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14/11/2023 | LUXEMBOURG | N°44307a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2023, 44307a


Tribunal administratif No 44307a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:TADM:2023:44307a 4e chambre Inscrit le 23 mars 2020 Audience publique du 14 novembre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de la Sécurité intérieure ainsi que des bulletins de traitement en matière de classement et de traitement

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 44307 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2020 par Maître Pol Urban

y, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif No 44307a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:TADM:2023:44307a 4e chambre Inscrit le 23 mars 2020 Audience publique du 14 novembre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de la Sécurité intérieure ainsi que des bulletins de traitement en matière de classement et de traitement

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 44307 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2020 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation partielle de l’arrêté du ministre de la Sécurité intérieure du 6 décembre 2019, en ce qu’il a décidé de son classement au grade F6 du groupe de traitement B1, ainsi que des bulletins de traitement de septembre 2019 à mars 2020 ;

Vu le jugement interlocutoire du tribunal administratif du 31 janvier 2023, inscrit sous le n° 44307 du rôle, posant une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ;

Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 juin 2023, inscrit sous le n° 00181 du registre ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 18 juillet 2023 autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire de Maître Pol Urbany déposé au greffe du tribunal administratif le 25 août 2023 pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2023 ;

Revu les pièces versées en cause, et notamment les actes critiqués ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guillaume Vaysse, en remplacement de Maître Pol Urbany, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc Lemal en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 octobre 2023.

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Par un courrier du 4 octobre 2019, signé du directeur central « ressources et compétences », de la police grand-ducale, en sa qualité de président de la commission d’examen, Monsieur …, commissaire, classé dans le groupe de traitement C1 de la police grand-ducale, se vit notifier sa réussite et son classement en rang utile à l’examen-concours d’admission à la formation de base du fonctionnaire stagiaire du groupe de traitement B1 du cadre policier.

1 En date du 6 décembre 2019, le ministre de la Sécurité intérieure, ci-après dénommé « le ministre », nomma Monsieur … au groupe de traitement B1 du cadre policier, tout en le classant au grade F6, avec effet au 1er octobre 2019.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 6 décembre 2019, en ce que cette dernière l’a classé au grade F6. Par la même requête, Monsieur … sollicita encore la réformation sinon l’annulation des bulletins de rémunération pour les mois d’août 2019 à mars 2020 en ce qu’ils fixent l’échelon barémique dans lequel il est classé ainsi que les points indiciaires lui attribués.

Par jugement du 31 janvier 2023, inscrit sous le n° 44307 du rôle, le tribunal, d’un côté, se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté du ministre du 6 décembre 2019 portant nomination de la partie demanderesse au grade F6 du groupe de traitement B1 tout en rejetant le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision précitée du ministre du 6 décembre 2019 comme non justifié, et, d’un autre côté, reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de rémunération des mois de septembre 2019 à mars 2020, déclara non fondé le recours en réformation dirigé contre le bulletin de rémunération pour le mois de septembre 2019, accorda, par réformation, à la partie demanderesse un supplément personnel de traitement de 2 points indiciaires supplémentaires pour les mois d’octobre à décembre 2019, et après avoir rejeté la demande de la partie demanderesse de se voir classée à l’échelon 10 du grade F6 à partir du 1er octobre 2019, soumit, avant tout autre progrès en cause et par rapport à la demande visant à se faire allouer une prime d’astreinte de 22 points indiciaires et une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :

1) « L'article 22, paragraphe 2, b) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime d'astreinte de 12 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport aux policiers du groupe de traitement C1, bénéficiant aux termes de l'article 22, paragraphe 1er, c) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires? ».

2) « L'article 23, paragraphe 1, alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime de régime militaire de 15 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport aux policiers du groupe de traitement C1, bénéficiant, aux termes de l'article 23, paragraphe 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires? » ;

Dans son arrêt du 30 juin 2023, inscrit sous le n° 00181 du registre, la Cour constitutionnelle décida que : « par rapport aux questions préjudicielles posées, les articles 22, paragraphe 2, b), et 23, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de 2l’Etat ne sont pas contraires à l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution », sur base de la motivation suivante :

« (…) L’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution dispose : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

La mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable.

Dans le cadre de la fonction publique, le principe d’égalité de traitement implique, d’une part, que plus particulièrement les fonctionnaires de l’Etat se trouvant dans une situation comparable soient soumis aux mêmes règles et, d’autre part, que les fonctionnaires se trouvant dans des situations dissemblables soient régis par des règles définies en fonction même de ces différences.

La définition et la délimitation des différentes carrières, les classements des fonctions en catégories de traitement, elles-mêmes réparties en groupes et sous-groupes de traitement, les conditions de recrutement, de rémunération et de perspectives d’évolution particulières, reflètent la volonté du législateur d’organiser les carrières au regard de la nature des tâches, permanentes ou temporaires, que chacune des carrières a pour mission d’accomplir.

Les différences de statut en résultant d’une catégorie de traitement à une autre, voire d’un groupe de traitement à un autre, fût-ce à l’intérieur d’une même carrière ou d’une même catégorie de traitement, ne se heurtent pas au principe de l’égalité devant la loi, lequel n’est pas synonyme d’uniformité et ne s’oppose pas à la liberté d’organisation et de structuration des différentes carrières et catégories de traitement voire des différents groupes de traitement.

Ni une identité de situation ni encore une comparabilité des situations n’existent ainsi entre fonctionnaires de groupes de traitement distincts.

En l’absence d’une situation comparable entre les différents fonctionnaires bénéficiant respectivement de la prime d’astreinte et de la prime de régime militaire d’un groupe de traitement à un autre, une violation de l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution n’est pas établie en relation avec les deux questions préjudicielles posées. (…) ».

Par avis du 18 juillet 2023, le tribunal accorda aux parties le droit de déposer un mémoire supplémentaire afin de prendre position quant aux conclusions de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle du 30 juin 2023.

Dans son mémoire supplémentaire, la partie demanderesse passe d’abord en revue les rétroactes cités ci-avant, tout en rappelant en fait qu’après son changement de groupe de traitement, du groupe Cl au groupe B1, par l'arrêté ministériel précité du 6 décembre 2019, ses primes d'astreinte et de régime militaire auraient été revues à la baisse passant de 22 à 12 points indiciaires, respectivement de 35 à 15 points indiciaires, sans pour autant que le travail qu’elle effectuerait dans le groupe de traitement B1 n’aurait changé par rapport à celui dans le groupe de traitement C1, tel que cela ressortirait également de la fiche de poste du service dans lequel elle travaillerait. En effet, les policiers du groupe de traitement C1 et B1 seraient 3soumis aux mêmes sujétions, astreintes au service de garde de nuit, permanences pendant les samedis, les dimanches et les jours fériés, ainsi qu’à une flexibilité et disponibilité selon les contraintes quotidiennes du travail policier.

La partie demanderesse cite ensuite les dispositions légales en cause, à savoir l'article 54 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, dénommée ci-après « la loi du 18 juillet 2018 », ainsi que les articles 22 et 23 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », tout en présentant un historique relatif à l’introduction et à l’évolution des diverses primes dans la force publique, pour relever que toute prime serait à considérer comme une prestation destinée à indemniser des sujétions particulières inhérentes à certaines fonctions pour lesquelles il se serait avéré impossible d'incorporer l'indemnisation correspondante dans le traitement barémique. Ainsi, toute prime serait la contrepartie des contraintes de travail, ce qui aurait d’ailleurs amené le Conseil d’Etat, dans son avis par rapport au projet de loi n°7045, ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018, à soulever la problématique de l'égalité de traitement au sein de la Fonction publique, tout en soulignant que si le critère serait celui de l'astreinte, tout le personnel se trouvant dans cette situation objective devrait bénéficier de la prime afférente.

En droit, la partie demanderesse conteste formellement l'analyse faite et les conclusions tirées par la Cour constitutionnelle dans son arrêt précité du 30 juin 2023 en ce qui concerne la comparabilité des situations, en reprochant en substance à cette dernière de s’être fixée sur la définition et la délimitation des différents carrières, au lieu de procéder à une analyse de comparabilité au regard justement des mesures critiquées, telle qu’elle l’aurait pourtant fait à plusieurs reprises dans le passé dans d’autres affaires lui déférées. En effet, la raison d’être des primes litigieuses résiderait dans la sujétion particulière à laquelle les agents du groupe C1 et B1 seraient pareillement tenus.

Elle demande partant que les « conclusions de la Cour Constitutionnelle [soient] écartées ».

De plus, selon la partie demanderesse, alors même que la loi du 18 juillet 2018 ne ferait pas de différence entre les groupes de traitement C1 et B1 en ce qui concerne l’organisation des carrières et la nature des tâches que chacun aurait à accomplir, les policiers en cause des deux groupes de traitement toucheraient, pour le même travail et les mêmes fonctions exercées, un traitement divergent, en ce que le traitement de base serait plus élevé pour les policiers du groupe de traitement B1, tandis que la prime d'astreinte et la prime de régime militaire seraient plus élevées pour les policiers du groupe de traitement C1, ce qui soulèverait une nouvelle question préjudicielle de la teneur suivante :

« La loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, en ce que les groupes de traitement C1 et B1 ne sont pas organisés au regard de la nature des tâches à accomplir par les policiers, est-elle conforme à l'article 10bis de la Constitution dans la mesure où les policiers des groupes de traitement C1 et B1 effectuent le même travail et exercent les mêmes fonctions, sans cependant toucher le même traitement de base et les mêmes primes d'astreinte et de régime militaire ? » Il s'y ajouterait qu'au niveau des grades d'ancienneté attribués aux policiers, les groupes de traitement C1 et B1 seraient, au contraire, traités exactement de la même manière, 4tel que cela ressortirait de l'article 54 de la loi du 18 juillet 2018, de sorte qu’il y aurait encore lieu de poser la question préjudicielle suivante :

« Les articles 22 et 23 de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'ils prévoient une prime d'astreinte de 22 points indiciaires et une prime de régime militaire de 35 points indiciaires pour les policiers du groupe de traitement C1 et seulement une prime d'astreinte de 12 points indiciaires et une prime de régime militaire de 15 points pour les policiers du groupe de traitement B1, sont-ils conformes à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution dans la mesure où ils instituent une différence de traitement par rapport aux mêmes grades d'ancienneté attribués par l'article 54 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale aux policiers du groupe de traitement C1 et aux policiers du groupe de traitement B1 ? ».

Il existerait ainsi deux types de discriminations, à savoir, d’une part, une discrimination par rapport à sa propre situation antérieure et, d'autre part, une discrimination par rapport à tous ses collègues de travail qui évolueraient toujours dans le groupe de traitement C1, en ce que le travail serait le même, de sorte que lesdites situations seraient parfaitement comparables, la partie demanderesse soulevant que la Cour constitutionnelle aurait, dans un arrêt du 9 décembre 2022, inscrit sous le numéro de registre 174, déjà reconnu la comparabilité de situations « à l'intérieur même du corps des fonctionnaires de la Police grand-ducale et, plus particulièrement, de ceux ayant relevé de la catégorie de traitement C dudit corps au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2018 ».

La partie demanderesse rappelle encore que la partie gouvernementale ne fournirait pas de justification pour la différence de traitement qui devrait être rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, contrairement à ce qui aurait été le cas, dans le passé, en ce qui concerne la différence opérée dans le cadre de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d'un corps de Police grand-ducale, qui aurait prévu une prime de régime militaire de 15 points indiciaires alloués aux policiers du cadre supérieur, contrairement à la prime de régime militaire de 35 points indiciaires alloués aux inspecteurs et brigadiers de police, alors que cette différence de traitement aurait été justifiée par le fait que, pour les policiers du cadre supérieur, les deux primes s’élevant à 42 points indiciaires auraient déjà été intégrées dans le tableau barémique des grades P8 à P14.

Or, aucune justification n'existerait en ce qui concerne la différence de traitement entre les policiers du groupe de traitement C1 et ceux du groupe de traitement B1, alors qu’au contraire, à même hiérarchie des fonctions, même travail, mêmes sujétions, astreintes, permanences et nécessaires disponibilités, il aurait dès lors été parfaitement cohérent d'attribuer également aux policiers du groupe de traitement B1 le même nombre de points indiciaires en ce qui concerne les primes d'astreinte et de régime militaire que pour le groupe C1. Par ailleurs, le rattachement des policiers du groupe de traitement B1 aux policiers des groupes de traitement Al et A2 en ce qui concerne les primes d'astreinte et de régime militaire n'aurait pas non plus de justification, alors que non seulement les missions et responsabilités des policiers du groupe de traitement B1 seraient différentes par rapport à celles des policiers des groupes de traitement Al et A2, mais encore ces deux catégories d’agent évolueraient dans une autre hiérarchie.

Une telle justification ne saurait pas non plus résider dans le fait que les perspectives de carrière dans le groupe de traitement B1 seraient beaucoup plus élevées que dans le groupe de traitement C1, alors que les grades et points indiciaires appliqués aux policiers des 5différents groupes de traitement n'auraient aucune incidence sur l'allocation ou non de la prime d'astreinte et de la prime de régime militaire.

De même, le choix politique ou l’approbation des dispositions légales litigieuses par un syndicat professionnel ne pourrait pas non plus justifier la différence de traitement.

Il en irait de même du fait que le Conseil d'Etat, lors du processus législatif, n'ait pas explicitement mis en question la constitutionnalité des primes d'astreinte et de régime militaire divergentes appliquées aux policiers du groupe de traitement C1 et B1, circonstance qui ne pourrait pas court-circuiter le contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Au regard de toutes ces considérations, la partie demanderesse demande à se voir, par réformation, appliquer, dans le cadre des bulletins de rémunération litigieux, une prime d'astreinte de 22 points indiciaires ainsi qu’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce dernier moyen en soutenant que la solution de l’arrêt précité du 30 juin 2023 de la Cour constitutionnelle s’imposerait au tribunal et devrait aboutir à déclarer non-fondé le recours sous examen dont le seul volet non encore toisé serait celui des primes litigieuses. Il s’oppose encore aux nouvelles questions préjudicielles qui se baseraient sur de nouveaux moyens non admissibles au stade actuel de la procédure.

A titre liminaire, force est effectivement au tribunal de rappeler que le seul volet non encore toisé du recours en réformation dirigé contre les bulletins de traitement déférés concerne la demande de la partie demanderesse de se faire allouer les mêmes primes d’astreinte et de régime militaire que les agents du groupe de traitement C1, au motif que la fixation, par les articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015, de primes d’un montant moindre pour les agents du groupe de traitement B1 proviendrait d’une discrimination non justifiée par rapport à ces premiers, en violation de l’ancien article 10bis, actuellement de l’article 15, paragraphe (1), de la Constitution.

Tel que l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement, l'article 15 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, dénommée ci-

après « la loi du 27 juillet 1997 », dispose que « la juridiction qui a posé la question préjudicielle ainsi que toutes les autres juridictions à statuer dans la même affaire, sont tenues, pour la solution du litige dont elles sont saisies, de se conformer à l'arrêt rendu par la Cour. », de sorte que le tribunal est lié par le constat de la Cour constitutionnelle, dans son arrêt précité du 30 juin 2023, selon lequel les fonctionnaires de différents groupes de traitement, tels qu’en l’espèce les agents de la police grand-ducale du groupe de traitement B1 et ceux du groupe de traitement C1, ne se trouvent ni dans une situation identique, ni dans des situations comparables en ce qui concerne leur traitement.

Ainsi, tel qu’il ressort de l’arrêt précité du 30 juin 2023, « En l’absence d’une situation comparable entre les différents fonctionnaires bénéficiant respectivement de la prime d’astreinte et de la prime de régime militaire d’un groupe de traitement à un autre, une violation de l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution n’est pas établie en relation avec les deux questions préjudicielles posées. ».

6Il s’ensuit que le moyen tenant à l’inconstitutionnalité des articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015 laisse d’être fondé et la demande afférente doit partant être rejetée, sans que la partie demanderesse puisse remettre en cause cette conclusion par de nouvelles considérations, lesquelles sont à rejeter pour ne pas être concluantes.

Il en va de même des nouvelles questions préjudicielles présentées dans le cadre du mémoire supplémentaire de la partie demanderesse, lesquelles, au-delà du fait qu’elles excèdent manifestement le champ délimité des mémoires supplémentaires ordonnés dans le seul but de permettre aux parties de prendre position par rapport à l’arrêt précité du 30 juin 2023 de la Cour constitutionnelle, sont à écarter en application de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, d’un côté, pour ne pas être nécessaire pour la solution du litige en ce qui concerne la question de la différence de traitement de base, question étrangère au présent litige, et, de l’autre côté, pour déjà avoir fait l’objet d’une réponse par la Cour constitutionnelle, en ce qui concerne la différence du montant des primes.

Il suit partant de ces considérations, ensemble celles du jugement interlocutoire précité du 31 janvier 2023, que le recours en réformation dirigé contre les bulletins de traitement déférés est à rejeter dans son ensemble.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de débouter la partie demanderesse de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500,- euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2023, inscrit sous le n° 44307 du rôle ;

au fond, déclare non justifié pour le surplus le recours principal en réformation des bulletins de rémunération des mois d’octobre 2019 à mars 2020 et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que sollicitée par la partie demanderesse ;

met les frais et dépens de l’instance à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 novembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 44307a
Date de la décision : 14/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-11-14;44307a ?

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