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31/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49600

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 octobre 2023, 49600


Tribunal administratif Numéro 49600 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49600 3e chambre Inscrit le 23 octobre 2023 Audience publique du 31 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49600 du rôle et déposée le 23 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître EdÃ

©vi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 49600 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49600 3e chambre Inscrit le 23 octobre 2023 Audience publique du 31 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49600 du rôle et déposée le 23 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 septembre 2023 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Amadou NDIAYE, en remplacement de Maître Edévi AMEGANDJI et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Il ressort du dossier administratif et plus particulièrement d’un acte d’écrou du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 29 mai 2021, que Monsieur … fut condamné, en date du 19 mars 2020, à une peine d’emprisonnement de 18 mois, assortie d’un sursis de 15 mois, pour des infractions à la loi sur les stupéfiants.

Il en ressort encore qu’en date du 10 juin 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités hongroises en vue de la réadmission de Monsieur … en vertu des dispositions de l’accord entre le Gouvernement de la République de Hongrie et les Gouvernements des Etats du Benelux relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier du 23 janvier 2002, demande à laquelle fut jointe une copie du titre de séjour hongrois du concerné.

Par arrêté du 18 juin 2021, notifié à Monsieur … le même jour, le ministre constata le séjour irrégulier de celui-ci au Luxembourg et lui ordonna de quitter le territoire dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg et ce à destination de la Hongrie.

1Suivant un relevé journalier du Centre pénitentiaire du 21 juin 2021, Monsieur … fut libéré à cette même date.

Le 6 juillet 2021, les autorités hongroises rejetèrent la demande de réadmission de Monsieur … leur adressée par leurs homologues luxembourgeois le 10 juin 2021, au motif que le titre de séjour de ce dernier aurait été révoqué.

En date du 13 décembre 2021, Monsieur … fit l’objet d’un signalement national aux fins de découvrir sa résidence, et, en cas d’interception, en vue d’un placement en rétention.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Région …, Commissariat …, portant la référence …, du 29 août 2023, qu’en date du même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il présenta une attestation de demande d’asile française valable jusqu’au 28 septembre 2023, ainsi que son passeport nigérian valable, quant à lui, jusqu’au 22 juillet 2025.

Par courrier électronique du 29 août 2023, l’agent en charge du dossier au sein de la direction de l’Immigration contacta les autorités françaises afin de s’enquérir sur la situation administrative de Monsieur ….

Par courrier électronique du même jour, les autorités françaises informèrent leurs homologues luxembourgeois que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en France, laquelle aurait été refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision qui aurait encore été confirmée par la Cour nationale du droit d’asile.

Par arrêté du 29 août 2023, notifié au concerné à cette même date, le ministre rapporta sa décision prémentionnée du 18 juin 2021 et prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur …, décision qui fut encore assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans.

Par décision séparée du même jour, également notifiée à cette même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, ladite décision étant fondée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°… du 29 août 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 29 août 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

2Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».

Le 30 août 2023, le ministre pria le bureau signalétique de la police grand-ducale de biffer le signalement national du demandeur et le même jour, le ministre s’adressa encore à la police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, en la priant d'organiser le départ de l'intéressé.

En date du 1er septembre 2023, les autorités ministérielles luxembourgeoises demandèrent au service de police judiciaire de leur transmettre des empreintes digitales du demandeur ainsi que sa photo.

Le 14 septembre 2023, l'agent en charge du dossier auprès de la direction de l'Immigration relança le service de police judiciaire.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 2023, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 29 août 2023, recours qui fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 3 octobre 2023, n°49476 du rôle.

Il ressort d’une note au dossier que le rapatriement du demandeur est prévu pour le 21 novembre 2023, par le biais d’un vol charter vers le Nigéria, organisé par Frontex, le concerné ayant encore fait l’objet, le 2 octobre 2023, d’une évaluation des risques liés à un rapatriement par vols commerciaux par l’Unité de Garde et de Transfert de la police grand-

ducale, évaluation de laquelle il résulte qu’un rapatriement du demandeur par vol commercial serait voué à l’échec et pourrait, compte tenu de son comportement, présenter un risque pour les escorteurs et les autres passagers.

Par arrêté du 27 septembre 2023, notifié au concerné le 29 septembre 2023, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à partir de sa notification. Ledit arrêté est fondé sur la motivation suivante :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 29 août 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base la mesure de placement du 29 août 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l'éloignement ont été engagées ;

Considérant que l'éloignement de l’intéressé vers le Nigéria est prévu pour le 21 novembre 2023 ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 octobre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 27 septembre 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

3Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Tel que relevé à l’audience des plaidoiries, il se dégage des documents soumis au tribunal que l’arrêté ministériel déféré du 27 septembre 2023 a été notifié le 29 septembre 2023 à l’intéressé. Il s’ensuit que la mesure de placement en rétention administrative déférée n’est plus en vigueur à ce jour, de sorte que le tribunal n’est plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la réformation de la décision déférée. Le contrôle du tribunal ne peut donc désormais plus que porter sur les moyens de légalité invoqués dans le cadre du recours en réformation, étant relevé que le litismandataire du demandeur a confirmé vouloir maintenir son recours dans la limite des moyens de légalité invoqués.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours principal en réformation est recevable dans la limite des moyens de légalité invoqués et devient sans objet pour le surplus.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut à l’illégalité de la décision de prorogation de placement en rétention litigieuse en soutenant que les démarches entreprises par le ministre pour organiser son éloignement n’auraient pas été effectuées avec la diligence requise et ce compte tenu du « manque de cohérence procédurale », le demandeur mettant, dans ce contexte en avant qu’il aurait des « liens avec la Hongrie et la France » alors qu’il y aurait obtenu un titre de séjour, respectivement y aurait déposé une demande de protection internationale.

En ce qui concerne ses « liens » avec la Hongrie, le demandeur, tout en admettant que les autorités hongroises auraient d’ores et déjà refusé une demande de reprise en charge leur adressée dans le cadre d’une procédure de transfert dont il aurait fait l’objet en 2021, fait valoir qu'il « importait au ministre de procéder, par élimination, à [s]a reprise […] par ces différents pays, avant toute prise de décision d'éloignement par le Luxembourg ». Se référant à l'article 3 de l'Accord entre le Gouvernement de la République de Hongrie et les Gouvernements des Etats du Benelux relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier du 23 janvier 2002, le demandeur est ainsi d’avis que le ministre aurait dû engager une nouvelle procédure afin de l'éloigner vers la Hongrie.

Quant aux « liens » qu’il affirme avoir avec la France, le demandeur met en exergue qu'à la date de son placement au Centre de rétention, son attestation de demande de protection internationale établie par autorités françaises aurait été valable, de sorte qu’il aurait appartenu au ministre de contacter les autorités françaises, le demandeur reprochant plus particulièrement au ministre de ne pas avoir engagé une procédure de transfert en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Dans ce même contexte, il soutient que la demande d'information envoyée en date du 29 août 2023 aux autorités françaises par les autorités luxembourgeoises ne répondrait pas aux normes d'une demande officielle de reprise en charge, tout en affirmant que la réponse y 4relative ne comporterait pas de détails en ce qui concerne le sort réservé à sa demande de protection internationale.

Dans un deuxième temps, le demandeur conclut à l’illégalité de la décision ministérielle litigieuse en soutenant que les démarches entreprises en vue de son éloignement manqueraient de célérité. A cet égard, il donne à considérer qu’il serait placé au Centre de rétention depuis le 29 août 2023 et que ce placement perdurera jusqu’au 21 novembre 2023, date à laquelle son éloignement serait prévu et ce « au grand dam du mépris de la demande de reprise aux autorités françaises ». Il estime qu’il ne ressortirait pas des éléments figurant dans son dossier administratif que toutes les démarches nécessaires en vue d’un éloignement rapide auraient été entreprises, tout en reprochant encore au ministre de ne pas avoir pris en compte sa situation administrative en France et de ne pas avoir soumis la question de son éloignement aux autorités françaises. Au vu des « décisions inappropriées » prises par le ministre, dont celle de le faire éloigner par un vol charter, le traitement de son dossier aurait été allongé inexorablement.

Il en conclut que la décision ministérielle litigieuse devrait encourir l’annulation dans le cadre de la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Il échet de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque 5l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

En l’espèce, force est de constater que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans en date du 29 août 2023, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse et qui bénéficie de la présomption de régularité des décisions administratives.

Si le demandeur semble certes remettre en cause la légalité de ladite décision de retour en arguant en substance qu’il devrait être éloigné non pas vers le Nigeria, mais vers la Hongrie, voire vers la France, respectivement que son éloignement relèverait de la compétence d’un de ces deux Etats membres, ces développements manquent toutefois de pertinence dans le cadre de la présente instance, ces mêmes développements ayant en effet exclusivement trait à la validité de la déclaration ministérielle de l’illégalité de son séjour et non pas à la validité intrinsèque de l’arrêté de placement en rétention.

Il échet à cet égard de rappeler que la décision de placement en rétention, respectivement de prorogation d’un placement en rétention, est à considérer comme une décision distincte de celle constatant le séjour illégal d’une personne et lui enjoignant de quitter le territoire et ce, alors même que la décision de placement en rétention est basée sur la décision de retour en ce que la prise de cette dernière constitue l’un des cas d’ouverture pour la prise d’une mesure de placement en rétention. Il s’ensuit que la légalité d’une décision constatant le séjour illégal d’une personne et lui enjoignant de quitter le territoire 1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

6national ne saurait être examinée dans le cadre d’un recours dirigé, conformément à l’article 123 de la loi du 29 août 2008, contre la seule décision de placement en rétention2.

A titre superfétatoire et dans un souci d’exhaustivité il convient encore de relever, en ce qui concerne l’invocation non autrement circonstanciée par le demandeur de l’article 3 de l’Accord entre le Gouvernement de la République d’Hongrie et les Gouvernements des Etats Benelux3, celle-ci est également à rejeter alors que ledit article n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce, le demandeur ne rentrant dans aucune des catégories y visées au vu du retrait de son titre de séjour hongrois.

Toujours à titre superfétatoire, et en ce qui concerne les développements du demandeur qu’il aurait dû faire l’objet d’un transfert Dublin vers la France, il y a encore lieu de souligner que dans la mesure où l’article 24, paragraphe (4) du règlement Dublin III dispose que : « Lorsqu'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point d), du présent règlement dont la demande de protection internationale a été rejetée par une décision définitive dans un État membre, se trouve sur le territoire d'un autre État membre sans titre de séjour, ce dernier État membre peut soit requérir le premier État membre aux fins de 2 Cour adm. 23 février 2017, n°39118C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

3 « (1) Chaque Partie contractante réadmet sur le territoire de son Etat à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, les ressortissants d'un Etat tiers et les apatrides (ci-après dénommés:

ressortissants d’Etats tiers) qui ne répondent pas ou ne répondent plus aux conditions nationales d'entrée et de séjour sur le territoire de l'Etat de la Partie contractante requérante, lorsqu'il peut être prouvé ou valablement présumé que ces ressortissants d'un Etat tiers, juste avant leur entrée sur le territoire de la Partie contractante requérante, ont séjourné régulièrement sur le territoire de la Partie contractante requise. (2) Chaque Partie contractante réadmet à la demande de l'autre Partie contractante les ressortissants d'un Etats tiers qui séjournent irrégulièrement sur le territoire de l'Etat de la Partie contractante requérante et possèdent un titre de séjour en cour de validité délivré par les autorités compétentes de la Partie contractante requise. (3) Les Parties contractantes s'efforcent, en priorité, de reconduire directement dans leur pays d'origine les ressortissants visés par le paragraphe (1) ci-dessus. (4) L'obligation de réadmission visée au paragraphe (1) ci-

dessus n'est pas applicable au ressortissant d'un Etat tiers: a) qui, lors de son entrée sur le territoire de l'Etat de la Partie contractante requérante était en possession d'un visa en cours de validité, délivré par l'autorité compétente de la Partie contractante requérante ou qui, après son entrée, s'est vu délivrer un tel visa ou un titre de séjour par l'autorité compétente de la Partie contractante requérante; b) dont la réadmission n'a pas été demandée par les autorités compétentes de la Partie contractante requérante dans un délai de douze (12) mois à compter de l'entrée irrégulière ou qui a quitté, depuis un (1) an, le territoire de l'Etat de la Partie contractante requise; c) à l'encontre duquel des mesures d'expulsion ou de reconduite ont été prises par la Partie contractante requise, à condition qu'il peut être prouvé qu'il o quitté le territoire de la Partie contractante requise vers un Etat tiers; 4 d) auquel la Partie contractante requérante a reconnu le statut de réfugié en application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, telle que modifiée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967 ou qui a soumis une telle demande qui n'a pas encore fait l'objet de décision de la part de la Partie contractante requérante. (5) Les dispositions du paragraphe (1) ci-dessus ne sont pas applicables lorsque la Partie contractante requérante applique un régime d'entrée sans visa à l'égard de l'Etat tiers dont la personne concernée est ressortissant. (6) Chaque Partie contractante réadmet, après préavis, les ressortissants d'un Etat tiers dont la réadmission est demandée par la Partie contractante requérante dans le plus bref délai à compter de leur entrée irrégulière sur le territoire de son Etat si ces ressortissants possèdent un visa en cours de validité de la Partie contractante requise ou un titre de séjour en cours de validité délivré par la Partie contractante requise. (7) Si les deux Parties contractantes ont délivré un visa ou un titre de séjour, l'obligation de réadmission incombe à celle dont le visa ou le titre de séjour expire en dernier lieu. (8) Les dispositions des paragraphes (6) et (7) ci-dessus ne sont pas applicables à la délivrance d'un visa de transit. (9) A condition que la Partie contractante requise le demande dans un délai de trente (30) jours à compter de la réadmission, la Partie contractante requérante réadmet aux mêmes conditions les personnes, dont une vérification ultérieure effectuée par la Partie contractante requise, révèle qu'elles ne répondaient pas, au moment de leur départ du territoire de l'Etat de la Partie contractante requérante, aux conditions de l'obligation de réadmission fixées par les paragraphes (1), (2), (6) et (7) ci-

dessus. ».

7reprise en charge de la personne concernée soit engager une procédure de retour conformément à la directive 2008/115/CE. », le ministre est, en vertu du droit européen, en droit de privilégier l’éloignement du demandeur plutôt que de procéder à un transfert en application du règlement Dublin III4. Il s’ensuit que lesdits développements sont à rejeter pour être dénués de tout fondement.

De même, il y lieu de rejeter les développements du demandeur en ce qui concerne la demande de renseignement relative au sort de sa demande de protection internationale introduite en France, telle qu’adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités françaises, le demandeur affirmant en substance que celle-ci ne correspondrait pas aux normes d'une demande officielle de reprise en charge telle que prévue par le règlement Dublin III, ces développements manquant en effet, au vu des conclusions qui précèdent, de pertinence.

Au-delà de ces conclusions, il échet de constater que le demandeur ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail. Il s’ensuit que le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur en vertu de l’article de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».

Il s’ensuit que le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, le placer en rétention afin d’organiser son éloignement et que le moyen basé sur un prétendu « manque de cohérence procédural », encourt le rejet pour ne pas être fondé.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal relève, d’abord, que dans le cadre de son jugement prémentionné du 3 octobre 2023, il a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à cette date devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis lors, force est de constater qu’il ressort tant des pièces figurant au dossier administratif que des explications circonstanciées de la partie étatique, que l'éloignement du demandeur, initialement prévu pour le 21 novembre 2023, a été avancé. Il résulte en effet d’une note au dossier du 17 octobre 2023, que l’éloignement du demandeur vers le Nigeria est actuellement prévu pour le 7 novembre 2023. Il ressort par ailleurs du dossier administratif et plus particulièrement d’un courrier du ministre adressé à l’Ambassade de la République du Nigéria du 18 octobre 2023, que les autorités nigérianes ont dûment été informées du rapatriement du demandeur vers le Nigeria pour le 7 novembre 2023.

Eu égard à ces éléments, le tribunal est amené à retenir qu’au moment où il statue, le dispositif d’éloignement est en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire pour procéder dans les meilleurs délais à l’éloignement de l’intéressé du territoire, de sorte que la mesure de prorogation de placement n’est pas sujette à critique dans ce contexte.

4 Trib. adm., 4 octobre 2023, n° 49475 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

8Cette conclusion n’est pas énervée par les affirmations du demandeur selon lesquelles les démarches des autorités luxembourgeoises auraient dû être centrées sur la France, alors que ces affirmations manquent, tel que relevé ci-avant, de pertinence pour avoir trait à la légalité de la décision de retour prise par le ministre à l’égard du demandeur, décision dans le cadre de laquelle il a été ordonné au demandeur de quitter le territoire sans délai à destination du Nigéria, et qui ne fait pas l’objet du présent recours et bénéficie, en outre d’une présomption de légalité.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, la légalité et le bien-fondé de la décision déférée ne portent pas à critique.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 octobre 2023 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Daniel Weber, vice-président, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49600
Date de la décision : 31/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-31;49600 ?

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