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27/02/2024 | LUXEMBOURG | N°49515a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 février 2024, 49515a


Tribunal administratif Numéro 49515a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49515a 3e chambre Inscrit le 3 octobre 2023 Audience publique du 27 février 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49515 du rôle et déposée le 3 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah

MOINEAUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif Numéro 49515a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49515a 3e chambre Inscrit le 3 octobre 2023 Audience publique du 27 février 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49515 du rôle et déposée le 3 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah MOINEAUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (République de Maurice), de nationalité mauricienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 septembre 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 octobre 2023 ;

Vu le jugement du 24 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49515 du rôle, rendu par le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah MOINEAUX et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 décembre 2023.

En date du 6 avril 2023, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.

1Les 11 et 27 juillet 2023, Monsieur … fit l’objet d’un entretien auprès du ministère, en vue de l’entendre sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 septembre 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 18 septembre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à partir du jour où la décision de refus est devenue définitive.

Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 6 avril 2023 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche des motifs manuscrite ainsi que le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 avril 2023, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 11 et 27 juillet 2023 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vous vous nommez …, que vous êtes né le … à … à Maurice, que vous êtes de nationalité mauricienne, de confession et d'ethnie Tamil. Vous déclarez encore être marié et avoir deux enfants et avoir vécu dans la ville de … à l'île Maurice.

Vous expliquez qu'en cas de retour dans votre pays d'origine vous « seriez en danger » en raison du cartel de drogue mauricien. En effet, vous expliquez à cet égard qu'en 1999 vous auriez dénoncé un trafiquant – dealer - de drogues, qui aurait revendu sa marchandise à des jeunes mineurs dans le quartier défavorisé de « … », où vous auriez fait du bénévolat. Après avoir alerté la police, cet individu aurait été arrêté et peu de temps après vous auriez été immolé par des personnes cagoulés, que vous supposez appartenir au même cartel de drogue que la personne que vous auriez dénoncée (p.5-7/15 du rapport d'entretien).

Vous précisez que vous auriez mis un temps considérable pour vous en remettre, alors que vous auriez passé de long mois à l'hôpital, respectivement dans une clinique privée, pour vous remettre de vos blessures sévères. Vous auriez uniquement repris le travail cinq ans plus tard, en 2004, et auriez recommencé à faire du bénévolat dans le même quartier défavorisé uniquement vingt ans après, en 2018 (p.5/15 et 8/15 du rapport d'entretien).

2En mars-avril 2020, vous auriez rencontré un individu, qui se serait présenté comme étant le fils du trafiquant de drogue que vous auriez dénoncé en 1999, ce dernier vous ayant alors menacé en affirmant que « cela finirait bien mal » (p.9/15 du rapport d'entretien). A partir de ce moment-là, vous faites état avoir reçu des coups de téléphones et des messages de menaces et vous auriez même été pris à parti et tabassé. Vous supposez que lesdits individus serait des collaborateurs du fils de la personne que vous auriez dénoncée en 1999 et par conséquent seraient des membres du cartel de drogue mauricien (p.5/15 ; 8-9/15 et 11/15 du rapport d'entretien).

Finalement, vous indiquez que « tous les jours, une voiture circulait en rond autour de la maison » et que « c'est là que j'ai commencé à vraiment avoir peur et que je suis parti du pays » (p.5/15 du rapport d'entretien). En effet, jusqu'en 2020 vous auriez vécu normalement sans ne jamais avoir un souci en particulier. Cependant, dorénavant, vous auriez trop « peur » et ne souhaiteriez pas « revivre » ce qui se serait passé en 1999 (p.12/15 du rapport d'entretien), de sorte que vous auriez quitté votre pays d'origine le 29 octobre 2022.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

− Votre passeport national émis le 21 septembre 2022 et valable jusqu'au 20 septembre 2032 ;

− votre casier judiciaire mauricien, émis le 20 juillet 2022 ;

− un certificat médical luxembourgeois faisant état de l'envergure de vos blessures et cicatrices.

Il convient de noter, concernant les documents précités, que votre passeport a été envoyé pour authentification à l'Unité de Police de l'Aéroport, qui, en date du 18 juillet 2023, a déclaré qu'il s'agissait d'un document authentique.

2. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

3. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

3 Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Monsieur, lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous déclarez être en danger et craindre des représailles de la part des membres du cartel de drogue mauricien et plus précisément du fils du trafiquant-revendeur de drogues que vous auriez dénoncé en 1999, alors qu'il vous aurait reconnu et menacé en 2018. A cet égard, vous auriez notamment reçu des coups de téléphones et des messages de menaces, tout comme subi deux agressions, dont vous supposez que les faits auraient été commis par les membres du cartel de drogue afin de s'en prendre à vous et de se venger.

Force est de constater qu'il découle de manière claire et non-équivoque que vos motifs de fuite ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution en raison de votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou encore vos opinions politiques. En effet, il s'agit en l'occurrence d'un conflit d'ordre privé, respectivement d'un règlement de compte.

Or, ni un simple conflit, ni un règlement de compte, ni une simple vengeance personnelle entre vous et le fils du dealer de drogues que vous auriez dénoncé en 1999 ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié, alors que de telles craintes ne sauraient être liées à l'un des cinq motifs de fond précités.

De plus, force est de noter que les problèmes, respectivement les faits que vous décrivez ne sauraient revêtir un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Avant toute chose, concernant le fait que vous auriez été immolé en 1999 suite à la dénonciation d'un trafiquant-revendeur de drogues, il convient de noter que cet incident ne saurait être assimilé à un acte de persécution, alors qu'il s'agit d'un incident qui est éloigné dans le temps et trop ancien et que vous avez vous-même jugé opportun de rester dans votre pays d'origine après cet incident. Vous affirmez également explicitement n'avoir rencontré aucun souci particulier de 1999 jusqu'en 2020, soit pendant plus de vingt ans.

4En ce qui concerne désormais les faits dont vous faites état et qui seraient survenus à partir de 2020, notamment les coups de téléphones et messages de menaces, force est de constater qu'il s'agit de simples menaces qui n'ont pas été suivies d'une action concrète quelconque. A cet égard, vos propos viennent d'ailleurs corroborer ledit constat, alors que vous ne sauriez pas qui vous aurait menacé parce que « les appels venaient tous d'une cabine téléphonique publique » (p.9/15 du rapport d'entretien). Ainsi, de telles actions non suivies d'un quelconque fait concret et qui émaneraient de personnes non-identifiées ne sauraient revêtir un degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme des actes de persécutions.

Pareille conclusion s'impose en ce qui concerne l'agression que vous auriez subie en rentrant chez vous après une fête du travail, alors que vous auriez été pris à parti et tabassé selon vos allégations.

Or, force est de constater que, d'une part, vous êtes incapable d'identifier vos agresseurs puisque vous dites clairement « je ne connaissais pas ces personnes » (p.11/15 du rapport d'entretien) et, d'autre part, vous n'êtes pas en mesure de donner les raisons qui sous-tendent cette agression. Dans cette même lignée, vous émettez uniquement une simple supposition qu'il pourrait y avoir un lien avec le fils du revendeur de drogues que vous auriez dénoncé et écartez totalement d'autres hypothèses éventuelles. Ainsi, il appert qu'aucune information de votre dossier administratif ne permet de confirmer un tel lien entre votre agression et les faits qui se seraient déroulés avant.

En ce qui concerne l'agression que vous auriez subie au sabre par des jeunes du quartier, force est de constater qu'il s'agit en l'occurrence clairement d'une agression non-liée à vos problèmes précédents, mais qui découlent tout simplement de la pauvreté et de l'insécurité existante dans votre pays d'origine. En effet, vous concédez d'ailleurs vous-même, « c'est des jeunes qui habitent dans le quartier » qui auraient demandé de la nourriture à votre épouse, laquelle a un « petit stand dans la rue ». Cette dernière aurait cependant refusé de leur donner de la nourriture, de sorte que vous auriez été obligé de sortir et auriez « commencé à vous prendre [la] tête avec les jeunes ». Là vous vous seriez pris « un coup de sabre » (p.5/15 et p.12/15 du rapport d'entretien).

Par conséquent, force est de conclure que les faits que vous avancez ci-dessus ne sauraient suffire pour établir que vous auriez été, êtes ou pourriez être victime d'actes de persécutions.

Même à supposer que vos problèmes seraient à qualifier d'actes de persécutions motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, quod non, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ici le fils de la personne que vous auriez dénoncée et d'autres membres du cartel de drogue mauricien, ceux-

ci peuvent être considérées comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités mauriciennes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, vous relatez, à plusieurs reprises avoir porté plainte, de sorte qu'il est évident que vous auriez sollicité de l'aide auprès des autorités de votre pays, lesquelles auraient d'ailleurs donné suite à chacune de vos plaintes enregistrées (p.7/15 et 9/15 du rapport d'entretien). Ainsi, vous ne sauriez aucunement reprocher une quelconque forme d'inaction, respectivement, défaillance aux autorités de votre pays, étant donné qu'elles ont manifestement fait tout ce qui était en leur pouvoir pour essayer de trouver les personnes coupables des menaces et des agressions que vous auriez subies. De plus, force est de rappeler à cet égard 5que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'une infraction, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

En effet, selon les informations disponibles «L’OICS (…) note l'attachement du Gouvernement aux objectifs des traités internationaux relatifs au contrôle des drogues et la volonté exprimée de prendre les mesures nécessaires et leur mise en oeuvre intégrale.

(…) L'OICS se félicite des efforts déployés par le Gouvernement pour renforcer activement sa capacité de collecte de renseignements afin de déstabiliser les réseaux de trafic de NSP, qui se sont traduits par des arrestations plus nombreuses et des saisies plus importantes. Il prend note du rôle joué en particulier par le Groupe de la lutte contre la drogue et la contrebande de la Police mauricienne et par la Section des douanes chargée de la lutte contre les stupéfiants de l'administration fiscale mauricienne. L'OICS prend acte de la création d'un conseil de haut niveau sur les drogues et le VIH au sein du Bureau du Premier Ministre, afin de garantir une action nationale forte, efficiente et efficace face au problème de la drogue à Maurice, englobant la réduction de la demande, le traitement, la réadaptation et la réduction de l'offre, conformément au plan directeur national pour le contrôle des drogues pour la période 2019-

2023 ».

Dans cette même lignée, il peut être noter que l'Anti Drug and Smuggling Unit de la police mauricienne « has been in the forefront and has successfully brought to book the known traffickers who have been sentenced for long prison terms, whilst the consumers were likewise arrested and given the relative punishment. According to actual records, 9638 offenders have been arrested for drug offences among whom 844 have been declared traffickers by the Courts». Leur finalité étant «to curb the drug scourge and keep it at bay so that the future generations live in a better environment. It operates on a partnership basis in extending cooperation and working closely with all concerned by this phenomenon. » Pour l'ASP Hossenee de l'ADSU « le combat contre le trafic de drogues n'est pas perdu (…) la brigade anti-drogue et la NCG restent constamment en état d'alerte et de vigilance. Les autorités ont déjà renforcé la collaboration entre la MRA, la douane et les officiers des départements Fisheries et Forestry. L'officier souligne que son unité est très efficace en matière de collecte d'informations. Ce qui, dit-il, a permis aux autorités de faire de grosses saisies récemment ».

Ainsi, les autorités mauriciennes luttent constamment et activement contre les trafics de drogue et les cartels en question. Ils ont d'ailleurs reçu l'appui technique des Etats-Unis lors d'une « formation à l'intention des policiers comoriens, malgaches, seychellois et mauriciens en charge de la lutte contre les trafics de drogue (…) par des agents de la brigade antidrogue américaine. (..) Cette initiative revient au gouvernement américain qui entend aider les pays de la partie occidentale de l'océan indien à collaborer pour mieux lutter contre le trafic de stupéfiants. Les derniers travaux ont concerné les douaniers et des experts de la police scientifique. Le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, a remercié Washington pour son engagement, rappelant de précédents exercices en 2018 et en 2022 ».

A toutes fins utiles et au vu des considérations qui précèdent, force est de relever que la crainte de représailles dont vous faites état doit davantage s'analyser en un sentiment général 6d'insécurité, alors que vous dites vous-même « J'avais peur. Il y a l'insécurité. Cela m'a fait penser à ce qui était arrivé en 1999. Je ne voulais plus le revivre » (p.12/15 du rapport d'entretien). Or, une telle crainte d'insécurité n'est pas de nature à justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié. Ce constat est notamment renforcé par le fait que vous n'avez manifestement pas jugé bon de quitter votre pays d'origine le plus rapidement possible, mais, au contraire, avez subordonné votre besoin de départ aux démarches administratives et à l'émission de votre passeport en septembre 2022, soit un mois avant la date de votre départ vers la France, le 29 octobre 2022 et soit deux ans a posteriori de vos problèmes, à savoir 2020.

Toujours dans cette même lignée d'idées, vous n'avez pas jugé nécessaire d'introduire une demande de protection internationale en France « (…) parce que j'avais peur que le cartel mauricien me trouve » (p.2/2 du rapport du Service de Police Judiciaire). Or, de telles raisons sont totalement dérisoires, d'autant plus que vous y avez séjourné pendant un bon mois. Vous n'avez, une nouvelle fois, pas introduit de demande de protection internationale en Allemagne pour des raisons à nouveau totalement inconcevables, alors que vous auriez eu un problème avec la langue du pays. De même, vous expliquez être arrivé au Luxembourg quatre mois avant d'introduire votre demande de protection internationale. Or, Monsieur, votre comportement ne correspond clairement pas à celui d'une personne qui serait réellement persécutée dans son pays d'origine et qui aurait été bienheureux de pouvoir obtenir une quelconque protection dans desdits pays sûrs énoncés ci-avant.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

7Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité ou encore que les autorités mauriciennes ne pourraient pas vous accorder une quelconque protection.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme manifestement non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la République de Maurice, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.[…]. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2023, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 15 septembre 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

En application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif a, par jugement rendu en date du 24 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49515 du rôle, jugé que le recours n’est pas manifestement infondé, et a renvoyé l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A titre liminaire, le tribunal tient à relever que tout jugement non susceptible d’appel est frappé de l’autorité de chose jugée et que cette dernière s’attache tant au dispositif d’un jugement, qu’aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. Par contre, les considérations qui ne sont pas nécessaires à la solution- les obiter dicta- ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée.1 De même, le tribunal relève que la recevabilité des recours a été tranchée par le jugement précité du 24 octobre 2023.

Il convient ensuite de constater qu’il résulte des enseignements de la Cour administrative que : « La Cour estime qu’il se dégage de la systémique instituée par l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 18 décembre 2015 que l’autorité de chose jugée attachée au jugement rendu dans une première phase par le juge unique vise sa seule appréciation quant au caractère manifestement infondé ou non du recours introduit par le demandeur de protection internationale. Il est évident qu’en cas d’un débouté de pareille demande, le juge unique doit rejeter tous les moyens présentés par le demandeur. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant la formation collégiale qui elle est appelée à statuer sur le fond du litige et non plus à refaire une nouvelle fois l’appréciation 1 Voir M. Leroy, Contentieux administratif, 4e éd., Bruylant, p.759.

8quant à la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée, cet examen étant épuisé par le jugement rendu par le juge unique. ».2 Il s’ensuit que le tribunal n’examinera plus la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée et limitera par conséquent son analyse au fond du litige, à savoir le rejet de sa demande de protection internationale dans son double volet, ainsi que l’ordre de quitter le territoire.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et à titre liminaire, le demandeur, tout en se référant à un jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2007, inscrit sous le numéro 23343 du rôle, précise, en ce qui concerne son recours contre le volet de refus d’octroi de la protection internationale de la décision déférée, ne pas attaquer le refus de lui octroyer le statut de réfugié, auquel il renoncerait expressément, et que son recours sous examen se limiterait, au seul refus de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire.

Quant audit refus du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir que les faits à la base de sa demande de protection internationale seraient suffisamment graves.

A cet égard, il soutient qu’entre 1999 et 2020, il aurait fait l’objet de violences très graves, sous forme d’une tentative d’assassinat par le feu de la part de complices d’un trafiquant de drogues qu’il aurait contribué à faire arrêter en 1999.

En 2020, il aurait été la cible de menaces téléphoniques et écrites, d’un passage à tabac à la sortie d’une fête de travail ainsi que d’une attaque au sabre devant le stand de son épouse.

Par ailleurs, il aurait remarqué qu’il était probablement surveillé, le demandeur faisant valoir, dans ce contexte, qu’en cas de retour dans son pays d’origine il serait confronté à de nouvelles atteintes graves, lesquelles pourraient aboutir à son décès en raison de la volonté tenace de vengeance du fils du trafiquant de drogues qu’il aurait dénoncé. A cet égard, il insiste encore sur le fait que les personnes qui l’auraient agressé à plusieurs reprises auraient toutes été commanditées par ledit fils, le demandeur renvoyant à cet effet à son rapport d’entretien. Il conclut que les atteintes subies par lui seraient, compte tenu de leur gravité, à qualifier d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Tout en se référant aux articles 2, point g), 39, point c) et 40 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur réfute l’argumentation du ministre suivant laquelle il n’aurait pas établi que les autorités de son pays d’origine seraient restées en défaut de lui fournir une protection contre ses agresseurs, alors qu’il se serait adressé à de multiples reprises aux autorités de police de son pays d’origine et, ce, tant lorsqu’il aurait été immolé, que lorsqu’il aurait été attaqué après une fête de travail, ou encore lorsqu’il se serait fait agresser par un sabre. Il relève par ailleurs que les jeunes qui l’auraient attaqué avec un sabre auraient revendiqué leur lien avec le fils du trafiquant de drogue qu’il aurait dénoncé en 1999. Or, aucune suite n’aurait été donnée à ses différentes plaintes sous prétexte, d’une part, d’une impossibilité de retrouver les auteurs des menaces téléphoniques du fait de l’utilisation d’un téléphone public et, d’autre part, d’une impossibilité d’agir contre les jeunes l’ayant attaqué au sabre en raison de leur minorité. Le 2 Cour adm., 11 février 2020, n° 43796C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 58 et l’autre référence y citée.

9demandeur insiste, à cet égard, sur le fait qu’il aurait informé la police mauricienne du lien entre l’ensemble de ces incidents et sa dénonciation du trafiqueur de drogue, tout en soutenant que malgré ses plaintes, le fils du trafiqueur de drogues n’aurait pas fait l’objet d’une enquête des autorités de police et continuerait d’agir en toute impunité. Il en conclut que les autorités mauriciennes, par leur omission et leurs manquements à leur obligation de protection, n’assureraient pas une protection effective et efficace contre la commission d’atteintes graves dont il aurait été victime dans le passé et dont il risquerait d’être à nouveau la victime en cas de retour dans son pays d’origine.

Le demandeur conclut finalement à la réformation de l’ordre de quitter le territoire suite à la réformation de la décision de refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire à son encontre.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il échet, à titre liminaire, de constater que le demandeur, dans le recours sous analyse a expressément renoncé à sa demande tendant à se voir octroyer le statut de réfugié, de sorte que l’analyse du tribunal se limitera à l’examen des conditions d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Aux termes de l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou 10 b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage de ces dispositions légales que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire suppose, entre autres, d’une part, que les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale atteignent un certain degré de gravité – lequel est déterminé, s’agissant de la protection subsidiaire, par l’article 48 de la même loi, qui précise la notion d’ « atteinte grave » – et, d’autre part, que l’intéressé ne puisse se prévaloir d’une protection étatique appropriée.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

Le tribunal constate tout d’abord qu’à l’appui de sa demande de protection internationale, le demandeur invoque plusieurs événements, à savoir (i) son immolation en 1999 par un trafiqueur de drogues après qu’il aurait dénoncé celui-ci à la police, (ii) des menaces de mort reçues en 2020 de la part d’un individu s’étant identifié comme étant le fils dudit trafiqueur de drogues, (iii) des menaces de mort anonymes reçues par téléphone après ladite rencontre, (iv) une attaque physique à la sortie d’une fête de travail, l’identité et les motifs desdits auteurs n’étant pas connus au demandeur, (v) l’observation de sa personne par des individus inconnus circulant en voiture et (vi) une attaque au sabre devant le stand de nourriture de son épouse, le demandeur estimant que l’ensemble de ces événements seraient liés entre eux en ce que leur instigateur serait le fils du trafiqueur de drogues prémentionné. Il convient encore de relever que la crédibilité du récit du demandeur n’a pas été remise en cause par le ministre, ce dernier ayant basé son refus de lui octroyer un des statuts de protection internationale sur le motif (i) d’une absence de lien entre ces différents événements et le fils du trafiqueur de drogues en question, respectivement l’immolation du concerné en 1999 et (ii) sur le défaut par le demandeur d’avoir établi une absence de protection contre lesdits agissements dans son pays d’origine.

Dans la mesure où le demandeur fait valoir un risque dans son chef de subir des atteintes graves de la part des membres d’un cartel de drogues mauricien et qu’il n’invoque ni un risque de subir la peine de mort ou l’exécution, ni un conflit armé à la République de Maurice, le tribunal limitera l’analyse du bien fondé de sa demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire au point b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Si le tribunal se doit de rejoindre le demandeur dans ses développements que la probabilité d’un lien entre lesdits événements et la menace reçue par le fils du trafiqueur de drogues en question est tout à fait élevée, le demandeur ayant clairement indiqué que lors de 11l’attaque au sabre, les auteurs lui auraient indiqué que le trafiqueur de drogues serait après lui3, force est toutefois de constater que le demandeur reste en défaut d’établir que les autorités mauriciennes seraient dans l’incapacité ou refuseraient de le protéger contre lesdits agissements, sinon qu’il aurait de bonnes raisons de ne pas vouloir réclamer leur protection.

En effet, si les auteurs de persécution sont des personnes privées, sans lien avec l'Etat, tel que c’est le cas en l’espèce, l'identification ou la qualification de la source de persécution n'a cependant pas d'intérêt en soi, l'essentiel étant en effet d'examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu'elle décrit. En cas de persécution par des entités non étatiques, la crainte d'être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s'il n'y a pas d'Etat susceptible d'accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.

Une protection n'est suffisante que si les autorités étatiques ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d'une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l'effectivité, de l'accessibilité et de l'adéquation d'une protection disponible dans le pays d'origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d'origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l'origine des persécutions, sans cependant que cette exigence n'impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l'ordre de 100 %, taux qui n'est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu'elle n'impose nécessairement l'existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux, la notion de protection de la part du pays d'origine n'impliquant en effet pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais supposant des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion4.

Or, et même si l’angoisse du demandeur d’être dans le collimateur d’un cartel de drogues est tout à fait compréhensible, le tribunal constate néanmoins, à l’instar de la partie étatique, que le demandeur a pu déposer, de ses propres affirmations, plusieurs plaintes à la police mauricienne et que cette dernière a procédé à des investigations au sujet des atteintes subies par lui, la volonté de la part des autorités mauriciennes de lutter contre les cartels impliqués dans le trafic de drogues n’étant non seulement pas contestée par le demandeur, mais ressortant, par ailleurs, de diverses sources citées par la partie étatique.

Ce constat n’est pas énervé par les développements du demandeur suivant lesquels le fils du trafiqueur de drogues en question n’aurait pas été importuné par les autorités mauriciennes suites aux plaintes déposées contre lui, alors que cette affirmation relève de la spéculation du demandeur, ce dernier n’étant en effet pas forcément informé de l’ensemble des investigations diligentées par les autorités mauriciennes à l’encontre dudit individu.

C’est dès lors également à bon droit et sans qu’il n’y ait besoin de statuer plus en avant au regard du fait que les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sont 3 Page 12 du rapport d’entretien: « […] Avant de sortir le sabre, il m’a dit qu’il connaissait le fils du dealer et qu’ils voulaient ma peau. […] ».

4 Trib.adm. 13 juillet 2009, n°25558 du rôle, Pas.adm. 2022, V° Etrangers, n°156 et les autres références y citées.

12cumulatives, que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention dudit statut.

2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Le demandeur expose que l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé comme conséquence de la réformation du refus ministériel de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours ainsi dirigé contre l’ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur le statut conféré par la protection subsidiaire, ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient, à défaut d’autres moyens dirigés contre celui-ci, être valablement remis en cause.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi par le jugement du 24 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49515 du rôle, rendu par le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif ;

vidant ledit jugement du 24 octobre 2023 ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare renoncer à sa demande en obtention du statut de réfugié ;

déclare non-fondé le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 septembre 2023 portant refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, partant en déboute ;

déclare non-fondé le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 septembre 2023 portant ordre de quitter le territoire, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

13 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 février 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49515a
Date de la décision : 27/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-02-27;49515a ?

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