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04/12/2023 | LUXEMBOURG | N°49755

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2023, 49755


Tribunal administratif Numéro 49755 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49755 2e chambre Inscrit le 27 novembre 2023 Audience publique du 4 décembre 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49755 du rôle et déposée le 27 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Alg...

Tribunal administratif Numéro 49755 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49755 2e chambre Inscrit le 27 novembre 2023 Audience publique du 4 décembre 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49755 du rôle et déposée le 27 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 novembre 2023 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Eric Says s’étant excusé.

Il se dégage du dossier administratif qu’en date du 15 juin 2017, Monsieur …, connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur … », introduisit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et qu’en date du 26 septembre 2017, l’intéressé fut informé par affichage public que sa « demande de protection internationale est considérée comme implicitement retirée. ».

Il apparaît ensuite qu’en date du 22 octobre 2018, Monsieur … introduisit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg, demande qui fut déclarée irrecevable par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 4 décembre 2018.

Entretemps, Monsieur … fit l’objet en date du 1er novembre 2018 d’un mandat d’amener au Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») pour avoir commis une infraction de vol qualifié.

Suivant le relevé du CPL du 26 avril 2019, Monsieur … fut libéré du CPL en date du même jour.

Il se dégage ensuite de deux rapports de police des 17 janvier 2020, référencé sous le numéro …, et 31 janvier 2020, référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut dans l’impossibilité de présenter des documents d’identité et de séjour valables lors des contrôles d’identité effectués à ces mêmes dates.

Suivant un relevé du CPL du 3 août 2020, Monsieur … fit l’objet d’un mandat d’arrêt européen pour avoir commis une infraction de vol à l’aide de violences.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que par transmis du 25 novembre 2020, le ministre chargea la police judiciaire, section …, d’enquêter sur l’intéressé et de faire des recherches auprès d’Europol et d’Interpol et que dans un rapport du 1er mars 2021, la police judiciaire informa le ministre que Monsieur … avait formulé plusieurs demandes de protection internationale dans différents pays sous différentes identités. Il ressort encore dudit rapport que Monsieur … avait utilisé en tout sept alias, qu’il s’était rendu coupable d’infractions de coups et blessures volontaires en Allemagne, et qu’« […] au Maroc cette même personne a pu être identifié sous le nom de …. ».

Suivant acte d’écrou du 9 mars 2021, Monsieur … fut condamné par jugement du 28 janvier 2021 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de 24 mois, dont 15 mois avec sursis, pour avoir commis des infractions de vol et de vol à l’aide de violences.

Par arrêté ministériel du 28 avril 2021, lui notifié le 30 avril 2021, Monsieur … fit l’objet d’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Suivant le relevé du CPL du 30 avril 2021, l’intéressé fut libéré du CPL le même jour après avoir purgé sa peine en relation avec des faits de vol simple.

Il se dégage ensuite des éléments soumis au tribunal que suivant le relevé du CPL du 1er juin 2021, Monsieur … fit l’objet d’un mandat de dépôt pour avoir commis un vol à l’aide de violences et que suivant acte d’écrou du 4 avril 2022, il fut condamné par arrêt du 23 février 2022 de la Cour Supérieure de Justice à Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 15 mois en relation avec une infraction de vol simple.

Suivant acte d’écrou du 24 août 2022, la peine d’emprisonnement de 24 mois, dont 15 mois avec sursis, à laquelle Monsieur … fut condamné par le jugement prémentionné du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 28 janvier 2021 pour des faits de vol et de vol à l’aide de violences prit fin le 17 novembre 2023.

Par arrêté ministériel du 16 novembre 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour du 16 novembre 2023, assortie d'une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 16 novembre 2023.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et quant à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre pour prendre l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en contestant que les démarches nécessaires aient été entamées pour organiser son éloignement et qu’il existerait dans son chef un danger de fuite ou qu’il empêcherait la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement.

Dans ce contexte, il souligne qu’aucune proposition de retour ne lui aurait été faite et qu’aucune date de son extradition ne lui aurait été proposée.

Enfin, le demandeur fait valoir que ni le manque de démarches nécessaires des autorités, ni l’absence de vols ne sauraient justifier un placement en rétention.

Le demandeur en conclut que son placement au Centre de rétention ne serait pas justifié.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3 g) de la loi du 29 août 2008, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions, soit le ministre de l’Immigration et de l’Asile.

Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. […] ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

S’agissant d’abord des contestations de Monsieur … quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que le demandeur a fait l’objet, en date du 16 novembre 2023, d’une décision de retour - qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse - de sorte à se trouver en situation de séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois. Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question. Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est resté en défaut de faire.

Les contestations quant à l’existence d’un risque de fuite sont partant rejetées.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle il n’empêcherait pas la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement, le tribunal retient que la mesure litigieuse n’est pas motivée par une telle considération, de sorte que l’argumentation en question est à rejeter pour défaut de pertinence.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il se dégage du dossier administratif que le 17 novembre 2023, donc le jour même du placement en rétention de l’intéressé, l’autorité ministérielle a, sur base de la considération que les recherches effectuées par ses services avaient permis de déterminer que Monsieur … s’appelait en réalité … et qu’il était né le … au Maroc à …, contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc en vue de son identification et de la délivrance dans son chef d’un laissez-passer, en joignant à son courrier un jeu d’empreintes digitales, ainsi que deux photos d’identité du demandeur.

Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et au vu des éléments soumis à son appréciation, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter, étant encore relever qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement ne pourra pas être mené à bien.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par:

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 4 décembre 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 49755
Date de la décision : 04/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-04;49755 ?

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