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13/05/2024 | LUXEMBOURG | N°50434

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2024, 50434


Tribunal administratif N° 50434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50434 2e chambre Inscrit le 6 mai 2024 Audience publique du 13 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50434 du rôle et déposée le 6 mai 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra Belesgaa, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,

né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre ...

Tribunal administratif N° 50434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50434 2e chambre Inscrit le 6 mai 2024 Audience publique du 13 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50434 du rôle et déposée le 6 mai 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra Belesgaa, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 29 avril 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zohra Belesgaa et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », portant le numéro … daté du 24 janvier 2023, émanant du Commissariat de police Région …, …, que Monsieur … fit, en date du même jour, l’objet d’un contrôle par les agents de police lors duquel il n’était pas en possession de documents d’identité ou de voyage valides.

Suite à une interpellation lors d’un contrôle « de squat » par des agents de la police grand-ducale, Unité de garde et d’appui opérationnel - Service de garde et de protection (UGAO-GP), en date du 2 avril 2024, Monsieur … ne put présenter aucune pièce d’identité valable. Une vérification dans la base de données « Système d’information Schengen » révéla à la même occasion que Monsieur … faisait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français depuis le 15 septembre 2021.

Il ressort d’une recherche effectuée le même jour dans la base de données du Centre de coopération policière et douanière, désigné ci-après par le « CCPD », que Monsieur … est connu des autorités allemandes en raison d’un séjour irrégulier et des autorités françaises pour des faits de violence et pour s’être soustrait à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière.

1Par arrêté ministériel du 2 avril 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son encontre.

Par arrêté ministériel séparé du même jour, notifié à l’intéressé toujours le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 02 avril 2024 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 02 avril 2024, lui notifiée le même jour, assortie d'une interdiction d'entrée de 5 ans;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Une recherche effectuée le lendemain dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) No 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, révéla que Monsieur … avait introduit, en date du 10 juillet 2017, une demande de protection internationale en Italie.

Par arrêté ministériel du 29 avril 2024, notifié à l’intéressé le 2 mai 2024, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois avec effet à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 2 avril 2024, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 2 avril 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

2Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 29 avril 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche un défaut de motivation à la décision déférée, en ce que le placement en rétention ne devrait constituer qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire mais devrait être motivé à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH », permettrait un placement au Centre de rétention, le demandeur estime qu’il n’en resterait pas moins que cette mesure, en ce qu’il s’agirait d’une « détention », devrait toutefois rester exceptionnelle, tout en insistant sur le fait qu’un placement en rétention s’analyserait en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement qui ne se justifierait pas en l’espèce. Il considère qu’eu égard à sa situation, il y aurait eu lieu de recourir à une alternative à son placement au Centre de rétention, en ordonnant une mesure moins coercitive au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, tel un placement dans un centre d’hébergement désigné par le ministre, par exemple la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, désignée ci-après par « la SHUK », s’accompagnant, pour plus de garantie, d’une mesure de surveillance électronique.

Le demandeur fait ensuite valoir qu’il entretiendrait depuis au moins une année une relation familiale et amoureuse, stable et officiellement reconnue avec la dénommée ….

Le demandeur s’appuie, à cet égard, sur diverses attestations testimoniales versées en cause, émanant notamment de Madame …, du service « … » de la …, des associations « … », « … », « … » et « … ». Il explique que dans le cadre d’un bénévolat au sein de l’association « … », il œuvrerait en tant que coiffeur et que malgré le fait pour Madame … d’avoir été engagée sous contrat de travail à durée déterminée du 28 août 2023 au 31 mars 2024 et sous contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er avril 2024 et de disposer d’un salaire, elle n’arriverait pas à trouver un logement, de sorte à ne pas pouvoir entamer les démarches en vue de l’officialisation administrative de leur situation.

Monsieur … donne encore à considérer que son placement en rétention serait constitutif d’une ingérence disproportionnée dans sa vie privée et familiale, sinon contraire à l’article 8 de la CEDH, en ce qu’une autorité publique ne saurait s’ingérer dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale.

3Il conteste finalement tout risque de fuite dans son chef, tout en avançant ne pas être connu au Luxembourg du chef d’une quelconque infraction, de sorte à ne pas constituer de menace pour l’ordre public.

Il conclut qu’étant donné que son maintien en rétention serait disproportionné, la décision déférée devrait encourir la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal rappelle, tout d’abord, qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision. Le ministre n’avait, dès lors, pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. […] ».

4L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant d’abord des contestations de Monsieur … quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur a fait l’objet, en date du 2 avril 2024, d’une décision de retour - qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse - de sorte à se trouver en situation de séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois. Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait par conséquent appartenu au demandeur de soumettre des éléments permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire. Au contraire, force est de constater qu’il ressort de la base de données du CCPD que le demandeur s’est soustrait à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière opérée par les autorités françaises, fait qui est, au 5contraire, de nature à renforcer le risque de fuite tel que retenu ci-avant, lequel se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Les contestations quant à l’existence d’un risque de fuite sont partant rejetées.

Au vu des considérations qui précèdent, le ministre pouvait, dès lors, a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne ensuite le reproche suivant lequel ce serait à tort que le ministre n’a pas appliqué au demandeur des mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, il y a lieu de relever que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées 6par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, la seule invocation d’une relation qu’il entretiendrait prétendument depuis au moins un an avec la dénommée … n’est, en effet, pas suffisante à cet égard, puisque le demandeur admet lui-même que celle-ci ne dispose d’aucun logement dans lequel elle pourrait l’héberger. Le demandeur n’a, dès lors, présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement à celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé qu’un centre d’hébergement tel la SHUK ne saurait être considéré comme domicile stable ni comme fournissant à lui seul une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’est pas concevable. Le tribunal constate également que le demandeur ne dispose pas d’un passeport ou de tout autre document justificatif de son identité et qu’il n’a pas proposé le dépôt d’une garantie financière, de sorte à ne pas non plus pouvoir bénéficier des mesures listées à l’article 125, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 29 août 2008.

Au vu des considérations qui précèdent, l’application de mesures moins coercitives prévues par ledit article 125 de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, n’est pas envisageable en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur, de même que le reproche tenant au caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement litigieuse, sont à rejeter.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, aux termes duquel : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort ainsi du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

7dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où (i) le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour et d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans le 2 avril 2024, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où (ii) une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH, de sorte que les reproches afférents sont également à rejeter.

En ce qui concerne finalement le moyen du demandeur suivant lequel, eu égard à la relation stable et régulière qu’il entretiendrait prétendument avec la dénommée …, la mesure actuellement sous examen violerait l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, il convient de rappeler que l’objet de la décision déférée est limité à une mesure tendant à assurer la présence physique de la personne concernée sur le territoire luxembourgeois en vue de l’exécution matérielle d’une mesure d’éloignement, à savoir l’arrêté ministériel du 2 avril 2024 constatant le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire national, lui ordonnant de quitter ledit territoire sans délai et prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans dans son chef, qui ne fait pas l’objet du présent recours.

Par voie de conséquence, ledit moyen basé sur une violation de l’article 8 de la CEDH ne saurait être utilement invoqué dans le cadre d’un recours visant exclusivement la décision de placement de l’intéressé, de sorte qu’il est rejeté.

Enfin, et pour être tout à fait complet, le tribunal relève qu’il se dégage du dossier administratif, ainsi que des explications du délégué du gouvernement, que les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités tunisiennes le 5 avril 2024 en vue de l’obtention d’un laissez-passer dans le chef du demandeur et de l’identification de celui-ci, demande à laquelle étaient joints un jeu d’empreintes digitales, deux photos d’identité et une copie de son passeport et qu’un rappel leur a été adressé le 26 avril 2024. Eu égard à ces démarches, qui ne sont pas autrement énervées, le tribunal retient qu’à ce stade, la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours et poursuivie avec la diligence nécessaire au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce que compris les moyens à soulever d’office, la légalité et le bien-fondé de la décision déférée ne portent pas à critique.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 et les autres références y citées.

8 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 13 mai 2024 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 50434
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-13;50434 ?

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