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24/01/2024 | LUXEMBOURG | N°46813

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2024, 46813


Tribunal administratif N° 46813 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46813 5e chambre Inscrit le 21 décembre 2021 Audience publique du 24 janvier 2024 Recours formé par la société anonyme A, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière de retenue d’impôt sur les revenus des capitaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46813 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2

021 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L...

Tribunal administratif N° 46813 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46813 5e chambre Inscrit le 21 décembre 2021 Audience publique du 24 janvier 2024 Recours formé par la société anonyme A, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière de retenue d’impôt sur les revenus des capitaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46813 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2021 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Elisabeth Adam, avocat à la Cour, inscrite à l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme A, établie et ayant son siège social à F-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de … sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 septembre 2021, répertoriée sous le numéro C 28125 du rôle, ayant rejeté sa réclamation du 30 juin 2020 à l’encontre de trois décisions du bureau d’imposition portant rejet de ses demandes en restitution de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec des dividendes alloués par la société anonyme B ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2022 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, préqualifiée, représentée par Maître Elisabeth Adam, préqualifiée, au nom de la société anonyme A, préqualifiée ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 1er juin 2022 ayant autorisé les parties à déposer chacune un mémoire supplémentaire quant à l’incidence sur le cas d’espèce des arrêts de la Cour administrative du 31 mars 2022, inscrits sous les numéros 45526C et 46289C du rôle ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2022 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, préqualifiée, représentée par Maître Elisabeth Adam, préqualifiée, au nom de sa mandante ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023 ;

1 Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yves Prussen et Maître Nadège Le Gouellec, en remplacement de Maître Elisabeth Adam, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 2023.

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Par une demande datée du 28 décembre 2017 et réceptionnée le 2 janvier 2018 par le bureau d’imposition Sociétés VI de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition Sociétés VI », la société anonyme de droit français A, ci-

après désignée par « la Société A », demanda la restitution de l’impôt sur le revenu payé par voie de retenue à la source de … euros pour les dividendes de la société anonyme de droit luxembourgeois B, ci-après désignée par « la société B », d’un montant brut de … euros qui auraient été perçus le 25 avril 2016.

Par une requête datée du 28 novembre 2018 et réceptionnée le 27 décembre 2018 par le bureau d’imposition Sociétés VI, la Société A demanda la restitution de l’impôt sur le revenu payé par voie de retenue à la source de … euros pour les dividendes de la société B d’un montant brut de … euros qui auraient été perçus le 24 avril 2017.

Par une requête datée du 8 novembre 2019 et réceptionnée le 12 novembre 2019 par le bureau d’imposition Sociétés VI, la Société A demanda encore la restitution de l’impôt sur le revenu payé par voie de retenue à la source de … euros pour les dividendes de la société B d’un montant brut de … euros qui auraient été perçus le 23 avril 2018.

En date du 9 mars 2020, le préposé du bureau d’imposition Sociétés 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », refusa de faire droit aux demandes de restitution de retenue à la source, précitées à travers trois décisions, les refus étant tous fondés sur la motivation suivant laquelle « - Les conditions de l’article 147 L.I.R. : ne sont pas remplies - Les explications/pièces prouvantes fournies n’ont pas convaincu le bureau d’imposition Sociétés 1 sur l’accomplissement des conditions de l’article 147 L.I.R. ».

Par courrier du 26 juin 2020, réceptionné le 30 juin 2020 par la direction de l’administration des Contributions directes, la Société A introduisit une réclamation contre ces trois décisions du 9 mars 2020 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par courrier du 7 août 2020, le directeur décida de procéder à une mise en état du dossier de la Société A, en l’invitant pour le 30 septembre 2020 au plus tard :

« à indiquer le prix d’acquisition des … titres B acquis en date du 11 novembre 2013 et déposés auprès de la chambre de compensation E avec pièces à l’appui, à fournir les extraits bancaires en ce qui concerne le paiement des dividendes B en dates du 26 avril 2017 et du 25 avril 2018, 2 à expliquer concrètement pour quelle(s) raison(s) les relevés afférents aux titres B, fournis dans le cadre des demandes de remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, renseignent des positions négatives, à fournir tous les ordres d’achat et de vente des titres B passés par le dépositaire D effectués lors des jours suivants :

-

18, 19 et 20 avril 2016 -

10 mai 2016 -

2 juin 2016 -

19 juillet 2016 -

17, 18, 22 et 23 août 2016 -

18 et 21 novembre 2016 -

2, 16, 17, 18 et 25 mai 2017 -

7, 21, 22, 23, 26 et 27 juin 2017 -

21 août 2017 -

6, 22, 28 et 29 septembre 2017 -

9 et 18 octobre 2017 -

30 novembre 2017 -

19, 20, 21 et 22 décembre 2017 -

30 janvier 2018 -

19 février 2018 -

15, 16, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 28 et 29 mars 2018 à renseigner pour quelle raison le dépositaire E (FF) ne figure plus dans le relevée pour la période allant du 22 janvier 2018 au 9 février 2018. […] ».

Le délai de réponse accordé à la Société A fut prorogé par l’administration des Contributions directes jusqu’au 31 octobre 2020.

Suite à la prise de position de la Société A notifiée le 30 octobre 2020 à l’administration des Contributions directes par voie électronique et des échanges de courriers électroniques datés des 19, 24 et 25 novembre 2020 et 20 janvier, 15 février, 23 février, 5 mars, 25 mars et 5 mai 2021, le directeur procéda à une nouvelle mise en état en date du 28 décembre 2020, dans les termes suivants :

« Vu la requête introduite en date du 30 juin 2020 par la dame X, au nom de la société anonyme A, avec siège social à F-…, pour réclamer contre trois décisions du bureau d’imposition Sociétés 1, rejetant à chaque fois une demande en remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec des dividendes alloués par la société anonyme B (ci-après : B), émises en date du 9 mars 2020 ;

Vu les paragraphes 228 et 235 ainsi que les paragraphes 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts ;

la réclamante est invitée 3 à prouver par des documents probants que la chambre de compensation D n’avait à aucun moment des années 2016, 2017 et 2018 des positions négatives en ce qui concerne les titres B déposés au compte n° 1, ou autrement dit, à fournir la preuve qu’au cours des jours de bourse des années précitées, elle n’a jamais cédé davantage de titres B qu’elle n’en possédait effectivement à travers le compte n° 1, à fournir, en cas de vente d’un nombre de titres B plus important qu’effectivement détenu par l’intermédiaire du dépositaire D, toutes les positions négatives de manière détaillée pendant les heures d’ouverture des bourses en question, à documenter la totalité de la chaîne de paiement des dividendes en relation avec les titres B, ainsi que de faire parvenir les preuves de paiement de chaque intermédiaire financier de cette chaîne depuis l’émetteur jusqu’au bénéficiaire effectif, à fournir tout autre document concluant permettant d’établir sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes en question, à fournir une déclaration sur l’honneur de son conseil d’administration aux termes de laquelle elle n’a pas sollicité le remboursement de retenues d’impôt « à raison de positions qui auraient été empruntées » au cours des années 2016, 2017 et 2018. », demande à laquelle cette dernière répondit par courrier daté du 15 février 2021.

Par une décision du 21 septembre 2021, référencée sous le numéro C 28125, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation introduite le 30 juin 2020, ladite décision étant libellée comme suit : « […] Vu la requête introduite en date du 30 juin 2020 par la dame X au nom de la société anonyme A, avec siège social à F-…, pour réclamer contre trois décisions du bureau d’imposition du 9 mars 2020 rejetant à chaque fois une demande en restitution de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec des dividendes alloués par la société anonyme B ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 7 août 2020, en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi A des impôts (AO), ainsi que la réponse y relative de la réclamante entrée le 2 novembre 2020 ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 28 décembre 2020, en vertu des §§ 243, 244 et 171 AO, ainsi que la réponse y relative de la réclamante entrée le 16 février 2021 ;

Vu l’article 3, alinéa 3 de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, qui retient notamment que les délais relatifs à la réclamation, au sens du § 228 AO, sont suspendus du 18 mars 2020 jusqu’au 30 juin 2020 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 235, n° 5, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Quant à la recevabilité 4 Considérant, étant donné les dispositions du § 252 AO, qu’il échoit tout d’abord d’analyser la qualification à conférer à l’acte introduit par la réclamante en date du 30 juin 2020 ;

Considérant que la réclamante, débiteur de l’impôt, fait grief au bureau d’imposition de ne pas avoir donné une suite favorable à ses demandes en remboursement de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec les dividendes alloués par la société anonyme B ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 149 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), le débiteur des revenus doit opérer la retenue d’impôt pour compte du bénéficiaire et est personnellement responsable de l’impôt qu’il A retenu ou qu’il aurait dû retenir ; que suivant l’alinéa 2 du même article, le bénéficiaire des revenus est le débiteur de l’impôt ; que le bénéficiaire des revenus ne peut pas introduire une réclamation contre le bulletin non formel (« nicht förmlicher Steuerbescheid » suivant le § 212 AO) portant fixation d’une retenue à la source sur revenus de capitaux qui seul est destiné au débiteur des revenus ;

Considérant que l’alinéa 1er du § 150 AO vise les cas où le remboursement d’impôts peut être exigé, partant où le droit au remboursement est établi et n’a qu’à être invoqué par le contribuable ; qu’en vertu de l’alinéa 2 du même paragraphe, le bureau d’imposition compétent est obligé de matérialiser son refus de remboursement de l’impôt par un bulletin ;

qu’il s’ensuit que « l’existence du droit à restitution ne doit pas être établie à suffisance de droit au moment de la soumission de la demande de restitution par le contribuable, mais qu’il incombe au bureau d’imposition de statuer sur la réalité de ce même droit » ;

Considérant que les droits des créanciers de revenus de capitaux sont réglés par le § 152, alinéa 2, n° 1 AO ; qu’en l’occurrence, la réclamante, qui est le bénéficiaire des revenus de capitaux, peut contester la retenue opérée en soumettant une demande de restitution ;

Considérant qu’en l’espèce, la réclamante a soumis au bureau d’imposition de telles demandes de restitution en dates du 2 janvier 2018, du 27 décembre 2018 et du 12 novembre 2019 ;

Considérant dès lors et en matière de principe notamment qu’il s’agit des bulletins communiquant la décision du refus de remboursement de la part du bureau d’imposition qui ouvrent le droit à des réclamations devant le directeur des contributions sur base des §§ 228 et 235, n° 5 AO ;

Quant au fond Considérant que les réclamations contre les décisions de refus du bureau d’imposition ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;

5 Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante a demandé le remboursement intégral de la retenue de 15 pour cent des dividendes luxembourgeois alloués comme suit par la société anonyme B :

Date d’attribution du dividende Montant brut du dividende Retenue d’impôt 25 avril 2016 … euros …euros 24 avril 2017 …euros …euros 23 avril 2018 …euros … euros En ce qui concerne la demande en remboursement du 2 janvier 2018 Considérant de prime abord qu’il y a lieu de préciser que la réclamante dispose de deux comptes différents auprès des chambres de compensation E et D ; que les comptes ouverts auprès des dépositaires E et D portent les numéros respectifs 2 et 1 ; que … actions de la société anonyme B ont été déposées sur le compte de E au courant des années litigieuses, alors que le compte ouvert auprès de D est utilisé pour effectuer des transactions boursières concernant les mêmes actions ; que la réclamante a sollicité le remboursement intégral de la retenue d’impôt en relation avec les dividendes attribués le 25 avril 2016 par la société anonyme B dont … actions ont été déposées auprès du dépositaire D ;

Considérant que l’article 147 L.I.R. prévoit l’exemption de la retenue d’impôt prévue à l’article 146 L.I.R. des revenus alloués par un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, ou par une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, aux organismes à caractère collectif énumérés à l’article 147 numéro 2, lettres a) à h) L.I.R. ;

Considérant que les dispositions de l’article 147, numéro 2 L.I.R. visent notamment les revenus alloués à :

a) un autre organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents, b) une autre société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, c) l’Etat, aux communes, aux syndicats de communes ou aux exploitations de collectivités de droit public indigènes, d) un établissement stable d’un organisme à caractère collectif visé aux lettres a, b ou c, 6 e) un organisme à caractère collectif pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités qui est un résident d’un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, ainsi qu’à son établissement stable indigène, f) une société de capitaux qui est un résident de la Confédération suisse assujettie à l’impôt sur les sociétés en Suisse sans bénéficier d’une exonération, g) une société de capitaux ou une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union Européenne et qui est pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, h) un établissement stable d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne et que, à la date de la mise à disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir, sous les conditions prévues à l’article 149, alinéa 4 L.I.R., directement pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois, une participation d’au moins 10 pour cent ou d’un prix d’acquisition d’au moins 1.200.000 euros dans le capital social du débiteur des revenus;

Considérant que le directeur a procédé en date du 7 août 2020 à une mesure d’instruction du dossier afin de se procurer de plus amples détails en ce qui concerne la date et le prix d’acquisition des … actions B déposées auprès de la chambre de compensation E ;

que lors de sa réponse à ladite mise en état, la réclamante n’a fourni que la date de valeur du 12 octobre 2011 des actions en question ; qu’elle a exposé que suite à un transfert interne auprès de E, elle « enregistrait donc dans ses livres en date du 12/10/2011, une position totale de … titres B et par conséquent a appliqué le prix du marché du titre B de …€ à cette date pour évaluer la valeur nominale de ces … titres crédités sur le compte 2 soit …€. » ; que suite à un échange de courriers électroniques avec la réclamante, il s’est révélé qu’elle a acquis … actions B pour un montant total de (… (prix unitaire) x … i.e.) … euros en date du 20 septembre 2011; que finalement, … actions B pour un prix d’acquisition total de (… x … i.e.) … euros étaient déposées auprès de la chambre de compensation E du 12 octobre 2011 au 26 avril 2018 ;

Considérant qu’en vertu des §§ 152, alinéa 3 AO et 153 AO, les droits à restitution s’éteignent si la demande en restitution n’a pas été introduite avant la fin de l’année qui suit celle de la survenance des faits à l’origine du droit ; qu’en l’espèce, la réclamante a présenté la demande en restitution afférente aux dividendes attribués le 25 avril 2016 au bureau d’imposition en date du 2 janvier 2018, alors qu’elle aurait dû l’introduire jusqu’au 31 décembre 2017 au plus tard ; que la demande de restitution en question est donc à considérer comme tardive ;

Considérant, dans un souci d’exhaustivité, qu’il convient de mentionner que la Cour administrative a retenu qu’en cas d’une retenue d’impôt sur revenus de capitaux prélevée sur des dividendes, cette retenue « ne peut donner lieu à un remboursement qu’après le respect complet de la période de détention de douze mois de la participation à la base de la distribution qui se situe en large partie au cours de l’année d’imposition subséquente » ; que l’arrêt retient 7 encore que « la question de naissance du droit au remboursement de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux antérieurement valablement prélevée se trouve régie exclusivement par l’article 149, alinéa (4a), LIR qui fait partie du régime spécifique de la retenue d’impôt et qu’il y A dès lors lieu d’interpréter le § 153 AO en ce sens qu’il renvoie audit article 149, alinéa (4a), LIR pour définir les faits qui donnent naissance au droit au remboursement de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux antérieurement prélevée. Conformément aux développements ci-avant, c’est partant la fin de la période de détention de la participation durant douze mois qui constitue l’événement qui donne naissance au droit au remboursement de la retenue d’impôt déjà effectuée dans le chef d’un bénéficiaire de dividendes qui, au moment de l’attribution des dividendes, n’avait pas encore respecté la période de douze mois et ne s’était pas engagé à ce moment à respecter la période de détention » ;

Considérant qu’en l’espèce, la durée de détention de 12 mois a déjà été remplie par la réclamante au moment de l’attribution des dividendes de sorte que la demande en restitution aurait dû être introduite avant la fin de l’année suivant l’allocation des dividendes, en l’occurrence jusqu’au 31 décembre 2017 au plus tard, tel que retenu supra ;

En ce qui concerne les demandes en remboursement du 27 décembre 2018 et du 12 novembre 2019 Considérant que la réclamante a sollicité le remboursement intégral des retenues d’impôt en relation avec les dividendes alloués le 24 avril 2017 et le 23 avril 2018 par la société anonyme B dont … actions respectivement … actions ont été déposées auprès du dépositaire D ; que les actions dénommées B portent le code LU… ;

Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante fait valoir que les dispositions de l’article 147 L.I.R. seraient applicables en l’espèce ; que les conditions seraient remplies quant à la société anonyme B et la réclamante, notamment en ce qui concerne la nature des revenus, le prix d’acquisition de la participation et la durée de détention ;

Considérant que les deux demandes de remboursement ont été refusées par le bureau d’imposition en date du 9 mars 2020 ; que les décisions de refus retiennent à chaque fois comme motivation que les explications et pièces justificatives fournies par la réclamante n’auraient pas convaincu le bureau d’imposition en ce qui concerne les conditions énoncées à l’article 147 L.I.R. ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que les relevés afférents aux actions B détenues par la réclamante font ressortir à plusieurs reprises des positions négatives ; qu’à titre d’exemples, lesdits relevés renseignent les positions suivantes :

Date Compte Nombre d’actions B Dépositaire 22/01/2016 FF 2 … GG 3 … DD 1 -

… - -

… -

17/08/2016 FF 2 … DD 1 -… 8 -

-… -

02/05/2017 FF 2 … DD 1 - … -

… 22/09/2017 FF 2 … DD 1 - … -

… 19/12/2017 FF 2 … DD 1 -

… -

… 15/03/2018 FF 2 … DD 1 - … -

… que la réclamante a expliqué à ce sujet que les relevés en question comporteraient des erreurs techniques ; qu’elle a versé de nouveaux relevés renseignant des positions complètement différentes de celles initialement indiquées ; que dans le cadre de sa mission d’instruction (cf. § 204 AO) le bureau d’imposition a encore sollicité des renseignements supplémentaires tandis que la réclamante n’a pas apporté des éléments nouveaux et révélateurs : que les dispositions des §§ 171 et 205 AO confèrent au bureau d’imposition tout comme au directeur statuant au contentieux le pouvoir d’exiger de la part du contribuable la preuve de la réalité d’une situation financière ou d’une dépense, et donc le droit de demander les pièces y afférentes ou de solliciter des informations complémentaires ;

Considérant que l’alinéa 1er du § 171 AO est libellé comme suit : « Auf Verlangen (§ 205 Absätze 1 und 2) hat der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifeln Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, zum Beispiel den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat »; que partant, et notamment en cas de doutes légitimes exprimés par l’administration, il incombe au contribuable de fournir la preuve de l’exactitude de ses déclarations ;

Considérant que dans sa mise en état du 7 août 2020, le directeur a invité la réclamante à expliquer pour quelle(s) raison(s) les relevés afférents aux titres B, fournis dans le cadre des demandes de remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, renseignent des positions négatives ;

Considérant que dans sa réponse à la mise en état susénoncée, la réclamante a répliqué « que les positions fournies lors des demandes initiales de remboursement de la retenue à la source n’étaient pas complètes. Il s’agissait en l’occurrence d’une erreur technique résultant d’un mauvais paramétrage dans ses systèmes de back-office qui n’a pas intégré les relevés de position du compte … (messages SWIFT …) fournis par son dépositaire E à l’époque. L’erreur technique a été corrigée permettant ainsi d’intégrer ces relevés reprenant les positions détenues effectivement en fin de journée de la date indiquée. » ;

9 Considérant qu’au sujet des positions négatives la réclamante a encore exposé que « Les positions initialement fournies dans le cadre des demandes de remboursement et présentant des poses négatives sont des positions théoriques qui prennent en compte tous les ordres d’achat et de vente avec une date de dénouement théorique telle que prévue à la date de négociation et selon la pratique de marché sur C. Mais si à la date de dénouement théorique ou date de valeur, Société … n’a pas assez de titres sur le compte et n’est pas en mesure d’exécuter la livraison prévue des titres, les transactions de vente vont rester en suspens le temps de racheter les titres manquants et de couvrir la position courte produite par la vente.

La position vendeuse va alors se refléter comme une position négative sur le compte titres en fin de journée si le deal de vente n’a pas dénoué. Mais dans la pratique, comme confirmé par son dépositaire D, cela signifie qu’à ces dates, le compte 1 ne dispose d’aucun titre B et est donc à zéro. » ;

Considérant que par courrier électronique du 19 novembre 2020, la présente instance est revenue à la charge en sollicitant des explications supplémentaires concernant les positions négatives en cause ; que la réclamante a rétorqué comme suit : « Sur le point 3 relatif aux positions négatives, la Société A souhaite rappeler qu’elles ne sont que théoriques puisque comme confirmé par le dépositaire D, les positions ne peuvent pas être « shortes » dans le sens où une transaction de vente conduirait à une pose négative n’est pas exécutée.

Une position négative n’est donc que théorique car elle agrège l’ensemble des transactions en date de valeur du jour mais la position réelle chez le dépositaire est à zéro car les ventes au-delà du stock disponible ne sont pas exécutées.

Si la Société A souhaite livrer davantage de titres qu’elle n’en possède, elle doit effectivement acheter les titres manquants le jour même de la négociation de la vente. Si la Société A parvient à acheter les titres manquants, la vente est exécutée, dans le cas contraire, elle reste en attente et les titres ne sont pas livrés.

Compte tenu de la nature de ses activités sur les marchés de dérivés d’actions, la Société A peut être amenée à réaliser des ventes à découvert qui ont la nature d’un « hedge ».

Ces ventes sont en général couvertes par d’autres achats de titres ou par des emprunts de titres, à hauteur de la position courte à couvrir.

A toutes fins utiles, nous vous précisons que la Société AA pour politique interne de ne pas conserver de position nette empruntée sur passage de dividende, si bien qu’elle ne sollicite pas de remboursement éventuel de retenue à la source à raison de positions qui auraient été empruntées. » ;

Considérant qu’il suit de ce qui précède que d’après la réclamante, le compte détenu auprès du dépositaire D ne pouvait pas renseigner des positions négatives en ce qui concerne les actions B ; que selon ses propos, il y a lieu de comprendre qu’une position auprès du dépositaire D ne peut être inférieure à zéro ; que cette affirmation est soutenue par une attestation de la part du dépositaire D retenant que « we have received confirmation from H that, on a technical point of view, no securities overdraft may occur on the abovementioned account [le compte 1] » ;

10 Considérant que le directeur a procédé en date du 28 décembre 2020 à une seconde mesure d’instruction libellée comme suit :

- la réclamante est invitée à prouver par des documents probants que la chambre de compensation D n’avait à aucun moment des années 2016, 2017 et 2018 des positions négatives en ce qui concerne les titres B déposés au compte n° 1, ou autrement dit, à fournir la preuve qu’au cours des jours de bourse des années précitées, elle n’a jamais cédé davantage de titres B qu’elle n’en possédait effectivement à travers le compte n° 1, à fournir, en cas de vente d’un nombre de titres B plus important qu’effectivement détenu par l’intermédiaire du dépositaire D, toutes les positions négatives de manière détaillée pendant les heures d’ouverture des bourses en question, à documenter la totalité de la chaîne de paiement des dividendes en relation avec les titres B, ainsi que de faire parvenir les preuves de paiement de chaque intermédiaire financier de cette chaîne depuis l’émetteur jusqu’au bénéficiaire effectif, à fournir tout autre document concluant permettant d’établir sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes en question et à fournir une déclaration sur l’honneur de son conseil d’administration aux termes de laquelle elle n’a pas sollicité le remboursement de retenues d’impôt « à raison de positions qui auraient été empruntées » au cours des années 2016, 2017 et 2018.

Considérant qu’il se dégage de la réponse à l’injonction susmentionnée que la réclamante a réitéré son affirmation selon laquelle « les contrôles de provision en place ne permettaient pas de ventes à découvert » ; qu’en ce qui concerne la chaîne de paiement des dividendes en question, elle a expliqué notamment ce qui suit :

« Le dépositaire commun détenant l’ensemble des positions B est la XXX au Luxembourg.

La Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat Luxembourg (XXXX) agit en tant qu’agent payeur de l’émetteur B, c’est-à-dire elle transmet les informations sur le paiement de dividende B entre l’émetteur et les marchés et répartit le total du dividende entre les deux ICSD (International Central Securities Depository), à savoir H et E sur base des montants remontés par le dépositaire commun XXX.

Basés sur les ‘Lettres de confirmation pour demander l’exonération de la retenue à la source dans les conditions de l’article 147 LIR des actionnaires remplissant les conditions d’exonération, la XXXX donne instruction à la XXX des dossiers exonérés et des dossiers à payer sous déduction de la retenue à la source de 15%.

Les attestations du dépositaire global XXX pour chacune des années 2016, 2017 et 2018 confirment la position globale en titres B, la répartition de celle-ci en position exonérée et en position taxée à 15% ainsi que la répartition de la position globale entre les deux ICSD, H et E.

L’émetteur B instruit à la XXXX par Fax (sic) le montant total du dividende B à payer aux deux ICSD, H et E. Les copies des instructions par fax pour les paiements des dividendes B payés en 2016, 2017 et 2018 ont été mises à la disposition de la Société A par la XXXX.

Nous vous les transmettons en pièce jointe (sic).

11 La XXXX se base comme indiqué ci-dessus sur les informations transmises par le dépositaire commun XXX dans les attestations ci-jointes afin de procéder au paiement de dividende B en faveur des ICSD, H et E.

Dans le courriel ci-joint nommé ‘Dividend distribution B - Exemption of WHT for Société A (…)’; Madame … de la XXXX A également transmis à la Société A les copies des messages SWIFT avec lesquels les fonds des montants indiqués dans les attestations de la XXX des dividendes B payés en 2016, 2017 et 2018 ont été transférés aux ICSD, H et E.

Dans la chaîne des intermédiaires financiers lors de la distribution du paiement de dividende B, en ce qui concerne la position stable de la Société A de SHS … sur le compte E 2, la Société A en tant que détenteur du compte 2 et bénéficiaire effectif des revenus reçus sur ce compte, reçoit directement le dividende B payé par E. Les Dividend Statements émis par la E pour les dividendes B payés en 2016, 2017 et 2018 prouvent le versement du paiement de dividende B directement au bénéficiaire effectif, la Société A.

Sur le marché français, c’est la Société AA à Nantes qui agit en tant qu’Agent payeur pour toutes les positions, et notamment celles du dépositaire.

Société AA Nantes reçoit le paiement de dividende B de la part d’H.

Dans le but de compléter la chaîne des intermédiaires financiers et d’obtenir une attestation de la somme totale versée à Société AA à Nantes de la part d’H, Société AA s’est rapprochée d’H. En pièce jointe vous trouverez l’attestation reçue de la part d’H.

Nous transmettons ci-joint également les attestations de l’Agent payeur Société A Securities Services, Nantes qui confirment les montants versés à Farel au titre des dividendes B 2016, 2017 et 2018.

D étant le dépositaire des positions B de la Société A sur le marché Français (sic), la chaîne du paiement de dividende B se clôture avec le versement du dividende B en faveur du bénéficiaire effectif Société A sur son compte 1 auprès de D.

Les Avis (sic) de coupon émis par le dépositaire D en faveur du bénéficiaire effectif Société A au moment de la demande d’exonération de la retenue à la source pour une partie de sa position avant paiement du dividende et pour la partie de la position taxée à 15% lors du paiement du dividende prouvent le versement du dividende en faveur de la Société A. » ;

Considérant qu’il se dégage des attestations du dépositaire global XXX confirmant la position globale en titres B que les dividendes payés par H sont en relation avec … actions en 2017 et … actions en 2018; que toutefois les attestations d’H datées au 15 février 2021 renseignent des dividendes en relation avec … actions en 2017 et … actions en 2018 ; que suite à une demande d’explication des différences entre les chiffres renseignés par XXX et par H, la réclamante a fait parvenir de nouvelles attestations établies par H datées au 31 mars 2021;

qu’H indique avoir payé le même nombre de dividendes en relation avec les actions B en 2017 et 2018; que force est de constater que ces chiffres ne correspondent pas à ceux indiqués par XXX ; que dans le courrier électronique de réponse du 5 mai 2021, la réclamante A fait valoir 12 que « Nous avons insisté auprès d’H afin que ce dernier se rapproche d’H Bank dans le but d’une clarification des positions que H Bank détenait en nombre d’action B sur les années 2016 à 2018 ce qui aurait permis de résoudre les écarts de positions constatés entre les holdings de XXX et H. Malgré nos efforts, H Bank n’a pas souhaité donner suite à notre demande. » ; qu’elle a annexé au courrier une capture d’écran du refus de la part d’H ;

Considérant que la réclamante A encore versé des attestations émises par l’agent payeur Société AA en date du 11 février 2021; qu’il s’en dégage que ce dernier aurait versé à D les montants suivants au cours des années litigieuses :

Dividende soumis à la Dividende non soumis à la Année 2017 retenue d’impôt de 15% retenue d’impôt de 15% Montant payé … euros … euros Nombre d’actions B … titres … titres Dividende soumis à la Dividende non soumis à la Année 2018 retenue d’impôt de 15% retenue d’impôt de 15% Montant payé … euros … euros Nombre d’actions B … titres … titres que toutefois, la réclamante a sollicité la restitution de la retenue d’impôt sur les dividendes en relation avec … actions B (année 2017) respectivement … actions B (année 2018) ; qu’il s’ensuit que les chiffres renseignés par l’agent payeur Société AA ne correspondent pas avec ceux déclarés par la réclamante au titre des années 2017 et 2018 ;

Considérant que la réclamante A fourni des certificats établis par les dépositaires E et D en ce qui concerne la détention des titres B pendant les années litigieuses ; que les documents émis par E font clairement ressortir que la réclamante a détenu… actions B au cours des années litigieuses respectivement qu’elle a perçu des dividendes bruts à hauteur de … euros en 2017 et … euros en 2018, c’est-à-dire sans déduction de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ; que le dépositaire D a remis des pièces attestant que la réclamante détenait … titres B en date du 24 avril 2017 et … titres B en date du 23 avril 2018 (dividendes non soumis à la retenue d’impôt de 15 pour cent) ; qu’en parallèle, il a émis des « AVIS DE COUPON » informant avoir procédé au « Crédit des coupons sur la valeur B (LU4) pour laquelle [la réclamante est] acheteur de 262.093 titre(s) » en 2017 respectivement de 30.791 titres en 2018 (dividendes soumis à la retenue d’impôt de 15 pour cent) ;

Considérant que les avis de coupon susmentionnés sont censés représenter des documents appelés « tax voucher » qui sont en principe utilisés par les personnes souhaitant se faire rembourser la retenue d’impôt sur dividende pourvu que toutes les conditions d’exonération soient remplies ; qu’en analysant les avis en question, il s’impose de relever que celui afférent aux dividendes payés en avril 2017, établi en date du 5 novembre 2018, a été signé par deux personnes sans toutefois renseigner sur leur identité et leur fonction ; que celui afférent aux dividendes payés en avril 2018 a été signé par une seule personne, encore une fois sans renseigner sur son identité et sa fonction ; que ce dernier avis de coupon a été signé au 13 nom de « D S.A. » alors que sur l’entête du document figure le nom « AA » ; que force est de constater que les avis en question ne revêtent pas la forme usuelle d’un « tax voucher » notamment qu’ils ne portent pas de double signature avec indication précise des identités et fonctions des signataires ; que l’avis de coupon afférent au dividende versé en 2018 représente même un document unilatéral émanant de la réclamante-même voire d’un service de celle-ci ;

qu’en l’espèce, il ne saurait être question de « tax voucher » établis en bonne et due forme ;

qu’a contrario, les certificats établis par le dépositaire E, signés doublement avec indication claire et sans équivoque des identités et fonctions des signataires, sont susceptibles de représenter de tels « tax voucher » ;

Considérant que dans sa mise en état du 28 décembre 2020, le directeur a sollicité une déclaration sur l’honneur du conseil d’administration de la réclamante aux termes de laquelle elle n’a pas sollicité le remboursement de retenues d’impôt « à raison de positions qui auraient été empruntées » au cours des années 2016, 2017 et 2018; que la réclamante a fait valoir qu’il ne serait pas d’usage que le conseil d’administration intervienne dans la gestion courante des affaires alors que les managers sont en mesure de le faire ; que partant le Responsable Mondial des activités Actions & Dérivés Actions de la réclamante, en l’occurrence le sieur Y a pris position à ce sujet ; que dans sa réponse datée au 10 février 2021, ce dernier a indiqué que « Société AA une politique fiscale conforme à sa stratégie de rentabilité durable et s’interdit toute opération, que ce soit pour son propre compte ou celui de ses clients, dont le but ou l’effet reposerait sur la recherche d’un profit essentiellement fiscal, sauf s’il est conforme aux intentions du législateur » ; qu’il a confirmé « qu’il n’y a pas eu de position nette issue d’acquisitions temporaires lors des détachements du dividende B en 2016 et 2018 », alors que pour l’année 2017 « certaines positions empruntées n’ont pas été reprises par nos contreparties avant le paiement du dividende. Ces « failed settlements » ont laissé une position de … actions empruntées à la date du dividende » ; qu’il a déclaré cinq emprunts de titres B auprès de fonds d’investissement incorporés en Irlande et au Royaume-Uni ; que la réclamante a effectivement emprunté des titres B auprès d’autres organismes financiers ;

Considérant qu’en raison du fait que les fonds d’investissement n’ont en principe pas droit au remboursement des retenues d’impôt sur dividendes étant donné qu’ils ne sont pas visés par l’article 147 L.I.R., ces derniers peuvent être amenés à prêter leurs actions à un organisme étant en droit de solliciter une telle restitution ; qu’une fois les retenues d’impôt remboursées à cet organisme, les actions en question, ainsi que les dividendes et les retenues d’impôt y afférentes sont restitués aux fonds d’investissement ; qu’en principe la partie emprunteuse reçoit alors un paiement de compensation de la part de la partie prêteuse ;

Considérant que les bureaux d’imposition peuvent être confrontés, d’une part, à des demandes basées sur la propriété juridique des titres, et d’autre part, à celles basées sur la propriété économique de ces mêmes titres ; qu’en vertu du § 11 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG), lorsque la propriété économique et la propriété juridique divergent, un paiement est à imposer dans les mains du propriétaire économique impliquant que les retenues d’impôt prélevées sont à rembourser dans ces mêmes mains ; que dans la mesure où les titres de capital sont dématérialisés et fongibles, il est particulièrement difficile pour l’administration des contributions directes de savoir si les deux demandes concernent les mêmes actions ;

Considérant que les opérations de prêt de titres à courte durée peuvent être constitutives d’un abus de droit visé au § 6 StAnpG ; que la jurisprudence allemande a retenu 14 que la propriété économique de titres reste acquise par la partie prêteuse au cas où la conception d’une opération est à qualifier d’abusive; qu’en l’espèce, il ne peut pas être exclus qu’un prêt de titres B soit opéré exclusivement pour des motifs fiscaux, i.e. le remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ;

Considérant qu’une réunion par conférence téléphonique a eu lieu le 20 mai 2021 afin de fournir des explications complémentaires quant « au sujet des titres non dénoués avant le détachement des dividendes, c’est-à-dire les dividendes pour lesquels a demandé le remboursement des retenues d’impôt, s’il est possible que le cédant de ces titres puisse avoir obtenu des tax vouchers au même titre que A » ; qu’il a été confirmé que la réclamante effectue des opérations d’achat et de vente de titres, mais également des opérations d’emprunt, de prêt voire même de « reprêt » de titres pour compte de ses clients ;

Considérant, en guise de conclusion et compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances précédents, qu’il échoit de rappeler qu’au cours de l’instance, des éléments de preuve se sont révélés être inexacts de sorte qu’ils ont été annulés et remplacés par de nouvelles pièces ; qu’il convient de citer quelques exemples présentant des erreurs voire des incohérences :

− les relevés afférents aux titres B, fournis initialement par la réclamante dans le cadre des demandes en remboursement comportaient des erreurs techniques de sorte qu’elle a fait parvenir des relevés rectifiés, − les positions globales en titres B confirmés par le dépositaire global XXX ne correspondent pas avec le nombre de dividendes payés tel qu’attesté par H, − les attestations émises par l’agent payeur Société AA en date du 11 février 2021 renseignent des nombres d’actions B et des dividendes soumis à la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ne correspondant pas à ceux renseignés dans les demandes en restitution remises le 27 décembre 2018 et le 12 novembre 2019, − les « ex-date » et « record-date » déclarées par la réclamante ne correspondent pas aux dates reprises dans les relevés rectifiés respectivement celles figurant dans le fichier Excel communiqué le 5 mai 2021 par voie électronique ;

Considérant qu’en « cas de contestations émises par l’administration des Contributions sur la déclaration faite par le contribuable, celui-ci est légalement tenu à faire parvenir à l’administration des Contributions les renseignements et explications demandés, étant donné que la charge de la preuve de l’exactitude des déclarations faites pèse désormais sur le contribuable » ; qu’en l’espèce, l’on peut valablement s’interroger sur la fiabilité des documents remis durant l’instance de sorte que le directeur statuant au contentieux de l’impôt est dans l’impossibilité de savoir quels documents correspondent in fine à la réalité ;

Considérant que récemment, le Tribunal administratif a retenu ce qui suit dans une affaire semblable au sujet d’une demande en restitution d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux : « Cette conclusion n’est pas infirmée par le reproche que l’administration exigerait une preuve impossible à fournir. Certes, l’article 171 AO limite l’obligation de preuve à charge du contribuable à ce qui lui peut raisonnablement être imposé selon les circonstances.

Or, le tribunal constate qu’au-delà de simples contestations et de la simple affirmation que l’administration exigerait une preuve impossible à fournir, la demanderesse reste en défaut de justifier qu’elle ait entrepris les démarches nécessaires afin d’obtenir de la part des différents 15 intervenants dans la chaîne des paiements des documents permettant de justifier sa qualité de bénéficiaire effectif des participations pendant la durée et à concurrence des seuils requis par la loi et partant sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes par rapport auxquels une retenue à la source a été opérée, et que ces démarches aient été infructueuses. La demanderesse n’a pas non plus dissipé, tel que cela a été retenu ci-avant, les contestations de la partie étatique quant à la forme des documents qu’elle qualifie de tax vouchers. » ;

Considérant que dans une autre affaire ayant trait à une demande en restitution de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux, la même juridiction a tranché que « il [lui] appartient [à la recourante] de prouver les conditions de durée de détention minimale et de participation minimale en qualité de bénéficiaire économique des titres, de même que sa qualité de bénéficiaire effectif des paiements. » ; qu’au vu des divergences inexpliquées au sujet des différentes positions d’actions et des tax vouchers fournis « le tribunal ne peut qu’entériner la conclusion du fisc, que la demanderesse est restée en défaut de prouver à suffisance sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes en sa qualité de propriétaire économique des titres durant la période et correspondant au seuil requis par la loi, et partant son droit au remboursement des retenues à la source litigieuses » ;

Considérant qu’en vertu du § 171 AO l’administration des contributions directes est donc en droit d’exiger des éléments de preuve univoques en ce qui concerne la problématique de l’espèce, et ce d’autant plus qu’elle se trouve confrontée, comme d’ailleurs les autorités fiscales à l’étranger, à des tentatives de fraude d’envergure internationale l’obligeant de s’assurer que les demandes en remboursement sont effectivement pertinentes et que les remboursements sont dus ; que les explications fournies par la réclamante n’ont pas été suffisantes pour élucider l’intégralité des interrogations de la présente instance ; que dès lors les éléments impérativement nécessaires à la base d’une perception claire et nette de la situation de la réclamante font toujours défaut ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 décembre 2021, la Société AA fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 21 septembre 2021 rejetant la réclamation introduite le 30 juin 2020 contre les trois décisions de rejet par le préposé du bureau d’imposition des demandes en restitution de la retenue d’impôt à la source.

1) Compétence du tribunal et recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », renvoyant au § 235, n°5 AO, et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur statuant sur une réclamation portée 16 devant lui contre des bulletins portant refus de restitution de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de la part du bureau d’imposition.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur du 21 septembre 2021 ayant rejeté la réclamation introduite par le contribuable contre trois décisions de refus de restitution de la retenue à la source sur revenus de capitaux prises par le bureau d’imposition conformément au § 150 (2) AO.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre cette même décision.

2) Quant au fond A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse expose qu’elle détiendrait des actions émises par la société B sous la forme de Fiduciary Depositary Receipt, ci-après désignés par les « actions B ».

Elle continue en expliquant qu’en date du 20 septembre 2011, elle aurait acquis … actions B pour un prix d’acquisition de … euros et qu’en date du 12 octobre 2011, … d’entre elles auraient, dans un premier temps, été transférées du compte n° 1, ci-après désigné par « le Compte D », détenu auprès de la société anonyme de droit français D, ci-après désignée par « le dépositaire D », sur le compte n° … détenu auprès de la chambre de compensation E, ci-

après désignée par « E », pour ensuite être transférées sur le compte n° 2 détenu auprès de E, ci-après désignée par « le Compte E ». A partir du 27 décembre 2012, elle aurait finalement détenu … actions B sur le Compte E.

Elle poursuit que depuis le 12 octobre 2011 et de manière constante, … actions B, représentant un prix d’acquisition global de … euros auraient été déposées de façon ininterrompue et permanente auprès de E et que les actions B, autres que celles déposées sur le Compte E, auraient été déposées sur le Compte D. Elle précise ensuite que, contrairement aux … actions B déposées sur le Compte E, le nombre d’actions B reprises sur le Compte D aurait évolué au cours de la période litigieuse.

Dans ce contexte, elle explique qu’au moment des dates de distribution de dividendes par la société B pour les années litigieuses, les actions B déposées auprès du Compte D auraient compris, d’une part, des actions B pour lesquelles une exonération de retenue à la source aurait été appliquée et, d’autre part, des actions B dont le dividende aurait fait l’objet d’une retenue à la source, à savoir :

« Date 22/04/2016 … actions exonérée 25/04/2016 … actions Retenue à la source (RAS) 24/04/2017 … actions exonérée 24/04/2017 … actions RAS 23/04/2018 … actions exonérée 17 23/04/2018 … actions RAS […] ».

La société demanderesse donne à considérer que « exclusion faite des transferts mentionnés dans la Réponse à la Première Mise en Etat », le Compte E et le Compte D auraient toujours été entièrement indépendants l’un de l’autre si bien qu’aucun mouvement effectué sur l’un des deux comptes n’ait affecté l’autre. Elle insiste, à cet égard, sur le fait que le Compte E serait complètement ségrégué du Compte D et que les positions sur celui-ci ne pourraient dès lors pas être utilisées pour compenser une éventuelle « position négative théorique » provenant des transactions boursières effectuées sur le Compte D. En d’autres termes, aucune compensation ne pourrait s’opérer entre les titres détenus sur le Compte E et ceux détenus sur le Compte D.

Elle soutient que la société B aurait décidé d’allouer des dividendes respectivement le 25 avril 2016, le 24 avril 2017 et le 23 avril 2018, distributions qui auraient été effectuées par l’intermédiaire de différents dépositaires et agents payeurs conformément à la chaîne d’intermédiaires financiers en place au moment de la période litigeuse et que les montants de dividendes relatifs aux actions B détenues sur le Compte D et soumis à la retenue à la source perçus au titre des années 2016 à 2018 auraient été de respectivement … euros, … euros et … euros, entraînant une retenue à la source sur les dividendes de respectivement … euros pour 2016, … euros pour 2017 et … euros pour 2018.

En droit, la société demanderesse s’empare en premier lieu des §§ 150 à 153 AO pour soutenir qu’en principe, le contribuable aurait un délai jusqu’à la fin de l’année suivant le paiement du dividende pour demander le remboursement de la retenue d’impôt. En l’espèce, elle aurait ainsi pu faire valoir son droit à remboursement de la retenue à la source sur les revenus de capitaux jusqu’au 31 décembre 2017 pour les dividendes alloués en 2016, jusqu’au 31 décembre 2018 pour les dividendes alloués en 2017 et jusqu’au 31 décembre 2019 pour les dividendes alloués en 2018. La société demanderesse critique la décision directoriale en ce que le directeur A retenu qu’elle aurait déposé la demande de restitution le 2 janvier 2018, de sorte que celle-ci serait à considérer comme tardive, tout en précisant que le bureau d’imposition aurait indiqué dans la décision de rejet émise en date du 9 mars 2020 qu’elle a fait valoir son droit à remboursement pour la retenue à la source du dividende 2016 en date du 28 décembre 2017.

Elle fait ensuite valoir que les deux premières conditions de l’article 147 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », seraient remplies, à savoir que les dividendes auraient été alloués par des organismes à caractère collectif résidant pleinement imposables et revêtant une des formes énumérées à l’article 166, alinéa 10 LIR et qu’elle-même serait un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, ci-après désignée par « la directive 2011/96 », conditions qui ne seraient d’ailleurs pas contestées par la partie étatique.

Selon la société demanderesse, la condition de la durée de détention d’une participation qualifiante dans la société B serait également remplie, alors que le prix d’acquisition des … actions B détenues sur le Compte E se serait élevé à … euros et qu’elle les aurait détenues a 18 minima, de manière ininterrompue, sur le Compte E depuis le 12 octobre 2011, sans que celles-

ci auraient fait l’objet d’une cession.

Elle explique que le transfert des … actions B du Compte D au compte E n° … puis au Compte E, sur lequel elles auraient été maintenues, aurait précisément été effectué afin d’assurer une ségrégation de la participation qualifiante dans la société B au sein d’un compte pérenne sur lesquels les mouvements auraient vocation à être limités en vue de faciliter la preuve de la réunion des conditions de l’article 147 LIR.

La société demanderesse insiste dans ce contexte sur le fait que le Compte D et le Compte E seraient ouverts auprès de deux banques dépositaires distinctes et seraient totalement ségrégués l’un de l’autre. Les mouvements effectués sur le Compte D n’auraient, dès lors, aucune incidence sur le Compte E et inversement. Ainsi, elle estime qu’elle remplirait également la condition de détention ininterrompue de ce seuil de détention alors que les actions B détenues sur le Compte E auraient été immobilisées et n’auraient fait l’objet d’aucun transfert depuis le 12 octobre 2011.

Quant aux actions B détenues sur le Compte D, elle souligne qu’elle aurait produit des coupons émis par le dépositaire D pour les besoins de chaque paiement de dividendes et qui feraient état du nombre de titres pour lesquels une retenue à la source aurait été opérée et qui indiqueraient le paiement du dividende net à son profit. Elle aurait par ailleurs remis - avec la réponse à la première mise en état - des preuves de paiement des dividendes pour les années 2017 et 2018, la société demanderesse précisant que de telles preuves de paiement n’auraient pas été fournies pour l’année 2016, alors que le directeur n’en aurait pas fait la demande.

La société demanderesse insiste sur le fait que les positions négatives sur le Compte D ne seraient que « théoriques » et que les ventes au-delà du stock d’actions disponibles ne seraient pas exécutées. Elle explique à cet égard que lorsque le Compte D présenterait des positions négatives, cela signifierait qu’à cette date, le nombre d’actions B serait à zéro. Les positions du Compte D tiendraient en effet compte des ordres d’achat et de vente avec une date de dénouement théorique telle que prévue à la date de négociation et selon la pratique de marché sur C. Il s’ensuivrait que lorsqu’à la date de dénouement théorique, elle n’aurait pas assez de titres sur le Compte D et ne serait, dès lors, pas en mesure de livrer les titres, les transactions de vente resteraient en suspens le temps de racheter les titres manquants.

Elle décrit ensuite la chaîne de paiement du dividende, tout en donnant à considérer que la loi ne requerrait pas que le bénéficiaire des revenus devrait rapporter cette preuve.

Dans ce contexte, elle fait encore valoir que si le § 171, alinéa 1er AO imposait une obligation de collaboration à la charge du contribuable, qui devrait établir le caractère exact de ses déclarations, cette obligation serait toutefois limitée à ce qui lui pourrait raisonnablement être imposé selon les circonstances.

Elle relève que le directeur, en lui demandant dans la seconde mise en état du 28 décembre 2020 de documenter la totalité de la chaîne de paiement des dividendes en relation avec les actions B ainsi que de faire parvenir les preuves de paiement de chaque intermédiaire financier de cette chaîne, aurait manifestement exigé la fourniture d’une preuve impossible, tout en insistant sur le fait qu’elle n’aurait été en mesure de fournir cette documentation que 19 grâce au réseau de contacts dont disposent certains de ses employés auprès desdits intermédiaires. En l’absence d’un tel réseau, il lui aurait été impossible de se procurer la documentation exigée du directeur.

La société demanderesse reproche encore à l’administration fiscale de ne pas avoir fait application du § 175 (1) AO qui autoriserait les bureaux d’imposition à requérir de la part de personnes tierces autres que le contribuable concerné des renseignements qui sont pertinents pour une fixation correcte des bases d’imposition dans le cadre d’une procédure d’imposition ou de la surveillance fiscale visant le contribuable concerné.

Par rapport au reproche du directeur selon lequel les documents remis par la société anonyme H, ci-après désignée « H », seraient différents de ceux produits par la société anonyme XXX, AA, ci-après désignée par « la société XXX », elle soutient qu’elle aurait apporté la preuve de l’impossibilité d’obtenir davantage de détails sur les différences de montants entre les attestations émises par H et par la société XXX.

Elle en déduit qu’on ne saurait reprocher de légères incohérences à un tiers, à savoir un investisseur final, alors que cette information ne serait en principe pas mise à la disposition des investisseurs et que ce serait à titre purement exceptionnel qu’elle y aurait eu accès.

La société demanderesse prend encore position par rapport aux commentaires du directeur sur les divergences entre l’attestation émise par la société Société AA, ci-après désignée par « la Société AA », au dépositaire D et les avis de coupons émis par ce dernier, en soulignant qu’il s’agirait de deux éléments différents car les attestations fournies par la Société AA au dépositaire D incluraient d’autres clients qu’elle-même. En effet, ces attestations viseraient l’ensemble des clients du dépositaire D bénéficiant d’un dividende de la société B, alors que les avis de coupon émis par le dépositaire D ne viseraient que sa propre détention.

S’agissant des critiques du directeur en relation avec le format des avis de coupon remis par le dépositaire D et sur lesquels sont fondées les demandes de restitution de dividendes litigieuses, la société demanderesse, tout en se référant au rapport final de l’ESMA, intitulé « Final Report on Cum/Ex, Cum/Cum and withholding tax reclaim schemes » et notamment à B pages 48 et 49, explique que le format des coupons ne ferait l’objet d’aucune règle ou format prédéfini par le régulateur ou l’administration fiscale.

Elle conteste ensuite la position du directeur consistant à soutenir que la propriété des titres ne devrait pas être octroyée à l’emprunteur alors que les opérations de prêts de titres de courte durée seraient à qualifier d’abusive, en faisant valoir que s’il était vrai qu’elle avait eu une position d’emprunteur pour les titres « repris dans le courrier du 10 février 2021 » et s’il était encore vrai que le droit fiscal luxembourgeois ne prévoyait aucune disposition spécifique en matière d’allocation de la propriété économique au sens du paragraphe 11 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (« Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ») en cas de prêt de titres, il existerait toutefois une circulaire allemande de 2016 qui préciserait qu’en principe les titres cédés dans le cadre d’un prêt seraient à attribuer juridiquement et économiquement à l’emprunteur.

Elle considère encore que si l’administration fiscale lui reprochait un abus de droit, il lui aurait appartenu de justifier l’ensemble des caractéristiques de son application à savoir (i) 20 une institution de droit privée, (ii) utilisée aux fins de réaliser une économie d’impôt, (iii) de façon inadéquate et (iv) qui ne serait justifié par des raisons économiques. Or, en l’espèce, l’administration se bornerait à invoquer que les opérations de prêts de titres de courte durée seraient abusives sans justification aucune.

Ainsi, elle estime qu’elle aurait apporté la preuve qu’elle aurait bénéficié du paiement du dividende de la société B et serait partant nécessairement à considérer comme propriétaire économique des titres relatifs à celui-ci.

S’agissant de la question de sa qualité de bénéficiaire effectif, la société demanderesse donne à considérer qu’aucune disposition ne subordonnerait le remboursement de la retenue à la source à la preuve par le bénéficiaire du dividende de sa qualité de bénéficiaire effectif.

Dans sa réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, tout en se ralliant aux développements du directeur dans sa décision.

En droit et en s’appuyant sur les §§ 152, alinéa 3 AO et 153 AO, il insiste en premier lieu sur le fait que ce serait à bon droit que le directeur aurait conclu à l’expiration du délai de la demande en restitution de la retenue d’impôt du 2 janvier 2018 concernant l’année d’imposition 2016.

Quant à l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle la décision de refus du bureau d’imposition relative à l’année 2016 aurait retenu la date du 28 décembre 2017 comme date d’introduction de la demande litigeuse, le délégué du gouvernement soutient que le bureau d’imposition ferait référence à la date du courrier de la demande de restitution et non pas à la date du dépôt de ce dernier. Il serait par ailleurs impossible qu’un courrier, de surcroît d’un expéditeur étranger, arriverait à destination le même jour, le délégué du gouvernement ajoutant que la société demanderesse ne prétendrait pas non plus d’avoir déposé sa demande par porteur le jour même.

En ce qui concerne ensuite les demandes en remboursement des 27 décembre 2018 et 12 novembre 2019, le délégué du gouvernement conteste en premier lieu la fiabilité des relevés afférents aux actions B déposés par la société demanderesse, alors que ceux versés ensemble avec la réclamation du 30 juin 2020 renseigneraient des positions différentes de ceux initialement fournis dans le cadre des demandes de remboursement de la retenue à la source.

Quant à l’attestation versée par le dépositaire D qui confirmerait qu’une position ne pourrait être inférieure à zéro, le délégué du gouvernement soutient en substance, qu’elle serait dépourvue de valeur probante, étant donné qu’elle se limiterait à relayer une information reçue d’un tiers, tout en reprochant à la société demanderesse de ne pas avoir versé des éléments de preuve démontrant in concreto qu’elle n’aurait pas détenu des positions négatives.

Concernant l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle « les contrôles de provision en place ne permettaient pas de ventes à découvert », le délégué du gouvernement donne à considérer qu’elle resterait à l’état de pure allégation.

Il conteste ensuite la fiabilité des pièces fournies par la société demanderesse relatives à la chaine de paiement des dividendes litigieuses en relevant les incohérences qui existeraient 21 entre l’attestation établie par le dépositaire global XXX et celle établie par H en date des 15 février et 31 mars 2021.

Le représentant étatique relève ensuite les incohérences qui existeraient entre le nombre d’actions B renseigné par l’agent payeur Société AA en date du 11 février 2021 et celui déclaré par la société demanderesse au titre des années 2017 et 2018. Concernant l’explication de la société demanderesse selon laquelle « les attestations fournies par B à D incluent d’autres clients que la Requérante », le délégué du gouvernement estime qu’elle serait insuffisante et illustrerait le caractère lacunaire des pièces versées.

Ce serait encore à bon droit que le directeur aurait retenu qu’en l’absence d’une double signature avec indication précise des identités et fonctions des signataires, les avis de coupon, « tax vouchers », produits ne sauraient servir de preuve concluante pour documenter la mise à disposition effective à la société demanderesse des dividendes y énoncés. Plus particulièrement, il insiste sur le fait que celui afférent aux dividendes payés en avril 2017, établi en date du 5 novembre 2018, aurait été signé par deux personnes sans renseigner leur identité, ni sur leur fonction et que celui afférent aux dividendes payés en avril 2018 aurait été signé par une seule personne également sans renseigner son identité, ni sa fonction. A cela s’ajouterait que le tax voucher afférent aux dividendes payés en avril 2018 aurait été signé au nom de « D » alors que sur l’entête du document figurerait le nom « AA » et qu’il serait par ailleurs un document unilatéral émanant de la société demanderesse elle-même, voire d’un service de celle-ci.

Quant à la déclaration de la société demanderesse selon laquelle elle aurait emprunté en 2017 des actions B auprès de fonds d’investissement incorporés en Irlande et au Royaume-Uni, le représentant étatique souligne que le bureau d’imposition pourrait être confronté, d’une part, à des demandes basées sur la propriété juridique des titres, et d’autre part, à celles basées sur la propriété économique de ces mêmes titres, tout en précisant à cet égard qu’en vertu des dispositions du § 11 StAnpG, au cas où la propriété économique et la propriété juridique divergent, ce serait entre les mains du propriétaire économique qu’un paiement serait à imposer. De la même manière, ce serait entre les mains du propriétaire économique que les retenues sous-jacentes seraient à rembourser. Or, dans la mesure où les titres sous-jacents seraient dématérialisés et fongibles, l’administration serait dans l’impossibilité de savoir si les deux demandes concernaient les mêmes actions.

Par ailleurs, les opérations de prêt de titres à courte durée pourraient être constitutives d’un abus de droit visé au § 6 StAnpG, le représentant étatique insistant sur la jurisprudence allemande qui aurait retenu que la propriété économique de titres resterait acquise par la partie prêteuse au cas où la conception d’une opération serait à qualifier d’abusive. Or, en l’espèce, il ne pourrait pas être exclu qu’un prêt de titres B soit opéré exclusivement pour des motifs fiscaux, i.e. le remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux.

Il rappelle qu’en vertu du § 171 AO, il incomberait au contribuable d’établir la véracité de ses déclarations sur base de pièces objectives et probantes. Or, les explications fournies par la société demanderesse seraient insuffisantes pour élucider les interrogations légitimes du directeur, de sorte que les éléments nécessaires à la base d’une perception claire et nette de la situation de la société demanderesse feraient toujours défaut.

22 Le délégué du gouvernement estime finalement que la société demanderesse se retrancherait en vain derrière l’allégation infondée que la charge de la preuve des conditions des articles 147 et 149, alinéa (4a), LIR serait impossible à rapporter.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse réitère son argumentation selon laquelle le directeur aurait, à tort, déclaré sa demande irrecevable pour cause de tardivité concernant les dividendes perçus en 2016. Elle insiste à cet égard sur le fait qu’en l’espèce, il ne s’agirait ni d’une réclamation, ni d’un recours devant le tribunal administratif, ni encore d’un recours gracieux, mais d’une demande fondée sur un droit à restitution de la retenue à la source, dont le délai dans lequel la demande doit être introduite serait réglé par le § 153 AO aux termes duquel les droits à restitution devraient être « invoqués » (« geltend gemacht werden ») avant la fin de l’année qui suit celle de la survenance des faits à l’origine du droit. Elle estime que la loi prévoirait ainsi un délai spécial en matière de demande de remboursement de la retenue à la source et semblerait faire référence à « la théorie de l’envoi » et non pas à « la théorie de la réception ». En décider le contraire constituerait une violation des droits fondamentaux du contribuable.

Pour contrer les critiques du délégué du gouvernement quant à la différence des rapports journaliers versés à l’appui des demandes de remboursement de la retenue à la source et de la réclamation, la société demanderesse réplique que si elle avait certes fourni, dans un premier temps, un relevé erroné de positions afférentes aux actions B faisant état, à tort, de positions négatives, elle aurait toutefois apporté - par la suite - les explications et pièces justificatives nécessaires afin de prouver l’exactitude de ses déclarations, à savoir (i) une explication quant à la ségrégation des Compte D et Compte E, (ii) la position journalière des deux comptes et (iii) une attestation établie par le dépositaire D sur l’impossibilité de détenir des positions négatives sur ses actions B détenues sur le Compte D.

A cet égard, elle aurait expliqué que le relevé fourni à l’origine contenait des erreurs en raison d’un mauvais paramétrage « des systèmes de back-office » qui n’auraient pas intégré les positions sur le Compte E. Elle renvoie à la requête introductive d’instance dont il ressortirait, d’une part, que le Compte E et le Compte D seraient ouverts auprès de deux institutions financières différentes et seraient entièrement ségrégés, ce qui signifierait que les positions de l’un ne pourraient venir automatiquement compenser les positions de l’autre et, d’autre part, que les positions négatives du Compte D présentes dans le relevé erroné fourni à l’origine ne seraient que « théoriques » car en pratique, lorsque le Compte D présenterait des positions négatives, cela signifierait qu’à cette date, le nombre d’actions B serait de zéro.

Elle insiste ensuite sur les règles de preuve inscrites à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 et considère que le représentant étatique rejetterait, sans apporter de justification, l’attestation fournie par le dépositaire D et ignorerait, sans raison apparente, les autres pièces versées et les explications avancées afin de prouver ses déclarations et clarifier la situation des positions négatives « théoriques » sur son Compte D.

Elle estime qu’elle aurait ainsi valablement clarifié la situation des positions négatives qui apparaîtraient sur le relevé de positions fourni initialement ainsi que leur absence d’impact sur les actions B déposées au Compte E.

23 La société demanderesse prend ensuite position par rapport aux reproches de la partie étatique suivant lesquels les informations remises par H seraient différentes de celles produites par la société XXX, en admettant que si le nombre d’actions figurant dans les attestations émises par la société XXX était effectivement supérieur à celui des attestations produites par H, l’écart s’expliquerait toutefois par le fait que le tableau établi par la société XXX ferait référence aux actions et dividendes alloués à E et à H et que la référence à H viserait les positions non seulement d’H, mais aussi d’H Bank. Elle précise qu’elle aurait obtenu une justification de la part d’H, mais pas de la part d’H Bank qui aurait refusé de remettre ces informations. Or, à défaut de clarification par H Bank, il serait impossible de retrouver l’ensemble du montant. Selon la société demanderesse, il ne s’agirait en revanche pas d’une incohérence, qui aurait seulement pu exister si le montant d’actions ou de dividendes reçus par H était supérieur à celui repris par la société XXX, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

De même, l’écart entre les montants repris dans les attestations émises par la Société AA indiquant les montants versés au dépositaire D sous forme de dividendes en relation avec les actions B et les montants déclarés lors des demandes de remboursement de la retenue à la source litigieuses s’expliquerait, selon la société demanderesse, par le fait qu’elle ne serait pas le seul client dépositaire d’actions B chez le dépositaire D et que les actions et montants repris dans les attestations de la Société AA à l’attention de D auraient repris l’ensemble des clients du dépositaire D. Il ne s’agirait pas non plus d’une incohérence qui aurait existé si la demande de remboursement avait été supérieure au montant reçu par le dépositaire D. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle reproche, à cet égard, au délégué du gouvernement de se limiter à affirmer que cette explication serait insuffisante sans autre motivation. Par ailleurs, l’individualisation demandée par le délégué du gouvernement impliquerait que les différents intermédiaires mettraient à disposition des informations sur leurs autres clients ce qui serait une violation de leur obligation réglementaire.

En ce qui concerne les tax vouchers, la société demanderesse rappelle que le rapport de l’ESMA mettrait en exergue l’absence de forme standardisée pour les coupons de dividendes.

Elle prend encore position sur les reproches du représentant étatique suivant lesquels certaines positions du Compte D auraient été empruntées au moment du versement du dividende pour 2017, en lui reprochant de ne pas en tirer une conclusion en droit et d’indiquer que les opérations de prêt de titres à courte durée pourraient être constitutives d’un abus de droit sans toutefois analyser la réunion des conditions de l’abus de droit au sens du § 6 StAnpG.

Elle explique plus particulièrement que pendant l’année 2017, … actions B détenues sur le Compte D auraient été empruntées afin de couvrir des ventes à découvert liées aux transactions sur produits dérivés, dont … actions B auraient été soumises à la retenue à la source.

Quant à la question de l’attribution de la propriété des actions B empruntées, la société demanderesse réitère ses développements figurant dans la requête introductive d’instance tout en soutenant que le Bundesfinanzhof allemand aurait récemment publié des commentaires en relation avec son arrêt rendu le 29 septembre 2021 afin de clarifier les critères d’attribution de la propriété effective dans le cadre d’opérations de prêt de titres. Selon le Bundesfinanzhof, 24 dans cette situation, la propriété effective serait généralement transférée à l’emprunteur. Les facteurs décisifs pour l’attribution de la propriété effective des actions prêtées seraient le transfert des gains et risques liés aux actions prêtées ainsi que le droit de disposer desdites actions, indépendamment de l’exercice effectif de ce droit ou de l’intention de l’exercer.

Dans l’arrêt du 29 septembre 2021 précité, le Bundesfinanzhof aurait également confirmé qu’il n’y avait pas d’abus de droit en relation avec le prêt de titres en se basant sur (i) la présence de motifs extra-fiscaux attachés à la conclusion des prêts, en particulier la possibilité de bénéficier de commissions de prêt sur les titres, et (ii) le fait que les activités de prêt de titres ne seraient pas en soi inhabituelles pour des investisseurs institutionnels, tels que les compagnies d’assurance prêteuses ou les banques emprunteuses.

A cet égard, elle fait valoir qu’en l’espèce, les droits aux gains et les risques liés aux positions empruntées ainsi que le droit de disposer des actions B lui auraient été transférés en tant qu’emprunteuse. Par ailleurs, les opérations d’emprunt feraient partie de son activité courante sur produits dérivés et se seraient étalées en l’espèce sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Il en résulterait que sa position d’emprunteuse ne devrait pas remettre en cause sa qualité de propriétaire économique des dividendes sur les actions B empruntées au sens de l’article 147 LIR.

S’agissant de la question de sa qualité de bénéficiaire effectif, la société demanderesse réitère son argumentation selon laquelle la notion de bénéficiaire effectif ne serait pas reprise en droit luxembourgeois.

Elle renvoie finalement aux pièces versées, à savoir (i) les relevés de positions journalières ainsi que les attestations émises par E en date du 6 janvier 2021 qui confirmeraient que … actions B auraient été détenues de manière ininterrompue sur le Compte E depuis le 12 octobre 2011 sans aucune référence ni variation due « aux positions négatives théoriques » du Compte D, (ii) une capture d’écran de la transaction d’acquisition des … actions B en date du 20 septembre 2011 qui prouverait le prix historique et la date d’acquisition des actions B détenues sur le Compte E et (iii) les avis de coupon émis par le dépositaire D qui prouveraient sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes relatifs aux actions B détenues sur le Compte D au titre des années litigieuses, pour en déduire qu’elle aurait produit un ensemble d’éléments suffisants pour prouver la réunion des conditions de l’article 147 LIR et l’application corrélative de l’exonération de retenue à la source sur les dividendes litigieux.

Dans son mémoire additionnel du 15 décembre 2022, déposé sur autorisation afférente du tribunal afin de permettre aux parties de prendre position quant à l’incidence des arrêts de la Cour administrative du 31 mars 2022, la société demanderesse donne tout d’abord à considérer que celle-ci aurait - à tort - fait référence à la notion de bénéficiaire effectif, notion qui serait reprise dans le cadre de la directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents, mais qui ne serait pas reprise dans la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, ci-après désignée par « la directive 90/435 ». Elle critique encore la Cour administrative pour s’être référée au droit 25 communautaire comme ratio legis d’une disposition et d’un concept qui aurait été présent dès les travaux parlementaires de la LIR, soit avant l’existence de la directive 90/435.

La société demanderesse met ensuite en avant que conformément à la convention de la Haye du 5 juillet 2006 sur les titres détenus auprès d’un intermédiaire, les droits découlant du compte détenu auprès du dépositaire D et en conséquence sur les titres détenus auprès du dépositaire D seraient régis par le droit français, tandis que les droits sur les titres détenus auprès de E seraient régis par le droit luxembourgeois. Selon la société demanderesse, tant le droit français que le droit luxembourgeois reconnaîtrait la notion de « propriétaire » du titre, qui serait celui qui détiendrait les titres en compte dans le dernier maillon de la chaîne de détention des intermédiaires dépositaires de titres. Du point de vue fiscal, cette personne aurait le droit d’actionnaire, y compris celui de voter aux assemblées et celui de percevoir les dividendes. Elle donne à considérer que cette solution ne contredirait pas la position de la Cour administrative quant à la notion de bénéficiaire alors que le propriétaire du titre serait le bénéficiaire des droits économiques. Ainsi, l’identification de cette personne serait l’élément clé car elle serait en droit de demander la restitution d’une retenue, sous réserve toutefois qu’elle soit également bénéficiaire économique c’est-à-dire que les titres ne soient pas détenus pour un tiers qui aurait des droits sur les mêmes titres, que ce soit en vertu d’un contrat de dépôt, d’une convention de type fiduciaire ou comme bénéficiaire d’un contrat de prête-nom ou de portage.

Elle explique dans ce contexte que les comptes D et E ne seraient pas des comptes mutualisés, mais des comptes propres lui appartenant et que les actions B seraient détenues selon l’ancien système du dépositaire commun, en l’espèce la société XXX, qui créditerait en compte les systèmes E et H et qui ferait le « pont » entre les deux systèmes de clearing, c’est à dire qui, sur instruction des systèmes, dénouerait les positions entre les deux dépositaires distincts lorsqu’une transaction serait faite par deux parties qui détiendraient leurs titres directement - ou indirectement par l’intermédiaire d’un ou plusieurs autres dépositaires - par l’intermédiaire des deux systèmes de clearing …..

Elle précise à cet égard que chaque système pourrait lui-même être intermédiaire pour d’autres systèmes de clearing locaux et que parfois des dépositaires de titres pourraient être des gérants de fortune qui détiendraient les titres de clients auprès d’un établissement de crédit.

Tout en donnant à considérer que les explications précitées seraient sans pertinence pour l’analyse de la propriété des titres, la société demanderesse insiste sur le fait que la position d’un participant d’un système de clearing ne pourrait pas être à découvert, car les transactions sur titres ne pourraient se dénouer dans les systèmes que si les titres étaient disponibles dans le compte du participant. À défaut, le système de clearing ne pourrait pas débiter de compte pour le nombre de titres requis pour créditer le compte de celui qui devrait les recevoir - le cas échéant celui de l’autre système auprès du dépositaire commun. Elle poursuit que si une position était insuffisante pour couvrir une vente et livrer le nombre requis de titres, le vendeur - et non pas le système de clearing - pourrait le cas échéant emprunter des titres, ce qui se ferait alors normalement entre professionnels par le système de prêt de titres organisé par le système de clearing. Sinon ce serait une opération non dénouée, appelée « failed trade ».

26 La société demanderesse expose ensuite les enseignements qu’il conviendrait de tirer des arrêts de la Cour administrative du 31 mars 2022, inscrits sous les numéros 45526C et 46289C du rôle, à savoir : (i) un prêt de titres serait en réalité un prêt de choses fongibles, (ii) la propriété de la chose passerait à l’emprunteur qui s’est obligé à restituer une chose identique, (iii) un prêt de titre serait comparable à une vente avec livraison des titres vendus et un achat à terme des mêmes titres à un prix fixe avec une promesse d’indemnisation en cas de défaut de livraison couverte normalement par un gage d’espèces ou de titres appartenant aux parties au contrat.

Elle insiste ensuite sur le fait que la position auprès du dépositaire ne pourrait jamais être négative, même en cas d’emprunt de titres qui auraient été livrés à autrui. Elle explique que l’obligation de livrer les mêmes titres serait, dans ce cas, encodée dans la comptabilité de l’emprunteur, du prêteur et du système de clearing en tant que telle, mais n’affecterait pas les droits sur le titre emprunté qui serait devenu la propriété de l’emprunteur. Ce titre aurait normalement été livré à un tiers pour dénouer une opération. Elle poursuit que si le titre était emprunté pour la seule raison que le titulaire du compte entend se prévaloir d’une détention temporaire d’un titre emprunté pour des raisons fiscales, il se poserait évidemment un problème d’abus qui devrait faire l’objet d’une preuve de l’abus de droit qui reviendrait à l’administration. Par contre s’il avait été livré pour une transaction normale, c’est à dire un dénouement d’une vente, ce problème ne devrait pas se poser selon la société demanderesse.

À cet égard, elle fait relever que si des positions de prêt de titres et d’emprunteur existaient au moment du dividende de 2017, il serait toutefois évident, au vu de la durée des positions ouvertes, à savoir plusieurs semaines, voire plusieurs mois, que cette opération serait décorrélée de la distribution de dividendes par la société B. Ainsi, contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement de la nécessaire nature abusive de l’opération de prêt de titres, celle-ci constituerait une opération commerciale extérieure à un but uniquement fiscal, à savoir le besoin de titres pour dénouer une opération ou une spéculation à la baisse.

Par ailleurs, selon le Bundesfinanzhof, dans le cas d’un prêt de titres, la propriété économique des titres pourrait exceptionnellement être conservée par le prêteur si l’appréciation globale des circonstances du cas d’espèce montre que l’emprunteur ne devait se voir conférer qu’une position juridique formelle de droit civil. Le Bundesfinanzhof aurait fondé cette conclusion de son appréciation globale principalement en raison du fait que les opportunités et les risques de cours liés aux actions auraient été transférés aux emprunteurs.

Les banques auraient ainsi eu la possibilité de vendre les actions en cas de hausse des cours, de se procurer les actions nécessaires à l’exécution de l’obligation de restitution sur le marché des capitaux en cas de baisse des cours et de réaliser ainsi des bénéfices. En cas de hausse du cours au moment de la restitution, elles auraient subi des pertes.

La société demanderesse donne ensuite à considérer qu’en vertu de l’article 3 de la loi modifiée de 2001 sur la circulation des titres, elle serait le titulaire des actions B détenues auprès de E et pourrait donc exercer les droits y relatifs. Elle poursuit qu’un prêt de titres par l’intermédiaire du dépositaire D, qui détiendrait des titres auprès de H, ne pourrait pas modifier la position détenue dans son Compte E. Les deux systèmes seraient « reliés » par un « pont », à savoir leurs comptes auprès de la société XXX qui créditerait en compte E et H pour les actions B.

27 En se référant à l’article 2 de la directive déléguée (UE) 2017/593 de la Commission du 7 avril 2016 complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la sauvegarde des instruments financiers et des fonds des clients, les obligations applicables en matière de gouvernance des produits et les règles régissant l’octroi ou la perception de droits, de commissions ou de tout autre avantage pécuniaire ou non pécuniaire, aux termes duquel « doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que tous les instruments financiers de clients qui ont été déposés auprès d’un tiers, conformément à l’article 3, peuvent être distingués de leurs propres instruments financiers et des instruments financiers appartenant à ce tiers grâce à des comptes aux libellés différents sur les livres de ce tiers ou à d’autres mesures équivalentes assurant le même degré de protection », et qui aurait été transposée au Luxembourg dans le règlement grand-ducal du 30 mai 2018 relatif à la protection des instruments financiers et des fonds des clients, aux obligations applicables en matière de gouvernance des produits et aux règles régissant l’octroi ou la perception de droits, de commissions ou de tout autre avantage monétaire ou non monétaire et en France par l’arrêté du 6 septembre 2017 relatif au cantonnement des fonds de la clientèle des entreprises d’investissement, la société demanderesse rappelle que les Comptes D et E ne seraient pas des comptes mutualisés, de sorte qu’il s’agirait de comptes propres.

La société demanderesse estime qu’au vu des considérations qui précèdent, elle serait propriétaire des actions B et par conséquent bénéficierait du droit au remboursement de la retenue à la source.

Quant aux documents probatoires remis, la société demanderesse donne à considérer que dans ses arrêts du 31 mars 2022, inscrits sous les numéros 45526C et 46289C du rôle, la Cour administrative, en faisant une analyse de certains éléments factuels relatifs au tax voucher, démontrerait qu’il n’existerait pas de modèle standard de tax voucher ou de procédure spécifique. Elle ne rechercherait pas non plus la nécessité de prouver l’intégralité de la chaîne de paiement, ce qui serait, selon la demanderesse, un élément de preuve impossible à fournir.

Elle souligne enfin que dans l’état actuel des dispositions et de la procédure et au vu des éléments de preuve apportés en l’espèce quant à la détention d’une participation remplissant les conditions de détention de l’article 147 LIR, le refus de remboursement de la retenue à la source sur base des motifs invoqués par le directeur et le délégué du gouvernement serait contraire au principe de proportionnalité et d’égalité des armes.

Dans son mémoire additionnel, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il faudrait tout d’abord déterminer si la société demanderesse a économiquement bénéficié des dividendes et si elle pouvait librement affecter les dividendes pour son propre compte.

Or, il ressortirait notamment des attestations datées au 21 février 2021 que la société demanderesse aurait obtenu, en sa qualité d’agent payeur en France, des dividendes versés par la société B de la part de E dans le but de les payer aux actionnaires situés en France, soit aux bénéficiaires effectifs des dividendes. Il s’ensuivrait qu’elle n’aurait pas économiquement bénéficié des dividendes de la part de la société B et qu’elle n’aurait pas pu librement affecter ceux-ci puisqu’elle aurait eu l’obligation, en sa qualité d’agent payeur, de les verser aux bénéficiaires effectifs.

28 La société demanderesse verserait encore des attestations datées au 11 février 2021 qui contrediraient son affirmation selon laquelle elle serait le bénéficiaire économique des dividendes versés par la société B, alors qu’elles montreraient que le dépositaire D aurait obtenu le paiement des dividendes. Or, il y aurait lieu de constater que les relations contractuelles entre la société demanderesse et le dépositaire D, ainsi que le type de service lui fournit par ce dernier, qui serait par ailleurs une filiale d’une autre entité de la société demanderesse, resteraient inconnus.

Le délégué du gouvernement estime que les pièces versées par la société demanderesse témoigneraient d’une confusion entre plusieurs entités du « groupe Société A » qui émettraient des certificats, courriers et courriels pour lesquels il ne serait pas clair en quelle qualité ils agiraient et qui, parmi ces entités, serait l’intermédiaire et qui le bénéficiaire effectif des dividendes. Etant donné que la quasi-intégralité des pièces émaneraient de la société demanderesse elle-même, d’une autre entité du groupe, à savoir de la société XXX ou encore du dépositaire D, filiale de cette dernière, et non pas d’un tiers désintéressé, les documents et informations produits resteraient, selon le délégué du gouvernement, des pièces purement unilatérales.

Il met ensuite en exergue que les demandes litigieuses porteraient exclusivement sur des titres non dénoués, soit ceux qui feraient l’objet d’une transaction laquelle n’aurait pas encore aboutie. Or, les pièces versées n’indiqueraient pas quelles opérations boursières auraient été effectuées sur ces titres, ni la raison pour laquelle ces opérations seraient inachevées à la date ex-dividend ni encore la justification juridique selon laquelle elle estimerait pouvoir solliciter des remboursements de la retenue à la source sur des transactions inachevées. Il estime que la société demanderesse n’avancerait dès lors aucune preuve circonstanciée pour établir si les actions B « en attente de dénouement » à la date ex-dividend étaient détenues par elle-même, par le dépositaire D ou par un tiers en raison de l’absence de finalisation de la transaction en question, de sorte que la partie étatique serait dans l’impossibilité de retracer qui est le bénéficiaire effectif des dividendes en question.

Le délégué du gouvernement conclut que la société demanderesse n’aurait apporté ni la preuve de sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes, ni celle de la détention du nombre d’actions B, ni encore celle de la qualité en laquelle elle a détenu les actions litigieuses, de sorte que la première et la deuxième condition au sens des arrêts de la Cour administrative du 31 mars 2022, ne seraient pas établies dans le chef de la Société A.

Analyse du tribunal 1.

Quant à la demande en remboursement relative à l’année 2016 En ce qui concerne la question de la tardiveté de la demande en remboursement introduite par la demanderesse auprès du bureau d’imposition pour l’année fiscale 2016, il convient de rappeler qu’en vertu du § 153 AO: « Wo außer den Fällen der §§ 151 und 152 Erstattungsansprüche aus Rechtsmitteln zugelassen sind, erlöschen sie, falls nicht anders bestimmt ist, wenn sie nicht bis zum Schluss des Jahres geltend gemacht werden, das auf das Jahr folgt, in dem die Ereignisse, die den Anspruch begründen, eingetreten sind ».

29 Ainsi, le tribunal relève qu’aux termes du § 153 AO, précité, le délai pour introduire une demande en remboursement expire à la fin de l’année civile suivant l’année au cours de laquelle les évènements sur lesquels la demande est fondée se sont produits. En l’espèce, il y a lieu de constater que l’évènement sur lequel la demande de restitution de la retenue à la source de la Société A est fondée est le paiement du dividende qui a eu lieu en avril 2016, de sorte que le délai pour introduire une demande en remboursement a expiré le 31 décembre 2017. Dans la mesure où la demande en remboursement est entrée auprès du bureau d’imposition Sociétés 1 de l’administration des Contributions directes le 2 janvier 2018, soit 2 jours après l’expiration du délai prévisé pour formuler la demande en restitution d’impôts, c’est à juste titre que le directeur a considéré que la demande en question est tardive et l’a rejetée pour autant qu’elle concerne l’année d’imposition 2016.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements de la société demanderesse selon lesquels la notion de « Wo […] Erstattungsansprüche […] nicht […] geltend gemacht werden » au sens du § 153 AO se traduirait par « si les droits à restitution ne sont pas invoqués », de sorte (i) qu’il suffirait d’invoquer les droits à restitution par le biais d’une demande expresse afin de bénéficier du remboursement de la retenue à la source et (ii) que la date de réception du courrier de demande de restitution par l’administration des Contributions directes serait indifférente. A cet égard, le tribunal constate tout d’abord que si le § 153 AO traite d’un des cas où un contribuable peut bénéficier d’un droit à restitution, le § 150 (1) AO, aux termes duquel « Kann die Rückzahlung entrichteter Steuern verlangt werden, so genügt zur Geltendmachung des Anspruchs, dass der Antrag rechtzeitig schriftlich oder mündlich bei einem Finanzamt gestellt wird. Dieses hat ihn der zuständigen Stelle zu übermitteln. », explique la manière dont le contribuable peut faire valoir son droit à restitution. Il résulte ainsi du § 150 (1) AO que la demande doit être soumise à un bureau d’imposition de l’administration des Contributions directes, de sorte que la simple remise à la poste de la demande de remboursement litigieuse, en l’occurrence le 29 décembre 20171, ne suffit pas pour retenir que celle-ci a été introduite dans le délai légal lequel a expiré le 31 décembre 2017. En effet, le contribuable doit faire valoir son droit sous forme d’une demande écrite ou orale qui doit être réceptionné par un bureau d’imposition de l’administration des Contributions directes avant l’écoulement du délai légal.

Le moyen afférent de la demanderesse est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

2.

Quant aux demandes en remboursement relatives aux années 2017 et 2018 Force est tout d’abord de constater que le litige porte en substance sur la question de la restitution de l’impôt retenu à la source au bénéficiaire d’une distribution de dividendes.

A titre liminaire et concernant la charge de la preuve d’un abus de droit, il incombe en principe à l’Etat qui l’invoque de prouver que les éléments constitutifs de l’abus se trouvent réunis, à savoir plus particulièrement (i) l’utilisation de formes et d’institutions du droit privé, (ii) une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, (iii) l’usage d’une voie inadéquate et (iv) l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie2. Or, en l’espèce le délégué du gouvernement se limite à 1 Pièce 39, Farde II de la société demanderesse, Preuve envoi UPS.

2 Trib. adm., 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas.

30 affirmer de façon vague et non autrement développée que « les opérations de prêt de titres à courte durée peuvent être constitutives d'un abus de droit visé au § 6 StAnpG » et qu’« il ne peut pas être exclus qu'un prêt de titres B soit opéré exclusivement pour des motifs fiscaux, i.e. le remboursement de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux », sans autrement préciser en quoi les éléments de l’abus de droit seraient concrètement constitués en l’espèce.

L’argumentation ayant trait à l’existence un abus de droit dans le chef de la Société A est dès lors d’ores et déjà à rejeter.

Quant aux revenus étant soumis à la retenue à la source, il échet tout d’abord de relever que l’article 146 LIR dispose comme suit :

« Sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu, les revenus indigènes ci-après:

1.

les dividendes, parts de bénéfice et autres produits visés sub 1 de l’article 97, alinéa 1er;

2.

les parts de bénéfice visées sub 2 de l’article 97, alinéa 1er;

3.

les arrérages et intérêts d’obligations et d’autres titres analogues visés sub 3 de l’article 97, alinéa 1er, lorsqu’il est concédé pour ces titres un droit à l’attribution, en dehors de l’intérêt fixe, d’un intérêt supplémentaire variant en fonction du montant du bénéfice distribué par le débiteur, à moins que ledit intérêt supplémentaire ne soit stipulé simultanément avec une diminution passagère du taux d’intérêt sans qu’au total le taux initial soit dépassé.

Les revenus soumis à la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux comprennent également les indemnités spéciales et avantages alloués à côté ou en lieu et place des allocations spécifiées à l’alinéa 1er.

Les revenus énumérés ci-avant sont à considérer comme indigènes, lorsque le débiteur est l’Etat grand-ducal, une commune, un établissement public luxembourgeois, une collectivité de droit privé qui a son siège statutaire ou son administration centrale dans le Grand-Duché, ou une personne physique qui a dans le Grand-Duché son domicile fiscal ».

Selon l’article 147, alinéa (2) LIR, la retenue d’impôt faisant l’objet de l’article 146 LIR n’est pas à opérer « lorsque les revenus visés par l’article 97, alinéa 1er, numéro 1 sont alloués par un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, ou par une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, à:

a) un autre organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, b) une autre société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, adm. 2022, V° Impôts, n° 32 et les autres références y citées.

31 c) l’Etat, aux communes, aux syndicats de communes ou aux exploitations de collectivités de droit public indigènes, d) un établissement stable d’un organisme à caractère collectif visé aux lettres a, b ou c, e) un organisme à caractère collectif pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités qui est un résident d’un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, ainsi qu’à son établissement stable indigène, f) une société de capitaux qui est un résident de la Confédération suisse assujettie à l’impôt sur les sociétés en Suisse sans bénéficier d’une exonération, g) une société de capitaux ou une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne et qui est pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, h) un établissement stable d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne, et que, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir, sous les conditions prévues à l’article 149, alinéa 4, directement pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois, une participation d’au moins 10 pour cent ou d’un prix d’acquisition d’au moins 1.200.000 euros dans le capital social du débiteur des revenus. La détention d’une participation à travers un des organismes visés à l’alinéa 1er de l’article 175 est à considérer comme détention directe proportionnellement à la fraction détenue dans l’actif net investi de cet organisme ».

Quant à l’article 149, alinéa (4a) LIR, il énonce qu’« [e]n l’absence d’un engagement par le bénéficiaire des revenus, le débiteur des revenus est tenu de déclarer et de verser l’impôt retenu à la source dans le délai de huit jours à partir de la date de la mise à la disposition des revenus. Le remboursement peut être demandé par le bénéficiaire des revenus dès qu’il prouve que la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n’est pas descendu au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros ».

L’article 149, alinéa (4a) LIR consacre le droit à un remboursement ultérieur de l’impôt retenu à la source en faveur d’un bénéficiaire d’une attribution de dividendes qui satisfaisait au moment de la distribution à toutes les conditions posées par l’article 147 LIR pour une exemption de retenue d’impôt sauf celle de la période de détention de douze mois dans l’hypothèse où, sans s’être engagé au moment de l’attribution des dividendes à respecter la période de détention, il établit ex post qu’il a respecté ladite période pour avoir détenu la participation respectant le seuil de détention au plus tard à la date d’attribution des dividendes et pour l’avoir maintenue à un niveau suffisant dans son patrimoine durant les douze mois subséquents3.

En l’espèce, les parties sont concrètement en désaccord sur la question de la preuve du respect des conditions de l’article 147 LIR, et, plus particulièrement, (i) de la qualité de 3 Cour adm., 20 septembre 2018, n° 39950C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 517.

32 bénéficiaire effectif des paiements de dividendes de la part de la société B dans le chef de la Société A, à savoir des dividendes de respectivement … euros et … euros au titre des années 2017 et 2018, et (ii) de la condition de détention pendant la période requise par la loi, ainsi que (iii) de la charge de cette preuve afférente.

En ce qui concerne tout d’abord la charge de la preuve à rapporter par le contribuable de manière générale, l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 dispose que « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. La charge de la régularité de la procédure fiscale appartient à l’administration. La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. ».

En vertu de cette disposition, il appartient à la société demanderesse qui demande la restitution de la retenue à la source de revenus de capitaux et qui, de la sorte, entend réduire la cote d’impôts au motif qu’elle remplirait les conditions dans lesquelles l’impôt sur le revenu de capitaux retenu n’est, par exception, pas dû, d’établir que les conditions d’une restitution de la retenue à la source sont remplies dans son chef.

Cette obligation de preuve à charge du contribuable est, en la présente matière, plus spécifiquement rappelée par l’article 149, paragraphe (4a) LIR, précité, qui exige que le bénéficiaire des revenus de capitaux ayant introduit une demande de restitution de la retenue à la source opérée et payée au Trésor public par le débiteur des revenues, prouve que la condition tenant à la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n’est pas descendu en dessous du seuil de 10 % ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros.

En outre, le § 171 AO, aux termes duquel « 1) Auf Verlangen (§ 205 Absätze 1 und 2) hatt der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifel Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, z.B. den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat. […] », impose une obligation de collaboration à charge du contribuable, qui doit établir le caractère exact de ses déclarations, cette obligation étant toutefois limitée à ce qui peut raisonnablement lui être imposé selon les circonstances (« soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann »).

Pour obtenir le remboursement de la retenue à la source sur dividendes sur base de l’article 149, alinéa (4a) LIR, la société demanderesse doit donc prouver qu’elle a rempli toutes les conditions suivantes:

1) en tant que bénéficiaire des dividendes, 2) elle a directement détenu une participation, 3) dans une entité visée à l’article 147, alinéa (2) LIR, 4) pendant 12 mois ininterrompus comprenant la date de la mise à disposition des dividendes, 5) et cette participation représentait au moins 10% du capital social de l’entité, ou avait un prix d’acquisition d’au moins 1,2 million d’euros4.

4 Cour adm., 31 mars 2022, nos 45526C et 46289C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

33 C’est sur cette toile de fond que les éléments de preuve fournis par la société demanderesse doivent être examinés.

Au regard des règles de preuve relevées ci-avant, le tribunal retient de prime abord qu’aucun reproche ne saurait être fait à la partie étatique pour avoir exigé des pièces justificatives quant à la mise à disposition effective des dividendes dans la société B au profit de la société demanderesse en tant que bénéficiaire effectif et de la durée de détention des titres en cette qualité.

En ce qui concerne tout d’abord la preuve par la société demanderesse de sa qualité de bénéficiaire effectif et les critiques de celle-ci selon lesquelles la notion de « bénéficiaire effectif » ne serait pas applicable en l’espèce et que la discussion devrait porter sur ses qualités de « propriétaire juridique » et de « propriétaire économique », le tribunal tient tout d’abord à souligner que les expressions « bénéficiaire effectif » et « propriétaire économique » ne sont pas des synonymes. En effet, la distinction entre propriété juridique et propriété économique, entrevue dans le cadre de l’interprétation de la notion de la détention de la participation au sens de l’article 147 LIR, est relative à l’actif lui-même (en l’espèce, les actions dans la société B), tandis que la discussion sur la qualité de bénéficiaire effectif porte sur les revenus générés par l’actif (en l’espèce, les dividendes liés aux actions dans la société B)5 et est à mener par rapport à la première condition énumérée ci-avant.

A cet égard, il échet tout d’abord de constater, tel que l’a retenu la Cour administrative dans ses arrêts précités du 31 mars 2022, que ni la version initiale de la LIR, ni sa version actuelle, ne font mention de la notion de « bénéficiaire effectif », mais que tant la version initiale que la version actuelle de la LIR font de multiples références au « bénéficiaire ». Ainsi, par exemple, dans sa version actuelle, l’article 11, alinéa (3) LIR inclut parmi les revenus nets les revenus réalisés après la cessation de l’activité ou la relation de droit qui les a générés, et ce, « même s’ils sont recueillis par l’ayant cause du bénéficiaire ». L’article 102, alinéa (11) LIR prévoit que dans les situations d’échange de terrains lors d’un remembrement effectué en vertu d’une loi ou d’échange de titres, « [e]n cas de paiement d’une soulte, la soulte diminue le prix d’acquisition à considérer dans le chef du bénéficiaire de la soulte ». L’article 109bis, alinéa 1er, numéro 3, LIR, dispose que sont à considérer comme dépenses spéciales « [l]es arrérages de rentes et de charges permanentes payés à un conjoint divorcé, à condition que les rentes et charges soient fixées par décision judiciaire dans le cadre d’un divorce prononcé avant le 1er janvier 1998 et que le débiteur et le bénéficiaire de la rente en fassent une demande conjointe ». Quant à l’article 149, alinéa (2) LIR, il pose que « [l]e bénéficiaire des revenus [de capitaux mobiliers] est débiteur de l’impôt ».

Or, en matière d’impôt sur le revenu, un élément de revenu ou une dépense doivent être imputés fiscalement à la personne qui réunit les faits constitutifs de la réalisation du revenu en cause ou de la dépense en question, ce principe découlant nécessairement des articles 6, paragraphe (1), 159, paragraphe (2) et 160, paragraphe (1) LIR6.

5 Ibidem.

6 Cour adm., 28 mai 2020, n° 43749C, disponible sous www.ja.etat.lu.

34 Dès lors, en employant, notamment dans les dispositions ci-avant relevées, le terme de « bénéficiaire », le législateur ne pouvait que désigner la personne qui retire en réalité l’avantage économique constitué par les revenus visés par chacune des dispositions en question, et non la personne qui ne fait que formellement percevoir les revenus sans pouvoir en disposer véritablement, dans le sens notamment de pouvoir en déterminer librement l’affectation. Autrement dit, celui qui ne fait que collecter les ressources d’une autre personne n’est pas le bénéficiaire du « revenu » que représentent ces ressources7.

Par conséquent, seule la personne ayant le pouvoir de disposer des dividendes peut être considérée comme percevant des revenus de capitaux mobiliers, puisque la rémunération éventuelle du « bénéficiaire formel » de dividendes n’est pas allouée en raison d’un investissement de l’intermédiaire en question dans une participation, mais constitue une compensation pour sa prestation de services d’intermédiaire8.

En deuxième lieu, il y a lieu de tenir compte des exigences découlant du droit de l’Union européenne.

Dans ce contexte, la Cour administrative, en se basant sur un arrêt de la CJUE du 21 juillet 20119 et deux arrêts du 26 février 201910, a retenu dans ses arrêts récents du 31 mars 2022, précités, que la qualité de bénéficiaire effectif des dividendes est une condition pour pouvoir bénéficier de l’exonération de retenue à la source prévue par l’article 5 de la directive 90/435.

Ainsi, dans la mesure où les articles 147, 149, alinéa (4a) et 166 LIR transposent, entre autres, en droit luxembourgeois d’abord la directive 90/435 et ensuite la directive 2011/96 ayant abrogé la directive 90/435, il revient au tribunal, au vu du principe de l’interprétation conforme d’une législation nationale ayant transposé une directive de l’Union européenne et à l’égard d’une situation intra-communautaire relevant directement du champ d’application de la directive 2011/96, d’interpréter l’exigence d’être le bénéficiaire des dividendes inscrite dans ces dispositions dans ce même sens11.

La Cour administrative en a déduit que le « bénéficiaire » de dividendes visé par les articles 147 et 149, alinéa (4a), LIR est bien l’entité qui bénéficie économiquement des dividendes perçus et dispose dès lors de la faculté d’en déterminer librement l’affectation.

Il ressort de ce qui précède que la qualité de « bénéficiaire effectif » des dividendes est une condition posée par l’article 149, alinéa (4a) LIR12.

Par conséquent, il convient à présent de vérifier si elle a rapporté la preuve de sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes.

7 Cour adm., 31 mars 2022, nos 45526C et 46289C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

8 Ibidem.

9 CJUE, Scheuten Solar Technology GmbH contre Finanzamt Gelsenkirchen-Süd, aff. C-397/09.

10 CJUE, Skatteministeriet contre T Danmark et Y Denmark Aps, affaires jointes C-116/16 et C-117/16 ; CJUE, N Luxembourg 1 e.a. contre Skatteministeriet, affaires jointes C-115/16, C-118/16, C-119/16 et C-299/16.

11 Cour adm., 31 mars 2022, nos 45526C et 46289C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

12 Ibidem.

35 Force est à cet égard de constater que la société demanderesse fonde ses déclarations, s’agissant de chacune des années fiscales litigieuses, sur les pièces suivantes : (i) les modèles 901bis relatifs à la demande de remboursement de retenue à la source, (ii) des rapports journaliers qui indiqueraient les positions journalières du Compte E et du Compte D, (iii) des avis de coupon émis par le dépositaire D indiquant le montant des dividendes perçus ainsi que les retenues à la source luxembourgeoise y relatives que la société demanderesse qualifie de « tax vouchers ».

Il convient dès lors d’examiner dans un premier temps si les documents fournis en l’espèce sont suffisants pour établir la preuve de la qualité de bénéficiaire effectif dans le chef de la société demanderesse des paiements dans les conditions de l’article 147 LIR.

Le tribunal relève de prime abord que les demandes de remboursement suivant le modèle 901bis fournies par la société demanderesse constituent des documents unilatéraux, émanant de la demanderesse elle-même qui ne sont pas de nature à rapporter la preuve requise, mais ne font que matérialiser les déclarations de la Société A qu’il appartient à celle-ci de prouver par des éléments objectifs.

Pour ce qui est ensuite des documents que la société demanderesse entend qualifier de « tax vouchers », il convient tout d’abord de relever que ceux-ci n’établissent ni le bénéficiaire effectif des participations, ni la mise à disposition effective des dividendes au profit de la Société A en cette qualité, dans la mesure où lesdits documents renseignent uniquement le montant du dividende payé, le nombre d’actions correspondantes et le montant de la retenue à la source, sans cependant mentionner le bénéficiaire effectif des paiements, les documents, certes adressés à la Société A, ne mentionnant notamment pas en quelle qualité les documents lui ont été adressés. Force est encore de constater que le tax voucher qui se rapporte au dividende de l’année 2017, outre le fait de n’avoir été établi qu’en date du 5 novembre 2018, soit une année et demie après le détachement du dividende, dispose que « Objet : Régul.

Coupons d’intérêts (créditeurs) […] Nous avons l’honneur de vous informer que nous avons procédé à l’opération suivante pour votre compte 1. Crédit des coupons sur la valeur B (LU4) pour laquelle vous êtes acheteur de … titre(s). Le détachement a eu lieu le 24/04/2017 au Prix unitaire Global de … € et au Prix Unitaire Net de … €. (Catégorie fiscale: B) Montant brut :

… € Retenue à la source Luxembourgeoise : … € Montant net : … € au crédit », n’indiquent ainsi pas avec précision la date de livraison des actions B sur le Compte D, élément qui est pourtant nécessaire afin de déterminer si la société demanderesse est le bénéficiaire effectif des dividendes litigieux.

Dans ce contexte, force est, par ailleurs, au tribunal de relever que les « confirmations de paiement des dividendes »13 émises par la Société AA sous forme de « messages SWIFT … » et tamponnées par le dépositaire D ne permettent pas au tribunal d’en dégager que la société demanderesse a perçu les montants de respectivement … euros et … euros renseignés dans les demandes de remboursement litigieuses.

S’agissant encore des relevés de positions journalières versés dont se prévaut la société demanderesse, force est de constater qu’outre le fait que ceux-ci ne permettent pas d’établir que la société demanderesse a perçu les dividendes sur les actions en cause en tant que 13 Pièce n° 10b).

36 bénéficiaire effectif, ils présentent des incohérences laissant douter de leur exactitude. Le tribunal note en effet des divergences incompréhensibles et inexpliquées par la demanderesse entre les relevés de positions journalières, les tax voucher et les attestations du dépositaire D dont se prévaut la société demanderesse et qui certifieraient du nombre d’actions B qu’elle aurait détenu sur le Compte D. Ainsi, si l’attestation du dépositaire D du 24 avril 2017 indique « Nous soussignons, Société de Bourse D, attestons que la Société A détient en date du 24 avril 2017 matin la quantité de … titres B LU4 dans nos livres », et si l’avis de coupon relatif à l’année 2017 atteste que « Nous avons l’honneur de vous informer que nous avons procédé à l’opération suivante pour votre compte 1. Crédit des coupons sur la valeur B (LU4) pour laquelle vous êtes acheteur de … titre(s). […] », de sorte que, selon la société demanderesse, elle aurait détenu au 24 avril 2017, … actions B exonérées de la retenue à la source et … actions B soumises à la retenue à la source sur le Compte D, force est toutefois de constater que selon le rapport journalier, elle a détenu … actions B sur le Compte D au 24 avril 2017. De même, s’agissant de l’année 2018, force est de constater que si la société demanderesse indique qu’elle aurait détenu au 23 avril 2018 sur le Compte D … actions B exonérées de la retenue à la source - montant repris dans l’attestation du dépositaire D du 23 avril 201814 - et … actions B soumises à la retenue à la source15, il ressort toutefois du rapport journalier qu’elle a détenu … actions B sur le Compte D au 23 avril 2018.

Dès lors, le constat s’impose que ces documents, outre le fait de présenter des incohérences laissant douter de la fiabilité de leur contenu, ne permettent pas à eux seuls d’établir que la Société a était le bénéficiaire effectif des paiements visés.

Quant à l’affirmation de la demanderesse qu’elle aurait placé les actions B sur un compte propre, outre le fait qu’il s’agit d’une simple affirmation non autrement sous-tendue par un document probant lequel distingue entre le compte propre de la Société A et les comptes clients pour lesquels elle agit comme dépositaire, force est de retenir que cette circonstance ne suffit pas à démontrer qu’elle a perçu les dividendes émis par la société B en tant que bénéficiaire effectif.

Pour autant que la société demanderesse ait entendu fonder la reconnaissance de la qualité de bénéficiaire effectif des dividendes litigieux sur la détention des actions B visées dans les demandes de remboursement en qualité de propriétaire juridique des actions B qui se doublerait de la propriété économique, force est encore au tribunal de constater que, quant à l’effet du prêt d’actions sur la propriété juridique, la Cour administrative a retenu dans son arrêt du 31 mars 2022, précité, que selon l’article 1874 du Code civil, il convient de distinguer le prêt à usage du prêt de consommation, le prêteur demeurant propriétaire de la chose prêtée dans le cadre du prêt à usage (article 1877 du Code civil) tandis que l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée dans le cadre du prêt de consommation (article 1893 du Code civil)16.

14 Pièce n°16.

15 Pièce n° 17, tax voucher daté du 28 novembre 2018 « Objet: Paiement de Coupons Madame, Monsieur, Nous avons l'honneur de vous informer que nous avons procédé à l'opération suivante pour votre compte 1. Crédit du coupon sur la valeur (LU4) pour laquelle vous déteniez … titre(s), paiement selon les caractéristiques suivantes : […] ».

16 Cour adm., 31 mars 2022, nos 45526C et 46289C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

37 Quant à l’effet du prêt d’actions sur la propriété économique, la Cour administrative a retenu ce qui suit, dans le susdit arrêt du 31 mars 2022 : « la Cour note que la doctrine luxembourgeoise penche en faveur de l’attribution de la propriété économique des titres prêtés à l’emprunteur […] :

« 41. D’après les principes dégagés par la doctrine (32) ainsi que par l’administration fiscale allemande (33), en présence d’un contrat de prêt de titres, la propriété économique des titres est transférée à l’acheteur ou l’emprunteur des titres. En matière de prêt de titres, l’analyse allemande se fonde sur une analyse combinée du paragraphe 39 de l’Abgabenordnung allemand et des dispositions de droit civil allemand (en particulier les paragraphes 607 et suivants du Code civil allemand relatifs au prêt de biens [Sachdarlehen]) qui prévoient un transfert de la propriété juridique à l’emprunteur et sa capacité à disposer librement de la chose prêtée, à charge pour lui de rendre un bien de même nature.

42. Au Luxembourg, une analyse similaire se dégage du Code civil qui distingue le prêt à usage (ou commodat) et le prêt de consommation. Ce dernier est défini comme étant un contrat par lequel une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre de même espèce et qualité (34). Par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée et en subit tous les risques (35).

43. Selon l’avis exprimé par la doctrine luxembourgeoise (36), l’attribution de la propriété économique devrait suivre l’analyse du droit privé et rejoindre également l’analyse allemande » (Thierry LESAGE, Yvan STEMPNIERWSKY, « Réflexions sur les aspects comptables et fiscaux des opérations de prêt/emprunt et de mise en pension de titres », in Droit fiscal luxembourgeois - livre jubilaire de l'IFA, Legitech, 2018, p. 545). ».

Or, en l’espèce, si la société demanderesse affirme certes être le propriétaire économique et juridique des titres B déposés auprès de D, elle a toutefois également admis qu’« au moment du dividende de 2017 existaient des positions de prêt de titre et d’emprunteur » dans son chef, respectivement qu’en 2017, elle « a[urait] une position d’emprunteur pour les titres repris dans le courrier du 10 février 2021 », à savoir qu’elle aurait eu « une position de … actions empruntés à la date du dividende »17. La société demanderesse 17 Pièce n° 21, Courier du 10 février 2021 adressé par la Société AAA à l’administration des Contributions directes suite à la lettre de celle-ci du 28 décembre 2020 : « […] S’agissant de l'année 2017, nous confirmons que suite à des incidents opérationnels (« failed settlement ») certaines positions empruntées n'ont pas été reprises par nos contreparties avant le détachement du dividende. Ces « failed settlements » ont laissé une position de … actions empruntées à la date du dividende.

Cette position est constituée de titres empruntés en vertu des opérations suivantes :

o Emprunt de … actions pour une durée de 37 jours (du 20/03/2017 au 26/04/2017) auprès d'une contrepartie « Fonds d'investissement » incorporé en Irlande et représenté par un Agent … o Emprunt de … actions pour une durée de 37 jours (du 20/03/2017 au 26/04/2017) auprès d'une contrepartie « Fonds d'investissement » incorporé au Royaume-Uni et représenté par un Agent … o Emprunt de … actions pour une durée de 19 jours (du 07/04/2017 au 26/04/2017) auprès d'une contrepartie « Fonds d'investissement » incorporé en Irlande et représenté par un Agent … 38 reste pourtant en défaut de soumettre les documents relatifs à la relation contractuelle avec « le « Fonds d’investissement » incorporé en Irlande et représenté par un Agent … », respectivement avec le dépositaire D, mettant ainsi le tribunal dans l’impossibilité d’analyser s’il y a eu ou non transfert de la propriété juridique et/ou économique des actions faisant l’objet du prêt, question qui ne peut être utilement tranchée sur base des simples allégations de la société demanderesse, non autrement documentées, étant précisé que contrairement à ce que fait plaider la Société A, la preuve qu’elle aurait bénéficié du paiement du dividende de B ne lui confère pas ipso facto la qualité de propriétaire économique des titres relatifs à celui-ci.

La demanderesse reste par conséquent en défaut d’établir que les termes des opérations de prêt d’actions ont entraîné un transfert de la seule propriété juridique des actions prêtées, sinon un transfert de la seule propriété économique, voire même un transfert de la propriété à la fois juridique et économique.

Finalement, il y a lieu de noter que les demandes litigieuses portent exclusivement sur des actions B « non dénouées à l’ex-date », soit celles qui font l’objet d’une transaction qui n’a pas encore aboutie. Or, la société demanderesse reste en défaut d’expliquer quelles opérations boursières ont été effectuées sur ces titres. En procédant de la sorte, elle omet de préciser face aux contestations de l’Etat, si les actions B « en attente de dénouement » à la date ex-dividend ont été détenues par elle-même, par le dépositaire D ou par un tiers en raison de l’absence de finalisation de la transaction en question, et de retracer qui est le bénéficiaire effectif des dividendes litigeux.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal ne peut qu’entériner la conclusion du directeur selon laquelle la société demanderesse est restée en défaut de prouver à suffisance sa qualité de bénéficiaire effectif des dividendes, et partant son droit au remboursement des retenues à la source litigieuses, sans qu’il y ait lieu de statuer plus en avant et notamment sur la question de la détention directe de la participation prévue à l’article 149, alinéa (4a) LIR, cet examen devenant surabondant, étant donné que ces conditions sont, tel que relevé ci-avant, à respecter cumulativement.

Cette conclusion n’est pas infirmée par le reproche de la société demanderesse selon lequel l’administration exigerait une preuve impossible à fournir. Certes, le § 171 AO limite l’obligation de preuve à charge du contribuable à ce qui lui peut raisonnablement être imposé selon les circonstances. Or, le tribunal est amené à constater que si la société demanderesse affirme que le directeur exigerait manifestement la fourniture d’une preuve impossible en lui demandant de documenter la totalité de la chaîne de paiement des dividendes en relation avec les actions B ainsi que de faire parvenir les preuves de paiement des intermédiaires financiers de cette chaîne, elle a toutefois réussi à se faire parvenir des pièces potentiellement pertinentes auprès des différents intermédiaires financiers, de sorte qu’elle ne saurait actuellement argumenter que l’Etat exigerait la fourniture d’une preuve impossible, la circonstance qu’elle ne les aurait obtenues que grâce à son réseau de contacts auprès desdits intermédiaires et à ses importantes démarches n’énerve en rien cette conclusion. Par ailleurs, l’exigence de se voir remettre des attestations signées et datées par la banque dépositaire, certifiant la qualité de o Emprunt de 25 260 actions pour une durée de 161 jours (du 07/04/2017 au 15/09/2017) auprès d'une contrepartie « Fonds d'investissement » incorporé au Royaume-Uni et représenté par un Agent … o Emprunt de 1 224 actions pour une durée de 84 jours (du 20/03/2017 au 12/06/2017) auprès d'une contrepartie « Fonds d'investissement » incorporé en Irlande et représenté par un Agent …[…] ».

39 détenteur des actions, de bénéficiaire effectif des dividendes ainsi que le prix d’acquisition et la durée de détention, ne saurait être considérée comme déraisonnable dans le contexte donné, ni impossible à fournir. En outre, au vu des incohérences relevées ci-avant, la société demanderesse ne saurait reprocher à la partie étatique de considérer indûment que les pièces qu’elle a versées ne permettent pas de prouver qu’elle aurait bien rempli les conditions requises pour obtenir le remboursement de la retenue à la source sur dividendes.

Le moyen fondé sur le reproche que l’Etat exigerait la fourniture d’une preuve impossible est partant rejeté, la société demanderesse n’ayant pas justifié à suffisance une telle impossibilité.

Dans ces conditions et à défaut d’autres éléments de preuve fournis par la société demanderesse, le recours est à déclarer non fondé et est partant à rejeter.

La société demanderesse sollicite encore la condamnation de l’Etat à lui payer une indemnité de procédure de 5.000 euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qui est cependant à rejeter compte tenu de l’issue du présent litige.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle le défaut par la partie étatique d’avoir versé le dossier fiscal endéans le délai prévu par l’article 8, paragraphe (5) de la loi du 21 juin 199918 justifierait l’octroi d’une indemnité de procédure dans son chef, dans la mesure où la partie demanderesse a eu la possibilité de prendre position par rapport au dossier fiscal après que celui-ci a été déposé par la partie étatique, ce qu’elle a toutefois choisi de ne pas faire.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 septembre 2021 ;

au fond, déclare le recours non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2024 par :

18 Article 8, paragraphe (5) de la loi du 21 juin 1999 : « L'autorité qui a posé l'acte visé par le recours dépose le dossier au greffe sans autre demande, dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours. […] ».

40 Françoise Eberhard, premier vice-président, Michèle Stoffel, vice-président.

Carine Reinesch, premier juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 41


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46813
Date de la décision : 24/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-01-24;46813 ?

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