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20/11/2023 | LUXEMBOURG | N°46821

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 novembre 2023, 46821


Tribunal administratif N° 46821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46821 2e chambre Inscrit le 22 décembre 2021 Audience publique du 20 novembre 2023 Recours formé par la société A, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46821 du rôle et déposée le 22 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à r

esponsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-2540 ...

Tribunal administratif N° 46821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46821 2e chambre Inscrit le 22 décembre 2021 Audience publique du 20 novembre 2023 Recours formé par la société A, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46821 du rôle et déposée le 22 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B174.248, agissant par ses organes sociaux actuellement en fonction, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Petrus Moons, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société A, établie et ayant son siège social à …, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par ses organes sociaux actuellement en fonction, tendant à la réformation sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2015, tous deux émis le 9 décembre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2022 par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL pour compte de la société A, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre-Antoine Klethi, en remplacement de Maître Petrus Moons, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2023.

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Par courrier du 3 juillet 2015, le bureau d’imposition Sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », s’adressa à la société A, ci-après désignée par « la société A », par rapport à l’imposition des années 2009 et 2010 dans les termes suivants :

1« […] En exécution du § 205(3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 (A.O.), j’ai l’honneur de vous informer que le bureau d’imposition Sociétés … envisage d’effectuer le(s) redressement(s) suivant(s) :

Le bureau d’imposition Sociétés … est d’avis que les sommes allouées à A par B ne peuvent être considérées comme redevances perçues pour l’utilisation de la marque C vu que c’est la B qui a elle-même développé cette marque depuis 1994, acquérant ainsi indubitablement le savoir-faire nécessaire à la gestion de structures d’accueil du jeune enfant.

Etant donné qu’en plus il n’a été question à aucun moment que la A acquiert de B les droits légitimes à l’enregistrement de la dénomination C en tant que marque, les enseigne, logos et noms de domaines, lui permettant ainsi d’entrer en possession de ces droits, les redevances (….-) perçues par A pendant la période du 01/01/2009 - 30/11/2009 (Mme D étant associée unique) sont à requalifier en apport caché.

Concernant les redevances perçues à partir du 30/11/2009 (date d’acquisition de la participation dans B) celles-ci sont considérées comme revenus de capitaux, exonérés en vertu de l’article 166 L.I.R.

En conséquence, les redressements sont les suivants :

2009 : diminution du résultat déclaré de 119.112,01.-.

2010: diminution du résultat déclaré de 143.854,13.-. […] ».

Suite au dépôt des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2015 en date du 16 décembre 2016, le bureau d’imposition informa, par courrier du 14 février 2020, la société A, sur le fondement du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il envisageait d’effectuer certains redressements par rapport auxdites déclarations de l’impôt, tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite pour le 10 mars 2020 au plus tard. Ledit courrier est libellé comme suit :

« […] En exécution du § 205(3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 (A.O.), j’ai l’honneur de vous informer que le bureau d’imposition Sociétés … envisage d’effectuer le(s) redressement(s) suivant(s) :

De l’avis du bureau d’imposition Sociétés … et en référence à notre lettre du 03/07/2015 (dont copie en annexe), les sommes allouées par B à A sont à requalifier en revenus de capitaux exonérés en vertu de l’article 166 LIR.

L’exonération suivant article 50bis LIR de l’ordre de 80% de la plus-value sur la vente de la propriété intellectuelle ne pourra être admise en conséquence.

Les redressements sont les suivants :

- redevances requalifiées en revenus/capitaux exonérés : ….-.

- exonération svt art. 50bis LIR non admise : ….-.

2Au cas où vous auriez des observations à formuler au sujet du redressement envisagé, je vous prie de m’en informer pour le 10/03/2020 au plus tard. […] ».

En date du 9 décembre 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société A, les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal relatifs à l’année 2015 en retenant des revenus exonérés de participation importantes d’un montant de … euros et des dépenses en connexion économique avec ces participations d’un montant de … euros, ainsi que des « redevances considérées comme [distribution cachée de bénéfices] svt art 166 LIR » d’un montant de … euros, tout en lui refusant une exonération suivant l’article 50bis LIR d’un montant de … euros.

Par un courrier du 12 mars 2021, réceptionné le même jour et enrôlé sous le numéro …, la société A introduisit par l’intermédiaire de son litismandataire une réclamation à l’encontre des bulletins prémentionnés auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Parallèlement à sa réclamation, la société A déposa une déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune relative à l’année 2015.

A défaut de réponse du directeur à la suite de cette réclamation, la société A a, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2021 et inscrite sous le numéro 46821 du rôle, fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et du bulletin de l’impôt commercial communal relatifs à l’année 2015, tous deux émis le 9 décembre 2020.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation sous examen, lequel est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse explique qu’en date du 26 octobre 1994, Madame D aurait constitué la société E, ayant pour objet social la gestion de structures d’accueil de jeunes enfants, laquelle aurait, en date du 18 juillet 2006, changé de dénomination pour devenir la société B, ci-après désignée par « la société B ».

Elle continue en expliquant qu’elle-même aurait été constituée par Madame D en date du 19 septembre 2006, tout en donnant à considérer que jusqu’en mars 2015, elle aurait exercé sous la dénomination sociale « C ». Elle met en avant que son objet social aurait consisté à fournir, tant au Grand-Duché de Luxembourg qu’à l’étranger, des prestations de conseil, d’assistance, d’étude ou d’audit en matière de management, de gestion ou de ressources 3humaines relatifs à l’accueil des jeunes enfants, ce à quoi se seraient ajoutés la création, la gestion, le développement et la mise en valeur de brevets. Ce serait dans ce contexte qu’elle aurait déposé, le 5 août 2009, la marque « C » auprès de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (« OBPI »), enregistrée sous le numéro … le … 2009.

Toujours le 5 août 2009, elle aurait encore conclu, en sa qualité de franchiseur, un contrat de franchise portant sur la marque « C » avec la société B, ci-après dénommé « le contrat de franchise », en contrepartie duquel la société B se serait engagée à lui verser des redevances à hauteur de 5% de son chiffre d’affaires pour la concession de ladite marque, ci-

après dénommées « les redevances ».

Elle explique ensuite que par une décision de son associé unique du 30 novembre 2009, l’entièreté du capital social de la société B lui aurait été apportée.

En mars 2015, elle aurait ensuite cédé 100% des parts sociales de la société B à la société E, anciennement dénommée « E », ci-après désignée par « la société E ».

Simultanément, en vertu d’un acte séparé, elle aurait cédé la marque « C » à la société E, en réalisant une plus-value.

Elle explique ensuite que la présente affaire serait intimement liée à la procédure d’imposition de son ancienne filiale, à savoir la société B, laquelle aurait, dans le cadre de ses déclarations de l’impôt sur le revenu des collectivités relatifs aux exercices 2009 à 2011, sollicité la déductibilité des paiements des redevances, ce qui lui aurait toutefois été refusé par le bureau d’imposition dans un courrier du 3 juillet 2015, alors que celui-ci aurait remis en cause, sur le fondement du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 « Steueranpassungsgesetz », ci-après « StAnpG », la réalité économique tant de la création de la marque « C » que de la conclusion du contrat de franchise. Les paiements des redevances auraient dès lors été requalifiés en distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa 3, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », mais auraient été exonérés de la retenue à la source en application de l’article 147 LIR.

Elle précise qu’en date du 6 octobre 2015, la société B aurait introduit une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011 afin de contester l’absence de déductibilité desdites redevances, suite à quoi le directeur aurait confirmé, par décision du 28 septembre 2020, la position du bureau d’imposition, tout en retenant un abus de droit relatif à la mise en place du contrat de franchise conclu entre elle et la société B. Le directeur aurait, par ailleurs, confirmé que les revenus résultant des redevances payées dans le cadre dudit contrat de franchise devraient être considérés comme des distributions cachées de bénéfices dans son chef, mais que ceux-ci seraient exonérés de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal en vertu de l’article 166 LIR.

En droit, la société demanderesse reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir mentionné dans son courrier du 14 février 2020 les raisons justifiant le refus d’appliquer l’exonération partielle prévue à l’article 50bis, alinéa 3, LIR à la plus-value réalisée lors de la cession des parts sociales de la société B à la société E, tout en mettant en avant qu’il ressortirait de la chronologie des pièces, ainsi que des circonstances de l’espèce que ce refus serait basé sur la décision sur réclamation introduite par la société B dans le cadre de laquelle le directeur 4aurait retenu l’existence d’un abus de droit. Elle avance que suivant l’alinéa 2 du paragraphe 6 StAnpG, en sa version en vigueur en 2015, lorsqu’un abus de droit est caractérisé, les impôts seraient à percevoir « comme ils auraient dû l’être au cas où la voie juridique utilisée avait été authentique compte tenu des faits et circonstances pertinents ». Ainsi, l’objectif de ce texte serait de permettre à l’administration fiscale d’écarter une construction abusive et de procéder à l’imposition comme si l’opération litigieuse n’avait jamais existé.

Après avoir mis en exergue qu’en l’espèce, les transactions remises en cause sur le fondement de l’abus de droit seraient la constitution de la marque « C », d’une part, et le contrat de franchise conclu entre elle et la société B, d’autre part, de sorte que le bureau d’imposition aurait dû ignorer ces transactions pour calculer l’impôt dû, elle reproche à celui-ci d’avoir requalifié les paiements de redevances en distributions cachées de dividendes et d’avoir, en conséquence, déduit … euros de son bénéfice imposable pour l’année 2015 comme revenu de participation exonéré au sens de l’article 166 LIR.

Elle soutient qu’en tirant toutes les conséquences de la caractérisation d’un abus de droit, la constitution de la marque « C » aurait dû être ignorée d’un point de vue fiscal. Or, la position de l’administration fiscale serait contradictoire dans la mesure où, d’une part, celle-ci considérerait que c’est la société B qui aurait développé ladite marque et qu’elle-même n’aurait pas acquis les droits légitimes à l’enregistrement de celle-ci, et où, d’autre part, elle persisterait à maintenir la plus-value de cession dans ses déclarations d’impôt et à l’imposer à ce titre. Dans la mesure toutefois où, suivant le raisonnement de l’administration fiscale, elle-même n’aurait jamais été détentrice de la marque « C », elle ne pourrait pas l’avoir valablement vendue.

La société demanderesse met dans ce contexte en avant que comme elle aurait simultanément cédé toutes ses parts sociales dans la société B, ainsi que la marque « C » au même acquéreur tiers, le prix de cession de la marque perçu serait à considérer comme « supplément » du prix de cession des parts sociales de la société B.

Elle en déduit qu’il aurait dès lors appartenu au directeur d’exonérer totalement ce « supplément » de prix lequel se rapporterait à la plus-value réalisée lors de la cession des parts sociales de la société B laquelle serait exonérée en application de l’article 166 LIR et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166, alinéa 9, numéro 1 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 ».

A titre subsidiaire, la société demanderesse fait valoir que la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » devrait bénéficier d’une exonération partielle de 80% des revenus nets positifs dégagés par certains droits de propriété intellectuelle, alors que les conditions prévues à l’article 50bis, alinéa 3, LIR, seraient remplies en l’espèce.

En ce qui concerne la première condition afin de pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 50bis LIR, à savoir le fait que le droit de propriété intellectuelle ait été constitué ou acquis après le 31 décembre 2007, la société demanderesse renvoie à la circulaire LIR n°50bis/1 du 5 mars 2009 laquelle indiquerait que la date du dépôt de la demande d’enregistrement serait, en principe, à considérer comme date de constitution du droit de propriété.

5Dès lors, dans la mesure où il ressortirait du site de l’OBPI qu’elle aurait déposé une demande d’enregistrement le 5 août 2009, l’affirmation de la partie étatique suivant laquelle le droit sur la marque litigieuse aurait été constitué avant le 31 décembre 2007 serait à rejeter.

Le constat ci-dessus suivant lequel la marque « C » n’aurait pas été constituée antérieurement au 31 décembre 2007 serait, par ailleurs, démontré par les éléments suivants :

- la marque, telle que déposée, protégerait des biens et services plus larges que la gestion de l’accueil des jeunes enfants. Ainsi, à supposer que la société B ait acquis un savoir-faire nécessaire à la gestion de structures d’accueil du jeune enfant, elle n’aurait pas commercialisé les biens et services protégés par ladite marque jusqu’au dépôt ;

- le nombre d’années pendant lesquelles la société B aurait, d’après l’administration fiscale, développé la marque litigieuse serait sujette à discussion au sein même de l’administration fiscale ; et - la société B n’aurait pas pu faire connaître la marque « C » antérieurement à son dépôt dans la mesure où celle-ci n’aurait changé sa dénomination sociale de « E » à « B » que le 18 juillet 2006. Or, elle-même aurait été constituée le 19 septembre 2006 sous la dénomination sociale « C», de sorte que la dénomination que la société B aurait pu développer en tant que marque pendant une période suffisamment longue pour lui octroyer une certaine notoriété n’aurait pu être que « E » et non pas « C ».

La société demanderesse conteste encore dans ce contexte l’argumentation du bureau d’imposition selon laquelle elle aurait dû acquérir les droits légitimes à l’enregistrement de la dénomination « C » en tant que marque, en donnant à considérer que deux mois après le changement de dénomination de la société B, elle-même aurait été constituée sous la dénomination sociale « C ». Elle met en avant qu’il ne serait pas rare de rencontrer, dans les groupes de sociétés, des sociétés dont la dénomination sociale contiendrait un ou plusieurs mots communs, tel que cela serait le cas en l’espèce en ce qui concerne la dénomination « C », tout en expliquant que les décisions rapprochées de changement de dénomination de la société B et sa constitution dénoteraient la volonté des dirigeants de créer une harmonie dans les dénominations des sociétés du groupe « C ».

Elle fait valoir que même si elle avait déposé une marque notoirement connue, ce qu’elle conteste, l’objectif du législateur lors de l’adoption du régime prévu à l’article 50bis LIR en 2007 aurait été celui d’inciter les contribuables à protéger leurs marques et brevets, par l’instauration de mesures fiscales plus favorables, la société demanderesse se prévalant à cet égard des travaux préparatoires, ainsi que d’un arrêt de la Cour administrative du 30 juillet 2014, inscrit sous le numéro 33184C du rôle.

En ce qui concerne encore la condition suivant laquelle le droit de propriété intellectuelle ne doit pas avoir été acquis auprès d’une société associée au sens de l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR, elle soutient qu’elle aurait elle-même développé la marque « C » et qu’elle ne l’aurait donc pas acquise auprès d’une société associée.

Elle conclut que les conditions pour bénéficier de l’article 50bis, alinéa 3, LIR seraient remplies en l’espèce, de sorte que les bulletins de l’impôt déférés seraient à réformer en ce qu’ils refusent le bénéfice de l’exonération de la plus-value de cession de la marque « C » à hauteur de 80%.

6Dans son mémoire en réplique, et quant à l’existence d’un abus de droit et au reproche du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse suivant lequel elle « tirer[ait] profit » de la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le directeur aurait refusé la déductibilité des redevances lui payées par la société B en les requalifiant en distributions cachées de bénéfices, la société demanderesse conteste tout d’abord le fait qu’elle aurait été partie à une quelconque opération abusive en faisant valoir que non seulement les remarques du délégué du gouvernement quant à un prétendu accord implicite de la société B sur la qualification d’abusive de la restructuration seraient dépourvues de toute pertinence, mais que, de surcroît, l’absence de recours contre la décision directoriale en question ne pourrait être interprétée comme un accord de la société B à cet égard, mais s’expliquerait par le fait que les frais que la société B aurait dû engager dans ce contexte auraient dépassé les montants qu’elle aurait pu récupérer à travers une procédure contentieuse.

Elle fait valoir que si la partie étatique argumentait que le dépôt de la marque « C » était constitutif d’un abus de droit, les impôts seraient, dès lors, en application de l’alinéa 2 du paragraphe 6 StAnpG, à percevoir en ignorant la voie juridique abusive, c’est-à-dire en imposant la transaction qui aurait été une voie juridique authentique, compte tenu des faits et circonstances pertinents. Ainsi, si la possession de la marque litigieuse par elle était considérée comme étant un abus de droit, en ce que, selon le directeur, la marque litigieuse serait possédée juridiquement et économiquement par la société B, la valeur de ladite marque devrait alors également être allouée à la société B, dont la valeur des actions augmenterait de manière correspondante. Il s’ensuivrait que la valeur de cession de la marque « C » devrait être incluse dans la valeur de cession des parts sociales de la société B, de sorte que la plus-value y réalisée serait à exonérer.

Elle donne ensuite à considérer qu’elle ne réclamerait aucun ajustement ni du prix de cession des parts sociales de la société B ni de celui de la marque « C », contrairement à ce que suggérerait la partie étatique.

Elle avance que la qualification d’abus de droit retenue par le directeur entraînerait nécessairement une réallocation dans ses comptes du prix de cession entre la composante « Marque » et la composante « actions de B ». Dès lors et contrairement aux affirmations de la partie étatique, il ne s’agirait donc pas d’appliquer l’article 166 LIR et le règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 à un revenu qui ne proviendrait pas d’une participation, mais bien de les appliquer à un montant modifié de plus-value sur participation.

Elle reproche, partant, plus précisément à la partie étatique de refuser, d’un côté, à la société B la déduction des redevances, en argumentant qu’elle-même ne détiendrait pas la marque « C », tout en imposant, de l’autre côté, pleinement les revenus dérivés de ladite marque dans son chef, en argumentant cette fois qu’elle détiendrait la marque litigieuse.

S’agissant ensuite des conséquences qui seraient à tirer de l’existence d’un abus de droit au régime mère-filiale, elle fait valoir que l’argumentation du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse concernant la comptabilisation du produit de cession de la participation détenue dans la société B et celle du produit de cession de la marque « C » à des postes différents de son compte de résultat, à savoir le compte n°764 « Produits de cession d’immobilisations financières » et le compte n°763 « Produits de cession d’immobilisations corporelles et incorporelles », serait dépourvue de pertinence et ne sous-tendrait en rien la conclusion de la partie étatique suivant laquelle la plus-value de cession de la marque « C » ne pourrait bénéficier d’une exonération au titre du régime mère-filiale.

7Elle met à cet égard en avant qu’au vu du traitement fiscal différent proposé par l’administration des Contributions directes, le bilan fiscal devrait en l’espèce dévier du bilan comptable et refléter un montant plus élevé au titre des produits de cession d’immobilisations financières.

Elle conclut qu’à titre principal, il devrait être retenu, par cohérence avec la position de l’administration fiscale sur les redevances versées pour l’usage de la marque « C », que ladite marque serait à intégrer dans les biens de la société B, de sorte que la plus-value de cession de ladite marque augmenterait la plus-value de cession de la participation dans la société B, laquelle bénéficierait du régime mère-filiale et serait donc exonérée.

A titre subsidiaire, en ce qui concerne l’application du régime de l’article 50bis, alinéa 3, LIR à la plus-value de cession de la marque « C » et le reproche du délégué du gouvernement suivant lequel elle aurait volontairement surévalué ladite marque afin de pouvoir bénéficier de l’exonération de cette disposition, elle soutient que dans la mesure où la cession aurait été opérée avec un tiers, aucune preuve du respect du principe de pleine concurrence ne serait à rapporter, puisque, par définition, une transaction entre tiers reflèterait les prix de marché. Elle ajoute que la partie étatique ne ferait, par ailleurs, état d’aucun élément précis et circonstancié qui justifierait de remettre en cause la valorisation de la marque litigieuse sur laquelle elle-

même et l’acheteur tiers se sont accordés.

Ce serait dès lors à tort que la partie étatique remettrait en cause l’exactitude du prix de cession de la marque « C », laquelle aurait été librement consentie entre parties indépendantes.

A cet égard, elle donne encore à considérer qu’il ne serait pas contesté par la partie étatique que la cession du fonds de commerce et de la marque litigieuse seraient intervenues entre parties tierces et donc entre entreprises indépendantes aux termes des articles 56 et 56bis LIR, de sorte qu’il s’agirait d’un prix de pleine concurrence. Elle estime que la partie étatique ne serait dès lors pas non plus fondée à exiger la production d’un rapport d’évaluation établi par un expert indépendant, alors qu’une telle demande ne serait fondée que si la transaction était intervenue entre entreprises liées au sens des articles 56 et 56bis LIR.

En ce qui concerne ensuite l’application des dispositions de l’article 50bis, alinéa 6, LIR, elle reproche à la partie étatique d’omettre de faire référence à l’article 27, alinéa 2, LIR relatif à l’établissement de la valeur estimée de réalisation du droit cédé, auquel renverrait l’alinéa 6 de l’article 50bis LIR et dont les prescriptions de principe auraient été suivies en l’espèce.

A titre superfétatoire, en ce qui concerne l’argumentation du délégué du gouvernement suivant laquelle les valeurs des autres éléments du fonds de commerce seraient supérieures à 100.000 euros, la société demanderesse reproche à celui-ci de s’appuyer sur les redevances payées à elle par la société B « pour l’usage de la Marque », tout en mettant en avant que le montant desdites redevances n’aurait cessé d’augmenter pour dépasser les 300.000 euros en 2014, de sorte qu’il devrait être retenu qu’un prix de cession égal à presque trois fois les revenus dérivés d’un contrat de licence ne serait pas excessif. Par ailleurs, elle reproche au délégué du gouvernement de rester en défaut d’expliquer en quoi des montants croissants de redevances pour l’usage de la marque « C » justifieraient le fait de retenir que la valeur des autres éléments du fonds de commerce serait supérieure à 100.000 euros, de sorte que l’allégation afférente serait à rejeter.

8Il en serait de même de l’argumentation étatique fondée sur le réenregistrement de la marque « C », la société demanderesse avançant à cet égard que suite à la fusion de diverses sociétés du groupe F, la société absorbante aurait tout simplement fait réenregistrer la marque à son nom, en tant que successeur en droit de l’ancien propriétaire. Ce réenregistrement n’impliquerait donc nullement une faible valeur de la marque « C », tel que le prétendrait à tort la partie étatique, mais s’inscrirait dans le contexte d’une restructuration en 2017 du groupe F.

En ce qui concerne encore la demande de la partie étatique qu’un rapport d’expert indépendant soit produit en vertu des paragraphes 170 et suivants AO, elle fait valoir que le devoir de coopération évoqué par la partie étatique ferait référence à la coopération dont le contribuable devrait faire preuve au moment de l’examen de sa déclaration fiscale, mais ne pourrait pas être invoqué au stade de la procédure contentieuse. Il en serait de même en ce qui concerne le jugement du tribunal administratif du 17 octobre 2007, cité par la partie étatique, qui ferait référence aux « contestations émises par l’administration des Contributions sur la déclaration faite par le contribuable » et aux « renseignements et explications demandés » par l’administration, la société demanderesse insistant à cet égard sur le fait que lors de la procédure d’établissement de l’impôt, le bureau d’imposition ne lui aurait demandé aucun renseignement, ni des explications, ni encore la production d’un rapport d’expertise s’agissant du prix de cession de la marque litigieuse.

La société demanderesse souligne, enfin, que l’article 50bis LIR, dans sa version applicable aux faits litigieux, n’exigerait pas que la marque soit vendue de manière séparée, sans faire partie d’un fonds de commerce, tout en précisant qu’elle demanderait l’exonération de 80% uniquement en ce qui concerne la plus-value relative à la cession de la marque « C », et non pas par rapport aux autres composantes du fonds de commerce cédé.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les bulletins de l’impôt litigieux seraient à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens, de sorte que les bulletins de l’impôt déférés seraient à confirmer.

Il échet de prime abord au tribunal de relever qu’il n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par la partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, il peut les traiter suivant un ordre différent1.

Il est constant que la société B, anciennement dénommée « E », a été constituée le 26 octobre 1994 et que la société demanderesse, anciennement dénommée « C », a été constituée le 19 septembre 2006.

Il est encore constant pour résulter, par ailleurs, des pièces versées en cause que la marque « C » a été déposée le 5 août 2009 à l’OBPI pour compte de la société demanderesse et que par contrat de franchise du même jour, la société demanderesse a mis à disposition de la société B l’usage ou la concession de l’usage de ladite marque, ainsi que son expérience et son savoir-faire en ce qui concerne l’accueil des enfants et la prestation de services y afférente.

1 Trib. adm. 16 décembre 2004, n °18075 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 515 et les autres références y citées.

9Il résulte ensuite d’un acte notarié du 30 novembre 2009, qu’à cette même date, l’intégralité du capital social de la société B a été apportée à la société demanderesse.

Il est encore constant pour résulter des pièces versées en cause qu’en date du 2 mars 2015, toutes les parts sociales de la société B ont été cédées par la société demanderesse à la société E et que par convention de cession du 5 mars 2015, la société demanderesse a cédé à la B son fonds de commerce incluant la marque « C » en réalisant une plus-value.

En ce qui concerne l’objet du litige, le tribunal constate que les parties sont plus particulièrement en désaccord sur la question de la requalification des redevances perçues par la société demanderesse pendant l’année 2015 de la part de la société B en contrepartie de l’usage par celle-ci de la marque « C » en distributions cachées de bénéfices et exonérées suivant l’article 166 LIR, ainsi que sur la question de l’applicabilité des dispositions de l’article 166 LIR, sinon de l’article 50bis LIR à la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » par la société demanderesse à la société B le 5 mars 2015, de sorte que l’analyse du tribunal se limitera à ces moyens invoqués, étant, à cet égard, relevé que si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n’en demeure pas moins qu’il est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale du demandeur. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer à une décision administrative jugée illégale sa propre décision, de sorte qu’il incombe au demandeur en réformation de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation2.

Quant à la question de la requalification des redevances perçues par la société demanderesse de la part de la société B en distributions cachées de bénéfices et exonérées en tant que revenus de capitaux au sens de l’article 166 LIR A cet égard, le tribunal constate que dans le cadre de la décision du 28 septembre 2020, référencée sous le numéro du rôle …, intervenue à la suite d’une réclamation introduite par la société B à l’encontre des bulletins d’imposition des années 2009 à 2011, le directeur a qualifié tant la constitution de la marque « C » que le contrat de franchise conclu le 5 août 2009 entre la société demanderesse et la société B comme étant constitutifs d’un abus de droit au sens du § 6 StAnpG et a en conséquence refusé la déduction des redevances relatives à l’utilisation de la marque « C » par la société B en tant que dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR, tout en les requalifiant en distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa 3 LIR. Il a encore annulé la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec les redevances payées, telle que fixée par le bureau d’imposition, en considérant que les conditions énoncées à l’article 147 LIR étaient remplies.

Il échet encore de relever, dans ce contexte, que la décision directoriale, prémentionnée, a acquis autorité de chose décidée, à défaut pour la société B d’avoir introduit un recours contentieux à l’encontre de cette décision. Par ailleurs, force est de constater qu’il n’est pas contesté que la société demanderesse n’a, dans le passé, jamais introduit une réclamation à l’encontre des bulletins d’imposition relatifs aux années 2009 à 2011 émis à son encontre et dans lesquels le contrat de franchise et la constitution de la marque « C » ont été qualifiés 2 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1266 et les autres références y citées.

10comme étant constitutifs d’un abus de droit, de sorte à ne pas non plus avoir contesté la requalification des redevances perçues par elle de la part de la société B en distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa 3 LIR.

Force est ensuite de constater que la société demanderesse ne remet, en l’espèce, pas, en tant que tel, en cause les conclusions retenues par le directeur concernant la qualification du contrat de franchise et de la constitution de la marque « C » d’abus de droit et la requalification des redevances lui payées par la société B au titre de l’usage ou de la concession de l’usage de la marque « C » en distributions cachées de bénéfices, mais reproche, en substance, au bureau d’imposition d’avoir adopté un comportement incohérent, alors que celui-ci, en considérant qu’il y aurait abus de droit, aurait dû ignorer ces transactions pour calculer l’impôt litigieux en l’espèce, en application du paragraphe 6, alinéa 2, StAnpG, Si certes le tribunal n’est en l’espèce pas saisi d’un recours dirigé à l’encontre de la décision directoriale, prémentionnée, du 28 septembre 2020, mais d’un recours dirigé à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal relatifs à l’année d’imposition 2015 émis le 9 décembre 2020, force est néanmoins de constater qu’à défaut de contestations concrètes et circonstanciées de la part de la société demanderesse, le principe retenu par le directeur dans le cadre de sa décision du 28 septembre 2020 en ce qui concerne la qualification d’abus de droit du contrat de franchise et de la constitution de la marque et, en conséquence, la requalification des redevances payées par la société B à la société demanderesse au titre de l’usage ou de la concession de l’usage de la marque « C » en distributions cachées de bénéfices est transposable en l’espèce, de sorte que c’est à bon droit que le bureau d’imposition a retenu des « redevances considérées comme [distribution cachée de bénéfices] svt art 166 LIR » et qu’il a déduit le montant de … euros du bénéfice imposable de la société A au titre de revenus/capitaux exonérés, étant à cet égard rappelé que l’examen auquel doit se livrer le juge du fond s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale du demandeur.

Il s’ensuit que les bulletins de l’impôt litigieux sont à confirmer sur ce point.

Quant à l’exonération au sens de l’article 166 LIR de la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » Aux termes de l’article 166 LIR, en sa version en vigueur au 1er janvier 2015, :

« 1. Les revenus d’une participation détenue par :

1. un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’alinéa 10, 2. une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 10, 3. un établissement stable indigène d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, 4. un établissement stable indigène d’une société de capitaux qui est un résident d’un État avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, 115. un établissement stable indigène d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un État membre de l’Union européenne, sont exonérés lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros.

2. L’exonération s’applique aux revenus qui proviennent d’une participation au sens de l’alinéa 1er détenue directement dans le capital social :

1. d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, 2. d’une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 10, 3. d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités.

[…] 9. Un règlement grand-ducal pourra :

1. étendre l’exonération, sous les conditions et modalités à déterminer, aux revenus dégagés par la cession de la participation, 2. prévoir, dans les conditions à spécifier, que les pertes de cession ne sont pas déductibles.

10. ANNEXE […] ».

Le règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166, alinéa 9, numéro 1, LIR, précité, dispose dans son article 1er que : « (1) Lorsqu’un contribuable visé à l’article 166, alinéa 1er, numéros 1 à 4, cède des titres d’une participation directe détenue dans le capital social d’une société visée à l’alinéa 2, numéros 1 à 3 du même article, le revenu dégagé par la cession est exonéré, lorsqu’à la date de l’aliénation des titres le cédant détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10% ou le prix d’acquisition au-dessous de 6.000.000 d’euros. La détention d’une participation à travers un des organismes visés à l’alinéa 1er de l’article 175 est à considérer comme détention directe proportionnellement à la fraction détenue dans l’actif net investi de cet organisme. ».

Il résulte de ce qui précède que l’exonération au sens de l’article 166 LIR ne s’applique qu’aux revenus de participation détenus directement par un contribuable visé à l’article 166, alinéa 1er, LIR, respectivement aux revenus dégagés par la cession d’une telle participation en application de l’article 166, alinéa 9, numéro 1, LIR, sous réserve du respect de certaines conditions prévues à l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2001, sans toutefois viser le revenu ou la plus-value qui se seraient dégagés lors de la cession d’un fonds de commerce.

Il s’ensuit que la plus-value dégagée lors de la cession de la marque « C » laquelle fait partie intégrante du fonds de commerce cédé le 5 mars 2015 ne saurait être exonérée en vertu de l’article 166 LIR et de l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2001, seule la 12plus-value réalisée lors de la cession des parts sociales de la société B pouvant être exonérée en vertu de ces dispositions.

Cette conclusion ne saurait être ébranlée par l’argumentation de la société demanderesse suivant laquelle « il serait logique d’allouer l’entièreté du prix de cession reconnu en 2015 (prix de cession de la Marque plus prix de cession de la participation) aux actions détenues dans B ».

Force est, en effet, de constater qu’il résulte de la « Convention de cession de parts sociales sous conditions suspensives », signée en date du 2 mars 2015 entre la société demanderesse, la société E et Madame D, comparant en sa qualité d’associé unique de la société A, ainsi qu’en son nom propre, en présence de la société B, que l’intégralité des parts sociales de la société B3 ont été vendues par la société demanderesse à la société E pour un montant total de … euros (article 3 « Prix de vente »), sous certaines conditions suspensives cumulatives lesquelles ont dû être satisfaites pour le 2 mars 2015 au plus tard (article 4 « Conditions suspensives »).

Il résulte ensuite de la « Convention de cession de fonds de commerce sous condition suspensive », signée le 5 mars 2015 entre la société demanderesse, la société B et Madame D en sa qualité de gérante unique et d’actionnaire unique de la société A, ainsi qu’en son nom propre, que le fonds de commerce4, lequel comprend notamment la marque « C » évaluée … euros, a été cédé par la société demanderesse à la société B pour un montant total de … euros (article 3 « Prix de vente »), sous la condition suspensive de la vente par la société demanderesse à la société E de la totalité des parts sociales composant le capital social de la société B en date du 2 mars 2015 « ou de tout autre date définie d’un commun accord par les parties » (article 4 « Condition suspensive »).

Or, contrairement à ce que soutient la société demanderesse, le prix de cession du fonds de commerce incluant la marque « C » ne saurait être considéré comme un « supplément » au prix de cession des parts sociales de la société B, dans la mesure où la cession desdites parts sociales, d’une part, et celle de la marque « C », d’autre part, ont eu lieu dans le cadre de deux conventions distinctes conclues entre des parties différentes et à des dates différentes. Ceci est d’autant plus vrai alors que le contrat de cession du fonds commerce du 5 mars 2015 a été conclu sous la condition suspensive de la vente de la totalité des parts sociales composant le capital social de la société B à la société E en date du 2 mars 2015, impliquant qu’il s’agit de deux contrats de cession distincts qui se suivent chronologiquement, étant à cet égard encore relevé que le considérant numéro 7, point b) de la convention de cession des parts sociales de la société B mentionne que le fonds de commerce de la société A lié à l’activité de la société B sera vendu par acte séparé, immédiatement après l’acquisition des parts sociales de la société B par la société F. Ce constat selon lequel il s’agit de deux conventions indépendantes est encore renforcé par le fait que les comptes annuels de la société A au 31 décembre 2015 renseignent la comptabilisation, d’une part, des « Produits de cession d’immobilisations 3 Le point 1 des considérants de la convention du 2 mars 2015 dispose que : […] Néanmoins et dans la mesure où la société mère [A] n’a jamais été mise en vente, la présente Convention porte sur l’acquisition des parts sociales composant le capital social de la [société B], détenues à 100% par [la société A] afin notamment de pouvoir exploiter les crèches listées au point 4 ci-après. […] ».

4 Le fonds de commerce est défini à l’article 1.2 de la convention du 5 mars 2015 comme « […] l’ensemble des éléments mobiliers corporels et incorporels passés, présents et futurs, affectés par [la société demanderesse] à l’activité de B telle que définie dans son objet social, en particulier la Marque, […] », tandis que la « Marque » y est définie comme « […] la marque semi-figurative Benelux « C » enregistrée auprès de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle sous le numéro … le … 2009 […] ».

13incorporelles et corporelles » (compte n° 763) à hauteur de … euros, faisant état de la cession du fonds de commerce réalisée le 5 mars 2015, et, d’autre part, des « Produits de cession d’immobilisations financières » (compte n° 764) à hauteur de … euros, faisant état de la cession des parts sociales de la société B en date du 2 mars 2015.

Il s’ensuit que la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » ne saurait se rapporter, tel que le soutient à tort la société demanderesse, à la plus-value qui s’est dégagée lors de la cession des parts sociales de la société B.

Il échet encore de rejeter l’argumentation de la société demanderesse suivant laquelle le prix de cession de la marque serait à inclure dans le prix de cession des parts sociales de la société B en ce que cette société serait considérée par la partie étatique comme étant le propriétaire juridique de ladite marque alors que, contrairement à ce que soutient la société demanderesse, la partie étatique ne considère pas que la société B était le propriétaire juridique de la marque « C » au moment de la cession de celle-ci, mais a, au contraire, confirmé dans son mémoire en réponse que la société demanderesse « est demeurée propriétaire de la marque « C » qu’elle a déposée à l’OBPI et qui y a été enregistrée en son nom »5. Aucun comportement incohérent ne saurait dès lors être reproché à la partie étatique.

A cet égard, il échet encore de constater qu’au moment de la cession de la marque « C » à la société B en date du 5 mars 2015, celle-ci n’était plus la filiale de la société demanderesse, mais appartenait déjà, en vertu de la « Convention de cession de parts sociales sous conditions suspensives » signée en date du 2 mars 2015, à la société E, laquelle fait de manière non contestée partie du groupe « F », à savoir un groupe qui n’est pas lié au groupe « C » auquel appartient la société A.

Le tribunal rejoint dès lors également la partie étatique dans son constat suivant lequel les conclusions retenues dans la décision directoriale du 28 septembre 2020, et plus particulièrement celles relatives à l’existence d’un abus de droit et à la requalification des redevances en distributions cachées de bénéfices dans le contexte d’une opération intra-groupe, ne sauraient être transposées ipso facto au litige en l’espèce qui concerne, en effet, la cession d’une marque entre sociétés indépendantes.

Force est, en effet, de constater qu’une distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa (3) LIR ne peut être retenue que « […] si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ». Dans la mesure toutefois où le fonds de commerce comprenant la marque « C » a été cédé à la société B lorsque celle-ci appartenait déjà entièrement au groupe « F », tel que cela a été retenu ci-avant, il ne saurait être question d’un avantage direct ou indirect à un associé, sociétaire ou intéressé, de sorte qu’aucune distribution cachée de bénéfices en relation avec la cession du fonds de commerce ne saurait être retenue, contrairement à ce qui est le cas des redevances perçues par la société demanderesse de la part de la société B à un moment où celle-ci était encore la filiale de la société A.

5 Page 4 du mémoire en réponse.

14Il s’ensuit que toute l’argumentation de la société demanderesse basée sur la toile de fond qu’en présence d’un abus de droit, le bureau d’imposition aurait dû, en application du paragraphe 6, alinéa 2, StAnpG, ignorer le contrat de franchise pour calculer l’impôt litigieux en l’espèce laisse d’être fondée et est donc à rejeter.

Au vu de ce qui précède, l’argumentation de la société demanderesse suivant laquelle la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » serait à exonérer totalement alors qu’elle se rapporterait à la plus-value réalisée lors de la cession des parts sociales lesquelles, quant à elles, sont exonérées en application de l’article 166 LIR et du règlement grand-ducal du 21 décembre 2001, est rejetée.

Il s’ensuit que les bulletins d’impositions litigieux, en ce qu’ils retiennent des revenus exonérés de participation importantes, au sens de l’article 166 LIR, d’un montant de … euros et des dépenses en connexion économique avec ces participations d’un montant de … euros, sont à confirmer.

Quant à l’exonération au sens de l’article 50bis LIR de la plus-value réalisée lors de la cession de la marque « C » Aux termes de l’article 50bis, LIR : « (1) Les revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur les logiciels informatiques, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce d’un nom de domaine, d’un dessin ou d’un modèle sont exonérés à hauteur de 80% de leur montant net positif. Est à considérer comme revenu net, le revenu brut diminué des dépenses en relation économique directe avec ce revenu, y compris l’amortissement annuel ainsi que, le cas échéant, une déduction opérée pour dépréciation. […] (3) La plus-value dégagée lors de la cession d’un droit d’auteur sur des logiciels informatiques, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce d’un nom de domaine, d’un dessin ou d’un modèle est exonérée à hauteur de 80%. Le montant exonéré en vertu de la phrase précédente est à diminuer à raison de la somme algébrique de 80% des revenus nets négatifs dégagés par ledit droit au cours de l’exercice de la cession ou des exercices antérieurs pour autant que ces revenus nets négatifs n’ont pas été compensés en vertu des dispositions de l’alinéa 4, numéro 2.

L’exonération prévue par la première phrase du présent alinéa est également refusée dans la mesure où le prix d’acquisition des droits mis en compte pour la détermination du revenu de cession a été réduit par le transfert d’une plus-value en vertu des articles 53 et 54.

(4) L’application des alinéas 1 à 3 du présent article est soumise aux conditions suivantes:

1. le droit doit avoir été constitué ou acquis après le 31 décembre 2007;

2. les dépenses, amortissements et déductions pour dépréciation en rapport avec le droit sont à porter à l’actif du bilan du contribuable et à intégrer dans le résultat au titre du premier exercice pour lequel l’application des dispositions des alinéas susvisés entre en ligne de compte pour autant que pour un exercice donné ces frais ont dépassé les revenus en rapport avec ce même droit.

(5) L’application des alinéas 1 et 3 est soumise à la condition additionnelle que le droit n’ait pas été acquis d’une personne qui a la qualité de société associée. Une société est à considérer comme société associée au sens du présent alinéa:

15a. si elle détient une participation directe d’au moins 10% dans le capital de la société bénéficiaire du revenu, ou b. si son capital est détenu directement à raison d’au moins 10% par la société bénéficiaire du revenu, ou c. si son capital est détenu directement à raison d’au moins 10% par une troisième société et que celle-ci détient une participation directe d’au moins 10% dans le capital de la société bénéficiaire du revenu.

(6) Le contribuable peut recourir à toute méthode d’évaluation généralement utilisée pour l’évaluation des propriétés intellectuelles. Aux fins d’application de l’alinéa 3, la valeur estimée de réalisation du droit cédé doit être établie conformément à l’article 27, alinéa 2.

Les entreprises présentant les caractéristiques d’une micro, petite ou moyenne entreprise peuvent cependant établir la valeur estimée de réalisation d’un droit décrit à l’alinéa 3 à 110% de la somme algébrique des dépenses qui ont diminué la base d’imposition du cédant pour l’exercice de la cession et pour des exercices antérieurs. Sont considérées au sens du présent alinéa comme micro, petites ou moyennes entreprises, les entreprises répondant aux critères établis par règlement grand-ducal. » […] ».

Il s’ensuit que l’application de l’avantage fiscal inscrit à l’article 50bis LIR est soumise aux conditions cumulatives que le droit de propriété intellectuelle doit avoir été constitué ou acquis après le 31 décembre 2007, que les dépenses, amortissements et déductions pour dépréciation en rapport avec le droit sont à porter à l’actif du bilan du contribuable et à intégrer dans le résultat au titre du premier exercice pour lequel l’application des dispositions des alinéas susvisés entre en ligne de compte pour autant que pour un exercice donné ces frais ont dépassé les revenus en rapport avec ce même droit et que le droit n’ait pas été acquis d’une personne qui a la qualité de société associée telle que définie au paragraphe (5) du même article.

Etant donné que ces conditions sont, tel que relevé ci-avant, à respecter cumulativement, il suffit qu’une seule d’elles ne l’est pas pour que l’avantage fiscal y visé puisse être valablement refusé.

C’est tout d’abord à tort que la société demanderesse reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir appliqué l’article 50bis, alinéa 3, LIR à la plus-value réalisée lors de la cession des parts sociales de la société B à la société F, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, cette disposition légale ne vise que la plus-value qui s’est dégagée lors de la cession d’un droit de propriété intellectuelle, et n’est donc, en l’occurrence, susceptible de s’appliquer qu’à la plus-

value qui s’est dégagée lors de la cession de la marque « C » à la société B.

Ensuite, et indépendamment de la question de savoir si les conditions d’application de l’article 50bis LIR telles que prévues aux alinéas 4 et 5 de cette disposition sont remplies en l’espèce, - ce qui est d’ailleurs contesté par la partie étatique par renvoi à la décision directoriale du 28 septembre 2020 dans laquelle a notamment été remis en cause le fait que la société A aurait elle-même développé ladite marque et donc le respect de la condition prévue à l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR, à savoir le fait que le droit de propriété intellectuelle n’ait pas été acquis d’une personne qui a la qualité de société associée -, il y a lieu de constater que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement reproche plus particulièrement à la société demanderesse d’avoir surévalué la valeur de la marque litigieuse et plus spécifiquement la plus-value qui s’est dégagée de la cession de ladite marque et pour laquelle elle demande l’exonération, respectivement de ne pas rapporter la preuve, notamment par le biais d’un expert indépendant, que la valeur de la marque consentie entre la société demanderesse et la société 16B correspond à la valeur de marché et qu’elle respecte le principe de pleine concurrence, de sorte que l’article 50bis LIR n’aurait pas vocation à s’appliquer, sinon ne disposerait pas de base établie pour son application.

A cet égard, il échet de relever que l’article 50bis, alinéa 6, LIR prévoit que le contribuable peut recourir à toute méthode d’évaluation généralement utilisée pour l’évaluation des propriétés intellectuelles, mais que dans le cas précis d’une plus-value dégagée lors de la cession d’un droit de propriété intellectuelle au sens de l’alinéa 3 de l’article 50bis LIR, la valeur estimée de réalisation du droit cédé doit être établie conformément à l’article 27, alinéa 2 LIR. Si l’article 50bis, alinéa 6, LIR permet encore aux entreprises présentant les caractéristiques d’une micro, petite ou moyenne entreprise d’établir la valeur estimée de réalisation d’un droit décrit à l’alinéa 3 à 110% de la somme algébrique des dépenses qui ont diminué la base d’imposition du cédant pour l’exercice de la cession et pour des exercices antérieurs, force est de constater que la société demanderesse n’a pas fait usage de cette faculté, de sorte qu’elle n’est pas pertinente en l’espèce.

En ce qui concerne la valeur estimée de réalisation du droit cédé, l’article 27, alinéa 2, LIR auquel renvoie l’article 50bis, alinéa 6, prévoit ce qui suit : « (2) Est considérée comme valeur estimée de réalisation le prix qui s’obtiendrait lors d’une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé, compte tenu de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l’exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles. ».

Il ressort de la disposition légale qui précède que le contribuable, dans le cadre de la détermination de la plus-value dégagée lors de la cession d’un droit de propriété intellectuelle, peut librement évaluer la valeur de réalisation sur base du prix qui s’obtiendrait lors d’une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé en tenant compte de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l’exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles.

Il convient encore de rappeler qu’en vertu de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable […] ».

Dans la mesure où la société demanderesse prétend à l’application de l’exonération à raison de 80% de la plus-value dégagée lors de la cession de la marque « C » à la société B, la charge de la preuve lui incombe, de sorte qu’il lui appartient de démontrer que toutes les conditions nécessaires à l’application de l’article 50bis LIR, et celles plus particulièrement litigieuses en l’espèce, relatives à l’alinéa 6 de cette disposition, sont remplies en l’espèce.

A cet égard, il échet de rappeler qu’une « convention de cession de fonds de commerce sous condition suspensive » a été signée en date du 5 mars 2015 entre la société demanderesse, la société B et Madame D en sa qualité de gérante unique et d’actionnaire unique de la société A, ainsi qu’en son nom propre, ayant pour objet la cession, par la société demanderesse à la société B, d’un fonds de commerce pour un montant total de … euros, lequel comprend la 17marque « C » évaluée à … euros, ainsi que d’autres éléments du fonds de commerce évalués à … euros6.

Il échet également de rappeler, tel que cela a été retenu ci-avant, qu’au moment de la cession dudit fonds de commerce et donc de la marque litigieuse, la société B appartenait déjà au groupe « F » et n’était donc plus la filiale de la société demanderesse.

Le fonds de commerce est défini à l’article 1.2 de la convention de cession comme suit :

« « Fonds de commerce » désigne l’ensemble des éléments mobiliers corporels et incorporels passés, présents et futurs, affectés par A à l’activité de B telle que définie dans son objet social, en particulier la Marque, son portefeuille client, son savoir-faire, le concept développé par le Cédant en matière d’accueil d’enfants, notamment mais pas exclusivement les soins prodigués, le programme éducatif, la qualité et la composition des repas servis, la formation du personnel et son management, la communication et plus généralement les animations diverses à destination des jeunes enfants et de leurs parents. Il inclut également le savoir-faire concernant la gestion des crèches, leur agencement, leur concept et leur décoration et la communication publicitaire auxquels la Marque est associée, matérialisés notamment mais pas exclusivement par la charte de qualité, l’enseigne et le manuel de fonctionnement établis par A. La liste complète des éléments qui constituent le Fonds de Commerce figure en Annexe 2. ».

Suivant l’article 2 de ladite convention, intitulé « Vente et Acquisition », le fonds de commerce cédé comprend plus précisément les éléments suivants : « […] • les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique dont la Marque et les Noms de domaine ;

• les concessions et licences des droits de propriété intellectuelle susvisés consentis par A ;

• le matériel, le mobilier, les machines et l’outillage, les ustensiles et l’agencement servant à l’exploitation du Fonds de Commerce ;

• le concept développé par le Cédant en matière d’accueil d’enfants, la formation du personnel et son management, la communication et les animations diverses à destination des jeunes enfants et de leurs parents ;

• la charte de qualité ; et • le manuel de fonctionnement. […] ».

A cet égard, force est de constater que le délégué du gouvernement reproche dans son mémoire en réponse plus particulièrement aux parties à la convention de cession non seulement d’avoir évalué elles-mêmes les éléments faisant partie du fonds de commerce cédé, sans avoir eu recours à un spécialiste indépendant, mais surtout d’avoir évalué la marque « C » de manière séparée et pour un montant largement trop élevé par rapport aux autres éléments, et ce dans le seul but, pour la société demanderesse, de voir exonérée la plus-value de cession y relative.

6 L’article 3 « Prix de vente » de la convention du 5 mars 2015 : « Le Prix de Vente du Fonds de Commerce a été fixé de commun accord entre les Parties à un montant total de EUR …, - (…) suivant une évaluation des éléments du Fonds de Commerce comme suit :

− la Marque, en tant qu’élément du Fonds de Commerce, est évaluée à EUR …,- (…euros) ; et − Les autres éléments du Fonds de Commerce, excluant la Marque, sont évalués à EUR …, - (… euros). […] ».

18En ce qui concerne plus précisément le prix de cession de la marque « C » estimé par les parties au contrat à … euros, le délégué du gouvernement, après avoir mis en exergue que le premier poste de l’annexe 2, afférent aux « Marque et tous les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique » renseignerait, à côté du « Certificat d’enregistrement de la marque C au Bénélux », notamment des i-dépôts, différents contrats, des sites web, des logos, des chartes et une enseigne, donne à considérer que la société demanderesse aurait non seulement cédé à la société B ses contrats de licence ou de franchise, mais également tout son savoir-faire, de sorte que même s’il était difficile d’évaluer tous les contrats conclus avec les différents foyers et crèches, il ne pourrait y avoir de doute que la valeur des autres éléments du fonds de commerce cédés dépasserait facilement les … euros.

A titre d’exemple, le délégué du gouvernement se prévaut du contrat de franchise conclu entre la société demanderesse et la société B en date du 5 août 2009 en vertu duquel cette dernière aurait dû payer des redevances à hauteur de 5% calculés sur son chiffre d’affaires hors taxes pour l’usage de la marque « C », tout en mettant en avant que les livres comptables de la société B mentionneraient des redevances à payer à la société demanderesse à hauteur de … euros relatifs à l’année 2009, de … euros relatifs à l’année 2010, de … euros relatifs à l’année 2011, de … euros relatifs à l’année 2012, de … euros relatifs à l’année 2013 et de … euros relatifs à l’année 2014, en contrepartie de l’usage ou de la concession d’usage de la marque « C » et du transfert du savoir-faire par la société demanderesse à la société B. A côté du paiement desdites redevances, la société B se serait encore engagée à suivre de nombreuses obligations sur une durée de 9 années, de sorte que la valorisation dudit contrat de franchise devrait déjà dépasser à lui seul le montant de … euros.

Il met encore en avant que les postes, intitulés « Concept développé par le cédant en matière d’accueil d’enfants » et « Savoir-faire gestion crèches » de l’annexe 2 feraient état du système de franchise mis en place par la société demanderesse antérieurement à la cession du fonds de commerce, auxquels s’ajouteraient les postes « Portefeuille clients » et « Matériel, mobilier, machines et outillage, ustensiles et agencement servant à l’exploitation du fonds de commerce », pour mettre en évidence que la valeur des autres éléments du fonds de commerce serait nécessairement bien supérieure à … euros, de sorte que la valeur de la marque « C » serait inférieure à … euros.

Le tribunal relève qu’il se dégage de la définition du « fonds de commerce » prévue à l’article 1.2 de la convention de cession du 5 mars 2015, de même que de l’annexe 2 faisant partie intégrante de celle-ci que la marque litigieuse n’est qu’un seul élément parmi d’autres composantes du fonds de commerce cédé à la société B, dont notamment le portefeuille clients, le savoir-faire, le concept développé par la société A en matière d’accueil d’enfants, notamment mais pas exclusivement les soins prodigués, le programme éducatif, la qualité et la composition des repas servis, la formation du personnel et son management, la communication et plus généralement les animations diverses à destination des jeunes enfants et de leurs parents, ainsi que le savoir-faire concernant la gestion des crèches, leur agencement, leur concept et leur décoration et la communication publicitaire auxquels la marque « C » est associée, matérialisés notamment mais pas exclusivement par la charte de qualité, l’enseigne et le manuel de fonctionnement établis par la société A.

Or, face aux contestations circonstanciées de la partie étatique quant à la valorisation de la marque « C », respectivement des autres éléments composant le fonds de commerce, telle que retenue dans la convention de cession du 5 mars 2015, et indépendamment de la méthode concrètement utilisée pour l’évaluation de la marque litigieuse, respectivement de la plus-value 19qui s’est dégagée de la cession de celle-ci, telle que contestée par les parties en cause, il aurait incombé à la société demanderesse de sous-tendre l’estimation de la valeur de la marque « C » à un montant de … euros par la production de toute sorte de preuve admissible en droit, à défaut de quoi il n’est, en l’espèce, pas possible de déterminer la plus-value qui serait éventuellement à exonérer. Il aurait, en effet, appartenu à la société demanderesse de démontrer que le prix de cession de la marque « C » correspond bien au prix de marché, tel qu’elle le soutient, en produisant toute sorte de preuve admissible en droit, ce qu’elle est pourtant restée en défaut de faire, étant à cet égard rappelé qu’en vertu de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable.

Ainsi, à défaut de preuve tangible concernant la valorisation de la marque « C », aucune exonération partielle en vertu de l’article 50bis LIR ne saurait s’appliquer à la plus-value qui s’est dégagée de la cession de la marque, et ce indépendamment du respect des autres conditions cumulatives prévues aux alinéas 4 et 5 de cette disposition, telles qu’exposées ci-avant.

Il s’ensuit que les bulletins litigieux sont également à confirmer en ce qu’ils ont refusé l’exonération d’un montant de … euros en vertu de l’article 50bis LIR en relation avec le prix de cession de la marque « C ».

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, il y a encore lieu de rejeter la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.000 euros formulée par la société demanderesse sur base de l’article 33 de la loi, précitée, du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.000 euros telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, et lu à l’audience publique du 20 novembre 2023, par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

20 s.Xavier Drebenstedt s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 novembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 21


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46821
Date de la décision : 20/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-11-20;46821 ?

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