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02/02/2024 | LUXEMBOURG | N°47816

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2024, 47816


Tribunal administratif No 47816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47816 4e chambre Inscrit le 12 août 2022 Audience publique du 2 février 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en matière d’absence pour raisons médicales

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2022 par Maître Pierre Reuter, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Madame …, demeurant à L-… tendant à la réformation sinon à l’annulation d’u...

Tribunal administratif No 47816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47816 4e chambre Inscrit le 12 août 2022 Audience publique du 2 février 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en matière d’absence pour raisons médicales

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2022 par Maître Pierre Reuter, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-… tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire du 18 mai 2022 qualifiant ses absences du 4 au 25 janvier 2022 comme absences non autorisées ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 décembre 2022 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2022 par Maître Pierre Reuter pour le compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 27 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 28 novembre 2023, les parties s’étant excusées.

___________________________________________________________________________

En date du 6 novembre 2019, la Commission des pensions, instituée par la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, dénommées ci-après « la Commission des pensions », respectivement « la loi du 3 août 1998 », décida que Madame …, alors commissaire auprès de la police grand-

ducale, était « (…) hors d'état de continuer son service à temps plein, mais reste capable de reprendre le service sur base d'un service à temps partiel pour raisons de santé à raison de 50% d'une tâche complète, de préférence l'après-midi, après un changement d'administration. (…) ».

Par un arrêté du 22 novembre 2019, le ministre de la Sécurité intérieure accorda à Madame … un service à temps partiel pour raisons de santé de 50% d'une tâche complète après un changement d'administration, avec effet au 6 novembre 2019.

1Suite à une décision de la Commission d'économies et de rationalisation réaffectant temporairement Madame … au Commissariat du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire pour la période du 10 février 2020 au 10 août 2020, à raison de 50% d’une tâche complète, le ministre de la Fonction publique, dénommé ci-après « le ministre », décida, par un arrêté du 19 novembre 2020, de transférer et de nommer Madame … expéditionnaire au grade 7 auprès de l'Administration gouvernementale avec effet à partir du 11 août 2020, avec un détachement, à cette même date, pour une durée de 2 ans, au Commissariat du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire.

Par une décision du 12 novembre 2020, la Commission des pensions déclara que Madame … « (…) reste hors d'état de continuer son service à temps plein, mais est capable de reprendre le service sur base d'un service à temps partiel pour raisons de santé à raison de 75% d'une tâche complète sur son poste actuel », tout en ordonnant « le réexamen de l'affaire par le médecin du travail en avril 2021 sur base de l'article 73 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois. (…) ».

En date du 5 février 2021, le ministre accorda à Madame … un service à temps partiel pour raisons de santé de 75% avec effet à partir du 23 novembre 2020.

Le 20 mai 2021, la Commission des pensions décida que « Madame … n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service à temps complet sur son poste actuel. », sur base de la motivation suivante :

« (…) Vu la décision de la Commission des pensions du 12 novembre 2020 accordant un service à temps partiel pour raisons de santé à raison de 75% d'une tâche complète sur son poste de travail actuel à Madame … et ordonnant le réexamen de l'affaire par le médecin du travail en avril 2021 sur base de l'article 73 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois ;

Vu le rapport du 15 avril 2021 du médecin du travail, le docteur [I. K.], sur les capacités résiduelles l'intéressée ;

Attendu que les parties furent régulièrement convoquées à l'audience du 6 mai 2021 ;

Attendu que le Ministère de la Fonction publique était représenté à l'audience par Madame …, Conseiller auprès du Commissariat du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire ;

Après avoir entendu en leurs explications Madame … et le représentant du Ministère;

Considérant que Madame … est d'accord à ce que la Commission délibère et décide sur base du rapport établi le médecin du travail ;

Considérant qu'il résulte du rapport du médecin du travail que le poste de travail administratif actuel convient à l'intéressée, qu'il n'y a pas d'élément médical contre-

indiquant une augmentation de son temps de travail et qu'une reprise à plein temps sur son 2poste actuel est possible ;

Considérant que l'intéressée et le représentant du Ministère se rallient aux conclusions du médecin du travail et demandent à la Commission des pensions de les entériner ; (…) ».

Suite à l’incapacité de travail de Madame … pour des raisons de santé de manière ininterrompue depuis le 29 juin 2021, notamment constaté par un certificat médical de son médecin psychiatre, Dr P. B., du 4 janvier 2022, le commissaire du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire, en sa qualité de supérieur hiérarchique de Madame …, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », saisit le médecin de contrôle de l’administration des services médicaux du secteur public, division de la médecine de contrôle du secteur public, dénommé ci-après « le médecin de contrôle », en date du 11 janvier 2022 en vue de « (…) soumettre Madame … (…) à un contrôle médical de son inaptitude au travail certifiée par le médecin psychiatre Dr [P. B.] pour la période du 4 au 25 janvier 2022 inclus suivant certificat en annexe.

Il me serait précieux si vous pouviez vous prononcer sur les questions suivantes :

- Existe-il un rapport entre l'état de santé ayant entraîné la comparution de Madame … devant la Commission des pensions et le congé de maladie sollicité sur base du certificat du Dr [P. B.] du 4 janvier 2022 ? - Au vu des conclusions du contrôle médical du 30 novembre 2021, est-ce que les motifs d'incapacité de travail liés notamment à la nucléotomie transcutanée ne justifient plus la prolongation des précédents congés de maladie de Madame … ayant couvert les périodes du 10 novembre 2021 respectivement du 22 novembre 2021 au 5 janvier 2022 inclus ? - Quelles sont de façon générale les perspectives de rétablissement permettant de compter à nouveau durablement sur la présence de Madame … à la fin de la période d'incapacité de travail au 25 janvier 2022 ? ».

En date du 21 janvier 2022, le médecin de contrôle, le Dr H. M., déclara l’incapacité de travail justifiée jusqu'au 25 janvier 2022 inclus en observant que « (…) Madame … s'est présentée le 21/01/2022 à 9 heures à l'examen médical. Elle a été informée que le médecin de contrôle a été saisi par le commissaire du gouvernement pour un contrôle. L'agent a remis un rapport médical de son médecin traitant. Après quelques minutes Madame … ne voulait plus se soumettre à l’examen médical du médecin de contrôle et elle est sortie du bureau de consultation.

Il existe un rapport entre l'état de santé ayant entraîné la comparution de Madame … devant la Commission des Pensions et le congé de maladie sollicité sur base du certificat du Dr [P. B.] du 04/01/2022.

Les motifs d'incapacité de travail précédemment certifiées par le Dr [J.L.] persistent actuellement.

Il y a une aggravation de l'état de santé et de ce fait une perspective de rétablissement n'est pas probable à moyen terme. (…) ».

Par une décision du 5 mai 2022, la Commission des pensions décida « (…) que Madame … est hors d'état de continuer son service, de le reprendre dans la suite et d'occuper un autre emploi tel que la mise à la pension d'invalidité de Madame … s'impose. (…) », sur base des motifs suivants : « (…) Vu la requête du 25 janvier 2022 par 3laquelle Monsieur le Ministre de la Fonction publique saisit la Commission des pensions sur base de l'article 68 et suivants de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois ;

Vu le rapport du 21 février 2022 du médecin de contrôle, le docteur [H. M.], sur l'état de santé de l'intéressée ;

Attendu que les parties furent régulièrement convoquées à l'audience du 21 avril 2022 ;

Attendu qu'au vu de l'attestation du 13 avril 2022, de son médecin-psychiatre, le Dr [P. B.], l'intéressée a été dispensée de comparaître en personne devant la Commission des pensions conformément à l'article 69 de la loi modifiée du 3 août 1998 précitée;

Attendu qu'elle était dûment représentée par son époux, Monsieur [M. L.], assisté par Madame [A. H.] de la CGFP ;

Attendu que le Ministère de la Fonction publique était représenté à l'audience par Madame [P. A.], Commissaire du Gouvernement adjoint ;

Après avoir entendu en leurs explications le représentant de l'intéressée et le représentant du Ministère de la Fonction publique ;

Considérant qu'il résulte du rapport du médecin de contrôle que l'intéressée, qui est en incapacité totale de travail en continu depuis le 29 juin 2021, n'est plus capable d'exercer ses fonctions actuelles et qu'une mise en invalidité est médicalement justifiée ;

Considérant que le représentant de l'intéressée conteste cette conclusion du médecin de contrôle ; qu'il demande à la Commission des pensions de suspendre sa décision et d'ordonner un réexamen de l'affaire à l'issue d'une thérapie que son épouse entend poursuivre à l'étranger ; qu'il explique qu'une amélioration de l'état de santé de l'intéressée serait possible; qu'il remet une prise de position écrite de Madame … dans laquelle celle-ci reproche au médecin de contrôle de ne pas avoir considéré les éléments retenus pas ses médecins traitants ; qu'il indique avoir remis lors de la consultation du dossier en date du 15 avril 2022 une copie des rapports du 18 décembre 2021, du 4 janvier 2022, du 25 janvier 2022 et du 25 janvier 2022 émis par le Dr [P. B.], l'autorisation de principe de la part de la CNS en vue d'un traitement dans un établissement spécialisé à l'étranger et des ordonnances émises par le Dr [J. L.] en vue d'un contrôle médical en septembre 2022 ;

Considérant que la Commission des pensions note que les rapports précités ne contredisent pas les conclusions formelles, détaillées et dûment motivées du médecin de contrôle ;

Considérant que le représentant de l'intéressée ne conteste pas qu'actuellement celle-

ci n'est pas capable de reprendre le travail ;

que ceci est d'ailleurs difficilement contestable au vu du fait qu'elle est dans l'impossibilité médicalement constatée de se présenter en personne devant la Commission des pensions ;

4 Considérant que le représentant de l'intéressée conclut à une suspension de la décision en attendant l'issue du traitement au … pour lequel Madame … a reçu de la part de la CNS un accord de principe en date du 8 février 2022 ; qu'il fait valoir qu'une reprise du travail serait peut-être possible à l'issue de ce traitement c'est-à-dire à moyen ou long terme ;

Considérant qu'il est toutefois établi que ce traitement stationnaire, dont la durée prévisible est de 12 semaines, n'a pas encore pu commencer alors que, conformément aux explications du représentant de l'intéressée, l'état de santé de celle-ci n'était pas encore suffisamment stabilisé ;

Considérant que la Commission constate que l'intéressée, qui se trouve en incapacité de travail de longue durée, n'a de même pas pu indiquer quand le traitement projeté pourrait commencer et donc quand il sera terminé ; qu'elle n'a pas fourni d'explications tant soit peu concrètes en quoi ce traitement serait plus propice que tous les autres auxquels elle s'est déjà soumis pour améliorer son état de santé non seulement psychique mais également physique et qu'elle ne permet dès lors pas à la Commission des pensions d'apprécier la possibilité d'une amélioration éventuelle de l'état de santé de l'intéressée ;

Qu'il découle des développements qui précèdent que la demande de l'intéressée tendant à la suspension de la décision de la Commission des pensions est à rejeter comme non fondée ;

Considérant que le représentant de l'intéressée n'a pas contesté que celle-ci se trouve actuellement et ce depuis le 29 juin 2021 dans une incapacité de travail pour raisons médicales ; que le médecin traitant de Madame … conclut lui aussi à l'incapacité actuelle de travail de sa patiente ;

Que la Commission des pensions ne dispose partant d'aucun élément pertinent lui permettant de s'écarter des conclusions motivées du médecin de contrôle selon lesquelles il y a lieu de prononcer une mise en invalidité de l'intéressée ;

Considérant finalement que la Commission des pensions constate que le grief formulé par le représentant de l'intéressée que le médecin de contrôle n'aurait pas mentionné dans ses conclusions, le rapport du Dr [P. B.] du 4 janvier 2022 n'est pas pertinent motif pris que le Dr [P. B.] conclut, comme le médecin de contrôle, à l'incapacité de travail de Madame … ( cf. « Aktuell besteht aufgrund der beschriebenen Symptomatik unter den o.g. Diagnosen Arbeitsunfähigkeit, die meinerseits seit dem 04.01.2022 attestiert wird ") ;

Considérant que le représentant du Ministère de la Fonction publique se rallie aux conclusions du médecin de contrôle et demande à la Commission des pensions de les entériner ;

Considérant, après instruction du dossier, que l'état de santé de l'intéressée ne lui permet plus de continuer son service, ni de le reprendre dans la suite, ni d'occuper un autre emploi ;

Que la Commission des pensions renvoie au droit de réintégration de l'intéressée 5dans l'administration, prévu à l'article 74bis de la loi modifiée du 3 août 1998 précitée ; (…) ».

En date du 6 mai 2022, le commissaire du gouvernement informa Madame … de son intention de qualifier son absence du 4 au 25 janvier 2022 comme absence non autorisée. Ce courrier a la teneur suivante :

« (…) Je reviens à vous eu sujet de votre courrier rappelant votre demande de report de vos congés non pris. Au vu de la décision de la Commission des Pensions du 5 mai 2022, votre situation administrative a évolué. Au vu de cette nouvelle situation, je suis amené à consolider provisoirement votre situation. Dans ce contexte, je me dois de vous adresser ci-

après les conclusions du contrôle médical du Dr [H. M.] du 21 janvier 2022 aux termes desquelles l'incapacité de travail certifiée par le Dr [P. B.] pour la période du 4 janvier au 25 janvier 2022 inclus est en rapport avec l’état de santé qui a entraîné votre comparution devant la Commission des pensions.

Aux termes de l'article 72 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'État et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, le congé de maladie précité est à considérer comme absence non autorisée.

Je me dois donc de vous informer que j'envisage de qualifier comme non autorisée l'absence du 4 janvier au 25 janvier 2022 inclus. Aux termes de l'article 12, paragraphe 3, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État, cette qualification a pour conséquence la perte de plein droit de la partie du traitement correspondant à l'absence non autorisée.

Il va de soi que si votre recours contentieux contre ma précédente décision tendant à qualifier votre absence du 29 juin au 23 août 2021 inclus d'absence non autorisée devait remettre en cause cette qualification, vos droits à report seront réévalués sans autre démarche de votre part.

Vous êtes en droit de présenter vos observations ou de demander à être entendue en personne endéans un délai de huit jours. (…) ».

Par un courrier du 16 mai 2022, Madame … fit parvenir sa prise de position au commissaire du gouvernement.

En date du 18 mai 2022, le commissaire du gouvernement prit la décision qui suit :

« (…) En mains votre courrier du 16 mai 2022 par lequel vous présentez vos observations par rapport à mon courrier du 6 mai 2022 ayant comme objet de vous informer de mon intention de qualifier votre absence du 4 au 25 janvier 2022 inclus de non autorisée au motif que cette absence est en rapport avec votre comparution devant la commission des pensions suivant les termes de l'article 72 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'État et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois.

Vous vous opposez à cette procédure en faisant valoir que 61) Votre absence du 4 au 25 janvier 2022 inclus serait justifiée et que cet état de fait résulterait du constat du médecin de contrôle ayant précisé qu'il y aurait une aggravation de votre état de santé.

A ce sujet, je me dois de constater que les conclusions du médecin de contrôle du 21 janvier 2022 établissent bien un rapport entre l'état de santé qui a entraîné votre comparution devant la commission des pensions et l'état de santé à la base de l'absence du 4 au 25 janvier 2022 inclus. Cet état de fait est incontesté et l'ajout qu'il y aurait une aggravation de votre état de santé n'y change rien en ce qui concerne les conséquences à tirer de ces conclusions du point de vue de l'article 72 de la loi modifiée du 3 août 1998 précitée. Au contraire, cet ajout ne fait tout au plus que raffermir le rapport établi par le médecin de contrôle.

2) La procédure litigieuse ferait une relation entre l'absence du mois de janvier 2022 et la décision de la commission des pensions prise le 5 mai 2022, donc à une date postérieure à l'absence critiquée et pas l'inverse comme requis par l'article 72 de la loi modifiée du 3 août 1998 précitée.

A ce sujet, je me dois de préciser que le rapport entre l'état de santé à la base de votre absence du 4 au 25 janvier 2022 inclus et l'état de santé vous ayant valu comparution devant la commission des pensions n'est pas à rechercher par rapport à votre comparution devant la commission des pensions le 21 avril 2022 et la décision afférente du 5 mai 2022, mais par rapport à votre comparution devant la commission des pensions le 6 mai 2021 et la décision afférente du 20 mai 2021.

Au vu de ce qui précède, et après revue de votre dossier et de vos observations, je me dois de vous informer par la présente de ma décision de qualifier votre absence du 4 au 25 janvier 2022 inclus d'absence non autorisée conformément aux dispositions de l'article 72 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pensions spéciaux pour les fonctionnaires de l'État et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois. Cette qualification entraînant de plein droit la perte de la rémunération correspondant aux jours d'absence non autorisée.

Concernant votre demande portant sur les jours de congé de récréation non pris pour cause d'absence pour raisons de santé, je me permettrai d'y revenir par courrier séparé, alors que cette demande est étrangère à l'objet de la présente décision. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 18 mai 2022 prise par le commissaire du gouvernement.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’incompétence du tribunal administratif de statuer sur le recours principal en réformation alors qu’aucun recours au fond ne serait prévu en la présente matière, d’autant plus que le commissaire du gouvernement aurait statué dans le cadre d’une compétence liée, ce qui aurait pour conséquence l’impossibilité pour le juge de contrôler des considérations d’opportunité à la base de l’acte concerné.

7 Le délégué du gouvernement se rapporte pour le surplus à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

En ce qui concerne la compétence du tribunal en cette matière, Madame … fait relever, dans sa requête introductive d’instance que la décision déférée rentrerait dans le champ d’application de l'article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État, dénommée ci-après « le statut général », prévoyant un recours en réformation alors qu’elle serait relative à la fixation de son traitement du fait d’avoir pour objet de la priver d'une partie de ce dernier. Par voie de réplique, elle réfute encore les considérations du délégué du gouvernement à cet égard.

Ensuite, Madame … conclut à la recevabilité du présent recours, en ce qu’elle aurait un intérêt à agir contre une décision ayant pour conséquence la perte d’une partie de son traitement, de même que sa requête introductive d’instance aurait été déposée dans le délai de trois mois depuis la décision du déférée du 18 mai 2022, lui notifiée le lendemain.

En ce qui concerne la compétence du tribunal en la présente matière, force est de relever qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond contre une décision qualifiant une absence d’un fonctionnaire comme absence non autorisée, étant relevé que l’article 26 du statut général, invoqué par Madame …, ne concerne que les décisions « relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat », cas non visé en l’espèce, alors que les décisions déférées ne concernent pas le calcul proprement dit du traitement de Madame …, mais la question de savoir si cette dernière est éventuellement susceptible de perdre son droit au traitement correspondant à la période de son absence à qualifier, le cas échéant, de non autorisée, au sens de l’article 12, paragraphe (3) du statut général. Il ne s’agit pas non plus en l’espèce de décisions relatives aux pensions et aux autres prestations de retraite et de survie de l'Etat au sens de l’article 75 de la loi du 3 août 1998.

Ainsi, le tribunal doit d’ores et déjà se déclarer incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser l’argumentation subsidiaire avancée à ce sujet par la partie gouvernementale.

Il s’ensuit que seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, en application de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 ».

En ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en annulation, force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours serait irrecevable, le moyen afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

8Il suit de ces considérations que le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision déférée est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, outre de rappeler les rétroactes passés en revue ci-avant, relève qu’au mois de juin 2021, soit après la décision du 20 mai 2021, rendue par la Commission des pensions, ayant déclaré qu'elle ne serait pas sujette à des infirmités qui la mettent hors d'état de continuer son service à temps complet sur son poste actuel, elle aurait consulté des médecins qui lui auraient à nouveau attesté des incapacités de travail.

Par décision du 10 septembre 2021, le commissaire du gouvernement aurait déjà considéré que son absence du 29 juin au 23 août 2021 devait être considérée comme une absence non autorisée sur base de la loi du 3 août 1998, décision qu’elle aurait déférée au tribunal administratif.

Etant donné qu’elle aurait continué à être en incapacité de travail, elle aurait été, systématiquement, convoquée auprès du médecin de contrôle.

Face à l'aggravation de son état de santé, le médecin de contrôle, le Dr H. M., aurait finalement sollicité la saisine de la Commission des pensions à la suite de l'examen médical réalisé le 21 janvier 2022, laquelle aurait constaté son invalidité par décision du 5 mai 2022.

En droit, la partie demanderesse reproche à la décision déférée du 18 mai 2022 d’avoir été prise en violation de l’article 72 de la loi du 3 août 1998.

Elle reproche ainsi en premier lieu au commissaire du gouvernement d’avoir fondé sa décision relative au congé de maladie du 4 au 25 janvier 2022 sur celle de la Commission des pensions du 5 mai 2022, laquelle serait pourtant intervenue postérieurement à l'examen médical du 21 janvier 2022, alors que l’article 72 de la loi du 3 août 1998 concernerait uniquement la situation d'une période de maladie survenue postérieurement à la comparution devant la Commission des pensions.

Si le commissaire du gouvernement, dans sa décision déférée du 18 mai 2022, aurait essayé de redresser son erreur en affirmant que le rapport entre l'état de santé à la base de l’absence du 4 au 25 janvier 2022 et celui ayant valu comparution devant la commission des pensions ne serait pas à rechercher par rapport à la décision de la Commission des pensions du 5 mai 2022, mais par rapport à celle du 20 mai 2021, cela aurait eu pour conséquence qu’elle n’aurait pas été en mesure de prendre position face à cette nouvelle argumentation, ce qui violerait l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en application duquel le commissaire du gouvernement aurait à nouveau dû lui laisser l'opportunité de prendre à position sur ces nouveaux éléments de fait et de droit, étant donné qu’il conviendrait alors d'appliquer l'article 74 de la loi du 3 août 1998, lequel viserait expressément le cas où l'intéressé n'aurait pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service et non plus son article 72, concernant la situation où la Commission des pensions aurait prononcé une nouvelle affectation.

A titre subsidiaire, si la décision déférée avait visé la décision de la Commission des pensions de l’année 2021, la partie demanderesse estime que le long délai qui se serait écoulé 9entre la comparution devant la Commission des pensions retenue dans la décision entreprise, à savoir le 6 mai 2021 et la décision actuellement déférée du 18 mai 2022 mettrait en cause sa sécurité juridique, ce d’autant plus qu’elle n'aurait pas repris son poste depuis le mois de juin 2021 et qu'elle aurait été mise en retraite pour invalidité depuis le 5 mai 2022.

La partie demanderesse fait encore répliquer à ce sujet que la décision de qualification d'absence de service non autorisée, prise le 18 mai 2022, à une distance d'un an de la décision de la Commission des pensions du 20 mai 2021, aurait été prise compte tenu d'un suivi médical régulier entre ces deux dates et donc compte tenu de l'évolution de l'état de santé depuis 2021, de sorte que l’aggravation de son état de santé, également relevé par le Dr H.

M., aurait dû être prise en compte.

Le principe de sécurité juridique impliquerait en effet de prendre en compte le délai écoulé entre la situation de fait prise en considération et la prise de décision, tel que cela aurait été jugé en matière d’urbanisme règlementaire.

En deuxième lieu, la partie demanderesse fait plaider que depuis sa comparution devant la Commission des pensions en date du 6 mai 2021, son état de santé aurait considérablement évolué, ce qui ressortirait également de l’avis médical du médecin de contrôle à la base de la décision déférée du 18 mai 2022, ce qui aurait d’ailleurs justifié une nouvelle comparution de sa part devant la Commission des pensions.

Or, le commissaire du gouvernement ferait fi de cette aggravation, ce qui entacherait la décision déférée d'illégalité dans la mesure où la matérialité des faits sur lesquels elle serait basée ne serait pas établie.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser que contrairement à ce que prétendrait le délégué du gouvernement, elle n’exigerait pas du commissaire du gouvernement d’aller à l’encontre des conclusions du médecin de contrôle, le Dr H. M., mais elle lui reprocherait justement de ne pas avoir tenu compte de l’aggravation de son état de santé, tel que relevé par le médecin de contrôle. Ainsi, il serait reproché au commissaire du gouvernement d’avoir estimé que son état de santé serait le même que celui qui aurait conduit à la comparution devant la Commission des pensions, malgré les conclusions inverses du médecin de contrôle que le commissaire du gouvernement serait pourtant censé suivre. En tout état de cause, il aurait pu solliciter des clarifications au médecin de contrôle, ce qu’il n’aurait cependant pas fait.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, en précisant en fait que suite au rapport du 15 avril 2021 du médecin du travail et à la décision de la Commission des pensions du 20 mai 2021, Madame … aurait repris son service à temps complet en continuant à assumer les mêmes tâches que celles dont elle aurait été chargée dès le début de son transfert au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, de sorte qu’au fil de son affectation son état de santé se serait graduellement amélioré, jusqu’à ce qu’en date du 17 juin 2021, un ordre de justification lui aurait été adressé au sujet d'un incident en matière de protection des données personnelles, incident qu’elle aurait expliqué par ses « antécédents médicaux » et sa « situation psychique et émotionnelle ». Ayant dû reprendre le service le 29 juin 2021, après deux jours de congé, la partie demanderesse n’aurait cependant plus repris le travail, pour cause de maladie, jusqu'à la décision de la Commission des pensions du 5 mai 2022.

10Au vu des comparutions antérieures de la partie demanderesse devant la Commission des pensions, il aurait appartenu à l'administration de faire vérifier sur base de la procédure prévue par la loi du 3 août 1998 si les congés de maladie successifs étaient ou non en relation avec l'état de santé qui lui aurait valu sa comparution antérieure devant la Commission des pensions. Ainsi, une première série d'absences du 29 juin au 23 août 2021 aurait été qualifiée comme absence de service non autorisée par une décision du 10 septembre 2021. Il en serait de même en ce qui concerne la période d’absence du 4 au 25 janvier 2022, concernée par la décision déférée du 18 mai 2022, sans qu’il n’y aurait eu un contrôle systématique de tout incapacité de travail dans la mesure où, sur les quinze certificats d'incapacité de travail transmis par la partie demanderesse depuis fin juin 2021, cinq certificats n'auraient pas donné lieu à un contrôle, et que les autres certificats contrôlés auraient correspondu au suivi d'une nouvelle pathologie apparue en parallèle à l'état de santé ayant fait l'objet des décisions successives de la Commission des pensions de novembre 2019 à mai 2021.

En droit, le délégué du gouvernement réfute l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle la décision déférée aurait été prise en considération de sa comparution devant la Commission des pensions postérieure à la période d'incapacité de travail litigieuse, en relevant que du fait que la partie demanderesse aurait sollicité, par courriel reçu le 4 janvier 2022 à 19h33, un congé de maladie pour la période du 4 au 25 janvier 2022 sur base d'un certificat médical du Dr P. B., médecin spécialiste en psychiatrie, il aurait appartenu au commissaire du gouvernement de saisir le médecin de contrôle de cette demande de congé de maladie, conformément à la procédure prévue par la loi du 3 août 1998, aux fins d'établir un éventuel rapport entre ledit congé de maladie et l'état de santé ayant entraîné la comparution devant la Commission des pensions ayant donné lieu à la décision de cette dernière du 20 mai 2021.

S'il concède que le médecin de contrôle n’aurait pas spécifié à quelle comparution devant la Commission des pensions il se serait référé, le délégué du gouvernement estime qu’il n’y aurait néanmoins pas de doute qu’il devrait nécessairement s’agir de celle du 20 mai 2021, alors qu'au moment du contrôle médical, en date du 21 janvier 2022, la partie demanderesse n'aurait pas encore recomparu devant la Commission des pensions, comparution, dont l’audience n'aurait eu lieu qu'en date du 21 avril 2022.

Etant donné que dans ses conclusions médicales du 21 janvier 2022, le médecin de contrôle aurait établi l'existence d'un rapport entre l'état de santé ayant entraîné la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions et le congé de maladie sollicité sur base du certificat du Dr P. B. du 4 janvier 2022, le commissaire du gouvernement aurait été en droit d’informer la partie demanderesse de son intention de qualifier, de ce fait, l'absence du 4 au 25 janvier 2022 d'absence de service non autorisée, sans qu’il ne puisse y avoir de doute quant à la référence à la décision de la Commission des pensions concernée, surtout au vu de la chronologie de la procédure.

Le délégué du gouvernement souligne que la référence à la décision de mise à la retraite de la Commission des pensions intervenue le 5 mai 2022 aurait simplement pour but d’expliquer pourquoi il n’y aurait plus lieu de tenir en suspens le traitement de la demande de report de congés non pris présentée par la partie demanderesse, alors que le départ en pension de cette dernière aurait nécessité l’apurement du compte épargne-temps, au moins provisoirement en attendant l’issue des procédures contentieuses en cours.

11Ainsi, la partie demanderesse n'aurait pas été « empêchée de prendre position », tel que cela ressort d’ailleurs de sa position du 16 mai 2022, dans laquelle elle aurait réitéré sa demande d'octroi des congés non pris suite à la décision de la Commission des pensions du 5 mai 2022.

D’après le délégué du gouvernement, la question de la référence à l'article 74 plutôt qu'à l'article 72 de la loi du 3 août 1998 précitée serait également sans pertinence sur la régularité de la décision litigieuse, alors que le régime prescrit en matière de contrôle de congés de maladie sollicités après comparution devant la Commission des pensions serait strictement le même dans les deux hypothèses et que la partie demanderesse n'aurait pu se méprendre sur la procédure applicable. Pour autant que de besoin, la partie gouvernementale fait dupliquer à ce sujet que la référence en question serait simplement à considérer comme une erreur matérielle n'entachant pas la régularité de la procédure.

La partie gouvernementale fait relever qu’elle ne saurait valablement prendre position par rapport au moyen tenant à invoquer la mise en cause de la sécurité juridique du fonctionnaire, alors que ce moyen serait obscur et tout au plus suggéré.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement donne à considérer qu’il faudrait prendre en compte le fait que la décision de qualification d'absence de service non autorisée, prise le 18 mai 2022, à une distance d'un an de la décision de la Commission des pensions du 20 mai 2021, aurait été prise compte tenu d'un suivi médical régulier entre ces deux dates et dès lors compte tenu de l'évolution de l'état de santé depuis la comparution de la partie demanderesse en mai 2021. La partie demanderesse confondrait sa comparution devant la Commission des pensions en mai 2021, qui serait le préalable nécessaire pour entamer la procédure de l'article 74 de la loi du 3 août 1998, et les conclusions médicales du médecin de contrôle du 21 janvier 2022 qui seraient à la base de la décision de qualifier l'absence du 4 au 25 janvier 2022 d’absence non autorisée.

En ce qui concerne le reproche de ne pas avoir tenu compte de l'aggravation de l'état de santé de la partie demanderesse telle que constatée par le contrôle médical, le délégué du gouvernement souligne que le commissaire du gouvernement serait lié par les conclusions du médecin de contrôle qui aurait clairement retenu un rapport entre l'état de santé ayant entraîné la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions et le congé de maladie litigieux, peu importe si l’état de santé se serait aggravé, cette dernière conclusion répondant simplement à la demande adressée au médecin de contrôle de se prononcer sur les chances de rétablissement de la partie demanderesse.

En tout état de cause, cette aggravation de l’état de santé ne saurait affranchir le commissaire du gouvernement de son obligation de suivre les conclusions claires du médecin de contrôle sur la question de l'existence d'un rapport entre l'état de santé à la base du congé de maladie sollicité et celui ayant valu la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions.

L’Etat fait encore dupliquer qu’il n’y aurait aucune contradiction dans les conclusions du médecin de contrôle, de sorte que le commissaire du gouvernement n'aurait pas eu à demander une quelconque clarification à ce dernier quant à l’implication de l’aggravation de l’état de santé de la partie demanderesse, alors que ce constat ne concernerait que la demande au médecin de contrôle de se prononcer sur les chances de rétablissement de la partie demanderesse.

12 Par ailleurs, l'article 74 de la loi du 3 août 1998 ne requerrait pas l'existence d'une « identité » de situations, mais uniquement l'existence d'un « rapport » entre la situation ayant valu comparution devant la Commission des pensions et l'état de santé à contrôler, le délégué du gouvernement soulignant, dans ce contexte, qu’il ne serait pas établi en l’espèce par la partie demanderesse que l'aggravation constatée ait brisé le lien entre l'état de santé ayant valu sa comparution devant la commission des pensions en 2021 et l'état de santé contrôlé par le médecin de contrôle en 2022.

Force est d’abord au tribunal de relever qu’au vu de l’évolution de la présente affaire, telle qu’elle ressort du dossier administratif et telle qu’elle ne saurait être ignorée par la partie demanderesse, il ne saurait être contesté que le contrôle médical sur lequel la décision déférée se base concerne l’analyse, par le médecin de contrôle, du rapport entre la cause de l’incapacité de travail pour la période litigieuse du 4 au 25 janvier 2022 et l’état de santé de la partie demanderesse ayant entraîné sa comparution devant la Commission des pensions en mai 2021, laquelle avait déclaré, par sa décision du 20 mai 2021, que la partie demanderesse « n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service à temps complet sur son poste actuel. », alors qu’elle s’était auparavant vu accorder, par ce même organe, un changement d’administration et différents aménagements de son poste et du temps de travail en raison d’un stress post-traumatique ainsi que d’un état dépressif.

Il s’ensuit que la référence, par le courrier du 6 mai 2022, à la décision de la Commission des pensions du 5 mai 2022 ayant prononcé la mise à la retraite de la partie demanderesse, ne vise qu’à indiquer l’évènement déclencheur qui a amené le commissaire du gouvernement à agir pour « consolider provisoirement [la] situation » de la partie demanderesse, en ce qui concerne notamment la justification de ses congés maladie et plus particulièrement le certificat d’incapacité de travail du 4 au 25 janvier 2022, lequel avait fait l’objet d’un contrôle médical en date du 21 janvier 2022 par rapport à la décision du 20 mai 2021 et non, tel que soutenu par la partie demanderesse, à désigner la décision de la Commission des pensions par rapport à laquelle l’état de santé de janvier 2022 devrait être contrôlée.

En effet, le contrôle médical de janvier 2022, déclenché par le certificat litigieux du Dr P. B. du 4 janvier 2022, même si le rapport du médecin de contrôle du 21 janvier 2022 manque effectivement d’y faire référence de manière expresse, vise implicitement mais nécessairement l’examen du rapport entre, d’un côté, l’état de santé de la partie demanderesse ayant entraîné la comparution de cette dernière, non pas en avril 2022 car postérieur audit contrôle, mais en mai 2021 devant la Commission des pensions et, de l’autre côté, l’incapacité de travail litigieuse du 4 au 25 janvier 2022, tel que cela a d’ailleurs encore été soulignée dans la décision déférée du 18 mai 2022.

Il s’ensuit que le premier moyen afférant de la partie demanderesse tenant à une violation de l’article 72 de la loi du 3 août 1998, aux termes duquel notamment « (…) Le rapport entre l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant la commission et les congés de maladie postérieurs à la décision de la commission est à établir par le médecin de contrôle. », est d’ores et déjà à rejeter pour manquer en fait.

Il ne saurait, dans ce contexte, pas non plus être fait droit au moyen subsidiaire tenant à une violation de la sécurité juridique de la partie demanderesse par la remise en cause d’une situation antérieure d’une année, alors qu’aucun droit acquis de la partie 13demanderesse n’a été lésé en l’espèce. De plus, la décision déférée du 18 mai 2022 se base sur le contrôle médical du 21 janvier 2022, lequel avait eu pour mission le contrôle de l’incapacité de travail de la partie demanderesse du 4 au 25 janvier 2022, et concernait partant la justification de l’absence pour raisons de santé correspondante et ce, peu importe si le contrôle médical s’est fait par rapport à une situation de départ analysée par la décision de la Commission des pensions du 20 mai 2021. Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.

Il suit également des considérations qui précèdent qu’il ne saurait pas non plus y avoir violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en vertu duquel « (…) l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir. (…) », alors qu’il est évident, dès la lecture du courrier précité du 6 mai 2022, que la justification de l’absence pour raisons de santé du 4 au 25 janvier 2022 était à contrôler par rapport à l’état de santé de la partie demanderesse ayant fait l’objet de la décision de la Commission des pensions du 20 mai 2021, d’autant plus qu’il ressort de la première argumentation de la partie demanderesse, dans le cadre de sa prise de position du 16 mai 2022, tenant à faire valoir une aggravation de son état de santé, qu’elle a nécessairement invoqué cette aggravation par rapport à son état de santé antérieur. Si le commissaire du gouvernement a certes pris soin de préciser la décision de la Commission des pensions qui est à la base de la décision déférée, ce n’était que pour prendre position à la deuxième argumentation de la partie demanderesse tenant à mettre erronément en relation la décision alors projetée avec la décision de la Commission des pensions du 5 mai 2022. Il n’était dès lors pas obligé de procéder à une nouvelle notification éléments factuels et juridiques à la base de son intention de prendre la décision déférée. Le moyen tenant à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est dès lors à rejeter.

Au fond, il est rappelé qu’il n’est pas contesté que par sa décision du 20 mai 2021, la Commission des pensions a retenu que « Madame … n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service à temps complet sur son poste actuel. », alors qu’elle s’était auparavant vu accorder, par ce même organe, un changement d’administration et différents aménagements de son poste et du temps de travail en raison d’un stress post-

traumatique ainsi que d’un état dépressif.

Il s’ensuit que la présente affaire s’insère toujours dans le cadre de l’article 72 de la loi du 3 août 1998, aux termes duquel « (…) Si, postérieurement à la nouvelle affectation, l’intéressé sollicite des congés de maladie en rapport avec l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant la commission, ces congés de maladie sont assimilés à des absences de service non autorisées et poursuivies comme telles sur la base des dispositions relatives à la discipline prévues suivant le statut qui lui est applicable.

Le rapport entre l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant la commission et les congés de maladie postérieurs à la décision de la commission est à établir par le médecin de contrôle. ».

Il ne saurait dès lors pas être reproché au commissaire de gouvernement, en sa qualité de supérieur hiérarchique de la partie demanderesse, d’avoir en raison d’une nouvelle période d’incapacité de travail, attestée par le médecin psychologue, le Dr P. B., en date du 4 janvier 2022, saisi le médecin de contrôle pour faire vérifier si l’état de santé de la partie 14demanderesse à la base du certificat médical concerné pour la période du 4 au 25 janvier 2022 est en rapport avec l’état de santé ayant entraîné la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions en mai 2021.

Or, s’il ressort effectivement du rapport du médecin de contrôle que la partie demanderesse souffre d’un problème psychiatrique, attesté par le certificat médical litigieux du 4 janvier 2022, lequel est en rapport avec l'état de santé ayant entraîné la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions, le médecin de contrôle précise également que les motifs d'incapacité de travail précédemment certifiées par le Dr J. L., tenant à des problèmes de dos, persistaient également, conclusion que le commissaire du gouvernement n’a pourtant pas pris en compte dans le cadre de la décision déférée.

Il est relevé qu’aux termes de l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 5 mars 2004 concernant la santé et la sécurité du travail et le contrôle médical dans la fonction publique, « Le médecin est chargé en ce qui concerne les agents des institutions assujetties à la loi:

1. d’effectuer les contrôles des incapacités de travail pendant les périodes de congés de maladie, sur demande du chef de l’administration ou de son délégué à laquelle est affecté l’agent en congé de maladie. Dans l’exécution de cette mission, il ne peut s’immiscer dans les rapports de l’agent avec le médecin traitant. Le médecin doit s’abstenir de formuler devant l’agent un diagnostic ou une appréciation sur le traitement. Les médecins traitants sont tenus de fournir sous pli fermé au médecin toutes indications concernant le diagnostic et le traitement; toutes les fois qu’il le juge utile, le médecin doit entrer en rapport avec le médecin traitant, toutes les précautions étant prises pour que le secret professionnel soit respecté; le médecin peut prendre l’avis d’hommes de l’art toutes les fois qu’il le juge nécessaire; (…) ».

Il résulte de cette disposition que le contrôle médical vise la justification des « incapacités de travail » de l’agent pendant les périodes de congé maladie, de sorte qu’il s’agit de procéder à l’examen de l’état de santé empêchant ce dernier d’effectuer son travail.

Or, rien ne s’oppose a priori à ce qu’un agent soit affecté de plusieurs incapacités de travail à la fois, tel que cela est le cas en l’espèce, ce qui implique alors, dans le cadre du contrôle médical, une analyse des différentes pathologies dont souffre ce dernier. En effet si l’agent en question présente une incapacité de travail autre que celle qui est en rapport avec l’état de santé traité par la Commission des pensions, son absence ne saurait être qualifiée de non autorisée au sens de l’article 72 de la loi du 3 août 1998.

Ainsi, en qualifiant d’absence de service non autorisée, au sens de l’article 72 de la loi du 3 août 1998, la période du 4 au 25 janvier 2022, alors que le médecin de contrôle a non seulement relevé une incapacité de travail en relation avec la comparution de la partie demanderesse devant la Commission des pensions, mais également une incapacité de travail sans aucune relation avec ledit état de santé, la décision déférée du 18 mai 2022 est à annuler pour violation de l’article 72 de la loi du 3 août 1998, pour dépassement de la marge d’appréciation des faits, voire pour excès de pouvoir.

La partie demanderesse n’ayant pas établi en quelle mesure il serait inéquitable qu'elle supporte seule les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, elle est à 15débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure d’un montant de 1.000,-

euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal dirigé contre la décision déférée du 18 mai 2022 ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ladite décision ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision déférée du 18 mai 2022 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par la partie demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 février 2024 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 47816
Date de la décision : 02/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-02-02;47816 ?

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