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18/12/2023 | LUXEMBOURG | N°46475

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 décembre 2023, 46475


Tribunal administratif N° 46475 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46475 2e chambre Inscrit le 21 septembre 2021 Audience publique du 18 décembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du conseil communal de la commune de Mondercange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46475 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2021 par la société anonyme Krieger Assoc

iates SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg établie et a...

Tribunal administratif N° 46475 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46475 2e chambre Inscrit le 21 septembre 2021 Audience publique du 18 décembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du conseil communal de la commune de Mondercange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46475 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg établie et ayant son siège social à L-

2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) de la « décision de Madame la ministre de l’Intérieur du 3 juin 2021, approuvant la délibération du conseil communal du 30 octobre 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de Mondercange […] » ; et 2) de la « décision du conseil communal du 30 octobre 2020 portant adoption du projet de la refonte du PAG de la commune de Mondercange » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly Ferreira Simoes, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 28 septembre 2021, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mondercange, ayant sa maison communale à L-3919 Mondercange, 18, rue Arthur Thinnes, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2021 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2021 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2021 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2021 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2022 par la société anonyme Krieger Associates SA, au nom de la société à responsabilité limité … SARL, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2022 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Mondercange, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2023.

Lors de sa séance publique du 14 octobre 2019, le conseil communal de Mondercange, ci-après désigné par le « conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations et publications prévues aux articles 11, 12 et 13 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi qu’à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2018 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après désignée par « la loi du 22 mai 2008 ».

Le 18 novembre 2019, la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », propriétaire de deux parcelles, à savoir les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Mondercange, Section D de Pontpierre, portant les numéros cadastraux … et …, ci-après désignées par « la parcelle … », respectivement « la parcelle … », soumit ses objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général au collège des bourgmestre et échevins.

La commission d’aménagement émit son avis lors de sa séance du 5 février 2020.

Lors de sa séance publique du 30 octobre 2020, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet, en tenant notamment compte des propositions formulées par le collège des bourgmestre et échevins et des observations formulées par la commission d’aménagement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 novembre 2020, la société … introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la décision du conseil communal du 30 octobre 2020 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général, ci-après désigné par « PAG », et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.

2Dans sa séance du 5 mars 2021, le conseil communal rendit son avis prévu par l’article 17 de la loi du 9 juillet 2004, sur les réclamations introduites auprès du ministre contre les modifications apportées au projet d’aménagement général lors du vote du conseil communal en retenant, en ce qui concerne la réclamation de la société …, ce qui suit :

« […] Le PAG projet prévoit un important potentiel de développement à court et moyen terme.

Le levé du statut de ZAD ne répond pas à la stratégie de développement à la base du PAG projet.

Le conseil communal est d’avis que cette réclamation n’est pas fondée.

[…] Le zonage et les coefficients pourront être adaptés lors du reclassement futur du terrain et sur base d’un projet de PAP NQ dans le cadre de la procédure d’un futur PAP.

Le conseil communal est d’avis que cette réclamation n’est pas fondée. ».

En date du 17 mai 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre.

Par décision du 3 juin 2021, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 30 octobre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général et déclara non fondée la réclamation de la société …. Les passages de ladite décision ministérielle se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« […] Ad réclamation société … La réclamante requiert la suppression de la « zone d’aménagement différé [ZAD] » sur les parcelles cadastrales n°… et …, sises à Pontpierre.

Par ailleurs, elle estime que le classement en « zone d’habitation 1 [HAB-1] » constituerait une limitation trop importante au regard du potentiel constructible des parcelles et sollicite leur affectation en « zone d’habitation 2 [HAB-2] » tout en leur appliquant des coefficients de densité sensiblement plus élevés.

Par contre, il convient de noter que les parcelles en question se trouvent en situation excentrique dans la localité, de sorte qu’il n’est, à ce stade, pas opportun d’en prioriser l’urbanisation. Dès lors il s’agit de les maintenir en « zone d'aménagement différé [ZAD] ».

En ce qui concerne le degré d’utilisation du sol, il y a lieu de souligner que les coefficients y fixés font actuellement preuve de cohérence. Subsidiairement, il faut souligner que ceux-ci pourront être adaptés, le cas échéant en présence d’un concept de développement plus précis, lors de la levée de la « zone d’aménagement différé [ZAD] ».

Finalement, pour les raisons déjà évoquées ci-dessus et en raison de la cohérence du plan en ces lieux, le classement en « zone d’habitation [HAB-1] s’avère parfaitement justifié, ceci également en cas de levée ultérieure de la « zone d'aménagement différé [ZAD] ».

3 La réclamation est partant non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2021, la société …, a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la « décision de Madame la ministre de l’Intérieur du 3 juin 2021, approuvant la délibération du conseil communal du 30 octobre 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de Mondercange » et de la « décision du conseil communal du 30 octobre 2020 portant adoption du projet de la refonte du PAG de la commune de Mondercange ».

I. Quant à la compétence du tribunal et la recevabilité du recours Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’elles concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par la société demanderesse, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Mondercange, ainsi que de la décision d’approbation du ministre du 3 juin 2021.

II. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-

ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021, par l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes réglementaires, n° 55 et les autres références y citées.

4Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 30 juillet 2021 et par la loi précitée du 7 août 2023, entrées en vigueur postérieurement à la décision d’approbation du conseil communal du 30 octobre 2020, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.

III. Quant au fond A l’appui de son recours et en fait, la société … précise être propriétaire de deux parcelles sises dans la commune de Mondercange, d’une contenance de … respectivement de … et qu’avec la refonte du PAG, ces parcelles auraient été classées en « zone d’habitation 1 [HAB-1] », ci-après désignée par « zone HAB-1 », ainsi qu’en zone superposée d’une « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », ci-après désigné par « PAP NQ » et en zone superposée d’une « zone d’aménagement différé », ci-après désignée par « ZAD ».

En droit, la société demanderesse soulève en premier lieu « un défaut de motivation des décisions querellées », en critiquant plus particulièrement le fait que l’argumentation avancée par le conseil communal dans sa décision du 30 octobre 2020 à savoir que « le levé du statut de ZAD ne répond[rait] pas à la stratégie de développement à la base du PAG projet » ne s’apparenterait pas à une motivation éclairée, de sorte qu’il serait impossible de vérifier les motifs sur lesquels se baserait la commune pour justifier la conformité de ce classement à l’intérêt général. Elle ajoute, dans ce contexte, que la stratégie de développement à la base du PAG annoncerait une croissance démographique accélérée dans les années à venir et la nécessité de se préparer à ladite croissance. La société … en conclut que lever la ZAD répondrait mieux au besoin de logements puisque l’élaboration d’un PAP NQ prendrait, en tout état de cause, plusieurs années.

En ce qui concerne la décision d’approbation du ministre du 3 juin 2021, la société demanderesse soutient que le seul fait que les parcelles seraient situées en dehors du centre de la localité n’expliquerait pas en quoi leur urbanisation devrait être reportée, tout en ajoutant que le schéma directeur, dans sa partie écrite, serait très complet « sur les différentes options ouvertes telles que le type de développement et les typologies résidentielles qui y [seraient] prévues » et que, de plus, l’élaboration d’un PAP NQ prendrait un certain temps étant donné qu’il s’agirait d’une surface reprenant cinq parcelles d’une certaine ampleur, et que « les différents propriétaires devr[aient] se mettre d’accord ».

La société … fait valoir, en second lieu, une violation de l’article 16 de la Constitution.

Après avoir cité l’article 25 de la partie écrite du PAG, elle explique que ses parcelles seraient soumises à une servitude non aedificandi à durée indéterminée et, tout en admettant que ce caractère non aedificandi serait modéré par le fait qu’il ne serait que provisoire et qu’il pourrait 5être levé par le conseil communal, conclut qu’une « telle faculté, dénuée de tout critère précis ou de condition déterminée permettant aux propriétaires de vérifier le cas échéant le bien-

fondé d’un refus du conseil communal », s’apparenterait à un pouvoir discrétionnaire attribué à ce dernier, de sorte qu’en définitive, le classement, sans indemnité, de ses parcelles en ZAD, constituerait une limitation majeure à son droit de propriété.

Elle ajoute qu’un classement en « zone de réserve foncière » apparaîtrait être en contrariété directe avec la nécessité de réaliser de nouveaux logements qui se ferait beaucoup plus pressante ces dernières années, tout en soulignant qu’ en l’espèce, un classement en ZAD serait encore plus désavantageux qu’un classement en zone verte, alors que les parcelles précitées se trouveraient en ZAD depuis de nombreuses années et qu’il serait impossible d’y construire quoi que ce soit, de sorte à impliquer une limitation excessive de son droit de propriété.

La société demanderesse ajoute, qu’eu égard aux problèmes de création de logements, le maintien de l’interdiction de bâtir devrait être particulièrement motivé, de sorte que le seul motif de l’excentricité des parcelles en cause, avancé en l’espèce, ne constituerait pas une considération d’ordre urbanistique précise et circonstanciée suffisante. Elle estime, par ailleurs, que le seul motif pouvant justifier un classement en ZAD serait le fait de vouloir éviter une croissance trop rapide de la population ne pouvant être absorbée par les infrastructures publiques de la commune, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.

Finalement, la société demanderesse soutient que l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 aurait été violé en ses points (a) et (d), en ce que le choix opéré par l’administration communale de ne pas augmenter les coefficients de densité, d’une part, tel que recommandé par la commission d’aménagement dans son avis du 29 avril 2020, et de ne pas lever la ZAD, d’autre part, apparaîtrait comme étant « à contre-courant face au besoin réel en termes de logement ».

Elle ajoute que le ministre aurait uniquement statué sur la demande de reclassement « en zone d’habitation 2 [HAB-2] » et aurait omis de statuer sur sa demande d’augmentation de la densité de logement, en précisant que la zone HAB-1 serait compatible avec une densité de construction de 25 unités par hectare brut, de sorte que les objectifs de la loi du 19 juillet 2004 n’auraient pas été respectés.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse réitère en substance les développements figurant dans la requête introductive d’instance, tout en ajoutant, quant au défaut de motivation des décisions attaquées, que la stratégie de développement à la base du PAG annoncerait notamment la nécessité de se préparer à la croissance démographique, de sorte que lever la ZAD répondrait au mieux au besoin de logement, contrairement à « la création de PAP NQ » qui prendrait sûrement plusieurs années. Elle estime encore que le développement de « cette parcelle » semblerait être au cœur de la préoccupation communale puisque cette dernière aurait exercé, en 2014, son droit de préemption.

Quant à la violation alléguée de l’article 16 de la Constitution, la société … souligne que le classement en ZAD constituerait une « quasi-expropriation », voire une « expropriation de fait ». Elle cite à cet égard une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH)2, pour faire valoir que le classement en ZAD aurait pour objectif de créer une réserve foncière pour la commune sans avoir à indemniser au préalable l’administré. A cela 2 CourEDH, 27 mai et 4 octobre 2010, Sarica et Dilaver c. Turquie, req. n° 11765/05.

6s’ajouterait, que pendant des années elle serait « contrainte par le classement en ZAD sans pouvoir bénéficier d’aucune indemnité. Elle d[evrait], au contraire, engager des frais de justice pour faire valoir ses droits, alors qu’en matière d’expropriation formelle, la procédure [serait] engagée par l’administration expropriante ». Elle ajoute à cet égard, que la jurisprudence luxembourgeoise s’inscrirait dans la lignée de la jurisprudence de la CourEDH en se référant à un jugement du tribunal administratif du 9 juillet 2007 inscrit sous le numéro 21713 du rôle dans le cadre duquel les juges auraient retenu qu’en imposant à un propriétaire foncier une charge d’ordre public disproportionnée, la commune réduirait excessivement l’affectation d’un terrain privé, à des fins d’utilisation publiques, sans avoir bénéficié d’un quelconque droit réel sur ces terrains. La société demanderesse cite encore un extrait d’un arrêt de la Cour administrative du 24/10/2017, inscrit sous le numéro 39503C du rôle, pour soutenir que la ZAD en tant que « zone de réserve foncière », la positionnerait dans une totale incertitude et bloquerait ainsi la mise en valeur des terrains.

En ce qui concerne encore la violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, la demanderesse insiste sur le fait que la commission d’aménagement, dans son avis du 29 avril 2020, recommanderait d’« augmenter la densité de logement en passant de 15 à 25 unités de logement par hectare », de sorte que les objectifs de ladite loi, prônant une urbanisation cohérente, ne seraient pas respectés. Il s’ensuivrait que les décisions litigieuses devraient encourir l’annulation.

Tant la commune que la partie étatique concluent que le recours en annulation sous analyse serait à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

A titre liminaire, le tribunal relève qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne.

A) Quant à la légalité externe des décisions attaquées La société demanderesse conclut à un défaut de motivation de la décision ministérielle du 3 juin 2021, ainsi que de la décision du conseil communal du 30 octobre 2020.

Le tribunal précise qu’au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi3.

En l’espèce, force est de constater que les décisions sous analyse sont en tout état de cause motivées à suffisance de droit.

3 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes réglementaires, n° 33 et les autres références y citées.

7Quant à la décision du conseil communal du 30 octobre 2020, il ressort de son libellé que le PAG prévoirait un important potentiel de développement à court et moyen terme, de sorte que la levée du statut de la ZAD ne répondrait pas à la stratégie de développement de ce PAG. Force est au tribunal de constater que cette motivation, complétée par les explications de la partie communale dans son mémoire en réponse, est suffisamment précise pour permettre à la société demanderesse d’assurer la défense de leurs intérêts en connaissance de cause.

Pour ce qui est de la décision ministérielle déférée, reproduite par extraits ci-dessus, il s’en dégage que le ministre a indiqué les raisons à la base de sa décision, à savoir (i) que les parcelles de la demanderesse devraient être maintenues en ZAD, alors qu’elles se trouvent en situation excentrique dans la localité, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu, à ce stade, de prioriser leur urbanisation, (ii) que les degrés d’utilisation du sol feraient actuellement preuve de cohérence et qu’ils pourraient être adaptés, le cas échéant, en présence d’un concept de développement plus précis lors de la levée de la ZAD et (iii) qu’ en raison de la cohérence du plan des lieux, le classement en zone HAB-1 s’avèrerait justifié, ceci également en cas de levée ultérieure de la ZAD. Cette motivation, qui a encore été complétée par la partie étatique dans son mémoire en réponse, est dès lors elle-aussi, suffisamment précise pour permettre à la société demanderesse d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause.

Au vu des considérations qui précèdent, et indépendamment de la question du bien-fondé de la motivation avancée par le conseil communal, respectivement par le ministre, le tribunal est amené à retenir que la motivation ainsi fournie de part et d’autre est suffisante pour permettre à la société demanderesse de défendre ses intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, de sorte que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation, voire d’une motivation non suffisamment « éclairée » des décisions déférées, encourt le rejet.

B) Quant à la légalité interne des décisions attaquées 1) Quant aux contestations ayant trait au classement opéré Le tribunal relève que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.4 Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt 4 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 201 et les autres références y citées.

8l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité.5 S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés.6 Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-

dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

5 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.

6 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 761 et les autres références y citées.

9Il échet encore de noter que la modification d’un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire7.

Il convient ensuite de rappeler que la mutabilité des plans d’aménagement général relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné8. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’une erreur d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-après.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort de la partie graphique du PAG que les parcelles nos … et … sont classées en zone HAB-1, soumise à la réalisation d’un PAP NQ et superposée d’une ZAD.

Quant au régime juridique découlant du classement de la parcelle de la société demanderesse en ZAD, l’article 10 de la partie écrite du PAG est libellé comme suit :

« Art. 25 Zone d’aménagement différée [ZAD] Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. Seules peuvent y être autorisés des dépendances et aménagements de faible envergure, comme notamment les abris de jardins ou dépendances similaires avec une surface d’emprise au sol maximale de 20m2 ou des emplacements de stationnement temporaires, ainsi que des équipements publics et collectifs relatifs à la télécommunication, l’approvisionnement en eau potable et en en énergie et à l’évacuation des eaux résiduaires et pluviales.

Elles constituent en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou à long terme. La décision de lever le statut de la zone d’aménagement différé fait l’objet d’une procédure de modification du plan d’aménagement général. ».

Ainsi, l’objectif à poursuivre par les autorités communales dans le cadre de l’élaboration d’un PAG est d’assurer une utilisation rationnelle du sol.

L’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit qu’entre autres, le contenu des parties graphique et écrite du PAG est arrêté par règlement grand-ducal.

En application de cette disposition légale, a été adopté le règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-

après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 », disposant dans son article 28 inscrit sous la section 4 dudit règlement grand-ducal intitulée « Les zones superposées » que :

« Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. Seules peuvent y être autorisés des dépendances et aménagements de faible envergure ainsi que des équipements publics et 7 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Urbanisme, n° 215 et les autres références y citées.

10collectifs relatifs à la télécommunication, l’approvisionnement en eau potable et en énergie et à l’évacuation des eaux résiduaires et pluviales.

Elles constituent en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou long terme.

La décision de lever le statut de la zone d’aménagement différé fait l’objet d’une procédure de modification du plan d’aménagement général. ».

Dès lors, étant donné que les autorités communales sont habilitées à procéder à la création de zones d’aménagement différé constituant en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou long terme, il relève de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect de l’utilisation rationnelle du sol, que les autorités communales disposent d’une certaine marge d’appréciation pour désigner quelles zones sont superposées par une zone d’aménagement différée.

Quant au bien-fondé du classement litigieux des parcelles, la commune a, en l’espèce, motivé la superposition d’une ZAD sur les parcelles de la société demanderesse par le fait que la levée de la ZAD ne correspondrait pas à la stratégie de développement à la base du projet du PAG, qui prévoirait un important potentiel de développement à court et moyen terme. Le ministre, quant à lui, a indiqué qu’en raison de la situation excentrique des parcelles de la société demanderesse dans la localité de Pontpierre, il ne serait pas opportun d’en prioriser l’urbanisation, de sorte que le choix communal de les maintenir en ZAD ne porterait pas à critique.

Il se dégage, à cet égard, de l’étude préparatoire, en ce qui concerne le concept de développement de la commune de Mondercange, que cette dernière dispose d’un potentiel de développement important à l’intérieur des limites actuelles du périmètre d’agglomération. En effet, il ressort de ladite étude préparatoire que, d’une part, l’accroissement potentiel de la population de la localité de Pontpierre où se trouvent les parcelles litigieuses, est de 87,9 %9, et, d’autre part, qu’en ce qui concerne la commune de Mondercange « zurzeit befinden sich einige Neubauquartiere in der Planung- bzw. Umsetzungsphase, sodass ein deutlicher Anstieg des Bevölkerungswachstums zu erwarten ist. Der bestehende PAG beinhaltet noch umfangreiche Potenzialflächen für Wohnungsbau, welche ein theoretisches Bevölkerungswachstum von insgesamt über 50% im Vergleich zu der bestehenden Bevölkerung ermöglichen würden. Für den neuen PAG wird dieses Potenzial übernommen und über die Möglichkeiten der Phasierung in mehrere Entwicklungsphasen eingeteilt. »10. Le potentiel de développement de la commune de Mondercange étant susceptible de générer une augmentation démographique importante, la prémisse de la commune consiste, dès lors, dans le phasage de ce développement « da sonst ein zu schnelles Wachstum resultieren kann »11.

Dans ce contexte, l’argumentation de la société demanderesse, selon laquelle « lever la ZAD répondrait mieux au besoin de logements puisque l’élaboration d’un PAP NQ prendra sûrement plusieurs années », tombe à faux, alors que, eu égard au potentiel de développement démographique important de la localité de Pontpierre, l’autorité communale est en l’espèce légitimement justifiée à contrôler la croissance de leur population par différents outils urbanistiques, et ce, notamment par la superposition des parcelles litigieuses d’une ZAD.

9 Etude préparatoire : Fiches de présentation.

10 Etude préparatoire : Teil 2 Entwicklungskonzept, p. 11.

11 Ibid. p.14.

11 Il convient encore de constater, au vu de la partie graphique du PAG versée en cause, que les parcelles litigieuses sont situées à l’extrémité ouest de la localité de Pontpierre et qu’elles sont adjacentes à l’autoroute pour la longer du côté sud, de sorte à se trouver, non seulement en dehors du centre de ladite localité, mais également dans une zone de bruit. Dans ce contexte, il y a lieu de soulever qu’il ressort de l’étude préparatoire que « Die Ortschaft Pontpierre verfügt über mehrere große Potenzialflächen, deren Entwicklung zu einer Konsolidierung und Abrundung des Siedlungskörpers beiträgt. Die Lärmemissionen der in unmittelbarer Nähe verlaufenden Autobahn sind hier bei der Siedlungsentwicklung zu beachten »12. Ainsi, une commune, présentant un potentiel de développement important, tel que c’est le cas en l’espèce, en envisageant une urbanisation en phasage, peut valablement privilégier des zones se prêtant plus facilement à une urbanisation, et garder les parcelles se prêtant plus difficilement à une urbanisation, telles que les parcelles litigieuses, en tant que réserve foncière, de sorte que la superposition desdites parcelles par une ZAD est également justifié de ce point de vue.

En outre, l’accent mis, dans ce contexte, par l’administration communale et par la partie étatique, sur un développement concentrique de l’agglomération de la commune, compte tenu également de la zone de bruit dans laquelle se trouvent les parcelles litigieuses en raison de la proximité de celles-ci avec l’autoroute, répond à des considérations légales d’ordre urbanistique s’inscrivant dans un objectif d’une utilisation rationnelle du sol et d’un développement harmonieux des structures urbaines de nature à permettre l’amélioration à la fois de la qualité de vie de la population, et de la qualité urbanistique des localités, de sorte à tendre à une finalité d’intérêt général, au sens de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.

Concernant l’augmentation des coefficients de densité telle que demandée par la société … à titre subsidiaire, le tribunal rappelle que le degré d’utilisation du sol et donc la densité de logement, doit nécessairement tenir compte de la capacité des infrastructures existantes. Or, il ressort des explications des autorités communale et étatique, non contestées en l’espèce, qu’aucun projet concret d’urbanisation n’existe à l’heure actuelle pour les deux parcelles litigieuses. Dès lors, la capacité des infrastructures disponibles au moment de l’urbanisation des parcelles litigieuses n’est pas et ne peut pas, à l’heure actuelle, être connue.

Etant donné que le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que la commune de Mondercange a décidé de maintenir les parcelles litigieuses en ZAD, le degré de densité de construction actuellement retenu en ce qu’il n’est pas contesté qu’il est adapté auxdites parcelles et aux infrastructures existantes dans le cadre de leur classement actuel n’emporte pas de critique, étant relevé, à l’instar des autorités étatique et communale, qu’il ne sera opportun d’analyser une éventuelle augmentation desdits coefficients que lors de la levée de la ZAD.

Au vu des constatations qui précèdent, force est au tribunal de conclure que le choix communal de procéder à une urbanisation en phasage consistant, pour ce qui est des parcelles litigieuses, dans le maintien de la ZAD et des coefficients de densité, est conforme aux objectifs inscrits à l’article 2 précité de la loi du 19 juillet 2004 et plus particulièrement au point (a) dudit article, eu égard au potentiel de développement permettant une augmentation démographique importante à court et moyen terme et à la localisation des parcelles litigieuses, tel que retenu ci-avant.

12 Etude préparatoire : Teil 2 Entwicklungskonzept, p. 21.

12Le moyen ayant trait à une violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 est dès lors à rejeter.

2) Quant au moyen relatif à une prétendue violation de l’article 16 de la Constitution Concernant le moyen de la société demanderesse ayant trait à une violation de son droit de propriété, il échet de rappeler que dans son arrêt rendu en date du 4 octobre 201313, la Cour constitutionnelle, tout en consacrant le principe de la mutabilité des PAG et en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle, a déclaré contraires à l’article 16 de la Constitution, tel qu’en vigueur à l’époque, les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 posant en principe que les servitudes résultant d’un PAG n’ouvrent droit à aucune indemnité et prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique. Dans le même arrêt, la Cour Constitutionnelle a réaffirmé la considération qu’elle avait retenue dans son arrêt du 26 septembre 200814, selon laquelle un changement dans les attributs de la propriété, qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation.

Dans ledit arrêt, la Cour constitutionnelle n’a ainsi pas retenu que de manière générale toute servitude d’urbanisme constituait une expropriation, mais elle a en revanche retenu de manière nuancée que seul un changement dans les attributs de la propriété à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation.

A cet égard, il convient de relever en ce qui concerne la superposition de la parcelle …, respectivement de la parcelle … d’une ZAD, que tant l’article 28 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, cité ci-avant, que l’article 26 de la partie écrite du PAG disposent que : « Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. ».

Il en ressort que la zone litigieuse ne fait que soumettre les fonds concernés à des interdictions temporaires. Ainsi, et s’il est certes vrai que la ZAD en question affecte le droit de propriété de la société demanderesse, ce classement n’entrave cependant pas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation, alors qu’elle n’est que temporaire et par ailleurs conforme aux objectifs inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, tel que retenu ci-avant.

En tout état de cause et au vu de la solution ainsi dégagée par la Cour constitutionnelle, le tribunal est amené à retenir que le moyen d’annulation de la société demanderesse tiré d’une violation de l’article 16 de la Constitution est à rejeter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de sanctionner le reclassement éventuel d’un terrain d’une zone constructible en zone non constructible et ainsi a fortiori non plus le classement d’une parcelle constructible en une zone subordonnée à certaines conditions, pour autant, évidemment, que le classement ait été effectué dans un but d’intérêt général. Comme, en l’espèce, le tribunal vient de retenir que le classement des parcelles litigieuses s’est opéré selon des considérations urbanistiques 13 Cour constitutionnelle, arrêt du 4 octobre 2013, inscrit sous le numéro 00101 du registre.

14 Cour constitutionnelle, arrêt du 26 septembre 2008, inscrit sous le numéro 00046 du registre.

13poursuivant un but d’intérêt général, le moyen tiré de la violation de l’article 16 de la Constitution est à rejeter pour ne pas être fondé.

En guise de conclusion et à défaut d’autres moyens, le tribunal constate que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

IV. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure La société demanderesse sollicite la condamnation de l’Etat, ainsi que de la commune, à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est cependant à rejeter compte tenu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000,- euros, telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, vice-président, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 18 décembre 2023 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castgenaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46475
Date de la décision : 18/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-18;46475 ?

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