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19/02/2024 | LUXEMBOURG | N°50038

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 février 2024, 50038


Tribunal administratif N° 50038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50038 2e chambre Inscrit le 9 février 2024 Audience publique du 19 février 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50038 du rôle et déposée le 9 février 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel Marigo, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 50038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50038 2e chambre Inscrit le 9 février 2024 Audience publique du 19 février 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50038 du rôle et déposée le 9 février 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Mali) et être de nationalité malienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 26 janvier 2024 ayant ordonné la prorogation son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo et Madame le délégué du gouvernement Tara Desorbay en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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En date du 25 juillet 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Lors d’une recherche effectuée en date du même jour dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé le « règlement Dublin III », il s’avéra que Monsieur … avait introduit une première demande de protection internationale en Italie en 2017, et deux autres demandes de protection internationale en France, à savoir en 2019 et en 2022.

1Après que les autorités françaises aient refusé, en date du 24 août 2022, une demande de reprise en charge leur adressée par leurs homologues luxembourgeois dans le chef de Monsieur …, ce dernier vit traiter sa demande de protection internationale par le Luxembourg.

Ladite demande fut finalement rejetée par le ministre de l’Immigration et de l’Asile par décision du 27 avril 2023, décision qui fut confirmée par jugement du tribunal administratif du 14 juin 2023, inscrit sous le numéro 48934 du rôle.

Ayant refusé de quitter volontairement le territoire luxembourgeois lors d’un rendez-

vous organisé le 20 juillet 2023 en vue de son retour volontaire dans son pays d’origine, Monsieur … introduisit une demande de report à l’éloignement en date du 7 août 2023, ainsi qu’une demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires en date du même jour, demandes qui furent refusées par décisions ministérielles des 22 et 23 août 2023.

Il ressort du dossier administratif qu’après avoir été interpellé le 11 octobre 2023 pour des faits de trouble à l’ordre public liés à une consommation excessive d’alcool, Monsieur …, réitéra, lors d’un entretien ayant eu lieu au sein de la direction de l’Immigration en date du même jour, son refus de rentrer volontairement dans son pays d’origine.

Il se dégage ensuite d’un rapport de la police grand-ducale du 31 octobre 2023, référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut intercepté en flagrant délit de vol.

En date du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile prit une décision d’interdiction de territoire pour une durée de trois ans à l’encontre de Monsieur ….

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé à cette même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile ordonna le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de sa notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 31 octobre 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 27 avril 2023, lui notifiée le 5 mai 2023 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé s’est présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine en date du 12 octobre 2023 ;

Considérant que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

2 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 31 octobre 2023, dont il fut débouté par jugement du 14 novembre 2023, inscrit sous le numéro 49669 du rôle.

Par arrêté du 30 novembre 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps compétent, ci-après désigné par « le ministre », prorogea la mesure de placement initiale de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois avec effet à partir de la notification dudit arrêté. Le recours contentieux dirigé contre l’arrêté ministériel du 30 novembre 2023 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2023, inscrit sous le numéro 49785 du rôle.

Par arrêté du 22 décembre 2023, notifié à l’intéressé le 29 décembre 2023, le ministre prorogea une deuxième fois la mesure de placement initiale de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet à partir de la notification de l’arrêté en question.

Par arrêté du 26 janvier 2024, notifié à l’intéressé le 29 janvier 2024, le ministre prorogea une troisième fois la mesure de placement initiale de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet à partir de la notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 31 octobre 2023, 30 novembre 2023 et 22 décembre 2023, notifiés en dates des 31 octobre 2023, 30 novembre 2023 et 29 décembre 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 31 octobre 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 26 janvier 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur réitère, en substance, les rétroactes à la base de l’arrêté ministériel litigieux.

3En droit, le demandeur conteste, en substance, que les conditions d’une prorogation de sa mesure initiale de placement en rétention seraient données en l’espèce.

A cet égard, il reproche au ministre de ne pas prouver la réalité des démarches concrètes et raisonnables entreprises pour écourter au maximum son placement en rétention, tout en donnant à considérer que les démarches effectuées jusqu’à présent auraient échoué. A cela s’ajouterait qu’il aurait été procédé à une prorogation automatique de sa mesure de placement sans vérifier s’il existe une perspective raisonnable d’exécuter l’éloignement.

Il conteste ensuite l’existence d’un risque de fuite dans son chef en donnant à considérer que si, certes, il existait une présomption de risque de fuite dans le chef « de l’individu » se trouvant en situation administrative irrégulière sur le territoire luxembourgeois, il n’en resterait pas moins que celle-ci ne serait pas établie, en l’espèce, en dehors de tout doute. Il insiste, à cet égard, sur le fait qu’il aurait toujours collaboré avec les autorités luxembourgeoises et sur son inscription auprès d’un établissement d’enseignement secondaire général, de sorte à disposer d’un lien réel avec le territoire luxembourgeois.

En se prévalant des dispositions de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur affirme que la privation de sa liberté de mouvement telle qu’engendrée par la mesure de placement en rétention litigieuse ne serait pas justifiée et ce, au motif que le ministre aurait certainement pu lui appliquer d’autres mesures moins coercitives et notamment l’assigner à résidence en le soumettant, si nécessaire, à une mesure de surveillance électronique, sinon le libérer sous caution.

Finalement, il conclut au caractère disproportionné, sinon arbitraire de la mesure de placement litigieuse, au motif qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable d’éloignement vers son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il échet de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. […] ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de 4préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, à l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements, précités, des 14 novembre et 18 décembre 2023, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour le 27 avril 2023 et d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans le 31 octobre 2023, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. Il est encore constant qu’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être 5qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef. Or, à l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements, précités, des 14 novembre et 18 décembre 2023, le tribunal constate que l’intéressé reste toujours en défaut de soumettre au tribunal de tels éléments, sa seule affirmation suivant laquelle au moment de son placement en rétention il avait été inscrit depuis le 15 septembre 2023 à … étant insuffisante à cet égard, alors que le simple fait d’être inscrit dans un établissement scolaire n’est pas per se de nature à renverser la présomption de risque de fuite dans son chef. Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait toujours collaboré avec les autorités luxembourgeoises et qu’il n’aurait pas l’intention de se soustraire « aux rigueurs d’une quelconque décision ministérielle », ce d’autant plus qu’il se dégage du dossier administratif qu’à d’itératives reprises il a clairement manifesté son refus de retourner volontairement dans son pays d’origine, attitude qui est, au contraire, de nature à corroborer l’existence dans son chef d’une présomption de risque de fuite, étant relevé à cet égard que le risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement.

Les contestations quant à l’existence d’un risque de fuite dans le chef du demandeur sont dès lors rejetées.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention et maintenir ce placement afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence, voire « une libération sous caution », le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle 6à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a toujours pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur, dont il est constant en cause qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache, reste en défaut de fournir des éléments concluants quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, de sorte à ne présenter aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celles visées aux points b) et c) dudit article, telles que préconisées par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées et l’arrêté de prorogation de la mesure de placement tel que déféré ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur en relation avec les 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

7démarches concrètement entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement rapide du territoire, le tribunal relève qu’il est uniquement saisi de la décision du ministre de proroger une troisième fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Il convient, de prime abord, de constater que dans le cadre du jugement du 18 décembre 2023, précité, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à cette date devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Pour ce qui est des démarches entreprises depuis lors, il y a lieu de constater qu’il se dégage du dossier administratif qu’après avoir contacté une nouvelle fois les autorités consulaires guinéennes le 18 décembre 2023 concernant l’état d’avancement de la demande d’identification de l’intéressé leur adressée le 9 novembre 2023 et au sujet de laquelle lesdites autorités avaient déjà été relancées les 27 novembre, 8, 11 et 13 décembre 2023, l’agent en charge du dossier du demandeur auprès de la direction générale de l’Immigration a été informé par téléphone que l’autorité consulaire guinéenne n’était plus en charge des demandes d’identification qui seraient désormais à envoyer à l’adresse générale de l’ambassade de Guinée à Bruxelles. Au vu de cette information, la demande d’identification de Monsieur … a été renvoyée par l’autorité ministérielle luxembourgeoise le même jour à l’adresse électronique lui communiquée par les autorités consulaires guinéennes.

Il apparaît ensuite que le même jour, l’autorité ministérielle luxembourgeoise a également sollicité l’aide de l’Agence européenne de garde-frontières (« Frontex ») en vue de l’identification du demandeur et que, toujours le 18 décembre 2023, ladite agence est intervenue auprès de l’ambassade de Guinée à Bruxelles en demandant son soutien dans le cadre de la vérification de la nationalité de deux personnes prétendant être de nationalité guinéenne, dont le demandeur.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 22 janvier 2024, l’autorité ministérielle luxembourgeoise a relancé l’ambassade de Guinée à Bruxelles en vue de connaître l’état d’avancement du dossier, de même qu’il ressort d’une note au dossier que le 1er février 2024 ladite ambassade a pu être jointe par téléphone et qu’à cette occasion, l’agent en charge du dossier de Monsieur … auprès de la direction générale de l’Immigration a été informé que la demande d’identification ne serait pas parvenue à la personne en charge des demandes d’identification auprès de l’ambassade en question, suite à quoi l’agent ministériel a renvoyé le jour même la demande d’identification de l’intéressé à l’adresse électronique lui indiquée.

Enfin, il convient de constater qu’il ressort d’une note au dossier du 8 février 2024, qu’à cette même date, l’agent ministériel en charge du dossier du demandeur a essayé à trois reprises de contacter l’ambassade de Guinée en relation avec la demande d’identification de Monsieur …, le tout sans succès.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce, comme étant toujours suffisantes, de manière que, dans ces conditions, la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prorogation de la mesure de rétention initiale est vérifiée en l’espèce.

Enfin, contrairement à ce qu’affirme de manière péremptoire le demandeur, le tribunal 8ne décèle à ce stade pas d’éléments permettant de conclure à une impossibilité de procéder à son éloignement, le demandeur restant d’ailleurs en défaut d’avancer un quelconque élément à l’appui de cette affirmation.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse n’est ni injustifiée, ni inappropriée, ni disproportionnée, ni arbitraire.

Il suit de tout ce qui précède qu’en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 19 février 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 50038
Date de la décision : 19/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-02-19;50038 ?

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