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19/03/2024 | LUXEMBOURG | N°47306

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2024, 47306


Tribunal administratif N° 47306 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47306 3e chambre Inscrit le 12 avril 2022 Audience publique du 19 mars 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du Directeur de la santé et contre des « décisions » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 en matière de lutte contre la pandémie Covid-19

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47306 du rôle et déposée le 12 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif N° 47306 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47306 3e chambre Inscrit le 12 avril 2022 Audience publique du 19 mars 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du Directeur de la santé et contre des « décisions » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 en matière de lutte contre la pandémie Covid-19

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47306 du rôle et déposée le 12 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et Madame …, agissant en leur propre nom et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs … et …, demeurant tous ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021 autorisant l’enfant …, pendant la période de mise en quarantaine lui imposée du 8 octobre 2021 au 15 octobre 2021, à fréquenter l’école ou les services d’éducation et d’accueil pour enfants et les maisons relais sous condition du respect de la consigne de réaliser un test antigénique toutes les 48 heures et d’un test d’amplification des acides nucléiques au sixième jour après le dernier contact avec la personne infectée ainsi que du port du masque ;

2) d’une « décision » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 du 14 décembre 2021 les informant que leur enfant « a été en contact avec une personne qui a été testée positive à la COVID-19 » et rappelant les mesures mises en place en vertu du dispositif sanitaire du ministère de 1’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en cas de « un jusqu’à deux cas positifs dans une classe endéans la quinzaine » ;

2) d’une « décision » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 du 28 janvier 2022, erronément datée au 28 janvier 2021, les informant que leur enfant « a été en contact avec une personne qui a été testée positive à la COVID-19 » et rappelant les mesures mises en place en vertu du dispositif sanitaire du ministère de 1’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en cas de un jusqu’à cinq cas positifs dans une classe ;

3) d’une « décision » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 du 1er février 2022, erronément datée au 1er février 2021, les informant que leur enfant « a été en contact avec une personne qui a été testée positive à la COVID-19 » et rappelant les mesures mises en place en vertu du dispositif sanitaire du ministère de 1’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en cas de un jusqu’à cinq cas positifs dans une classe ;

4) d’une « décision » du Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental de la Région 10 du 7 février 2022 les informant que leur enfant « a été en contact avec une personne qui a été testée positive à la COVID-19 » et rappelant les mesures mises en place en vertu du dispositif sanitaire du ministère de 1’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en cas de un jusqu’à cinq cas positifs dans une classe ;

5) « pour autant que de besoin » d’une circulaire n° 4089 du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 janvier 2022 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 octobre 2022 par Maître François MOYSE, pour compte de ses mandants, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes entrepris ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Delphine KORSEC, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 janvier 2024.

___________________________________________________________________________

Par ordonnance du 12 octobre 2021, le Directeur de la santé ordonna une mesure de quarantaine avec effet du 8 octobre 2021 au 15 octobre 2021 dans le chef de l’enfant ….

Par décision du même jour, le Directeur de la santé prit une autorisation de sortie à l’égard de l’enfant …, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vu l'article 7, paragraphe 3, alinéa 3 de la loi du 17 juillet 2020 portant introduction d'une série de mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 et modifiant :

1° la loi modifiée du 25 novembre 1975 concernant la délivrance au public des médicaments ;

2° la loi modifiée du 11 avril 1983 portant réglementation de la mise sur le marché et de la publicité des médicaments telle qu'elle a été modifiée ;

Considérant que la personne concernée ne représente qu'un risque de propagation du virus SARS-CoV-2 mineur Ordonne :

Art. 1er - La personne concernée, …, …, née le …, qui fait l'objet d'une ordonnance de mise en quarantaine du 8 octobre 2021 au 15 octobre 2021, est autorisée, pendant cette période, à fréquenter l'école ou les Services d'éducation et d'accueil pour enfants et les maisons relais, en respectant les consignes et mesures de protection suivants : réalisation d'un test antigénique toutes les 48 heures et d'un test d'amplification des acides nucléiques au sixième jour après le dernier contact avec la personne infectée, ainsi que port du masque.

2 Art. 2.- Toute sortie hors des activités définies à l'article 1er est interdite comme indiqué sur l'ordonnance de mise en quarantaine. […] ».

Le 14 décembre 2021, le Directeur de la Direction de l’enseignement fondamental – région 10, ci-après désigné par « le Directeur », s’adressa à Monsieur … et Madame …, parents des enfants mineurs … et …, dans les termes suivants :

« […] Par la présente, je vous informe que votre enfant a été en contact avec une personne qui a été testée positive à la COVID-19. Le dispositif sanitaire du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse prévoit la mise en place des mesures suivantes :

Scénarios 1 et 2 : un ou deux cas positifs dans une classe endéans la quinzaine • La/les personne(s) testée(s) positive à la COVID-19 est/sont isolée(s) et doit/doivent rester à la maison pendant 10 jours.

• Le port permanent du masque est obligatoire.

• Les élèves vaccinés ou rétablis ne sont pas mis en quarantaine et continuent à fréquenter l'école et les services d'éducation et d'accueil (SEA). Les élèves peuvent participer à un testing renforcé journalier à l'école pendant une durée de 7 jours à partir du dernier contact avec la personne testée positive.

Est considérée comme rétablie toute personne pouvant se prévaloir d'un certificat de rétablissement qui prend effet le 11e jour après la date du premier résultat positif d'un test PCR et prend fin au plus tard 180 jours à compter dudit résultat.

• Les élèves, qui ne sont ni vaccinés ni rétablis, ne sont pas mis en quarantaine à condition de participer à un testing renforcé toutes les 24 heures à l'école, ceci pendant une durée de 7 jours à partir du dernier contact avec la personne testée positive. En cas de détection d'un deuxième cas positif, le testing renforcé est prolongé.

• Les élèves, qui ne sont ni vaccinés ni rétablis et qui ne participent pas au testing renforcé, sont mis en quarantaine sans dérogation, c.à.d. sans autorisation de sortie.

La quarantaine est levée moyennant un test diagnostique certifié négatif à partir du 6ème jour après le dernier contact avec la personne testée positive.

• Selon le règlement grand-ducal du 20 février 2021 modifiant le règlement grand-ducal du 7 mai 2009 concernant les règles de conduite et l'ordre intérieur communs à toutes les écoles, le retour en classe d'un élève mis en quarantaine est soumis à la production d'un résultat de test négatif et le contrôle du résultat négatif du test est opéré par le titulaire de classe.

Finalement, je tiens à vous rappeler qu'il n'est pas indiqué que votre enfant fréquente les cours s'il montre des symptômes liés à la COVID-19. […] ».

Les 28 janvier, 1er et 7 février 2022, le Directeur s’adressa à Monsieur … et Madame …, chaque fois en raison d’un contact d’un de leurs enfants avec une personne testée positive à la COVID-19, en dates des 27 janvier, respectivement 1er, respectivement 7 février 2022, les informant à chaque reprise des mesures à prendre dans le cadre du scénario de 1 à 5 cas positifs dans une classe dans les termes identiques suivants :

« […] Par la présente, je vous informe que votre enfant a été en contact avec une personne COVID-19 positive. Le dispositif sanitaire du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse prévoit la mise en place des mesures suivantes :

3 […] • La/Les personne(s) testée(s) positive(s) à la COVID-19 est/sont isolée(s) et doit/doivent rester à la maison.

• Les élèves vacciné(e)s ou rétabli(e)s ne sont pas mis(es) en quarantaine et continuent à fréquenter l'école et les services d'éducation et d'accueil (SEA). Ces élèves peuvent participer à un testing renforcé journalier à l'école pendant une durée de 7 jours à partir du dernier contact avec la personne COVID-19 positive.

Est considérée comme rétablie toute personne pouvant se prévaloir d'un certificat de rétablissement qui prend effet le 11e jour après la date du premier résultat positif d'un test PCR et prend fin au plus tord 180 jours à compter dudit résultat.

• Les élèves qui ne sont ni vacciné(e)s ni rétabli(e)s ne sont pas mis(es) en quarantaine, à condition de participer à un testing renforcé toutes les 24 heures à l'école, ceci pendant une durée de 7 jours à partir du dernier contact avec la personne testée positive. Suite à la détection d'un cas positif supplémentaire durant le testing renforcé, celui-ci sera prolongé. Les élèves qui se soumettent au testing renforcé pendant une semaine ne recevront plus d'ordonnance pour un test PCR.

• Les élèves, qui ne sont ni vaccinés ni rétablis et qui ne participent pas au testing renforcé, sont mis en quarantaine sans autorisation de sortie. La quarantaine est levée moyennant un test diagnostique certifié négatif à partir du 6ème jour après le dernier contact avec la personne testée positive.

Selon le règlement grand-ducal du 20 février 2021 modifiant le règlement grand-ducal du 7 mai 2009 concernant les règles de conduite et l'ordre intérieur communs à toutes les écoles, le retour en classe d'un élève mis en quarantaine est soumis à la production d'un résultat de test négatif et le contrôle du résultat négatif du test est opéré par le titulaire de classe.

Finalement, je tiens à vous rappeler qu'il n'est pas indiqué que votre enfant fréquente les cours s'il montre des symptômes liés à la COVID-19. Si votre enfant n'est ni vacciné ni rétabli et qu'un de ses frères et soeurs ou l'un de ses parents est testé po sitif, l'enfant ne pourra pas fréquenter l'école. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2022, Monsieur … et Madame … ont, en leur propre nom ainsi qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants … et …, fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la précitée décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021, des précitées « décisions », ainsi qualifiées, du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022 et, « pour autant que de besoin » de la circulaire du Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse n° 4089 du 10 janvier 2022 intitulée « Adaptation du dispositif sanitaire de l'Education nationale et des procédures de traçage en milieu scolaire ».

1) Quant au recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021 Dans la mesure où les termes de l’article 7, paragraphe (5), alinéa 1er de la loi du 17 juillet 2020 portant introduction d’une série de mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, désignée ci-après « la loi du 17 juillet 2020 », prévoient, dans, la version applicable au 12 octobre 2021, un recours au fond contre les ordonnances du Directeur de la santé prises en vertu dudit article, telle que la décision précitée du Directeur de la santé du 12 octobre 2021, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à son encontre.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire à son encontre.

Dans leur requête introductive d’instance, et en ce qui concerne la recevabilité de leur recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021, les demandeurs se réfèrent à l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 » pour arguer que le délai pour introduire un recours contre la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021 aurait été suspendu par un recours gracieux introduit à son encontre en date du 13 octobre 2021, les demandeurs affirmant que ledit recours serait resté sans réponse. Ils en concluent que le recours sous analyse, en ce qu’il est dirigé contre ladite décision du 12 octobre 2021, aurait été introduit dans les délais légaux.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, à l’irrecevabilité ratione temporis du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021. A l’appui de ses conclusions, et tout en citant un jugement du tribunal administratif du 12 décembre 2002, inscrit sous le numéro 14789 du rôle, il fait valoir que contrairement à leurs développements figurant dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs resteraient en défaut d’établir qu’un recours gracieux aurait été introduit à l’encontre de ladite décision du 12 octobre 2021. Il relève encore que le document afférent versé en cause par les demandeurs constituerait une copie d’un courrier non datée et que toute preuve d’envoi ou de réception de celui-ci ferait, par ailleurs, défaut. Faute de recours gracieux intervenu à l’encontre de la décision litigieuse, le recours dirigé à son encontre aurait été introduit en dehors du délai légal, et serait, partant, irrecevable.

Force est au tribunal de constater que la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021 a, aux termes de son libellé, été prise sur base de l’article 7, paragraphe (3), alinéa 3 de la loi du 17 juillet 2020 et que l’article 7, paragraphe (5) de la même loi prévoyait, dans sa version applicable au moment de la prise de décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021, que « Contre toute ordonnance prise en vertu du présent article, un recours est ouvert devant le tribunal administratif qui statue comme juge du fond.

Ce recours doit être introduit dans un délai de trois jours à partir de la notification à personne ou de la remise directe à la personne. […] ».

Il échet, à cet égard de rappeler que, en règle générale, la loi n’a pas fixé la forme de la notification administrative et il suffit que l’acte soit porté à la connaissance de l’intéressé par l’administration1. Le tribunal constate qu’en l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs ont pris connaissance de la décision du Directeur de la santé litigieuse au plus tard 1 Trib. adm. 10 mai 1999, n° 10990 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative contentieuse, n° 252 et les autres références y citées. en date du 13 octobre 2021, date à laquelle ils affirment avoir introduit un recours gracieux à son encontre.

La Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984 prévoit à son article 3 que « […] Les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années, courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit […] ».

Il s’ensuit qu’en l’espèce le prédit délai de recours à l’encontre de la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021 courrait a priori à partir du dies a quo, le 13 octobre 2021 à minuit, pour expirer le dies ad quem, le 16 octobre 2021 à minuit.

L’article 13, paragraphes (2) et (3) de la loi du 21 juin 1999, quant à lui, prévoit que « (2) Toutefois si la personne intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives et règlementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux.

(3) Si un délai de plus de trois mois s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux sans qu’une nouvelle décision ne soit intervenue, le délai du recours contentieux commence à courir à partir de l’expiration du délai du troisième mois. ».

Il échet dès lors de vérifier si, tel que le soutiennent les demandeurs, un recours gracieux a valablement été introduit contre la décision litigieuse.

Le tribunal rappelle à cet égard que la partie qui soutient avoir introduit un recours gracieux à l'encontre d'une décision initiale par laquelle il n'a pas été fait droit à ses prétentions doit établir à suffisance de droit qu'un tel recours gracieux a bien été introduit auprès de l'autorité compétente et la simple production de la photocopie de la lettre sur laquelle est couché ledit recours gracieux, sans aucune preuve de réception dudit courrier par le destinataire, ne saurait valoir comme preuve suffisante d'envoi et surtout de réception dudit courrier par cette autorité 2.

Or, en l’espèce, les demandeurs se sont contentés de verser, en guise de preuve dudit recours gracieux, la copie d’un courrier prétendument adressé au Directeur de la santé qui n’est ni daté, ni signé et qui ne comporte, par ailleurs, aucune preuve d’envoi ou de réception par ce dernier, de sorte qu’ils restent en défaut d’établir la réalité d’un recours gracieux introduit à l’encontre de la décision litigieuse.

Il s’ensuit que le délai de recours contentieux n’a pas été suspendu et qu’aucun nouveau délai contentieux n’a commencé à courir.

Ainsi et dans la mesure où le recours sous examen a été déposé au greffe du tribunal administratif le mardi 12 avril 2022 et donc en dehors du délai légal qui a, tel que retenu ci-

avant, expiré le 16 octobre 2021 à minuit, celui-ci a été déposé tardivement, entraînant dès lors son irrecevabilité ratione temporis.

2 Trib. adm. 12 décembre 2002, n° 14789 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 198.

2) Quant au recours en réformation sinon en annulation dirigé contre les « décisions » des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022 du Directeur Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre les courriers du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022, dans la mesure où ceux-ci se borneraient à informer les demandeurs du fait qu’un de leur enfant a été en contact avec une personne testée positive à la Covid-19, ainsi que sur les mesures de lutte contre la pandémie en vigueur, de sorte que lesdits courriers constitueraient des lettres informatives et non pas des décisions administratives susceptibles de recours, le délégué estimant, par ailleurs, que les demandeurs ne justifieraient d’aucun intérêt à agir contre lesdits actes, alors que non seulement l’ensemble des mesures de lutte contre la pandémie liée à la Covid-19 seraient abrogées, mais encore que l’absence de mesure de quarantaine à l’égard des enfants des demandeurs résulterait du choix de ces derniers de les faire participer au testing renforcé dans leur établissement scolaire et non pas des actes visés par leur requête introductive d’instance.

Dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs font valoir que le Directeur serait une autorité administrative habilitée à prendre des décisions, dans la mesure où celui-ci participerait à l’exercice de la puissance publique en assurant la gestion du service public scolaire. Ils estiment ensuite que, par le fait de délivrer une autorisation de sortie à leurs enfants, les courriers du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022 seraient de nature à affecter leur situation personnelle et donc à faire grief. Il s’y ajouterait que suite auxdits courriers les informant que leur enfant … serait autorisé à fréquenter l’école, ils auraient été infectés par le virus Covid-19 en raison de l’exposition de leur fils audit virus au sein de l’établissement scolaire, les demandeurs en concluant que cette infection serait le résultat direct des courriers litigieux du Directeur.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font encore valoir, en ce qui concerne le grief causé par les actes litigieux, que ces derniers constitueraient des « autorisations de sortie de fait » prises par le directeur en dehors de ses compétences et renvoient, pour le surplus, à leurs développements dans leur requête introductive d’instance tendant à établir qu’ils auraient été obligés de donner leur accord que leurs enfants participent au testing renforcé, sous peine de méconnaître l’obligation scolaire à laquelle ceux-ci seraient soumis.

Au vu des développements de part et d’autre, il appartient au tribunal d’analyser si le recours en réformation, sinon en annulation, en ce qu’il vise des « décisions », ainsi qualifiées, du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022 est dirigé contre un acte administratif susceptible de recours contentieux, le tribunal étant ainsi amené à examiner le caractère décisionnel des actes attaqués, cette question ayant non seulement été soulevée par la partie étatique et librement discutée par les parties dans le cadre de la procédure contentieuse, mais relevant, par ailleurs, de l’ordre public.

A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-

après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Il résulte, d’une part, de cette disposition que le tribunal administratif est par essence saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé et non sur une situation de fait et dedroit donnée, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer l’acte déféré, son rôle ne consistant pas à procéder indépendamment des moyens du demandeur à un réexamen général et global de l’affaire. Il se dégage plus particulièrement de ce dernier constat, conjugué aux dispositions de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, qui imposent l’indication dans la requête de l’acte déféré, que le tribunal ne peut pas étendre son contrôle à d’autres actes que ceux qui lui ont été déférés par le demandeur, sous peine de méconnaître l’interdiction de statuer ultra petita.

Il convient ensuite de souligner que l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 limite, d’autre part, l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste3.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame4.

Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision5 qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci6.

En l’espèce, les demandeurs concluent au caractère décisionnel des actes attaqués en arguant, en substance, que ceux-ci auraient affecté leur situation personnelle et celle de leurs enfants mineurs, dans la mesure où ces derniers n’auraient, malgré un contact avec une personne testée positive à la Covid-19 dans leur établissement scolaire, été autorisés à fréquenter les cours.

A cet égard, il convient d’abord de constater qu’il résulte du libellé des courriers du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022, tels que repris in extenso ci-

avant, que son auteur a, dans un premier temps entendu aviser les demandeurs que leur enfant a été en contact avec une personne ayant été testée positive à la COVID-19, pour ensuite les éclairer sur les différentes mesures prévues par le dispositif sanitaire du ministère de 1’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse dans les hypothèses rencontrées aux dates respectives en cause. Finalement, le Directeur a encore souligné qu’il ne serait « pas indiqué » que l’enfant concerné des demandeurs fréquente la classe s’il ou elle présente des symptômes liés à la COVID-19.

3 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.

4 Trib. adm., 18 juin 1998, n°s 10617 et 10618, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 49 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm.

2023, V° Actes administratifs, n° 69 et les autres références y citées.

6 Voir Cour adm., 22 janvier 1998, n°s 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.Le tribunal relève plus particulièrement qu’il ne ressort aucunement desdits courriers que le directeur aurait accordé une autorisation de fréquenter l’école aux enfants des demandeurs, ce dernier se bornant à résumer les mesures prévues par le précité dispositif sanitaire en vigueur résultant, en ce qui concerne une éventuelle quarantaine ou une autorisation de fréquenter l’école nonobstant détection de cas positifs au sein de la classe concernée, de l’adaptation du dispositif sanitaire de l’Education nationale décidée par le Conseil de gouvernement en date du 26 novembre 2021 et qui prévoit des options en fonction du statut vaccinal ou de rétablissement de l’enfant, ainsi qu’en fonction de sa participation ou non à un testing renforcé volontaire au sein de l’école, dans la mesure où les enfants ni vaccinés, ni rétablis, tel que c’est, d’après leurs affirmations, le cas des enfants des demandeurs, sont mis en quarantaine seulement s’ils ne participent pas au testing renforcé.

Le tribunal constate dès lors que non seulement le Directeur n’a, dans les courriers litigieux, pas déterminé le cas de figure dans lequel se trouveraient les enfants des demandeurs en ce qui concerne une éventuelle autorisation de fréquenter les cours, mais encore, que le choix des parents de faire participer leurs enfants au testing renforcé à leur école a été seul déterminant quant à la prise d’une mesure de quarantaine à leur encontre.

En tout état de cause, le tribunal relève qu’il résulte de l’article 7, paragraphe (3), de la loi du 17 juillet 2020, tel qu’elle était en vigueur aux dates d’édictions des courriers litigieux, que « (3) En fonction du risque de propagation du virus SARS-CoV-2 que présente la personne concernée, le directeur de la santé ou son délégué peut, dans le cadre des mesures prévues au paragraphe 1er, accorder une autorisation de sortie, sous réserve de respecter les mesures de protection et de prévention précisées dans l’ordonnance. En fonction du même risque, le directeur de la santé ou son délégué peut également imposer à une personne infectée ou à haut risque d’être infectée le port d’un équipement de protection individuelle.

La personne concernée par une mesure d’isolement ou de mise en quarantaine qui ne bénéficie pas d’une autorisation de sortie lui permettant de poursuivre son activité professionnelle ou scolaire peut, en cas de besoin, se voir délivrer un certificat d’incapacité de travail ou de dispense de scolarité. ».

Il ressort du libellé de ladite disposition légale que seul le Directeur de la santé, respectivement son délégué, sont légalement habilités à prendre une décision d’accorder une autorisation de sortir à la personne concernée.

Le Directeur n’a dès lors aucune compétence pour accorder à un élève une autorisation de sortie, cette compétence relevant exclusivement du Directeur de la santé, de sorte que l’acte querellé ne saurait, contrairement aux affirmations des demandeurs, être à l’origine d’une autorisation de sortie de leurs enfants respectifs, ces mêmes affirmations restant d’ailleurs à l’état de pures allégations, les concernés restant en défaut de donner une quelconque précision quant à cette prétendue autorisation de sortie, notamment en ce qui concerne les circonstances exactes de celle-ci ou encore en ce qui concerne la période précise de celle-ci.

Ce constat n’est pas énervé par les développements des demandeurs quant à une prétendue autorisation de sortie « de fait », sinon d’une obligation pour leurs enfants de fréquenter l’école, qui résulterait des actes litigieux en ce qu’ils se seraient sentis obligés de laisser leurs enfants participer au testing renforcé au sein de leur établissement scolaire afin de ne pas violer l’obligation scolaire à laquelle ces derniers seraient soumis, alors qu’au vu du libellé des courriers litigieux, la participation au testing est volontaire. Il résulte par ailleurs del’article 7, paragraphe (3), alinéa 2 de la loi du 17 juillet 2020 qu’en cas de refus dudit testing et, le cas échéant, de mesure de quarantaine subséquente, les enfants des demandeurs auraient pu se voir délivrer un certificat de dispense de scolarité.

Il s’ensuit, par ailleurs, que la prétendue infection par la Covid-19 des demandeurs et de leurs enfants ne saurait, contrairement aux affirmations des demandeurs, pas être la conséquence d’une prétendue obligation de fréquenter l’école leur imposée par les courriers litigieux.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de retenir que les actes litigieux constituent des simples lettres d’information. Les actes en question sont dès lors purement informatifs et dépourvus de tout caractère décisionnel, et ne sont pas de nature à avoir pu affecter la situation personnelle ou patrimoniale des demandeurs, voire de leurs enfants, de sorte à ne pas avoir valablement pu être attaqués devant le tribunal de céans.

3) Quant au recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la circulaire n°4089 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 janvier 2022 Pour autant que les demandeurs, en affirmant diriger leur recours « pour autant que de besoin » contre la circulaire n°4089 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 janvier 2022, dont les courriers du Directeur porteraient application, aient entendu se prévaloir d’une exception d’illégalité à l’encontre de celle-ci, telle que consacrée à l’article 95 de la Constitution, tel qu’en vigueur au moment de la prise de ladite circulaire, qui consiste en la contestation d’un acte réglementaire à l’occasion d’un recours contre une décision7 prise sur le fondement ou en application de celui-ci, et dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les actes attaqués ne sont pas à qualifier de décisions administratives, les demandeurs ne sauraient se prévaloir d’une telle exception d’illégalité.

Il s’ensuit, et sans qu’il soit besoin de statuer plus en avant, que le recours en réformation sinon en annulation dirigé contre les courriers du Directeur des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 février 2022, ainsi que contre la circulaire n°4089 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 janvier 2022 est à rejeter faute d’objet.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500,- euros telle que sollicitée par les demandeurs sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision du Directeur de la santé du 12 octobre 2021, irrecevable ratione temporis ;

rejette le recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre les actes du Directeur de l’enseignement fondamental de la Région 10 des 14 décembre 2021, 28 janvier, 1er et 7 7 Souligné par le tribunal.février 2022 ainsi que contre la circulaire n°4089 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 janvier 2022 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les demandeurs ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47306
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-19;47306 ?

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