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29/03/2024 | LUXEMBOURG | N°47881

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2024, 47881


Tribunal administratif N°47881 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47881 5e chambre Inscrit le 30 août 2022 Audience publique du 29 mars 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47881 du rôle et déposée le 30 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant ...

Tribunal administratif N°47881 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47881 5e chambre Inscrit le 30 août 2022 Audience publique du 29 mars 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47881 du rôle et déposée le 30 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 14 juin 2022 portant retrait de quatre points du capital dont est doté son permis de conduire et constatant que le solde de points restant est réduit à huit ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Céline SCHMITZ, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le Délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 février 2024.

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Par courrier daté du 14 juin 2022, le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-

après « le ministre », constata, d’une part, le retrait de quatre points du capital de points du permis de conduire de Madame … et, d’autre part, que le capital de points dudit permis de conduire était réduit à huit.

Cette décision est libellée comme suit : « […] Conformément aux dispositions légales régissant le permis à points, je tiens à vous informer que 4 points ont été retirés du capital dont est doté votre permis de conduire pour les infractions suivantes au Code de la Route :

Libellé de l’infraction :

Transport d'une personne mineure dans un véhicule routier automoteur, autre qu'un véhicule des catégories M2 et M3, sans utiliser la ceinture de sécurité de façon réglementaire Nombre de points déduits : 2 Date du fait : 23 mai 2022 … :… Lieu du fait : …- … Date du paiement : 8 juin 2022 1 Libellé de l’infraction :

Transport d'une personne mineure dans un véhicule routier automoteur, autre qu'un véhicule des catégories M2 et M3, sans utiliser la ceinture de sécurité de façon réglementaire Nombre de points déduits : 2 Date du fait : 23 mai 2022 … :… Lieu du fait : … Date du paiement : 8 juin 2022 Nombre de points restants : 8 […] La présente est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d'avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2022, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 14 juin 2022.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 », ni aucune autre disposition légale ne prévoient de recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

La partie étatique se rapporte à prudence de justice concernant la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions2.

Dès lors, et dans la mesure où la partie étatique est restée en défaut d’expliquer en quoi le présent recours, en ce qu’il vise la décision ministérielle du 14 juin 2022, serait irrecevable quant à la forme et quant au délai, ses contestations afférentes encourent le rejet.

1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 (1er volet) et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 (2e volet) et les autres références y citées.

2En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, le présent recours, en ce qu’il vise la décision ministérielle, précitée, du 14 juin 2022, est à déclarer recevable.

Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse expose les faits et rétroactes ayant abouti à la décision déférée, tout en insistant sur le fait qu’elle aurait été contrainte de transporter cinq enfants dans sa voiture et qu’elle n’aurait pris la route que pour une courte distance.

En droit, la partie demanderesse soulève une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre quant aux circonstances de faits. Elle insiste sur le caractère disproportionné de la décision eu égard aux faits. A cet égard, elle se réfère à une décision de la Cour administrative du 9 novembre 2009, inscrite sous le numéro 26886C du rôle, dans le cadre de laquelle les juges auraient retenu que « […] Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. […] ».

La partie étatique conclut au rejet du recours pour être non fondé.

Appréciation du tribunal L’article 2bis de la loi du 14 février 1955, dans sa version applicable au moment de la prise de décision, prévoit dans son paragraphe 2 que :

« Les infractions énumérées ci-après donnent lieu aux réductions de points indiquées :

[…] 24) […] le fait, pour le conducteur d’un véhicule automoteur de 2 points transporter un mineur qui, selon le cas, ne porte pas la ceinture de sécurité de façon réglementaire ou n’est pas placé de façon réglementaire dans un dispositif de retenue homologué […] Pour autant qu’une des infractions mentionnées ci-avant ait été commise sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, […] tout avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté, entraîne une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. Cette réduction intervient de plein droit.

En cas de concours idéal d’infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée. En cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues.

[…] La réduction de points suite à un avertissement taxé a lieu au moment du paiement de 3la taxe. […] Lorsque la réalité d’une infraction entraînant une perte de points est établie dans les conditions qui précèdent, le ministre fait procéder à une réduction conséquente du nombre de points dont le permis de conduire de l’auteur de l’infraction se trouve en ce moment affecté.

[…] ».

Il résulte, tout d’abord, de la disposition légale précitée que la réduction de points dont est doté le permis de conduire de l’auteur d’une des infractions énumérées à l’article 2bis, paragraphe 2 de la loi du 14 février 1955 intervient de plein droit, à partir du moment où la commission de l’infraction en question a été constatée sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg par un avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté3.

Il s’ensuit que le ministre ne fait que procéder à la réduction du nombre de points du permis de conduire du contrevenant conformément audit article de la loi du 14 février 1955, de sorte qu’il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière4.

Il y a, par ailleurs, lieu de préciser que si le tribunal administratif, saisi d’un recours en annulation, a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision déférée, c’est-à-dire l’existence d’un avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté, et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision déférée, il n’est en revanche pas autorisé à contrôler les considérations d’opportunité se trouvant à la base de l’acte attaqué, respectivement les faits matériels à la base de l’avertissement taxé, ainsi que le défaut de proportionnalité de l’acte attaqué, le nombre de points retenu découlant directement de la loi, de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal5.

En l’espèce, en ce qui concerne les faits matériels à la base de la décision attaquée du 14 juin 2022, force est au tribunal de constater qu’il résulte de ladite décision que Madame … a été verbalisée le 23 mai 2022 à 13:55 pour avoir commis deux infractions au « Code de la route » dans la … à …, soit sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, et, plus précisément, pour les faits de « Transport d’une personne mineure dans un véhicule routier automoteur, autre qu’un véhicule des catégories M2 et M3, sans utiliser la ceinture de sécurité de façon réglementaire », soient des faits réprimés à l’article 2bis, paragraphe 2, point 24) de la loi du 14 février 1955, et que Madame … s’est acquittée de l’avertissement taxé en relation avec les faits reprochés le 8 juin 2022.

Il découle, par conséquent, de l’article 2bis, paragraphe 2, point 24) de la loi du 14 février 1955 que la réduction de points dont est doté le permis de conduire de … est intervenue de plein droit, et ce au moment du paiement de la taxe, soit le 8 juin 2022.

Aussi, c’est à bon droit que le ministre a fait procéder à la réduction du nombre de point du permis de conduire de Madame …. En effet, les conditions d’application de l’article 2bis, paragraphe 2 de la loi du 14 février 1955 étaient réunies. Le ministre ne disposait, alors, pas de pouvoir d’appréciation en la matière.

3 Trib. adm., 12 février 2007, n° 21678 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Transports, n° 83 (1er volet).

4 Ibidem.

5 Trib. adm., 12 février 2007 nos 21859 et 21966 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Transports, n° 81 et les autres références y citées.

4 Il résulte, ensuite, de la disposition légale précitée « […] En cas de concours idéal d’infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée. En cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues. […] ».

Il y a concours matériel ou réel d’infractions quand un individu a commis plusieurs infractions qui sont encore toutes à punir, c’est-à-dire lorsqu’une première infraction n’étant pas encore définitivement jugée, le même individu en commet une ou plusieurs autres6.

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que Madame … a commis deux infractions le 23 mai 2022 à 13:55, à savoir le transport de deux mineurs dans son véhicule pour lesquels il a été constaté qu’ils étaient en défaut d’« utiliser la ceinture de sécurité de façon réglementaire ».

Il en résulte que les deux infractions de « Transport d’une personne mineure dans un véhicule routier automoteur, autre qu’un véhicule des catégories M2 et M3, sans utiliser la ceinture de sécurité de façon réglementaire » se trouvent en concours réel, étant donné que chacune de ces infractions a été commise simultanément par la partie demanderesse, et plus particulièrement à un moment où elle n’avait pas encore été condamnée pour l’autre.

Or, au vu de la disposition précitée de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, la perte de points ne saurait excéder 6 respectivement 8 points en cas de concours réel7, de sorte que la décision ministérielle du 14 juin 2022 qui a constaté une perte de quatre points pour ces infractions se trouvant en concours réel est en tout état de cause conforme aux dispositions de ladite loi et ne dépasse pas le plafond prévu en cas de concours réel.

Partant, le moyen de la partie demanderesse est à écarter comme non fondé.

N’étant justifié en aucun de ses moyens, le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision ministérielle du 14 juin 2022 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens.

6 Trib. adm., 21 novembre 2005, n° 20152 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

7 Trib. adm., 12 février 2007, n° 21678 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Transports, n° 83 (1er volet).

5Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2024 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Benoît Hupperich, juge, Nicolas Griehser Schwerzstein, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47881
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-29;47881 ?

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