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08/03/2024 | LUXEMBOURG | N°46523

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mars 2024, 46523


Tribunal administratif N° 46523 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46523 5e chambre Inscrit le 4 octobre 2021 Audience publique du 8 mars 2024 Recours formé par Madame X et consort, …, contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46523 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2021 par la société en commandite simple

Bonn Steichen & Partners SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11,...

Tribunal administratif N° 46523 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46523 5e chambre Inscrit le 4 octobre 2021 Audience publique du 8 mars 2024 Recours formé par Madame X et consort, …, contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46523 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2021 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame X et de son mari, Monsieur Y, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes datées du 1er juillet 2021, référencées sous les numéros C29318 et C29316, rejetant comme non fondée leur réclamation introduite à l’encontre des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, respectivement des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2010 à 2014, tous émis le 20 janvier 2021 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 février 2022 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners SCS, pour le compte de ses mandants, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions directoriales déférées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol Melina, en remplacement de Maître Alain Steichen, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 décembre 2023.

Il ressort des explications de part et d’autre qu’en date du 12 octobre 2020, une entrevue eut lieu dans les bureaux du service de révision de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « service de révision », entre Madame X, un représentant de la société anonyme A, ci-après désignée par la « société A », du service de révision et du bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition ». Le service de révision dressa, par la suite, un compte-rendu qui fit état des constatations suivantes :

1 Compte rendu Du Service de Révision et du Bureau d’imposition … concernant le contrôle sur place Du contribuable Y-X … fait sur demande du préposé du bureau d’imposition … et portant sur les exercices 2010 à 2018 inclusivement.

Table des matières A. Données générales ……………………………………………………………………………………………. 3 1. Motif de la vérification : ……………………………………………………………………………….. 3 3. Date de clôture de l’exercice ………………………………………………………………………… 4 4. Déclarations et impôts contrôlés : …………………………………………………………………. 4 5. Objet de l’entreprise : …………………………………………………………………………………… 4 Pharmacie …………………………………………………………………………………………………………. 4 6. Forme juridique de l’entreprise ……………………………………………………………………. 4 7. Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place : ………………….. 4 8. Agents de l’Administration des contributions directes ………………………………………. 4 B. Comptabilité …………………………………………………………………………………………………….. 5 9. Quant à la fouine ………………………………………………………………………………………….. 5 C. Constatations spéciales ……………………………………………………………………………………… 5 10. Système POS ………………………………………………………………………………………………. 5 11. Fournisseurs: ………………………………………………………………………………………………. 6 12. Fichiers D-Delta ………………………………………………………………………………………….. 7 13. Entrevue sur place du 12/10/2020 l’après-midi ……………………………………………….. 7 14. Conclusion finale ………………………………………………………………………………………… 7 A. Données générales 1. Motif de la vérification :

a. Avis Service Révision ;

b. 205(1) AO pour ;

c. § 222(1) et (2) AO pour ; faits nouveaux suivant constations faites lors du contrôle de la société A par le service de révision ;

d. Courriel de M. … du 14.09.2018 ;

e. Comptabilisation non conforme.

i. Chiffre d’affaire évalué par marge bénéficiaire et flux bancaires « Bonjour Monsieur …, Pour les années 2014 et 2015, le chiffre d’affaires des clients A était établi suivant les encaissements effectués, augmentés par les clients ouverts en clôture d’exercice.

Cela était dû, du fait que les prologiciels des officines que ce soient …, …, …, … étaient destinés pour une gestion de stock et pour la communication avec la CNS (part du prix 2 médicament pris en charge par la CNS).

Les pharmaciens et leurs personnels utilisaient le système dans l’optique décrite ci-

dessus et non dans une optique comptable. Ce qui ne nous permettait pas d’exploiter les données du progiciel.

Durant l’année 2016, l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines a procédé à un contrôle de toutes les pharmacies, sur les années antérieures et a pris comme principe que les chiffres produits par le système devaient être fiables et que le chiffre d’affaires généré par le système informatique devienne par extension une pièce comptable probante.

A a annoncé à ses clients la position de l’AED et a attiré leur attention sur la nécessité de maitriser leur outil informatique afin de générer le moins de différence possible entre la réalité et leur comptabilisation dans le système informatique. De même A a informé les fournisseurs de prologiciels du besoin de ceux-ci à adapter leurs programmations dans le sens demandé par l’AED.

Les conclusions de l’administration de l’enregistrement arrivant courant 2017, il a été impossible pour les pharmaciens de corriger leurs procédures en 2016.

Pour 2016, A a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système avec une tolérance maximum de 0.5% du chiffre d’affaires.

Pour 2017, A a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système.

J’espère avoir répondu à votre question.

N’hésitez pas à me joindre pour toute information.

Je vous prie, Monsieur …, de bien vouloir accepter mes salutations les meilleures. A Gilles … » Cette déclaration faite par A laisse douter à la fiabilité de la comptabilité et donc les conditions pour procéder à une imposition rectificative suivant § 222 (1) et (2) (neue Tatsachen) sont remplies 2. Constations faites lors du contrôle fiscal de la société B S.A. par le service de Révision.

3.

Date de clôture de l’exercice :

le 31 décembre 4.

Déclarations et impôts contrôlés :

Impôt commercial communal des exercices fiscaux 2010 à 2018 inclusivement 5.

Objet de l’entreprise :

Pharmacie 6.

Forme juridique de l’entreprise :

3 Exploitant individuel 7.

Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place :

Mme Y-X ; A : M. … 8.

Agents de l’Administration des contributions directes SERREV: …; …; … B.I. …: M. … (préposé-adjoint), B.

Comptabilité 9.

Quant à la forme :

La loi générale des impôts impose la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§160 et 162 AO) quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise.

A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de la continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond (§208 (1) AO). A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le §160 AO impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.

Le contribuable dispose d’une comptabilité en partie double informatisée.

Pour les années 2010 à 2018 les pièces comptables informatisées suivants ont été présentées:

• La balance des comptes généraux pour 2010-2012 • Les fichiers FAIA/SAF-T pour 2013-2018;

• Les fichiers du système POS L’analyse des fichiers à révéler des différences entre le chiffre d’affaire enregistrés dans les système POS et la comptabilité fournies sous format FAIA.

C.

Constatations spéciales 10.

Système POS :

Les montants enregistrés dans le système POS diffère du Chiffre d’affaire enregistré dans la comptabilité (fichiers FAIA).

4 La caisse enregistreuse présente un nombre élevé d’annulation. Une explication concluante pour ces annulations élevées n’a pas pu être donnée.

Les annulations excessives par rapport du chiffre d’affaire justifient l’application d’une marge de sécurité (TA 39260).

11.

Fournisseurs:

a. B i. Factures récapitulatives 1. Ok Mais pas d’indication sur les fournitures gratuites et ou avec remises ii. Factures générales 1. néant 2. Elle devrait, selon AED, contenir des informations sur les fournitures gratuites 3. Cependant NS- ACD 5 Valeur des articles gratuits, escomptes et remises reçus :

12. Fichiers D-Delta Mme Y a soumis des nouveaux fichiers afin de réévaluer les montants de la taxation.

Lors du second envoie, elle a remis aussi les fichiers D-Delta qui permettent de falsifier l’affichage du relevé de caisse. Les montants des fichiers D-Delta et les taxations initiales sont les suivantes.

13. Entrevue sur place du 12/10/2020 l’après-midi Présent • Administration des contributions directs :

o …(BI … /préposé-adjoint) o … (Serrev) o … (Serrev) o … (Serrev) • A o M. … (en retard) • …/… o / • Contribuable o Mme Y-X Lors de l’entrevue divers sujets ont été abordés.

En ce qui concerne les factures de vétérinaires, Mme Y confirme qu’elle n’a pas de factures de vétérinaires.

En ce qui concerne les trous dans les « id internes » et « n° de ticket », Mme Y n’a pas d’explication. Elle dit ne pas savoir d’où viennent ces trous En ce qui concerne l’usage de la caisse, Mme Y a avoué avoir utilisé le Delta D. Elle dit avoir pris +/- 100 par jour. Elle avoue également l’avoir utilisé entre 2008 - 2013 et avec le système caisse ….

En ce qui concerne l’application de la marge, Mme Y ainsi que M. … ne sont pas stupéfaits de l’application la marge. Mme Y confirme même le taux de 1,47% de marge et dis même que celui-ci est trop élevé de nos jours et que la marge serait aujourd’hui moins 6 significative.

14. Conclusion finale Suite à l’envoie des nouveaux fichiers, incluant le fichier D_Delta pour les années 2010 à 2014. Les majorations initialement prévue peuvent d’être maintenu étant donné que les fichiers D-Delta confirme les montants de la taxation.

Le Service Révision est d’avis que le §396(6) AO est applicable et qu’une dénonciation auprès des autorités judiciaires s’avère nécessaire. ».

Par courrier du 13 novembre 2020, le bureau d’imposition informa Madame X qu’il envisageait de s’écarter des déclarations fiscales pour les années 2010 à 2014 sur le fondement du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et d’effectuer les redressements suivants, tout en l’invitant à présenter ses observations éventuelles pour le 4 décembre 2020, au plus tard : « […] ➢ Majoration des recettes de l’exercice 2010 :

… € ➢ Majoration des recettes de l’exercice 2011 :

… € ➢ Majoration des recettes de l’exercice 2012 :

… € ➢ Majoration des recettes de l’exercice 2013 :

… € ➢ Majoration des recettes de l’exercice 2014 :

… € […] ».

Par courrier du 1er décembre 2020, Madame X fit parvenir ses observations en indiquant s’opposer aux majorations des recettes et en indiquant que « Je vous ai envoyé un export de données le 27/11/2020, et je joins à cette lettre une exemple de l’informaticien, pour expliquer les lignes supprimées que vous avez constatées. […]. » En date du 20 janvier 2021, le bureau d’imposition Mersch émit à l’égard Madame X et de son époux, Monsieur Y, imposés collectivement, des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu sur le fondement du § 218, alinéa (4) AO, sur lesquels figura notamment la mention « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants » et « Rectification svt nouveau renvoi bureau d’imposition … ».

En date du 20 janvier 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard de Madame X des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014 sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, sur lesquels figura la mention « Majoration des recettes communiquée lors de notre entrevue du 12.10.20 et par notre courrier du § 205(3) AO du 13.11.20. L’analyse des fichiers fournis en date du 27.11.20 confirme les montants de notre taxation. ».

Par courrier du 23 avril 2021, réceptionné le 26 avril 2021, Madame X et son époux firent introduire une réclamation contre, d’une part, lesdits bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, et, d’autre part, lesdits bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2010 à 2014, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par décision du 1er juillet 2021, référencée sous le numéro C 29316, le directeur rejeta la réclamation, dans son volet visant les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des 7 années 2010 à 2014, comme non fondée, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 23 avril 2021 par Me Pol Mellina, au nom de la dame X, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial et contre les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, tous émis en date du 20 janvier 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu l’article 4, alinéa 1er de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crises ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la lo ;

qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO), dans les forme (§249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial et les bulletins de la base d’assiette des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 furent émis, à l’origine, respectivement le 29 décembre 2011, le 5 juin 2013, les 2 janvier et 5 novembre 2014 et le 21 octobre 2015 ; que ces bulletins ont à présent été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO par des bulletins rectificatifs émis en date du 20 janvier 2021 ; qu’il s’ensuit que les réclamations parvenues le 23 avril 2021 n’ont été valablement introduites dans le délai de trois mois qu’à l’égard des bulletins rectificatifs des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir établi des impositions rectificatives sur base d’un bénéfice commercial illégitimement redressé et d’avoir majoré notamment l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2010 sans tenir compte de la prescription décennale, accomplie au 31 décembre 2020 ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010, émis à l’origine le 21 août 2013, a été remplacé une première fois par un bulletin rectificatif émis le 11 septembre 2013 et une seconde fois par le bulletin rectificatif en cause, émis le 20 janvier 2021;

8 que l’émission du bulletin rectificatif incriminé étant intervenu plus de dix ans après la naissance de la dette d’impôt, les réclamants font valoir que l’impôt fixé à travers lui serait atteint par la prescription ;

Considérant que la prescription étant d’ordre public en matière d’impôts directs, il y a lieu de vérifier d’office si les conditions d’application de celles-ci sont données ;

Considérant qu’aux termes du § 223 AO, un impôt prescrit ne peut plus faire l’objet d’un bulletin d’impôt ;

Considérant qu’en vertu de l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans, délai qui est porté à dix ans en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte ; que suivant l’alinéa 3 de l’article 10, la prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née ;

Considérant que suivant les développements qui précèdent, le délai de prescription de l’impôt sur le revenu de l’année 2010 a débuté le 1er janvier 2011 et la prescription aurait été accomplie au 1er janvier 2016 si la rectification du bulletin d’origine n’aurait été établie sur base d’un bulletin d’établissement séparé émis en vertu des dispositions du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO; que le délai de prescription, ainsi porté à dix ans en principe, a néanmoins pris fin le 1er janvier 2021 ;

Considérant cependant qu’en vertu de l’article 4, alinéa 1er de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, le délai de prescription des créances du Trésor ainsi que toutes les créances dont le recouvrement est confié au receveur de l’Administration des contributions directes qui expire jusqu’au 31 décembre 2020 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021; que l’impôt sur le revenu de l’année 2010, dont le délai de prescription aurait en principe pris fin le 1er janvier 2021 n’était donc pas atteint par la prescription au moment de l’émission du bulletin litigieux, le délai ayant été prorogé jusqu’au 31 décembre 2021;

Considérant que le bénéfice commercial réalisé par la réclamante grâce à l’exploitation de sa pharmacie respectivement durant les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 a été établi séparément, conformément au § 214, n° 1 AO par le bureau d’imposition d’… ; que les bulletins de l’établissement séparé de ce bénéfice ont été émis en date du 20 janvier 2021 et notifiés à l’adresse de la réclamante ;

Considérant qu’au vœu du § 218, alinéa 4 AO, les bases d’imposition fixées par un bulletin d’établissement séparé rectificatif sont reprises dans le bulletin d’impôt du contribuable concerné, en vue de la fixation de la cote d’impôt sur le revenu lui applicable ;

Considérant que le bureau d’imposition est lié par le § 218, alinéa 4 AO lorsqu’un revenu net mis en compte résulte d’un bulletin d’établissement séparé ; que cette sujétion s’étend à la catégorie du revenu fixée à travers ce bulletin ;

Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ;

9 Considérant qu’une telle réclamation peut être formée, en vertu du § 232, alinéa 2 AO, contre les bulletins portant établissement séparé seulement, en l’espèce notamment contre les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, tous émis le 20 janvier 2021 ;

Considérant d’ailleurs que les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial ont fait, eux aussi, l’objet de réclamations, enregistrées au répertoire sous le n° C 29318, et qu’une réformation de ces bulletins entraînera d’office, le cas échéant, un redressement des bulletins de l’impôt sur le revenu, conformément au § 218, alinéa 4 AO ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par décision séparée du 1er juillet 2021, référencée sous le numéro C 29318, le directeur rejeta la réclamation, dans son volet visant les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, comme non fondée, dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 23 avril 2021 par Me Pol Mellina, au nom de la dame X, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs d’établissement séparé du bénéfice commercial et contre les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, tous émis en date du 20 janvier 2021;

Vu le dossier fiscal ;

Vu l’article 4, alinéa 1er de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO), dans les forme (§249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial et les bulletins de la base d’assiette des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 furent émis, à l’origine, respectivement le 29 décembre 2011, le 5 juin 2013, les 2 janvier et 5 novembre 2014 et le 21 octobre 2015; que ces bulletins ont à présent été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO par des bulletins rectificatifs émis en date du 20 janvier 2021; qu’il s’ensuit que les réclamations parvenues le 23 avril 2021 n’ont été valablement introduites dans le délai de 10 trois mois qu’à l’égard des bulletins rectificatifs des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir majoré les bénéfices initialement imposés au titre des années 2010 à 2014 sur base d’une taxation des recettes injustifiée et d’avoir majoré notamment l’impôt commercial communal de l’année 2010 sans tenir compte de la prescription décennale, accomplie au 31 décembre 2020 ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que les bulletins d’établissement séparé du bénéfice commercial et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2010, émis à l’origine le 29 décembre 2011, ont été remplacés par des bulletins rectificatifs émis le 20 janvier 2021 ; que l’émission de ces bulletins rectificatifs étant intervenue plus de dix ans après la naissance de la dette d’impôt, la réclamante fait valoir que l’impôt fixé à travers le bulletin de l’impôt commercial communal serait atteint par la prescription ;

Considérant que la prescription étant d’ordre public en matière d’impôts directs, il y a lieu de vérifier d’office si les conditions d’application de celles-ci sont données ;

Considérant qu’aux termes du § 223 AO, un impôt prescrit ne peut plus faire l’objet d’un bulletin d’impôt ;

Considérant qu’en vertu de l’article 10, alinéa 1er de la loi du 27 novembre 1933, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans, délai qui est porté à dix ans en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte ; que suivant l’alinéa 3 de l’article 10, la prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née ;

Considérant que suivant les développements qui précèdent, le délai de prescription de l’impôt commercial communal de l’année 2010 a débuté le 1er janvier 2011 et la prescription aurait été accomplie au 1er janvier 2016 si la rectification du bulletin d’origine n’aurait été établie sur base d’un bulletin rectificatif émis en vertu des dispositions du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO ; que le délai de prescription, ainsi porté à dix ans en principe, a néanmoins pris fin le 1er janvier 2021 ;

Considérant cependant qu’en vertu de l’article 4, alinéa 1er de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, le délai de prescription des créances du Trésor ainsi que toutes les créances dont le recouvrement est confié au receveur de l’Administration des contributions directes qui expire jusqu’au 31 décembre 2020 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021; que l’impôt commercial communal de l’année 2010, dont le délai de prescription aurait en principe pris fin le 1er janvier 2021, n’était donc pas atteint par la prescription au moment de l’émission des bulletins litigieux, le délai ayant été prorogé jusqu’au 31 décembre 2021 ;

11 Considérant qu’ayant fait l’objet d’un contrôle approfondi effectué par le bureau d’imposition assisté dans sa tâche par le service de révision de l’administration des contributions directes, les enregistrements et pièces comptables relatifs à l’exploitation de la pharmacie de la requérante furent qualifiés de non probants, car présentant certaines irrégularités qui se manifestèrent notamment par l’existence d’une disparité apparente entre les recettes d’exploitation comptabilisées et les recettes enregistrées par le logiciel de traitement des ventes, le défaut de toutes pièces justificatives permettant de vérifier les entrées de marchandises et les stocks, ainsi qu’un nombre élevé de transactions et de rectifications supprimées, qui ne purent trouver de justification satisfaisante ; qu’il fut notamment établi que le chiffre d’affaires des années 2010 à 2014 avait été déterminé sur base des sommes constatées en caisse et en banque à certaines dates précises, enregistrées d’après un système de comptabilisations synthétiques confus au moyen d’extournes successivement débitées et créditées sur différents comptes de bilan et de résultat, occultant les origines et emplois des montants comptabilisés, procédé que la fiduciaire chargée de la comptabilité justifia par la spécificité des logiciels comptables, destinés à assurer une gestion précise des stocks adaptée aux exigences de la Caisse nationale de santé et non aux conditions liées à la tenue d’une comptabilité commerciale réglementaire ; que suite à une entrevue dans les bureaux du service d’imposition, le 12 octobre 2020, entre la requérante, accompagnée d’un représentant de la fiduciaire chargée de la comptabilité de sa pharmacie, et les contrôleurs des contributions, le bureau lui adressa, en date du 13 novembre 2020, un courrier répondant aux exigences du § 205, alinéa 3 AO l’avisant qu’il entendait procéder à des majorations des bénéfices précédemment soumis à l’impôt par voie d’une taxation des recettes d’exploitation supplémentaires telles que dégagées du contrôle effectué et l’invitant à prendre position par rapport à ces redressements ; que malgré les données encore transmises au bureau d’imposition suite à ce courrier, et la contestation, exprimée par la requérante dans un courrier rédigé le 1er décembre 2020, quant aux majorations des recettes d’exploitation, celui-ci émit les impositions rectificatives conformément à ses annonces, ajoutant respectivement aux recettes déclarées à l’origine des montants de … euros pour l’année 2010, … euros pour l’année 2011, … euros pour l’année 2012, … euros pour l’année 2013 et … euros pour l’année 2014 ;

Considérant que dans le cadre de sa requête, la réclamante fait valoir, en premier lieu, qu’en dépit du courrier mentionné, ses droits n’auraient pas été respectés par le bureau d’imposition qui n’aurait tenu compte de la procédure contradictoire qu’en apparence, sans véritablement lui permettre de réagir en connaissance de cause ; qu’ainsi, le bureau d’imposition ne lui aurait pas communiqué le compte rendu du contrôle effectué ni expliqué de quelle façon les montants rajoutés aux bénéfices initialement imposés avaient été établis ; que sans savoir de quelle façon le bureau d’imposition avait déterminé les montants qu’il se proposait d’ajouter aux recettes déclarées, elle n’aurait pas été en mesure de s’en défendre ;

Considérant néanmoins que le courrier en question, au-delà de chiffrer les majorations de bénéfices retenues, fit encore référence à l’entrevue du 12 octobre 2020 au bureau d’imposition, entrevue qui eut lieu justement en vue de permettre un échange portant sur les vérifications des livres et pièces comptables, avec le concours du service de révision, par le bureau d’imposition ; que la requérante, impliquée dans la procédure de contrôle tout comme l’était son comptable, était nécessairement au courant des irrégularités constatées, celles-ci ayant fait l’objet des discussions menées lors de cette entrevue ; que la requérante explique néanmoins que, le courrier du 13 novembre ne faisant pas état d’indices concrets sur base desquels la comptabilité aurait été reconnue comme irrégulière, elle n’aurait pas été en mesure 12 de fournir les explications nécessaires qui auraient pu permettre de justifier les montants initialement déclarés ; qu’elle s’appuie notamment sur la doctrine allemande pour faire valoir son droit d’obtenir communication du rapport du réviseur ;

Considérant qu’en vertu du § 205, alinéa 3 AO, des divergences notables en défaveur du contribuable doivent lui être communiquées pour observation préalablement à l’imposition ; que la disposition du § 205, alinéa 3 AO a un caractère contraignant et constitue une forme substantielle destinée autant à garantir une bonne administration de la loi d’impôt qu’à protéger les intérêts du contribuable ;

Considérant que « l’obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition » (Tribunal administratif du 21 mai 2003, n° 11128 du rôle ; Cour administrative du 27 janvier 2004, n° 16643C du rôle);

Considérant qu’en l’espèce, la vérification des livres et pièces comptables de la requérante fut entreprise sur initiative du bureau d’imposition, le service de révision n’ayant fait que prêter concours au contrôleur des contributions ; qu’aussi, les constatations et conclusions qui purent en être dégagées, quoiqu’elles ne firent pas l’objet d’un rapport de révision puisque les vérifications et contrôles effectués n’eurent pas lieu sur initiative et sous l’autorité du service de révision, furent néanmoins portées à la connaissance de la réclamante, notamment lors de l’entrevue du 12 octobre ; qu’assistée, lors de cette entrevue, par son comptable qui resta cependant en défaut de fournir les données et explications nécessaires à l’élucidation des manquements constatés, la requérante ne sut fournir, au-delà des explications au sujet des lacunes constatées au niveau du registre des ventes, des données ou justificatifs pertinents et, espérant par après pouvoir redresser la situation, ne sut transmettre au bureau d’imposition que des données dont celui-ci disposait déjà ; que lors de cette réunion, tant la requérante que le comptable furent donc informés sur les démarches et les calculs effectués par le bureau d’imposition ;

Considérant qu’il faut en conclure que la réclamante disposait de toutes les informations nécessaires pour exercer son droit d’être entendu et que c’est à tort qu’elle invoque la violation du § 205, alinéa 3 AO ; qu’il s’ensuit que la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la requérante conteste encore les redressements effectués au motif que les majorations des recettes reposeraient partiellement sur des taxations, procédé qui ne serait pas applicable en l’espèce puisque la comptabilité présentée aurait été régulière tant quant à sa forme que quant à son fond ;

Considérant que la réclamante est soumise aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO ; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter afin que la comptabilité soit tenue de manière régulière ; qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après 13 les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit prendre en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;

Considérant que résultaient notamment des vérifications faites par le bureau d’imposition des différences importantes entre le montant du chiffre d’affaires déclaré et celui enregistré dans le système de gestion de la réclamante ; que cette dernière ne contestait d’ailleurs pas, lors de son entrevue avec les agents de l’administration, les défaillances du logiciel utilisé, qui ne permettait ni de retracer l’ensemble des corrections et redressements d’écritures et d’enregistrements de paiements ni de stocker sur une durée suffisante les suppressions, annulations et autres corrections effectuées sur des ventes ; qu’elle reconnaît encore qu’il arrivait fréquemment qu’à l’encaissement, le mode de paiement n’était pas correctement saisi, que le robot enregistreur ne reconnaissait pas toujours les codes des produits prélevés des stocks ou que les produits prélevés des stocks n’étaient, fréquemment et par mégarde, pas enregistrés et qu’il en découlait des difficultés certaines dans la tenue correcte des stocks ; qu’elle justifie ces erreurs par le nombre important de transactions et d’opérations qui impliqueraient nécessairement une certaine marge d’erreur ;

Considérant que, dans la cadre de sa requête, la requérante fait valoir en premier lieu qu’elle ne pourrait s’expliquer la différence constatée entre les recettes déclarées et les recettes enregistrées par le logiciel des ventes et en conclut à une erreur du bureau d’imposition qui aurait omis de tenir compte des ajustements à faire au niveau des recettes enregistrées par le logiciel des ventes ; que seraient notamment à déduire de ces recettes l’abattement sur les prix de vente concédés à la Caisse nationale de santé (CNS), les remises accordées aux clients et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise dans les montants encaissées ;

Considérant qu’à l’appui de ses explications, la réclamante a présenté un échantillon des fiches récapitulatives quotidiennes des ventes, extraites du logiciel de gestion, de même que les extraits correspondants d’un livre de caisse manuscrit dans lequel elle inscrivait quotidiennement les montants des paiements en espèces et prélèvements ; que si les disparités apparentes entre paiements en espèces enregistrés par le logiciel de traitement des ventes sauraient s’expliquer par les erreurs commises en cours de journée au niveau de l’enregistrement du mode de paiement - erreurs qui d’ailleurs, suivant comparaison des extraits du logiciel et du livre de caisse manuscrit, furent commises quotidiennement -, les données nécessaires à la vérification des affirmations du comptable, à savoir que le mode de paiement n’aurait pas d’influence sur le montant global des recettes finalement enregistré, c’est-à-dire que le montant excédentaire des paiements en espèce aurait été reporté sur les autres modes de paiement, font cependant défaut ; qu’étant donné le défaut de toute inscription manuscrite des soldes en caisse en début ou fin du mois, toute comparaison entre paiements enregistrés dans le système informatique et paiements enregistrés de façon manuscrite s’avère toutefois oiseuse car ne permettant une vérification ni des recettes globales enregistrées ni des redressements nécessairement opérés au niveau des autres modes de paiements ; que, de même, toute indication concernant l’affectation des sommes prélevées faisant défaut - sur toute la durée du mois entier constituant l’échantillon présenté, les inscriptions manuscrites du livre de caisse font apparaître une seule indication concernant un prélèvement privé en numéraire, i.e. … euros, alors qu’aucun retrait ne fut enregistré dans le système informatique - il n’est pas possible de reconstituer les sommes restées en caisse, ni celles versées à la banque ou prélevées directement à des fins étrangères à l’entreprise ; que s’il n’en découle pas nécessairement que le montant global des recettes enregistrées soit erroné, il n’en reste pas moins que toute 14 vérification des montants enregistrés en est exclue d’office ;

Considérant que lors de la vérification des enregistrements comptables, le bureau d’imposition dut d’ailleurs constater que les ventes ne furent pas reportées dans les livres sur base des extraits journaliers ni encore moins sur base du détail des opérations particulières, mais qu’elles avaient fait l’objet d’écritures récapitulatives reportant les sommes enregistrées sur des périodes respectivement de dix jours à un mois dans les comptes de l’entreprise, par débit et crédit des comptes de trésorerie et des comptes clients à hauteur des montants encaissés ou versés sur comptes, opérations suivies par des crédits et débits, sur la même date, de montants déterminés forfaitairement sur base d’une certaine marge et d’un certain rapport moyens entre ventes à taux ordinaire et taux réduit de TVA des comptes correspondants des ventes et de la TVA due ; qu’il doit être admis que cette façon d’enregistrer les ventes n’est ni assez détaillée ni assez précise pour assurer le retracement des différentes transactions et constitue de toute évidence une enfreinte aux principes d’une comptabilité régulière exigeant des écritures complètes et exactes, retraçant l’intégralité des faits comptables de l’exercice concerné ; qu’il en découle notamment que le montant global des ventes est nécessairement inexact, que le montant des prélèvements l’est lui aussi et ne peut d’ailleurs être vérifié ni pour les montants prélevés de la caisse ni pour ceux prélevés des comptes bancaires ; que les corrections de valeur sur stocks mises en compte en fin d’année, forfaitaires, ne reflètent pas la valeur effective, établie selon les dispositions de l’article 23 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) des marchandises et produits en magasins ; que le comptable exposa d’ailleurs, en ce qui concerne l’évaluation en fin d’exercice des stocks de marchandises, que celle-ci se faisait en principe par application d’une correction de valeur forfaitaire approximative, ceci dans le but de tenir compte d’une disparité entre inventaire établi sur base des prix d’achat officiels des produits et la valeur effective des stocks comprenant des produits obtenus à titre gratuit ou à prix réduit ; que s’y ajoutent les manquements constatés au niveau des redressements et annulations de ventes, de même que l’aveu de la réclamante concernant l’utilisation, jusqu’à l’année 2013 incluse, d’une fonction du logiciel spécialement développé aux fins de corriger soit vers le bas soit vers le haut le montant des ventes enregistrées sans que le redressement n’apparaisse au niveau du fichier principal, ce qui aurait permis d’en assurer le retracement, système dont elle reconnaît avoir profité pour soustraire quotidiennement des montants de … euros ;

Considérant qu’en vertu de l’article 15 du Code de Commerce, toute entreprise doit établir une fois l’an un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature et de ses dettes, obligations et engagements de toute nature ; que les comptes sont à mettre en concordance avec les données de l’inventaire ; que si le contribuable utilise plusieurs systèmes de gestion, il est tenu de les mettre tous en concordance avec les données de l’inventaire ; que si l’établissement correct de l’inventaire est important pour des raisons évidentes de gestion et de contrôle, il l’est d’autant plus dans le cadre d’un commerce de produits soumis à agréments et contrôles ou même pour certains à autorisations de délivrance ; qu’au-delà des seules exigences en matière de comptabilité commerciale, il est peu crédible que la réclamante ne se soit pas assurée d’une gestion et d’un contrôle adapté des stocks de produits pharmaceutiques ;

Considérant que malgré les affirmations de la réclamante concernant la tenue quotidienne du livre de caisse et du transfert, à rythme mensuel, de l’ensemble des données enregistrées et justificatifs à la fiduciaire chargée d’en assurer un enregistrement comptable correct et approprié, l’enregistrement inadapté des ventes, encaissements et paiements sur comptes bancaires, des annotations insuffisantes voire inexistantes des opérations comptables, 15 de la comptabilisation des salaires dus, frais généraux et frais privés au compte fournisseurs et des impôts et taxes au compte client, crédités et débités pour des montants identiques le même jour, à savoir celui de leur enregistrement comptable, de la comptabilisation d’extournes forfaitaires sur les comptes ventes, clients, caisse et banques, égaiement crédités et débités successivement le même jour et pour les mêmes montants, de l’extraction sommaire forfaitaire de la TVA comprise aux montants enregistrés dans les comptes de bilan, faits occultant les origines aussi bien que les emplois des montants comptabilisés et constituant autant de manquements enlevant à la comptabilité présentée toute valeur probante, si ce n’est toute crédibilité ; que les documents présentés à l’origine au bureau d’imposition ne représentaient donc qu’une comptabilité en effigie, un relevé imprécis et approximatif présentant les sommes des postes comptables forfaitairement déterminés par mesure de facilité, qui, à défaut d’avoir été élaborée en conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables en la matière et avec l’exactitude et les soins que requièrent les travaux comptables, par nature minutieux et non sans raison exigeants en termes de précision, ne saurait être considérée comme régulière quant à la forme ni encore moins quant au fond ;

Considérant que les faits constatés doivent être considérés, en tout état de cause, comme contraires à un traitement comptable régulier en la forme de l’exploitation commerciale de la pharmacie de la requérante ; que les défauts et manquements de la comptabilité présentée sont de nature à invalider toute présomption de véracité, les faits constatés ne se limitant pas, comme allégué, à de simples erreurs laissant douter de la tenue en tous points correcte de la comptabilité mais constituent autant d’indices permettant d’établir l’irrégularité manifeste des comptes de l’entreprise ; que le fait d’avoir recours, d’un côté, à un programme informatique pour enregistrer les flux comptables et, de l’autre, aux services d’un comptable pour en assurer une gestion appropriée n’enlève pas au contribuable l’obligation de s’assurer personnellement de la bonne tenue des livres comptables, de la conservation adéquate des pièces comptables et de l’exactitude des bénéfices déclarés ; qu’il ne saurait à plus forte raison justifier les défauts et lacunes de la comptabilité par les insuffisances du système de gestion qu’il utilise de plein gré et sous sa propre responsabilité ;

qu’aussi la présomption de régularité de la comptabilité de la pharmacie n’ayant pu être admise, le bureau d’imposition n’eut d’autre recours que de procéder à l’établissement des recettes par la voie d’une taxation ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales nos 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique.

Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un 16 procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que l’instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation du revenu imposable par le bureau d’imposition ne donne pas lieu à critique ;

Considérant que, tout comme le bureau d’imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c’est par la consécration du principe du réexamen intégral et d’office des impositions litigieuses dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu’aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s’oppose donc à ce que le réclamant présente dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d’abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d’impôt ;

Considérant qu’ainsi, la réclamante fait-elle valoir que la différence constatée entre les recettes initialement déclarées et celles enregistrées par le logiciel comptable s’expliquerait par le fait que lors des vérifications, les contrôleurs de l’administration n’auraient tenu compte ni de l’abattement sur prix de vente concédé à la Caisse nationale de santé en vertu du règlement grand-ducal du 23 décembre 1993, ni des remises accordées aux clients, ni du montant de la taxe sur la valeur ajoutée comprise au montant global de la différence constatée, établie par comparaison entre le montant des recettes enregistrées dans le système des Fichiers Audit Informatisés de l’administration de l’enregistrement (FAIA) ayant servi à l’établissement du bénéfice d’exploitation imposable et celui enregistré par le logiciel de gestion … utilisé par la pharmacie ; que la différence subsistant, après déduction de ces montants, serait de faible importance seulement et ne saurait renverser la présomption de véracité de la comptabilité qui, en conséquence, ne pourrait être rejetée, ni le bénéfice d’exploitation être établi par la voie d’une taxation partielle, ce qui exclurait notamment la prise en compte d’une marge de sécurité telle que prévue dans le cadre de la procédure de taxation ;

Considérant qu’en vertu de l’article 26 de la convention entre la Caisse nationale de santé et le syndicat des pharmaciens luxembourgeois, conclue en exécution de l’article 61 et suivants du Code de la sécurité sociale, la Caisse nationale de santé verse avant le dix-huitième jour de chaque mois, à chaque pharmacie, à titre d’acompte à valoir sur l’ensemble des médicaments délivrés dans le cadre du tiers payant pour le mois en cours, un montant égal à quatre-vingts pour cent du montant mensuel moyen décompté dans le cadre du tiers payant au cours des dix premiers mois de l’exercice précédent ; que suivant l’article 29, aux fins d’obtenir le paiement du solde de la partie du prix des produits de santé opposables à l’assurance maladie dans le cadre du tiers payant, le pharmacien remet à la CNS, au plus tard au cours du mois subséquent, le décompte des médicaments délivrés à charge de l’assurance maladie durant le mois précédent, et, sauf contestation, la CNS procède à la régularisation du solde prévisé au plus tard trente jours après la réception du décompte ; que finalement, l’article 42 prévoit le règlement de l’abattement par compensation conventionnelle sur les versements visés à l’article 29 ;

Considérant que le logiciel des ventes de la pharmacie enregistrait, d’après les explications de la réclamante, les ventes selon les prix officiels au public, sans tenir compte ni de l’abattement à concéder à la CNS lors du décompte ni des remises et réductions de prix accordés aux clients ; qu’elle chiffre les montants annuels des abattements et réductions pour 17 les années 2010 à 2014 à respectivement … euros, … euros, … euros, … euros et … euros pour les abattements, diminuant au fur et à mesure des réductions successives de leur taux, et à … euros, … euros, … euros, … euros et … euros pour les remises aux clients ; qu’elle précise que ces montants, n’apparaissant pas dans les recettes sur lesquelles devaient se baser les décomptes avec la CNS, auraient nécessairement réduit le montant du chiffre d’affaires des années concernées et expliqueraient pour partie la différence constatée entre recettes enregistrées par le logiciel des ventes et chiffres d’affaires reportés dans les fichiers FAIA ;

qu’elle explique encore que les différences subsistantes, après déduction des abattements dus à la CNS et des remises accordées aux clients, de faible importance, seraient à mettre en compte hors taxe sur la valeur ajoutée, ce qui, d’ailleurs, en réduirait davantage encore le montant restant ;

Considérant que si le logiciel des ventes enregistrait exclusivement, sur les ventes de médicaments réglementés, les prix officiels au public, et ne chiffrait pas par anticipation le montant de l’abattement à accorder à la CNS sur le montant total de la créance envers celle-ci à titre du tiers payant - créance figurant sur les extraits quotidiens des enregistrements de caisse -, et si les remises et réductions accordées aux clients ne furent pas prises en compte lors de l’établissement du chiffre d’affaires extrait des données du logiciel de caisse, il n’en reste pas moins que le montant des recettes encaissées et du chiffre d’affaires reste inexact et ne saurait être vérifié ou justifié, compte tenu de l’enregistrement non différencié et forfaitaire des recettes et de la TVA ; que l’inexactitude des enregistrements étant telle que tout contrôle effectif des ventes, achats et stocks, de même que des créances et dettes est rendu illusoire sous peine de refaire, sur pièces, l’ensemble de la comptabilité, toutes explications cherchant à réduire ou à annuler les différences entre recettes déclarées et recettes dégagées du logiciel est vaine, celles-ci n’ayant servi que de point d’ancrage aux fins de l’établissement d’un montant par défaut aussi proche que possible de la réalité, censé représenter, en absence de données fiables et précises, le chiffre d’affaires que la comptabilité défaillante n’a pas permis de déterminer ; que les différences subsistant, même après soustraction de ces montants et déduction faite de la taxe sur le valeur ajoutée, restent d’ailleurs importantes et se chiffrent notamment aux montants suivants :

Considérant que si la requérante fait encore valoir que les majorations de recettes mises en compte furent établies par comparaison entre des montants bruts, qui comprenaient 18 la taxe sur la valeur ajoutée et explique que la taxe encaissée dans le cadre d’une vente serait continuée à l’administration de l’enregistrement et n’aurait donc pu augmenter le bénéfice imposable, il résulte pourtant des développements qui précèdent que la comptabilité présentée par la requérante présente tant de lacunes et d’irrégularités qu’elle ne saurait servir à l’établissement du bénéfice imposable ; qu’or, la comptabilité telle que présentée fut établie selon les modalités propres au format FAIA, développé et servant pour les besoins spécifiques de l’administration de l’enregistrement et des domaines ; qu’il est donc peu probable que des recettes non déclarées dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal l’aient été dans le cadre de l’établissement de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée ; que des recettes perçues pour le compte d’un tiers et qui ne lui sont pas transmis par la suite du fait que ce tiers, en l’espèce l’administration de l’enregistrement et des domaines, est mis dans l’impossibilité de percevoir ou de chiffrer ce qui lui est dû, sont à considérer comme recettes au même titre que le montant principal, étant donné qu’elles entrainent une augmentation de l’actif net investi ;

Considérant que si les données et explications fournies par la réclamante semblent pertinentes pour expliquer en partie l’origine des différences constatées entre les chiffres d’affaires enregistrés par le logiciel de la pharmacie et ceux déclarés au format FAIA pour les besoins des déclarations de la taxe sur la valeur ajoutée ayant servi de base à l’établissement des déclarations pour l’impôt commercial communal, il n’en reste pas moins que la réclamante ne sut présenter des explications circonstanciées et concordantes au sujet des manquements constatés dans la tenue des livres comptables et la gestion des stocks de marchandises ; qu’elle ne sut fournir ni des livres de caisse correctement annotés, faisant état des affectations et prélèvements, des soldes et encaisses, ni des extraits journaliers du logiciel de comptabilité retraçant les retraits et fonds de caisse, ni des écritures suffisamment précises pour permettre de redresser les créances, dettes et recettes enregistrées tant pour les montants de base que pour les montants de TVA ; qu’en relation avec les défauts manifestes et d’ailleurs admis par la requérante que présentait la gestion des stocks, impossibles tant à inventorier de façon correcte qu’à reconstituer, les livraisons ne pouvant être retracées puisque les bordereaux de livraison ne furent pas conservés, de même que les aveux de la requérante d’avoir soustrait quotidiennement, au moyen d’un programme numérique, des montants de … euros, fait concordant avec les montants extraits de ce programme par les contrôleurs du bureau d’imposition et du service de révision, toute force probante fait défaut non seulement pour ce qui est de la comptabilité présentée sous le format FAIA, mais encore en ce qui concerne le montant du chiffre d’affaires enregistré par le logiciel …, sur lequel le bureau d’imposition, faute de mieux, basa les taxations critiquées ; qu’il ne peut en effet être établi que le logiciel ait correctement enregistré l’ensemble des opérations de vente, les défauts et manquements constatés ne permettant pas de conclure à l’exhaustivité et l’exactitude de ces données plutôt que d’autres, toute vérification étant exclue faute de données suffisamment détaillées permettant des comparaisons et vérifications ; que les défauts et manquements en cause touchant tant les mouvements en argent que les mouvements parallèles de produits et marchandises, ils ne sauraient être justifiés, comme le suggèrent certaines explications, par une maîtrise insuffisante des outils informatiques et des systèmes de gestion ou par une apparente négligence due à une surcharge de travail et aux difficultés liées aux exigences particulières propres à l’activité des pharmacies ;

Considérant que faute de données fiables concernant aussi bien les flux financiers que les flux de marchandises, il n’est possible ni à l’administration ni à la requérante d’établir tant les actifs nets en début et en fin d’exercice des années concernées que les prélèvements ou suppléments d’apport opérés en cours d’exercice et, en conséquence, le bénéfice commercial 19 correspondant aux dispositions de l’article 18, alinéa 1er L.I.R. ; qu’il en résulte que la façon de procéder du bureau d’imposition est à confirmer tout autant en ce qui concerne le principe qu’en ce qui concerne la mise en œuvre, la réclamante n’ayant su justifier les bénéfices et chiffres d’affaires déclarés ni au moyen des enregistrements comptables ni au moyen d’autres justificatifs probants ; que même la marge de sécurité, qu’elle juge excessive par rapport aux montants des différences constatées, surtout après déduction des abattements, remises et taxes, est à admettre comme justifiée, car elle ne saurait être mesurée à l’aune du chiffre d’affaires tel que dégagé du logiciel de comptabilité seulement, sans tenir compte de l’inexactitude manifeste des données enregistrées à sa base ;

Considérant qu’une « comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de manière à faciliter toute recherche et tout contrôle.

Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle est complète et exacte, c’est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte » (Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n° 10577 du rôle) ; que la vérification des livres et pièces comptables ayant révélé que la comptabilité de la requérante n’était ni complète ni exacte et qu’il était non seulement impossible de reconstituer les montants déclarés sur base des enregistrements comptables du logiciel des ventes, mais qu’il était encore impossible de vérifier leur exactitude au moyen des données et explications fournies par la réclamante ;

Considérant qu’il en résulte que ni les enregistrements et pièces comptables mis à disposition du bureau d’imposition ni ceux mis à disposition de l’instance contentieuse ne permettent d’établir les montants des recettes d’exploitation et prélèvements en numéraire effectifs, ni les entrées et sorties de marchandises ; que les explications fournies par la réclamante, bien que sensées en apparence, ne sauraient remédier aux défauts affectant les bases élémentaires de la détermination du bénéfice d’exploitation, de sorte à ne pouvoir établir et chiffrer une différence confirmée et assez importante entre bénéfices déterminés au moyen des taxations en cause et bénéfices d’exploitation déclarés, impossibles à justifier au moyen de la comptabilité présentée ; que les moyens et explications de la requérante, faute de pouvoir s’appuyer sur une comptabilité régulière, ne sauraient mettre en cause les impositions rectificatives émises ; que les taxations telles qu’établies sont donc à confirmer ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes aux lois et aux faits de la cause et n’ont d’ailleurs pas autrement été contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2021, Madame X et son époux ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions directoriales précitées datées du 1er juillet 2021 rejetant leur réclamation introduite, d’une part, contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, et, d’autre part, contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2010 à 2014.

20 I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3), point 1.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre des deux décisions directoriales précitées datées du 1er juillet 2021, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre les deux décisions directoriales précitées.

II) Quant au fond A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées, tout en précisant qu’une entrevue aurait eu lieu dans les locaux du bureau d’imposition entre les agents de ce dernier, Madame X, ainsi que le service de révision. Lors de cette entrevue, un tableau aurait été remis à Madame X, lequel aurait fait état d’un certain nombre de différences entre, d’une part, les montants du chiffre d’affaires que le service de révision aurait constaté lors de l’extraction de données du système POS, qui aurait été leur logiciel de traitement des ventes au sein de l’officine des demandeurs, encore appelé « Logiciel … », ci-après désigné par le « système POS », et, d’autre part, les montants qui auraient été inscrits dans la comptabilité de leur pharmacie sise à la …, ci-après désignée par la « pharmacie », et déclarés comme tels.

En droit, ils se prévalent d’une violation du principe du contradictoire, et contestent tant le caractère irrégulier de la comptabilité de leur pharmacie, quant à la forme et au fond, que le bien-fondé de la taxation dont ils ont fait l’objet.

A) Quant à la violation alléguée du respect du principe du contradictoire Moyens et arguments des parties Les demandeurs soulèvent une violation du principe du contradictoire en ce qu’il ne suffirait pas, pour assurer le respect dudit principe, qu’il y ait une communication quelconque entre l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », et le contribuable, mais qu’il présupposerait que le contribuable comprenne ce qui lui est reproché afin qu’il puisse prendre position quant à ces reproches et que son droit d’être entendu, découlant du même principe, puisse être considéré comme respecté. Les demandeurs se réfèrent, à cet égard, à la doctrine allemande relative à la Reichsabgabenordnung sur laquelle se fonderait la procédure fiscale luxembourgeoise et selon laquelle le respect du principe du contradictoire impliquerait que les reproches soient communiqués au contribuable « mit solcher Vollständigkeit, dass der Stpfl die Möglichkeit konkreter Einwendung hat ». Ils estiment, en l’espèce, que dans la mesure où la preuve de la régularité de la procédure d’imposition incomberait à l’administration en application de l’article 59, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions 21 administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », il lui reviendrait de démontrer que les reproches qu’elle leur auraient faits leur auraient été expliqués avec exhaustivité afin qu’ils puissent prendre position et se défendre avant l’émission des bulletins d’impôt, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

En ce qui concerne l’entrevue du 12 octobre 2020, les demandeurs font valoir que Madame X aurait été « menacée, acculée et obligée » de répondre à des accusations du service de révision, sans avoir la moindre explication de ce qui lui serait reproché. Même avec l’aide des employés de la fiduciaire, Madame X n’aurait pas été en mesure de faire des observations constructives sur le déroulement ou le résultat du contrôle mené par les agents de l’administration. Le tableau synthétique qui lui aurait été remis lors de cette entrevue n’aurait pas non plus aidé à comprendre davantage les reproches à l’origine des montants des redressements envisagés.

Il en irait de même pour ce qui est de la lettre du 13 novembre 2020 qui aurait contenu comme seule information celle que le bureau d’imposition envisagerait de procéder à des majorations des recettes pour les années fiscales litigieuses. Cette lettre ne contiendrait cependant aucune explication par rapport à la manière dont le bureau d’imposition et le service de révision auraient procédé pour comparer les chiffres d’affaires et comment ils seraient arrivés aux montants des majorations envisagées. Les demandeurs constatent, à cet égard, que sans contester le fait que la lettre en question n’aurait pas contenu d’explications leur ayant permis, le cas échéant, de prendre adéquatement position, le directeur aurait seulement considéré que la référence à l’entrevue du 12 octobre 2020 serait suffisante pour satisfaire au principe du contradictoire. Il n’en resterait pas moins qu’au vu de l’absence d’information appropriée lors de cette entrevue, la référence à celle-ci ne saurait être considérée comme suffisante pour remédier à la violation du principe du contradictoire.

De l’avis des demandeurs, s’ils avaient disposé d’un compte-rendu contenant le résultat du contrôle opéré, ainsi que d’une description précise des reproches formulés à l’encontre de la comptabilité de la pharmacie, ils auraient été en mesure de répondre de manière constructive aux reproches de l’administration avant l’émission des bulletins en cause. Ils se réfèrent, à nouveau, à la doctrine allemande selon laquelle le respect du principe du contradictoire exigerait que le contribuable impliqué dans un contrôle fiscal reçoive le compte-rendu de ce contrôle.

Ils font encore valoir que contrairement à ce que semblerait suggérer le directeur, la loi ne prévoirait pas une différence entre une procédure de révision menée par le service de révision, qui constituerait une « Betriebsprüfung », et un contrôle « ordinaire », mené par le bureau d’imposition avec l’aide du service de révision. En effet, les bases légales sur lesquelles l’administration, par l’intermédiaire des bureaux d’imposition, pourrait effectuer des contrôles auprès des contribuables seraient prévues par les §§ 162, alinéa (9) AO et 193, alinéa (1) AO.

Ils en concluent que le service de révision ne jouerait qu’un rôle auxiliaire à côté des bureaux d’imposition compétents. En effet, même si le § 162 AO mentionnait explicitement le terme de « Betriebsprüfung » et le § 193, alinéa (1) AO celui de « Nachschau », les commentaires allemands de la Reichsabgabenordnung considéreraient que le « §193 Abs 1 bildet nunmehr eine der Rechtsgrundlagen für die Betriebsprüfung ». Ainsi, le fait que les bureaux d’imposition s’appuient sur l’une ou l’autre des dispositions pour effectuer un contrôle d’un contribuable, ne changerait rien au fait qu’il s’agirait dans tous les cas d’une « Betriebsprüfung » pour laquelle les mêmes droits et règles s’appliqueraient à l’administration, de sorte que, quelle que soit la dénomination du document, « rapport de 22 révision » ou « compte-rendu », s’il contient le résultat de la « Betriebsprüfung », ainsi que les reproches concrets formulés à l’encontre du contribuable, il devrait être communiqué au contribuable pour lui permettre une prise de position préalablement à ce qu’une décision soit prise à son détriment. Leurs droits de la défense auraient partant été violés en raison de l’absence de possibilité de formuler des observations par rapport aux redressements envisagés.

Dans leur réplique, les demandeurs ajoutent en sus de leurs développements antérieurs que comme l’entrevue du 12 octobre 2020 aurait eu lieu dans le cadre des opérations de contrôle, plutôt qu’à l’issue de ces opérations, son objectif aurait été une collecte d’informations de leur part plutôt que la recherche d’une discussion contradictoire à l’issue de laquelle ils se seraient vus accorder l’opportunité de prendre position par rapport à des reproches articulés de façon précise et compréhensible.

Tout en relevant que le dossier fiscal a été déposé par le délégué du gouvernement en même temps que son mémoire en réponse, les demandeurs insistent sur la considération que le dossier fiscal comporterait certes un document, intitulé « compte-rendu », émanant du service de révision, mais que ce document ne leur aurait jamais été communiqué préalablement à l’imposition, de sorte que l’administration ne pourrait pas s’en prévaloir pour démontrer l’existence d’un débat contradictoire dont les demandeurs estiment qu’il n’aurait jamais existé, précisément compte-tenu de l’absence de communication de ce compte-rendu.

Ils poursuivent en faisant valoir que la retranscription synthétique de la discussion qui a eu lieu pendant l’entrevue révélerait que l’objectif du service de révision n’aurait pas été de leur permettre de prendre connaissance d’explications circonstanciées des réviseurs au sujet des reproches ayant trait à leur comptabilité. L’entrevue aurait, au contraire, eu pour seul objectif de faire pression sur Madame X afin d’obtenir des informations de sa part qui pourraient, par la suite, être utilisées à son détriment. Après avoir exposé certains extraits de cette retranscription, les demandeurs en déduisent qu’il en ressortirait qu’il ne se serait pas agi d’un échange contradictoire sur les constats du service de révision, mais exclusivement d’une collecte d’information en amont qui aurait donné lieu aux constats du service de révision.

Les demandeurs font ensuite valoir, quant aux « nombreux courriers échangés », que le dossier fiscal révélerait qu’ils n’auraient pas pris position de manière adéquate dans aucun des courriers adressés à l’administration par rapport à ce qui leur était reproché dans le cadre du contrôle fiscal. L’absence et l’impossibilité d’une telle prise de position s’expliqueraient par le défaut d’explications circonstanciées dont ils auraient souffert au sujet des reproches que leur aurait fait l’administration.

Le délégué du gouvernement ne nierait d’ailleurs pas que le courrier du 13 novembre 2020 n’aurait contenu aucune explication sur les reproches concrets formulés par les divers services de l’administration et qu’il ne se serait agi que d’une simple indication des montants que le bureau d’imposition envisageait de rajouter, par année fiscale litigieuse, à leur bénéfice commercial déclaré.

Ils réitèrent qu’à défaut d’explications quelconques quant aux reproches exacts qui leur étaient faits, notamment quant à la régularité de leur comptabilité, ils n’auraient pas été en mesure de réagir utilement. Ils reprochent à la partie étatique de les avoir contraints d’engager des frais et des efforts dans le cadre d’un recours précontentieux et d’un recours contentieux pour enfin connaître « plus ou moins » l’origine, le déroulement et le résultat du contrôle fiscal.

Tout en soutenant que les explications fournies dans le compte-rendu ne seraient pas très 23 exhaustives, les demandeurs soutiennent, en prenant appui sur la doctrine allemande relative à la Reichsabgabenordnung qui exigerait la communication du compte-rendu du contrôle fiscal avant la prise de la décision, que s’ils en avait eu connaissance auparavant, ils auraient pu prendre position correctement afin de pouvoir influer sur le contenu des bulletins d’impôt litigieux et ce en adéquation avec le principe du contradictoire.

Les demandeurs en concluent que les bulletins auraient été émis en violation d’une formalité destinée à protéger les intérêts des contribuables dont la sanction serait celle de la nullité de la procédure, dans la mesure où ils n’auraient pas eu, avant l’imposition envisagée, la possibilité de formuler des observations par rapport aux redressements envisagées et obtenu la communication d’un compte-rendu des opérations de contrôle.

Les demandeurs critiquent également le fait qu’ils n’auraient jamais reçu d’informations sur ce que l’administration qualifierait de « faits nouveaux » au sens du § 222 AO. Les bulletins en cause, tout en indiquant « Rectifications § 222, 1 no 1+ 2 AO », ne le préciseraient pas non plus, et ce malgré le fait que le délégué du gouvernement alléguerait dans son mémoire en réponse que « les faits nouveaux ressort[iraient] très clairement du compte-

rendu du contrôle sur place ». Or, aucun contrôle sur place n’aurait eu lieu, tandis que le compte-rendu déposé au greffe du tribunal administratif indiquerait sous son point A. 1 « Motif de la vérification », ainsi que « c. §222(1) et (2) AO pour ; faits nouveaux suivant constations faites lors du contrôle de la société A par le service de révision ; ».

Dans la mesure où hormis cette référence au § 222 AO, aucune pièce ne contiendrait une information concernant les éléments que l’administration qualifierait de « faits nouveaux » au sens de cette disposition et qui permettraient de rectifier l’imposition initiale des années fiscales litigieuses, les demandeurs en déduisent que la rectification de leur imposition aurait eu lieu sur la base des constatations faites par le service de révision lors du contrôle fiscal de la fiduciaire. A cet égard, ils se réfèrent à un arrêt de la Cour administrative du 17 novembre 2016 dont il ressortirait que lors du contrôle fiscal d’un contribuable, l’administration ne pourrait pas recueillir des informations sur d’autres contribuables qui ne sont pas visés par le contrôle fiscal. Les demandeurs déduisent de cet arrêt qu’en l’espèce, lors du contrôle fiscal de la fiduciaire, le service de révision n’aurait pas été autorisé à collecter des informations sur les clients de la fiduciaire, dont notamment des informations les concernant eux-mêmes. Les demandeurs affirment que les informations les concernant que le service de révision aurait obtenu auprès de la fiduciaire ne pourraient, dès lors, pas leur être opposées à titre de faits nouveaux au sens du § 222 AO au motif qu’ils seraient des contribuables non directement concernés par le contrôle fiscal de la fiduciaire. Compte tenu du procédé illégal d’obtention d’informations les concernant, les demandeurs soutiennent que l’administration n’aurait eu ni de base légale pour justifier leur contrôle, ni a fortiori de base légale pour justifier l’existence d’un fait nouveau au sens du § 222 AO, de sorte que les bulletins d’impôt litigieux seraient à annuler et les décisions directoriales à réformer en ce sens.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen sous analyse.

Analyse du tribunal Force est de constater qu’à travers leur reproche suivant lequel ce serait à tort que le directeur n’aurait pas retenu une violation du principe du contradictoire, les demandeurs critiquent également, dans ce contexte, de l’entendement du tribunal, qu’ils n’auraient pas été informés par le bureau d’imposition en quoi consisteraient les « faits nouveaux » au sens du 24 § 222, alinéa (1), numéro 1 AO.

Le § 205, alinéa (3) AO dispose comme suit: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

La notion de « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable doit être interprétée de façon objective en ce sens qu’elle englobe toutes les hypothèses dans lesquelles le bureau d’imposition envisage de retenir un élément de droit ou de fait de nature à influer sur la décision d’imposition et qui s’écarte de la situation telle que déclarée par le contribuable, pourvu que cet élément soit de nature à affecter le principe d’imposabilité ou la cote d’impôt tels qu’envisagés par le § 232, alinéa (1) AO1.

Le droit du contribuable d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, doit être considéré comme un droit élémentaire face à l’administration, destiné à protéger les droits de la défense du contribuable. Dans l’hypothèse où la violation de ce droit est invoquée et prouvée devant le tribunal dans le cadre d’un recours ayant pour objet une cote d’impôt ou le principe d’imposabilité, elle entraîne l’annulation des bulletins d’impôt émis au terme de la procédure ainsi viciée2.

En l’espèce, s’il est constant que les bulletins d’imposition litigieux émis le 20 janvier 2021 sont fondés sur les dispositions du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, le tribunal est amené à préciser que l’AO n’exclut pas l’application du § 205, alinéa (3) AO en cas de rectification d’un bulletin d’impôt sur base du § 222 de cette même loi. Le droit d’être informé des points où le bureau d’imposition entend s’écarter de la déclaration d’impôt en défaveur du contribuable et de l’entendre en ses explications ne constitue pas une faveur ou un avantage réservé au seul contribuable ayant collaboré honnêtement avec le bureau d’imposition, mais un droit fondamental garantissant d’une manière générale les droits de la défense du contribuable3.

Dans la mesure où les redressements litigieux opérés par le bureau d’imposition consistent, de façon non contestée, dans l’augmentation des recettes qui a eu comme conséquence une obligation patrimoniale plus lourde que celle initialement retenue pour les demandeurs, le bureau d’imposition était tenu d’informer, conformément au § 205, alinéa (3) AO, les demandeurs de son intention de procéder auxdits redressements et de leur donner la possibilité de se faire entendre préalablement à l’émission des bulletins d’impôt rectificatifs litigieux.

1 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 914 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 893 (1er volet) et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 18 février 2009, n° 24142 du rôle, confirmé par Cour adm., 29 juillet 2010, n° 25536C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 1035 et les autres références y citées.

25 Concernant ainsi, tout d’abord, la violation du principe du contradictoire invoquée au niveau précontentieux, force est de constater qu’en date du 13 novembre 2020, le bureau d’imposition a envoyé un courrier à Madame X, l’informant de son intention de procéder, pour les années 2010 à 2014, à une « Majoration des recettes », tout en y indiquant à chaque fois le montant concerné et en faisant référence à une entrevue qui a eu lieu, de façon non contestée, dans les locaux du bureau d’imposition en date du 12 octobre 2020 lors de laquelle Madame X était présente avec sa fiduciaire. Ce courrier contient également une invitation à l’attention de Madame X d’informer le bureau d’imposition par écrit, pour le 4 décembre 2020 au plus tard, si elle avait des observations à formuler quant aux redressements envisagés.

Si le tribunal peut rejoindre les demandeurs dans leur affirmation suivant laquelle le courrier ne contient, à première vue, peu, voire aucune explication quant aux motifs gisant à la base des redressements litigieux, il est amené à constater que la question du respect du principe du contradictoire par l’administration ne saurait être cantonnée à l’analyse d’un seul courrier pris isolément, étant rappelé que le droit d’information et de prise de position du contribuable ne doit pas aboutir à un formalisme excessif et que l’envergure des indications à fournir au contribuable doit être définie d’après les spécificités de chaque cas d’imposition4.

Force est, en effet, de constater que Madame X a été dûment informée non seulement à travers le prédit courrier du 13 novembre 2020, mais également à travers la réunion du 12 octobre 2020 dans les locaux du bureau d’imposition de l’intention de ce dernier de procéder à des redressements et il lui a été possible de faire valoir ses observations, respectivement, en cas d’incertitudes, de demander des explications supplémentaires avant la prise de bulletins rectificatifs fixant une obligation patrimoniale plus lourde dans son chef. Or, Madame X, par courrier du 1er décembre 2020, s’est limitée à s’« opposer aux majorations des recettes, telles calculées par vos services » tout en indiquant avoir « envoyé un export de données le 27/11/2020 » et joindre audit courrier « un exemple de l’informaticien, pour expliquer les lignes supprimées que vous avez constatées », sans pour autant se plaindre du fait que les reproches formulées par le bureau d’imposition dans son courrier du 1er décembre 2020 seraient à un tel point incompréhensibles qu’ils ne lui permettraient pas de prendre utilement position y relativement.

De plus, lors de l’entrevue du 12 octobre 2020, Madame X s’est vu remettre, d’après ses propres explications, un tableau « qui montre un certain nombre de différences constatées entre les montants du chiffre d'affaires que le Service de Révision a (prétendument) extrait du Système POS et les montants du chiffre d'affaires qui ont été inscrits dans la comptabilité de la Pharmacie et déclarés par la Requérante », qu’elle a elle-même joint à la requête sous analyse. Le tableau figurant au point C. du compte-rendu constitue, en substance, une version abrégée du tableau remis à Madame X, alors que les deux reprennent, pour chacune des années 2010 à 2014, les montants extraits du système POS, les montants des recettes comptabilisés par les demandeurs, les différences de montants, ainsi que le montant de la marge de sécurité de 20% retenue par l’administration. Ce tableau indique, par ailleurs, lui aussi les « Ventes annulées svt POS ». Madame X, présente à cette entrevue, a donc manifestement été informée des reproches formulés à son égard et ce même avant l’information du bureau d’imposition quant à son intention de procéder à des redressements.

Compte tenu, par ailleurs, du contenu substantiel de la réclamation des demandeurs, ce 4 Cour adm., 29 juillet 2010, n° 35536C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 909 (1er volet), et les autres références y citées.

26 constat est de nature à amener le tribunal à conclure que contrairement aux affirmations des demandeurs, ils ont bien été mis en mesure de comprendre les reproches dirigés à leur encontre.

En ce qui concerne, ensuite, l’allégation d’une violation des droits de la défense au niveau de la procédure contentieuse, le tribunal constate qu’il existe bien un compte rendu dressé conjointement par le bureau d’imposition et le service de révision, tel que relevé par les demandeurs eux-mêmes dans leur mémoire en réplique, et ce indépendamment de la question – débattue entre les parties – de savoir s’il existe une différence entre une procédure de révision menée par le service de révision, qui constituerait une « Betriebsprüfung » en application du § 162, alinéa (9) AO, et un contrôle « ordinaire », mené par le bureau d’imposition avec l’aide du service de révision en application du § 193, alinéa (1) AO, en termes d’obligation d’émettre un rapport de révision ou un compte-rendu contenant le résultat de cette « Betriebsprüfung », Ce compte-rendu a certes été communiqué, d’après les explications non contestées des demandeurs, pour la première fois en tant que pièce faisant partie du dossier fiscal déposé par la partie étatique en date du 20 janvier 2022, qui plus est postérieurement à son mémoire en réponse déposé le 4 janvier 2022.

Si cette pratique est à tout le moins discutable, sinon révélatrice du peu d’importance accordée par la partie étatique au prompt versement du dossier fiscal aux fins du bon déroulement de la procédure contentieuse, le tribunal ne saurait pour autant en tirer le constat, dans les circonstances de l’espèce, d’une violation du principe du contradictoire, tel que soutenu par les demandeurs, étant précisé que la non-communication de l’entièreté du dossier administratif ne constitue pas nécessairement et automatiquement une cause d’annulation de la décision litigieuse, laquelle repose sur des motifs qui lui sont propres, et ne saurait affecter la légalité de la décision administrative que dans l’hypothèse d’une violation vérifiée des droits de la défense5.

Après avoir été informés par le greffe du tribunal administratif par courrier électronique du 20 janvier 2022 qu’à cette date, le dossier fiscal « peut être consulté auprès du greffe », les demandeurs disposaient jusqu’au 4 février 2022 pour déposer leur mémoire en réplique, ce qu’ils ont justement fait à cette date. Certes, le délai d’expiration pour déposer ledit mémoire en réplique était, à la date du dépôt du dossier fiscal, déjà entamé pour plus de la moitié du délai légalement prévu, il n’en reste pas moins que les demandeurs ont déposé leur mémoire en réplique endéans le délai légal en y incluant des développements quant à la question sous analyse et à la communication tardive du compte-rendu litigieux, sans pour autant faire usage de la possibilité offerte par l’article 5, paragraphe (7) de la loi du 21 juin 1999 de demander pour des raisons exceptionnelles et dûment motivées, une prorogation du délai de dépôt du mémoire en réplique6.

Le compte-rendu en question aborde les données générales du cas d’imposition litigieux, en ce compris les motifs gisant à la base de la vérification, de même que les « Constatations spéciales » faites par l’administration quant à la comptabilité de la pharmacie, ainsi que des références faites au système POS, amplement discuté par les demandeurs dans le cadre de leur réclamation, dans leur requête introductive, ainsi que dans leur mémoire en réplique, de sorte que les demandeurs ne sont actuellement pas fondés à soutenir qu’ils 5 Cour adm., 2 février 2016, n° 37452C du rôle, Pas. adm. 2022, V Procédure contentieuse, n° 814 (1er volet) et les autres références y citées.

6 En ce sens : Cour adm., 23 décembre 2021, n° 45696C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

27 n’auraient pas été en mesure de comprendre la teneur des reproches dirigés à leur encontre et qu’ils n’auraient, en conséquence, pas été en mesure de prendre utilement position.

Dans ces conditions, le tribunal retient que tant au niveau de la procédure précontentieuse qu’au niveau de la procédure contentieuse aucune violation des droits de la défense et du principe du contradictoire ne saurait être retenue en l’espèce.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de Madame X suivant laquelle elle aurait, lors de l’entrevue du 12 octobre 2020, été « menacée, acculée et obligée » de répondre à des accusations du service de révision sans avoir la moindre explication de ce qui lui serait reproché, voire que l’objectif de cette entrevue aurait été une collecte d’informations qui ne se serait pas inscrite dans le cadre d’un processus contradictoire. Même à admettre cette thèse, il n’en reste pas moins que l’existence d’une entrevue avec le contribuable ne constitue pas per se une condition sine qua non au respect du § 205, alinéa (3) AO et plus généralement au principe du contradictoire, mais constitue un moyen parmi d’autre à la disposition de l’administration visant à permettre au contribuable concerné de faire valoir son point de vue avant la prise de décision de l’administration, ce qui est le cas en l’espèce, tel que retenu ci-avant.

Enfin, le tribunal ne saurait suivre les demandeurs dans leur argumentation suivant laquelle la circonstance que les « faits nouveaux », dont l’administration se serait servie, ne leur auraient pas été communiqués, constituerait une violation du principe du contradictoire.

Il est constant en cause que l’émission des bulletins d’impôt litigieux s’inscrit dans le cadre particulier d’un contrôle sur place dont a fait l’objet Madame X qui s’inscrit, à son tour, d’après les explications du délégué du gouvernement, dans le cadre plus général d’une « action de plus grande envergure menée par les services fiscaux » à la suite de la révélation par voie de presse d’une « fraude fiscale importante dans le secteur pharmaceutique ». Les redressements litigieux sont fondés, toujours d’après le délégué du gouvernement, exclusivement sur le § 222 AO, tel que cela ressort encore des bulletins d’impôt litigieux.

Ces considérations ne sont pas sujettes à critique, dans la mesure où des éléments factuels révélés seulement dans le cadre d’un contrôle sur place exécuté même après l’émission des bulletins originaires peuvent être admis comme étant nouveaux dans la mesure où ils ne doivent pas être considérés comme ayant été connus du bureau d’imposition compétent au moment de l’émission des bulletins originaires. En effet, les faits nouveaux au sens du § 222 AO ne doivent pas avoir été constatés préalablement à l’exécution du contrôle sur place, alors que celui-ci constitue précisément une des mesures d’instruction possibles en vue de la détermination correcte des bases d’imposition et peut partant valablement conduire à la découverte de faits non connus antérieurement et pouvant être pris en compte dans le cadre de la fixation des bases d’imposition7.

Si le contrôle sur place dont a fait l’objet Madame X s’inscrit également dans la suite d’un contrôle de la société A effectué par l’administration, le tribunal est amené à retenir, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, que les faits, respectivement les moyens de preuve découverts par l’administration dans ce cadre sont susceptibles de qualifier de « faits nouveaux », au sens du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, de nature à justifier les redressements effectués dans le chef des demandeurs et litigieux en l’espèce. En effet, la 7 Cour adm., 4 juillet 2013, n° 31724C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1031.

28 découverte de faits ou de moyens de preuve dans le cadre d’un contrôle sur place, au sens des §§ 162, alinéas (9) et (10) et 193 AO, effectué chez un contribuable peut entraîner une imposition rectificative dans le chef d’un autre contribuable n’ayant pas fait l’objet dudit contrôle et ce sur base desdits faits ou moyens de preuve qui peuvent, dès lors, revêtir la qualification de « nouveau » au sens du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO8. Loin de constituer un procédé illégal d’obtention d’information, c’est à bon droit que l’administration a pu se fonder sur les informations recueillies par elle dans le cadre du contrôle de la société A, qui est au demeurant la fiduciaire de la pharmacie exploitée par les demandeurs au titre des années d’imposition litigieuses, pour procéder à l’imposition rectificative des demandeurs.

Dans ces conditions et dans la mesure où le compte-rendu litigieux mentionne, outre les éléments dépeints ci-avant, parmi les motifs de la vérification dont ont fait l’objet les demandeurs, les « faits nouveaux suivant constatations faites lors du contrôle de la société A par le service de révision », la référence au § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, ainsi que l’inclusion d’une déclaration faite par la société A quant à la question du système informatique litigieux en l’espèce, sont justifiées.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par la référence faite par les demandeurs à l’arrêt de la Cour administrative du 17 novembre 2016, qui, de l’entendement du tribunal, est celui inscrit sous le numéro 38467C du rôle, rendu dans le cadre particulier de l’échange de renseignements en matière fiscale et dans lequel la Cour n’était aucunement saisie d’une question portant sur l’application du § 222 AO. Dans cette affaire, la Cour a retracé les conditions dans lesquelles le bureau d’imposition est autorisé à requérir, sur le fondement du § 175 AO, de la part de personnes tierces autres que le contribuable concerné des renseignements qui sont pertinents pour une fixation correcte de bases d’imposition dans le cadre d’une procédure d’imposition ou de la surveillance fiscale visant le contribuable concerné. Il s’ensuit que la référence faite à cet arrêt est dénuée de pertinence en l’espèce.

Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen sous analyse est à rejeter pour être non fondé.

B) Quant à la question du bien-fondé du recours à la taxation d’office consécutif au caractère irrégulier allégué de la comptabilité des demandeurs Moyens et arguments des parties Les demandeurs estiment que leur comptabilité serait régulière quant à la forme et quant au fond.

Ils font valoir, tout d’abord, que la doctrine considérerait que les principes relatifs à la notion de comptabilité régulière devraient être dégagés de façon « déductive » en partant des objectifs de la comptabilité et non de manière « inductive », et que ce seraient les règles, et non les faits, qui devraient constituer la base du raisonnement en la matière. Pour déterminer si une comptabilité peut être considérée comme régulière, il faudrait, dès lors, se baser sur l’objectif des différentes règles comptables incluses dans l’AO et dans le Code de commerce. Une comptabilité serait ainsi considérée comme régulière si l’ensemble des objectifs sous-jacents à ces règles pouvait être atteint dans un cas particulier. De manière synthétique, on considérerait 8 Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, Verlag Dr. Otto Schmidt KG Köln, § 222, Anm. 11a, Seite 87.

29 qu’une comptabilité régulière constituerait une représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels.

Les demandeurs se réfèrent, ensuite, à la doctrine allemande afin d’exposer la manière dont il serait permis de rejeter la régularité d’une comptabilité et d’effectuer l’imposition sur base d’une estimation en application du § 217 AO. A cet égard, ils indiquent que l’administration devrait être en mesure de prouver soit qu’il y a eu des violations des obligations relatives à la régularité quant à la forme de la comptabilité du contribuable, soit que le résultat de la comptabilité ne correspondrait pas à la réalité. Même si l’administration était en mesure de rapporter une telle preuve, la taxation d’office devrait être limitée à ce qui est nécessaire, par exemple parce qu’il manquerait un élément comptable ou fiscal pour lequel le contribuable n’aurait pas d’explication adéquate. Cela résulterait également de l’objectif de la taxation d’office selon le § 217 AO, tel qu’il serait interprété par la jurisprudence des juridictions administratives. Afin de se rapprocher le plus possible de la réalité économique, une estimation ne devrait être faite que si elle est nécessaire, ce qui serait le cas, si la présomption de véracité prévue au § 208 AO pouvait être renversée. Même dans un tel cas, les explications du contribuable seraient à prendre en compte lorsqu’elles permettraient d’aboutir à un résultat conforme à la réalité.

Les demandeurs soutiennent qu’une comptabilité serait régulière quant à la forme lorsqu’elle répondrait aux exigences du § 162 AO, dans quel cas elle pourrait bénéficier de la présomption de véracité visée au § 208 AO, présomption qui pourrait être renversée.

Ils expliquent que dans leur cas, il y aurait lieu de distinguer entre, d’une part, les années d’imposition 2010 à 2013, et, d’autre part, l’année d’imposition 2014.

Par rapport aux années 2010 à 2013, les demandeurs expliquent que Madame X aurait indiqué qu’elle avait régulièrement prélevé dans la caisse de « petits montants de l’ordre de …euros », et qu’elle aurait saisi le montant de ces prélèvements dans le système POS. Il se serait toutefois « avéré » que tous ces prélèvements n’auraient pas été suffisamment documentés dans son livre de caisse manuscrit. Tout en admettant pouvoir concevoir que les montants en cause seraient à réintégrer dans son bénéfice commercial imposable, Madame X estime que la régularité formelle de sa comptabilité ne pourrait en être affectée et précise que le montant des majorations mises en compte par l’administration dépasserait très largement les prélèvements qu’elle aurait effectués.

Quant à l’année d’imposition 2014, les demandeurs affirment que leur comptabilité serait conforme aux exigences du § 162 AO alors que, chaque soir, après la fermeture de la pharmacie, ils auraient extrait, depuis le système POS, une fiche récapitulative reprenant le chiffre d’affaires du jour qui indiquerait à la fois les règlements effectués par les patients – par type de paiement – et la part prise en charge directement par la Caisse Nationale de Santé (« CNS ») sous le système dit du « tiers payant ». En plus de cette fiche récapitulative, ils auraient imprimé, quotidiennement, les bandelettes du terminal de paiement pour cartes bancaires reprenant ainsi le montant des recettes encaissées par type de carte. Il serait arrivé que le montant total de règlements par carte bancaire d’après l’extraction du système POS ne corresponde pas exactement aux recettes renseignées sur les bandelettes du terminal, différences dues au fait que les employés de la pharmacie se tromperaient parfois lors de l’encodage du mode de paiement dans le système POS. Les demandeurs estiment cependant que les éventuelles erreurs de ce genre n’auraient pas pu avoir d’impact sur le chiffre d’affaires total, alors qu’en fin de journée, ils auraient recoupé les données extraites du système POS avec 30 les recettes effectivement constatées en caisse ainsi qu’avec les prédites bandelettes du terminal. En outre, seules les recettes en espèces effectives de la journée seraient inscrites au livre de caisse qui constituerait donc le troisième document tenu sur une base quotidienne. A la fin de chaque mois, ils auraient envoyé à la CNS une extraction de leur système POS, ensemble avec les ordonnances-patients pertinentes, afin d’obtenir le paiement de la partie du prix de vente des médicaments prise en charge par la CNS, qui aurait contrôlé le montant sollicité et, si nécessaire, procédé à des redressements de ce montant, puis procédé au virement bancaire du montant à sa charge, après abattement, et enfin envoyé un décompte détaillé du virement.

Les demandeurs soutiennent que toutes ces pièces auraient été remises à la fiduciaire à la fin de chaque mois, laquelle aurait établi les états comptables requis par les lois commerciales et fiscales. Toutes les recettes et ventes y auraient été enregistrées de manière continue, complète et correcte sur la base de données collectées au jour le jour. En cas d’apport de corrections à une entrée initiale, cette modification aurait été clairement indiquée dans les documents comptables concernés, les demandeurs affirmant que toutes les pièces comptables qui auraient servi de base à l’établissement des comptes comptables auraient été conservées pendant la période requise par la loi et pourraient être communiqués au tribunal sur demande.

Par rapport au reproche du directeur suivant lequel Madame X n’aurait pas contesté, lors de l’entrevue du 12 octobre 2020, que le système POS présenterait des défaillances, les demandeurs font valoir qu’un logiciel de traitement des ventes tel que le système POS ne pourrait nullement être considéré comme faisant partie de la comptabilité d’un contribuable. Il ne s’agirait que d’un outil optionnel pouvant être utilisé par le commerçant pour faciliter la procédure de vente et d’achat ainsi que la gestion du stock de marchandises. Ni l’AO, ni le Code de commerce, ni aucun autre texte légal ou réglementaire n’obligeraient un commerçant à disposer d’un tel système, ni ne définiraient les exigences auxquelles un tel système devrait satisfaire.

Quant au deuxième reproche du directeur suivant lequel il n’aurait pas été possible, pour les demandeurs, de faire un recoupement détaillé entre les recettes enregistrées dans le système POS et les recettes enregistrées dans la comptabilité aux motifs (i) que des erreurs de saisie du mode de paiement auraient souvent été commises par les utilisateurs du système POS, (ii) que Madame X n’aurait pas inscrit manuellement les soldes en caisse en début ou fin du mois, et (iii) qu’elle n’aurait pas saisi dans les prélèvements de la caisse le système POS, les demandeurs indiquent maintenir leur argumentation suivant laquelle le système POS ne ferait pas partie de la comptabilité. Il s’ensuivrait qu’aucun recoupement entre les données du système POS et les entrées comptables ne devrait être possible. Les seuls recoupements à effectuer seraient ceux entre le livre de caisse, respectivement les extraits bancaires et autres pièces comptables, d’une part, et la comptabilité elle-même, d’autre part. Ces recoupements seraient parfaitement possibles et ne laisseraient aucun doute quant à la régularité de la comptabilité.

En ce qui concerne les erreurs de saisie du mode de paiement commises par les utilisateurs du système POS, les demandeurs affirment ne pas contester l’existence de telles erreurs de saisie qui seraient tout à fait normales en raison du nombre de ventes effectuées au cours d’une journée, mais donnent à considérer que Madame X n’aurait pas été en mesure de pouvoir vérifier chacune des entrées faites par ses employés dans le système POS. Ce serait d’ailleurs pour cette raison que les comptabilisations des modes de paiements ne se seraient pas en premier lieu basées sur les fiches imprimées du système POS, mais plutôt sur une lecture 31 combinée de ces fiches avec les bandelettes de paiements par carte bancaire ainsi que le comptage des rentrées effectives en caisse.

Ils poursuivent en faisant valoir que toute défaillance liée au système POS, qu’elle soit de nature technique ou humaine, ne pourrait avoir d’impact sur la régularité de la comptabilité.

Dans ce contexte, les demandeurs rejettent l’affirmation du directeur suivant laquelle il ne serait plus possible de vérifier « que le mode de paiement n’aurait pas d’influence sur le montant global des recettes finalement enregistrées, c’est-à-dire que le montant excédentaire des paiements en espèce aurait été reporté sur les autres modes de paiement » et affirme qu’il serait « tout à fait » évident qu’un « chiffre d’affaires de 100 reste[rait] un chiffre d’affaires de 100, quel que soit le mode de paiement du client ».

Les demandeurs réitèrent qu’à la fin de la journée, ils auraient imprimé une fiche récapitulative à partir du système POS et une bandelette à partir du terminal de paiement pour carte bancaire. Ces deux documents auraient contenu les informations sur le montant journalier payé par carte bancaire. Contrairement aux données sur le mode de paiement saisies manuellement dans le système POS, le terminal de paiement pour carte bancaire aurait enregistré automatiquement tout paiement par carte bancaire. Au vu de l’absence d’intervention humaine, les informations imprimées par le terminal de paiement pour carte bancaire ne pourraient pas contenir des informations erronées dues à des erreurs humaines. Les demandeurs précisent, à cet égard, que le montant des paiements par carte bancaire qui figurerait sur la bandelette du terminal de paiement pour carte bancaire aurait été inscrit dans la comptabilité. Afin d’arriver au montant qui aurait été effectivement payé en espèces, ils se seraient basés sur la somme du total des recettes quotidiennes indiquée sur la fiche récapitulative extraite du système POS. De cette somme, ils auraient déduit le montant des paiements par carte bancaire, conformément aux informations contenues dans le terminal de paiement pour carte bancaire. En procédant de la sorte, ils connaîtraient exactement le montant journalier payé par carte bancaire et celui payé en espèces, ce qui serait d’ailleurs le cas même en l’absence de cet exercice alors que chaque euro encaissé aurait été enregistré dans la comptabilité et déclaré. Il n’importerait pas d’un point de vue fiscal que cet euro ait été payé en espèces ou par carte bancaire.

En ce qui concerne les soldes en caisse, les demandeurs affirment qu’aucune obligation fiscale ou comptable n’exigerait que le fonds de caisse soit inscrit dans le livre de caisse au début et à la fin de chaque mois. Même si le fonds de caisse y était inscrit, il ne serait pas possible de faire un recoupement avec les données du système POS au motif que ce dernier ne connaîtrait pas en permanence la quantité d’argent liquide contenu dans la caisse. Les demandeurs réitèrent que (i) Madame X n’aurait pas saisi, pour 2014, les prélèvements de la caisse dans le système POS, qu’il se soit agi de prélèvements d’argent liquide de la caisse pour des raisons privées ou de prélèvements d’argent liquide de la caisse pour les apporter à la banque, (ii) qu’aucune obligation légale n’obligerait un contribuable à utiliser un système POS et qu’une telle obligation n’existerait pas non plus pour celui qui aurait fait le choix de saisir les informations relatives au prélèvement et celles relatives au motif du prélèvement dans le système POS, et (iii) que les prélèvements réguliers des années 2010 à 2013 auraient été saisis dans le système POS, sans qu’ils n’aient été adéquatement documentés. Or, depuis l’année fiscale 2014, les demandeurs affirment que Madame X n’aurait plus saisi les prélèvements dans le système POS, mais que tous les prélèvements auraient été documentés de manière adéquate dans son livre de caisse et seraient, dès lors, correctement reflétés dans sa comptabilité.

Quant au troisième reproche du directeur suivant lequel les inscriptions dans les livres 32 comptables auraient fait l’objet d’une inscription récapitulative, de sorte à ne pas avoir été faites sur base d’extraits journaliers, les demandeurs affirment que le directeur se serait trompé en affirmant, sur base de l’article 11 du Code de commerce, que les opérations devraient être inscrites quotidiennement dans les états comptables. Ils se prévalent de la circulaire L.G. -A n° 63 du 15 septembre 2017 pour soutenir que les transactions auraient été saisies immédiatement dans le système POS et auraient également été inscrites, sous forme de totaux journaliers, manuellement et quotidiennement par eux dans le livre de caisse, de sorte que l’obligation leur incombant en vertu de l’article 11 du Code de commerce aurait bel et bien été remplie. Les écritures récapitulatives dans les états comptables par la fiduciaire ne remettraient pas en question le fait qu’ils auraient rempli leur obligation légale en lien avec la comptabilisation journalière, les demandeurs se référant à un arrêt de la Cour administrative du 15 janvier 2019, inscrit sous le numéro 41547C du rôle, ainsi qu’à la doctrine allemande, dont il ressortirait, en substance, qu’un contribuable serait admis à transmettre en bloc ses pièces comptables à un prestataire externe au lieu d’assumer une transmission immédiate et continue de tous les éléments à comptabiliser.

En ce qui concerne le stock de marchandises, les demandeurs réfutent, d’abord, le reproche qu’ils n’auraient pas dressé un inventaire une fois par an conformément à l’article 15 du Code de commerce, alors qu’à la fin de chaque année, ils auraient établi leur inventaire en déterminant exactement la quantité de produits qui se seraient trouvés dans le stock de la pharmacie, tout en déterminant la valeur de leur stock de marchandises en tenant compte du prix des produits. La valeur ainsi déterminée aurait été reprise par la fiduciaire dans la comptabilité de la pharmacie.

Les demandeurs rejettent, ensuite, le deuxième reproche du directeur et qui concernerait « des difficultés certaines dans la tenue correcte des stocks » qui serait due au fait que le « robot enregistreur ne reconnaissait pas toujours les codes des produits prélevés des stocks [qui] n’étaient, fréquemment et par mégarde, pas enregistré[s] », en faisant valoir que cette allégation ne serait pas étayée par le directeur. Même à admettre que le robot enregistreur aurait commis des erreurs, ces dernières ne pourraient pas avoir de conséquence négative sur la régularité de la comptabilité de la pharmacie. Le robot enregistreur serait connecté à la base de données du système POS et toute erreur qu’il commettrait aurait un impact sur les informations dont dispose le système POS concernant les marchandises disponibles dans le stock de marchandise. Les demandeurs estiment que la circonstance que les données sur le stock du système POS ne correspondent pas en permanence, tout au long de l’année, à l’unité près au stock effectivement disponible serait « sans doute » commun à l’ensemble des commerces de détail ayant un stock d’une certaine importance et ne saurait constituer une infraction aux règles comptables applicables. Ils ajoutent que dès que la valeur comptabilisée du stock de marchandise correspondrait à la somme des coûts d’acquisition des produits existant au jour de l’inventaire, toute éventuelle différence au niveau du système POS et de l’inventaire physique serait nécessairement inopérante. Les critiques afférentes du directeur seraient, dès lors, à rejeter, d’autant plus qu’un inventaire serait réalisé à la fin de chaque année conformément à l’article 15 du Code de commerce.

Il conviendrait dès lors de conclure que la comptabilité de la pharmacie serait régulière quant à la forme et bénéficierait de la présomption de véracité prévue au § 208 AO laquelle ne saurait être renversée qu’en présence « d’éléments permettant de douter de la sincérité des écritures comptables, d’indices pouvant remettre en cause la réalité factuelle des écritures et des documents comptables ». Pour renverser cette présomption, il faudrait que le contrôleur prouve « l’impossibilité du résultat » déterminé par le contribuable et s’appuie « sur des motifs 33 sérieux et concluants. Un simple soupçon ou un mouvement de méfiance ne suffi[raient] pas ».

Il ressortirait d’ailleurs d’un jugement du tribunal administratif du 28 juin 2000, inscrit sous le numéro 11553 du rôle, que le bureau d’imposition devrait faire état « d’indices suffisamment concrets pour ébranler l’apparence ainsi créée et, par voie de conséquence, mettre en cause la régularité de ladite comptabilité ». Quant à l’année 2014, les demandeurs reprochent à l’administration de ne pas avoir fait état de tels indices alors que le tableau comparant le chiffre d’affaires résultant de la comptabilité aux données des extractions du logiciel informatique ne saurait suffire à lui seul pour justifier un éventuel rejet de la comptabilité ainsi que des redressements correspondants.

En ce qui concerne la régularité quant au fond de leur comptabilité, les demandeurs expliquent qu’ils auraient fourni, dans le cadre de leur réclamation, plusieurs explications fondées sur l’origine des différences constatées par le service de révision entre le chiffre d’affaires du système POS et le chiffre d’affaires comptable. Afin de trouver les explications quant à la différence constatée par le service de révision, ils auraient pris comme point de départ leur comptabilité et reconstitué la manière dont le chiffre d’affaires aurait été déterminé dans la comptabilité pour, ensuite, d’une part, analyser plus en détail les extractions du système POS, et, d’autre part, déterminé quels éléments auraient été pris en compte dans la détermination du chiffre d’affaires par le système POS. Ils ajoutent que dans la mesure où ils auraient pu identifier des éléments qui auraient été pris en compte pour la détermination du chiffre d’affaires dans la comptabilité mais pas par le système POS, ou inversement, ils auraient fourni une explication pour la différence constatée.

Ils font valoir que les développements du directeur seraient contradictoires et ambigus au motif qu’il aurait affirmé que leurs explications fournies dans leur réclamation par rapport aux différences constatées au niveau des montants de chiffres d’affaires des différents systèmes « semble[raient] pertinentes » et qu’elles seraient « sensées en apparence », pour ensuite soutenir que ces explications ne sauraient être retenues pour justifier une révision à la base des majorations de recettes effectuées par le bureau d’imposition Les demandeurs poursuivent en ajoutant que d’un côté, l’intégralité de la procédure de réimposition menée par les agents de l’administration serait basée sur la différence constatée entre le chiffre d’affaires enregistré dans le système POS et le chiffre d’affaires comptable, alors que le service de révision semblerait s’être basé sur la différence constatée pour justifier le rejet de sa comptabilité, tandis que les bureaux d’imposition auraient invoqué, à un stade ultérieur de la procédure, la différence constatée par le service de révision pour justifier la hauteur des majorations de recettes par année fiscale. Les demandeurs en déduisent que non seulement le point de départ mais aussi le résultat de la procédure de la taxation d’office seraient basés sur la différence constatée entre le chiffre d’affaires enregistré dans le système POS et le chiffre d’affaires comptable. Or, le directeur aurait entendu leur refuser le droit d’expliquer, par des arguments qu’il qualifierait lui-même de « sensés » et « pertinents », cette différence qui serait pourtant au cœur de la procédure de réimposition menée par l’administration.

Ils estiment qu’une telle approche ne saurait être validée, alors que même si la partie étatique devait être considérée comme ayant été en droit de renverser la présomption de véracité de la comptabilité – conclusion qu’ils réitèrent contester –, ils devraient toutefois avoir la possibilité d’expliquer les différences constatées par les agents de l’administration. Ces explications démontreraient que la différence entre le chiffre d’affaires résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires résultant du bilan comptable serait en réalité beaucoup 34 plus faible que la différence que les agents de l’administration prétendraient avoir constatée.

En effet, après la prise en compte de ces explications, toute faible différence pouvant exister ne pourrait laisser conclure à l’impossibilité du résultat et ainsi justifier une taxation d’office.

Par rapport aux années fiscales 2010 à 2013, les demandeurs affirment que même à supposer que la présomption de véracité de sa comptabilité serait renversée, il conviendrait de noter que les différences que le service de révision affirme avoir constatées entre le chiffre d’affaires informatique et comptable ne s’expliqueraient pas exclusivement par les prélèvements non adéquatement documentés. Ils ajoutent que Madame X aurait indiqué qu’au cours de ces années fiscales, il lui serait certes régulièrement arrivée de prélever de « petits montants d’environ … euros » en numéraire dans la caisse, mais que même en supposant qu’elle aurait prélevé ce montant de la caisse cinq fois par semaine sur les 52 semaines de l’année, cela aurait représenté un montant total de … euros par année. Or suivant cette logique, le montant de … euros correspondrait aux prélèvements non adéquatement documentés, la différence restante constatée par le service de révision se chiffrerait toujours à … euros pour l’année fiscale 2010, à … euros pour l’année fiscale 2011, à … euros pour l’année fiscale 2012 et à … euros pour l’année fiscale 2013. Pour ces différences restantes, il existerait des explications permettant de comprendre pourquoi le chiffre d’affaires du système POS divergerait de celui reconnu en comptabilité et ne correspondrait pas à la réalité économique.

Pour l’ensemble des années fiscales litigieuses, les demandeurs indiquent que les différences constatées par le service de révision s’expliqueraient par les abattements consentis à la CNS qui auraient diminué le chiffre d’affaires comptables par rapport aux extractions du système POS. Il ne serait, par ailleurs, pas certain que les montants de chiffre d’affaires déterminés par le service de révision depuis les extractions informatiques prendraient en compte les remises aux clients qui seraient renseignées séparément par le logiciel et qui auraient nécessairement diminué les recettes encaissées. Les demandeurs donnent à considérer que l’application d’une « marge de sécurité » ne serait pas justifiée au motif (i) que l’existence d’une différence entre le contexte factuel ayant mené à la jurisprudence invoquée par le service de révision et le contexte factuel dans le cas d’espèce et (ii) que le nombre de lignes annulés et de tickets manquants constaté ne refléterait pas la réalité, mais s’expliquerait par le fonctionnement technique du système POS. Ils ajoutent que si un redressement devait être opéré au sujet d’une éventuelle différence de faible importance entre le chiffre d’affaires déterminé par le service de révision depuis les extractions du système POS et le chiffre d’affaires comptable, ce redressement serait à faire hors taxes.

Au sujet des abattements consentis par la CNS, les demandeurs avancent dans ce contexte que le règlement grand-ducal modifié du 23 décembre 1993 concernant l’abattement accordé par les pharmaciens à l’assurance maladie, pris en exécution de l’article 67 du Code des assurances sociales, prévoirait que les pharmaciens accordent à la CNS un abattement par rapport aux prix de vente officiels après déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Le taux de cet abattement serait en principe de 5%, mais il pourrait être réduit à condition que le pharmacien mette à disposition de la CNS un certain nombre de données sur support informatique. Le taux réduit applicable dans ces cas de figure serait de 3,75% jusqu’au 1er janvier 2011, pour passer ensuite à 1,40%, puis à partir du 4 mai 2012 à 0,25%. Des exemptions d’abattement s’appliqueraient pour certains types de médicaments et le montant de l’abattement serait déterminé et déduit par la CNS à l’occasion des décomptes mensuels. Le système POS déterminerait le montant du chiffre d’affaires de la pharmacie sur la base des prix de vente officiels des différents médicaments et avant toute application de l’abattement, alors que la comptabilité serait basée sur les décomptes de la CNS, après déduction de l’abattement.

35 Il en résulterait ainsi une différence d’une importance considérable entre le chiffre d’affaires comptable et le chiffre d’affaires théorique résultant des extractions du système POS pour les exercices 2010 et 2011. A partir de l’exercice 2012, l’impact de l’abattement CNS serait moindre en raison de la réduction des taux applicables. Les demandeurs se réfèrent, à cet égard, à un tableau reprenant les abattements constatés dans leurs livres comptables pour les années 2010 à 2014. Ils en concluent qu’une partie importante des différences constatées par le service de révision s’expliquerait par la non prise en compte des réductions de chiffre d’affaires en raison de l’abattement CNS dans les montants totaux déterminables sur la base des extractions du système POS. Or, vu qu’il s’agirait d’une réelle réduction du chiffre d’affaires, un redressement du bénéfice imposable ne se justifierait pas.

Les demandeurs indiquent qu’un troisième élément serait de nature à expliquer une éventuelle différence entre le chiffre d’affaires résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires comptable. Il s’agirait des remises accordées aux clients. A cet égard, ils font remarquer que les entrées comptables dans les comptes de produits auraient été effectuées par la fiduciaire après déduction des remises aux clients alors que les informations à leur disposition ne permettraient pas de déterminer si le service de révision avait tenu compte ou non de ces remises lors de l’exercice de réconciliation effectué. Ils dressent, dans ce contexte, un tableau reprenant pour chacun des exercices 2010 à 2014, le montant des « Remises totales (hors TVA) », ainsi que le montant de « Remises totales (TTC) », et font valoir que dans la mesure où les remises accordées auraient effectivement réduit le chiffre d’affaires réalisé, un redressement du bénéfice imposable ne se justifierait pas.

Ils poursuivent en faisant valoir que l’application d’une « marge de sécurité » ne serait pas justifiée au motif que les bureaux d’imposition n’auraient pas limité le montant des redressements de « recettes » envisagé au montant des différences constatées au niveau du chiffre d’affaires, mais auraient également appliqué une « marge de sécurité » de 20%. Tout en déduisant de l’annotation du tableau établi par le service de révision, que cette « marge de sécurité » serait justifiée par une référence aux conclusions retenues dans un jugement du tribunal administratif du 25 juin 2018, inscrit sous le numéro 39260 du rôle, les demandeurs donnent à considérer que cette affaire aurait concerné une situation de taxation d’office par l’administration suite au constat que la comptabilité du contribuable concerné présentait des irrégularités formelles et matérielles.

Les demandeurs font valoir que leur cas divergerait de cette affaire dans laquelle le bureau d’imposition serait arrivé à démontrer que la comptabilité confectionnée par le contribuable n’était pas régulière quant à la forme, l’absence de pièces justificatives l’aurait mis dans l’impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable, tandis que le tribunal en aurait tiré la conséquence que le bureau d’imposition pouvait valablement rajouter une marge de sécurité correspondant approximativement à 10% des recettes initialement déclarées par le contribuable en ce qu’elle avait été « effectuée avec mesure et modération » conformément aux principes régissant les taxations d’office.

Contrairement à cette affaire dans laquelle l’administration n’aurait disposé d’aucune source fiable sur laquelle fonder son estimation lors du contrôle fiscal, de sorte que le tribunal l’aurait autorisée à appliquer une certaine marge de sécurité en raison de l’incertitude à laquelle était confrontée l’administration, les demandeurs font valoir que dans leur cas, l’estimation du chiffre d’affaires et par conséquent aussi les montants des majorations par année fiscale seraient basés sur les extractions du système POS. Tout en affirmant que l’administration considérerait en l’espèce que le chiffre d’affaires extrait du système POS correspondrait au chiffre d’affaires 36 réellement réalisé et dans la mesure où Madame X aurait été en mesure de produire l’ensemble des justificatifs demandés, y compris les extractions des logiciels informatiques, les demandeurs estiment que les bureaux d’imposition et le service de révision n’auraient pas été dans l’impossibilité de déterminer le montant précis du chiffre d’affaires par le biais d’un redressement ponctuel, de sorte que tout recours à une marge de sécurité serait exclu.

Pour être tout à fait complet, les demandeurs entendent préciser que l’application de la prédite marge de sécurité ne serait pas non plus justifiée par le simple constat que les extractions informatiques analysées par le service de révision comporteraient un certain nombre de « tickets manquants » et de « lignes annulées » au motif que ces « aspects » s’expliqueraient exclusivement par le fonctionnement technique du système POS, les demandeurs ajoutant qu’ils ne sauraient pas dans quelle mesure ils auraient été pris en compte dans le raisonnement du service de révision, voire des bureaux d’imposition, faute de compte-rendu de ses opérations de vérification, mise à part le tableau. Pour ce qui concerne plus particulièrement la numérotation des tickets, les demandeurs affirment qu’il aurait été expliqué, notamment au service de révision, (i) que les numéros seraient attribués en début de vente, de sorte que si l’opérateur venait à « cliquer » sur le bouton « délivrance » comme pour commencer une vente, un numéro de ticket serait préattribué par le logiciel, (ii) que si l’opérateur se rendait compte qu’il ne voulait finalement pas encoder une vente mais accéder à une autre fonction du programme, l’opérateur fermerait ensuite l’écran de vente, dans quel cas le numéro de ticket serait alors « perdu » par le système, (iii) que lors de la prochaine vente, le numéro de ticket suivant serait attribué, de sorte qu’il en résultera un « trou » dans la numérotation au titre du numéro « perdu », et (iv) qu’un bug informatique aurait été constaté et aurait eu pour conséquence que le programme aurait « parfois » demandé en boucle des numéros de vente ou de ticket, ce qui aurait « incrémenté la séquence en laissant des « trous » dans la numérotation ». Pour le détail technique, l’expert « … » (auparavant employé auprès de « … ») aurait expliqué aux demandeurs que le programme vérifierait s’il y a un numéro pour la vente en cours en allant vérifier une certaine zone mémoire, et y verrait que cette zone serait à zéro et demanderait donc à la base de données de lui fournir le numéro suivant pour le stocker dans cette zone. Le bug se serait situé à ce niveau, à savoir que dans la mesure où cette zone aurait été configurée en lecture seule, le numéro reçu n’aurait pas été mémorisé, de sorte que lorsqu’il serait repassé au même endroit, le programme aurait trouvé un numéro à zéro et en aurait redemandé un autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’écriture sur cette zone soit finalement possible et qu’un numéro soit mémorisé. Mais dans l’intervalle, un nombre important de numéros auraient pu être « perdus ».

Pour ce qui concerne les lignes et les ventes marquées comme annulées, les demandeurs indiquent qu’il s’agirait « en réalité » de ventes modifiées pour diverses raisons, tel que notamment des cas où le patient aurait dans un premier temps avancé l’intégralité du prix et remis son ordonnance à la pharmacie plus tard. Des explications et exemples générales auraient été résumés dans un document produit par Monsieur … de « … » et qui serait versées à l’appui de leur recours sous forme de pièce. Ils se réfèrent à une autre pièce versée à l’appui de leur recours pour soutenir qu’ils auraient produit pour les années 2013 et 2014, celles pour lesquelles une quantité relativement importante de lignes « annulées » aurait été constatée, un échantillon d’exemples concrets qui démontreraient, cas par cas, le fait qu’aucune ligne n’aurait « réellement » été supprimée. Il se serait agi, au contraire, d’un « langage informatique » pour désigner les ventes qui auraient été « rappelées », souvent pour rajouter une ordonnance médicale non disponible immédiatement ou encore pour modifier une erreur d’encodage. Ils ajoutent qu’il ne serait « évidemment » pas possible de montrer, pour chaque « ligne annulée » qu’il ne s’agirait pas d’une « réelle » annulation de vente, mais plutôt d’une 37 simple modification, mais indiquent que d’autres exemples pourraient être fournis sur demande du tribunal.

Les demandeurs en concluent que l’ensemble de ces éléments d’origine purement technique, voire informatique seraient hors du contrôle du contribuable et ne sauraient en aucun cas remettre en question la fiabilité des écritures comptables opérées. Une éventuelle taxation d’office au sens du § 162 AO de manière générale et/ou le rajout d’une « marge de sécurité » en particulier ne se justifieraient donc pas non plus de ce point de vue-là. Les décisions directoriales devraient, dès lors, être réformées par l’annulation des bulletins litigieux et le renvoi devant les services d’imposition aux fins d’élimination des montants repris à titre de « marge de sécurité » comme indiquées dans le tableau.

Finalement, les demandeurs font valoir que tout éventuel redressement pour différences de faible importance serait à faire hors taxes. Ils estiment qu’en général, pour toutes les années fiscales litigieuses, que les redressements de recettes effectués dans les bulletins auraient été déterminés par référence aux différences entre, d’une part, le chiffre d’affaires TTC résultant des extractions du système POS et « des factures des vétérinaires » et, d’autre part, le chiffre d’affaires TTC résultant de la comptabilité. Le montant du différentiel observé constituerait dès lors nécessairement un montant TTC, de sorte à contenir de la TVA. En ajoutant ce différentiel observé au chiffre d’affaires imposable, sans opérer de correction au titre de la TVA, le bureau d’imposition aurait au final soumis à imposition un montant de TVA collecté par la pharmacie pour compte de l’Etat qui ne ferait pas partie du chiffre d’affaires. Les demandeurs en concluent que la TVA ne saurait être intégrée d’une façon ou d’une autre à la base imposable, de sorte qu’il faudrait considérer les montants hors TVA et non les montants TTC, comme l’aurait fait le bureau d’imposition. Ils se réfèrent, dans ce contexte, à l’article 18 LIR et au § 7 de la loi du 1er décembre 1936 concernant l’impôt commercial communal, telle que modifiée, dite « Gewerbesteuergesetz », en abrégé « GewStG ».

Au vu de ce qui précède, les demandeurs concluent que la très grande partie des différences relevées par le service de révision entre le chiffre d’affaires constaté sur base des extractions du système POS et du chiffre d’affaires comptable, s’expliquerait aisément, de sorte que les décisions directoriales devraient être réformées. Ils réitèrent qu’en tenant compte des justifications avancées par eux quant à l’existence des écarts de chiffres d’affaires, les écarts qui demeureraient seraient nécessairement de faible importance, lesquelles seraient à corriger par des redressements ponctuels, sans que la comptabilité ne doive être considérée comme étant irrégulière quant au fond dans son ensemble.

Dans leur mémoire en réplique et de manière générale, les demandeurs contestent avoir procédé à des comptabilisations qui « ne refl[èteraient] intentionnellement pas la réalité des flux commerciaux et financiers » tel que reproché par le directeur, alors qu’ils n’auraient jamais eu l’intention de « frauder le fisc ».

Ils avancent encore, par rapport à l’allégation du délégué du gouvernement que la société anonyme B, ci-après désignée par « B », leur aurait accordé certaines remises, notamment sous forme d’articles gratuits, qu’il ne serait pas clair pour quelles raisons ces remises, sinon articles gratuits, poseraient un problème à l’administration des Contributions directes, et ce, dans la mesure où l’ensemble des marchandises acquises de la société B aurait été comptabilisé dans leur comptabilité au prix effectif d’acquisition.

Les demandeurs insistent ensuite sur le fait qu’ils auraient tenu un livre de caisse dans 38 lequel ils auraient inscrit l’ensemble des recettes de chaque journée, l’ensemble des prélèvements ainsi que le transfert de liquidités sur le compte bancaire de la pharmacie. Les éventuels prélèvements de la caisse apparaîtraient de manière tout à fait transparente dans leur livre de caisse et seraient pris en compte dans la comptabilité, de sorte qu’il n’y aurait aucune fraude.

Les demandeurs reprochent également au délégué du gouvernement en ce qui concerne la détermination des « prix de ventes théoriques (minima) sur fournitures gratuites ou ayant fait l’objet de remises », de ne pas avoir expliqué ce que l’administration aurait exactement recherché à faire, ni pourquoi l’exercice en question aurait été nécessaire.

Concernant la régularité de leur comptabilité, plus particulièrement celle quant à la forme, ils réitèrent leurs développements quant à la méthode utilisée pour tenir leur livre de caisse et d’écriture de régularisation de fin d’année, pour la comptabilisation des ventes aux vétérinaires et pour les stocks et l’inventaire.

Concernant les stocks et inventaires, les demandeurs reprochent au délégué du gouvernement de fonder son affirmation suivant laquelle les stocks de marchandises n’auraient pas été correctement suivis, sur des erreurs occasionnelles commises par le « robot » de la pharmacie lors du rangement de produits et du retrait des produits du stock de marchandises.

Ils maintiennent que si l’article 15 du Code de commerce exige la tenue d’un inventaire une fois par an, d’éventuelles erreurs dans la tenue du stock en cours d’année n’affecteraient pas le stock tel qu’il figurerait dans sa comptabilité à la fin de l’année.

Tout en admettant qu’il arriverait que la quantité de produits en stock selon le système informatique de traitement des ventes ne correspondait pas à la quantité physiquement présente, les demandeurs rappellent que ces différences, qui seraient tout à fait normales dans un commerce de détail à multiples transactions par jour, auraient cependant été corrigées lors de l’écriture d’inventaire de fin d’année. Ils ajoutent que de telles erreurs commises par le robot ne sauraient en aucun cas constituer une infraction aux règles comptables applicables. Au contraire, dès que le chiffre comptabilisé en stock correspondrait à la somme des coûts d’acquisition des produits existant au jour de l’inventaire, toute éventuelle différence au niveau d’un logiciel et de l’inventaire physique serait nécessairement inopérante. Les demandeurs ajoutent qu’en tenant compte du prix d’achat de ces produits, ils auraient déterminé la valeur de leur stock de marchandises, tandis que la valeur ainsi déterminée aurait été reprise par la fiduciaire dans leur comptabilité.

Enfin, par rapport à la régularité de leur comptabilité quant au fond, les demandeurs précisent que la vente de produits gratuits ou à prix réduit reçus par le B aurait été traitée de la même manière que si le produit en question avait été acquis au prix ordinaire, c’est-à-dire que les produits gratuits ou à prix réduits auraient été enregistrés en comptabilité, mais simplement avec un produit d’acquisition à hauteur de … euro. Le fait d’avoir eu des produits à prix réduits ou gratuits leur aurait permis de réaliser une marge plus élevée. Le chiffre d’affaires total aurait en tout état de cause été comptabilisé et déclaré en bonne et due forme, de sorte qu’aucun bénéfice n’aurait été occulté.

Analyse du tribunal Force est de constater qu’il ressort des deux décisions directoriales déférées que l’imposition de la pharmacie exploitée par Madame X, imposée collectivement avec son époux, 39 Monsieur Y, a été déterminée par voie de taxation en application du § 217 AO, alors que le directeur a confirmé le bureau d’imposition et le service de révision ayant conclu au caractère irrégulier quant à la forme et quant au fond de la comptabilité en partie double informatisée de la pharmacie.

Il ressort des décisions directoriales déférées que le caractère irrégulier de la comptabilité de la pharmacie repose, en substance, sur quatre reproches :

- l’existence de différences importantes qui auraient été constatées entre le montant du chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du système POS utilisé par les demandeurs et celui enregistré dans leur comptabilité sous la forme de Fichiers Audit Informatisés de l’administration de l’enregistrement (« FAIA »), - l’existence d’irrégularité dans la tenue du livre de caisse, - l’existence d’irrégularité dans l’établissement de l’inventaire des stocks, et - le défaut de pièces justificatives complètes de nature à corroborer l’intégralité des écritures comptables.

En l’espèce, il est constant que les demandeurs se trouvent soumis à une obligation de tenue d’une comptabilité découlant des articles 8 à 16 du Code de commerce pour exercer une activité commerciale consistant en l’exploitation d’une pharmacie.

En vertu du § 160 AO, toutes les personnes physiques et morales qui sont soumises à l’obligation de tenir une comptabilité (« Bücher und Aufzeichnungen ») en vertu d’autres dispositions légales doivent tenir cette comptabilité aussi dans l’intérêt de leur imposition dès qu’elle est propre, d’après son objet, à servir de moyen de preuve pour l’assiette de l’impôt.

Les § 162 à 165 AO imposent, quant à eux, la tenue d’une comptabilité régulière et complète quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait sans problèmes9.

Une comptabilité est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que les principes de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non-compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence10.

Le § 208, alinéa (1) AO11 instaure en faveur d’une comptabilité tenue conformément aux principes énoncés au § 162 AO une présomption de véracité en cas d’absence de raison permettant de contester sa régularité au fond.

Quant au premier reproche du directeur relatif à l’existence d’écarts entre le chiffre 9 Cour adm., 15 janvier 2019, n° 41547C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 923 (2e volet).

10 Ibid..

11 § 208, alinéa (1) AO: « Bücher und Aufzeichnungen, die den Vorschriften des § 162 entsprechen, haben die Vermutung ordnungsmäßiger Führung für sich und sind, wenn nach den Umständen des Falls kein Anlass ist, ihre sachliche Richtigkeit zu beanstanden, der Besteuerung zugrunde zu legen. ».

40 d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires enregistré dans leur comptabilité sous la forme FAIA, il échet de se référer au § 162 AO qui dispose notamment en son alinéa (2) que : « Die Eintragungen in die Bücher sollen fortlaufend, vollständig und richtig bewirkt werden. Der Steuerpflichtige soll sich einer lebenden Sprache und der Schriftzeichen einer solchen bedienen ». Cette disposition consacre ainsi le principe de la comptabilisation continue qui implique la comptabilisation chronologique des opérations, et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui impose l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct12.

En l’espèce, le tribunal relève, tout d’abord, qu’il résulte effectivement du premier tableau figurant sous le point C. du compte-rendu litigieux que pour les années d’imposition 2010 à 2014 litigieuses, des différences importantes entre le chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires comptabilisé par leur fiduciaire ont été constatées lors du contrôle fiscal, lesdites différences constatées se situant, en effet, entre … euros et … euros, étant précisé que les demandeurs ne contestent pas, en tant que tel, l’existence même de ces différences, mais entendent les expliquer pour démontrer qu’elles ne seraient pas de nature à influer sur le caractère régulier de leur comptabilité dans son ensemble, analyse qui sera faite ci-après.

A cet égard, le tribunal retient, d’emblée, que l’argumentation des demandeurs selon laquelle le système POS ne pourrait pas être considéré comme faisant partie de leur comptabilité n’emporte aucunement la conviction du tribunal.

Loin de ne constituer qu’« un logiciel de traitement des ventes », voire un « outil optionnel pouvant être utilisé par le commerçant pour faciliter la procédure de vente et d’achat ainsi que la gestion du stock de marchandises », tel que les demandeurs l’allèguent, il ressort de leurs propres explications et de leur description du fonctionnement de la pharmacie (i) que ledit système POS avait été leur logiciel de traitement des ventes au sein de leur officine duquel ils ont extrait, chaque soir, une fiche récapitulative reprenant le chiffre d’affaires du jour, laquelle ferait partie, ensemble avec les bandelettes du terminal de paiement pour cartes bancaires et le livre de caisse, des trois documents qui seraient tenus sur une base quotidienne, (ii) qu’à la fin de chaque mois, une extraction de leur système POS était envoyé à la CNS, ensemble avec les ordonnances-patients pour obtenir le paiement de la partie du prix de vente des médicaments prise en charge par la CNS, (iii) que lorsque le montant du règlement par carte bancaire d’après le système POS ne correspondait pas exactement aux recettes renseignées sur les bandelettes du terminal de paiement pour cartes bancaires, ils ont recoupé les données extraites dudit logiciel avec les recettes effectivement constatées en caisse ainsi qu’avec les prédites bandelettes du terminal, et (iv) que c’est bien dans le système POS que Madame X a saisi le montant des prélèvements privés d’espèces dans la caisse de la pharmacie, en tout cas pour une partie des années d’imposition litigieuses.

S’il est exact qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose l’utilisation du système POS en vue de la tenue d’une comptabilité, il n’en reste pas moins qu’à partir du moment où les demandeurs décident d’avoir librement recours à un logiciel informatique, tel que le système POS, toute irrégularité ou défaillance d’un tel logiciel constatée en amont, qu’elle soit technique ou consécutive à une mauvaise utilisation par le personnel de la pharmacie, entraînant un enregistrement de données erroné ou incorrect, est nécessairement de nature à avoir un impact sur le caractère régulier de la comptabilité de la pharmacie en aval 12 Cour adm., 14 août 2019, nos 42249C et 42318C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 923 (1er volet).

41 établie sur base de ces mêmes données. C’est, dès lors, à tort que les demandeurs soutiennent que les défaillances constatées par le service de révision dans le système POS seraient, en substance, non pertinentes en l’espèce.

Le tribunal retient, au contraire, que le système POS a été utilisé par les demandeurs en tant que base pour établir au moins partiellement leur comptabilité, de sorte qu’il y a lieu de le considérer, en l’espèce, comme faisant partie de leur comptabilité et gisant au moins partiellement à sa base.

Dans ces conditions, le reproche du directeur sous analyse qui porte précisément sur une absence de correspondance entre les données figurant dans le système POS, qui constitue pourtant à tout le moins « un logiciel de traitements des ventes », et celles enregistrées dans leur comptabilité sous la forme FAIA, amène le tribunal à conclure, à première vue, à un enregistrement incorrect des opérations effectuées par la pharmacie et constituent, dès lors, un indice permettant de douter de la réalité factuelle des écritures et des documents comptables soumis à l’administration à travers la fiduciaire pour les années litigieuses, de sorte à exclure, a priori, la présomption de véracité de la comptabilité des demandeurs, telle que prévue par le § 208, alinéa (1) AO, précité.

Conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable », de sorte qu’il appartient aux demandeurs de démontrer le caractère régulier de leur comptabilité afin d’écarter le bien-fondé du recours à la taxation d’office par l’administration.

En ce qui concerne les différences constatées entre le chiffre d’affaires résultant d’une extraction du système POS et le chiffre d’affaires enregistré dans leur comptabilité, les demandeurs font valoir que ces différences s’expliqueraient, en substance, (i) par les abattements consentis à la CNS, (ii) par les remises faites aux clients, (iii) par la circonstance que les redressements éventuels seraient à faire hors taxes, et (iv) par les prélèvements privés d’espèces effectués par Madame X à de multiples reprises au cours des années d’imposition 2010 à 2014 litigieuses.

Ces explications n’emportent pas la conviction du tribunal.

De manière générale, le tribunal relève que le directeur a pris en compte cette argumentation des demandeurs et qu’il résulte du tableau confectionné par ses soins et inséré dans une de ses deux décisions que même après avoir déduit l’abattement de la CNS, les remises accordées aux clients et la TVA, des différences de chiffres d’affaires existent encore et restent de surcroît toujours significatives en ce qu’elles s’élèvent à … euros (au lieu de … euros) pour l’année 2010, à … (au lieu de … euros) pour l’année 2011, à … euros (au lieu de … euros) pour l’année 2012, à … euros (au lieu de … euros) pour l’année 2013, et à … euros (au lieu de … euros) pour l’année 2014. Les demandeurs ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que les différences litigieuses seraient, en substance, dérisoires et qu’elles ne sauraient, dès lors, pas être de nature à impacter le caractère régulier de leur comptabilité.

Plus particulièrement, en ce qui concerne l’argumentation suivant laquelle une différence d’une importance considérable serait due au fait que le système POS déterminerait le montant du chiffre d’affaires sur base des prix de vente officiels des différents médicaments, tandis que la comptabilité serait basée sur les décomptes de la CNS, après déduction de 42 l’abattement prévu par le règlement grand-ducal modifié du 23 décembre 1993 concernant l’abattement accordé par les pharmaciens à l’assurance maladie, force est au tribunal de constater que si les demandeurs argumentent ainsi que les abattements n’auraient pas été pris en considération lors des redressements, ils restent cependant en défaut de verser un quelconque élément en cause, voire d’avancer une quelconque explication circonstanciée, susceptible de rendre cette affirmation plausible. Le tribunal ne saurait dès lors, à défaut de tout élément en ce sens, conclure à une omission de prendre en considération les abattements consentis à la CNS de la part du service de révision, pourtant spécialisé en la matière.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne les remises accordées aux clients, étant donné que les demandeurs restent encore en défaut de verser un quelconque élément en cause susceptible de prouver que lesdites remises n’ont pas été prises en considération en l’espèce. Force est, par ailleurs, de constater que lesdites remises sont modestes pour s’élever à … euros pour l’année 2010, à … euros pour l’année 2011, à … euros pour l’année 2012, à … euros pour l’année 2013 et à … euros pour l’année 2014, de sorte à, de toute façon, ne pas être de nature à justifier la différence non négligeable dans les chiffres d’affaires.

Quant à la justification portant sur une prise en compte erronée de la TVA par l’administration, si le tribunal peut rejoindre les demandeurs en ce que la TVA n’est pas à inclure dans la base imposable de la pharmacie – ce qui n’est d’ailleurs pas contesté, dans son principe, par le directeur –, il n’en reste pas moins qu’ils n’ont apporté aucune explication circonstanciée de nature à démontrer, pièces à l’appui, que des montants de TVA auraient effectivement été incorporés dans leur base imposable. Ils n’ont, par ailleurs, pas spécialement pris position par rapport à l’argumentation afférente du directeur, de sorte que leurs explications ne sont pas de nature à justifier l’existence d’écarts entre le chiffre d’affaires résultant du système POS et celui enregistré dans leur comptabilité.

C’est encore en vain que les demandeurs font valoir que les différences de chiffre d’affaires s’expliqueraient par les prélèvements privés d’espèces que Madame X a, d’après les propres explications des demandeurs, effectués « régulièrement » au cours des années d’imposition litigieuses, pour « de petits montants (de l’ordre …EUR par prélèvement) ».

Encore que la matérialité de ces prélèvements soit avérée pour avoir été retracée par le service de révision, lequel a, par ailleurs, constaté que ces prélèvements ont eu lieu « quotidiennement » et non pas seulement « régulièrement », l’absence d’une quelconque documentation afférente portant sur le quantum de ces prélèvements, en tout cas pour les années 2010 à 2013, tel que cela ressort des propres explications des demandeurs, ne permet aucunement de corroborer leur affirmation suivant laquelle une partie de l’écart des chiffres d’affaires litigieux tirerait son origine de ces prélèvements, respectivement d’en quantifier le montant.

Il résulte des considérations qui précèdent que les explications des demandeurs portant sur les abattements de la CNS, sur les remises accordées aux clients, sur la TVA, ainsi que sur les prélèvements privés d’espèces par Madame X, ne sont pas de nature à remettre en cause l’existence vérifiée d’une non-correspondance entre les données fournies par le système POS utilisé par les demandeurs et les données qu’ils ont ensuite enregistrées dans leur comptabilité sous la forme FAIA. Le constat demeure que l’origine de cette différence est, tel que relevé à juste titre par le directeur, non vérifiable et que la différence est en tant que telle non justifiée.

Dans ces conditions, le tribunal retient que le premier reproche du directeur est justifié et que l’existence vérifiée d’écarts significatifs entre le chiffre d’affaires résultant du logiciel 43 POS utilisé par les demandeurs pour établir leur comptabilité, d’une part, et le chiffre d’affaires enregistré par eux dans leur comptabilité sous la forme FAIA, d’autre part, contrevient au principe de vérité visée au § 162, alinéa (2) AO lequel requiert, tel que relevé ci-avant, non seulement l’enregistrement de toutes les opérations, mais également leur enregistrement correct.

Cette conclusion s’impose d’autant plus compte tenu de l’existence de « Fichiers D-

Delta » mentionnés dans le compte-rendu du service de révision qui ont été remis ex post par Madame X, alors que, d’une part, il ressort des explications du service de révision que ces fichiers permettaient de « falsifier l’affichage du relevé de caisse », et, d’autre part, l’existence même de ces fichiers illustre, somme toute, l’existence d’une troisième source de fichiers, à côté des fichiers FAIA et du système POS, en rapport avec la comptabilité des demandeurs, qui jette nécessairement un doute quant aux garanties, quant à la sincérité des données déclarées, et plus généralement quant au caractère régulier de la comptabilité des demandeurs dans son ensemble.

Quant au deuxième reproche du directeur relatif aux multiples irrégularités dans la tenue du livre de caisse des demandeurs, le tribunal est, d’abord, amené à relever que le § 162, alinéa (7) AO, qui dispose que « Kasseneinnahmen und -ausgaben sollen im Geschäftlichen Verkehr mindestens täglich aufgezeichnet werden », impose la tenue d’un registre reprenant journellement les écritures de caisse et que cette obligation est définie de manière plus générale à l’article 10 du Code de commerce13, étant précisé qu’un livre de caisse, journal destiné à retracer journellement les mouvements en espèces, constitue un tel journal spécialisé tel que préconisé par cette disposition.

L’activité des demandeurs qui consiste en l’exploitation d’une pharmacie dont une partie substantielle des recettes de ventes consiste en des paiements en numéraire, en plus des paiements par carte bancaire, tel que cela ressort des exemples de « Caisse pour la journée […] » de tout le mois de décembre de l’année 2013 fournis par les demandeurs eux-mêmes à l’appui de leur recours et qui révèlent que les paiements par carte bancaire s’avèrent être grosso modo deux fois moins nombreux que les paiements en espèces. Dès lors, la tenue correcte d’un livre de caisse au sens du § 162, alinéa (7) AO comportant l’enregistrement systématique et régulier des recettes en numéraire – outre des recettes par carte bancaire – doit être considérée, en l’espèce, comme une obligation des demandeurs inhérente à l’exigence de la tenue d’une comptabilité complète couvrant l’ensemble des opérations et permettant un contrôle effectif14.

En l’espèce, le tribunal est amené à souscrire entièrement aux irrégularités épinglées par le directeur dans la tenue du livre de caisse de la pharmacie.

D’abord, par rapport aux erreurs d’inscription des modes de paiement – quotidiennes d’après le service de révision – que les demandeurs affirment ne pas contester et qu’ils attribuent essentiellement à des erreurs de manipulation du personnel de la pharmacie, le tribunal relève que l’indication des modes de paiement ne constitue certes pas, en soi, une information primordiale pour déterminer le volume des ventes de la pharmacie, alors que la 13 « La comptabilité des personnes morales doit couvrir l'ensemble de leurs opérations, de leurs avoirs et droits de toute nature, de leurs dettes, obligations et engagements de toute nature. La comptabilité des commerçants, personnes physiques, doit couvrir ces mêmes éléments lorsque ceux-ci relèvent de leur activité commerciale; elle mentionne de manière distincte les moyens propres affectés à cette activité commerciale. ».

14 Voir à cet égard : Cour adm., 9 août 2017, n° 38876C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

44 question pertinente est celle de la traçabilité des ventes en question pour permettre d’en dégager un total annuel, respectivement mensuel, voire journalier des recettes.

Les demandeurs affirment qu’ils auraient été en mesure de déterminer les recettes effectives de la journée, ainsi que le mode de paiement utilisé, en comparant, d’un côté, la fiche récapitulative du système POS reprenant le chiffre d’affaires du jour, et, d’un autre côté, les bandelettes du terminal de paiement pour cartes bancaires, alors que la différence de montants aurait nécessairement correspondu aux paiements faits en espèce. A cet égard, ils se réfèrent à leur livre de caisse, dont ils ont versé un extrait portant sur le mois de décembre 2013, et indiquent que cet extrait aurait comporté uniquement les recettes en espèces effectives de la journée du mois en question.

Or, force est de constater que les montants indiqués dans le livre de caisse de la pharmacie, sous l’intitulé « Recettes » de la « Caisse », pour chacune des journées du mois de décembre 2013, ne correspondent pas au montant des « Espèces » figurant dans le détail des exemples de « Caisse pour la journée […] » fournis par les demandeurs pour les mêmes jours du mois de décembre 2013. Dès lors, et à défaut d’autres éléments, le tribunal rejoint le directeur dans son constat suivant lequel il ne ressort d’aucun élément tangible que les erreurs au niveau du mode de paiement utilisés par les clients de la pharmacie n’auraient eu aucun impact sur le montant des recettes globales de la pharmacie.

C’est, par ailleurs, en ce sens que le reproche supplémentaire du directeur suivant lequel l’absence de « toute inscription manuscrite des soldes en caisse en début ou fin du mois » ne permettrait pas de comparer les paiements enregistrés dans le système POS et ceux enregistrés de façon manuscrite dans le livre de caisse est à comprendre, alors qu’au-delà de la question de savoir si les demandeurs étaient légalement tenus d’inscrire les soldes de caisse en début ou fin du mois, une telle inscription aurait en tout cas permis à l’administration et a fortiori au tribunal de vérifier l’existence d’une correspondance du montant des espèces à l’ouverture et à l’heure de fermeture de la pharmacie et in fine si les erreurs au niveau du mode de paiement étaient de nature à impacter le montant des recettes globales de la pharmacie.

Dans ce contexte, le tribunal relève encore que les demandeurs sont restés en défaut de prendre position par rapport au constat du directeur – auquel le tribunal se rallie – suivant lequel il est indiqué dans le livre de caisse du mois de décembre 2013, qu’un seul prélèvement privé d’un montant de … euros aurait été effectué par Madame X, mais que le système POS ne fait pourtant nullement mention de ce prélèvement, alors qu’il ressort des explications des demandeurs que c’est bien dans ce système POS que Madame X aurait enregistré tous ces prélèvements privés d’argent liquide, au moins pour une partie de années litigieuses. En outre, l’inscription d’un seul prélèvement est en contradiction avec les multiples prélèvements privés effectués par Madame X au cours des années litigieuses que le service de révision a indiqué comme ayant été effectués de manière quotidienne, sans être contredit sur ce point par les demandeurs.

Ensuite, quant au reproche spécifiquement tiré d’un défaut de comptabilisation journalière, le tribunal relève qu’il est vrai que l’application de l’exigence d’une comptabilisation des opérations dans un délai rapproché après leur survenance doit être appliquée d’une manière réaliste et compatible avec les nécessités découlant de la vie des affaires. Ainsi, sous peine d’imposer à tout contribuable soumis à l’obligation de tenir une comptabilité régulière d’avoir à sa disposition constante un comptable pour enregistrer dès leur survenance toutes opérations comptables quelconques, il y a lieu d’admettre qu’au-delà de 45 l’obligation de la tenue d’un livre de caisse, le contribuable doit être admis à charger un comptable externe de la confection de ses comptes et à rassembler ses pièces comptables relatives aux opérations d’une certaine période pour les transmettre en bloc au comptable en vue de leur enregistrement au lieu de devoir assurer une transmission immédiate et continue au comptable de tous les documents relatifs aux opérations à comptabiliser15.

Les demandeurs peuvent, dès lors, certes se prévaloir de la solution dégagée par la Cour administrative dans son arrêt du 15 janvier 2019, auquel ils se réfèrent, pour soutenir qu’ils auraient été autorisés à transmettre mensuellement des éléments comptables à leur fiduciaire.

Or, dans cet arrêt, la Cour administrative a pu préciser qu’un certain délai dans l’enregistrement comptable des opérations a une incidence sur la régularité d’une comptabilité essentiellement dans l’hypothèse où l’écoulement du délai met en question la comptabilisation correcte et exhaustive des opérations du contribuable, ce qui est justement le cas en l’espèce.

En effet, le reproche du directeur porte, avant tout, sur l’établissement de la comptabilité des demandeurs sur base d’écritures récapitulatives reprenant des périodes de dix jours à un mois, de sorte à rendre impossible, tel que relevé à bon droit par le directeur, un détail précis et complet des ventes de la pharmacie pour en assurer le retracement et in fine le contrôle. Cette conclusion s’impose d’autant plus compte tenu de l’irrégularité confirmée ci-avant tenant à l’existence d’écarts vérifiés et non justifiés entre le chiffre d’affaires résultant du système POS et enregistré par les demandeurs dans leur comptabilité.

Ces irrégularités sont de nature à qualifier de manquement au § 162, alinéa (7) AO pour ne pas correspondre à un enregistrement systématique et régulier des recettes en numéraire, voire un manquement au principe de vérité ancré au § 162, alinéa (2) et au principe de sincérité ancré au § 162, alinéa (5) AO16, de sorte que le deuxième reproche du directeur se trouve vérifié en l’espèce.

Quant au troisième reproche du directeur portant sur les multiples irrégularités dans l’établissement de l’inventaire des stocks, le tribunal ne partage pas l’affirmation des demandeurs suivant laquelle il serait, en substance, indifférent que la pharmacie n’ait pas connaissance, en tout temps, de ses propres stocks, du moment qu’un inventaire serait établi une fois par an, même en admettant que les demandeurs aient effectivement effectué un tel inventaire en application de l’article 15 du Code de commerce, tel qu’ils l’allèguent. Les reproches du directeur concernent des irrégularités ayant eu pour objet des corrections de valeur forfaitaire approximatives faite sur les stocks « dans le but de tenir compte d’une disparité entre inventaire établi sur base des prix d’achat officiels des produits et la valeur effective des stocks comprenant des produits à titre gratuit ou à prix réduit », étant précisé que ces reproches sont fondés sur les explications de la fiduciaire des demandeurs, lesquels n’ont pourtant pas pris position à cet égard dans le cadre de leur recours. Le directeur a encore épinglé dans ce contexte des irrégularités dans le prélèvement des stocks qui n’étaient fréquemment et par mégarde pas enregistrés, la circonstance que ces irrégularités soient dues à une défaillance du robot enregistreur n’étant pas de nature à remettre en question leur existence. Dans ces conditions, les irrégularités ainsi épinglées par rapport à la gestion des stocks de la pharmacie, 15 Cour adm. 15 janvier 2019, inscrit sous le numéro 41547C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

16 § 162, alinéa (5) AO : « An Stellen, die der Regel nach zu beschreiben sind, sollen keine leeren Zwischenräume gelassen werden. Der ursprüngliche Inhalt einer Eintragung soll nicht mittels Durchstreichens oder auf andere Weise unleserlich gemacht, es soll nicht radiert, auch sollen solche Veränderungen nicht vorgenommen werden, deren Beschaffenheit es ungewiss hisst, ob sie bei der ursprünglichen Eintragung oder erst später vorgenommen sind. ».

46 que le tribunal est amené à avaliser en l’état actuel du dossier, illustrent un manquement supplémentaire au principe de comptabilisation continue visé au § 162, alinéa (2) AO, et à tout le moins un manquement au principe de vérité y ancré par ailleurs, de sorte que le troisième reproche du directeur se trouve également vérifié en l’espèce.

Dans ces conditions, le tribunal retient que le livre de caisse ne répond, de manière générale, ni aux exigences de l’article 10 du Code de commerce et aux prescriptions du § 162, alinéa (7), ni encore aux principes de continuation, de sincérité et de vérité ancrés au § 162, alinéa (2) AO.

Quant au quatrième reproche du directeur portant sur un défaut de pièces justificatives complètes de nature à corroborer l’intégralité des écritures comptables litigieuses, le tribunal relève, conformément au § 162, alinéa (7) AO et à l’article 10 du Code de commerce, précités, que les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base. Tous ces documents tombent dans le champ de l’obligation de conservation décennale des pièces comptables17.

Plus particulièrement, le tribunal a relevé ci-avant que les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait sans problèmes.

Or, force est de constater que si les demandeurs allèguent qu’ils disposeraient de toutes les pièces probantes nécessaires, voire qu’elles seraient à la disposition du tribunal « sur demande », il n’en reste pas moins qu’il appartient au demandeur à l’instance de fournir, à l’appui de son recours, de sa propre initiative les pièces qu’il juge utile pour soutenir sa thèse, et ce d’autant plus lorsque la décision attaquée par lui comporte un reproche de défaut de pièces justificatives. A défaut d’explications circonstanciées des demandeurs et de pièces probantes de nature à remettre en cause l’affirmation du directeur suivant laquelle aucune pièce justificative ne permettrait de vérifier les entrées de marchandises et les stocks est, dès lors, à avaliser en l’espèce.

En tout état de cause, les éléments soumis à l’appréciation du tribunal ne sont pas de nature à remettre en cause le constat du directeur portant sur « l’enregistrement inadapté des ventes, encaissements et paiements sur comptes bancaires, des annotations insuffisantes voire inexistantes des opérations comptables, de la comptabilisation des salaires dus, frais généraux et frais privés au compte fournisseurs et des impôts et taxes au compte client, crédités et débités pour des montants identiques le même jour, à savoir celui de leur enregistrement comptable, de la comptabilisation d’extournes forfaitaires sur les comptes ventes, clients, caisse et banques, égaiement crédités et débités successivement le même jour et pour les mêmes montants, de l’extraction sommaire forfaitaire de la TVA comprise aux montants enregistrés dans les comptes de bilan, faits occultant les origines aussi bien que les emplois des montants comptabilisés […] », ainsi que sur la conséquence tirée par le directeur suivant laquelle « les documents présentés à l’origine au bureau d’imposition ne représentaient donc qu’une comptabilité en effigie, un relevé imprécis et approximatif présentant les sommes des postes 17 Trib. adm., 17 octobre 2012, n° 28948 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 juillet 2013, n° 31723C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 923 (3e volet) et les autres références y citées.

47 comptables forfaitairement déterminés par mesure de facilité, qui, à défaut d’avoir été élaborée en conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables en la matière et avec l’exactitude et les soins que requièrent les travaux comptables, par nature minutieux et non sans raison exigeants en termes de précision, ne saurait être considérée comme régulière quant à la forme ni encore moins quant au fond ».

Les quatre reproches du directeur étant justifiés en l’espèce, le tribunal retient que c’est à bon droit qu’il a pu conclure au caractère irrégulier de la comptabilité des demandeurs quant à la forme et quant à au fond, et, en conséquence, pu écarter la présomption de véracité de leur comptabilité en application du § 208, alinéa (1) AO, l’administration ayant amplement démontré l’existence de lacunes, d’incohérences et d’irrégularités permettant de douter de la réalité factuelle des écritures comptables gisant à la base de ladite comptabilité.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours à la taxation d’office est justifié en l’espèce conformément au § 217, alinéa (2) AO18 qui permet expressément au bureau d’imposition de recourir à une estimation des bases d’imposition notamment dans l’hypothèse où le contribuable qui est obligé de tenir une comptabilité d’après les lois fiscales est dans l’impossibilité de mettre sa comptabilité à la disposition du bureau d’imposition ou lorsque ce dernier a dû constater le caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité lui présentée par le contribuable.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par les contestations – justifiées – des demandeurs portant sur les « annulations de ventes » épinglées par le directeur par ailleurs. En effet, le tribunal estime que les demandeurs ont fourni des explications circonstanciées quant au reproche du directeur portant sur l’existence d’« annulations de ventes », également relevées par le service de révision dans son compte-rendu. Il ressort des pièces explicatives des demandeurs, ainsi que des explications fournies par leur litismandataire à l’audience des plaidoiries, que ces « lignes annulées » faisaient référence à des ventes de médicaments effectuées au profit de clients n’ayant pas disposé d’une ordonnance médicale à la date de l’achat et qui ont, suite à la production ultérieure d’une telle ordonnance, fait l’objet d’un remboursement par la pharmacie du montant correspondant à la « part CNS », soit la part remboursée du médicament. En conséquence, le tribunal retient que les transactions en question ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une violation des dispositions du § 162 AO, sans que ce constat ne soit pour autant, de nature à remettre en cause les autres irrégularités constatées ci-

avant, le présent point étant tout au plus de nature à avoir un impact sur la fixation de la base imposable, analyse qui sera faite ci-après.

C) Quant à la question de la base imposable moyennant taxation d’office Aux termes du § 217, alinéa (1) AO « Soweit die Steuerkontrollstelle die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat sie 18 « (2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

48 sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. ».

Il résulte de cette disposition que la taxation (« Schätzung ») constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire19.

En l’espèce, les contestations des demandeurs portent sur l’application par l’administration d’une « marge de sécurité » sur l’écart du chiffre d’affaires résultant du système POS et celui enregistré dans leur comptabilité.

Le tribunal relève qu’il ressort du tableau inclus sous le point C. du compte-rendu que l’administration n’a pas uniquement procédé à une augmentation des recettes de l’exploitation sous analyse sur base des différences de chiffre d’affaires résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires enregistré par les demandeurs dans leur comptabilité sous la forme FAIA, mais a effectivement appliqué, en plus, une « marge de sécurité de 20% », tout en justifiant cette application par la référence faite à un jugement du tribunal administratif du 25 juin 2018, inscrit sous le numéro 39260 du rôle.

Si le tribunal a certes retenu dans cette affaire qu’une marge de sécurité de 10% des recettes déclarées par le contribuable était licite et conforme aux principes régissant la taxation d’office, cette solution s’inscrit dans le contexte d’une jurisprudence constante des juridictions administratives suivant laquelle (i) la taxation d’office consiste en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration, tandis que son but est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, (ii) le contribuable doit s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office, et (iii) la prise en compte pour l’administration d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération20.

Il s’ensuit que la marge de sécurité litigieuse en l’espèce n’est pas ipso facto admise, mais doit répondre à une condition de mesure et de modération avec pour unique but de rapprocher la base imposable des demandeurs le plus possible de sa valeur réelle.

En l’occurrence, les demandeurs ne sont pas fondés à exclure, dans son principe, l’application d’une marge de sécurité au motif qu’ils auraient été en mesure de produire l’ensemble des justificatifs demandés, en ce compris les extractions des logiciels informatiques, alors que le tribunal a retenu ci-avant, de manière générale, que leur comptabilité était irrégulière quant à la forme et quant au fond, et en particulier l’existence d’écarts significatifs non justifiés entre le chiffre d’affaires résultant du système POS, logiciel utilisé par les demandeurs comme base pour établir leur comptabilité, d’un côté, et le chiffre d’affaires enregistré dans leur comptabilité, de multiples irrégularités dans la tenue de leur live de caisse, dont notamment une absence de documentation des prélèvements effectués par Madame X au cours des années d’imposition litigieuses, ainsi que des irrégularités dans l’établissement de l’inventaire du stock de marchandises.

19 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 945 et les autres références y citées.

20 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 946 et les autres références y citées.

49 Le tribunal est encore amené à rejoindre le délégué du gouvernement en ce sens que la marge de sécurité est non seulement licite dans son principe, mais également dans son quantum.

Il n’est, en effet, pas déraisonnable d’appliquer une marge de 20% sur les écarts de chiffres d’affaires constatés, d’autant plus compte tenu (i) du fait que les irrégularités comptables se sont étalées, à tout le moins, sur les quatre années litigieuses – encore que le compte-rendu de révision porte lui sur quatre années subséquentes, non litigieuses en l’espèce –, (ii) de l’existence confirmée par les demandeurs de prélèvements réguliers, voire quotidiens, de sommes d’argent dans la caisse de la pharmacie par Madame X dont le montant exacte et l’affectation demeurent inconnue, (iii) du livre de caisse comportant de multiples irrégularités, et (iv) de l’existence de trois sources de données pour établir la comptabilité, à savoir le système POS, les « Fichiers D-Delta » et celles incluses dans leur comptabilité qui ne sont pas concordantes.

Cela étant, il y a lieu de faire droit à l’argumentation des demandeurs en ce sens que les « annulations de ventes » litigieuses ne sont pas à prendre en considération dans les montants à réintégrer dans la base imposable des demandeurs au titre des années 2010 à 2014, conformément à la conclusion tirée ci-avant quant à l’absence d’irrégularités comptables constatées à cet égard et aux explications afférentes des demandeurs.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est partiellement fondé.

III) Quant à l’indemnité de procédure Au vu de l’issue du litige, les demandeurs sont à débouter de leur demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 8.000 sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, tribunal n’entrevoyant, par ailleurs, pas en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation des décisions du directeur de l’administration des Contributions directes du 1er juillet 2021 (C 29318 et C 29316), dit que la taxation d’office opérée dans le chef des demandeurs est à réduire des montants correspondant aux « annulations de ventes » pour l’ensemble des années d’imposition litigieuses ;

rejette ledit recours pour le surplus ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 8.000 euros, telle que formulée par les demandeurs ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

50 Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, et lu à l’audience publique du 8 mars 2024 par le premier vice-président, Françoise Eberhard en présence du greffier Lejila Adrovic.

sLejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 51


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46523
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-08;46523 ?

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