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04/12/2023 | LUXEMBOURG | N°46953

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2023, 46953


Tribunal administratif N° 46953 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46953 2e chambre Inscrit le 28 janvier 2022 Audience publique du 4 décembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre deux décisions du ministre des Classes moyennes en matière de contribution temporaire de l’Etat aux coûts non couverts pour les mois de décembre 2020 et mai 2021

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46953 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2022 par la société à

responsabilité limitée F&F Legal SARL, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des ...

Tribunal administratif N° 46953 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46953 2e chambre Inscrit le 28 janvier 2022 Audience publique du 4 décembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre deux décisions du ministre des Classes moyennes en matière de contribution temporaire de l’Etat aux coûts non couverts pour les mois de décembre 2020 et mai 2021

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46953 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2022 par la société à responsabilité limitée F&F Legal SARL, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1720 Luxembourg, 6, rue Heine, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro B230842, représentée aux fins des présentes par Maître Jean Faltz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, établie et ayant son siège social à L-

…, représentée par son ou ses gérants actuellement en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation de deux décisions rendues par le ministre des Classes moyennes en date du 3 novembre 2021 « la première décision port[ant] le numéro de référence … et la seconde décision port[ant] le numéro de référence … » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2022 par la société à responsabilité limitée F&F Legal SARL, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean Faltz et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 juin 2023.

Il est constant en cause, qu’en date des 14 et 15 septembre 2021, la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », introduisit, par l’intermédiaire de sa fiduciaire, des demandes en obtention d’aides étatiques pour les coûts non 1couverts pour les mois de décembre 2020 et mai 2021 auprès du ministère des Classes moyennes, ci-après désigné par « le ministère ».

Par deux décisions séparées du 3 novembre 2021, le ministre des Classes moyennes, ci-

après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à ces demandes sur base des mêmes considérations et motifs suivants :

« […] En référence à votre demande d'aide sous rubrique et suite à l’analyse de cette dernière par mes services, conformément à la loi, je constate notamment que le total des recettes éligibles excède le total des dépenses éligibles. En effet, sachant que les variations de stock ne sont pas retenues comme dépenses éligibles, il y a lieu d’intégrer dans les recettes toute aide relative au mois en question, qu’elle ait déjà été virée ou qu’elle soit encore à payer (p. ex. aide de relance et/ou chômage partiel relatifs à ce même mois). En tenant compte de ces recettes, le total des recettes du mois est supérieur au total des dépenses du mois.

Par conséquent, je vous informe qu’aucune suite favorable n’a été réservée à votre demande. […] ».

En date du 29 novembre 2021, la société “A”, adressa, par l’intermédiaire de sa fiduciaire, un courriel de contestation relatif aux décisions du 3 novembre précité, au ministre, lequel resta toutefois sans suites.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2022 la société “A” a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles, précitées, du 3 novembre 2021.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’institue un recours en réformation dans la présente matière, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation sous analyse, qui a, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société “A” expose les faits et rétroactes à la base du présent litige, tout en relevant que, durant la pandémie de la Covid-19 elle aurait été « sujette à des difficultés », alors que son activité principale serait le commerce de détail « Duty Free » à l’aéroport du Findel, raison pour laquelle elle aurait sollicité une aide pour les coûts non couverts en vertu de la loi modifiée du 19 décembre 2020 ayant pour objet la mise en place d’une contribution temporaire de l’État aux coûts non couverts de certaines entreprises, désignée ci-après par « la loi du 19 décembre 2020 », pour le mois de décembre 2020 et le mois de mai 2021.

Elle reproche au ministre de retenir, dans ses décisions du 3 novembre 2021, que les variations de stock ne seraient pas des dépenses éligibles.

En premier lieu, la demanderesse explique que les variations de stock seraient bien des dépenses éligibles, alors que sa méthode de comptabilisation tiendrait compte de la méthode d’un inventaire permanent, qui constituerait l’approche la plus instantanée possible prévue dans le droit comptable luxembourgeois. Ainsi, selon cette méthode, la variation de stock serait constituée par la différence entre le stock initial et le stock final en raison de la vente de marchandises, de sorte à équivaloir au prix d’acquisition des marchandises, multiplié par les quantités vendues.

2Il en résulterait que seules les marchandises achetées par les clients de l’aéroport auraient un impact sur le compte de résultat. Inversement, selon les décisions ministérielles du 3 novembre 2021, il reviendrait à conclure que les ventes se réaliseraient sans tenir compte de leurs coûts d’acquisition.

La demanderesse en conclut que les marchandises achetées et non vendues se trouvant dans le stock ne seraient pas à qualifier de charges, de sorte que la variation de stock devrait être retenue comme une dépense éligible.

Ensuite, la société “A” explique que les variations de stock ne seraient pas définies dans la loi du 19 décembre 2020. En revanche, dans son article 3, point 2, ladite loi définirait le terme de « charges d’exploitation » et en exclurait les dotations aux corrections de valeur et ajustements de juste valeur sur frais d’établissement, sur immobilisations incorporelles et corporelles et sur actifs circulants (hors valeurs mobilières) reprises au point 63 de l’annexe du règlement grand-ducal du 12 septembre 2019 déterminant le contenu du plan comptable normalisé, désigné ci-après par « le règlement du 12 septembre 2019 ».

La demanderesse en déduit que les variations de stock ne seraient pas reprises dans les exclusions prévues par la disposition précitée et seraient donc à considérer comme des dépenses éligibles, de sorte que, selon cette dernière, le ministre aurait confondu les variations de stock et les dotations aux corrections de valeur et ajustements de juste valeur sur frais d’établissement reprises dans les exclusions de la loi du 19 décembre 2020.

Elle ajoute que l’article 3, point 2 de la loi précitée renverrait d’ailleurs explicitement au règlement du 12 septembre 2019 visé à l’article 12 du Code de commerce. Le plan comptable normalisé serait réparti en différentes catégories et sous-catégories et permettrait clairement de distinguer la variation de stock et les dotations aux corrections de valeur et ajustements de juste valeur sur frais d’établissement. En vertu du règlement du 12 septembre 2019, il serait manifeste que la variation de stock ne serait pas un élément de la catégorie « 63-

Dotations aux corrections de valeur (DCV) et ajustements de juste valeur (AJV) sur frais d’établissement, sur immobilisation incorporelles et corporelles et sur actifs circulants (hors valeurs mobilières) » étant donné qu’elle serait exclue par la loi du 19 décembre 2020.

La demanderesse affirme encore que la sous-catégorie « 643 - DCV sur stocks » qui reprendrait les éléments de dotation aux corrections de valeurs pour un stock obsolète, à faible rotation, périmé ou endommagé, elle-même reprise sous la catégorie « 63 Dotations aux corrections de valeur », ne correspondrait aucunement à la variation de stock telle que reprise dans son calcul. Elle soutient que la loi, en excluant les dépenses, les dotations aux corrections de valeur et ajustement de juste valeur, souhaiterait éviter que l’aide ne soit octroyée à une société qui aurait corrigé son stock comportant des biens obsolètes, à faible rotation, dans l’unique but de voir ses coûts excéder ses recettes.

Elle souligne, en revanche, que la variation de stock, telle qu’incluse dans le calcul de la demande, serait un élément de la sous-catégorie « 607 - variation de stocks » reprise dans le plan comptable normalisé. Cette sous-catégorie serait elle-même un élément de la catégorie « 60 - Consommation de marchandises, de matières premières et consommables » qui reflèterait le prix d’achat multiplié par les quantités réellement vendues.

Selon la demanderesse, cette catégorie s’appliquerait en l’espèce, dans la mesure où elle achèterait des biens de consommation avant de les revendre. Les marchandises ainsi 3achetées mais non vendues se trouvant dans le stock, ne constitueraient pas des charges, contrairement à la variation de stock qui serait une dépense éligible, de sorte à conclure que ce type de charges n’aurait aucun lien avec une dépréciation de valeur des marchandises reprises dans les exclusions prévues par l’article 3, point 2 de la loi du 19 décembre 2010.

Finalement, la demanderesse rappelle sa méthode de comptabilisation, qui consisterait à comptabiliser chaque achat comme un achat qui passerait ensuite dans le stock pour être emmagasiné, ce qui lui permettrait de connaître l’état du stock à tout moment. La marchandise ne sortirait du stock qu’au moment de sa vente, ce qui engendrerait l’enregistrement du prix de revient de ces marchandises, de sorte à ce que seules les marchandises vendues aux clients auraient un impact sur le compte de résultat. Selon la société “A”, il lui serait en effet nécessaire d’acheter une marchandise avant de pouvoir la vendre à l’aéroport et ce serait cet achat qui représenterait un coût correspondant à la variation de stocks.

Dans son mémoire en réplique, la société “A” soutient que, contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement, sa méthode de comptabilisation tiendrait compte de la méthode d’un inventaire permanent et instantané qui permettrait d’afficher un stock tenu à jour avec chaque vente réalisée.

Il ne s’agirait dès lors pas d’une variation de stock qui représenterait la différence entre l’état du stock de marchandises au début et à la fin de l’année comptable tel que soutenu par la partie étatique. En effet, la variation de stock serait enregistrée, selon la demanderesse, non pas seulement à la fin de l’année, mais de manière permanente suite à chaque vente, sinon elle ne pourrait afficher aucun résultat d’exploitation mensuel/périodique.

La société “A” explique que suivant le raisonnement de la partie étatique, toutes les charges d’exploitation relatives aux prix de revient des unités vendues au cours de l’année ne seraient comptabilisées qu’une seule fois au 31 décembre de l’année, alors que le système de gestion appliqué tendrait à éviter la navigation à vue pendant un laps de temps de 12 mois, délai qu’il faudrait attendre avant d’obtenir un résultat d’exploitation.

La méthode comptable qu’elle utiliserait, à savoir la méthode de l’inventaire permanent, qui constituerait la norme pour les grandes entreprises, permettrait d’enregistrer les sorties du stock au moment même de la vente. Cette méthode permettrait de vérifier les montants mis en compte en tant que variation de stock.

La demanderesse soutient que sur base des tableaux qu’elle aurait versés, les variations de stock seraient bien reprises pour chaque mois correspondant à la demande en obtention de l’aide, de sorte à démontrer que les variations de stock en question seraient relatives au mois de décembre 2020 et de mai 2021.

La société “A” soutient encore que le projet de loi relatif à la loi du 19 décembre 2020 se serait inscrit dans une série d’initiatives législatives prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19, afin de soutenir l’économie et d’atténuer les effets financiers et sociaux liés à la crise. Le projet de loi viserait à introduire une nouvelle aide financière, allouée sous forme de subventions en capital mensuelles.

La demanderesse souligne que la loi du 19 décembre 2020 définirait les coûts non couverts comme étant la différence négative entre d’une part le total des recettes réalisées par 4l’entreprise au cours du mois pour lequel l’aide est sollicitée et d’autre part, le montant des charges d’exploitation encourues au cours du même mois.

Elle entendrait rappeler que les variations de stock ne seraient pas reprises dans les exclusions prévues à l’article 3, point 2 de la prédite loi, de sorte qu’elles devraient être considérées comme des dépenses éligibles, tout en soulignant que la partie étatique ne prendrait pas position par rapport à ce point dans son mémoire en réplique.

La société “A” reproche à la partie étatique de soutenir que la variation de stock représenterait la différence entre l’état du stock de marchandises au début et à la fin de l’année comptable, de sorte qu’elle ne constituerait pas une dépense éligible relative au mois sollicité, ce qu’elle contesterait, en rappelant que les variations de stocks ne seraient pas seulement mesurées en fin d’année comptable.

Elle explique qu’une variation de stock serait réalisée lorsqu’une unité serait vendue, de sorte que le stock comptable serait mis à jour à chaque vente et qu’il n’y aurait pas de décalage journalier/mensuel et en aucun cas annuel, conformément à l’avis de la commission des normes comptables belges. Le prix de revient constituerait une charge d’exploitation uniquement pour les unités vendues. En d’autres termes, les unités non-vendues n’impacteraient pas, selon la demanderesse, le résultat et ne seraient pas comprises dans les charges d’exploitations, en ce que, tant que l’unité ne serait pas vendue, son achat ne constituerait pas une charge, et la variation de stock ne serait dès lors pas un paramètre comptable, mais permettrait de lier l’unité vendue à son achat respectif.

Elle reproche à la partie étatique de se méprendre dans son raisonnement en confondant une comptabilité recettes-dépenses et une comptabilité régulière/comptabilité d’engagement alors que seule cette dernière serait requise par la loi pour toute société de capitaux.

Il résulterait d’ailleurs des documents versés que les variations de stock seraient à prendre en considération en tant que charges d’exploitation relatives au mois pour lequel l’aide serait demandée.

Finalement, la société “A” conteste les affirmations de la partie étatique selon lesquelles elles auraient eu un échange téléphonique lors duquel cette dernière aurait sollicité la communication d’une pièce attestant que les variations de stock correspondraient aux mois de décembre 2020 et mai 2021.

Dans le dispositif de sa requête, le demandeur formule encore à titre subsidiaire l’offre de preuve suivante : « voir nommer un expert avec la mission de : - Déterminer si les variations de stock constituent une charge d’exploitation considérée comme dépenses éligibles pour la partie requérante et donc à prendre en considération dans le calcul des coûts non couverts ».

Elle conclut à l’annulation des décisions ministérielles du 3 novembre 2021 en raison d’une violation de la loi du 19 décembre 2020.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Dans sa version en vigueur lors de l’adoption des décisions déférées, en l’occurrence le 3 novembre 2021, la loi du 19 décembre 2020 prévoyait, en son article 1er que « L’État, 5représenté par le ministre ayant les Classes moyennes dans ses attributions, […] peut octroyer une aide sous forme de contribution aux coûts non couverts aux entreprises […]. » En son article 4, ladite loi prévoyait encore, au moment de l’adoption des décisions déférées, ce qui suit :

« (1) Le ministre peut octroyer une aide pour [le] mois […] de décembre 2020 […] pour autant que les conditions énoncées ci-après soient remplies : […] 6° l’entreprise unique a subi, au cours du mois pour lequel l’aide est sollicitée, une perte du chiffre d’affaires d’au moins quarante pour cent par rapport au même mois de l’année fiscale 2019 […].

(3) Une aide peut être accordée [pour le] mois de […] mai […] 2021 pour autant que les conditions énoncées ci-après soient remplies : […] 4° l’entreprise a subi, au cours du mois pour lequel l’aide est sollicitée, une perte du chiffre d’affaires d’au moins 40 pour cent par rapport au même mois de l’année fiscale 2019 […] ».

Il convient également de relever que l’exposé des motifs du projet de loi n° 7703, ayant pour objet la mise en place d’une contribution temporaire de l’Etat aux coûts non couverts de certaines entreprises, ci-après désigné par « le projet de loi n° 7703 », prévoit que « les secteurs de la restauration, du tourisme, de l’évènementiel, de la culture et du divertissement sont gravement touchés par les mesures d’interdiction et de restriction qui ont été prises au niveau national et international pour limiter la propagation de la pandémie de COVID-19. […] Une aide financière sera allouée sous forme de subventions en capital mensuelles calculées sur base des coûts non couverts aux entreprises qui, au cours de tout ou partie de la période se situant entre le 1er novembre 2020 et le 30 mars 2021, auront subi une perte du chiffre d’affaires mensuel d’au moins 40% par rapport au mois correspondant de l’année 2019 ».

Au vu de ce qui précède, le ministre est compétent pour octroyer une aide étatique aux entreprises, sous forme de contribution aux coûts non couverts, pour autant que ces dernières aient subi une perte du chiffre d’affaires mensuel d’au moins 40% par rapport au mois correspondant de l’année 2019.

Il ressort des décisions ministérielles, précitées, du 3 novembre 2021 que le ministre a refusé d’octroyer une telle aide pour les mois de décembre 2020 et mai 2021 à la société “A”, au motif que le total de ses recettes éligibles excède le total de ses dépenses éligibles.

En l’espèce, les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si les variations de stock, telles que comptabilisées par la demanderesse pour les mois de décembre 2020 et mai 2021, font état de dépenses éligibles. En d’autres termes, il s’agit de vérifier si lesdites dépenses excèdent les recettes éligibles en l’espèce et si, in fine, la société “A” peut bénéficier de l’aide financière au sens de l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020, Selon le commentaire de l’article 3 du projet de loi n° 7703, les coûts non couverts « constituent la base de calcul de l’aide octroyée sur base de la présente loi. Ils sont déterminés en soustrayant de la somme constituée par le montant total des recettes de la classe 7 « comptes de produits » énumérées à l’annexe du règlement grand-ducal du 12 septembre 2019 un montant correspondant à 75 % des charges d’exploitation encourues par l’entreprises au cours de la même période. Si le résultat de cette soustraction est positif, l’entreprise n’a pas droit à une aide au titre de la présente loi ».

6Quant à la notion de charges d’exploitation, elles sont définies, aux termes de l’article 3, point 3 de loi du 19 décembre 2020, comme étant « les charges relevant de la « Classe 6 :

compte de charges » du plan comptable normalisé et énumérées à l’annexe du règlement grand-ducal du 12 septembre 2019 déterminant le contenu du plan comptable normalisé visé à l’article 12 du Code de commerce. Ne sont pas considérées comme charges d’exploitation, les dotations aux corrections de valeur et ajustements de juste valeur sur frais d’établissement, sur immobilisations incorporelles et corporelles et sur actifs circulants (hors valeurs mobilières) reprises au point 63 de l’annexe du règlement grand-ducal précité du 12 septembre 2019. » Or, tel que relevé à juste titre par la partie étatique et selon l’esprit de la loi du 19 décembre 2020, la contribution temporaire mise en place par l’Etat, servant à couvrir les charges d’exploitation considérées comme dépenses éligibles, est octroyée seulement pour les coûts encourus au cours du mois pour lequel la demande d’aide est sollicitée.

La société “A” affirme, dans ce contexte, se servir d’un inventaire permanent et instantané, permettant ainsi de mesurer les variations de stock non seulement en fin d’année comptable, mais également à chaque vente effectuée, de sorte que lesdites variations peuvent être reprises pour chaque mois correspondant à la demande en obtention de l’aide étatique. La demanderesse explique ainsi que selon sa méthode de l’inventaire permanent « les achats sont d’abord intégralement comptabilisées en charge (écriture n°1) avant d’être intégralement extournés des charges pour passer dans le stock (écriture n°2) et d’en sortir, seulement en cas de vente de la marchandise (écriture n°3) ».

Or, force est au tribunal de constater que cette méthode de l’inventaire permanent, telle que décrite par la demanderesse, ne ressort cependant pas des « tableaux reprenant les variations de stock par mois » versés par la société “A” ». Il échet, en effet, de relever que le montant des achats pour le mois de décembre 2020, libellés sous l’« écriture 1 » pour un montant de « … » et comptabilisés en charge, ne correspond pas au montant de « -… » libellé sous l’« écriture 2 », censé cependant constituer, selon les explications de la demanderesse, lesdites charges de l’« écriture 1 » intégralement extournées pour passer dans le stock. Le même constat s’applique concernant les écritures du mois de mai 2020, selon lesquelles les achats d’un montant de « … » sont comptabilisés en charge sous l’« écriture 1 », alors que le montant desdites charges passant dans le stock sous l’« écriture 2 » est de « -… », de sorte à ne pas correspondre au montant inscrit sous l’ « écriture 1 ».

Force est également au tribunal de constater, qu’il ne ressort pas des « tableaux reprenant les variations de stock par mois », versés par la société demanderesse, que les sorties de stocks, tels que libellées par celle-ci sous l’« écriture 3 », se composent uniquement des marchandises acquises au cours des mois respectifs pour lesquels une demande d’aide a été sollicitée. Ainsi, il n’est pas démontré que les marchandises indiquées sous l’« écriture 3 » durant les mois de décembre 2020, respectivement mai 2021, ne se composent pas d’achats effectués par la demanderesse sous l’ « écriture 1 » pendant les mois précédant les mois pour lesquels l’aide étatique a été sollicitée.

Au vu de ce qui précède, et plus particulièrement à défaut d’explications concernant les différences respectives entre les montants des « écritures 1 et 2 » pour les mois de décembre 2020 et mai 2021, il y a lieu de conclure que les variations de stock, telles que présentées dans les écritures comptables versées par la société “A”, ne sauraient être retenues comme constituant une dépense éligible en vertu de l’article 3 point 3 de la loi du 19 décembre 2020, 7de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il n’est pas établi que le total des recettes éligibles de la société demanderesse soit inférieur au total de ses dépenses éligibles.

Le moyen ayant trait à une violation de la loi du 19 décembre 2020 est partant rejeté.

Au regard de ces considérations, la demande d’institution d’une expertise comptable tendant à établir si les variations de stock constituent une charge d’exploitation considérée comme dépense éligible, laisse d’être pertinente en l’espèce. En effet, une expertise judiciaire ne saurait être ordonnée que lorsque les éléments concordants résultant du dossier font croire aux faits dont le demandeur offre de rapporter la preuve. Les tableaux versés en cause par le demandeur ne corroborent toutefois par ses explications, tel que le tribunal vient de le retenir.

Il n’y a, dès lors, pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours contre les deux décisions du 3 novembre 2021 est rejeté pour être non fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 EUR formulée par la demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre les deux décisions du 3 novembre 2021;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déboute la demanderesse de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 EUR ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 4 décembre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46953
Date de la décision : 04/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-04;46953 ?

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