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29/01/2024 | LUXEMBOURG | N°46194

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2024, 46194


Tribunal administratif N° 46194 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46194 1re chambre Inscrit le 2 juillet 2021 Audience publique du 29 janvier 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre deux actes de la commune de Leudelange, Leudelange en présence de Madame …, …, en matière de droit de préemption

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46194 du rôle et déposée le 2 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif

par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre d...

Tribunal administratif N° 46194 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46194 1re chambre Inscrit le 2 juillet 2021 Audience publique du 29 janvier 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre deux actes de la commune de Leudelange, Leudelange en présence de Madame …, …, en matière de droit de préemption

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46194 du rôle et déposée le 2 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège à L-

2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une « délibération du conseil communal de Leudelange, qui aurait été rendue lors de sa séance du 2 avril 2021, par laquelle il a décidé d'exercer son droit de préemption concernant un terrain à bâtir situé à Leudelange, rue …, et inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section … de Leudelange, sous le numéro …, d'une contenance de 8 a 77 ca. » et « pour autant que de besoin, [de] la « décision du collège échevinal » de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly Ferreira Simoes, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 9 juillet 2021 portant signification de ce recours à la commune de Leudelange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à L-3361 Leudelange, 5, place des Martyrs, et à Madame …, demeurant à L-… ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Anne-Laure Jabin, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 14 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif pour compte de la commune de Leudelange, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Jamila Khelili, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 9 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif pour compte de Madame …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 décembre 2021 par Maître Anne-Laure Jabin pour compte de la commune de Leudelange, préqualifiée ;

1 Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Anne-Laure Jabin et Maître Jamila Khelili entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2023 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 9 janvier 2023 prononçant la rupture du délibéré, afin de permettre aux parties de prendre position quant à la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la « décision du collège échevinal » de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption » ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Anne-Laure Jabin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2024.

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En date du 24 février 2021, la société à responsabilité limité …, ci-après désignée par la « société … », signa un compromis de vente portant sur une parcelle, sise à Leudelange, rue …, inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, ci-après désignée par la « commune », section … de Leudelange, sous le numéro …, ci-après désignée par « la parcelle », avec Madame … en tant que partie venderesse.

Par courrier du 10 mars 2021, Maître Mireille Hames, notaire instrumentant, s’enquit auprès de la commune afin de savoir si la parcelle est située en zone constructible et si elle est dotée de toute l’infrastructure nécessaire et si la commune désirait exécuter ou non son droit de préemption.

Lors de la séance du 2 avril 2021, le conseil communal de Leudelange, ci-après désigné par le « conseil communal », siégeant à huis clos, décida d’exercer son droit de préemption concernant la parcelle, l’extrait de cette délibération étant libellé comme suit :

« (…) Considérant qu’il appartient au Conseil communal de prendre les décisions relatives aux actes de disposition des biens de la commune dont l’exercice du droit de préemption fait partie ;

Considérant que le Conseil communal a décidé unanimement en séance du 30 mars 2021 de convoquer le 2 avril 2021 une réunion d’urgence du Conseil communal afin de pouvoir délibérer dans les délais impartis sur la présente demande de préemption et que partant l’urgence est invoquée ;

Vu le décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités ;

Vu le décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire ;

Vu la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse – PANC ;

Vu le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;

2 Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire ;

Vu la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat dite « Loi Pacte logement », modifiée par la loi du 03 mars 2017 dite « Omnibus » ;

Vu les circulaires ministérielles no. 3897 du 2 septembre 2020 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes – jugement du tribunal administratif du 22 juillet 2020 et no. 3951 du 19 janvier 2021 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes – arrêt de la Cour administrative du 5 janvier 2021 ;

Vu la demande du droit de préemption telle que reproduite ci-dessous ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ; (…) décide à l’unanimité des voix de réaliser un projet de logements à caractère social sur le terrain en question. (…) ».

Par une note manuscrite portant la date du 8 avril 2021, le secrétaire communal informa Maître Hames que la commune désirerait faire usage de son droit de préemption et qu’un courrier avec la décision officielle du conseil communal suivrait.

Il ressort d’un jugement rendu en date de ce jour, inscrit sous le numéro 48270 du rôle, que l’acte de vente entre Madame … et la commune fut signé en date du 30 avril 2021 et que par délibération du 11 mai 2021, le conseil communal approuva ledit acte notarié.

Par courriers séparés du 24 juin 2021, la commune informa Madame … ainsi que la société … de la décision du 2 avril 2021 tout en les priant de prendre position sur ladite décision dans un délai de 8 jours.

Par requête déposée le 2 juillet 2021, inscrite sous le numéro 46194 du rôle, la société … fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la « délibération du conseil communal de Leudelange, qui aurait été rendue lors de sa séance du 2 avril 2021, par laquelle il a décidé d'exercer son droit de préemption concernant un terrain à bâtir situé à Leudelange, rue …, et inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section … de Leudelange, sous le numéro …, d'une contenance de 8 a 77 ca. » et « pour autant que de besoin, [de] la « décision du collège échevinal » de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption ».

Par courrier du même jour, la société … s’adressa, par l’intermédiaire de son litismandataire, à la commune en observant que tant que le conseil communal ne procéderait 3 pas au retrait de sa décision du 2 avril 2021, il serait inutile de réaliser ex post une procédure d’information des parties.

Lors de la séance du 9 juillet 2021, le conseil communal décida, à nouveau, d’exercer son droit de préemption concernant la parcelle, l’extrait de cette délibération étant libellé comme suit :

« (…) Considérant qu'il appartient au Conseil communal de prendre les décisions relatives aux actes de disposition des biens de la commune dont l'exercice du droit de préemption fait partie ;

Vu le décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités ;

Vu le décret des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire ;

Vu la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse -

PANC ;

Vu le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes ;

Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l'aménagement du territoire ;

Vu la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l'habitat, dite « Loi Pacte logement », modifiée par la loi du 03 mars 2017 dite « Omnibus » ;

Vu les circulaires ministérielles no. 3897 du 2 septembre 2020 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes — jugement du tribunal administratif du 22 juillet 2020 et no. 3951 du 19 janvier 2021 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes — arrêt de la Cour administrative du 5 janvier 2021 ;

Vu la demande du droit de préemption telle que reproduite ci-dessous ;

Considérant que par courrier recommandé daté du 10 mars 2021 et reçu le 11 mars 2021 le notaire Maître Mireille HAMES, de résidence à Mersch, a demandé, conformément à l'article 8 de la prédite loi modifiée du 22 octobre 2008, si la commune entendait exercer son droit de préemption concernant une parcelle inscrite au cadastre de la commune, section … de Leudelange, au lieu-dit « rue … », place, sous le numéro … d'une surface de 8,77 ares ;

Considérant que suivant délibérations du 2 avril 2021, tenues à huis clos, le conseil communal a reconnu vouloir faire usage du prédit droit de préemption aux fins de construction de logements à coût modéré ;

4 Considérant que la commune a, par courrier du 8 avril 2021, accusé réception de la demande et informé le notaire Maître Mireille HAMES de ce que la commune désire faire usage de son droit de préemption ;

Considérant que par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2021 et par télécopie du même jour réceptionnée le 25 juin 2021, le collège des bourgmestre et échevins a fait part de son intention à la société …, en abrégé société …, de vouloir exercer son droit de préemption et a demandé à recevoir les observations éventuelles endéans huit jours ; Copie de ce courrier a été adressé à son mandataire ;

Considérant que par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2021, le collège des bourgmestre et échevins a fait part de son intention à Madame … de vouloir exercer son droit de préemption et a demandé à recevoir les observations éventuelles endéans huit jours ;

Considérant que Madame … a, par courrier du 29 juin 2021, répondu qu'elle est favorable à l'exercice du droit de préemption pour la commune et si possible avec déclaration d'utilité publique ;

Considérant que la société …, en abrégé société …, n'a pas adressé d'observations endéans le délai de huit jours ;

Considérant que le mandataire de la société …, en abrégé société …, a par courrier du 2 juillet 2021, demandé à être entendu quant à ses observations pour le compte de sa mandante ;

Considérant que par courrier du 7 juillet 2021, le collège des bourgmestre et échevins a répondu au mandataire de la société …, en abrégé société …, que sa demande était tardive et partant qu'il était forclos à être entendu ;

Considérant que la parcelle ici en cause n°… est classée selon le plan d'aménagement général actuellement en vigueur en zone d'habitation 1 (HAB-1) superposée d'un plan d'aménagement particulier Quartier Existant, Considérant les explications du collège des bourgmestre et échevins au conseil communal lors de la séance tenue à huis clos du 2 avril 2021 concernant un projet d'utilité publique sur des parcelles adjacentes ;

Considérant qu'au vu des prédites explications du collège des bourgmestre et échevins, l'acquisition de la parcelle ici en cause n°… est indispensable à la création d'un projet d'envergure de logements à coût modéré ;

Considérant la pénurie de logements à coût modéré au sein de la commune ;

Considérant les incitations gouvernementales, notamment par le projet de loi Pacte logement 2.0 quant à la réalisation de logements à coût modéré par les communes aux fins d'offrir des logements abordables ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

5 Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

décide à l'unanimité des voix (1) d'exercer le droit de préemption sur la parcelle n°… aux fins de réaliser un projet de logements accessibles pour des personnes économiquement plus faibles sur la parcelle en question ;

(2) de transmettre la présente délibération aux fins d'approbation par la ministre de l'Intérieur ;

(3) de charger le collège des bourgmestre et échevins de l'exécution de la présente décision ;

La présente délibération remplace la délibération du 2 avril 2021. (…) ».

Il ressort encore du jugement rendu par le tribunal administratif en date de ce jour, inscrit sous le numéro 48270 du rôle, que par courrier du 6 octobre 2021 adressé à Maître Hames, au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Leudelange, ci-après désigné par « le collège échevinal », et au ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », la société … sollicita, par l’intermédiaire de son litismandataire, la communication de « la nouvelle décision du conseil communal portant exercice du droit de préemption », de « la décision du conseil communal portant approbation de l’acte notarié » et de « la décision d’approbation de la ministre de l’Intérieur par rapport à cet acte notarié ».

Par décision du 25 octobre 2021, le ministre approuva les délibérations du conseil communal des 2 avril et 11 mai 2021. Ladite décision est libellée comme suit :

« Retourné à l’administration communale de Leudelange avec l’information que j’approuve les délibérations émargées du conseil communal portant sur l’exercice du droit de préemption sur la parcelle n°… sise à Leudelange au lieu-dit « Rue … », respectivement portant approbation de l’acte de vente n°… du 30 avril 2021.

Etant donné que la délibération émargée du 2 avril 2021 fut prise à huis clos, je tiens à attirer l’attention des autorités communales sur l’article 21 de la loi communale du 13 décembre 1988 telle que modifiée, qui dispose ce qui suit :

« Les séances du conseil communal sont publiques. Toutefois, pour des considérations d’ordre public ou à cause d’inconvénients graves, le conseil, à la majorité des deux tiers des membres présents, peut décider, par délibération motivée, que la séance est tenue à huis clos. » Or, il échet de constater que les autorités communales n’invoquent aucun des motifs précités justifiant la tenue de la délibération à huis clos.

En outre, dans la mesure où la décision de préempter constitue un acte administratif détachable du contrat de vente, je me permets d’attirer l’attention des autorités communales sur l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, qui prévoit ce qui suit :

6 « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concerne, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir (…) ». (…) ».

Il ressort encore d’un jugement du tribunal administratif rendu en date de ce jour, inscrit sous le numéro 47155, que par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2022, la société … fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la « délibération du conseil communal de Leudelange, rendue lors de sa séance du 9 juillet 2021, par laquelle la commune a décidé d'exercer « son droit de préemption » pour un terrain à bâtir situé à Leudelange, rue …, et inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section … de Leudelange, sous le numéro …, d'une contenance de 8 a 77 ca ; décision communiquée à la requérante en date du 13 décembre 2021 ».

En date du 13 septembre 2022, la société … prit connaissance de l’acte de vente du 30 avril 2021 ainsi que de la décision d’approbation du ministre du 25 octobre 2021.

Le 27 octobre 2022, la société … introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision du 25 octobre 2021.

Par décision du 22 novembre 2022, le ministre rejeta le recours gracieux de la société … dans les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur d’accuser bonne réception de votre courrier sous objet concernant l’exercice d’un droit de préemption par les autorités communales de Leudelange.

En réponse au courrier précité, et vu que le délai raisonnable pour le retrait de ma décision est écoulé, je tiens à vous informer qu’il m’est impossible de retirer ma décision d’approbation dans le dossier visé. (…) ».

Il ressort d’un jugement du tribunal administratif rendu en date de ce jour, inscrit sous le numéro 48270 du rôle, que par requête déposée le 13 décembre 2022, la société … fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la « décision de la ministre de l'Intérieur datée du 25 octobre 2021 portant approbation des délibérations du conseil communal « du 2 avril 2021 et du 11 mai 2021 » portant sur le droit de préemption sur la parcelle n°… sis à Leudelange au lieu-dit « Rue … », respectivement portant approbation de l'acte de vente n°… du 30 avril 2021 » et de la « décision de la ministre de l'Intérieur en date du 22 novembre 2022, refusant d'annuler sa décision d'approbation précitée du 25 octobre 2021 suite à un recours gracieux adressé par la requérante à la ministre de l'Intérieur en date du 27 octobre 2022 ».

A l’appui de son recours, inscrit sous le numéro 46194, la société … fait valoir qu’elle aurait appris par Facebook que, lors d’une séance extraordinaire du 2 avril 2021, le conseil communal aurait décidé d’exercer son droit de préemption concernant la parcelle pour laquelle elle s’était portée acquéreuse et qu’elle aurait, à sa demande, reçu de la part du notaire la copie d’une note manuscrite signée par le secrétaire communal et datée au 8 avril 2021 informant le notaire que la commune désirerait faire usage de son droit de préemption.

I) Quant à la compétence 7 Aucun recours en réformation n’étant prévu en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit par la société ….

II) Quant à la recevabilité S’agissant tout d’abord du volet du recours dirigé contre « la décision du conseil échevinal de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption », il y a lieu de relever que le tribunal a prononcé, par avis du 9 janvier 2024, la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre oralement position sur la question de la recevabilité de ce volet du recours.

Le litismandataire de la société … a, en substance, conclu à la recevabilité dudit volet du recours tandis que le litismandataire de la commune a conclu à l’irrecevabilité du recours dans son entièreté.

S’il est vrai, tel qu’affirmé par le litismandataire de la société demanderesse en se basant sur l’arrêt de la Cour administrative du 5 janvier 2021, inscrit sous le numéro 44939C du rôle, qu’eu égard aux délais courts prévus par la loi du 22 octobre 2008, il y a lieu d’admettre que l’organe exécutif de la commune, à savoir le collège échevinal, puisse prendre la décision d’exercice du droit de préemption, il n’en reste pas moins que l’acte du 8 avril 2021 consiste en un simple formulaire préimprimé adressé au notaire par le dénommé « … », qui de manière non contestée exerce la fonction de secrétaire communal de la commune. Sur ledit formulaire, la case « pour information » est cochée et il y figure les mentions « la commune désire faire usage de son droit de préemption » et « Courrier avec décision officielle Conseil communal suivra ». Ledit formulaire ne comporte, par ailleurs, aucune mention qu’il serait le produit du collège échevinal.

Le tribunal précise que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame.

Compte tenu du libellé du formulaire décrit ci-avant, le tribunal constate qu’à travers le formulaire concerné, le secrétaire communal s’est limité à informer le notaire de son intention d’exercer son droit de préemption et qu’une décision formelle lui parviendra.

Or, il est de jurisprudence qu’une lettre par laquelle une autorité administrative se borne à exprimer une intention ou à s’expliquer sur une intention qu’elle révèle ne constitue pas un acte administratif de nature à faire grief, qu’elle soit adressée à un administré ou à une autre autorité1. De même, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques.2 Dans le même ordre d’idées, il a 1 Trib. adm. 7 mars 2007, n° 21708, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 23 juillet 1997, n ° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.

8 été jugé que l’annonce de la prise éventuelle de décision ne peut pas être déférée au juge administratif, seule la décision effective étant susceptible de l’être.3 Dans la mesure où à travers l’acte déféré, le secrétaire communal s’est limité à informer le notaire de l’intention de la commune d’exercer son droit de préemption, ledit document ne contient qu’une déclaration d’intention de la part de la commune et ne représente qu’un acte préparatoire de la décision finale éventuelle que constitue la décision de préemption annoncée.

Dès lors, et au vu des développements qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que l’acte en question ne constitue pas une décision administrative susceptible de recours contentieux.

Il s’ensuit que le recours est irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation de « la décision du conseil échevinal de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption ».

S’agissant ensuite du volet du recours dirigé contre la délibération du 2 avril 2021, il échet de constater que dans son mémoire en réponse, la commune soulève l’irrecevabilité du recours en précisant plus particulièrement que la délibération du 2 avril 2021 n’aurait été qu’une décision de principe qui se serait tenue à huis clos. La seule décision qui aurait été prise concernant le droit de préemption aurait été celle du 9 juillet 2021, d’autant plus qu’il aurait été indiqué dans cette dernière décision que « la présente remplace la délibération du 2 avril 2021 ».

La société … n’a pas pris position par rapport à ce moyen.

Il y a lieu de rappeler que la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement. Ainsi, si l’acte dont l’annulation est recherchée à travers le recours disparaît, le recours devient sans objet, le demandeur n’ayant a priori et sauf circonstances particulières, plus aucun intérêt à poursuivre un recours contre un acte ayant disparu et qui ne lui fait plus grief4.

Dans ce contexte, si au moment de l’introduction du recours sous analyse, celui-ci avait certes un objet, à savoir l’annulation de la délibération du 2 avril 2021, ladite décision a entretemps été remplacée par la délibération du 9 juillet 2021 par laquelle la commune a de nouveau décidé d’exercer son droit de préemption.

Au vu des considérations qui précèdent et compte tenu de la délibération du 9 juillet 2021, le recours introduit à l’encontre de la délibération du 2 avril 2021 a perdu son objet, de sorte à encourir le rejet.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros telle que sollicitée par la société … sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

3 Cour adm. 20 janvier 2015, n° 34959C, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 60 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 20 octobre 2010 n° 26758 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 33 et les autres références y citées.

9 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre « la décision du conseil échevinal de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption » ;

rejette le recours en annulation pour défaut d’objet en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal de Leudelange du 2 avril 2021 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société … ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 janvier 2024 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46194
Date de la décision : 29/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-01-29;46194 ?

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