nette avec les documents en ma possession et que j’ajoute à la présente.

En effet, il apparaît clairement sur ces documents que pour 2012 “A” a mandaté la “C” pour gérer et accomplir toutes les obligations sociales et fiscales relatives au paiement du seul salaire par “A” à …, seul et unique salarié de ladite société (annexe 1, démontrant notamment que pour 2012 l’impôt sur le revenu a bien été retenu – je suis en possession des documents similaires pour les années 2010 et 2011). Je ne possède pas tous les documents pour toutes les années en question mais il n’y a aucune raison de présumer que la “C” aurait arrêter ce mandat après 2012.

En outre, vue la situation financière précaire dans laquelle se trouvait la société depuis 2013/2014, il est peu probable qu’après 2014 “A” ait continué à payer des ou un salaire et je suis convaincu que les documents comptables et autres le prouveront (notez toutefois que je ne suis plus en possession des documents comptables).

Je joins à la présente la fiche de retenue d’impôts 2020 qui démontre non seulement que la gestion fiscale et sociale des salaires continue d’être assurée par la “C” mais aussi qu’aucun salaire n’a été payé cette année (annexe 2).

Sur cette base, je vous prie, cher Monsieur …, d’annuler votre courrier et d’en informer le receveur en vue du commandement que je viens de recevoir de sa part (annexe 3). […] ».

Par décision du 27 janvier 2022, répertoriée sous le n° … du rôle, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », rejeta comme non fondée la réclamation introduite par Monsieur … dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 13 août 2021 par le sieur …, demeurant à B-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition RTS … en date du 17 juin 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

5 Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, y compris les intérêts accumulés depuis lors, au motif qu'il aurait en sa qualité de représentant légal de la société anonyme “A” (“A”) (ci-après « “A” »), en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était (et est toujours) redevable ;

Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;

Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;

que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;

Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre un autre, quod non en l'espèce, étant donné qu'un autre bulletin d'appel en garantie a été émis à l'encontre de la société de droit belge “B” BVBA ;

Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l'administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;

Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm.

5 Abs. 3) ; que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au 6principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;

Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;

Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;

Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :

1) « Dans la mesure où il n'est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n'ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n'ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d'imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.

(…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant 7selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (Cour administrative du 23 août 2016, n° 38378C du rôle), et que :

2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).

La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.

En premier lieu, il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard à l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.

(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.

(…) (…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (Cour administrative du 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle) ;

Considérant qu'il ressort du Registre de commerce et des sociétés (RCS) que la société de droit belge “B” BVBA était administratrice unique de la société “A” du 15 mars 2011, date de sa nomination, au 8 janvier 2021, date du jugement de faillite, et, dès lors, habilitée à engager la société “A” vis-à-vis de tiers par sa signature individuelle ; que par sa nomination en tant que représentant permanent de la société “B”, le réclamant était habilité à engager la société “A” vis-à-vis de tiers par sa signature individuelle ;

Considérant qu'à l'égard de tiers, dont notamment l'Administration des contributions directes, le réclamant était un représentant de la société pour la période en cause et personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société ; qu'il était ainsi, entre autres, dans l'obligation de retenir, de déclarer et de payer les impôts sur salaires et traitements à l'Administration des contributions directes ;

8Considérant que le réclamant argue avoir « mandaté la “C” pour gérer et accomplir toutes les obligations sociales et fiscales relatives au paiement du seul salaire par “A” [au réclamant], seul et unique salarié de ladite société » et que « vu la situation financière précaire dans laquelle se trouvait la société depuis 2013/2014, il [serait] peu probable qu'après 2014 “A” ait continué à payer des ou un salaire » ;

Considérant que le représentant qui, tel que le réclamant, a accepté sa fonction ne peut, en matière d'appel en garantie, se contenter de contester son pouvoir ; qu'en n'exécutant pas les obligations légales de la société ou en ne veillant pas à leur accomplissement, le représentant manque à son premier devoir, celui d'administrer (Tribunal administratif du 19 mars 2014, n° 32140 du rôle) ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal de la société “A” que les arriérés d'impôt litigieux correspondent aux retenues d'impôt sur traitements et salaires fixées à travers le bulletin complémentaire de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2012 à 2018, émis en date du 15 juillet 2020 ; qu'à défaut d'une réclamation dans le délai légal, à savoir jusqu'au 20 octobre 2020, le bulletin émis en date du 15 juillet 2020 est coulé en force de la chose décidée ;

Considérant que le fait que le réclamant a revêtu jusqu'à la faillite le mandat de représentant de la société au sens du § 103 AO, mandat qui l'a mis en mesure d'exercer pour compte de la société les voies de recours légalement prévues contre le bulletin du 15 juillet 2020, mais qu'aucune voie de recours n'a été introduite, l'empêche de pouvoir valablement critiquer la validité dudit bulletin (§ 119, alinéa 2 AO) ;

Considérant qu'il découle de tout ce qui précède que c'est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, notamment du fait que durant la période en cause il était représentant au sens du § 103 AO de la société anonyme “A” (“A”), en faillite ; que la mise à charge des arriérés de ladite société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est donc parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur du 27 janvier 2022, prévisée.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Quant à la recevabilité du recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la décision directoriale du 27 janvier 2022, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du § 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, 9conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

2) Quant au fond Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes repris ci-avant, s’empare tout d’abord du § 109 AO pour faire valoir qu’en application de cette disposition légale, il serait en droit d’invoquer dans le cadre du recours sous analyse des moyens contre le bulletin de compléments de retenue.

Il relève, à cet égard, que s’il n’était pas contesté que la société “B” BVBA avait été nommée administrateur de la société “A” en date du 15 mars 2011, il n’en resterait pas moins que le mandat de celle-ci aurait été prévu pour une durée de six ans et plus particulièrement « jusqu’à l’assemblée générale qui se tiendra en 2017 ». Comme il se dégagerait des statuts coordonnés de la société “A” que l’assemblée générale ordinaire de celle-ci se tiendrait le premier mardi du mois de juin, le mandat de la société “B” BVBA aurait dû être renouvelé au cours de l’assemblée générale du mardi 6 juin 2017, ce qui n’aurait toutefois pas été le cas. Il s’ensuivrait que le mandat de la société “B” BVBA n’aurait pas été renouvelé et que celle-ci n’aurait, par conséquent, plus été administrateur de la société “A” à partir du 6 juin 2017. A fortiori, lui-même n’aurait plus assuré la fonction de représentant permanent de ladite société à partir de la même date. Or, le bulletin de compléments de retenue aurait été envoyé à la société “A” en date du 15 juillet 2020, soit plus de trois ans après la date à laquelle le mandat d’administrateur de la société “B” BVBA aurait dû être renouvelé, et donc à un moment où le demandeur, en tant que personne appelée en garantie, n’aurait plus été le représentant permanent de la société “A” et partant le représentant indirect du débiteur principal, état de fait qui l’aurait empêché de faire déposer au nom de la société “A” un recours contre le bulletin de compléments de retenue du 15 juillet 2020.

Le demandeur insiste sur le fait qu’il n’aurait pas été informé de l’émission du bulletin de compléments de retenue du 15 juillet 2020, tout en expliquant que si la société “A” avait été constituée en 2010 avec pour objet de donner des conseils économiques, juridiques et fiscaux, ledit projet aurait finalement tourné court en raison de circonstances particulières et notamment du décès inopiné du gérant initial en 2011 et du départ soudain d’un des associés en 2014, impliquant que ladite société n’aurait plus eu d’activités au Luxembourg à partir de l’année 2015. Il ajoute qu’il aurait été le seul salarié de la société “A” et qu’après avoir lui-même quitté le Luxembourg en 2015, il aurait confié la mise à jour des obligations de ladite société, ainsi que sa liquidation à une société de domiciliation établie au Luxembourg laquelle ne se serait toutefois jamais acquittée de ses obligations et aurait été déclarée en faillite en décembre 2020.

10Comme le bulletin de compléments de retenue du 15 juillet 2020 aurait été émis seulement quelques mois avant cette mise en faillite, il pourrait raisonnablement être pensé que la société de domiciliation n’aurait donné aucune suite à celui-ci, respectivement ne le lui aurait pas continué.

Pour ce qui est des montants d’impôts réclamés, le demandeur fait d’abord remarquer que, d’une manière générale, les salaires pour la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2015 auraient été établis par une société spécialisée en la matière, la société anonyme “C” SA, et que les impôts sur les traitements et salaires auraient été déclarés, retenus et reversés au Trésor public en temps utile. Pour sous-tendre ses propos, il verse une copie du journal de paie pour la période en question, ainsi que la copie d’un courrier électronique reçu de ladite société confirmant que celle-ci se serait occupée des obligations légales de la société “A” pour la période prévisée.

Il ajoute avoir lui-même été rayé du Centre commun de la Sécurité sociale en juin 2015 tel qu’en attesterait la déclaration de sortie afférente. Comme il aurait été le seul salarié de la société “A” laquelle n’aurait, par ailleurs, plus eu aucune activité, il estime qu’il serait impossible qu’elle ait pu verser des salaires pour la période allant de 2016 à 2018, tout en s’interrogeant sur les raisons ayant conduit l’administration des Contributions directes à considérer un impôt sur les salaires jusqu’à l’année 2018.

Ensuite, le demandeur invoque la prescription des impôts relatifs aux exercices 2012 à 2015 en faisant valoir que conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accises sur l’eau-de-vie et des cotisations sociales, ci-après désignée par « la loi du 27 novembre 1933 », la créance du Trésor se prescrirait par 5 ans, prenant cours au 31 décembre de l’année pour laquelle la somme à percevoir est due. A cela s’ajouterait qu’aux termes du paragraphe (3) de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (« Steueranpassungsgesetz »), en abrégé « StAnpG », les impôts sur salaires seraient dus aux dates respectives d’allocation des rémunérations.

Il continue en relevant que sur base de l’article 3 de la loi du 22 décembre 1951 portant prorogation du délai de prescription de certains impôts directs et précisant les conditions dans lesquelles les prescriptions peuvent être interrompues, le délai de prescription pourrait être interrompu, en dehors d’une renonciation du contribuable, dans les conditions prévues par les articles 2244 et suivants du code civil ou par la loi du 27 novembre 1933.

A cet égard, le demandeur relève que comme il aurait reçu une contrainte de paiement en date du 1er juillet 2021, le délai de prescription relatif aux impôts dus au titre des exercices 2012 à 2015 aurait déjà été atteint au moment de l’émission de celle-ci. Il ajoute que si la loi du 27 novembre 1933 précisait que le délai de prescription était porté à 10 ans en cas d’absence de déclaration, de déclaration incomplète ou inexacte, les déclarations fiscales relatives au paiement des impôts sur les traitements et salaires auraient en l’occurrence bien été effectuées correctement par la fiduciaire en charge des salaires de la société “A”.

Tout en admettant qu’il serait de jurisprudence que l’émission d’un bulletin complémentaire de retenue serait la marque d’une déclaration incomplète, le demandeur donne à considérer qu’un tel argument ne serait pas applicable en l’espèce du fait que les montants repris dans le bulletin d’appel en garantie seraient, à une exception près, les mêmes, à savoir 1.000 euros, et formeraient un chiffre rond. Il en conclut que l’administration aurait visiblement 11rajouté un impôt forfaitaire sans lien avec la réalité, de sorte qu’elle ne pourrait pas en déduire que les déclarations auraient été inexactes ou incomplètes. Elle serait d’ailleurs elle-même dans l’incapacité de fournir des données complètes et exactes.

Au vu de ces considérations, le demandeur est d’avis que les impôts exigés en relation avec les exercices 2012 à 2015 ne seraient pas dus pour être prescrits.

En deuxième lieu, le demander fait valoir que dans la mesure où la gestion des salaires pour la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 aurait été confiée à une société spécialisée, aucune faute ne pourrait être retenue dans son chef « si l’émission des bulletins complémentaires par l’Administration des Contributions Directes résulte d’une erreur technique uniquement décelable par une personne spécialisée en la matière ». Il s’ensuivrait qu’en l’absence de faute, il ne pourrait pas non plus être appelé en garantie.

Enfin, le demandeur estime ne pas pouvoir être appelé en garantie pour le paiement des impôts sur salaires se rapportant à la période du 6 juin 2017 au 31 décembre 2018 au motif que la société “B” BVBA n’aurait plus été administrateur unique de la société “A” depuis le 6 juin 2017.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

S’agissant de prime abord du moyen tenant à la prescription des retenues sur salaires et traitements litigieuses visant les années 2012 à 2015, il convient de relever qu’en application de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, si les créances du Trésor public se prescrivent en principe par 5 ans, il n’en reste pas moins qu’en « cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans ».

En l’espèce, il se dégage à cet égard du dossier administratif, et plus particulièrement du bulletin de compléments de retenue, que le 9 juillet 2020 le bureau d’imposition compétent a procédé à une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser du chef de rémunérations touchées par le personnel de la société “A” et que le rapport établi à la suite de cette révision a conclu à un complément de retenues pour chacune des années d’imposition concernées. Ce constat a eu pour conséquence l’émission, par le bureau d’imposition, d’un bulletin d’imposition en date du 15 juillet 2020, ayant fixé, pour chaque année visée, des compléments pour retenues sur salaires non effectuées (« nicht einbehaltene Lohnsteuer »).

Eu égard à cette imposition complémentaire fondée sur le constat de retenues non effectuées, c’est la prescription décennale qui, en application de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, en ce qu’il énonce que toute déclaration incomplète ou inexacte et toute imposition supplémentaire impliquent une extension du délai de prescription de 5 à 10 ans, trouve application en l’espèce. Il est, en effet, de jurisprudence que le délai de prescription de 10 ans s’applique dans l’hypothèse de l’émission d’un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenues qui n’avait pas été correctement comprises dans les déclarations de retenues déposées même si celles-ci avaient été introduites en temps utile et si le montant complémentaire est peu important par rapport au 12total des retenues déclarées1. Cette conclusion n’est pas infirmée par l’affirmation du demandeur suivant laquelle la gestion des salaires aurait été confiée à une fiduciaire laquelle aurait correctement effectué les déclarations fiscales relatives aux paiements des impôts sur les salaires et traitements. En effet, d’une part, tel que relevé ci-avant, suivant l’article 10, précité, le constat d’une imposition supplémentaire suffit pour que cette disposition trouve application et, d’autre part, le fait qu’un professionnel ait été en charge de la comptabilité n’exclut pas ipso facto un défaut de retenues. Le fait que les montants repris dans le bulletin d’appel en garantie, qui correspondent aux arriérés d’impôt fixés à travers le bulletin de compléments de retenue, soient les mêmes pour chaque année d’imposition et forment, à une exception près, un chiffre rond n’est pas non plus suffisant pour exclure un défaut de retenues, étant relevé qu’il se dégage du bulletin de compléments de retenue que le bureau d’imposition a procédé par la méthode de la taxation d’office prévue au § 217 AO pour fixer les retenues complémentaires d’impôt sur les traitements et salaires de toutes les années en cause. Or, conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible »2, ce procédé comportant ainsi, nécessairement et par définition, une marge d’incertitude et d’inexactitude, tandis que la prise en compte par l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération. Il est ainsi vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité. Cependant, le § 217 AO permet au bureau d’imposition de recourir à une estimation des bases d’imposition notamment dans l’hypothèse où il a dû constater le caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité lui présentée par le contribuable3.

Au vu des considérations qui précèdent, la créance du Trésor en relation avec les années d’imposition 2012 à 2015 n’était pas éteinte par voie de prescription au moment de l’émission, en date du 27 janvier 2022, du bulletin d’appel en garantie et le moyen afférent est à rejeter.

Concernant la mise en œuvre de la responsabilité du demandeur, il convient de relever qu’en vertu des dispositions de l’article 136, alinéa (4) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au § 103 AO qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».

Il s’ensuit que l’administrateur d’une société anonyme est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à cette dernière et notamment de payer sur les fonds qu’il gère 1 Trib. adm., 2 octobre 2019, n° 41665 du rôle, c. sur ce point par Cour adm., 13 février 2020, n° 43707C du rôle, disponibles sous www.jurad.etat.lu.

2 J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales, nos 81 à 85, page 117, n° 190.

3 Cour adm., 15 juin 2023, n° 47813C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

13les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, le § 109 AO dispose dans son alinéa (1) : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».

Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.

Il se dégage encore de ces dispositions que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du § 109, alinéa (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société.

Par ailleurs, le § 7, alinéa (3) StAnpG dispose que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern ». Dès lors, en cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du § 7 StAnpG en vertu duquel ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux4.

En toute hypothèse, il appartient cependant au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix. Le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève en effet pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Il appartient dès lors à l’administration de justifier la décision à ce double égard.

Quant à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation par l’administration, le § 2 StAnpG dispose dans ses alinéas (1) et (2) que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.

(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.

4 Trib. adm., 14 juin 2010, n° 26277 du rôle, c. par Cour adm., 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 571 et les autres références y citées.

14 Le tribunal est encore amené à relever5 que si le § 110 AO, qui dispose que « Das Erlöschen der Vertretungsmacht oder der Vollmacht läβt die Pflichten der Vertreter und Bevollmächtigten unberührt, soweit es sich um die vorangegangene Zeit handelt », impose le maintien intégral de la responsabilité personnelle du dirigeant pour l’ensemble des obligations fiscales de la société échues avant et au cours de la période d’exercice de son mandat, tout en libérant le dirigeant des obligations fiscales de la société pour le futur, la cessation de fonctions du dirigeant ne devient opposable à l’administration qu’à compter de l’accomplissement des formalités légalement prévues6, autrement dit à partir de la publication de la cessation de fonctions7 conformément à l’article 19-3 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises et modifiant certaines autres dispositions légales8.

En l’espèce, il ressort du bulletin d’appel en garantie, ainsi que de la décision directoriale déférée, de même que des explications non contestées du délégué du gouvernement, que le demandeur est appelé en garantie en sa qualité de représentant permanent de la société “B” BVBA, elle-même administrateur unique de la société “A”, au motif que, pour les années 2012 à 2018, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues par la société “A” à titre d’impôt sur les traitements et salaires n’avaient pas été entièrement continuées au Trésor.

Le demandeur ne conteste, à cet égard, pas que la société “B” BVBA avait la qualité d’administrateur unique de la société “A”, à partir du 15 mars 2011, ni que lui-même assumait la fonction de représentant permanent de la société “B” BVBA au sens de l’article 441-39 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après désignée par la « loi du 10 août 1915 », de sorte à avoir été tenu d’exécuter le mandat d’administrateur de la société “B” BVBA et de s’être trouvé soumis aux mêmes conditions et d’avoir encouru la même responsabilité que s’il avait exercé le mandat d’administrateur en son nom propre10.

Le tribunal relève encore que le demandeur ne conteste pas qu’en tant que représentant permanent de la société “B” BVBA, il a été, à partir du 15 mars 2011, de jure et de facto en charge de l’administration de la société “A” et que, conformément à l’article 441-9 de la loi du 10 août 1915, il a été le représentant légal de ladite société à l’égard des tiers.

Il doit dès lors être admis qu’en tant que représentant personne physique de la société “B” BVBA, elle-même administrateur unique de la société “A”, le demandeur était, à partir du 15 mars 2011, un représentant au sens du § 103 AO de la société “A” et, à ce titre, 5 Trib. adm., 6 février 2023, n° 46407, disponible sous www.justice.public.lu.

6 En ce sens : Trib. adm., 28 septembre 2015, n° 35426 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 566 (2e volet).

7 En ce sens : S. Schroeder, L’appel en garantie des dirigeants de société en matière d’impôts directs, 1ère Edition, Legitech, 2020, p. 107 ; Trib. adm., 26 juin 2019, n° 41518 du rôle, disponible sous www.justice.public.lu.

8 « Les actes ou extraits d’actes ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour de leur publication au Recueil électronique des sociétés et associations, sauf si la société prouve que ces tiers en avaient antérieurement connaissance. […] ».

9 Article 441-3 de la loi du 10 août 1915 : « Lorsqu’une personne morale est nommée administrateur, membre du comité de direction, ou directeur général, celle-ci est tenue de désigner un représentant permanent chargé de l’exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale. Ce représentant est soumis aux mêmes conditions et encourt la même responsabilité civile que s’il exerçait cette mission en nom et pour compte propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’il représente. Celle-ci ne peut révoquer son représentant qu’en désignant simultanément son successeur. […] ».

10 Cour adm., 9 janvier 2018, n° 40144C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

15personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à ladite société, y compris celle de veiller à ce que le Trésor perçoive l’intégralité des retenues sur traitements et salaires redues par ladite société.

Si le demandeur affirme que la société “B” BVBA n’aurait plus été administrateur unique de la société “A” à partir du 6 juin 2017 et qu’a fortiori il n’aurait lui-même plus été habilité à engager ladite société à partir de cette même date, de sorte qu’il ne saurait être tenu pour responsable du défaut de paiement des retenues sur traitements et salaires en relation avec la période allant du 6 juin 2017 au 31 décembre 2018, le tribunal relève qu’il résulte des développements de part et d’autre, de même que des pièces versées en cause, que la société “A” a été constituée en 2010 et qu’avec effet au 15 mars 2011, la société “B” BVBA « représentée par son gérant Monsieur … », a été nommée administrateur unique de la société en question et ce pour une durée de six ans « jusqu’à l’assemblée générale qui se tiendra en 2017 ».

S’il est dès lors vrai que suivant la résolution afférente de l’assemblée générale extraordinaire du 15 mars 2011, le mandat d’administrateur unique de la société “B” BVBA devait prendre fin au bout d’une période de six ans, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas contesté en cause qu’aucune assemblée générale en vue de la nomination d’un nouvel administrateur ne s’est tenue à l’issue de cette même période, le demandeur admettant, en effet, qu’en principe, suivant les statuts de la société “A”, le mandat d’administrateur unique de la société “B” BVBA aurait dû être renouvelé au cours d’une assemblée générale qui aurait dû se tenir le premier mardi du mois de juin de l’année 2017, ce qui n’a toutefois pas été le cas.

Si le mandat d’administrateur unique de la société “B” BVBA n’a dès lors pas été explicitement reconduit à la date initialement prévue, le tribunal ne saurait toutefois suivre les développements du demandeur selon lesquels la société “B” BVBA et a fortiori lui-même en tant que représentant permanent de celle-ci n’auraient plus représenté la société “A” à partir du 6 juin 2017 et que la responsabilité de la société “B” BVBA, en tant qu’administrateur unique, respectivement celle du demandeur, en tant que représentant permanent de celle-ci, ne pouvait plus être engagée à partir de cette date.

En effet, il convient de relever qu’un administrateur sortant, que ce soit par expiration de la durée de son mandat ou par démission, continue provisoirement à s’occuper de la gestion de la société jusqu’à la prochaine assemblée nommant son remplaçant, les administrateurs étant, par ailleurs, rééligibles. Cette compétence s’étend également aux pouvoirs de représentation de la société vis-à-vis des tiers, les nécessités d’un bon fonctionnement et de la continuité d’une société commandant cette solution dérogatoire au droit commun11.

Le tribunal en déduit qu’à défaut de démission formelle et dans la mesure où il n’avait pas été pourvu à son remplacement, la société “B” BVBA avait gardé la qualité de représentant légal de la société “A” jusqu’au jour du jugement déclaratif de faillite du 8 janvier 2021, nonobstant l’arrivée à terme de son mandat d’administrateur unique au cours du mois de juin 2017. Comme il n’est pas contesté que pendant cette même période le demandeur avait la qualité de représentant permanent de la société “B” BVBA, il doit être considéré comme ayant continué à avoir été tenu d’exécuter le mandat d’administrateur unique de la société “B” BVBA jusqu’au 8 janvier 2021.

11 A. Steichen, Précis de droit des sociétés, 2017, page 627.

16C’est dès lors à tort que le demandeur estime ne pas pouvoir être appelé en garantie pour le paiement des retenues d’impôt sur les salaires et traitements se rapportant à la période allant du 6 juin 2017 au 31 décembre 2018.

Quant à l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur qu’aucune inexécution fautive ne pourrait lui être reprochée, le tribunal est amené à relever qu’il est admis que les administrateurs sont nommés parce que l’on attend d’eux la compétence nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions, de sorte qu’actifs et non-actifs répondent de leurs actes de la même façon. Le fait de ne pas exercer ses fonctions dans la société étant en soi une faute de gestion12. En effet, la faute n’implique pas de la part de l’administrateur un agissement actif. La responsabilité de l’administrateur peut être engagée par son attitude passive, sa négligence ou son incurie13 ; aussi, le comportement d’un administrateur, consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable doit être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant normalement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes.

Sur base de ces principes et eu égard à la fixation de compléments de retenues à travers le bulletin émis le 15 juillet 2020, il y a lieu de retenir que le demandeur, en sa qualité de représentant permanent de la société “B” BVBA, administrateur unique de la société “A”, doit être considéré comme ayant omis de veiller à ce que soient continuées entièrement au Trésor les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues par la société “A” à titre d’impôt sur les traitements et salaires portant sur les années 2012 à 2018. Ce faisant, il a adopté un comportement fautif : en effet, le paiement de salaires sans retenue d’impôt ou sans continuation des montants à retenir à l’administration des Contributions directes est à qualifier de comportement fautif per se en ce que le débiteur du revenu a de ce fait nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins. Or, celui qui opère des retenues ne peut ignorer que la loi qui l’oblige à effectuer les retenues l’oblige également à transférer ces fonds au receveur.

Autrement dit, en n’ayant pas veillé à ce que soient continuées au Trésor l’intégralité des montants qui ont été retenus ou qui auraient dû être retenus par la société “A” à titre d’impôt sur les traitements et salaires, le demandeur a toléré que la partie non payée des retenues d’impôt a reçu une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû, impôt qui est dû pour compte des salariés de la société, de manière que l’inexécution fautive dans son chef réside dans le fait de ne pas avoir veillé à ce que soit donnée à ces montants la seule affectation légalement admissible et de les avoir utilisés à d’autres fins14.

C’est, à cet égard, en vain que le demandeur tente de s’exonérer de sa responsabilité en avançant que, pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015, il aurait confié la gestion des salaires à une société spécialisée.

En effet, l’exécution des tâches de calcul des rémunérations des salariés et des retenues fiscales et sociales par une fiduciaire doit s’analyser comme une délégation de l’exécution d’une obligation légale qui n’est en principe pas de nature à annihiler la responsabilité personnelle du représentant de la société qui est, en cette qualité, tenu de surveiller et de vérifier 12 C. Duro et al. La société en poche Luxembourg 2016-2017, Wolters Kluwer, 2016, p. 119.

13 Ibidem, note n° 214.

14 Cour adm., 27 juillet 2016, n° 37634C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 578 et les autres références y citées.

17le travail de la fiduciaire. Le représentant de la société continue dès lors à être responsable de l’accomplissement des obligations fiscales envers l’administration fiscale au vu de la fonction qu’il occupe dans la société15.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation péremptoire et non autrement sous-tendue du demandeur suivant laquelle aucune faute ne pourrait, en l’espèce, lui être imputée si « l’émission des bulletins complémentaires […] résulte d’une erreur technique uniquement décelable par une personne spécialisée en la matière ».

Pour ce qui est de la période postérieure au 30 juin 2015, le tribunal se doit de relever que le demandeur s’est contenté à la suite de la cessation de son activité salariée pour compte de la société “A” en date du 30 juin 2015, donc à un moment où il était toujours le représentant permanent de l’administrateur unique de la société “A”, de confier « la mise à jour des obligations » de ladite société, ainsi que sa liquidation à une société de domiciliation, sans s’assurer par la suite que cette société de domiciliation mène cette mission à bon terme, notamment en donnant suite à l’invitation de l’administration des Contributions directes des 28 octobre 2019 et 30 avril 2020 de déposer entre autres les livres de salaire de la société “A”, respectivement à la sommation astreinte envoyée le 8 juin 2020 et à la décision de liquidation de l’astreinte envoyée le 9 juillet 2020. Ce faisant il a fait preuve d’un désintérêt manifeste pour la gestion de la société “A”, ce manque d’intérêt ayant encore été conforté par le comportement adopté par le demandeur à la suite de l’expiration du mandat d’administrateur unique de la société “B” BVBA, puisqu’il n’a pas non plus jugé utile, en sa qualité de représentant permanent de l’administrateur unique de la société “A”, de continuer à s’occuper de la gestion de ladite société du moins provisoirement jusqu’à la prochaine assemblée générale nommant un nouvel administrateur.

L’ensemble des considérations qui précèdent, ainsi que les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, amènent le tribunal à retenir, eu égard aux exigences posées par le § 109 AO, que le comportement fautif du demandeur se trouve vérifié en l’espèce en ce qui concerne les années 2012 à 2018 litigieuses.

C’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a retenu une faute caractérisée à sa charge en relation avec la non-perception des retenues litigieuses visant ces mêmes années, de sorte qu’en avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières de nature à fonder sa décision en raison et en équité, le demandeur étant resté en défaut de renverser utilement les conclusions du directeur à cet égard, et plus particulièrement les faits relevés par le directeur pour conclure au caractère fautif de son comportement en tant que représentant légal de la société “A”.

Le moyen du demandeur tendant à voir écarter l’existence dans son chef d’une inexécution fautive au sens du § 109 AO encourt dès lors le rejet.

En ce qui concerne, enfin, les contestations du demandeur quant au bien-fondé de l’imposition à la base du bulletin d’appel en garantie, le demandeur affirmant à cet égard que des compléments de retenue sur salaires ne seraient pas dus au motif (i) que les salaires pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 auraient été établis par une société spécialisée en la matière et que, de ce fait, les impôts sur les traitements et salaires auraient été 15 Trib. adm., 22 mars 2019, n° 40860 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

18déclarés, retenus et versés au Trésor en temps utile, (ii) qu’il aurait été le seul salarié de la société “A” et que son contrat de travail aurait pris fin au 30 juin 2015 et (iii) que la société “A” n’aurait plus eu d’activité à partir de 2015, force est de constater qu’à travers ces contestations, le demandeur entend remettre en question la validité des compléments de retenues d’impôt fixés à travers le bulletin complémentaire du 15 juillet 2020 qui se trouve à la base du bulletin d’appel en garantie litigieux.

Il convient, à cet égard, de relever que la mise en œuvre de la garantie d’un représentant d’une société nécessite l’existence d’un dommage pour l’Etat consistant dans l’insuffisance de l’impôt effectivement perçu par rapport à celui légalement dû conformément aux bulletins d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, à travers soit des défauts de paiements de cotes d’impôts dues ou des diminutions indues des cotes d’impôts fixées, soit par le biais de l’obtention de restitutions ou de crédits d’impôts indus (« […] Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind … »).

Ce sont partant les bulletins ayant fixé des cotes d’impôt qui constituent, à côté des paiements accomplis ou non par le débiteur principal, le facteur à la base du montant d’impôts pouvant donner lieu à un appel en garantie à l’égard d’un représentant du débiteur principal.

Les bases d’imposition telles que retenues dans les bulletins d’impôt en tant que fondement des cotes d’impôt ne sauraient partant plus être remises en cause par le garant que pour autant qu’il est encore en mesure, conformément au § 119 AO, de contester, au-delà des conditions de son appel en garantie, également la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard16.

La portée du recours introduit par une personne appelée en garantie d’impôts redus par un autre débiteur principal et partant l’étendue des moyens qu’il peut soulever contre le bulletin d’appel en garantie émis à son égard se trouvent régies par le § 119 AO qui dispose ce qui suit :

« (1) Wer neben dem Steuerpflichtigen oder an dessen Stelle persönlich auf Zahlung einer Steuer in Anspruch genommen wird (§ 97 Absatz 2), kann gegen seine Heranziehung die Rechtsmittel geltend machen, die dem Steuerpflichtigen zustehen. Die Frist zur Einlegung des Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem Ihm der Beschluss über seine Heranziehung zugestellt oder, wenn keine Zustellung vorgeschrieben ist, bekannt gemacht worden ist.

(2) Ist die Steuerschuld dem Steuerpflichtigen gegenüber unanfechtbar festgestellt, so hat dies gegen sich gelten zu lassen, wer als Rechtsnachfolger des Steuerpflichtigen haftet oder wer in der Lage gewesen wäre, den gegen den Steuerpflichtigen erlassenen Bescheid als dessen Vertreter, Bevollmächtigter oder kraft eigenen Rechts anzufechten ».

S’il est vrai que le § 119 AO pose le principe que le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt, force est de constater que ledit § 119 AO excepte l’hypothèse où le bulletin émis à l’égard du débiteur principal a acquis autorité de chose décidée et où le tiers appelé en garantie a eu la possibilité de réclamer contre ce bulletin en tant que représentant légal du contribuable principal, cas dans lequel ce bulletin est définitif également à l’égard de la personne appelée en garantie17. Tel est 16 Cour adm., 10 mars 2015, n° 35065C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°561 et les autres références y citées.

17 Cour adm., 4 février 2016, nos 36489C et 36490C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 562 et les autres références y citées.

19justement le cas en l’espèce, dans la mesure où, tel que cela a été retenu ci-avant, le demandeur doit être considéré comme ayant eu, au moment de l’émission du bulletin de fixation complémentaire, la qualité de représentant légal de la société “A”. Or, en tant que représentant légal de la société “A”, il aurait eu la possibilité d’introduire une réclamation contre le bulletin de fixation complémentaire. A défaut de l’avoir fait et à défaut de toute contestation circonstanciée sur la validité de la notification du bulletin de fixation complémentaire, celui-ci a acquis autorité de chose décidée, de sorte que le demandeur ne saurait actuellement plus remettre en question le bien-fondé de l’impôt à la base de l’appel en garantie. Dès lors, le moyen afférent est à rejeter, sans qu’il y ait lieu d’examiner le bien-fondé des explications fournies par le demandeur quant à l’impôt ayant fait l’objet du bulletin de fixation complémentaire et qui est à la base de l’appel en garantie.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres contestations que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 23 mai 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47363
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-23;47363 ?

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