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06/05/2024 | LUXEMBOURG | N°48498

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2024, 48498


Tribunal administratif N° 48498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48498 2e chambre Inscrit le 7 février 2023 Audience publique du 6 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Classes moyennes en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48498 du rôle et déposée le 7 février 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kohnen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, t

endant, aux termes de son dispositif, à l’annulation d’une décision du ministre des Classes...

Tribunal administratif N° 48498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48498 2e chambre Inscrit le 7 février 2023 Audience publique du 6 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Classes moyennes en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48498 du rôle et déposée le 7 février 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kohnen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes du 13 décembre prise en matière d’autorisation d’établissement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Kohnen en sa plaidoirie à l’audience publique du 19 février 2024.

Il est constant en cause que la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », s’est vu délivrer, en date du 6 février 2008, une autorisation d’établissement au Luxembourg sous réserve que ladite société était dirigée de manière effective par Monsieur ….

En date du 17 octobre 2022, la société “A” introduisit, auprès du ministère de l’Economie, via un formulaire afférent, une demande de modification d’une autorisation d’établissement existante portant le numéro … dans le sens de l’ajout de l’activité « Agent Immobilier » au nom de Madame ….

Par décision du 13 décembre 2022, le ministre des Classes moyennes, ci-après désigné par « le ministre », arrêta ce qui suit :

« […] Vu l’autorisation délivrée en date du 6 février 2008 sous le no … à la société “A” S.A.R.L., l’habilitant à s’établir au Grand-duché de Luxembourg ;

Vu la loi modifiée d’établissement du 2 septembre 2011;

Considérant que l’intéressé(e) a déclaré vouloir renoncer à l’autorisation susmentionnée […] Art 1er. - L’autorisation susmentionnée est annulée.

1 Art 2. - Le présent arrêté sera transmis à l’intéressé(e)pour lui servir de titre.

Copie de la présente sera adressée aux instances suivantes :

Ministère de la Justice, Administration des Contributions Directes, Inspection du Travail et des Mines […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 13 décembre 2022.

En vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », « Si la partie défenderesse ou un tiers intéressé ne comparaît pas dans le délai prévu à l’article 5 [de la même loi], le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties ». Il s’ensuit que malgré le fait que l’Etat, en tant que partie défenderesse dans la présente instance, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse, ce jugement sera néanmoins rendu également à l’égard de l’Etat.

Bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, du fait par l’Etat de ne pas avoir déposé de mémoire en réponse, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les mérites des différents moyens soulevés, cet examen comportant, entre autres, le cas échéant, un contrôle de l’applicabilité de la disposition légale invoquée par le demandeur aux données factuelles apparentes de l’espèce, c’est-à-dire que le tribunal doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable1.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par « la loi du 2 septembre 2011 », ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision ministérielle déférée, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation lui soumis, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, tout en rappelant les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, le demandeur avance que la décision litigieuse aurait été prise dans le cadre d’une demande d’ajout d’autorisation d’établissement pour un gérant supplémentaire de la société “A”, à savoir Madame …, sans que n’ait pour autant été formulé une renonciation à l’autorisation d’établissement délivrée à son nom en date du 6 février 2008. Le ministre aurait, dès lors, retiré par erreur, voire intempestivement l’autorisation d’établissement émise en son nom alors qu’il n’y aurait jamais existé de demande en ce sens. Il ajoute que le recours sous analyse ne serait pas dirigé contre la décision d’émission d’une autorisation d’établissement dans le chef de Madame …, qui constituerait une décision distincte et séparée dans le chef d’une 1 Trib. adm., 2 mai 2002, n° 13912 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1003 et les autres références y citées.

2autre administrée, mais qu’il serait uniquement dirigé contre l’arrêté pris à son égard en date du 13 décembre 2022 et qui lui causerait préjudice.

En droit, le demandeur estime, en premier lieu, que la décision litigieuse serait manifestement illégale pour être entachée d’un excès de pouvoir en ce qu’elle serait sans aucun rapport avec la demande d’ajout d’autorisation qui aurait été faite dans le chef de Madame … via le formulaire précité du 17 octobre 2022, demande qui aurait, par ailleurs, été traitée favorablement. Or, parallèlement, sans qu’une demande en ce sens n’ait été effectuée, l’autorisation d’établissement délivrée en son propre nom pour compte de la société “A” et qui aurait été en vigueur depuis le 6 février 2008, aurait été annulée en raison d’une prétendue renonciation de sa part qui n’aurait cependant jamais existé.

Le demandeur invoque ensuite un défaut de motivation de la décision litigieuse, voire une indication erronée des motifs y contenus, alors que ladite décision ferait état d’une renonciation à son autorisation d’établissement sans que cela n’ait été le cas.

Finalement, Monsieur … invoque une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’en vertu de cet article, il aurait appartenu au ministre, entendant annuler son autorisation d’établissement pour un quelconque motif, de requérir ses observations, ce qu’il serait cependant resté en défaut de faire.

L’Etat n’a pas pris position dans le cadre du présent litige du fait de ne pas avoir déposé de mémoire en réponse endéans les délais légaux.

Il échet tout d’abord de donner acte au demandeur de sa renonciation à sa demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure en vertu de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, telle qu’exprimée à l’audience publique des plaidoiries.

Le tribunal relève ensuite que, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés2.

Il convient encore de préciser que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens tels que présentés par le demandeur mais qu’il détient le pouvoir de les toiser suivant une bonne administration de la justice et la logique juridique s’en dégageant.

En l’espèce, force est de constater que le recours du demandeur est dirigé contre la décision du ministre du 13 décembre 2022, par laquelle celui-ci a annulé l’autorisation d’établissement délivrée en date du 6 février 2008 en son nom pour le compte de la société “A” au motif que « l’intéressé(e) a déclaré vouloir renoncer à l’autorisation » en cours.

Face aux contestations non énervées du demandeur qui affirme ne jamais avoir formulé une quelconque renonciation à l’autorisation d’établissement délivrée en son nom le 6 février 2 Cour adm., 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.

32008, affirmation qui se trouve corroborée par le dossier administratif qui ne contient aucune déclaration de renonciation à ladite autorisation, il y a lieu d’admettre que la décision du 13 décembre 2022 a été prise par l’autorité ministérielle sur base d’une prémisse factuelle erronée.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que le ministre n’a pas pu valablement annuler l’autorisation d’établissement de Monsieur … au motif que celui-ci aurait présenté une demande en ce sens, de sorte que la décision litigieuse encourt l’annulation sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant sur les autres moyens invoqués.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision ministérielle du 13 décembre 2022 ;

donne acte au demandeur qu’il renonce à sa demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 6 mai 2024 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48498
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-06;48498 ?

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