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20/03/2024 | LUXEMBOURG | N°46822

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mars 2024, 46822


Tribunal administratif Numéro 46822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46822 1re chambre Inscrit le 22 décembre 2021 Audience publique du 20 mars 2024 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal, en présence de Monsieur B et consort, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46822 du rôle et déposée le 22 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif

par Maître Jessica Pacheco, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avoca...

Tribunal administratif Numéro 46822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46822 1re chambre Inscrit le 22 décembre 2021 Audience publique du 20 mars 2024 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal, en présence de Monsieur B et consort, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46822 du rôle et déposée le 22 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jessica Pacheco, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A et de Madame A, demeurant ensemble à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation d’une autorisation de construire du bourgmestre de la commune de Kopstal, référencée sous le numéro …, délivrée le 8 juillet 2021 à Monsieur B et à Madame B ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Marine Haagen, en remplacement de l’huissier de justice Yves Tapella, demeurant à Luxembourg, du 27 décembre 2021 portant signification de ce recours à 1) l’administration communale de Kopstal, établie à L-8189 Kopstal, 28, rue de Saeul, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions et 2) Monsieur B et Madame B, demeurant ensemble à L-… ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2022, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat de la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 4 mars 2022 au greffe du tribunal administratif, au nom de Monsieur B et de Madame B, préqualifiés ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2022 par la société anonyme Krieger Associates SA, préqualifiée, au nom de Monsieur B et de Madame B, préqualifiés ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2022 par Maître Jessica Pacheco, préqualifiée, au nom de ses mandants, préqualifiés ;

1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mai 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2022 par la société anonyme Krieger Associates SA, au nom de Monsieur B et de Madame B, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jessica Pacheco, Maître Steve Helminger et Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 décembre 2023 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 29 février 2024 informant les parties de la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jessica Pacheco, Maître Steve Helminger et Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mars 2024.

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Le 8 juillet 2021, le bourgmestre de la commune de Kopstal, ci-après désigné par « le bourgmestre », accorda à Monsieur B et à Madame B, ci-après désignés par « les consorts B », l’autorisation, référencée sous le numéro …, « […] pour le rehaussement de [la] toiture arrière (toiture plate) […] » de leur maison d’habitation sise à L-…, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Kopstal, section … de Kopstal, sous le numéro ….

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 août 2021, Monsieur A et Madame A, ci-après désignés par « les consorts A », qui, de manière non contestée, sont les propriétaires et habitants de la maison d’habitation sise à L-…, introduisirent un recours gracieux à l’encontre de ladite autorisation de construire, en soulevant, notamment, un non-

respect des dispositions réglementaires quant à la hauteur des constructions et au recul postérieur à observer.

Par courrier recommandé du 10 août 2021, le bourgmestre s’adressa aux consorts A en les termes suivants :

« […] Par la présente, nous accusons bonne réception de votre recours gracieux du 5 août 2021, entré le 9 août 2021 au secrétariat communal, demandant la révocation de l’autorisation de construire sous rubrique.

Votre argument quant au non-respect du recul arrière semble pertinent et correct, de sorte qu’il avait non-observation de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG de la commune de Kopstal.

La notification de la présente réponse a fait courir un nouveau délai de recours contentieux après la suspension du premier délai de recours contentieux suite à l’introduction 2du recours gracieux, permettant ainsi au bourgmestre de revenir sur sa décision du 8 juillet 2021.

Au vu de ce qui précède, il sera proposé de révoquer l’autorisation de construire numéro … du 8 juillet 2021.

Un courrier dans ce sens sera envoyé au bénéficiaire de l’autorisation de construire litigieuse, tout en respectant les garanties prévues par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. […] ».

Le même jour, le bourgmestre adressa aux consorts B un courrier rédigé comme suit :

« […] En date du 9 août 2021, Monsieur et Madame A ont introduit un recours gracieux demandant la révocation de l’autorisation de construire sous rubrique, pour violation des dispositions de la partie écrite du PAG de la commune de Kopstal.

L’article 2.2.2 de cette partie écrite prévoit effectivement que « le recul des constructions sur la limite postérieure de la parcelle sera égal ou supérieur à une fois et demie la hauteur à la corniche, mais au moins de 8 mètres ».

Cette disposition n’étant pas respectée, il y avait non-observation de l’article précité.

La notification d’une réponse au recours gracieux cité ci-dessus dans la semaine du 9 août 2021 a fait courir un nouveau délai de recours contentieux après la suspension du premier délai de recours contentieux suite à l’introduction du recours gracieux, permettant ainsi au bourgmestre de revenir sur sa décision du 8 juillet 2021.

A vu de ce qui précède, il sera proposé de révoquer l’autorisation de construire numéro … du 8 juillet 2021.

Aux termes de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Il vous est accordé un délai jusqu’au 12 septembre 2021 pour présenter vos observations en ce qui concerne la proposition de révocation de l’autorisation de construire.

Vous avez également le droit d’être entendu en personne lorsque vous en faites la demande endéans le délai imparti. […] ».

Par courrier de leur litismandataire du 7 septembre 2021, les consorts B s’opposèrent à la révocation de l’autorisation de construire litigieuse.

Par courrier recommandé du 23 septembre 2021, le bourgmestre informa les consorts A de sa décision de ne pas retirer la susdite autorisation de construire, ledit courrier étant libellé comme suit :

3 « […] Par la présente, nous nous permettons de faire suite à notre courrier du 10 août 2021 vous informant de notre volonté de retirer l’autorisation sous rubrique et qu’un courrier dans ce sens sera envoyé au bénéficiaire de l’autorisation en question tout en l’invitant de nous faire parvenir ses observations et conclusions.

En date du 7 septembre 2021, le mandataire du bénéficiaire de l’autorisation litigieuse nous a présenté ses observations.

Nous vous rappelons d’abord notre courrier du 21 novembre 2014 concernant le même projet de rénovation que celui visé par l’autorisation sous rubrique. Il y a lieu de constater qu’aucun recours contentieux n’a été introduit par votre part suite au rejet de la réclamation y afférente.

Ensuite, il semble effectivement constant en cause que l’article 2.2.5 du règlement sur les bâtisses ait été appliqué avec une certaine lecture des dérogations possibles endéans les dernières années ; lecture dont vous-même aviez bénéficié lors de la rénovation de votre maison.

Afin d’éviter toute rupture d’égalité de traitement et notamment afin de se conformer au principe général de confiance légitime qui a été consacré tant par la jurisprudence communautaire que par la jurisprudence nationale en tant que principe général du droit, et après avoir analysé aussi bien vos arguments que ceux de l’autre partie, on est arrivé à la conclusion de ne pas retirer l’autorisation de construire n° … du 8 juillet 2021. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2021, les consorts A ont fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, à l’annulation de l’autorisation de construire, précitée, du 8 juillet 2021.

A titre liminaire, s’agissant de la demande en communication du dossier administratif, telle que formulée par les demandeurs, le tribunal relève que par avis du 29 février 2024, il a informé les parties de la rupture du délibéré, afin de permettre à la partie communale de verser, notamment, l’intégralité du dossier administratif.

Etant donné que, par la suite, l’administration communale de Kopstal, ci-après désignée par « l’administration communale », a versé, en date du 6 mars 2024, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif et qu’à l’audience publique des plaidoiries du 13 mars 2024, à laquelle l’affaire avait été refixée pour continuation des débats, le litismandataire des demandeurs n’a pas remis en question le caractère complet du dossier ainsi versé, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter pour être devenue sans objet.

I) Quant à la compétence du tribunal Aucun recours au fond n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

En revanche, le tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande tendant à voir ordonner la remise des lieux en pristin état, telle que formulée au dispositif de la requête 4introductive d’instance. En effet, il est de jurisprudence constante1 que le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site, tel que soutenu à juste titre par les consorts B.

II) Quant à la recevabilité du recours A) Quant à l’intérêt à agir des demandeurs Tant l’administration communale que les consorts B contestent l’existence, dans le chef des demandeurs, d’un intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation de construire déférée.

L’administration communale soutient que lorsqu’ils se seraient vu autoriser la construction de leur propre maison d’habitation, les demandeurs auraient bénéficié de la même interprétation des règles urbanistiques relatives aux reculs que celle à laquelle le bourgmestre aurait eu recours dans le cadre de la délivrance de l’autorisation de construire déférée.

Elle donne encore à considérer que les demandeurs n’auraient pas introduit de recours contentieux à l’encontre d’une précédente autorisation de construire, délivrée aux consorts B le 6 décembre 2013. Cette autorisation aurait porté sur un projet similaire de transformation de la maison d’habitation de ces derniers, ayant notamment consisté en un rehaussement de la toiture de l’immeuble, et le gabarit autorisé de la maison aurait même dépassé celui prévu dans le cadre de la décision du 8 juillet 2021, de sorte que si cette première autorisation de construire n’a pas gêné les demandeurs, il serait pour le moins discutable qu’ils auraient un intérêt suffisant à agir à l’encontre de celle du 8 juillet 2021.

Les consorts B soutiennent que la qualité des consorts A de voisins directs de la construction litigieuse ne suffirait pas pour leur conférer l’intérêt à agir requis.

Quant à l’argumentation des demandeurs ayant trait à une perte de luminosité qui serait causée par les travaux autorisés, ils font valoir qu’en raison de l’orientation (i) du soleil, (ii) de leur maison et (iii) de celle des demandeurs, les consorts A continueraient à bénéficier de la même luminosité qu’avant les travaux, sans que le projet autorisé impacterait d’une quelconque façon le passage du soleil. Ils précisent que les fenêtres concernées ne bénéficieraient d’un ensoleillement qu’en début de matinée, le soleil se déplaçant ensuite sur la partie latérale de la propriété des demandeurs.

Par ailleurs, les deux maisons en cause seraient construites sur une pente. La maison des demandeurs seraient située en contre-bas de celle des consorts B et serait donc « […] plus basse d’environ 1m30 sur la partie construite litigieuse […] », ce qui « […] temp[érerait] l’intérêt à agir des voisins […] ».

En outre, contrairement à l’argumentation des demandeurs, leur intimité et leur vie privée ne seraient pas affectées par les travaux litigieux, étant donné qu’ils disposeraient déjà d’une vue sur les fenêtres des consorts B depuis leurs terrasse et jardin. Le rehaussement de la toiture de l’immeuble de ces derniers, sans ajout d’une fenêtre latérale, ne modifierait pas cette situation.

1 Trib. adm., 28 février 2005, n° 18597 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Compétence, n° 73 et les autres références y citées.

5Dans ce contexte, les consorts B donnent à considérer qu’ils auraient choisi un garde-

corps qui serait, non pas transparent, mais construit en briques, afin de « […] garantir un maximum d’intimité pour chacun […] ».

Il serait, par ailleurs, surprenant que les demandeurs invoqueraient une atteinte à leur vie privée, alors qu’ils auraient eux-mêmes construit une extension, en se fondant sur les dérogations autorisées par le plan d’aménagement général (« PAG »), et qu’ils disposeraient de plusieurs fenêtres avec une vue directe sur la terrasse et le jardin des consorts B.

Ainsi, les demandeurs n’auraient pas établi que le projet de construction litigieux causerait une atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien.

Pire encore, leur intérêt à agir ne serait pas légitime car il viserait à consacrer une situation contraire à la loi, et plus particulièrement une rupture de l’égalité devant la loi, étant donné que les demandeurs auraient bénéficié de la même dérogation que celle qu’ils contesteraient actuellement.

Dans leur mémoire en duplique, les consorts B soutiennent que la vue directe sur certaines parties de la maison des demandeurs, telle qu’invoquée par ces derniers, serait la conséquence directe du choix des consorts A de rapprocher leur maison de l’immeuble litigieux. Les modifications ainsi apportées à la maison des demandeurs, qui auraient été « […] obtenues par dérogation […] », ne devraient pas empêcher les consorts B « […] d’exercer à leur tour leurs droits sur leur propriété, eu égard au respect de la réglementation en vigueur […] ».

Les demandeurs concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.

L’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif.2 Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin.3 En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement4, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur.

2 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm.

2023, V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 21 février 2018, n° 38029 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.

6 7 En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée.5 Il est constant en cause que les demandeurs sont les voisins directs de la construction litigieuse.

Par ailleurs, il se dégage des explications des parties, ainsi que des plans versés en cause, que le projet de construction litigieux consiste en un rehaussement de la toiture arrière de la maison des consorts B, réalisé en remplaçant la toiture inclinée existant à cet endroit par une toiture plate. Cette toiture plate sera accessible depuis l’intérieur de la maison à travers un escalier et servira, notamment, à abriter une serre.

Il n’est pas contesté que l’espace ainsi créé sur la nouvelle toiture plate, qualifié de terrasse par les demandeurs, offrira une vue directe sur certaines parties de la propriété de ces derniers, et notamment sur les salles de bain, le salon, le jardin et la terrasse des consorts A, même si un garde-corps en briques, d’une hauteur d’un mètre, y est prévu.

Le tribunal en déduit que la situation de voisin des demandeurs est affectée de manière suffisante pour leur conférer l’intérêt à agir légalement requis, sans que cette conclusion soit invalidée par la circonstance selon laquelle ils n’ont pas exercé de recours contentieux à l’encontre d’une précédente autorisation pour un projet similaire, plus important en termes de gabarit de la construction autorisée, mais périmée entretemps en vertu des dispositions de l’article 37, alinéa 5 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 ».

Par ailleurs, même à admettre que les demandeurs auraient eux-mêmes bénéficié d’une dérogation aux règles relatives aux reculs pour la réalisation d’une extension de leur maison, ce que les consorts A contestent, cette circonstance ne serait pas pour autant de nature à rendre illégitime leur intérêt à voir vérifier la légalité de l’autorisation de construire déférée, et notamment à voir contrôler si une éventuelle dérogation aux règles urbanistiques relatives aux reculs accordée aux consorts B l’a été dans le respect des dispositions réglementaires afférentes, telles qu’inscrites dans la partie écrite du PAG.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.

B) Quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai L’administration communale se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation6, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de 5 Trib. adm., 8 décembre 2003, n°16236 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 112 et les autres références y citées.

6 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

7leurs conclusions7. Dès lors et dans la mesure où l’administration communale est restée en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant au délai et à la forme, ses contestations afférentes encourent le rejet.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation est à déclarer recevable.

III) Quant au fond Prétentions des parties Après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de l’autorisation de construire déférée, les demandeurs soulèvent, en premier lieu, une violation des articles 2.2.2.1 et 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG, en faisant valoir que les plans autorisés ne comporteraient pas d’indications relatives aux dimensions, de sorte, d’une part, qu’il ne leur aurait pas été possible de déterminer le recul de l’immeuble des consorts B par rapport à la limite de propriété et, d’autre part, que le bourgmestre « […] n’[aurait] pas pu être en mesure de les contrôler […] ».

Par ailleurs, ils soulignent que dans son courrier du 10 août 2021, le bourgmestre aurait qualifié de pertinent et de correct leur argumentation ayant trait à un non-respect du recul postérieur et aurait conclu à une violation de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG.

Ils en déduisent que l’administration communale serait en aveu que la construction projetée dépasserait la hauteur autorisable et ne présenterait pas un recul suffisant, ce qui serait confirmé par le fait que dans son courrier du 23 septembre 2021, le bourgmestre préciserait que les consorts B auraient bénéficié des dérogations prévues à l’article 2.2.5 de la partie écrite du PAG.

Les demandeurs soulèvent encore une violation de cette dernière disposition réglementaire, en faisant valoir que si, dans sa décision du 23 septembre 2021 portant refus de retirer l’autorisation de construire déférée, le bourgmestre soutient que ledit article aurait, dans le passé, été « […] appliqué avec une certaine lecture des dérogations possibles […] », il serait resté en défaut de préciser, d’une part, les motifs graves pour lesquels les consorts B auraient bénéficié des dérogations y prévues et, d’autre part, « […] la catégorie des dérogations […] » dont ils auraient bénéficié.

Or, en l’espèce, aucune des hypothèses énumérées par ledit article 2.2.5 de la partie écrite du PAG ne serait vérifiée.

En outre, les demandeurs contestent formellement avoir personnellement bénéficié d’une dérogation aux dispositions relatives à la hauteur et aux reculs des constructions pour des motifs graves, sur base de l’article 2.2.5, précité, de la partie écrite du PAG.

Par ailleurs, ils soulèvent une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, au motif du changement brusque de l’attitude du bourgmestre, qui, après avoir admis dans son courrier, précité, du 10 août 2021, que l’autorisation de construire querellée ne respecterait pas le PAG, serait, dans sa décision du 23 septembre 2021, revenu sur 7 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

8sa position en refusant de retirer l’autorisation en question sous prétexte de l’applicabilité des dispositions de l’article 2.2.5, précité, de la partie écrite du PAG. Selon les demandeurs, ce changement d’attitude serait contraire aux principes d’administration raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration.

En insistant sur le fait que cette argumentation du bourgmestre serait erronée, les demandeurs concluent que ce dernier aurait pris une décision disproportionnée, qui ne serait pas adaptée à la situation de fait existante.

Dans leur mémoire en réplique, et à l’appui de leurs moyens tirés de la violation des articles 2.2.2.1 et 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG, les demandeurs insistent sur le fait que la hauteur et le recul de la construction litigieuse seraient contraires à ces dernières dispositions réglementaires, en soutenant que « […] le recul de 8 mètres [ne serait] pas respecté […] » et qu’il en serait de même en ce qui concerne « […] le recul de 1.5 fois la hauteur […] » et en soulignant que le rehaussement de la maison des consorts B devrait respecter le PAG, nonobstant le fait qu’il s’agirait d’une construction existante.

Quant à leur moyen tiré de la violation de l’article 2.2.5 de la partie écrite du PAG, les demandeurs contestent l’argumentation des consorts B selon laquelle la pièce d’habitation qu’ils auraient rehaussée n’aurait, avant les travaux visés par l’autorisation de construire déférée, pas été conforme au PAG, alors que la hauteur requise de 2,50 mètres n’aurait pas été atteinte. A cet égard, ils font valoir, en substance, qu’avant lesdits travaux, la pièce en question n’aurait pas servi à des fins d’habitation, tout en ajoutant que l’argumentation des demandeurs « […] signifierait que n’importe quel grenier [pourrait] être transformé en étage plein […] ».

Par ailleurs, ce serait à tort que les consorts B se prévaudraient de l’alignement préexistant des maisons dans le quartier d’habitation, alors « […] qu’il aurait tout simplement fallu construire le long de la route sur le côté du bâtiment et respecter un recul suffisant de façade […] ».

Les demandeurs insistent encore sur le fait qu’ils n’auraient bénéficié d’aucune dérogation à la réglementation urbanistique en vigueur pour la construction de l’extension de leur maison, étant donné que ladite extension respecterait un recul postérieur de 8 mètres et un recul latéral de 4 mètres.

En outre, les demandeurs font valoir, en substance et de l’entendement du tribunal, que même si le recul de la maison des consorts B par rapport à leur propre terrain devait être qualifié, non pas de recul postérieur, mais de recul latéral, tel que le font plaider ces derniers, ledit recul latéral serait en tout état de cause inférieur au minimum de 4 mètres, tel que prévu par l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG. Ainsi, contrairement à l’argumentation des consorts B, les travaux litigieux ne seraient pas autorisables en l’absence de dérogation aux dispositions de ce dernier article de la partie écrite du PAG.

Ils ajoutent que la non-conformité de la construction existante au PAG ne saurait constituer un motif grave au sens de l’article 2.2.5 de la partie écrite du PAG.

A l’appui de leur moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, les demandeurs insistent sur le fait que le courrier du bourgmestre du 10 août 2021 n’aurait pas seulement eu pour finalité de prévenir ses destinataires d’une éventuelle révocation de l’autorisation de construire déférée. En effet, dans le courrier en question, le 9bourgmestre aurait clairement indiqué que cette autorisation ne respecterait pas le PAG et exprimé sa volonté de procéder au retrait de cette dernière, en annonçant l’envoi d’un courrier en ce sens aux consorts B.

Les demandeurs ajoutent que le fait qu’il y aurait eu une première autorisation non entreprise par eux, tel que souligné par l’administration communale, serait dépourvu de pertinence en l’espèce. En effet, s’ils n’ont certes pas introduit de recours contentieux à l’encontre de la décision du bourgmestre portant rejet de leur recours gracieux introduit à l’encontre de cette première autorisation, cela s’expliquerait par le fait que celle-ci serait devenue caduque.

L’administration communale et les consorts B concluent au rejet du recours.

Appréciation du tribunal A titre de remarque préliminaire, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 37, alinéas 1er et 2 de la loi du 19 juillet 2004, « Sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre. […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. ».

Une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente – en l’occurrence le bourgmestre – de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables. La finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et, par principe, le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus, voire un excès de pouvoir.8 Il convient encore de rappeler que le contrôle, par le tribunal, de l’exercice de ses compétences par le bourgmestre s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans ce contexte, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie.

Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore 8 Trib. adm., 28 août 2019, n° 41151 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 février 2020, n° 43627C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 878.

10s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité.9 Ce contrôle de proportionnalité n’est toutefois à exercer en la présente matière que pour autant que les dispositions urbanistiques applicables laissent une marge d’appréciation au bourgmestre.

C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné.

• Quant au moyen tiré de la violation de l’article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG L’article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG est libellé comme suit :

« Les constructions ne pourront pas comporter, en plus de combles aménagés, plus de deux niveaux pleins destinés entièrement ou partiellement à l’habitation.

Les constructions ne peuvent dépasser le gabarit d’une maison ayant une hauteur jusqu’à l’arrête supérieure de la corniche de 7,5 mètres et un toit d’une pente de 45°. Pour la détermination du gabarit, une corniche théorique ayant une saillie de 70 cm est admise.

Les constructions ne comportant pas plus d’un niveau destiné à l’habitation en dehors des combles aménagés ne peuvent dépasser le gabarit d’une construction ayant une hauteur corniche de maximum 5,00 mètres avec un toit à deux versants d’une pente maximale de 45°.

Une saillie théorique ou effective de 70 cm est admise.

La hauteur du faîtage est limitée à 4,50 mètres, calculée à partir de la hauteur corniche.

La hauteur corniche doit être calculée dans l’axe de la façade à partir du niveau de rue. ».

Force est au tribunal de constater que ledit article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG réglemente, conformément à son intitulé, la hauteur des constructions, de sorte que les développements des demandeurs ayant trait aux reculs de la construction litigieuse sont à écarter pour défaut de pertinence, dans la mesure où ils sont présentés à l’appui du moyen sous analyse.

Par ailleurs, c’est à tort que les demandeurs soutiennent que la hauteur de la construction litigieuse ne serait pas vérifiable, étant donné que les plans autorisés ne comporteraient pas d’indications relatives aux dimensions.

En effet, l’autorisation déférée comprend un plan dressé à l’échelle 1:100, qui permet de mesurer la hauteur de la construction. Or, la hauteur de la nouvelle toiture plate, garde-corps 9 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.

11compris, est d’approximativement 6 mètres, de sorte à être largement inférieure au maximum de 7,50 mètres prévu à l’alinéa 2 de l’article 2.2.2.1, précité, de la partie écrite du PAG.

Dans ces circonstances, et dans la mesure où les demandeurs se bornent à affirmer que la construction litigieuse dépasserait la hauteur maximale autorisable, sans préciser d’une quelconque manière en quoi il en serait ainsi, le tribunal arrive à la conclusion que le moyen sous analyse encourt le rejet, étant souligné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties dans la présentation de leurs moyens de droit.

• Quant aux moyens tirés de la violation des articles 2.2.2.4 et 2.2.5 de la partie écrite du PAG L’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG, relatif aux marges de reculement, est libellé comme suit :

« Le recul des constructions sur la limite postérieure de la parcelle sera égal ou supérieur à une fois et demie la hauteur à la corniche, mais sera au moins de 8 mètres.

Sauf dispositions contraires d’un plan d’aménagement particulier, les constructions devront respecter un recul latéral d’au moins 4 mètres au cas où une construction existante sur un terrain attenant accuse un recul sur la limite latérale contiguë ou si, dans le cas de constructions en bande, le nombre maximum de 5 unités est atteint.

Pour des maisons unifamiliales isolées dont la profondeur de construction dépasse 15,00 mètres, le recul latéral minimal de 4,00 mètres est augmenté de 50% de la profondeur excédant les 15,00 mètres. Le recul ainsi calculé est applicable sur toute la profondeur de la construction. Cette disposition ne s’applique pas aux constructions en mitoyenneté (en bande ou jumelées). […] ».

L’article 2.2.5 de la partie écrite du PAG prévoit, quant à lui, ce qui suit :

« Le bourgmestre pourra accorder ou imposer une dérogation aux dispositions relatives à la hauteur et aux reculs de constructions pour motifs graves.

Sont considérés comme étant des motifs graves :

a) les problèmes découlant de la topographie particulière des lieux telle que la forte déclivité du terrain à construire ou d’un alignement préexistant dans un quartier d’habitation ;

b) la nécessité de raccorder esthétiquement une nouvelle construction à des constructions mitoyennes récentes ;

c) le fait que les constructions voisines récentes ont rendu impropre à la construction une parcelle non construite devenue place à bâtir à la suite d’une autorisation de lotissement ou de morcellement antérieure au présent projet d’aménagement. ».

A titre liminaire, s’agissant de la question du respect des reculs, le tribunal précise qu’il ne saurait partager l’argumentation des consorts B selon laquelle, en substance, le recul de leur 12maison par rapport à la limite de la propriété des demandeurs devrait être qualifié de recul latéral, au motif que la porte d’entrée de leur maison ne se trouverait pas face à la rue.

En effet, en l’absence de disposition contraire, les reculs sont nécessairement à définir en fonction de leur situation par rapport à la voirie desservante, et non pas en fonction de l’endroit où se trouve la porte d’entrée de l’immeuble concerné.

Dès lors, le recul de la maison des consorts B par rapport à la limite séparative de leur parcelle avec celle des demandeurs, laquelle se trouve derrière ladite maison, vue depuis la voie de desserte, est à qualifier de recul postérieur, et non pas de recul latéral, de sorte à tomber dans le champ d’application de l’alinéa 1er, et non pas de l’alinéa 2 de l’article 2.2.2.4, précité, de la partie écrite du PAG, étant précisé qu’il est constant en cause que le recul en question est inférieur au minimum de 8 mètres, tel que prévu par ledit alinéa 1er de l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG.

Il est encore constant en cause que l’implantation de la construction existante n’est pas modifiée du fait des travaux autorisés par la décision déférée, consistant en un rehaussement de la toiture de la construction en question.

Même à admettre qu’un tel rehaussement de la toiture d’une construction existante, sans modification de l’implantation de la construction concernée, ne soit, en principe, autorisable qu’à condition que la construction en question respecte les marges de reculement prévues par l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG, le constat fait ci-avant quant au non-respect du recul postérieur minimal de 8 mètres, tel que prévu par l’alinéa 1er de ladite disposition réglementaire, ne serait en tout état de cause de nature à entacher la légalité de la décision déférée que si le tribunal venait à la conclusion que le bourgmestre n’a pas valablement pu faire usage du pouvoir de dérogation lui conféré par l’article 2.2.5, précité, de la partie écrite du PAG.

A cet égard, le tribunal rappelle qu’au moment de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse, le recul postérieur de la maison des consorts B était d’ores et déjà inférieur au minimum de 8 mètres, tel que prévu par l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG. Il n’est, par ailleurs, pas allégué, ni a fortiori établi que cette situation serait le résultat d’un quelconque agissement fautif de la part de ces derniers, voire du ou des éventuels anciens propriétaires de l’immeuble, et, plus particulièrement, que l’implantation actuelle de la maison n’aurait pas été couverte par une autorisation de construire délivrée en bonne et due forme.

Le tribunal rappelle encore que l’implantation de la construction en cause n’est pas modifiée du fait des travaux litigieux, qui se limitent à un rehaussement de la toiture arrière.

Ce rehaussement permet, de manière non contestée, aux consorts B de conférer à la pièce ainsi rehaussée la hauteur requise par la réglementation en vigueur pour une pièce servant à des fins d’habitation. Ainsi, et indépendamment de la question de l’affectation antérieure de la pièce rehaussée, le projet des consorts B répond à une finalité légitime et n’a rien d’excessif.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal arrive à la conclusion que c’est sans dépasser sa marge d’appréciation ni méconnaître le principe de proportionnalité que le bourgmestre a pu considérer qu’il était confronté à un problème découlant d’un alignement préexistant dans un quartier d’habitation, au sens de l’article 2.2.5 a) de la partie écrite du PAG, et, par conséquent, accorder aux consorts B une dérogation aux dispositions relatives aux reculs des constructions, en application de cette dernière disposition réglementaire.

13 Il suit des considérations qui précèdent que les moyens tirés de la violation des articles 2.2.2.4 et 2.2.5 de la partie écrite du PAG sont à rejeter pour ne pas être fondés.

• Quant au moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime A titre liminaire, en ce qui concerne la référence faite par les demandeurs au principe de bonne administration, le tribunal précise que l’expression « principe de bonne administration » est généralement utilisée au pluriel, parce que le « principe de bonne administration » est souvent perçu comme expression qui regroupe plusieurs principes mieux connus ou plus précis. Ainsi, les principes rattachés aux principes généraux de bonne administration peuvent constituer, d’une part, des principes régissant le contenu des décisions de l’administration et, d’autre part, des principes régissant les modalités de l’action de l’administration dans les procédures. A cet égard, peuvent notamment être cités le principe des droits de la défense, le principe de l’impartialité, le principe de l’indépendance, le principe du fair play, le principe de la bonne foi, etc..10 Peuvent encore être cités l’obligation pour l’administration de statuer dans un délai raisonnable, le devoir de diligence ou d’administration raisonnable, le principe de précaution en matière environnementale, ainsi que le principe de la sécurité juridique et le respect dû à la confiance légitime de l’administré qui s’opposent à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés.11 A l’instar du Conseil d’Etat belge, le tribunal constate donc que le principe général de bonne administration en soi n’a pas de contenu précis et ne peut sans indication plus circonstanciée pas fonder l’annulation d’un acte administratif.12 En l’espèce, les demandeurs invoquent une violation du principe de bonne administration de concert avec une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’à travers l’invocation du principe plus général de la bonne administration, les demandeurs ont concrètement voulu invoquer une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, conclusion qui est confortée par le fait que l’argumentation en question des demandeurs a été développée sous l’intitulé « […] violation du principe de sécurité juridique et de respect dû à la confiance légitime […] ».

Le principe de confiance légitime, qui s’apparente au principe de la sécurité juridique, s’oppose à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés, autrement dit, le principe de confiance légitime implique que l’administré est en droit d’exiger de l’autorité administrative qu’elle ne se départisse pas brusquement d’une attitude qu’elle a suivie dans le passé.13 Un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et a réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est 10 Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p. 567 – 573.

11 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2023, pt. 79, p. 56.

12 Conseil d’Etat belge, 27 novembre 2008, n°188.251, cité in : Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p. 569.

13 Trib. adm., 22 juin 2016, n° 36604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 63 et les autres références y citées.

14qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines.14 En l’espèce, à travers son courrier, précité, adressé aux demandeurs en date du 10 août 2021, le bourgmestre s’est borné à informer ces derniers du fait que leur argumentation ayant trait à un non-respect du recul postérieur lui aurait « […] sembl[é]15 pertinent et correct […] », qu’il « […] sera[it] proposé16 de révoquer l’autorisation de construire numéro … du 8 juillet 2021 […] » et qu’un « […] courrier dans ce sens sera[it] envoyé au bénéficiaire de l’autorisation de construire litigieuse, tout en respectant les garanties prévues par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes[, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 »] […] ».

Ainsi, le bourgmestre s’est limité à annoncer son intention de révoquer l’autorisation de construire déférée, au-motif du bien-fondé apparent de l’argumentaire fourni par les demandeurs, et de procéder à l’information prévue à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, aux termes duquel « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations. […] ».

Or, étant donné que cette dernière disposition, à laquelle le bourgmestre s’est expressément référé dans son courrier, précité, du 10 août 2021, permet à la partie concernée de présenter ses observations, il relève de la logique de la procédure ainsi mise en place que l’administration peut être amenée à renoncer à son intention initiale de révoquer une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, si les observations présentées par la partie concernée emportent sa conviction, ce qui est précisément ce qui s’est passé en l’espèce.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il ne saurait valablement être soutenu qu’en renonçant à son intention initiale de révoquer l’autorisation de construire déférée, après avoir pris connaissance des observations présentées par les consorts B en application de l’article 9, précité, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, et en rejetant de ce fait in fine le recours gracieux introduit par les consorts A, le bourgmestre serait revenu sur une promesse faite aux demandeurs, ni qu’il aurait méconnu une situation administrative qui aurait été acquise au profit de ces derniers, respectivement un droit subjectif qu’il aurait préalablement reconnu ou créé dans leur chef.

Il s’ensuit qu’aucune violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique n’est vérifiée en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

14 Trib. adm., 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées.

15 Souligné par le tribunal.

16 Ibid..

15Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens, sans qu’il y ait lieu de procéder à une visite des lieux, tel que cela a été suggéré à titre subsidiaire par les consorts A.

Les demandeurs sollicitent encore l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».

Cette demande est cependant à rejeter, au vu de l’issue du litige.

Les consorts B sollicitent, à leur tour, l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Cette demande est, elle aussi, à rejeter, étant donné qu’il n’est pas établi qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts B les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande tendant à voir ordonner la remise des lieux en pristin état, telle que formulée par les demandeurs ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en communication de l’intégralité du dossier administratif, telle que formulée par les demandeurs ;

déboute les demandeurs, ainsi que Monsieur B et Madame B de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mars 2024 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mars 2024 16Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46822
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-20;46822 ?

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