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18/03/2024 | LUXEMBOURG | N°49050a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2024, 49050a


Tribunal administratif N° 49050a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49050 1re chambre Inscrit le 16 juin 2023 Audience publique 18 mars 2024 Recours formé par Monsieur A et consorts, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2023 par la sociét

é à responsabilité limitée Etude Sadler SARL, établie et ayant son siège social à L-16...

Tribunal administratif N° 49050a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49050 1re chambre Inscrit le 16 juin 2023 Audience publique 18 mars 2024 Recours formé par Monsieur A et consorts, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

__________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2023 par la société à responsabilité limitée Etude Sadler SARL, établie et ayant son siège social à L-1611 Luxembourg, 9, avenue de la Gare, inscrite à la liste V du Tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Noémie Sadler, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, déclarant être né le … à … (Soudan), alias …, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité soudanaise, et de son épouse, Madame A, déclarant être née le … à … et être de nationalité soudanaise, alias …, alias …, déclarant être née le … et être de nationalité soudanaise, agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineur, B, né le … à …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er juin 2023 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de l’enfant B dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à cette demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 juin 2023 ;

Vu le jugement du 10 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49050 du rôle, rendu par le premier juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Cathérine Warin, en remplacement de Maître Noémie Sadler, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 novembre 2023.

Le 1er juin 2021, Monsieur A, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur A », et son épouse, Madame A, alias …, alias …, ci-après dénommée « Madame A », les deux étant ci-après désignés par « les époux A », accompagnés de leurs enfants mineurs, C et D, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 14 juillet 2021, notifiée aux intéressés en mains propres le surlendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrecevable la demande de protection internationale des époux A en application de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015, étant donné qu’une protection internationale leur aurait été accordée par les autorités italiennes en date du 18 juin 2021.

Le recours introduit le 22 juillet 2021 à l’encontre de cette décision fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 18 août 2021, inscrit sous le numéro 46280 du rôle.

En date du 22 avril 2022, Madame A donna naissance à son fils B.

Le 14 juillet 2022, les époux A introduisirent une demande de protection internationale au nom de leur enfant mineur B.

Le 17 août 2022, les époux A se présentèrent au ministère afin d’expliquer les raisons pour lesquelles ils auraient introduit une demande de protection internationale au nom de leur fils.

Le 3 avril 2023, les époux A furent entendus séparément sur les motifs à la base de la demande de protection internationale de leur fils mineur.

Par décision du 1er juin 2023, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre refusa de faire droit à la demande de protection internationale de l’enfant B pour les motifs suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 14 juillet 2022 pour le compte de votre fils mineur B, né le … à …, Luxembourg, sur base de la loi modifiée du 18 décembre. 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Il ressort de votre dossier administratif que vous avez introduit des demandes de protection internationale au Luxembourg en date du 1er juin 2021 pour vous ainsi que pour le compte de vos deux enfants mineurs C, né le … à … au Soudan et D, née le … à … en Libye. Il en ressort également que vous êtes bénéficiaires d'une protection internationale en Italie, valable jusqu'au 9 mars 2025.

Vos demandes ont été déclarées irrecevables par décision ministérielle du 16 juillet 2021 puisqu'une protection internationale vous a déjà été accordée par un État membre. Par jugement du 18 août 2021, le Tribunal administratif a déclaré non-fondé votre recours intenté contre la décision ministérielle litigieuse. Votre réadmission a alors été programmée et validée pour le 4 février 2022 par les autorités italiennes, mais a dû être annulée en raison de votre hospitalisation, Madame. Le 22 avril 2022, vous avez donné naissance à votre fils, B, pour lequel vous avez introduit une demande de protection internationale.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande introduite pour le compte de votre fils B pour les raisons énoncées ci-après.

1.

Quant à vos déclarations concernant votre fils B En mains, les fiches de motifs établies en date des 2 et 17 août 2022 après l'introduction de la demande de protection internationale pour le compte de votre fils ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du ministère des Affaires étrangères et européennes du 3 avril 2023 sur les motifs sous-tendant la demande de protection internationale de ce dernier.

Il ressort du dossier administratif de votre fils qu'il est né le … à … au Grand-Duché de Luxembourg, qu'il est de nationalité soudanaise, d'ethnie Zaghawa et de confession musulmane.

Madame, Monsieur, à la base de la demande de protection internationale que vous avez introduite pour le compte de votre fils, vous exposez les mêmes motifs que ceux que vous auriez invoqués en Italie et ce qui vous auraient poussés à quitter le Soudan (p.2 du rapport d'entretien sur la demande de protection internationale de votre fils).

Monsieur, vous précisez que vous aimeriez protéger votre fils alors qu'au Soudan, il serait en danger de mort en raison de son ethnie et de sa couleur de peau. Vous précisez que « cet enfant est Soudanais de Darfour menacé par l'autorité et les Janjaouids » (p.1 de la fiche des motifs remplie le 16 août 2022). Vous ajoutez que vous auriez vous-même quitté le Soudan parce que vous auriez été attaqué par les Janjawid et que votre fils risquerait « les mêmes dangers » (p.3 du rapport d'entretien sur la demande de protection internationale de votre fils) que vous, plus précisément d'être persécuté, menacé voire même tué.

Madame, vous confirmez avoir introduit une demande de protection internationale pour le compte de votre fils pour les mêmes raisons énoncées ci-dessus par votre époux en précisant que votre fils « serait trié par les janjaweed » (p.4 du rapport d'entretien sur la, demande de protection internationale de votre fils) en raison de son ethnie et de sa couleur de peau noire.

A l'appui de la demande de protection internationale de votre fils, vous présentez deux documents, à savoir l'original de votre acte de mariage et la reproduction certifiée conforme à l'original de l'acte de naissance luxembourgeois de votre fils.

2. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de votre fils dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que sa demande de protection internationale tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-

dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 de La Loi de 2015 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

3. Quant à la motivation du refus de la demande de protection internationale de votre fils Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, la protection internationale se définit comme le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Madame, Monsieur, vous expliquez que vous craignez qu'en cas de retour au Soudan, votre fils soit persécuté en raison de son ethnie.

Force est d'emblée de constater que votre fils est né au Luxemburg et n'a donc jamais vécu au Soudan, de sorte qu'il ne lui est jamais rien arrivé personnellement et concrètement dans son pays d'origine.

Ensuite, je relève que vous restez très vagues dans vos explications, en tentant simplement de projeter sur votre fils vos prétendus problèmes au Soudan, et ce, sans, fournir le moindre élément concret permettant d'établir un risque réel d'être persécuté dans le chef de votre enfant.

Ainsi, les craintes que vous avancez doivent être considérées comme étant totalement hypothétiques. Or, des craintes hypothétiques, voire un sentiment général d'insécurité, ne saurait évidemment pas justifier l'octroi du statut de réfugié.

Ce constat vaut d'autant plus qu'il convient de rappeler que l'analyse d'une demande en octroi du statut de réfugié se fait par définition par rapport au risque du demandeur d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine. Or, dans la mesure où vous, en tant que parents et personnes responsables de B, disposez d'une protection internationale en Italie, votre enfant ne sera jamais éloigné au Soudan. Le risque de persécution est partant inexistant dans le chef de votre fils.

Partant, le statut de réfugié n'est pas accordé à votre fils mineur.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes gravés définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant, pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou compte tenu de ce risque, n'éteint pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que les craintes que vous avancez dans le chef de votre fils sont à considérer comme étant totalement hypothétiques, de sorte qu'elles ne sauraient justifier l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire n'est pas accordé à votre fils mineur.

La demande en obtention d'une protection internationale de votre fils est dès lors refusée comme manifestement non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, il est dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Soudan, ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2023, inscrite sous le numéro 49050 du rôle, les époux A ont introduit, au nom et pour le compte de leur fils mineur B un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 1er juin 2023 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à la demande de protection internationale et de celle lui ayant ordonné de quitter le territoire.

En application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, le premier juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif a, par jugement rendu en date du 10 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49050 du rôle, jugé que le recours n’est pas manifestement infondé, et a renvoyé l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A titre liminaire, le tribunal tient à relever que tout jugement non susceptible d’appel est frappé de l’autorité de chose jugée et que cette dernière s’attache tant au dispositif d’un jugement, qu’aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. Par contre, les considérations qui ne sont pas nécessaires à la solution - les obiter dicta - ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée.1 En vertu de ce principe, le tribunal ne tranchera plus ce qui a d’ores et déjà été jugé par le premier juge du tribunal administratif siégeant comme juge unique dans le jugement du 10 juillet 2023, à savoir la question de la recevabilité des recours, le juge unique ayant admis la recevabilité des recours en réformation, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’examiner ce point.

Il convient ensuite de constater qu’il résulte des enseignements de la Cour administrative que : « La Cour estime qu’il se dégage de la systémique instituée par l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 18 décembre 2015 que l’autorité de chose jugée attachée au jugement rendu dans une première phase par le juge unique vise sa seule appréciation quant au caractère manifestement infondé ou non du recours introduit par le demandeur de protection internationale. Il est évident qu’en cas d’un débouté de pareille demande, le juge unique doit rejeter tous les moyens présentés par le demandeur. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant la formation collégiale qui elle est appelée à statuer sur le fond du litige et non plus à refaire une nouvelle fois l’appréciation quant à la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée, cet examen étant épuisé par le jugement rendu par le juge unique. » 2.

Il s’ensuit que le tribunal n’examinera plus la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué sur la demande de protection internationale de l’enfant B dans le cadre d’une procédure accélérée et limitera par conséquent son analyse au fond du litige, à savoir le rejet de sa demande de protection internationale dans son double volet, ainsi que l’ordre de quitter le territoire.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Il échet de rappeler qu’à l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs soulignent être originaires du Darfour au Soudan, où ils auraient vécu paisiblement jusqu’en 2003, année pendant laquelle une milice armée appelée Janjaweed aurait commencé à attaquer les villages habités par des personnes d’ethnies non arabes afin d’acquérir leurs terres agricoles et les richesses. Dans la mesure où ils appartiendraient à l’ethnie Zaghawa, ils seraient persécutés.

Plusieurs membres de leur famille auraient été assassinés dans le cadre de ce conflit, de sorte qu’ils auraient pris la décision de se mettre en sécurité dans le camp de Nyala où ils se seraient maintenus jusqu’à leur départ vers l’Italie en 2017. Après que le statut de réfugié leur aurait été accordé par les autorités italiennes, ils auraient été confrontés aux défaillances 1 Voir M. Leroy, Contentieux administratif, 4e éd., Bruylant, p.759.

2 Cour adm., 11 février 2020, n° 43796C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

systémiques dans l’accueil des réfugiés qui régneraient en Italie, étant donné qu’ils auraient été contraints de vivre dans la rue et qu’ils n’auraient pas eu accès aux soins de santé, de sorte qu’ils auraient quitté l’Italie pour se rendre au Luxembourg où ils auraient introduit une nouvelle demande de protection internationale.

Quant au recours dirigé contre la décision refusant d’octroyer une protection internationale à l’enfant B, et plus particulièrement en ce que le ministre lui a refusé le statut de réfugié, les demandeurs font valoir que le ministre aurait commis un détournement de pouvoir, sinon une violation des droits de l’enfant consacrés par l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », l’article 5 a) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », et par la Convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la Convention relative aux droits de l’enfant », en soutenant que leur enfant n’aurait ni de statut ni de droits en Italie et que le renvoyer au Soudan, sinon en Italie, en ne tenant pas compte de ses intérêts supérieurs violerait les prédites dispositions.

Ils donnent encore à considérer à cet égard que l’enfant B serait exposé à des persécutions en raison de son appartenance à l’ethnie Zaghawa en cas de retour au Soudan.

Les persécutions dont ses parents auraient été victimes auraient été diligentées par une milice qui serait soutenue par le gouvernement soudanais, de sorte que les actes invoqués seraient imputables à des personnes qualifiées d’acteurs au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.

Ils exposent que la situation au Soudan serait « catastrophique » et que les combats auraient repris depuis le 15 avril 2023 à Khartoum et s’étendraient désormais à d’autres régions. Parmi les blessés lors de ces combats figureraient des civils. Ce serait cette situation qui aurait justifié en 2018 l’octroi du statut de réfugié en Italie.

En se basant sur l’article 4, paragraphe (3), point 3 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95/UE », ils donnent à considérer que l’absence de persécutions dans le chef de l’enfant B ne suffirait pas à justifier un refus de protection internationale, alors qu’il y aurait lieu de prendre en compte le risque d’être exposé à des persécutions.

Les consorts A reprochent encore au ministre de s’être désintéressé du sort de l’enfant, étant donné qu’il aurait été prévu de renvoyer la famille A en Italie à une date où Madame A était en fin de grossesse, et ce alors même qu’au moment de la prise de la décision d’irrecevabilité et de l’ordre de quitter le territoire, les autorités italiennes n’auraient pas pris position quant à l’enfant à naître.

Les demandeurs invoquent encore une violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés au motif :

(i) d’une violation des droits procéduraux et en l’occurrence de l’article 41, paragraphe (2), point c) de la Charte, ensemble avec l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal 8 juin 1979 », (ii) d’une violation des articles 1er et 4 de la Charte en raison de défaillances systémiques en Italie, les demandeurs se prévalant à cet égard, d’une part, de manière générale, de la situation dans ledit pays pour les bénéficiaires d’une protection internationale et des défaillances systémiques qui y existeraient, en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH » et à des prises de position d’organisations non-gouvernementales et institutions internationales à propos de la situation à laquelle seraient confrontés les bénéficiaires de protection internationale en Italie, et, d’autre part, de la particulière vulnérabilité de leur enfant, en faisant valoir qu’en cas de retour au Soudan, il serait exposé à des persécutions en raison de son appartenance à l’ethnie Zaghawa et qu’en Italie, il n’aurait pas de droit de séjour légal, et (iii) d’une violation du droit à l’application du principe de précaution et du principe de coopération loyale, les demandeurs se référant, à cet égard, aux articles 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») et 3 du Traité sur l’Union européenne (« TUE ») et faisant état de la situation mondiale due à la guerre en Ukraine, qui impliquerait qu’ils ne devraient pas être contraints avec leur fils à traverser l’Europe, et ce d’autant plus, que le ministre n’aurait pas exigé des autorités italiennes qu’ils les accompagnent dans leurs démarches en cas de retour.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs soutiennent que la situation humanitaire et sanitaire au Soudan serait telle qu’eux-mêmes ainsi que leur fils seraient exposés de nouveau au conflit et à la violence des camps de déplacés ce qui serait assimilable à des traitements inhumains et dégradants. Lesdits actes relèveraient d’une gravité suffisante au regard des exigences de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015. Ils expliquent, par ailleurs, ne pas pouvoir bénéficier d’une protection adéquate par les autorités soudanaises à l’encontre de ces atteintes graves.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens et précise que le ministre aurait, à raison, refusé d’octroyer une protection internationale à B.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et plus particulièrement du manque de motivation de la décision litigieuse allégué, qui engendrerait une violation des articles 41, paragraphe (2), point c) de la Charte et 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, il échet de préciser que l’article 41 de la Charte prévoit que « (1) Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

(2) Ce droit comporte notamment: (…) c) l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. » et garantit le droit à une bonne administration.

Or, les demandeurs ne sont pas fondés à reprocher un défaut de motivation au ministre sur le fondement de cet article, étant donné qu’il ressort clairement du libellé de cette disposition qu’elle ne s’adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union européenne3.

3 CJUE, 5 novembre 2014, Sophie Mukarubega contre Préfet de police, Préfet de la Seine-Saint-Denis, C-166/13, point 44 ; trib. adm., 1er mars 2021, n° 45437 du rôle.

Le moyen afférent encourt, dès lors, le rejet en ce qu’il est fondé sur l’article 41 de la Charte.

Quant à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, celui-ci prévoit que toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées limitativement, en l’occurrence celles refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, celles révoquant ou modifiant une décision antérieure, sauf si elles interviennent à la demande de l’intéressé et qu’elles y font droit, celles intervenant sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle, celles intervenant après procédure consultative, lorsqu’elles diffèrent de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elles accordent une dérogation à une règle générale, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

Il convient, en outre, de rappeler que la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse4.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, force est de constater, à la simple lecture des décisions litigieuses, que le ministre les a amplement motivées tant en droit qu’en fait, en ce qu’il a résumé les déclarations des demandeurs, indiqué les bases juridiques, à savoir les articles 27 (1) a) et 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015 et a, par ailleurs, procédé à l’examen de la situation de fait telle que présentée par les demandeurs à l’appui de la demande de protection internationale de leur enfant sur plusieurs pages.

Partant, le moyen des demandeurs basé sur un défaut de motivation des décisions ministérielles déférées est dès lors à rejeter pour être non fondé.

S’agissant ensuite de la légalité interne de la décision déférée, il échet de rappeler qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

4 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 93 et les autres références y citées.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Il échet, dans ce cadre, de préciser que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avère que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il convient encore de préciser qu’en vertu de l’article 2 p) de la loi du 18 décembre 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d’origine du demandeur, c’est-à-dire le pays dont il possède la nationalité, de sorte qu’en l’espèce, le risque de subir des persécutions ou des atteintes graves à l’égard de l’enfant B sera à évaluer par rapport au Soudan et que les développements des consorts A quant à l’Italie et plus particulièrement leur argumentation dans ce contexte basée sur les articles 1er et 4 de la Charte ainsi que les principes de précaution et de coopération loyale encourent le rejet pour défaut de pertinence dans le cadre de l’analyse du bien-fondé de la demande de protection internationale, étant donné que ledit argumentaire tourne quasi-exclusivement autour d’un retour en Italie, respectivement la prise en charge médicale de Madame A.

Ensuite, le tribunal est amené à préciser que, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, il doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Quant au fait que Mohammed est un enfant d’ethnie Zaghawa, le tribunal rappelle que ce dernier est né au Luxembourg et n’a jamais vécu dans son pays d’origine, de sorte que, par la force des choses, aucun risque de subir des actes de persécution, respectivement des atteintes graves ne saurait être déduit de son vécu personnel.

Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal qu’au Soudan, tous les enfants Zaghawa seraient, indépendamment de leur situation personnelle et du seul fait d’être des enfants et d’appartenir à l’ethnie Zaghawa, exposés à un risque réel de subir des actes d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution, étant encore relevé que dans la mesure où, à l’instar des autres membres de la famille de Mohammed, ses parents disposent du statut de réfugié leur accordé par les autorités italiennes, il n’existe aucune probabilité raisonnable que Mohammed serait effectivement forcé de se rendre au Soudan, que ce soit seul ou ensemble avec sa famille.

Il échet dans ce contexte de constater que les demandeurs se bornent à verser un extrait d’un arrêt de la Cour nationale du droit d’asile du 3 décembre 2018 ayant reconnu la qualité de réfugié à un ressortissant soudanais d’ethnie Zaghawa « au terme d’une analyse géopolitique minutieuse permettant de mettre en perspective, pour souligner leur continuité, les persécutions subies par les membres de cette communauté au Darfour depuis 2003 » et en retenant qu’« un requérant doit pouvoir être reconnu réfugié sans avoir nécessairement à démontrer qu’il a déjà subi des persécutions dans le passé ». Or, il convient de retenir, d’un côté, que les demandeurs restent en défaut de formuler ne serait-ce qu’un début d’argumentation sur base de cet arrêt et n’ont pas soumis des éléments au tribunal lui permettant de mener une « analyse géopolitique minutieuse » à cet égard et, d’un autre côté, que ledit arrêt date de 2018, soit d’une époque avant la chute du régime d’al-Bashir5 ayant conduit à un changement politique dans la région.

Si les demandeurs décrivent encore dans le cadre du volet de leur recours contre le refus du ministre d’accorder à leur fils B le statut de réfugié la « situation (…) catastrophique » au Soudan en faisant référence aux combats qui y ont éclaté le 15 avril 2023 à Khartoum et en soulignant qu’un seul hôpital serait encore ouvert, il n’en reste pas moins que, d’un côté, indépendamment du fait que de tels circonstances ne sont, à défaut de précisions supplémentaires par les demandeurs, pas susceptibles de tomber parmi l’un des cinq critères de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève », à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance du demandeur à un certain groupe social ou ses convictions politiques, les demandeurs restent en défaut de mettre ces combats en lien avec la situation particulière de leur fils et, d’un autre côté, ils ne sont pas originaires de la région de Khartoum mais du Darfour.

Si l’article de l’UNHCR non daté versé par les demandeurs dans ce contexte fait référence à une aggravation de la situation humanitaire au Soudan à la suite de la destitution d’Omar al-Bashir en 2019 et une augmentation des conflits intercommunautaires dans la région est du Darfour, il n’en reste pas moins, à défaut de précisions par les demandeurs à cet égard, qu’il n’en ressort pas que d’une façon générale chaque enfant soudanais d’ethnie Zaghawa encourrait un risque de faire l’objet de persécutions en raison de son appartenance à ladite ethnie en cas de retour dans son pays d’origine.

La crainte des époux A de voir leur fils exposé à des actes de persécution au Soudan pour être un enfant d’ethnie Zaghawa est, dès lors, purement hypothétique.

Partant, au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à constater que le ministre a, à bon droit, retenu que les faits relatés par les parents de l’enfant B ne permettaient pas l’octroi du statut de réfugié dans le chef de ce dernier, de sorte que le recours encourt le rejet pour ne pas être fondé sur ce point.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

5 Cour adm., 21 mars 2023, n° 48442C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans la mesure où les demandeurs, malgré le fait qu’ils expliquent (i) avoir fui une « zone de guerre en raison des violences et persécutions menées à l’encontre de l’ethnie à laquelle ils appartiennent », (ii) que « la situation au Soudan ne [ferait] que s’aggraver » et (iii) que la « situation humanitaire et sanitaire au Soudan [serait] telle, qu’il ne [ferait] aucun doute [qu’ils] ser[aie]nt de nouveau exposé au conflit et à la violence des camps de déplacés » n’invoquent pas de crainte de faire l’objet d’atteintes graves au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, mais se réfèrent exclusivement à l’article 48, point b) de la même loi, l’analyse du tribunal se limitera à leur crainte que leur fils subisse des atteintes graves au sens de cette dernière disposition légale.

Il échet de rappeler dans ce contexte que si le tribunal est investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré. Son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de l’administré. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient au demandeur d’établir que la décision déférée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation6.

Quant au risque de subir les atteintes graves définies à l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal constate qu’à l’appui de la demande de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent en substance les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de la demande de reconnaissance du statut de réfugié.

A cet égard, le tribunal ne peut que réitérer ses constatations faites dans le cadre de l’analyse de la demande du statut de réfugié, à savoir que les risques avancés par les demandeurs dans le chef de leur fils sont essentiellement hypothétiques, de sorte qu’ils ne peuvent pas non plus permettre l’octroi d’une protection subsidiaire sur base du point b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’enfant B.

2) Quant au recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Les demandeurs demandent l’« annulation » de l’ordre de quitter le territoire, tout en invoquant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Ils soutiennent que cet ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre de leur fils vers le Soudan n’aurait « définitivement aucun sens », étant donné qu’eux-mêmes seraient a priori orientés vers un retour en Italie. En rappelant que leur enfant n’aurait aucun titre de séjour légal en Italie, ils donnent à considérer que la décision entreprise entendrait soit envoyer leur fils dans un pays lointain en le séparant de sa famille, soit le promettre à un statut illégal en Italie. Ils ajoutent que leur ethnie, à laquelle leur fils appartiendrait également, ferait, en outre, l’objet de persécutions perpétuelles depuis 20 ans. Enfin, ils font valoir que l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre de leur fils vers le Soudan ou l’Italie entraînerait dans son chef un risque de subir des traitements inhumains et dégradants.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il estime que le moyen tiré de la violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 serait à rejeter comme étant inopérant, alors qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la même loi, les dispositions de celle-ci ne seraient pas applicables aux demandeurs de protection internationale.

Il précise encore que, le ministre n’ayant à se prononcer que sur les craintes d’un demandeur de protection internationale en cas de retour dans son pays d’origine, donc en l’espèce le Soudan et non l’Italie, la décision entreprise tiendrait finalement compte, dans le cadre de la décision de retour, tant de la vie familiale que de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de 6 Trib. adm., 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 31 et les autres références y citées.

quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre.

Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est a priori la conséquence automatique du refus de protection internationale, de sorte que dans la mesure où le tribunal vient de rejeter le recours dirigé à l’encontre de la décision ministérielle portant rejet de la demande de protection internationale de l’enfant B, c’est a priori à bon droit que le ministre a ordonné à ce dernier de quitter le territoire luxembourgeois.

Le tribunal relève ensuite que, si, certes, l’argumentation des demandeurs ayant trait à une violation (i) des droits de l’enfant consacrés par l’article 24 de la Charte, l’article 5 a) de la directive 2008/115, et la Convention relative aux droits de l’enfant, (ii) des articles 1er et 4 de la Charte et (iii) du droit à l’application du principe de précaution et du principe de coopération loyale est développée dans la partie du recours dirigé contre le refus d’une protection internationale dans le chef de leur fils, force est néanmoins de constater qu’ils soutiennent, dans cette partie de leur recours, que leur enfant n’aurait ni statut ni droits en Italie, et que le fait de le renvoyer au Soudan, sinon en Italie en ne tenant pas compte de ses intérêts supérieurs violerait les prédites dispositions. Ainsi, de l’entendement du tribunal, les époux A ont, en réalité, entendu viser par cette argumentation l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’égard de leur enfant, de sorte que le tribunal procédera à l’analyse de ce moyen dans les développements qui suivent.

S’agissant plus particulièrement du moyen fondé sur une violation de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’article 24 de la Charte dispose que : « 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

3. Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ».

Il ressort de cette disposition que l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

A cet égard, il échet de rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne, ci-

après désignée par « CJUE », a retenu (i) dans un arrêt du 14 janvier 20217 que l’article 6, paragraphe (1) de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 5 a) de cette directive et l’article 24, paragraphe (2) de la Charte, doit être interprété en ce sens que, avant de prendre une décision de retour à l’encontre d’un mineur non accompagné, l’Etat membre concerné doit effectuer une appréciation générale et approfondie de la situation de ce mineur, en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, et (ii) dans un arrêt du 11 mars 20218, que l’article 5 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 24 de la Charte imposait aux Etats membres de tenir dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant 7 CJUE, 14 janvier 2021, TQ contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, C-441/19.

8 CJUE, 11 mars 2021, M.A. contre Etat belge, C-112/20.

avant d’adopter une décision de retour, même lorsque le destinataire de cette décision n’est pas le mineur lui-même, mais le père de celui-ci.

Dans une ordonnance récente du 15 février 2023, la CJUE a plus particulièrement précisé que les articles 5 a) de la directive 2008/115 et 24, paragraphe (2) de la Charte exigeaient de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant à tous les stades de la procédure, en renvoyant à cet égard à son prédit arrêt du 14 janvier 2021, et que l’article 5 b) de ladite directive obligeait les Etats membres à tenir également compte de la vie familiale, en renvoyant dans ce contexte à son prédit arrêt du 11 mars 20219 avant de conclure que l’article 5 de la directive 2008/115 s’opposait à ce qu’un Etat membre adopte une décision de retour sans prendre en compte les éléments pertinents de la vie familiale du ressortissant d’un pays tiers concerné10. Elle y a également retenu qu’avant de prendre une décision de retour à l’égard d’un mineur, l’Etat membre concerné devait effectuer une appréciation générale et approfondie de la situation de ce mineur, en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant11, avant de conclure que l’article 5, a) et b), de la directive 2008/115 devait être interprété en ce sens qu’il exige que l’intérêt supérieur de l’enfant et la vie familiale de celui-

ci soient protégés dans le cadre d’une procédure conduisant à l’adoption d’une décision de retour prononcée à l’égard d’un mineur, et qu’il ne suffisait pas que ce dernier puisse invoquer ces deux intérêts protégés dans le cadre d’une procédure subséquente, relative à l’exécution forcée de ladite décision de retour afin d’obtenir, le cas échéant, un sursis à cette exécution12.

En l’espèce, l’ordre de quitter le territoire déféré enjoint à l’enfant B de quitter le territoire luxembourgeois en direction (i) du Soudan, le pays dont il a la nationalité, ou (ii) de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Tout d’abord, il échet de relever que les époux A sont a priori susceptibles d’être renvoyés en Italie, pays dans lequel ils disposent du statut de réfugié.

Ainsi, force est de constater que l’enfant B se trouverait dans l’impossibilité de se rendre au Soudan accompagné de sa famille, alors qu’ordonner le contraire entraînerait dans le chef des époux A et de la fratrie de l’enfant B la violation du principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève.

Ensuite, quant à l’ordre de quitter le territoire vers le pays dans lequel l’enfant B serait autorisé à séjourner, il y a lieu de constater qu’aucun document n’est versé en cause duquel il se dégagerait qu’un tel pays existe dans son chef.

A cet égard, si le ministre a entendu viser l’Italie, pays dans lequel les époux A et la fratrie de l’enfant B peuvent légalement séjourner, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier administratif que l’enfant B serait autorisé à entrer et séjourner sur le territoire italien, ce qui n’a d’ailleurs pas été soutenu par la partie étatique.

Ainsi, il ressort de ces développements qu’ordonner à l’enfant B de quitter le territoire luxembourgeois pour aller au Soudan, pays dont il a la nationalité et seul pays dans lequel il pourrait éventuellement se rendre, équivaudrait à le renvoyer seul dans ledit pays, ce qui est, 9 CJUE, 15 février 2023, Bundesrepublik Deutschland contre GS, C-484/22, point 24.

10 Ibid., point 25.

11 Ibid., point 26.

12 Ibid., point 28.

au vu des enseignements de la CJUE tels que mentionnés ci-avant, manifestement contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, consacré notamment à l’article 24 de la Charte.

Cette analyse n’est pas autrement remise en cause par les arguments de la partie étatique énoncés lors de l’audience des plaidoiries, consistant à soutenir que l’enfant ne serait évidemment pas envoyé au Soudan, le tribunal étant amené à rappeler, dans ce contexte, que l’ordre de quitter le territoire est exécutoire à partir du moment où il devient définitif.

Partant, au vu des considérations qui précèdent, le recours en réformation est à déclarer fondé en ce qu’il est dirigé contre la décision ordonnant à l’enfant B de quitter le territoire luxembourgeois vers le Soudan ou tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner, de sorte que cet ordre de quitter le territoire encourt l’annulation dans le cadre de la réformation, sans qu’il ne soit nécessaire de statuer plus en avant sur les autres moyens, une telle analyse devenant surabondante.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens de l’instance et de les imputer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi par jugement du 10 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49050 du rôle, rendu par le premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président de la première chambre du tribunal administratif ;

vidant ledit jugement du 10 juillet 2023 ;

déclare non justifié le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 1er juin 2023 portant refus d’une protection internationale ;

déboute l’enfant B de sa demande de protection internationale ;

déclare justifié le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, partant annule, dans le cadre de la réformation, l’ordre de quitter le territoire du 1er juin 2023 ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié aux demandeurs et pour moitié à l’Etat.

Ainsi jugé par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, et lu à l’audience publique du 18 mars 2024 par le vice-président Daniel Weber, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49050a
Date de la décision : 18/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-18;49050a ?

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